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Ensemble tout devient possible*

Ce billet a été initialement écrit pour la revue « Ensemble » de la Francophonie.


« Contre toute attente », « surprenante », c’est en ces termes que les conclusions de la dernière enquête du CNCDH (la Commission nationale consultative des droits de l’Homme) ont été qualifiées par la presse et les médias en ligne. Comme si personne n’y croyait ou s’y attendait, comme si la haine fabriquait forcément la haine, personne n’a cru ce que ce rapport indiquait : que la France devenait plus tolérante.

 

Quitte à choquer, les nombreux attentats de l’année 2015 dans le monde ont à mon sens échoué. Là où ils devaient provoquer la peur, ils ont engendré le courage. Là où ils devaient provoquer la haine, ils ont réanimé la fraternité. Tunis, Bamako, Ouagadougou, Beyrouth, Paris et tant d’autres, c’est dans l’adversité que ces villes, ces nations se sont rapprochées. En témoigne les nombreux messages de soutien que, moi français, j’ai pu recevoir de mes amis tunisiens, maliens, ivoiriens, brukinabés, camerounais et j’en oublie. En témoigne aussi, les nombreux témoignages de soutien que les Français ont à leur tour donnés sans économie à l’ensemble des pays touchés. Tous, n’idéalisons pas, la langue est capable de nous rapprocher tout autant qu’elle est capable de nous éloigner. Quiconque s’est retrouvé dans un pays où il ne comprend pas langue ne me contredira pas. Ce qui fait communication, échange, c’est bien cette capacité à pouvoir transmettre malgré nos différences culturelles. Ce qui fait empathie, compréhension, c’est cette capacité à reconnaître la réalité de l’autre comme légitime…Hourra pour la fraternité.

 

    “Nous sommes donc frères, mais frères de colère”

 

Colère des inégalités, colère de l’injustice. Depuis la crise des subprimes, jamais l’idée que les richesses du Monde soient inéquitablement réparties n’a été aussi claire, aussi révoltante; dans les pays riches comme dans les pays pauvres. Occupy Wall Street était une réaction directe à la crise de la spéculation puis vinrent les Indignados en Espagne, un mouvement directement inspiré par les écrits de Stéphane Hessel, “Indignez-vous”. Aujourd’hui, c’est en France que le mouvement prend racine, il s’appelle Nuitdebout. On croit souvent que Nuitdebout est un mouvement purement spontané, pourtant, les activistes d’OccupyWallStreet et des Indignados ont reconnu avoir participé à l’élaboration de ce mouvements en amont de la première occupation de la place de la République. Imaginez l’impact mondial d’un nouveau soulèvement démocratique aux pays des droits de l’Homme, les activistes des Indignados l’ont bien compris. Idéal, fantasme, âge d’or de la France, reste que les valeurs des droits de l’Homme et de la République sont ancrées et transmises à tous ceux qui de près ou de loin ont un jour rencontré l’histoire de notre pays, la France, de notre langue, le français.

 

    “NuitDebout cherche à inventer un futur ensemble, plutôt que de le subir individuellement”

 

Décentralisé, participatif, non-partisan, tolérant, voilà les nouveaux adjectifs qualificatifs des nouvelles démocraties en devenir. Jamais le mot “démocratie” (le pouvoir détenu par le peuple) n’aura aussi justement pris son sens. Car, non content d’une crise économique nous sommes au cœur d’une crise de sens. Croire en soi ou en Dieu, travailler pour soi ou pour l’argent, voter pour ses idées ou pour un parti. Depuis l’arrivé d’Internet, le modèle dominant est l’épanouissement personnel.

Les nouveaux médias sont une chance à laquelle nous n’avons pas été préparée. A la fois outil de connaissance, d’expression publique mais aussi de propagande et de bavardages, Internet met à disposition de tous et au même niveau, le savoir académique comme le charlatanisme. Nous avons donc embrassé les blogs et les réseaux sociaux pour permettre à chacun de s’informer et de s’exprimer et pourtant la démultiplication de l’information nous a rendu méfiant, mais surtout défiant.  Il n’est plus rare de rencontrer des gens qui ne croient plus leurs médecins, leurs boulangers, les journalistes. Il faut recréer de la confiance.


La cadence du monde s’est accélérée, trop vite, et le monde veut ralentir, le dogme du « toujours plus » laisse lentement place au « moins mais mieux ». Alimentation bio, objet récupérés et réparés plutôt que jetés, entraide, jardins partagés, les exemples des tendances actuelles sont légion à aller dans ce sens. Si ces idées ne sont pas une réalité de tous, il n’en reste pas moins qu’elle sont en train de devenir universelles. De même, il ne m’aura pas échappé que si vous habitez dans un pays dit “moins démocratique » que la France, ces jeunes Nuitdeboutistes peuvent vous paraître comme des enfants gâtés. Ne vous trompez pas, tout comme le laser n’est pas une amélioration de l’ampoule qui n’est pas une amélioration de la bougie, mais différentes façon de produire de la lumière, la démocratie est une idée sans cesse en perfectionnement qui ne doit pas être améliorée de façon dogmatique et privative, mais empirique et collective, c’est à dire ensemble.

* Le titre « Ensemble tout devient possible » est évidemment un pied de nez à un célèbre slogan politique n’ayant réussi à dépasser le stade de concept que grâce à la volonté des foules.

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Auteur·e

cuisineanxious

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