Perou : voyage en Bus

Le bus c’est le premier pas du voyage et, au Pérou, le début du dépaysement. S’y succèdent vendeurs à la sauvette, prêcheurs, chantres des médecines naturelles et vidéos de Bruce Lee. Une aventure en soi. Hier soir, je prenais le bus pour Lima, il était 22h, j’avais bien pensé à la bouteille d’eau mais avais oublié les précieux chewing-gums à mastiquer au moment où le bus s’élève vers les cimes à 4000 mètres d’altitude avant de redescendre vers la Côte et la trépidante Lima.Je cherchais du coin de l’oeil, personne à l’horizon. Puis elles sont arrivées, avec le même exact retard que le bus, les précieuses « mamitas » et leurs douceurs à la sauvette. Elles n’avaient pas loupé le rendez-vous, comme chaque soir, pour vendre quelques soles aux étourdis, qui à force de s’habituer à leur présence, se contente ntd’attraper leur sac à la dernière seconde. Tout le reste, ils le trouveront sur place.

Il faut dire que hormis quelques entreprises de transport de luxe et malgré que leurs allées et venues soient de plus en plus contrôlées, les vendeurs à la sauvette, montent et descendent des bus, rythment le voyage et que sans eux, quelque chose de l’essence du lieu ne serait plus pareil.

Ils grimpent avec tout ce que vous pourriez avoir envie ou besoin. Parfois des brosses à dent de poche et leur lots promotionnels incluant une mini-trousse de toilette, des sandwichs au poulet dans lequel on ajoute les sauces à votre convenance à même le bus, le maïs encore fumant et son petit morceau de fromage (le fameux « choclo con queso », un plat en soi ici), les pâtisseries locales comme le « turron »  (deux gaufrettes garnies de manjar blanco, une pâte proche du caramel, et de sa compote de pommes) sur la Côte, des grains de raisins bien alignés dans leur pochette plastique, des cacahuètes grillées, des bananes séchées et salées, des chocolats, des glaces, des boissons gazeuses et les traditionnels « eau de pomme », « eau de fruits de la passion », « eau de menthe »… N’en jetez plus. Vous pouvez passer par quantité de voyages culinaires plus ou moins exotiques, surprenants ou ranses au fil des heures, des paysages et des régions que votre bus traverse.

Si vous n’êtes pas en appétit, ne vous en faites pas, le grand prêcheur des médecines naturelles est là pour remédier à vos tracas. Sans oublier de saluer Dieu, créateur de toutes choses et protecteur du voyage, il vient vous délivrer des maux tapis au fond de vous, de vos maux les plus intimes que quelques concentrés de plantes guériront avant qu’ils ne deviennent un poids quotidien. Lors d’un voyage, je me rappelle très bien cet apôtre d’un traitement miracle contre les fuites urinaires, les pertes qui salissent les petites culottes des dames et les problèmes de performance des messieurs. Il exposait en détails les pires atrocités avec force descrition, couleurs et odeurs. Quand il en est venu à mimer le touché rectal qui menaçait les hommes peu attentifs à leur prostate, j’ai commencé à m’alarmer face au nombre de chastes oreilles mineures qui écoutaient. Mais j’étais bien la seule. Au final, tout cela est sans nul doute une forme d’éducation. La foule est collée à ses lèvres, il commence un petit jeu avec deux-trois questions faciles pour faire gagner des échantillons.  Le reste, il le vendra en une bouchée à coups de « il ne m’en reste plus que 5, que 3, que 1″… Les portes-monnaies s’ouvrent, les mains se tendent. Pour la qualité du spectacle ou échapper aux antres de l’enfer, nous ne le serons jamais.

Après tant d’aventures, le repos est à l’horizon, les lumières s’éteignent, votre voisin commence à ronfloter doucement, le bus tremblote et… la télévision se met en marche. A plein volume.

Votre voisin soulève une paupière, son oeil frétillle: est apparu sur l’écran l’inusable compagnon des voyages en bus, la réference cinématographique locale incontournable, Bruce Lee  et ses « haaaaan », « hiiiiiii », « pang »,  « pffffff »…

Vous enfoncez vos bouchons d’oreilles en vous disant que les différences culturelles ne sont pas uniquement une longue suite d’enchantements. Vous en seriez presque à battre le rappel plus d’histoires de fuites urinaires. Trop tard.

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Auteur·e

bittnerchristelle

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