Téléphonie mobile : Un monde à portée de main

« Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité » Neil Armstrong

Apparu en 2003 aux Comores indépendantes, le téléphone portable est devenu de nos jours un phénomène de société. La communication orale et gestuelle dans cette partie du monde où l’oralité prédomine, la loquacité de la population et le besoin de la présence acoustique de l’allocateur ont assurément beaucoup contribué à l’apogée de ce moyen de communication.

Les faits que beaucoup de Comoriens ont émigré à l’étranger et ont incontestablement besoin de rester en contact avec leurs proches restés au pays n’est pas en reste. En effet, la majorité des Comoriens s’est tournée vers la téléphonie mobile parce qu’auparavant l’Etat des Comores, faute de moyens, et surtout à cause des mouvements séparatistes à répétition, avait du mal à étendre les lignes de téléphone fixe sur l’ensemble du territoire.  Etant donné qu’aujourd’hui la couverture nationale du téléphone fixe se situe à 86 %, on voit que beaucoup de Comoriens préfèrent appeler d’un publiphone ou d’un téléphone fixe plutôt qu’à partir d’un mobile. Cela-dit, le Comorien s’intéresse beaucoup plus au gadget (jeux, appareil photo, enregistreur vidéo, lecteur audio) qu’au téléphone. Signe extérieur de richesse, la téléphonie mobile reste le socle de l’économie comorienne mais en même temps la première source d’appauvrissement du Comorien. Ici le Produit Intérieur Brut et l’Indicateur de Développement Humain feront sûrement la guerre dans la tête de tout économiste. Comores Télécom, la société des télécommunications comorienne, affiliée à la société française ALCATEL, étant un des premiers partenaires financiers de l’Etat (ou tout simplement sa vache à lait) fournit un service de mauvaise qualité (problème de réseau incessant) au prix le plus exorbitant de toute la région sud-ouest de l’Océan Indien.

Huri (du français liberté) est le nom du service qui gère la téléphonie mobile au sein de Comores Télécom. Il a été créé en 2003. Certains adeptes du téléphone arabe affirment que c’était la première dame de l’époque qui a été à l’origine du projet, ou du business pour être plus précis. Ceux-là même qui disent en coulisse que le business a été à tel point juteux qu’il a hissé cette première dame au rang de la troisième femme la plus riche d’Afrique. Néanmoins, à l’époque, le prix de l’appareil téléphonique et de la puce était astronomique : 75 000 francs comoriens (150 euros). Et ce Nokia 2270 n’était en vente que dans les boutiques de Comores Télécom. Surtout, imaginez le prix de la recharge : pas moins de 5000 francs comoriens (10 euros). Et pendant que certains intellectuels trouvaient que ce prix était exagéré, celui-ci était  au-dessus des moyens des 85 % de paysans comoriens. Les portables se vendaient comme des petits pains. Les soutiens familiaux se trouvant à l’étranger, en France et à Mayotte surtout, avaient envoyé l’argent puisqu’ils voyaient dans l’acquisition de ce  mobile le moyen de rester en contact permanent avec leur famille. Soit dit en passant,  par le passé, pour communiquer de vive voix avec un parent vivant à l’étranger il fallait soit parcourir des kilomètres pour aller téléphoner en ville pour ceux qui vivaient en brousse, soit enregistrer les conversations sur une cassette radio et la confier à une personne qui se rendait au lieu où se trouvait le parent, ou encore communiquer avec le parent par BLU (Bande latérale unique), moyen de communication utilisé surtout pour les liaisons de téléphonie HF, dans le domaine maritime et militaire. Les BLU servaient aussi d’agence de transfert d’argent.

Et dans beaucoup de villages où le téléphone fixe était inexistant, ceux qui avaient pu acquérir le étaient les borgnes parmi les aveugles. Ils étaient sous les projecteurs, excitaient la curiosité de tous. Et comme ces nouvelles personnalités villageoises étaient sollicitées aux quatre vents, il leur a fallu manifester un don d’ubiquité. Certains étaient partout en même temps, car rendre service à tout le monde leur permettait de changer de statut social. Comme ce petit pickpocket de Tsembehou qui était devenu le tombeur de toutes ces femmes… En effet, peu était ceux qui ne faisaient pas payer leur service en nature ou en argent.

Aujourd’hui Comores Télécom n’a plus le monopole des mobiles, mais reste que la puce téléphonique coûte les yeux de la tête : 7500 fc (15 euros). Ce n’est toujours pas donné… Et le comble : le client doit recharger son téléphone chaque 8 ème jour à compter du jour du rechargement sous peine de sanction. Certains chefs de ménage se trouvent souvent devant un dilemme : recharger le cellulaire ou acheter le kilo de riz quotidien. Il y en a qui préfère rester en contact avec le reste du monde. Signe extérieur de richesse, certaines personnes remuent ciel et terre pour acquérir un téléphone sophistiqué, les mobiles à écran tactile surtout. Le téléphone portable contribue beaucoup à la montée de la pédophilie et autres déviances comme le vol à la tire et la prostitution. Ici on ne peut parler d’addiction, mais d’ostentation, de cette culture du paraître amenée par une modernité mal gérée par de nombreux Comoriens. Certains dirigeants incapables de faire la différence entre développement (bien-être social, mental et physique) et modernité (évolution technologique) demeurent indifférents devant ce fléau. Il est à rappeler que des gens habitant dans des villages où il n’y a toujours pas d’électricité, comme à Bagwoi Kuni à la Grande-Comore, sont obligés de faire 25 kilomètres pour charger les batteries de leur mobile. Et dans nombreuses régions de l’archipel, la couverture réseau laisse à désirer.

En 2007, pour neutraliser le pouvoir du colonel-président de l’île d’Anjouan, Mohamed Bacar, le pouvoir central avait bloqué  toutes les puces de ses partisans. En guise de représailles, le pouvoir Bacar avait saccagé toutes les centrales téléphoniques numériques de l’île, les Anjouanais ne sachant plus à quel saint se vouer, tant ils s’étaient habitués au téléphone mobile. Beaucoup se sont détournés de Bacar à cause du saccage. Sa côte de popularité avait carrément dégringolé. Et au même moment, à Moroni Comores Télécom avait perdu des millions de francs comoriens.

Toutefois, le téléphone mobile est une arme à double tranchant. Il a aussi ses bons côtés. Il permet aujourd’hui aux Comoriens, surtout avec l’arrivée du haut débit, d’être maître de l’espace et du temps. Désormais le Comorien a  le monde à portée de main. Dommage que la téléphonie mobile et la bande passante restent un luxe pour lui. Certains croient que l’arrivée d’une autre société de téléphonie mobile fera baisser les prix. A vrai dire, dans un pays pauvre et peu peuplé comme les Comores, la concurrence entre plusieurs sociétés n’aura que des méfaits néfastes ; puisque la faillite d’une société comme Comores Télécom ne fera qu’accroître le nombre actuel du chômage qui est déjà important.

Apparue dans les années 1990 aux Etats-Unis, puis en Europe, la téléphonie mobile a comme fonction d’usage la communication vocale et l’envoi de messages succincts appelés SMS, du moins aux Comores, où l’envoi d’images, de photographies, de sons et de vidéos (MMS) ainsi que la navigation sur internet ne sont pas encore fonctionnels. Toutefois, les jeunes peuvent s’envoyer des fichiers audio et vidéo par Bluetooth. D’ailleurs, récemment au lycée de Sada à Mayotte, des jeunes lycéens avaient filmé leurs ébats sexuels  et fait diffuser la vidéo sur toute l’île. Affaire à suivre !!!

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Auteur·e

elqibla

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