Serge Babylas de Souza

Crise économique au Bénin: Le ras le bol des artisans

De l’entrepreneur au diplômé sans emploi en passant par la femme de ménage et le citoyen lambda,  la crise économique n’épargne personne au Bénin. L’argent ne circule plus comme par le passé, si bien que les artisans et autres champions de la débrouille et des petits boulots, beaucoup plus chanceux en d’autres temps, ont fini par jeter l’éponge et se résigner, après avoir essayer moult stratagèmes sans succès. 

Contrairement à ses habitudes, Joseph Dékoungboto, chef maçon de son état, spécialisé dans la réalisation de briques préfabriquées et autres lucarnes entrant dans la construction des bâtiments, avait la mine renfrognée cet après-midi. Le sourire familier habituel avait disparu pour céder la place à un air grave pour une raison toute simple : «ça ne va pas dans le pays, les affaires ne marchent pas», d’après le chef maçon.

Un menuisier à l'oeuvre
Maison des artisans du Bénin
Le chef maçon a du mal à écouler sa production de pré fabriqués...
Le chef maçon a du mal à écouler sa production de pré fabriqués…

Assis à l’ombre d’une paillote dans l’angle droit du rectangle que formait l’exposition de ses briques, sur le banc qui lui sert quotidiennement de siège, après les échanges de politesse, l’homme dévoile son amertume. « Ce matin, je suis arrivé au travail aux environ de 8 heures,  il est maintenant plus de 16 heures. En tout et pour tout, je n’ai vendu que deux lucarnes à raison de 450 francs l’unité soit 900 francs Cfa (1,30 Euros). Mes deux apprentis ont dépensé 400 francs pour leur déjeuner et moi-même je suis obligé de rester à jeun pour que mes enfants puissent dîner le soir », explique-t-il découragé. Jérémie est pourtant propriétaire de sa maison. Il reconnait n’avoir jamais exercé deux métiers dans sa vie : « Je ne vais quand même pas abandonner le métier qui m’a permis de vivre et de réaliser tout ce que j’ai à mon actif », après plus de vingt ans d’activités.

A 500 mètres environ de l’infortuné, se trouve l’atelier de Benjamin, un électricien motos. Même air de désolation, le regard fuyant, l’homme faisait semblant d’être occupé à faire une réparation pour donner le change. Fil électrique et porte clé en main, des bribes de paroles lui échappèrent à la question de savoir comment il se portait.  En langue locale fon il répondit par un proverbe: « Un chien affamé ne s’aurait guère s’amuser avec ses semblables rassasiés ». Je n’ai pas envie de parler », affirma-t-il. Avec l’intervention de Jérémie, il a fini par lâcher deux phrases sans en rajouter un seul mot. «  Je n’ai rien fait depuis le matin. Aller dire au chef de l’Etat que le peuple a faim », conclut-il.

Chez son voisin Ernest S., réparateur d’engins à deux roues, la situation semble moins alarmante. Ce qui ne l’empêche pas de nous confier la main sur le cœur que ses affaires évoluent en dents de scie. Certains jours, il fait de bons chiffres, mais d’autres, c’est la grisaille, et il a moins d’une dizaine de clients qui passent pour de petites réparations… En bon croyant, il prie beaucoup pour conjurer la crise financière et économique.

Un marché en chute libre

Accroupis  jusqu’au niveau du moteur d’une moto “Mate“, il n’a eu de temps pour nous parler que les quelques détournements de regard qu’il fait vers l’arrière pour nous répondre. « Ça chauffe partout. Seulement notre cas est particulier. Les gens sont obligés de sortir de chez eux. Dans leur va et vient, il arrive que leur moto tombe en panne. C’est dans cela que nous autres mécaniciens nous mangeons », déclare-t-il avec modestie.

La situation de dame Assiba n’est guère reluisante. Loin s’en faut ! Rencontrée sur les lieux, dans son atelier de couture, elle affirme se débrouiller avec le peu de travail qu’elle trouve. Car les gens ne vont pas sortir nu dans la rue. Seulement, avec la crise, la clientèle se raréfie. Les femmes préfèrent les friperies à moindre coût et ne viennent coudre chez elle que pour des cérémonies, communion, baptême, mariage, enterrement où elles doivent porter des tissus de circonstance sous forme d’uniforme. Ce qui nous laisse la portion congrue d’un marché en chute libre à cause de la friperie et de la morosité de la vie économique. Comme dirait l’autre, plus rien ne va, faites vos jeux !


CENTRAFRIQUE/SOCIETE/Parcours atypique d’une Première dame

A trente six ans, la providence l’amènera des modestes habitations des banlieues de Cotonou aux lambris dorés du palais présidentiel de Bangui. Au détour d’un parcours éprouvant où Chantal Vinadou Tohouégnon Djotodia a dû se battre comme un beau diable contre l’adversité, le destin dans l’ombre de Michel, avant de goûter in fine aux délices de la vie après sa consécration comme Première dame. Explication.

De Cotonou à Yaoundé, en passant par Ouagadougou, les premières dames s’appellent Chantal. Et ce n’est une compatriote de condition modeste, qui vient d’être propulsée au devant de la scène, en tant qu’épouse de Michel Djotodia, le président centrafricain, qui me démentirait.

(Crédit photo: La lumière de l'Afrique)
La Première dame de la Centrafrique accueillie à sa descente d’avion par le Premier ministre béninois, Irénée Pascal Koukpaki

Chantal Vinadou Tohouégnon Djotodia, Première dame de la Centrafrique, est née le 27 août 1981 à Toffo, dans le Sud Bénin de Jean Tohouégnon et de Douhoun Houngnonsi. Quelques années après sa naissance, elle sera séparée de ses géniteurs pour rester auprès de sa grand’mère qui assurera son éducation dans des conditions modestes. Ses études primaires et secondaires achevées,  elle suivra une formation d’auxiliaire de la santé qui sera sanctionnée par un diplôme en 2007. Ce qui lui permet d’obtenir une poste dans une clinique privée de l’Organisation non gouvernementale (Ong) Barka de Mme Zénabou Gbaguidi et d’y faire carrière.

Dans la foulée, elle fit  la rencontre de Michel Djotodia, un diplomate centrafricain en froid avec le président François Bozizé  et réfugié au Bénin. La jeune dame tombe sous le charme du réfugié politique, bon flatteur et surtout assez polyglotte. Elle ne tardera d’ailleurs pas à le rejoindre. Le gouvernement Bozizé ayant coupé le pont avec le rebelle, le couple vivota  sur les maigres revenus de Chantal et des numéraires occasionnels de Michel. Mais très tôt, une autre difficulté surgit. Michel est activement recherché par le président Bozizé. La traque, longue et minutieuse, aboutira à son arrestation. Il est incarcéré à la prison civile de Cotonou au Bénin. Sa vie de bagne durera dix huit mois pendant lesquels Chantal a dû se battre pour assister, nourrir et conseiller son compagnon et surtout lutter pour qu’il ne soit pas extradé, selon la volonté de Bozizé. Son combat a consisté à mobiliser des Ong, des organisations de défense des droits de l’homme et surtout la presse pour empêcher cette extradition qui pouvait être fatale pour son compagnon. Sa lutte paie et en 2010, Djotodia est libéré de la prison civile de Cotonou. Mais au lieu de rentrer à Bangui pour occuper des postes de responsabilité comme son compère de bagne, il reste à Cotonou où il vit dans le dénuement total, la galère.

(Crédit photo:La lumière de l'Afrique)
La Première dame entre les présidents centrafricain et béninois

Traversée du désert

A Cotonou, Michel et Chantal mènent une vie difficile. Les revenus de Chantal et les rares perdiems de Michel n’arrivent pas à subvenir aux besoins du couple. Les arriérés de loyer s’accumulaient au fil des mois et les créanciers se multipliaient. A maintes reprises, le couple sera expulsé des logements pour n’avoir pas payé le loyer. Chantal et son mari ne désespèrent pas. En 2011, l’homme rejoint la rébellion et se sépare momentanément de son épouse le cœur brisé. Celle-ci, une fois encore sera expulsée de son logement pour non paiement de loyer. Mais la fin de la galère approche.

Michel Djotodia reviendra vite à Cotonou avec quelques moyens que lui procure la rébellion pour soulager  sa compagne. Le 27 juin 2012, les deux compagnons se marient devant le chef du 10ème arrondissement de Cotonou Florentin Tchaou. Quelques mois après, par un hasard coquin, Michel devient président de la république de Centrafrique, à la faveur d’un coup d’Etat et Chantal, Première dame.

« La Renaissance »

Chantal ne rejoindra Bangui qu’après que son mari ait pris le pouvoir à la suite du putsch. Sur place, elle a compris qu’il ne fallait pas rester les bras croisés. La misère et le défi humanitaire dans un pays rongé par la guerre l’amènent à créer une fondation nommée « La Renaissance ». Celle-ci a pour objet d’aider les orphelins, les mères, les malades du Vih/Sida, les personnes du 3è âge à subvenir à leurs besoins. Aussi, elle entend travailler pour aider les jeunes et les femmes  à trouver des emplois grâce aux microcrédits. Elle a organisé sa première sortie à la maternité du « Camp des Castors » à Bangui où elle a assisté financièrement la mère d’un triplé et une autre femme qui a accouché de jumeaux. Frappée par la coupure intempestive d’énergie dans cette maternité, elle y est retournée une seconde fois pour offrir un groupe électrogène. Elle a aussi soutenu des sinistrés et des orphelins du Centre de la mère. Aujourd’hui, Chantal Tohouégnon Djotodia entend jouer aux côtés de son mari, un rôle important dans la lutte contre la pauvreté en Centrafrique. Pour cela, elle en appelle à la communauté internationale et au réseau des premières dames d’Afrique et du monde.


BENIN/ECONOMIE : Vers la gestion rationnelle du marché Dantokpa

La Société de gestion des marchés (Sogema) du Bénin, dans la perspective d’offrir de nouveaux services de qualité aux usagers, est résolument engagée depuis quelque temps, dans une dynamique d’harmonisation des places au marché international de Dantokpa. Ce qui ne va pas sans grincements de dents. Explication.

traîneur de pousse-pousse
un traîneur de pousse-pousse au travail

Dantokpa véritable pôle économique du Bénin n’offre guère un spectacle reluisant. Et pour cause. En dépit de l’état de décrépitude avancée des infrastructures qui ne datent pas d’hier, malgré les critiques récurrentes des usagers, la mise en place d’une politique harmonieuse de gestion de ce pôle économique se fait toujours attendre. Au point de décourager bon nombre d’acteurs, d’usagers ainsi que des personnes de bonne volonté qui voient les choses autrement.

Progressivement les choses commencent par s’améliorer. Les initiatives récemment prises par les responsables de la société de gestion du marché Dantokpa tombent à pic pour rassurer redonner espoir à des acteurs et usagers désabusés face au double language des hommes politique. La cause est entendue surtout que les nouvelles réformes sonnent le glas à une situation décriée depuis des lustres. Fini l’immobilisme, dorénavant il est question de valoriser les atouts de ce marché par le truchement d’une gestion saine, adéquate et optimisée de ses revenus, par l’équipe dirigeante de la Sogema avec le soutien des acteurs dudit marché. Ce qui permettra d’entrer dans une nouvelle dynamique. A la satisfaction générale.

L’état des lieux est désormais incontournable pour régulariser les situations d’injustice et harmoniser un tant soit peu, les nouvelles mesures mises en place en place pour le fonctionnement dudit marché. Bien que la conception soit diversement appréciée, la Sogema opte en premier lieu pour un recensement systématique des places.

Un constat, une réaction

Des anciens et vétustes hangars, des places en nombre insuffisant. Des installations hors normes. Des taxes et redevances à la tête du client…Telles sont les principaux griefs des usagers à l’encontre de l’administration du marché Dantokpa. Certes, la plupart des hangars situés au cœur du marché sont des aménagements spécifiques faits par les vendeurs en vue de l’écoulement de leurs produits, en son temps. Ces constructions de fortune ne répondant pas aux normes et aux contraintes d’espace, la Sogema cherche aujourd’hui à revoir la copie pour mieux réfléchir sur le système d’attribution de places dans le marché. Ainsi, un nouveau schéma d’attribution des places est mis en place dans l’optique d’une gestion efficace. Certaines installations anciennes n’étant pas conformes aux normes et à la vision de la Sogema. Surtout que, dans de nombreux cas, sous la pression de la demande, les vendeurs ont progressivement transformées les places occupés par l’installation d’autres étagères pour élargir leur commerce. Les taxes perçues étant fixes chez bon nombre de vendeurs malgré les emplacements hors normes, un recensement systématique est lancé en vue d’une harmonisation des places. Pour permettre à la société d’adapter la demande aux besoins d’exposition, de stockage et, par conséquent, de sécurité des vendeurs et des biens. L’installation anarchique de certains vendeurs dans ce marché ne facilite donc pas un accompagnement aisé et une bonne gestion. La mise en place d’une meilleure politique de  gestion conduit alors la société de gestion à revoir la stratégie d’attribution des places. Depuis quelques années la Sogema mène des discussions avec les acteurs du marché en vue d’offrir de plus amples services. Dans l’optique d’une gestion beaucoup plus rationnelle dudit marché. Cette vision des responsables, favorisera à coup sûr une augmentation des revenues, et débouchera sur une amélioration des conditions d’usage des riverains. Comme le dit si bien l’adage, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Les nécessaires réajustements, les incontournables réaménagements attendus dans le cadre de la nouvelle manière des autorités de la Sogema de voir les choses, sont diversement appréciés par les bénéficiaires. Quand bien même elle est faite pour une harmonisation judicieuse des places dans le marché et pour régler quelques problèmes d’injustice observés depuis plusieurs années à Dantokpa, selon les autorités en charge de la gestion du marché. La cause est entendue. Wait and see.