Alfa Diallo

Justice guinéenne : l’impossible indépendance

Sortez dans la rue et demandez aux Guinéens s’ils ont confiance à leur justice. Vous serez effaré par le nombre de réponses négatives. Ces derniers temps, la justice guinéenne a beaucoup fait parler d’elle. Sa passivité dans certaines affaires, son caractère sélectif et son instrumentalisation sont dénoncés au gré de l’actualité judiciaire. S’il est objectivement difficile de prendre partie pour l’institution et réfuter ces accusations, une analyse du sort qui lui a été réservé depuis l’indépendance nous amène à comprendre que la situation actuelle a été créée et entretenue par l’exécutif par peur d’une justice forte et indépendante.

Il y a quelques semaines, j’ai participé à un séminaire de la société civile sur la réforme du secteur de la justice en cours. J’y ai appris des choses qui m’ont d’abord fait froid dans le dos, puis m’ont révolté. Je suis arrivé à la conclusion que la situation actuelle de la justice s’explique par le fait que les différents régimes ont tous œuvré avec acharnement  pour assujettir cette institution. Des informations contenues dans un document du Programme de la réforme de la justice, présenté par l’activiste Saran Touré, viennent soutenir ma position.

Un système pour assujettir les magistrats   

Ce document m’apprend par exemple qu’il n’y a eu de recrutement ni de magistrats, ni de greffiers en Guinée de 1984 (année à laquelle Sékou Touré est mort) à 2008. 24 ans pendant lesquels nos dirigeants, le général-président Lansana Conté en tête, ont pensé que le pays n’avait pas besoin de juge pour avancer. Résultat, la Guinée a un ratio de 1 magistrat pour 35 560 habitants alors que la norme mondiale est de 1 magistrat pour 10 000 habitants.

 


Pendant ce temps, un système qui empêche les magistrats de s’affranchir du pouvoir politique a été mis en place. Il consistait à maintenir les magistrats dans une quasi-pauvreté. C’est plus facile de contrôler quelqu’un qui a des besoins élémentaires insatisfaits. Ainsi, la corruption est devenue la règle. Cela arrangerait les dirigeants et tous ceux qui avaient les moyens de se payer un juge.

Je me souviens encore de scènes qui se sont passées à Faranah quand je venais de rentrer au lycée. On avait aménagé dans une maison précédemment occupée par le procureur du Tribunal de première instance de la région. Nous avons à de nombreuses reprises été obligés de retourner des cadeaux que des familles de personnes ayant des problèmes avec la justice nous envoyait. Une fois, à mon retour de l’école, j’ai trouvé deux personnes, dont l’une était avancée en âge, installées au salon dans l’attente de mon oncle. Quand celui-ci est arrivé, ils ont directement exposé l’objet de leur visite. C’était des parents d’un homme emprisonné pour une histoire d’abus de confiance. Il voulait que l’affaire soit étouffée en échange d’un pot de vin de plusieurs millions. Déjà, ils étaient venus avec une somme d’argent. Mon oncle a passé de longues minutes à leur expliqué qu’il n’était pas procureur mais enseignant à l’institut de Faranah.

Dans une telle situation, qu’aurait pu faire un procureur ou un juge 3 fois moins payé que ces collègues de la sous régions  et 15 fois moins que ceux du Sénégal ?

Absence d’infrastructures    

Pendant cette période, la construction de nouvelles infrastructures de justice a été renvoyée aux calendes grecques. La plupart de celles existantes ont été construit dans le cadre du plan de développement triennal dans les années 60. Sans budget d’entretien, elles sont toutes tombées en ruine. Pour ne rien arranger, les populations qui voyaient en la justice un instrument d’oppression, s’en sont d’abord pris aux tribunaux et palais de justice lors des manifestations de janvier-février 2007.

Des préfectures comme Koundara, Koubia et Kérouané n’ont pas de palais de justice. Des tribunaux aussi importants que ceux de Dixinn, de Kaloum (deux des trois tribunaux de Conakry) et de Dubreka se trouvent dans des bâtiments privées. D’ailleurs, il y a quelques mois, les propriétaires de ces bâtiments qui abritent les deux premiers tribunaux ont voulu les déloger pour récupérer leurs propriétés. Ils se sont heurtés à l’opposition de l’Etat.

«Si le tribunal doit partir dans le cas de Dixinn, il ne partira que lorsque l’Etat aurait trouvé un bâtiment pour reloger tous les services liés au tribunal ; au cas contraire le tribunal ne pourra pas partir», leur a alors répondu le ministre de la Justice Me Cheick Sacko.

 

Un Etat incapable d’assurer les besoins de ses magistrats, de loger et entretenir ses tribunaux, est-il capable de construire des prisons et de bien traiter ses prisonniers ? La réponse est NON. Certaines localités comme Macenta, Beyla, Mali, Mandiana n’ont pas de «prison» (lieu de détention convient le mieux). La maison centrale de Conakry, construite à l’époque coloniale pour 400 personnes accueille aujourd’hui plus de 1 600 personnes, est un mouroir en réalité. Une mutinerie y a éclaté en novembre dernier après la mort de deux détenus. Les prisonniers ont protesté contre les mauvaises conditions de détention et la détention prolongée de la plupart d’entre eux sans jugement.

 

Une réforme insuffisante

Malgré le sombre tableau que je vous dresse ici, les commencent à bouger. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Alpha Condé, la justice est le secteur qui a enregistré le plus de réformes. Le statut particulier des magistrats est entré en vigueur le 24 juin 2014. Ce texte qui donne aux magistrats les moyens de leur indépendance en les détachant de la fonction publique et en les accordant un traitement digne de leur rang, a été piétiné par les gouvernements qui se sont succédé depuis 1991 (date de son adoption). Avec son application, les magistrats font partie des guinéens les plus payés (le SMIG est fixé à 440.000 FG) avec un salaire d’au moins 8 millions de FG (près de 1 000 dollars américains). Dans la même lancée, le Conseil Supérieur de la Magistrature a été mis en place et a déjà sanctionné plusieurs “magistrats indélicats”.

Il est donc incontestable que la justice guinéenne a enregistré beaucoup d’avancées. Mais de là à penser que les autorités actuelles veulent édifier une justice indépendante et fortes, il y a tout un fossé que je ne vais pas franchir. Les agissements de l’institution ces dernières années me  conforte dans ma position. Elle a été prompte à élucider les affaires qui concernent le chef de l’Etat et à poursuivre des personnes proches de l’opposition. Pour les autres affaires, la lenteur est effarante. Récemment un officier de l’armée guinéenne a orchestré des violences contre les populations de la préfecture de Mali. Il a été muté mais est toujours libre malgré l’évidence des faits qui lui sont reprochés.

La réforme de la justice entamé par Alpha Condé va changer beaucoup de choses mais ne suffira pas à rendre la justice guinéenne indépendante. Il faudra surtout une forte volonté politique d’éloigner l’exécutif de la justice qui doit être défendue par Alpha Condé. Pour l’instant, ce n’est pas trop le cas. Ce n’est donc pas demain que des dirigeants guinéens seront rappelés à l’ordre par leur justice. Le guinéen lambda que je suis est formel sur ce point !

      

     

  

 


Une autre chance d’être le Mandela guinéen

Le président Alpha Condé a entamé ce 21 décembre, son second mandat à la tête de la Guinée. Une véritable seconde chance de rentrer dans l’histoire donnée par le peuple de guinéen à cet opposant historique.

S’il y a une personnalité à laquelle le président guinéen Alpha Condé a toujours rêvé ressembler, c’est bien Nelson Mandela. En décembre 2010, juste après sa première investiture, il annonçait aux guinéens qu’il sera le « Mandela de la Guinée ». Une manière de dire qu’il va rassembler les guinéens divisés par des querelles politiques et ethniques.

Il faut reconnaître que les deux hommes ont des points de similitudes. Opposants historiques, tous ont été, à des degrés divers, victimes de brimades et d’emprisonnement de la part de leurs adversaires. Mais si un mandat a suffi à Mandela pour unir les sud-africains profondément divisés par des décennies de ségrégations raciales, c’est loin pour l’instant d’être le cas de son adepte Alpha Condé. Un petit aperçu sur ses cinq premières années aux pouvoirs permet d’illustrer ce qui est une évidence aux yeux de nombreux de guinéens.

Un pays toujours divisé

L’histoire de la Guinée a été ponctuée par de nombreux soubresauts qui ont accentué les fractures et les divisions entre les différents éléments de la société. L’élection présidentielle de 2010 après près de 25 ans de dictature a connu une exaspération de ses divisions principalement sur le plan ethnique. Alpha Condé sortant victorieux de cette éprouvante confrontation aux allures de duel entre Peulhs et Malinkés, savait plus que tous, qu’il fallait rassembler. D’où sa promesse d’être « le Mandela de la Guinée ».

Malheureusement, les actes sont allés dans le sens contraire. Les propos du président en début de mandat étaient tout saufs rassurant pour les guinéens qui n’ont pas voté pour lui.

Alpha Condé a un grand défaut, il ne s’entoure pas de diplomatie pour dire cru ce qu’il pense même si cela offense une bonne partie de ses compatriotes. Comme en mars 2010 à Kindia où il traite les commerçants supposés acquis à son rival Cellou Dalein Diallo de « tortues » dont il faut mettre le feu au derrière et les accuse de rendre le pays cher. Ce genre de propos, pas digne d’un Nelson Mandela, pullule durant son mandat.

Au-delà des discours, les divisions ont surtout été entretenues par le bras de fer qu’il a eu avec ses opposants autour du processus électoral durant presque tout son premier mandat. Les uns et les autres n’ont cessé de se livrer des batailles féroces sur des sujets comme le fichier électoral et la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Sujets, je l’admets, très éloignés du quotidien des guinéens. Mais toujours est-il que l’opposition à utiliser à fond l’une des seules cartes qu’elle a pour faire fléchir le pourvoir : les manifestations de rue. Le bilan est lourd, plus de 60 morts en 5 ans.

Les affrontements aux relents ethniques qui ont opposé les militants des deux principaux partis politiques à la veille de la présidentielle du 11 octobre, sont l’illustration de cette division des fils de la nation à laquelle le président n’arrive toujours pas à mettre fin.

Un bilan mitigé

La grande amélioration de la desserte électrique à Conakry et dans les villes avoisinantes grâce à la réalisation du Barrage de Kaléta est sa plus grande réussite du président. Sans doute celle qui a permis sa victoire dès le premier tour (57%).

Sur le plan des infrastructures hôtelières, de nombreux hôtels ont été construits ou sont en construction à Conakry. Je suis d’accords avec les opposants qui affirment haut et fort que « ce ne sont pas ces hôtels que les guinéens vont manger ». Mais j’ajoute que ces établissements vont contribuer à changer l’image du pays et attirer les visiteurs et autres investisseurs. C’est peu, mais ce n’est pas rien.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics, je suis resté sur ma faim, très déçu parfois. Les multiples scandales de corruption non (ou peu) punis ont eu raison de l’image d’homme rigoureux que j’avais du président Condé.

Ma déception a été grande quand je l’ai vu, lui l’homme qui a passé son temps à dénoncer la dilapidation des ressources de l’Etat par ses prédécesseurs, distribuer des liasses de billets de banque à l’intérieur du pays juste avant la dernière campagne électorale. Je suis sûr que Mandela aurait désapprouvé un tel acte.

Entre doute et espoir

Je doute de la capacité d’Alpha Condé à délaisser son manteau d’opposant qu’il n’a pratiquement pas quitter durant son premier mandat et devenir un président rassembleur comme son model Mandela. L’homme est réputé être un redoutable politicien qui passe son temps à rouler ses adversaires. En même temps, certains signaux me donnent l’espoir.

Conscient des ratés de son premier mandat, Alpha condé semble vouloir changer sa manière de gouverner. Lors d’une réunion de son parti, le RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée) il affirmé que son second mandat sera diffèrent du premier avant de mettre en garde tous ces cadres qui passent par tous les moyens, même par l’instrumentalisation de ses militants, pour obtenir des postes. « Je ne dois ma réélection qu’au peuple de Guinée » a-t-il dit.

En observant les actes qu’il a posés depuis sa réélection, on sent bien cette volonté de changer. Contrairement à son premier mandat, il a pour l’instant limogé tous les cadres qui ont été incapable de gérer des évènements qui ont ensuite mal tourné. Les premiers à faire les frais de cette nouvelle attitude de « Sékoutoureyah » sont des fonctionnaires du ministère de l’information et de la RTG (Radio Télévision Guinéen) incapables de diffuser en direct la proclamation des résultats définitives du scrutin du 11 octobre. Depuis, le ministre de la sécurité, le secrétaire aux affaires religieuses et des administrateurs territoriaux ont été relevé de leur fonction pour avoir mal gérer des évènements notamment un conflit religieux dans une localité du pays.

Aussi, le président est en train de se reprocher de ses opposants contraints à l’exil lors de son premier mandat. Certains comme Diallo Sadakadji et Tibou Camara ont déjà été autorisé à rentrer au pays. J’ose croire qu’il n’y aucun calcul politique malsain derrière ces actes salutaires pour l’apaisement de la situation politique.

Alpha Condé doit comprendre que ce mandat est sa dernière chance. Il a le choix entre rallonger la liste des piètres présidents africains qui n’ont rien apporté à leur peuple ou rentrer dans l’histoire par la grande porte Comme Nelson Mandela en étant celui qui a réconcilié ses compatriotes et a mis la Guinée sur la route du développement. Je prie Dieu pour qu’il opte pour le second choix.


Présidentielle Guinéenne 2015: Que valent nos candidats sur internet ?

Les choses ont bien changé depuis que le blogueur Alimou Sow a publié le premier classement des 10 hommes politiques guinéens les plus 2.0, il y a trois ans. La 3G et la Chine aidant, beaucoup de guinées ont troqués leur téléphone « Bambeto-Cosa » contre des smartphones connectés derniers cris made in China. Plus besoin de payer au moins 5.000 FG dans un cyber et passer une demie heure à galérer avec une connexion aussi lente qu’une tortue. Désormais, 2.000 FG suffisent pour publier une photo sur Facebook, passer plusieurs minutes sur viber et glaner quelques infos sur les sites guinéens.

Des chiffres crédibles manquent cruellement pour montrer « cette prise d’assaut d’internet » par les guinéens. Le 11 septembre dernier, à l’occasion du lancement de sa campagne, le président Alpha Condé a laissé entendre que durant son quinquennat le nombre de guinéens ayant accès à internet est passé de 30.000 à 2.000.000.

Même si pour moi, il est claire que ce chiffre de 2.000.000 d’internautes guinéens est surestimé (il a intérêt à le faire, campagne électorale oblige), j’ai qu’à même assisté ces derniers temps à l’arrivée des plus favorisés de mes cousins du village, jadis exclus du monde moderne, sur les réseaux sociaux.

Conséquence de cette évolution, tous les partis politiques « qui se respectent », comme ceux des seuls guinéens capables de payer 800 millions de FG pour avoir chacun leur photo sur le bulletin de vote, ont investi la toile. Les réseaux sociaux pour être précis.

On connait leur logique « présence partout il y a des électeurs potentiels». Et Dieu seul sait qu’il y en a maintenant sur internet. Nous assistons ainsi, à un semblant de campagne électorale sur principalement Facebook. Pour la première fois de mon histoire, je peux bouder l’insipide journal de Campagne de la RTG, zapper le visage de Saidou Diallo et autre Fana Soumah et malgré cela, avoir en temps réel les images des meetings et autres déclarations de tous les candidats « qui se respectent ». Que Marc Zuckerberg et Ablogui (Association des Blogueurs Guinéens) à travers Guineevote.com en soient remerciés!

J’ai explosé la toile pour évaluer le poids de chacun nos candidats. Il en a découlé un classement qui se base sur le nombre de « fans » sur Facebook et Twitter, le niveau d’activité de ces comptes et du site du candidat ou de son parti. Le résultat est édifiant.

Honneur aux derniers de la classe, commençons par eux !

#8-Papa Koly Kourouma : Parmi les 8 candidats à la présidentielle, il fait office de dernier de la classe. Sa seule petite trace de lui sur Twitter est un compte qui visiblement ne fonctionne pas. Google non plus ne se souvient du site d’un parti qui s’appelle GRUP (Générations pour la Réconciliation, l’Union et la Prospérité).

Pour retrouver l’ancien élève du lycée Amilcar Cabral de Mamou, il faut aller sur Facebook. Là, deux pages répondent à son nom. La première avec plus de 600 « likes » n’a fait aucune publication depuis sa création. La seconde avec la moitié des « likes » de la première est un plus « active ». Apparemment, Ce n’est pas le top !

#7-Marie Madéleine Dioubaté: Seule femme candidate, elle dispose de deux pages Facebook. Environs 700 « likes » pour la première et près de 500 « likes » pour la seconde.

Capture de la page Facebook de la candidate écologiste

La moins populaire est «plus active». La candidate écologiste y partage des articles de presse sur elle, des vidéos publiées sur sa chaine Youtube et des photos. En revanche, aucune trace d’elle ou de son parti sur Twitter. Pas non plus de site internet.

#6-Georges Gandhi Tounkara: Son compte Twitter qui ne compte que 22 Followers ne semble pas être son grand souci. Aucun Tweet depuis sa création. Sur Facebook, plusieurs pages et compte perso à son nom se chevauchent.

Une page avec plus de 2400 « likes » sort du lot et semble être celle destinée à sa campagne. Les publications son récentes mais semble être en retard par rapport à son actualité. Pour avoir les dernières nouvelles de sa campagne, il faut ajouter le compte de sa cellule de Com. Pas trop pro! Le parti de l’ancien gouverneur du Lion Club dispose d’un site dont le contenu est vide. Seules des photos y sont publiées.

#5-Faya Millimouno: classé 3ème homme politiques guinéens le plus « net » en 2012 par Alimou Sow, l’opposant à Alpha Condé s’est laissé surpassé par ses concurrents (Alpha Condé en tête). Il n’a pas beaucoup évolué côté « net » ces derniers temps. Sans doute trop occupé à tirer à boulets rouges sur le régime guinéen sur les radios. Son compte Twitter est à l’abandon depuis juin 2014.

Sur Facebook, Il dispose de deux comptes perso qui ont atteint le nombre limite d’amis et d’une page de près de 3800 fans sur laquelle il partage son programme de société et les photos de ses activités. Le Bloc Libéral, son parti, a un site internet pas du tout actif (www.leblocliberal.org) . Aucun article ou image qui concerne cette campagne électorale. #4-Sidya Touré: Il fait partie des hommes politiques qui ont compris l’importance d’être présent sur internet. Difficile pour un internaute guinéen de ne pas le voir. Son visage est sur la plupart des sites d’information guinéens. Sa communication n’a pas lésiné sur les moyens pour s’offrir des espaces publicitaires sur la «toile guinéene ».

Le site de son parti est l’un des sites de partis politiques les plus actifs et dynamiques. Mais sur Facebook, il y a une floraison de pages qui répondent à son nom. La plus populaire peine à dépasser les 21.500 « likes ». Même situation sur Twitter. Son seul compte actif a un peu plus de 250 « followers ».

#3-Lansana Kouyaté: Sa page Facebook est active et compte plus de 105.000 fans. C’est largement supérieur aux près de 96.000 internautes que comptait la Guinée en 2012.@LansanaKo est suivi par 430 personnes.

Capture du site internet du PEDN

Le site de son parti n’est pas en phase avec l’actualité du candidat. Ou alors que l’administration du site considère que le meeting de lancement de la campagne du parti, qui a eu lieu, il y a quelques jours, n’est pas important.

#2-Alpha Condé: La percée de celui qui affirmait, il y a quelques mois, ne pas écouter la radio et ne pas aller sur internet, n’est digne que de «président fondateur» du Gondwana, pour parler comme un certain Mamane. De moins de 500 fans sur Facebook et Twitter réunis en 2012, il passe à près de 120.000 fans sur sa principale page. Ses fans peuvent se targuer d’être les fans les plus chouchoutés de Guinée. Le président ne rate pas une occasion (création d’un compte twitter, dépassement du capte des 100.000 fans…) pour enregistrer des vidéos pour eux. Il prend même le temps de répondre parfois à des questions.

A l’occasion de la campagne, il a lancé une nouvelle page (plus de 16.000 « likes » déjà) plus active, qui donne les dernières informations sur sa campagne. Sur Twitter, son « compte officiel » (rien ne le prouve) est suivi par 1.200 personnes. Celui destiné à sa campagne n’a pas encore pris son envol.

Son site internet est aussi régulièrement fourni en articles, vidéos et photos. Un réel miracle pour quelqu’un qui ne va jamais sur internet.

#1-Cellou Dalein Diallo: Il continue d’être l’homme politique guinéen le plus « populaire » sur les réseaux sociaux. Avec plus de 2.500 abonnés, son oiseau bleu (twitter) vole plus haut que ceux de tous les autres réunis. Celui de son parti, encore plus actif, vole à plus de 3.400 mètres (followers) de la terre.

Sur Facebook, le nombre de « likes » (près de 150.000) que recueille sa page, dépasse celui recueilli par celle de Macky Sall, président d’un pays qui compte plus de 2 millions d’internautes. Ce n’est pas rien!

Pour le site de son parti, Cellou Dalein Diallo peut compter sur une équipe expérimentée et qui maitrise visiblement bien les réseaux sociaux. Seul bémol, comme toutes les autres personnalités politiques guinéennes, ses pages officielles (Twitter et Facebook) ne sont pas authentifiées. Ce qui donne une chance à certaines personnes de faire le malin.

Remarque : La grande disparité entre le nombre de fan sur les pages Facebook de nos candidats et leurs comptes twitter traduit un désamour ou plutôt une méconnaissance de Twitter par les internautes guinéens. Presque tous préfèrent le réseau créé par Marc Zuckerberg.

Ce classement est une « photographie » d’un instant précis. Et comme toute réalité, Il peut rapidement changer.


Le prix de l’incivisme

Les mois de juillet et d’août sont synonymes de grandes pluies à Conakry. Mais pas seulement. Dans plusieurs quartiers, ces mois sont aussi une période de grande insalubrité et d’inondationsavec tout leur coronaire de maladies et dégâts.

Mon quartier n’échappe pas à ce triste sort. La grande route « le prince » (l’un des deux principaux axes routiers de Conakry) qui le traverse est submergée par les eaux à la moindre grande pluie. Ces eaux prennent complètement d’assaut la chaussée et la transforment en véritable marigot. Les images sont surréalistes.

Conséquence, des centaines d’automobilistes sont pris au piège. Souvent, une dizaine de véhicules tombent dans les caniveaux. D’autres, immobilisés par les eaux, se retrouvent dans l’incapacité de démarrer. Occasionnant ainsi des bouchons. Le spectacle de désordre est saisissant.

Je me suis pendant longtemps posé des questions sur les causes de cette situation. Et comme la plupart des habitants de mon quartier, j’ai d’abord pointé un doigt accusateur sur ceux qui ont construit cette route. Ils auraient effectué un travail de mauvaise qualité.

Mais aujourd’hui, sans les dédouaner à 100%, j’ai découvert ce qui est selon moi la principale cause de cette inondation: l’obstruction des voies d’évacuation des eaux par les ordures jetées par des citoyens. La présence d’une grande quantité d’ordure sur la chaussée après la pluie et le retrait des eaux le prouve à suffisance.

Avec un réseau de collecte des ordures très défaillant, la pluie continue à être vue par de nombreux citoyens comme une aubaine qui permet de se débarrasser des ordures ménagers. Ces citoyens attendent donc que des grandes pluies tombent pour déverser des ordures dans les conduites d’évacuations des eaux. Résultat, ces derniers sont obstruer et l’eau, ne pouvant plus passés, se fraye un chemin sur la chaussée.

En m’intéressant de plus près à ce comportement incivique, je me suis rendu compte que c’est l’ignorance et le manque d’informations qui conduisent certains personnes (pas tous) à agir de la sorte. L’exemple de ma voisine, qui n’a pas poussé les études mais n’est pas non plus analphabète, est illustrateur.

Il y a quelques semaines, je l’ai vu entrain de déverser des ordures dans un caniveau. Quand je lui ai demandé pourquoi elle faisait cela, elle m’a répondu : « mais voyons Alfa, je ne fais rien de mal ou d’anormal. Les eaux vont envoyer ces ordures loin de nous, dans l’océan ». J’avoue que sa réponse et sa sérénité n’ont irrité. Je m’attendais à ce qu’elle soit gênée.

Durant des dizaines de minutes, je me suis évertué à lui expliquer qu’il y a de forte chance que ces ordures soient bloquées et terminent leur course sur la route empêchant ainsi le passage des voitures. Et que l’océan lui-même a besoin d’être protégé de la pollution. Car de cela dépend la propreté de nos plages qu’elle aime tant.

Au début, elle me regardait avec étonnement comme si j’étais un extraterrestre. Mais au fur et à mesure que j’évoquais des exemples pour prouver ce que je disais, j’avais l’impression qu’elle comprenait mon message.

Maintenant, depuis qu’elle connait le prix élevé de l’incivisme, j’ai constaté un changement de comportement chez elle. J’en suis vraiment fier. Elle a par exemple souscrit un abonnement chez le jeune qui collecte les ordures tous les lundis dans le quartier et défend désormais à ses enfants (parmi les grands pollueurs du quartier) de jeter les ordures et autres déchets n’importe où.

Cette histoire avec ma voisine m’a permis de me rendre compte de l’étendue du travail qui reste à faire pour l’émergence d’un nouveau type de guinéen plus soucieux de son environnement. En même temps m’a donné la preuve qu’on peut changer les comportements quand on s’y met. Et cette phrase de François Rabelais : « l’ignorance est mère de tous les maux» continue à résonner dans mon esprit.


Taxe sur les télécommunications : une injustice et des mécontents

Le 1 juillet dernier, alors que je faisais mon tour quotidien des sites d’information guinéens, j’ai eu la mauvaise surprise de tomber sur un communiqué du ministère des télécommunications. Ledit communiqué, informait les guinéens de la rentrée en vigueur d’une nouvelle taxe sur les télécommunications votée par l’assemblée nationale depuis mars, sans que le commun des citoyens ne le sache. Cette taxe augmente de 12% le tarif des appels téléphoniques. Désormais, pour chaque seconde d’appel, il faut compter 1 franc de plus.

Vers un changement des habitudes téléphoniques ?

Aussitôt rentrée en vigueur, cette taxe a changé les offres de différentes sociétés téléphoniqueset a plutôt favorisé une uniformisation des tarifs. Chez la quasi-totalité des opérateurs, la minute d’appels est passée de 600(pour certains) à 660 FG (50 à 55 Francs CFA). Le mécontentement de l’écrasante majorité de mes concitoyens est plus que compréhensible : 60 FG de plus, c’est beaucoup pour les Guinéens dont le salaire moyen est estimé à 38 Euro (25.000 Francs CFA).

Avec cette taxe, presque plus d’appels gratuits. L’expression « numéro vert » perd son sens. Car maintenant, même les appels vers ses numéros sont taxés. Il faut débourser au moins 60 FG pour joindre par exemple le 116 pour signaler un cas de mutilations génitales féminines. 60 FG par minutes aussi pour joindre le service clients des différents opérateurs téléphoniques. Seul le 115 pour signaler des cas d’Ebola reste gratuit.

Les promos bonus des différents opérateurs, très prisés, ont aussi subi cette taxe. Résultats, tous ont un peu changé. MTN par exemple a réduit les jours de bonus promos 50% hebdomadaire de 2 à 1 jour. Orange conditionne l’utilisation des bonus qu’il offre les vendredis par la disposition de crédit pouvant payer la taxe. Un client aura donc besoin de 1200 FG pour utiliser 10.000 FG de bonus.

Les jeunes ressentent le plus ces changements. Une part de plus en plus grand de notre maigre revenu est englouti dans l’achat de cartes de recharges pour effectuer des appels et surfer sur internet. Néanmoins, plus que tous, nous avons le choix et pouvons changer d’habitudes téléphoniques pour économiser. En priorisant par exemple l’usage des SMS et d’applications comme Viber, j’ai pour l’instant réussie à éviter l’explosion de mes dépenses liées au téléphone. Surtout écrire et parler quand c’est nécessaire est mon nouveau leitmotiv.

Ebola, un alibi

Les autorités justifient l’instauration de cette taxe par l’assemblée nationale par les dégâts causés par l’épidémie d’Ebola sur l’Economie nationale. Les caisses de l’Etat sont vides, il faut chercher un moyen de les remplir.

Bref, rien d’originale! Pendant ces derniers mois, Ebola a été utilisé pour justifier l’injustifiable et tous les échecs. Il n’y a pas eu d’élections communales comme prévue en 2012, c’est parce qu’il y a eu Ebola. La croissance de l’économie est faible, c’est aussi par la faute d’Ebola. En réalité, organiser les élections communales n’a jamais été la priorité et l’économie n’a jamais connu une forte croissance ces dernières années.

Je suis d’accord avec les autorités guinéennes que l’Epidémie a eu de sérieuses répercussions sur ses recettes, mais le bas peuple est celui qui en a le plus ressenti les conséquences, notamment économiques. Avec cette taxe, l’Etat est entrain de presser ses citoyens comme des citrons pour en extraire le jus. Ce n’est pas exagéré de parler d’arnaque car on oblige les citoyens à payer une taxe à laquelle ils n’adhèrent pas. Je trouve cela très injuste.

Les caisses de l’Etat ne sont pas aussi vides que les autorités le prétendent. Au-delà du financement de la lutte contre l’épidémie, des centaines de millions de dollars d’aide budgétaire et autres dons ont été octroyés aux pays touchés par la communauté internationale et les institutions financières depuis le début de la crise sanitaire. Ces pays ont aussi vu leur dette annulée par plusieurs autres pays et institutions. Alors, si les caisses sont vraiment vides, où est partie toute cette aide ?

D’ailleurs, la logique voudrait que si les caisses commencent à se vider, qu’on réduise nos dépenses. Mais depuis le début de cette crise, rien n’a changé dans la gestion de nos ressources. Nos fonds continuent à être mal utilisés et dilapidés. La présidence n’a rien réduit à son pharamineux budget de plus d’un milliard de Francs guinéens par jour qui sert surtout à entretenir la pléthore de ministres et conseillers du président. Pourquoi, nous devons serrer la ceinture alors qu’eux se servent dans nos maigres moyens ?

Selon Oyé Guilavogui, ministre de la télécommunication, il y a à peu près 24 millions d’appels dans le mois. Quand on multiplie, comme il le suggère, les 60 FG par ce nombre, on trouve la bagatelle de 1,4 milliard de FG. Ce montant va surtout permettre de maintenir l’insolent train de vie de nos hauts cadres.


Se rendre justice soi-même est-il un moyen de combattre l’injustice ?

Université Kofi Annan de Guinée, un lundi après-midi. La plupart des étudiants s’apprêtent à rentrer chez eux. Un groupe discute dans la cour. Soudain, des cris retentissent. Puis, surgit un jeune homme visiblement affolé qui court vite, très vite même. Aux cris de « voleur », une foule qui ne cesse de grandir le poursuit. Pas pour longtemps.

Dans sa course, le jeune homme reçoit un coup de pied qui le projette par terre. La foule se rue sur lui. Une avalanche de coups de pieds et de gifles s’abat sur lui. Certains étudiants, n’hésitent pas à faire recours aux bâtons et autres projectiles. La foule est remontée et rares sont les personnes qui essaient de la canaliser. Le chef du département Droit et la sécurité de l’université ont eu tout le mal du monde à extirper le présumé voleur. Il s’en sort avec quelques blessures.

Un étudiant particulièrement remonté après l’évacuation du jeune homme hors de l’université à qui j’ai demandé le motif de cette vindicte populaire m’a répondu: « c’est un voleur qui se fait passer pour un étudiant pour voler. Il a tenté de dérober le téléphone d’un étudiant. Il a été pris la main dans le sac et on devait nous laisser le punir pour ça ». A ces explications, je me suis rendu compte que le présumé voleur a eu beaucoup de chance. Pour moins que ça, des gens ont été brûlés vifs.

Ce genre de scène, j’en ai vécu plusieurs dans les rues de Conakry. Et ça aurait été une banalité si elle ne s’était pas passée dans l’enceinte de la plus grande université de Guinée. Des étudiants, la future élite de ce pays, sont donc capables, à l’image du citoyen de la rue, de lyncher une personne à cause d’un téléphone! Je n’arrive toujours pas à le croire.

Comment expliquer la recrudescence de ces actes particulièrement choquants ?

Depuis un certain temps, on constate l’augmentation de ce genre d’actes en Guinée (une demi-dizaine de cas rapportée par la presse ces derniers mois). Il y a quelques mois, deux présumés voleurs d’origine nigériane ont failli être brûlés vifs dans mon quartier et sous mes yeux. Seule la proximité d’un commissariat de police les a sauvés. Quelques jours avant, dans la périphérie de Conakry, deux autres présumés voleurs ont eu moins de chance. Ils ont été calcinés par une foule déchainée et sadique. Les choquantes images ont faits le buzz sur les réseaux sociaux.

Presque toutes les personnes qui se font justice justifient leur comportement par leur refus de l’injustice. Car selon elles, les voleurs et autres criminels ne sont et ne seront pas sanctionnés à hauteur des faits commis par la justice. Ils ne sont donc pas prêts à laisser l’Etat s’occuper de ceux qui leur ont fait du tort.

Il y a quand même une grande part de vérité dans leur propos. Les services de sécurité et la justice par leur corruption et leur inefficacité ont perdu la confiance de presque tous les citoyens. Les populations ont particulièrement du mal à supporter le regard narquois que leur lancent les criminels qu’elles ont arrêtés mais que la justice ou la police a mis en liberté quelques jours après. Mais cela ne peut en aucun cas justifier la cruauté avec laquelle les voleurs et autres criminels, qui ont le malheur d’être pris, sont traités dans les rues du pays.

Quelles différences il y a entre le malfrat qui brigande ou tue et le citoyen lambda qui le brûle vif sur la chaussée ? A mon avis, aucune ! Ce sont tous des hors-la-loi qui méritent que la rigueur de la loi s’abatte sur eux. Pour ce faire, l’Etat guinéen doit tout faire pour crédibiliser sa justice et de ses forces de sécurités et les rapprocher des citoyens.

Pourquoi il ne faut pas se faire justice ?

C’est une évidence. Un pays où chaque citoyen a le droit de réparer lui-même les torts qu’il subit est une jungle. Où c’est le plus fort qui règne. Raison pour laquelle la loi donne à l’Etat seulement le droit de punir les abus que commettent ses citoyens dans un Etat de Droit.

L’autre raison, c’est qu’on risque fort de commettre une injustice en voulant réparer soi-même le préjudice dont on a été victime. L’exemple, je l’ai eu il y a plusieurs mois. Un adolescent harcelait une autre adolescente via les réseaux sociaux. Celle-ci, exaspérée, lui a donné un rendez-vous qui était en réalité un guet-apens. Dès qu’elle a eu la certitude qu’il s’agissait du harceleur, elle a crié au voleur. Pris de panique, l’adolescent prit la fuite. Il sera rattrapé par des citoyens qui dans leur volonté de faire justice n’ont pas cherché à comprendre et l’ont sérieusement molesté. C’est bien plus tard qu’ils se sont rendu compte de leur bavure. Trop tard!

Il est donc évident que se faire justice soi-même ne combat pas l’injustice mais la renforce. On ne lutte pas contre l’injustice, en commettant d’autres injustices.


« Face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir »

Que serait devenu mon pays sans l’engagement de ces milliers de personnes décidées à barrer la route au virus Ebola? Un vaste cimetière! Le combat n’est certes pas encore terminé mais nous pouvons d’ores et déjà dire merci à tous ces médecins, sensibilisateurs, agents communautaires… qui continuent à se battre sur le terrain. Boubacar Diallo, un des jeunes actifs sur le front contre Ebola m’a accordé une interview. Lisez !

Peux-tu nous faire une brève présentation de toi ?

Je suis Boubacar Diallo, j’ai 25 ans. Je travaille au Centre de Traitement Ebola (CTE) de Donka au compte de Médecins Sans Frontières (MSF). Je suis hygiéniste et je fais partie de l’équipe WATSAN de ce centre en tant que chef agent d’entretien.

Quelles études as-tu fait ?

J’ai fait des études d’histoires. Je suis diplômé en relations internationales.

Il y a un grand fossé entre tes études universitaires et ton travail actuel d’hygiéniste. Quelles sont les grandes étapes que tu as eu à traverser ?

Je ne vois pas ce fossé. J’ai toujours évolué dans le domaine de l’humanitaire. J’ai eu mon premier diplôme de secouriste quand j’étais au lycée. J’ai aussi travaillé pour Action Contre la Faim (ACF) au Centre de Traitement Cholera (CTC) de Donka lorsque mon pays était frappé par une épidémie de choléra en 2012. J’ai bénéficié d’une formation de plusieurs semaines sur la prise en charge de l’épidémie d’Ebola avant de m’engager avec MSF.

Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola aux côtés de Médecins Sans Frontières?

C’est surtout l’ampleur qu’était en train de prendre l’épidémie. J’ai assisté impuissant au développement de la réticence des populations. Cela a eu des conséquences catastrophiques. Et vu que la maladie était nouvelle, la peur qu’elle a suscité était grande au sein même des personnes qui, comme moi, avaient de l’expérience dans la lutte contre certaines épidémies comme le choléra avec la Croix-Rouge Guinéenne. Je me suis donc dit qu’il était de mon devoir de m’engager pour apporter mon aide aux nombreuses victimes. Car face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir.

Ebola est très contagieux et très mortel. N’as-tu pas eu peur de contracter cette maladie?

Au début j’avais peur comme tout le monde. Mais pour moi, cette peur venait en second lieu. Je voulais surtout aider. Cette peur a brusquement disparu après la formation que j’ai reçue avec Médecins Sans Frontières. Je me suis aperçu qu’avec toutes les procédures de sécurité, le Centre de Traitement Ebola était un lieu sûr.

As-tu été victime de stigmatisation dans ta communauté ?

Non. Mais j’avoue que certains de mes proches ne savent pas que je travaille au CTE. C’est pour les protéger car ils risqueraient de s’affoler. Je dois dire que je suis plutôt bien vu par certains membres de la communauté.

En quoi consiste le travail d’hygiéniste ?

Le travail d’hygiéniste est un travail difficile mais nécessaire dans le traitement des malades d’Ebola. L’hygiéniste s’occupe de l’eau qui est essentielle pour le fonctionnement du centre. Il met donc le chlore dans toutes les eaux en dosant la quantité selon leur utilisation. Par exemple, la concentration en chlore de l’eau utilisée dans la zone à bas risque (0,05%) est différente de celle utilisée dans la zone des cas confirmés (0,5%). Il désinfecte aussi les salles et guide parfois les malades.

Quelles sont les qualités essentielles pour un hygiéniste ?

La prudence et la rigueur. Ce sont les premières qualités. Car dans ce travail, la moindre erreur peut coûter très cher. Le respect scrupuleux des règles de sécurité est obligatoire. Il faut aussi avoir le sang-froid et être serein. Ces dernières qualités valent pour tous les travailleurs dans les CTE, des hygiénistes aux médecins. Au moins 15 minutes sont nécessaires pour enfiler l’équipement de protection personnelle (combinaison) et 15 autres pour se déshabiller.

Quelques mots qui décrivent une journée typique de travail

Pulvérisation, désinfection, chloration, timer, rotation…

Qu’est-ce qui t’a le plus touché dans ton travail ?

La mort d’un jeune atteint d’Ebola avec qui j’avais noué des liens d’amitiés au cours de son séjour au CTE. Je l’ai rencontré quand il était dans la zone des « cas probables ». Il était très ouvert et avait peur. Je l’ai naturellement rassuré. On a commencé à discuter de foot, c’était un supporteur du Real de Madrid comme moi. J’avais presque oublié que je ne devais pas passer plus d’une heure dans la salle d’isolation. Le lendemain, il avait été transféré dans la zone des « cas confirmés » et son état s’était dégradé. Il a eu du mal à me reconnaître. J’avoue que ce n’était pas facile avec la combinaison que je portais. Nous avons quand même eu une bonne conversation. Le jour suivant j’étais pressé de le revoir. Mais quand j’ai ouvert le registre des décès, c’est son nom que j’ai vu en premier. J’ai eu les larmes aux yeux.

Et ta plus grande satisfaction ?

Ma plus grande satisfaction, c’est le sentiment d’avoir servi et aidé des semblables. Et je pense aussitôt au regard de cette fille de 15 ans atteinte d’Ebola. Ses parents sont morts sous ses yeux. Mais elle a vaincu Ebola, et quand on l’a autorisé à quitter le centre, elle a refusé et a préféré rester auprès de son petit frère dans la zone d’isolation. Celui-ci s’en est aussi sorti. Et le regard plein de dignité qu’elle avait est pour moi le symbole de la victoire de la vie sur la mort. Ce regard m’a rendu fier et m’a encouragé. Je veux vous épargner ces histoires dramatiques. Mais malheureusement Ebola est un puissant générateur de drame humain. On ne peut en parler sans parler de drame.

Ebola a été vaincu au Libéria. Selon toi qu’est-ce qui coince en Guinée ?

Nous avons eu dès le début un problème de communication. Les premières communications de nos autorités n’étaient pas du tout adaptées. Quand tu dis à des populations en grande majorité analphabètes qu’Ebola n’a pas de remède, que la maladie est incurable, tu ne peux plus leur dire de venir à l’hôpital quand elles ont une maladie. Pour elles, c’est une perte de temps. Elles vont donc préférer les garder à la maison ou les emmener chez les charlatans. Ensuite, il y a eu beaucoup d’autres fautes commises dans la gestion de l’épidémie. Cela a développé la réticence chez les populations. Aujourd’hui il est difficile de rectifier le tir.

Tu es optimiste ?

Très optimiste. En finir avec cette maladie n’est qu’une question de semaines. Au moment où je vous parle, il n’y a que 6 cas suspects au CTE de Donka. Eviter de nouvelles contaminations est l’ultime objectif de tous ceux qui interviennent dans cette lutte. Pour ce faire, les populations doivent entièrement collaborer.

Justement, as-tu un message pour ces populations qui s’en prennent aux équipes qui luttent contre Ebola?

Oui. Moi je mets toute cette violence contre nos équipes sur le compte de la désinformation. Nous devons tous combattre les rumeurs avec plus de vigueur. Je dis à mes compatriotes qu’Ebola est une maladie nouvelle très meurtrière qui continue à sévir dans notre pays. Elle a bouleversé nos coutumes, mœurs et habitudes. Mais il faut laisser les équipes chargées de la lutte travailler. La violence ne fera que contribuer à la propagation de la maladie.

Un dernier mot pour les jeunes du monde entier qui te lisent.

Faites ce que vous aimez et armez-vous de courage. C’est le meilleur moyen de vous épanouir.


Dieu en colère contre le “dernier Samedi” ?

C’est connu, les Samedis sont synonymes de sorties en boites ou autres lieux de loisirs pour la plupart des jeunes du monde. Ceux de Conakry ne dérogent à cette règle. Chaque samedi, ce sont des milliers qui prennent d’assaut les boites, bars et autres maquis principalement situé sur la corniche Taouyah-Lambanyi. Mais parmi ces Samedis, certains sortent de l’ordinaire. C’est notamment celui qui précède l’arrivée du mois de Ramadan. D’où son nom de dernier Samedi (avant le Ramadan).

La “ fête” du dernier Samedi de plus en plus populaire

Au-delà de la privation de nourriture du levé au couché du soleil, le ramadan proscrit aussi les réjouissances festives. Il est donc hors de question de soirée bien arrosée. D’ailleurs la quasi-totalité des lieux de loisirs sont fermés durant le mois. Le « dernier samedi » apparait ainsi pour de nombreux jeunes comme la dernière soirée mondaine d’une longue série qui annonce d’autres plus austères. Il ne faut manquer de la célébrée sous aucun prétexte.

Je remarque que « dernier samedi » est de plus en plus célébré. Il a même tendance à devenir une fête à part entière. Un tour sur la corniche Taouyah-Kipé m’a permis de voir la réalité de près. J’ai été surpris par l’engouement et de la forte affluence inhabituelle dans les différents lieux de loisirs.

Dès la tombée de la nuit, les lieux de loisirs sur cet axe ont été pris d’assaut par de nombreux jeunes. Le bar « le pavé » que je fréquente parfois en relevant d’université illustre bien cette affluence du (dernier) samedi 13 juin. Cette nuit -là, j’y avais rendez-vous avec un ami de longue date qui habite maintenant en périphérie de Conakry. Malgré la rentrée exagérément fixée à 15.000 Francs Guinéens (d’habitude elle est gratuite), une foule énorme se bousculait à la porte pour rentrer.

J’ai eu tout le mal du monde pour me frayer un chemin et stationner ma moto. La pagaille qui régnait au portail a eu raison de mon courage. J’ai quitté les lieux sans voir mon ami. Et j’ai appris plus tard que quelques minutes après mon départ, la sécurité a commencé à refouler les nouveaux arrivants. Raison invoquée, la saturation du bar. Cela n’arrive que pendant les grandes fêtes.

Sur les routes, c’était des bouchons partout. Les policiers et autres militaires s’adonnaient à leur activité favorite : le racket. Mais malgré cela, la fête était bien partie pour être belle. Sans moi, surement.

Le vent et la pluie gâchent la fête

Il n’en sera rien. La pluie viendra tout gâter. Puis ça sera le tour d’un très violent vent de venir compliquer la tâche aux fêtards. J’ai eu du mal à regagner la maison tant le vent était violent et les dégâts qu’il a occasionnés immenses. Plusieurs panneaux publicitaires et gros arbres n’ont pas résisté. Ils se sont écroulés sur la chaussée.

Mais c’est seulement le matin après un tour dans mon quartier et sur les réseaux sociaux que j’ai pu mesurer l’étendue de dégâts. Le vent a emporté les toits de plusieurs maisons et des arbres sont tombés sur de certaines habitations. Les installations de certaines radios ont été endommagées. Et il a fallu utiliser les grands moyens (Caterpillar, camion et des dizaines de balayeurs) pour rétablir la circulation sur certaines rues.

« Dieu est en colère contre nous »

Des commentaires pour expliquer ce coup de colère de la nature n’ont pas tardé. Le plus courant évoquait la colère de Dieu contre les guinéens. “Mais pourquoi Dieu se fâcherait contre nous ?”, Demandais-je à un ami qui partageait ce discours. Parce que, me répondit-il, nous sommes presque tous devenu des mécréants. Nous célébrons le «dernier samedi » en commettant tous des grands pêchers. Dieu ne peut pas être content de nous avec ça. Il a donc décidé de nous punir par le vent.

Personnellement, je suis d’accord avec lui sur le fait qu’il y a de l’exagération dans la célébration actuelle du « dernier samedi ». Car beaucoup de jeunes font des choses (dont ils ne sont pas habitués) religieusement proscrites avec l’espoir que le ramadan effacera les pêchés qui en découlent. Mais selon moi, cela n’est pas suffisant pour provoquer la colère de Dieu car ce ne sont ni les fêtards, ni les lieux de loisirs qui ont été les premières victimes de ce vent mais de pauvres guinéens qui dormaient tranquillement.

Les guinéens sont-ils les plus grands pêcheurs dans ce monde où la religion est de plus en plus reléguée au second plans et où valeurs morales tendent à disparaître? Non, Non et Non. Alors pourquoi, ce sont eux qui seraient punis?


La liberté de la presse en Guinée en danger

La Haute Autorité de la Communication (HAC) de Guinée, c’est l’histoire d’une institution qui a suscité de l’espoir à sa création, mais qui dès son installation s’est révélée être un grand prédateur de la liberté de la presse. L’institution sensée réguler le secteur médiatique guinéen est en réalité la plus grande promotrice de la censure. Je n’exagère rien. Il faut examiner ses actes pour se rendre compte de la menace qui pèse sur la presse libre et indépendante.

Une décision qui ne passe pas

La dernière décision d’une vingtaine d’articles publiés par l’institution le 1er juin 2015 est tout simplement scandaleuse. Dans son article 3, cette décision interdit purement et simplement aux journalistes guinéens « l’usage des genres d’opinions tels l’éditorial, le commentaire, la chronique, le billet» de la période allant du 1er juin à l’ouverture de la campagne électorale. Dans le même article, les revues de presse incluant des commentaires ou d’une durée de plus de 10 min sont interdites. De même, les émissions interactives très populaires sont aussi visées. Elles doivent désormais faire l’objet de pré-enregistrement avant leur diffusion.

Cette décision du régulateur du secteur médiatique guinéen a eu une véritable onde de choc dans le monde de la presse. L’indignation des journalistes fut grande. La consternation totale. Sur les réseaux sociaux et dans les rédactions, les mots pour qualifier le comportement de la HAC sont très durs. Dans une déclaration, les associations de presse sont montées au créneau pour fustiger ce qu’elles ont appelé « tentative de musellement de la presse guinéenne ». Elles préviennent qu’elles ne vont pas accepter que la liberté de la presse soit confisquée. Les autres guinéens qui ont goûté aux délices d’une presse pluraliste et indépendante, non plus.

Un condensé de banalités et d’aberrations

Face aux nombreuses critiques, la HAC a été obligé de faire marche arrière moins de 24 heures après la publication de la décision et de présenter ses excuses aux journalistes et citoyens qui « n’ont pas bien interprété certains partie de sa décision ». Par conséquent elle n’interdit plus l’usage des genres d’opinions mais appelle les journalistes à plus de professionnalisme dans leur usage.

Pour plusieurs journalistes comme pour l’ONG Reporter Sans Frontière (RSF ) , les excuses et la modification d’une partie de la décision sont largement insuffisantes. C’est toute la décision qui doit être purement et simplement annulée. Je partage cette position car je ne vois pas la nécessité de cette décision. Il a déjà une loi (L002/CNT/2012) très claire qui encadre les activités des médias et l’exercice du métier de journalisme.

La HAC a-t-elle besoin de sortir cette piteuse décision pour apprendre aux journalistes des dispositions légales connues de tous et globalement appliquées comme le droit de réponse ou la nécessité de préserver l’unité nationale ? Non. Elle n’avait qu’à épingler les médias et les journalistes indélicats qui violent la loi.

En réalité, c’est un condensé de banalités et d’aberrations qui nous a été servi. Les banalités y ont été incluses pour camoufler et faire passer les inacceptables aberrations visant à clouer le bec de la presse avant la présidentielle de 2015.

Une disposition comme celle qui interdit les commentaires dans les revues de presse ridiculise tout simplement les membres de l’institution. Car par définition, la revue de presse regroupe les points de vue de divers médias autours d’un fait. Il s’agit surtout et avant tout d’explications, d’analyses et de commentaires. Mais si on interdit ces genres d’opinions, la revue de la presse dévient tout simplement un condensée de fait, un journal insipide. Le mieux pour les membres de la HAC serait alors de s’armer de courage et de l’interdire.

Je reconnais qu’il y a parfois des débordements et des écarts de langage que les animateurs tentent aussitôt de contenir dans les émissions interactives. Mais est-ce parce que certains débordent parfois qu’il faut priver les autres de leur droit de s’exprimer librement ? Je dis bien priver de leur droit à l’expression car je considère que demander aux « pauvres »s radios guinéennes de préenregistrer ces émissions très écoutées, c’est de les obliger à tout simplement arrêter. Elles n’en ont ni les compétences, ni les moyens.

L’unité face au mépris

A écouter certains membres de l’institution de régulation et certains politiciens comme le sulfureux ministre de la communication, on a l’impression que les journalistes guinéens sont de grands enfants irresponsables qui ne savent pas se tenir tranquille sans contrainte et qui mine de rien mettront le feu au pays. C’est méprisant, insultant et blessant! C’est surtout très dommage car la plupart des premiers sont issus des associations de presse (association des patrons de presse à vrai dire).

Pour l’instant, il ne reste plus qu’une chose aux journalistes guinéens que nous sommes: être solidaire et résister. En oubliant toutes ces petites querelles d’égos qui minent la profession et en s’opposant à toutes ces mesures télécommandées. Il y va de notre survie collective.


De l’atlantique aux grands lacs, la non-ingérence qui coûte chère aux innocents

La théorie du mort kilométrique est l’une des premières choses qu’on m’ait apprises en classe de journalisme. Elle stipule que plus une information est proche de votre environnement, plus elle vous touche et intéresse. En gros, la nouvelle de la mort d’une personne dans mon quartier m’intéresse plus que celle qui concerne deux morts dans une autre ville ou dix dans un autre pays. Cette théorie a pendant longtemps permis aux médias occidentaux de rayer l’Afrique sur la carte mondiale de l’information. Bizarrement, le consommateur d’informations que je suis n’arrive plus à obéir à cette théorie depuis le début de la crise burundaise.

Burundiphilie

Alors que je me lasse des médias guinéens avec leur lot de mauvaises nouvelles, les médias internationaux qui traitent l’actualité burundaise deviennent mon attraction. Je me surprends à être aussi touché par la mort d’un jeune manifestant dans les rues Cibitoké que par celle d’un concitoyen renversé par une voiture en pleine Conakry.

Pourquoi ce regain de « Burundiphilie » ? Il m’a fallu du temps et de l’introspection pour trouver une réponse autre que ma fascination pour les frères jumeaux (le Burundi et le Rwanda). La ressemblance sur plusieurs points entre la crise burundaise actuelle et celle qu’a connu mon pays entre janvier et février en 2007 est à l’origine de mon intérêt pour ce qui se passe dans ce pays des grands lacs. Inconsciemment, j’assimile les jeunes qui bravent les balles à Bujumbura à mes grands frères qui ont ébranlé le régime du Général Lansana Conté.

Pour rappel, en janvier 2007 les syndicats guinéens déclenchent une grève générale illimitée pour réclamer entre autre l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et la nomination d’un premier ministre compétent et indépendant pour aider le président très malade à diriger le pays. Excédé par 23 ans de dictature et de mauvaise gouvernance, les guinéens adhèrent massivement à la grève et organisent de grandes manifestions dans tout le pays.

Et comme au Burundi, l’impitoyable répression menée par l’armée unie derrière son chef, n’a pu avoir raison de la détermination des manifestions. Le pouvoir sera même obligé d’instaurer l’état de siège et un couvre-feu sur tout le pays. Rien n’y fait. Les manifestations continuent. Le président acculé, accède aux principales revendications des syndicalistes. Le peuple a gagné. Mais à quel prix? Plus d’une centaine de morts, des centaines de personnes blessés ou arrêtés.

L’hypocrisie généralisée

Certes l’ampleur des manifestations, leur revendication et leur bilan macabre dans les deux crises sont différents. Mais les techniques de répression et la soif de démocratie des peuples sont identiques. Les forces de défense et de sécurité ont partout martyrisé leur population. Mais les citoyens convaincus de la noblesse de leur démarche ont résisté.

Et à chaque fois, la légendaire hypocrisie de ce qu’on appelle « communauté internationale » a prévalu. Qu’à fait cette communauté internationale quand la garde présidentielle guinéenne a tiré le 22 janvier 2007 sur des jeunes tentant de rejoindre le centre-ville de Conakry et quand la police burundaise a tué deux jeunes manifestants aux premières heures de la contestation? Les plus courageux mais pas moins hypocrites (les occidentaux) de ses membres ont publié des communiqués pour appeler au respect des droits de l’Homme. Comme si les communiqués comptaient pour les auteurs de ces exactions.

Les Etats africains du côté des oppresseurs

Les autres, c’est-à-dire les pays africains, ont préféré ne rien voir et se barricader derrière les principes de « souveraineté des Etats » et de « non-ingérence ». Sans démagogie, pouvons-nous parler de souveraineté alors que les tyrans dévissent sur leur peuple? Non, cent fois non. Car la souveraineté dont il s’agit n’appartient qu’au peuple qui l’exerce en choisissant entre autre ses dirigeants. Le principe de non-ingérence est quant à lui louable en période normale. Mais devant une situation comme celle de la Guinée en 2007 ou actuellement celle du Burundi, utiliser ce principe est une passivité qui coûte chère aux innocents. Je suis d’accord avec Mgr Desmond Tutu pour dire que quand vous êtes neutre devant une injustice, vous êtes du côté de l’oppresseur.

Avec des dirigeants aussi oppresseur les uns que les autres, les pays africains ne peuvent dire « stop » à un tyran qui opprime son peuple. Le dernier sommet des pays de l’Afrique de l’est qui est venu au secours du président burundais Pierre N’kurunziza en est la parfaite illustration. C’est naïf d’espérer que quelqu’un comme Yoveri Musseveri, chef du régime répressif ougandais dise au président burundais d’arrêter.

Des sanctions pour décourager

Néanmoins, je continue de penser qu’une plus grande fermeté de la communauté internationale à l’égard du régime de Pierre N’kurunziza l’aurait rapidement découragé à sévir contre ses citoyens. Le Burundi n’est pas la Russie pour résister à des sanctions économiques et diplomatiques. Selon un article de Radio France Internationale, 50% du budget de l’Etat burundais provient de l’aide extérieure. Couper donc cette aide fera sans doute lâcher du lest au régime. Mais avant d’en arriver là, les burundais, à l’image des guinéens en 2007, ne pourront compter que sur eux pour faire vivre la démocratie.


Partager les expériences pour pallier aux insuffisances individuelles

La blogosphère guinéenne s’est donné rendez-vous à la Bluezone de Kaloum ce samedi 23 mai pour échanger. C’était à l’occasion du Blog camp 224 organisé par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI). Les blogueurs guinéens des plus expérimentés aux nouveaux ont, durant plusieurs heures, partagé leurs expériences sur la gestion éditoriale et technique d’un blog. Le caractère informel presque familier des échanges m’a particulièrement plu et permis de trouver des solutions aux problèmes que je rencontre quotidiennement dans la gestion de mon blog.

Dans les différentes présentations des participants, il est ressortit que la plupart d’entre eux ont commencé le blogging en 2014. Preuve que la blogosphère guinéenne est très jeûne. Cela s’explique par le fait que l’internet a été jusqu’à très récemment un luxe inaccessible pour la plupart des jeunes guinéens. La question de la formation est donc cruciale. D’ailleurs, beaucoup participants avouent rencontrer beaucoup de difficultés, liées notamment à la gestion technique de leurs blogs.

Au-delà de ces blogueurs confirmés, l’ABLOGUI a aussi pensé aux jeunes novices dans le blogging. En marge de ce Blog Camps, l’association a organisé une formation à leur intention. Plus formelle, celle-ci leur a permis d’approfondir leurs connaissances dans ce domaine.

Les membres de l’ABLOGUI ont invité à ce Blog Camp les deux hommes politiques guinéens les plus actifs sur les réseaux sociaux. Il s’agit de Moustapha Naité, ministre de la jeunesse et du Dr Fodé Oussou Fofana, président du groupe parlementaire des libéraux-démocrates. C’était plus tôt amusant et étonnant de voir ces deux personnalités issues de bord politiques très opposés sympathiser devant les jeunes. C’était une bonne leçon pour les adeptes de la violence et autres extrémistes de leurs camps politiques respectifs.

Une invitation a aussi été envoyée au ministre des télécommunications et des Nouvelles Technologies de l’Information. Mais malheureusement, pour une raison inconnue, celui-ci s’est fait représenter par un fonctionnaire de son ministère. Ce qui a provoqué la colère des blogueurs. Le président par intérim de l’association, Fodé Sanikanyi Kouyaté n’a pas caché son mécontentement. Dans son discours devant le fonctionnaire du ministère des NTIC et les autres politiciens, il a fustigé le comportement des ministres plus prompts à animer des rencontres folkloriques à la gloire du président. J’étais admiratif devant ce discours sans langue de bois. Preuve que les jeunes guinéens n’ont plus l’intention de plier l’échine et laisser leurs dirigéants se comporter comme ils veulent.

Dans nos échanges, l’expérience du mondoblogueur Alimou Sow, qui a remporté le prix du meilleur blog francophone 2012 décerné par la Deutsch Well, nous a été très utile. Il a fait un bref exposé sur bittly pour raccourcir les liens, et Wordle pour créer des illustrations avec des mots. Les autres mondoblogueurs ont aussi partagé leurs expériences, notamment sur l’utilisation des vidéos.

Des débats passionnants sur différents sujets liés au blogging ont rythmé les échanges entre les participants au blog camp. Je vous en propose quelques-uns.

Le titre doit-il être rédigé avant ou après le billet ?

Les échanges autour du titre d’un billet de blog ont été longs. Comment doit être un titre ? Un consensus s’est formé autour des mots incitatifs, attirants et originaux. Doit-il être rédigé avant ou après le billet ? Il y a eu deux tendances. La première soutient qu’avant de rédiger son billet, le blogueur doit avoir son titre en tête. Ainsi celui-ci dévient pour lui le guide qui lui permettra aller droit au but sans divaguer. Pour la seconde tendance, le blogueur ne doit savoir que son sujet, à la limite son angle. C’est seulement après la rédaction qu’il doit penser au titre. Comme l’a dit un participant, je pense qu’il s’agit d’une question d’habitudes. Les uns et les autres gagneront beaucoup à expérimenter toutes les techniques pour trouver la mieux adaptée à leurs situations.

Reprendre sur son blog un article d’une autre personne en citant la source est-il du plagiat ?

C’est non pour le premier point vu. Le plagiat est le fait de s’approprier l’œuvre intellectuelle d’une personne et de la présenter comme sienne. On ne peut pas parler de plagiat dès lorsque la source de l’article est citée. Le second point de vue, sans parler directement de plagiat pose des interrogations. Qu’est ce qui peut motiver un blogueur dont le crédo est la création et l’originalité à reprendre le travail d’une autre personne? Les défenseurs de ce point de vue pensent qu’une telle pratique tue la créativité et est répréhensible si l’auteur n’a pas donné l’autorisation de reprendre son travail. Des blogueurs ont dénoncé le comportement de certains médias qui reprennent leurs billets sans leur autorisation et parfois sans même mentionner la source.

Personnellement, je suis du second point de vue. Si la publication d’un article écrit par une tierce personne est indispensable pour un blogueur, il serait mieux de solliciter l’autorisation de l’auteur ou publier quelques lignes et y inclure le lien de l’article. Le plagiat est une pratique très répandue dans la presse guinéenne. RFI et Jeune Afrique en savent quelque chose. Et malheureusement certains blogueurs ont pris l’habitude de se livrer à cette pratique devenue banale à leurs yeux.


La Croix-Rouge Guinéenne, bourreau et victime d’Ebola

Ce 08 mai 2016, la Croix-Rouge Guinéenne (CRG) a célébré dans la sobriété, la journée internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le moment idéal pour revenir sur le grand et très difficile travail abattu par cette institution pour contrer l’épidémie d’Ebola et sur les conséquences néfastes de l’épidémie sur son image auprès du guinéen lambda.

Tout le monde le sait, aucune structure (étatique ou non) n’était prête en Guinée pour faire face à une épidémie comme Ebola. D’ailleurs personne n’attendait ce maudit virus dans cette partie de l’Afrique. Mais, malgré cette impréparation totale, la Croix-Rouge Guinéenne (CRG) est apparue comme la seule structure guinéenne capable d’apporter une réponse rapide à l’impitoyable virus.

Il faut reconnaître qu’en plus de 30 ans d’existence, la CRG a l’habitude des grandes épidémies. La dernière épidémie de choléra (qui a des ressemblances avec Ebola) remonte à 2012. Pour avoir participé à cette lutte de 2012 avec le comité communale de la Croix-Rouge de Dixinn (l’un des communes de Conakry touchées) et aux côtés d’Action Contre la Faim, je sais que ça n’a pas été une partie de plaisir.

C’est cette expérience acquise au fur des années qui a fait de la CRG, la cheville ouvrière de la lutte contre la nouvelle épidémie. Avec environ 2000 volontaires sur toute l’étendue du territoire national (dont la plupart sont formés en gestion de dépouilles), l’institution a pris en charge la partie la plus délicate de la lutte : la gestion des corps des personnes mortes d’Ebola.

Dans cette optique, l’organisation humanitaire a installé des « Equipes D’enterrement Sécurité » (EDS) dans tous ses comités communaux et préfectoraux. Ces équipes sont chargées de faire toutes les inhumations liées à Ebola, avec pour objectif final d’empêcher la propagation de la maladie lors des enterrements. Mais face à des populations encrées dans leur coutume et qui tiennent plus que tout à leurs rites funéraires, les agents de la CRG ont eu du mal à atteindre cet objectif. D’où la persistance de l’épidémie.

La CRG a aussi été l’un des principaux bourreaux d’Ebola en sensibilisant les populations sur la nouvelle maladie. Et, contrairement à beaucoup d’ONG qui ont avant tout vu le bénéfice financier qu’elles pouvaient tirer de leur implication dans l’information de la population, sa sensibilisation a eu de l’impact à l’intérieur du pays délaissé. Grace à ses efforts conjugués avec ceux des autres structures comme Médecins Sans Frontière et la Coordination Nationale de la Lutte Contre Ebola, l’épidémie d’Ebola a considérablement perdu du terrain. Mais à quel prix pour la CRG ?

Chargée de faire le « sale » mais nécessaire boulot, la Croix-Rouge a été traitée de tous les noms. Les rumeurs les plus folles et les plus délirantes continuent encore à circuler à son sujet. Malheureusement, l’analphabétisme de la majorité de la population et le climat de psychose et de crise de confiance entre l’Etat et les citoyens, font que de nombreux guinéens croient au sens strict du terme à ces rumeurs.

Je pense à celle ayant accusé les agents de la CRG de pulvériser le virus dans les écoles. En l’espace de quelques minutes, une grande panique s’était emparée des habitants de Conakry qui ont pris d’assaut les écoles pour retirer leurs enfants. La même rumeur a provoqué les mêmes scènes dans certaines villes de l’intérieur du pays, quelques jours plus tard. Je me rappelle avoir été une fois pris à partie dans un taxi pour avoir réfuté une rumeur accusant la Croix-Rouge d’achever les malades d’Ebola en leur coupant la tête. J’ai compris que la sévérité du virus a fait perdre la raison à beaucoup de compatriotes.

Victimes d’intoxication, certains citoyens se sont montrés violents contre les agents et les installations de la CRG. Plusieurs de ses comités préfectoraux ont été saccagés. Par exemple, un de ses agents a échappé de peu à un lynchage dans la préfecture de Forécariah. Mais cela n’a pas suffi à décourager les autres agents qui se rapprochent de plus en plus de la victoire finale contre l’épidémie.

Le gros du travail pour contrer Ebola est déjà fait par les acteurs sur place (il ne reste qu’une dizaine de cas dans tout le pays). Il est évident pour moi que la CRG n’a été remarquable dans la longue bataille contre Ebola que du fait de sa préparation à affronter tous les problèmes humanitaires probables en Guinée (Ebola exclut). Et déjà, la CRG a pris les devants en initiant, avec l’aide du Japon, la construction d’un centre permanent de formation de ses volontaires dans la lutte contre toutes les épidémies (y compris Ebola). Comme pour dire que l’institution humanitaire ne veut plus se laisser surprendre.


Combien d’âmes ont été englouties dans des manifestations de rue cette dernière décennie en Guinée ? De la dizaine de morts en juin 2006 dans la contestation lycéenne, aux plus de 150 tués dans le massacre du 28 septembre 2009, en passant par la centaine de jeunes tués lors de la grève de janvier 2007, personne ne saura vous le dire avec exactitude. C’est une évidence, l’Etat guinéen et ses dirigeants ont toujours eu la main très lourde dans la répression des contestations.

Pourtant, l’espoir que cette impitoyable et systématique répression cesse était permis avec l’arrivée au pouvoir du Pr Alpha Condé, opposant historique pendant longtemps persécuté. Cinq ans après, l’heure est au désenchantement pour moi. Surtout que ce vendredi 15 mai 2015, j’ai assisté à l’inhumation des 63ème et 64ème jeunes tués dans les manifestations de rue de l’opposition sous la présidence de l’ancien opposant. Les six marches organisées par les opposants depuis le 20 avril pour demander l’inversion du calendrier électoral, se sont soldées par une demi-dizaine de morts. Le scénario se répète. Sauf que ce n’est plus la garde présidentielle qui tire sur les manifestants, mais la police et la gendarmerie nationale.

Après chaque manifestation, les partisans de l’opposition et ceux du pouvoir se livrent une véritable bataille médiatique autour du bilan et des circonstances de la mort des manifestants. Quand les premiers ne font qu’accuser en se dédouanant de toute responsabilité, les seconds nient tout en bloc. D’ailleurs, pour ces derniers, les forces de l’ordre ne sont jamais armées lors des manifestations et ne tirent donc pas. C’est plutôt les manifestants armés de fusils de chasse, d’armes blanches et de frondes qui agressent les forces de l’ordre. Au-delà de cette polémique, tous les observateurs connaissent la réalité. La police et la gendarmerie tirent parfois sur des manifestants le plus souvent très violents. Et cela sans qu’aucune enquête impartiale ne soit menée pour situer les responsabilités des uns et des autres.

Pire, certains hauts responsables versent carrément dans le déni. J’ai été choqué par les propos du président de la république sur une chaine internationale après la mort d’un jeune dans une manifestation. Dans l’interview de quelques minutes, Alpha Condé a systématiquement défendu les forces de l’ordre qui selon lui font du « maintien d’ordre civilisée ». Il a continué cette prise de position jusqu’à nier la mort du manifestant pourtant annoncée par la presse nationale et internationale. Il s’était tout simplement ridiculisé et décrédibilisé devant de nombreux guinéens. Pour moi c’était claire, on ne pouvait tout simplement pas compter sur le premier magistrat du pays pour élucider cette affaire et punir les coupables de la forfaiture.

Ce qui m’écœure surtout, c’est la mollesse et la passivité devant cette situation de la société civile et de la plupart de mes compatriotes de plus en plus aveuglés par les passions politiques et ethniques. Pour moi, le mutisme de certaines personnalités non politiques s’apparente à une prise de position, car comme le dit Desmund Tutu «si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur ».

Nous ne sommes plus en janvier 2007 sous un régime militaire et dictatorial. Nous en 2015 dans un régime démocratique à la tête duquel se trouve un ancien professeur de Droit en France, « le pays des droits de l’homme ». Aucune personne ne doit mourir en manifestant (droit octroyé par la constitution) !

C’est simplement inacceptable que les guinéens continuent à croiser les bras devant la mort inexpliquée de certains de leurs fils dans les rues. L’assassinat des citoyens guinéens doit être la nouvelle ligne rouge qu’aucun dirigeant ne doit franchir.

Le décompte macabre doit être immédiatement arrêté par la volonté de tous les guinéens à changer cette situation. Leur insistance doit forcer les acteurs politiques à dialoguer de façon sincère pour trouver la solution à tous les problèmes et ainsi abandonner la violence. Cette même insistance doit obliger les gouvernants à inculquer aux forces de l’ordre le respect de la vie humaine. Et cela en apprenant à ces derniers que les manifestants, quelques soient leurs agissements, sont des citoyens qu’il faut protéger. Quant aux manifestants, il faut leur apprendre à voir les forces de l’ordre comme des protecteurs et surtout des garants de l’ordre public auxquels, il ne faut surtout pas s’en prendre. Il y va de l’avenir de la nation démocratique que nous envisageons de bâtir. Car la violence appelle toujours à plus de violence.


Prolifération des mouvements de soutien politique: halte à la démagogie !

Quand un guinéen lambda fait allusion au CRAC ou à JAVA, les citoyens cultivés du monde comme vous, comprendront sans doute, CRAC comme crack, c’est-à-dire un stupéfiant à base de cocaïne et JAVA comme une île composant l’Indonésie. A contrario, ses compatriotes qui suivent l’actualité politique nationale n’auront aucun mal à déchiffrer CRAC comme, Comité pour la Réélection du président Alpha Condé et JAVA comme, Jeunesse Active pour la Victoire d’Alpha, deux mouvements parmi la centaine qui soutiennent le président guinéen pour les élections de 2015.

Il faut dire que ces dernières années, la création de mouvements de soutien politique est devenu un véritable sport national dans lequel des personnes désireuses de s’afficher avec l’espoir d’obtenir une récompense politique rivalisent d’ardeur pour se faire remarquer.

Je ne suis pas contre le fait que des citoyens créent des mouvements pour soutenir une personne ou une cause. Cela est un signe de la vivacité de notre démocratie. Ce qui me sidère, c’est caractère démagogique flagrant, affairiste et très souvent extrémiste de ceux-ci. Avec des noms aussi originaux, bizarres que farfelus, ces mouvements sont le plus souvent le fruit de calculs politiques et des ambitions démesurées de certaines personnes. D’ailleurs je ne peux m’empêcher de sourire après avoir entendu le nom de mouvements comme: Akafo, Akakè (littéralement en langue malinké, il l’a dit, il l’a fait) faisant allusion aux « promesses tenues » du président ; Mouvement un Coup K.O ; Mouvement Alpha Soleil ; Mouvement après lui, c’est lui…

Le modus opérendi est presque le même pour tous. Ils sont cadres, jeunes responsables associatifs ou simple citoyens et se réunissent dans une structure autour d’une personnalité en vue (la plupart du temps un cadre ou un homme d’affaire) désireuse de prouver son amour pour le grand manitou. Rapidement, un nom est trouvé pour la structure et une cérémonie de lancement (conférence de presse, tournoi de football…), à laquelle ils invitent des ministres qui distribueront des liasses de billets, est organisée. Des banderoles sur lesquelles se trouvent des slogans provocateurs sont affichées dans les endroits les plus visités ville et les médias sont pris d’assaut pour flagorner et justifier toutes les décisions et actes du gouvernement. On est carrément plus loyaliste que le roi!

Certains de ces mouvements vont jusqu’à organiser des contre-manifestations et aider les forces à réprimer les marches de l’opposition. C’est le cas des soi-disant Chevaliers de la République qui ont fait parler d’eux lors des manifestations de 2013. Ils ont été même accusés d’avoir attaqué le domicile le chef du plus grand parti de l’opposition. De grandes violences en ont résulté.

Du côté de l’opposition, on assiste aussi à la création de mouvements, mais pas du tout au même rythme. Manquant de moyens, rares sont ceux qui sont actifs. Le Mouvement Tout sauf Alpha en 2015 (TSA) crée par le député de Kaloum en 2014 est sans doute le seul capable de rivaliser avec ceux du parti au pouvoir. Mais comme les autres, le nom de celui-ci, qui met trop l’accent sur la personne du président, et sa virulence me dérangent et me poussent à m’interroger : les guinéens veulent-ils tout sauf Alpha Condé ou quelqu’un qui fera mieux que celui-ci ?

En observant tous ces mouvements de soutien sur le terrain, l’observateur averti se rend aisément compte qu’ils desservent plutôt le camp présidentiel. Car composé de personnes réputées opportunistes aux yeux des populations, ils ne peuvent beaucoup mobiliser malgré les grands moyens dont ils disposent. Les élections légistratives de 2013 en sont une parfaite illustration. Le parti au pouvoir a perdu le scrutin uninominal dans les cinq communes de Conakry.

Je pense que ces mouvements démagogiques à travers leurs agissements desservent profondément la démocratie. Et a quelque mois des élections présidentielles, les autorités doivent se montrer fermes dans la prise de sanctions contre tout agissement antirépublicain. Un célèbre analyste politique guinéen a trouvé le qualificatif de « business man de la crise » pour désigner toute cette myriade de structures qui ne peuvent s’épanouir que dans un climat de crise, d’adversité et de défiance entre les acteurs politiques.


Le livre, un secteur délaissé par les autorités guinéennes

Les 23, 24 et 25 avril s’est tenue la 7ème édition des 72 heures du livre à Conakry. Durant ces trois jours, le livre était au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et acteurs du secteur présents au Centre Culturel Franco-Guinéen et à la Bluezone de Kaloum. L’occasion pour moi de m’interroger sur ce secteur très important pour l’avenir de la nation, pourtant situé loin des priorités de nos gouvernants.

Je l’avoue, la situation dramatique du livre et celle de la desserte en électricité alimentent ma rancœur contre tous ceux qui ont dirigé mon pays et ceux qui le dirigent actuellement. Je ne peux comprendre leur désinvolture face à toutes ces universités sans livres, à toutes ces villes sans bibliothèques. Le discours fleuve du premier ministre, Mohamed Said Fofana, à l’ouverture de ce grand rendez-vous du livre dans lequel il promet, une nouvelle fois encore, des bibliothèques publiques à l’intérieur du pays, n’a rien diminué à mon amertume. Qu’aurait-il pu faire d’autre que des promesses? Depuis 4 ans que son gouvernement est en place, très rares sont les actions concrètes qu’il a entrepris pour rendre plus accessible le livre.

Dans un pays comme la Guinée, où la pauvreté est présente partout, l’installation de bibliothèques publiques est, selon moi, le moyen le plus facile de donner aux jeunes la chance d’accéder aux livres. Sur ce plan, les autorités se sont quasiment désengagées. Visitez la bibliothèque nationale de Guinée et vous comprendrez ma frustration. D’ailleurs, la situation du livre est à l’image de cette bibliothèque, qui depuis 1987 n’a pas de local adéquat et était fermée au public. C’est seulement en 1999 qu’elle a été affectée dans un bâtiment du vétuste musée national de Sandervalia et a recommencé à recevoir le public. Aujourd’hui, on parle de la construction d’un nouvel édifice pour l’abriter, mais déjà une bonne partie de ses documents historiques s’est détériorée.

Conséquence de l’incurie des pouvoirs publics, les rares bibliothèques disponibles et répondant aux normes à Conakry ont toutes vues le jour et fonctionnent grâce à l’aide de pays étrangers. Il s’agit principalement de la bibliothèque du Centre Culturel Franco-Guinéenne et de celle de l’ambassade américaine. On ne parle presque pas de bibliothèques scolaires. Seuls quelques grands établissements privés ont les moyens d’offrir une petite bibliothèque à leurs élèves. Pour les autres élèves moins chanceux, le livre se limite aux quelques manuels qu’ils ont eu à feuilleter en classe. Les romans et essais des écrivains guinéens et étrangers sont un luxe pour ces apprenants. Les bacheliers ayant fait tout leur cycle secondaire, sans avoir intégralement lu un seul roman, ne sont pas rares. Que dire de toutes ces universités privées ne disposant même pas d’une salle de lecture ? La situation est alarmante et m’inquiète beaucoup.

Je le dis tout net, si contrairement au cinéma, on continue à encore parler du livre en Guinée, ce n’est pas grâce au gouvernement, dont le souci se situe à mille lieux de la construction d’infrastructures permettant aux guinéens de lire. Cela est à mettre à l’actif du dynamisme de structures non étatiques, comme la maison d’édition Harmattan Guinée qui organise les 72 heures du livre et se bat pour réduire le prix des livres pour les guinéens. Les associations, qui se battent pour construire des bibliothèques communautaires à l’intérieur du pays et pour promouvoir la lecture chez les plus jeunes, y sont aussi pour beaucoup.

Deeriye, personnage principal du roman « Sésame ferme-toi » du somalien Nuruddin Farah affirmait « …maintenez le peuple sous informé, afin d’en être les maîtres ; séparez les gens en les informant séparément ; dressez des barreaux d’ignorance autour d’eux, emprisonnez les dans les fers de l’ignorance et ils seront faciles à gouverner… ». C’est par cet angle que je vois l’attitude de nos gouvernants. Ils ont peur de favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie de jeunes citoyens informés et formés qui constituera une menace certaine pour eux. Ils veulent des gens qui continueront à les applaudir quelque soit ce qu’ils diront.


Yaguine et Fodé : 17 ans après, la pauvreté ronge toujours l’Afrique

Le 28 juillet 1999, Yaguine Koita, 15 ans, et Fodé Tounkara, 14 ans, perdaient la vie dans le train d’atterrissage du vol 520 de la compagnie Sabena, qui assurait la liaison Conakry-Bruxelles. Les deux adolescents guinéens caressaient le rêve de rallier l’Europe pour y vivre, et ainsi échapper à la pauvreté. Cette affaire avait suscité un emballement médiatique et une grande émotion. Les médias occidentaux, comme France 3, avaient parlé d’un « drame qui rappelle toute la misère et la détresse du tiers-monde ».

Avant tout, c’est la lettre, en forme de testament, retrouvée sur leurs dépouilles, qui a marqué les esprits. Ils y parlent de la misère et appellent les  « excellents membres et responsables d’Europe » à aider l’Afrique à sortir de la pauvreté. 17 ans jour pour jour après, leur appel a été ignoré. La famille de Fodé Tounkara, qui vit actuellement dans une grande misère, symbolise plus cette Afrique à laquelle on a promis de l’aide mais qui continue à vivre dans la pauvreté.

Les conditions de vie se sont dégradées

C’est un homme plein d’amertume qui m’accueille à ma descente du taxi. Sékou Tounkara, la trentaine, est l’un des frères de Fodé Tounkara. Mécanicien, marin de formation, il peine à trouver un emploi. Il accepte de me faire partager pendant quelques heures le quotidien de sa famille.

Pour rallier le domicile des Tounkara dans le quartier Yimbaya Ecole, à défaut de s’offrir les services d’un taxi moto, il faut être prêt à marcher près d’un kilomètre, longer des couloirs et traverser plusieurs concessions (comme dans tous les quartiers populaires qui se respectent). La concession, une chambre en réalité, qui accueille les 7 membres de la famille se trouve au fond d’une « cour commune » surpeuplée. Le visiteur remarque tout de suite la promiscuité qui y règne.

La maison des Tounkara dans le quartier Yimbaya.
La maison des Tounkara dans le quartier Yimbaya. Crédit photo : Alfa Diallo

Ayant sans doute senti ma gène, M. Tounkara engage la conversation. « Vous savez M. Diallo, ce n’est pas ici que l’on habitait. Quand Fodé vivait, on avait une maison plus grande non loin de là et on s’arrangeait pour payer le loyer. Mais, plusieurs mois après le drame, notre concessionnaire a pensé que les Belges nous avaient donnés beaucoup d’argent et qu’on refusait de payer le loyer à temps. Il a alors décidé de nous expulser. Mais comme on refusait, il a enlevé le toit de la maison. On ne pouvait plus rester. C’est alors que, dans l’urgence, j’ai trouvé ce logement ».  Il insiste pour que je rentre visiter. La chambre, d’environ 5 mètres carrés, ne peut contenir tout le monde. Alors lui, il dort dans le petit couloir qui mène à la chambre.

Une fois installé sur la petite terrasse, M. Tounkara m’ouvre ses archives essentiellement constituées de coupures de journaux belges et guinéens parlant du drame, des photos de Yaguine et Fodé. Il y avait aussi une copie de la lettre que les deux adolescents ont écrite aux dirigeants européens. J’avais entendu parler de cette lettre, mais c’est la première fois que je la lisais entièrement. J’ai eu la chair de poule. Mes larmes ont coulé. Les mots et les expressions en “français guinéen” que j’ai lu, m’ont donné l’impression de lire une lettre écrite par toute la jeunesse guinéenne des années 90-2000 qui pensait que l’Europe pouvait régler nos problèmes. Quelle naïveté!

Une d'un journal allemand.
Une d’un journal allemand conservé par la famille de Fodé Tounkara. Crédit photo : Alfa Diallo

Une mère qui peine à se remettre

A mon arrivée, M. Tounkara m’a présenté à leur mère, Dameyé Kourouma. Assise par terre sur des sacs vides, elle mettait du charbon dans de petits sacs plastiques. De son vivant, Fodé l’aidait à cueillir les feuilles de patates qu’elle vendait. Et le jour où il n’avait pas cour, il partait l’aider au marché. Depuis la mort de ce fils, elle vit un calvaire. Aller au potager, hantée par les souvenirs de son fils, est synonyme de grande tristesse. Même la simple vue de feuilles de patate lui rappelle les souvenirs. Finalement, elle s’est reconvertie dans le commerce du charbon de bois qui rapporte pourtant moins.

La mère de Fodé, Dameyé Kourouma, s’est reconvertit dans la vente de charbon de bois.
La mère de Fodé, Dameyé Kourouma, s’est reconvertit dans la vente de charbon de bois. Crédit photo : Alfa Diallo

Pourtant, après le drame, une ONG belge est venue. Elle a offert deux bourses d’études en Belgique pour deux membres de chaque famille, histoire de les aider à sortir de la pauvreté. Mais si la famille de Yaguine Koita a pu envoyer un de ses membres pour étudier en Belgique, ce n’est pas le cas de la famille Tounkara. Sékou Tounkara est formel : les deux bourses ont été détournées par des cadres guinéens. « J’ai passé deux ans, me raconte-t-il, sans étudier, à cause de ces bourses. Mais on me faisait tourner entre le ministère de la Sécurité et la direction de la Police Judiciaire. J’ai finalement laissé tomber ».

Occasion manquée

Exaspéré par la frustration et la pauvreté, M. Tounkara a décidé d’attaquer en justice la défunte compagnie Sabena. Il a été débouté. Les grands avocats de Bruxelles Airlines (qui a repris la Sabena), dont l’ancien ministre de la Justice Me Christian Sow n’ont eu aucun mal à obtenir cette victoire judiciaire.

La situation actuelle de la famille Tounkara illustre bien l’échec des différents plans de lutte contre la pauvreté dans notre pays. En 17 ans, cette famille s’est paupérisée. Mais au-delà de tout, les familles martyrs auraient dû être aidée à sortir de la misère ne serait-ce que pour le symbole.

Dans leur lettre, Yaguine et Fodé demandaient de l’aide aux dirigeants européens. « C’est pour votre solidarité et votre gentillesse que nous vous appelons au secours en Afrique. Aidez-nous, nous souffrons énormément en Afrique, aidez-nous, nous avons des problèmes et quelques manques de droits de l’enfant ». Les dirigeants européens ont fait semblant de comprendre mais, en réalité, n’ont pas beaucoup fait pour aider l’Afrique. Ils ont plutôt continué à l’exploiter. C’est sûr aujourd’hui que si Yaguine et Fodé n’avaient pas embarqué dans l’avion de la Sabena, ils seraient en train de tenter de franchir la Méditerranée. Car au fond presque rien n’a changé dans nos pays. La faute n’est pas aux Européens mais à nos dirigeants. Mais, j’ai espoir tout de même, car contrairement aux deux adolescents, la jeunesse africaine d’aujourd’hui a compris que ni l’Europe, ni l’Amérique ne viendra chasser la misère de l’Afrique à la place des Africains.