Le nouchi, une identité linguistique qui passe difficilement

La Côte d’Ivoire c’est 63 ethnies réparties sur 332.462 Km². Le pays n’a donc pas l’avantage d’avoir une langue nationale comme le bambara au Mali ou le wolof au Sénégal. Pourtant en Côte d’Ivoire il existe un langage que de nombreuses personnes partagent et utilisent même dans leurs échanges. Il s’agit du nouchi, quelque chose que je définirais comme un français Ivoirien ou un créole Ivoirien !Origine et composition d’un langage

Le nouchi si l’on s’en tient aux témoignages des aînés est vieux comme le pays ou plutôt comme les premiers mouvements et organisations de rue. Ce langage qui est surtout utilisé par les jeunes est composé de mots et d’expressions français, anglais mais aussi des langues locales et d’onomatopées. Le nouchi évolue très vite et semble s’enrichir chaque jour. Par exemple autour des années 70 pour dire je suis amoureux de toi on disait je suis mouk de toi mais de nos jours c’est je suis fan de toi ou je suis kpayôrô de toi ! Le nouchi s’impose à celui qui visite Abidjan et qui veut se fondre dans la masse pour ne pas être un gaou (un bleu). « Tout Abidjan est nouchi ! Regarde même la monnaie : 25 f c’est grô, 100 f c’est togo, 1000 f c’est krika…Tu peux trouver aujourd’hui des personnes qui ne parlent que nouchi et rien d’autre. Le bon français c’est pour les bureaux et l’école : la rue c’est le nouchi » affirme Brou N’guessan Issac chauffeur de taxi. Nombreux sont les mots français qui ont un équivalent en nouchi : woyo pour taxi, lalé pour portable, nanwlè pour vérité, gnaga pour bagarre, gbangban pour crise…les verbes aussi : appeler c’est wélé ou kpopko, frapper c’est dabâ, vendre c’est kêner, la c’est donner ! Alors un bonne phrase en nouchi ça donne ceci : « j’ai un nikwadja lalé, je vais te la mon tapement comme ça tu pourras me kpokpo ». Vous n’avez rien compris ? Voici la phrase en français : « j’ai un nouveau téléphone portable, je vais te donner mon numéro et tu pourras m’appeler ». Le nouchi porte avec lui également toute l’identité d’une jeunesse souvent marginalisée voir oubliée. Alors pour extérioriser cette peine certains artistes ont décidé de composer leurs chansons en nouchi pour toucher un maximum de personnes. Nash, Bony RAS, Julien Goualo, Billy Billy, Sans Soi ou Garba 50 sont autant de groupes et d’artistes qui ne parlent aux Ivoiriens qu’en nouchi. Au sujet du nouchi Nash l’une des rares artistes hip-hop de Côte d’Ivoire entend se lancer dans un ambitieux projet. « Je veux créer le premier dictionnaire nouchi » affirmait l’artiste sur les antennes de la RTI. « Je multiplie les contact auprès des anciens du milieu artistique mais aussi auprès des jeunes pour chaque jour enrichir ce dictionnaire avenir ».

Le nouchi, pourquoi certains ne l’aime pas ?

« Si ma mère m’entend parler nouchi elle me plie en quatre » affirme en riant Cédric un jeune élève. « Ma mère est convaincu que le nouchi est un langage pour délinquant et surtout qu’il contribue à avoir un mauvais niveau de langue » conclue le jeune homme. La maman de Cédric n’est pas la seule à penser que le nouchi ne contribue pas à la formation intellectuelle des enfants. Monsieur Konan Yves est professeur de lettre moderne et voici sa position sur ce langage. « Un enfant qui pratique au quotidien le français à plus d’aptitude à avoir un bon niveau de langue contrairement à celui qui passe toutes ses journées à parler nouchi. Lorsque nous corrigeons les copies il y a de la matière à provoquer des céphalée : on ne sait pas où les enfants vont dénicher leurs tournures et le plus souvent les plus jeunes glissent dans leur devoir des mots nouchi parce qu’ils pensent que c’est du français ». L’enseignant achèvera son élément de réponse en demandant aux parents de surveiller la manière de parler de leurs enfants. Peut-on vraiment censurer le nouchi puisse qu’il est partout ? Non et Adrien Kouassi élève en classe de Terminal dans un lycée semble avoir une solution pour concilier ‘’bon français’’ et nouchi. « On peut parler le nouchi et avoir un bon niveau de langue au point de ne pas mélanger les deux. Un enfant peut parler baoulé chez lui mais il est tenu de parler français à l’école : je crois que c’est la même chose pour le nouchi. On peut utiliser cette langue pour la rue, les échanges quotidiens et le français pour les études et l’administration ».

On a longtemps reproché aux Ivoiriens de ne pas avoir une langue nationale capable de les unir au-delà de leurs différentes ethnies. Pour de nombreux Ivoiriens à défaut de choisir une langue et de l’enseigner il sera possible d’opter pour le nouchi et d’en faire une véritable langue nationale.

Suy Kahofi

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kingsuy

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