La journée la plus longue de ma vie !

Alimou Sow

Ce récit, honnêtement je ne voulais pas le raconter, le rendre public. Vous connaissez ces histoires qui vous arrivent et que vous préférez garder pour vous-même, tellement elles sont invraisemblables ?  Donc,  ce récit « épique », je tenais à le garder pour moi-même. Mais, après ma saga avec le taxi qui s’était soldée par l’écrasement de quatre de mes doigts, je me suis rendu compte que les lecteurs de ce blog se délectent, manifestement de mes histoires de malheur, vu le succès du billet que j’y avais consacré. Alors voici une autre histoire. Ou plutôt une série de petites histoires qui se sont déroulées en une journée. Comme dans « 24 H chrono ». La journée la plus longue et la plus harassante de ma vie ! Longue, comme une journée sans pain…

Cela s’est passé le lundi 20 décembre dernier – voyez que ça date déjà –, veille de l’investiture du Président Alpha Condé et de…mon anniversaire. Je m’étais décidé ce jour là d’aller acheter une paire de chaussures au marché de Madina. Oh, ce n’était nullement en prélude à l’investiture, encore moins à mon anniversaire que je ne fête jamais d’ailleurs. Je voulais juste de nouvelles shoes. Voilà tout. Pour cela, il me fallait du liquide. Mon maigre compte est domicilié dans une banque dont l’agence la plus proche se trouve à Matoto, à 3 km de chez moi. Encore une fois, aux cris du coq je me lève. Oui, à Conakry, il convient d’être toujours matinal. Même si, pour moi, cela n’est souvent pas porte-bonheur…

A mon arrivée dans l’agence bancaire, l’écran d’affichage clignotait sur le N° 35 ! Et c’est à contrecœur que je tire le  ticket 198 ! C’est parti pour une interminable attente. J’ai, bien sûr, essayé d’appliquer la technique du sourire pour un ticket « lève-tôt ». En vain.  Au bout de cinq minutes, les ligaments de mes mâchoires ont commencé à me faire mal, à force de gratifier des sourires  bêtement à n’importe qui.  Après une heure d’attente, qui correspond à 9h TU, les vers de mon ventre me rappellent que je leur prive du petit-déj. Je fonce dehors et tombe sur une vendeuse de « Foutti ». J’avale un plat de 3000 FG à la six-quatre-deux, avec le concours de deux sachets de Coyahyé (eau minérale). Je tends à la vendeuse d’eau, vilaine comme une guenon, un billet de mille francs un peu usé. S’en suit une prise de bec entre nous, lorsqu’elle me rétorque qu’elle ne prend pas ce « vieux » billet. Un autre client s’interpose et règle l’affaire à l’amiable. Trop tard, elle m’a déjà filé la poisse pour le reste de la journée.

De retour dans la banque, une vielle m’avait déjà soufflé la chaise. Je fais la sentinelle jusqu’à 13 heures, heure à laquelle je suis enfin servi. Ouf ! Je vous épargne les péripéties pour trouver un taxi pour continuer à  Madina où je finis par atterrir aux environs de 15 heures. Direction, les vitrines de chaussures. Après quelques tours, je déniche une paire qui me va, sauf pour la couleur que je voulais blanche. Un Bana-Bana s’engage dare-dare à me trouver la couleur désirée dans les autres vitrines. Dix ou 15 minutes plus tard, il revient bredouille ; mais, à forces d’arguments, il réussit à me convaincre d’acheter la paire bleue. Sacrés Bana-Bana !

Avant de sortir du marché, j’ai eu envie de  passer un coup de fil. J’avais plus de crédit. Je me rappelle que je détiens ma puce de connexion Mobile Cellcom. Je l’insère dans le téléphone et appelle. Après le coup de fil, je fourre le cellulaire dans la poche avant du petit sac que je portais. Il était presque 16 heures. Fallait se hâter pour la bataille du retour. Je finis par m’embarquer avec un détour obligé vers Bambéto. C’est justement au niveau de Bambéto que je remarque pour la première fois que la poche de mon petit sac est ouverte. Pas de téléphone ! Un pick-pocket de Madina l’avait déjà dérobé avec ma puce de connexion Internet. En un instant je réalise ce qui m’arrivait : plus de Facebook, plus de billet à publier sur le blog, plus de chat,… Non ! Impossible. Il faut vite couper le N° avant que le maraudeur n’utilise les quelques 800 mille francs qui s’y trouvaient. Je désirais avant tout récupérer la carte SIM. Il faut donc immédiatement me rendre à Kaloum au siège de Cellcom, avant 18 heures. Demain est décrété férié, à cause de l’investiture. Mais, le reçu d’achat se trouve à la maison, à Sangoyah. J’étais presque perdu. Comme un…, je réussis à slalomer jusqu’à la maison. Dans la panique, je rate le reçu une bonne huitaine de fois. Après l’avoir enfin trouvé, je choppe Moubutu, le conducteur de taxi-moto. C’est plus rapide avec les embouteillages. Avant de bouger, je joins un ami qui travaille à Cellcom et lui explique furtivement mon problème. « Si tu réussis à arriver avant 18 heures, je trouverai une solution pour toi. Sinon, il faudra attendre après-demain », m’explique-t-il. Je saute derrière Moubutu, après avoir négocié le prix du déplacement à mon désavantage. Trente minutes plus tard, nous voici devant le siège, avant 18 heures. Rideaux tirés ! J’appelle mon ami qui sort et me lance : « désolé, le service qui s’occupe de l’activation est rentré un peu plus tôt. Il faut revenir après-demain ». La mort dans l’âme, je lui adresse un « merci » mal articulé.

Trente mille francs pour rien ! Il faut regagner la maison. A la sortie de Kaloum, au niveau du Palais du Peuple, la moto crève de la roue arrière. On consacre une bonne vingtaine de minutes pour trouver un vulcanisateur. Celui-ci démonte le pneu, colle la chambre à air et remonte le tout, sûr de son job. En gonflant, on s’aperçoit qu’il y a une fuite. Il remet ça et monte le pneu à nouveau. Cette fois, c’est bon. On bouge. Il régnait sur l’Autoroute Fidèl Castro un embouteillage monstre. A cause de l’arrivée des hôtes de marque pour l’investiture, plusieurs voies étaient fermées aux véhicules non officiels. Moubutu, plus amateur que pro, échappe miraculeusement à plusieurs accidents. Au niveau de Dabondy, le pneu se dégonfle à nouveau. Il est presque 20 heures. Pas de vulcanisateur en vue. Il faut pousser. Il s’y colle. J’étais déjà hors de moi, n’ayant dans le ventre que le Foutti matinal et les deux Coyahyé.

Dans le tohu-bohu, on se perd de vue. Personne n’a le contact de l’autre. Pour moi ça ne servirait d’ailleurs à rien, n’ayant  plus de téléphone. Après l’avoir vainement cherché, je m’emploie à trouver un moyen pour rentrer. Ce n’est qu’au niveau de l’Aéroport que je trouve un taxi pour Sangoyah. Arrivé vers 22 heures, je file tout droit chez la femme de Mobutu pour lui remettre le frais de déplacement et profite pour appeler son mari. Il poussait encore sa moto du Coté de Yimbayah !

Après une toilette sommaire, je tente d’avaler un plat d’Attiéké insipide. Une fois au lit, je veux rappeler – à l’aide d’un SMS sur un téléphone emprunté –  à une connaissance intime que demain c’est mon anniversaire. Avec la fatigue, je me trompe de numéro. Le SMS atterrit sur le téléphone d’une autre fille, méchante comme une sorcière. Elle me gratifie d’une menace terrifiante à laquelle je ne réponds. Avec cette journée marathon, j’avais déjà suffisamment ma dose.

Cette erreur de SMS a été d’ailleurs le début d’une autre sale histoire pour moi, que je ne vous raconterai pas, contre tout l’or du monde.

Sacrée fin d’année pour moi ! Vivement 2011.

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Auteur·e

limsow

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