Canon Stars aile Bangui: Abi Ngomatéké veut «ressusciter » la musique centrafricaine

Jusque dans les années 2000 les orchestres se comptaient encore sur les bouts des doigts en Centrafrique. Aujourd’hui tous les quartiers de Bangui ou presque disposent d’un orchestre : Lakouanga Musika, Sapéké Musica, 92 Musica etc. Mais pour Abi Ngomatéké l’un des pionniers de cette musique centrafricaine qui, il faut le reconnaitre n’arrive pas à s’imposer sur la scène internationale il n’ya pas de professionnalisme en la matière dans le pays. Et pour remédier à cet état de chose, il lance officiellement Canon Star aile Bangui le 31 Décembre 2010 avec l’aide de musiciens recrutés en Republique Democratique du Congo. Propos recueillis par Johnny Vianney Bissakonou dans chronique culture sur radio Ndèkè-luka.

JVB : Bonjour Abi Ngomatéké, vous êtes le leader de l’orchestre Canon star, dites nous quand et comment vous avez commencé la musique et dans quel orchestre ?

Abi : Oh ça c’est une longue histoire,  j’ai commencé la musique depuis 1976 avec l’orchestre zo kouè zo, j’étais encore très jeune et après je suis parti de zo kouè zo pour Makembé en 1980, c’était eux qui m’ont sollicité et je n’étais pas seul, j’étais avec mes amis Naïmo, Laskin etc. qui étions partis de zo kouè zo pour intégrer le grand  Makembé. Et après ça, bon on a eu un petit souci, l’un de nos musiciens, Bovick Gazouléma, c’était le plus vieux parmi nous a eu des petits soucis avec les responsables de Makémbé et on l’a viré du groupe, et nous les jeunes on s’est dit  mais non comment ça se fait qu’on peut virer un Bovick Gazouléma qui assurait vraiment dans le groupe , ça veut dire que demain ça peut être  notre tour. Et c’est de là que moi-même j’ai décidé de motiver les autres pour qu’on puisse partir et aller former Canon stars. Donc nous sommes partis voir Thierry Darlan la même nuit qu’on a viré Bovick et vous savez dans le temps, y’avait des rivalités entre les groupes et pour Thierry Darlan c’était une occasion aussi de casser Makémbé donc il nous a donné des instruments pour nos répétitions et puis voilà comment Canon star est né.

JVB : A l’heure où nous parlons il y’a deux Canons Stars ?

Abi : Oui il y’a actuellement deux canons comme vous l’avez dit, le vieux Canon, les grands, ils sont tous en France, maintenant moi je fais mes petites affaires ici, je suis tantôt là-bas, tantôt ici, j’ai vu qu’il manque beaucoup de chose, parce qu’il faut dire la vérité, nos jeunes actuellement ils n’ont plus de repaires, ça c’est clair et net. Il nous manque vraiment des instrumentistes, des musiciens professionnels ici, parce qu’ils sont tous partis ! Ça c’est une vérité.  Maintenant quand je suis venu j’ai vu que heu…Avec tout ce qui se passe, j’ai essayé de mettre en place un Canon de Bangui pour les aider, parce qu’avec le peu que je connais, je peux leur apporter aussi beaucoup. C’est pour ça, mais. Les musiciens qui jouent c’est des musiciens qui vont jouer dans des églises et ils se disent finalement musiciens. Vous savez la musique il vous faut un minimum de connaissances. Vous prenez les chansons que vous jouez, commencez entre les années 80 ans vous allez voir, la différence entre ce qui se passait et ce qui se joue aujourd’hui. Moi je peux dire que c’est un problème de génération. La génération d’aujourd’hui peut accepter cette musique là, mais ça va nous amener où ? C’est cela le vrai problème, et c’est pourquoi je me suis dit avec Canon, nous allons essayer de ramener un peu ce qui se passait avant mais je vous assure que y’a du souci, au niveau des instrumentistes, au niveau des chanteurs. Je suis obligé de faire venir des musiciens du Congo Kinshassa, j’ai ramené un soliste, un clavier, 3 danseuses, je suis obligé actuellement de ramener encore un bassiste et un batteur parce que je vous dis que y’a du souci ici, c’est ce que les gens ne voient pas.

JVB : Plutôt que de faire venir des compétences de l’extérieur, pourquoi ne pas songer à former les jeunes musiciens qui sont sur place au pays ?

ABI: Je pense que ce n’est pas mon travail…, parce que moi je veux bien que les gens sachent aussi qu’il faut aider, il faut former. Dans tous métiers y’a toujours une formation, vous ne pouvez pas vous lever aujourd’hui comme ça pour dire je suis maçon, non ça ne marche pas comme ça, il vous faut une formation pour le devenir et travailler professionnellement, vous devez apprendre les techniques. On a un ministère en charge de la culture dans ce pays, moi je suis musicien, mon travail c’est de sortir des albums et les mettre sur le marché. A la rigueur si on décidait de faire venir les anciens, je pense à Mobanza, à moi et les autres  pour nous demander de former nos cadets et leur montrer comment être professionnels, on le fera volontiers. En plus j’ai pensé autrement parce qu’en ramenant des professionnels ailleurs, ils vont faire comprendre quelque chose aux jeunes qui sont là. Que voilà la vrai musique ça se joue comme ça.

On est entrain de répéter pour lancer notre sortie officielle le 31 Décembre. Je fais venir quelques anciens pour donner des coups de mains aussi, y’a Max qui est là, je l’ai fait venir pour ça, y’avait Magloire qui est arrivé pour former le batteur et il est reparti, on va essayer de jouer comme ça pour qu’on puisse les aider, les encadrer, c’est pour eux, Je le fais pas pour moi, c’est pour leur laisser un héritage à ces jeunes.

Je demanderai aux centrafricains, d’aider, parce qu’avant on était premiers partout , en musique, en Basket etc. Pourquoi nous sommes derniers aujourd’hui ? Point d’interrogation. Canons Star était partie en tournée au Tchad mais c’était une révolution à l’époque, on parle aujourd’hui toujours de Canon Star au Tchad…Chaque centrafricain doit comprendre que vous ne pouvez pas demander aux Tchadiens, aux camerounais etc. de  venir vous aider dans vos trucs, c’est vous-mêmes, c’est votre musique, c’est votre pays, c’est à vous d’aimer, de consommer locale. Consommer notre musique. En commençant par vous les médias, je suis désolé mais c’est vous qui tuez la musique centrafricaine, vous jouez à longueur de journée les musiques qui viennent d’ailleurs. Faites un tour dans les pays voisins en 50 ans vous n‘entendrez jamais de la musique centrafricaine dans les radios. Ce n’est qu’en RCA que 90% des radios jouent à 95% de la musique qui vient de l’extérieur, un jeune vous voulez qu’il grandisse avec quoi, avec des mélodies qui viennent d’ailleurs ? Ben il ne peut pas créer…

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Auteur·e

viabis

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