Le Pérou vert : plantes, médecines naturelles, plats végétariens

Dans le Pérou rural la guérison par les plantes reste populaire et face à la montée des maladies dues aux abus de gras et de sucre, les restaurants végétariens ne désemplissent pas.

Systématiquement dans les longs trajets de bus grimpe un représentant en médecine naturelle. Il propose des petits flacons d’extraits de plantes mélangées pour la tension, les reins, la fatigue… Et il vend bien. C’est qu’auparavant il délivre à l’assemblée un long discours sur les bienfaits d’une alimentation saine et ses compléments naturels. En général, je n’écoute que d’une oreille en bonne occidentale convertie aux pharmacopées, mais l’autre jour une de ses réflexions a attiré mon attention. « Au Pérou aujourd’hui dans la rue il n’y a plus que des « pollerias » (restaurants où l’on vend poulet frit, sauces, frites et boisson gazeuse) et des « farmacias ». »

La façon dont se nourrissent les péruviens a beaucoup changé et, parmi les restaurants populaires, la friture est reine : poulet frit, poisson frit, chicharrones (la chair de la viande ou du poisson coupé en petits morceaux et frit), riz frit des restaurants asiatiques, foie frit, beignets… et j’en oublie. A côté de ça comme le gras donne soif on arrose le tout d’une boisson gazeuse. Ici la « gaseosa » est une manière de célébrer ou de remercier : si vous voulez que la réparation de votre voiture avance plus vite, ne pas oublier d’amener une bouteille de 3litres pour le mécano et ses aides.

Bilan des courses : surpoids, maladies du cœur, du foie, diabète… Les plus pauvres qui vivent de ce que leur donne le maraîchage, de riz et haricots secs ne sont pas concernés. Mais, au fur et à mesure, qu’une classe moyenne se dessine, les problèmes de poids et l’alimentation plus saine sont devenus ici un sujet récurrent.

La contre-attaque puise dans les racines du Pérou, dans sa terre et ses traditions. Ici, il pousse de tout. Dans la Selva (la jungle) on trouve l’éventail de fruits exotiques. Dans la Sierra (la montagne) une collection de pommes de terres et tous les légumes. Sur la Côte fruits et légumes spécifiques à ces terres sablonneuses. Et autant d’herbes et aromates. La connaissance des plantes se perpétue de mère en fille. Le maté, une infusion à base de plantes, est le premier remède. Vertiges, maux de cœur : maté de coca. Maux d’estomac : maté d’anis. Nourriture lourde : maté de manzanilla ou d’origan. Mais quand le problème est plus sérieux ou récurrent, l’automédication est reine : même sans ordonnances, on peut se procurer des molécules fortes ou une piqûre pour vous remettre d’aplomb à la pharmacie du coin.

L’alternative ? La médecine douce et préventive. Chaque matin se postent aux coins des rues les vendeurs de « emoliente » ou extraits de plantes : una de gato, sabila, chola de caballo, amargon. Sur leurs petits chariots est disposé une série de bocaux qui inventorient les plantes et leurs bienfaits. La gorge qui gratte ? Jus d’orange, miel pur et alfalfa. En général, le vendeur connaît ses clients, puise un peu dans chaque bocal et leur sert leur remède tiède. Une tradition populaire des anciens mais que les nouvelles générations ou classes huppées des villes délaissent.

Autre option à long-terme et plus tendance, le restaurant végétarien. En France c’est souvent plus cher. Ici c’est l’inverse: la viande est beaucoup plus coûteuse que les fruits et légumes qu’on trouve à foison. Le soja, la quinoa, la avena, la machica, le kiwicha, la maca… toutes les céréales qui mêlent fibres et protéines abondent. Pour 3 soles, moins d’1 euro, on vous sert une soupe de blé et légumes et un « segundo » (plat de résistance) où se mêlent riz, crème d’épinards ou de courges, haricots secs. Le tout servi avec un maté tiède et sans sucre ou un lait de soja. Une nourriture moins chère que la « polleria » ou la chifa (restaurants asiatiques), plus saine et parfois avec des vertus cachées : la Maca  a connu son heure de gloire comme « viagra des Andes ».

Dans la Selva, les villes de la jungle, le végétarien a encore du chemin à faire, mais le jus de fruits frais, lui, est quotidien. Dans la Sierra, les villes de montagnes, les quelques restaurants végétariens aperçus ne désemplissent pas. Sur les murs des posters dédiés à la bonne nutrition. A table, des familles appliquées, des consommateurs de gras repentis, des ouvriers secs. Quand j’ai demandé à l’un d’entre eux ce qu’il pensait de mon petit vendeur du bus, il a approuvé: «  je déjeune tous les jours ici, je vais une fois par semaine à la « polleria », mais jamais à la « farmacia ».

Et puisqu’il ne fait pas mystère que je vis quasiment dans un hôpital en ce moment, petit extrait d’une conversation entre l’homme d’entretien et mon patient. « Si tu veux que ta cicatrice se referme vite et passe inaperçu applique quotidiennement de la graisse de couleuvre. » L’interne présent n’a pas moufté : médecine chimique et traditionnelle réconciliées. Ça tombe bien, dans la Selva, des couleuvres il y en a quelques unes. Reste plus qu’à les attraper.

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Auteur·e

bittnerchristelle

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