L’AVP, ce PACS tant attendu
Le Sénat chilien s’est entendu mardi 7 octobre sur l’Acuerdo de Vida en Pareja (AVP), un équivalent du Pacte Civil de Solidarité (PACS) français. La loi sera bientôt débattue à la chambre basse du Parlement.
La question la plus débattue a été celle de savoir s’il fallait autoriser les couples hétérosexuels à contracter un AVP – pour certains, la loi devait uniquement permettre aux couples de personnes du même sexe de s’unir légalement. A 23 voix contre 12, le Sénat a tranché, et les couples homme-femme pourront eux aussi en bénéficier. Ce sont surtout les députés conservateurs qui s’y sont opposés, à l’instar d’Hernán Larraín (UDI*), qui estime qu’un AVP ouvert aux hétérosexuels crée une « duplicité injustifiée » avec le mariage. Manuel José Ossandón (RN**) est quant à lui allé jusqu’à qualifier l’AVP de « mariage déguisé », le considérant comme trop peu exigeant par rapport à la norme matrimoniale actuelle, et donc « dangereux » pour l’institution familiale et les enfants. Les représentants de l’Eglise présents lors des débats au Sénat ont eux aussi ouvertement manifesté leur refus d’un AVP pour les couples hétérosexuels, à tel point qu’à plusieurs reprises, la séance a dû être interrompue.
A l’inverse, le Movimiento de Integración y Liberación Homosexual (Movilh), s’est lui félicité de la décision du Sénat, qui évite de créer une « loi apartheid », séparant les couples hétérosexuels et homosexuels, respectivement dans le mariage et dans l’AVP. A titre de comparaison le PACS, qui existe depuis 1998 en France, est actuellement contracté à 94% par des couples hétérosexuels.
Un progrès depuis longtemps attendu
Le Movilh, qui présente sur son site internet une vidéo explicative (en espagnol) des complexités actuellement rencontrées par les couples non-mariés vivant sous le même toit, a salué dans un communiqué le « triomphe de la diversité familiale » dont le texte loi validé par le Sénat est porteur. A l’avenir, les couples non-mariés devraient pouvoir être également reconnus comme tuteurs de leurs enfants, partager leurs biens et propriétés, ou encore bénéficier d’un héritage à la mort de l’autre.
C’est en 2003 qu’est présentée au pouvoir législatif, pour la première fois au Chili, l’idée de permettre aux couples homosexuels de s’unir – en ce qu’elle refuse de les marier, l’Eglise avait d’ailleurs approuvé l’idée. En 2005, quasiment tous les candidats à l’élection présidentielle se déclarent en faveur de l’institutionnalisation des unions homosexuelles, mais les choses avancent lentement sur le plan législatif ; à cet égard, l’année suivante, le Movilh initie ses premières campagnes d’envergure pour défendre le projet. En 2010, Andrés Allamand (RN) présente au Parlement l’idée d’un « Acuerdo de Vida en Común » (AVC), et en 2011, c’est au tour de la Moneda de dessiner les prémisses de l’AVP, en bien des points similaires. Après presque quatre années de discussion, et dix ans d’hésitations, AVC et AVP sont réunis et discutés conjointement (début 2013). Le vote de mardi 7 octobre a donc bien des allures de fin de marathon pour le texte de loi, qui devra sous peu être voté par la Chambre des Députés.
Article original publié sur le site du Petit Journal de Santiago
* L’Unión Demócrata Independiente (UDI) est un parti de droite, largement inspiré par les idées promues par la dictature de Pinochet. Il est le parti recevant le plus de vote actuellement au Chili.
** La Renovación Nacional (RN) est un parti de centre-droite, libéral sur le plan économique, mais relativement conservateur sur le plan des valeurs. C’est notamment le parti de l’ancien président Sebastián Piñera
L’UDI et la RN forment ensemble l’Alianza, coallition d’opposition à l’actuel gouvernement socialiste de Michelle Bachelet.