Emile Bela

Journalistes et Donald Trump : nous te détestons. Je vous hais !

Hier matin, en suivant le journal sur la chaîne ‘France 24’, j’ai compris jusqu’où la presse peut être manipulatrice à dessein sur des sujets précis pour des considérations typiquement éditorialistes voire politiques ou même commerciales.

Il y a deux jours, le 45ème Président des Etats-Unis était devant le Congrès, selon la tradition démocratique du pays, pour présenter sa politique aussi bien intérieure qu’extérieure après son entrée à la maison Blanche en Janvier dernier. Donald Trump, pour ce premier exercice a été, pour le moins qu’on puisse dire, impressionnant. Mais les journalistes s’efforçaient de montrer l’image négative de l’homme au point qu’ils s’évertuaient à occulter par exemple les ovations qui suivaient son annonce de dissoudre le fameux ‘ObamaCare’.

Ce qui était presque drôle c’est lorsque la présentatrice du journal et son invité trouvaient que parmi les nombreuses ‘standing ovation’ auxquelles il a eu droit, la majorité de ceux qui ovationnaient étaient des Républicains, comme si de loin on pouvait distinguer un Démocrate d’un Républicain parmi ces centaines de personnes réunies. Au lendemain de ce discours, le marché boursier d’Asie a connu une forte croissance qui explique l’accueil favorable qui lui a été réservé. Il en faut certes plus, beaucoup plus, pour encenser l’un des plus controversés présidents de l’histoire des Etats-Unis, celui-là qui se moque du « politiquement correct » auquel le monde a jusqu’ici eu droit sans se demander si c’est ce dont la société actuelle avec ses mutations socio-économiques et géopolitiques a besoin. Tout porte à croire qu’il y a un ordre préétablit, un système sous forme de tunnel créé des mains des hommes, ceux-là qui dictent la morale prédominante qui caractérise ce que certains appellent « le nouvel ordre mondial ». Ce système, quiconque s’en éloigne devient l’ennemi commun et ainsi scie-t-il/elle le tronc de l’arbre sur lequel il est perché et qui pourrait entraîner sa chute – fatale, dans certains cas. Kennedy n’avait pas compris. Il existe cependant une classe révolutionnaire et anticonformiste qui ne semble pas se soucier de cette chute et qui apparaît plutôt déterminée à mener le combat de son abolition au prix de ses intérêts, de sa vie aussi.

Ils étaient nombreux, ces puissants de la sphère médiatique, qui ont soutenu ou fait croire que Trump ne pouvait pas être le candidat des Républicains, il a littéralement écrasé tous ses seize concurrents. Ce sont les mêmes qui disaient qu’il ne pouvait pas être élu, sondages et statistiques à l’appui, il a battu celle qu’ils adulaient. Ils ont contesté sa victoire, alléguant une main extérieure (celle de la Russie), mais son élection a été confirmée par une très large majorité des grands électeurs (donc élu deux fois). Ils ont annoncé l’échec de son investiture suite aux mouvements populaires de contestation qui ont suivi les résultats, mais elle a été plutôt un succès quoique mitigé en termes d’affluence, comparé à celle d’Obama en 2008.

Aujourd’hui, ils prédisent l’échec de son mandat et même sa destitution. L’homme, lui, semble cependant déterminé à faire son chemin en restant droit dans ses bottes et en maintenant une certaine cohérence dans sa logique de raisonnement, disons ses promesses de campagne. « Je ne suis pas le gardien du monde, mais de l’Amérique » a martelé lors de son grand oral ─ les gestes avec, celui que nos journalistes qualifient de président isolationniste, conservateur ou protectionniste, c’est selon. «L’amérique d’Abord», tel était sa principale promesse de campagne en 2016. C’est d’ailleurs cette promesse qui justifie qu’il ait augmenté de 54 milliards de Dollars US, soit 9%, le budget militaire au détriment des autres départements afin, dit-il, de renforcer la sécurité du peuple américain.

Il faut admettre un tâtonnement très perceptible, notamment au niveau du choix de ses hommes, lesquelles sont soient contestés ou simplement rejetés, mais cela s’explique par le fait que d’abord l’homme n’a aucun passé politique, ensuite le passage du pouvoir d’un individu à un autre à la maison Blanche un un long et lourd processus d’où les deux mois de transitions qui suivent les élections et quand cela intervient dans le cadre d’un changement de système politique (des Démocrates aux Républicains ou vice-versa) cela s’avère davantage difficile. Obama a connu, lui aussi quelques tâtonnements en 2008 avec le retrait de Tom Daschle et de Nancy Killefer annoncés pour être respectivement Secrétaire à la Santé et Chef de la Surveillance. Avec élégance, il a reconnu s’être trompé. Mais Trump n’est pas Obama. Il ne faut pas forcément espérer la même réaction.

A côté, la guerre Trump-Media, déclarée depuis les primaires continue et est visiblement loin de s’achever. Une sorte de ‘vous ne m’aimez pas, moi non plus.’

Sans forcément être un fan de Trump ni de sa politique notamment sur le Changement Climatique ─ même si j’admire son aptitude à surmonter les situations qui pourraient, chez d’autres, entraîner la chute, sa capacité de résilience tout court face aux lynchages médiatiques et aux courroux d’une société formatée et manipulée par les lobbys d’un système dont il se targue d’être le seul à pouvoir combattre ─ je crois qu’à un moment donné, elles devront ─ ces puissantes machines médiatiques ─ savoir s’arrêter et abandonner le projet de diabolisation de l’homme, ainsi que leurs machinations parfois dévergondées tendant à présenter une image, celle qu’ils veulent présenter au monde, d’un homme dépourvu de sens. On n’accède pas au plus puissant poste au monde sans en avoir les compétences. Ou alors, c’est la société américaine elle-même dans son grand ensemble qui est dépourvue de raison. Elles devront surtout admettre que Trump est parvenu à ce poste parce qu’une grande partie des américains en a décidé ainsi. Même si la possibilité d’un complot bien organisé qui pourrait entraîner sa destitution ou ’impeachment’ pourrait être considérée, quoique très faible, elles devront se convaincre qu’il pourrait passer plus de temps qu’elles ne le croient dans le bureau ovale. Sinon, plus ça continue, mieux on se rend compte que tout ceci est fait à dessein pour des raisons plutôt commerciales, ce qui serait dans ce cas alors assimilable à de la démagogie et à l’escroquerie morale des peuples. Personne ou très peu s’en aperçoivent.

Dans toutes les sociétés du monde, les dirigeants sont à l’image des peuples qu’ils représentent. Cela s’applique aussi aux Etats-Unis.

Comme cela l’a été en 2016, sa réélection pourrait surprendre le monde en 2020. Pour le moment, il est prétentieux de l’affirmer, mais il s’y prépare déjà. D’ailleurs, alors qu’il attendait sa prestation de serment, il a choisi son slogan de campagne pour les présidentielles de Novembre 2020 : « Keep America Great ! ».

Ce billet était à l’origine destiné à être posté sur mon mur Facebook, mais vu sa longueur, j’ai plutôt décidé de le publier sur mon blog, pour en même temps signer mon retour après huit mois d’absence. J’écrirai désormais, un peu plus sur la politique internationale, et américaine en particulier, bien sûr, sans prétendre en être un spécialiste mais juste des commentaires personnels que je partagerais, sur des sujets qui me passionnent en admettant les limites de mes analyses.


A Andréa, pour la dernière fois

La mort, pour paraphraser quelqu’un, est une voleuse. Elle prend, elle garde tout ce qu’une personne est, ce qu’elle était. Et quand la mort enlève quelqu’un de si extraordinaire qu’Andréa, elle n’emporte pas que son passé avec elle, elle emporte ce qu’elle a été pour ses proches au quotidien…

Chère Andréa,

Aujourd’hui, on exposera ta photo sur l’espace du petit terrain de Yogougon Selmer Rue des Princes. Ta famille, tes ami(e)s et autres personnes qui ne te connaissaient même pas, mais souffrant la douleur de ta tragique disparition, chanteront, danseront et surtout couleront des larmes jusqu’à l’aube. On racontera des anecdotes, des témoignages de qui tu as été. Le prêtre dira une prière pour le repos de ton âme, puisque les péchés, tu n’en as plus pour qu’on demande qu’ils soient pardonnés. Demain, tôt le matin, on te sortira du froid de la morgue, ta silhouette innocente d’Ange sera presque méconnaissable. Demain, à cette même heure, ta famille, tes ami(e)s et toutes ces personnes pour qui tu comptes -dans leurs habits noirs de deuil, les yeux enflés par des heures de pleures, le cœur en lambeau -prendront le chemin du cimetière municipal de Yopougon, toi devant.

Je ne serai à aucune de ces occasions. Je ne serai pas là pour te voir partir sans un regard furtif que tu refuseras sans doute de jeter en arrière de peur de croiser les yeux de ta mère désormais seule. C’est peut-être mieux ainsi que je n’y sois pas même si cela fait mal. Mais la douleur aurait été encore plus insupportable en te voyant t’en aller sans un mot. Cependant, de là où je me trouve en ce moment, j’ai tenu à t’écrire cette lettre, pour la dernière fois.

Je devine à quel point tu as si hâte de quitter ce monde de chimère d’hommes sans cœurs aux esprits vagabonds. Tu serais si pressée de rejoindre tes sœurs parties trop tôt au point que tu n’aurais certainement pas assez de temps pour me lire. Mais, garde cette lettre pour la lire sur ton chemin vers Dieu où une place de choix t’est réservée à Sa droite. J’essaierai d’être bref pour ne pas t’ennuyer.

Chère Andréa,

Selon la croyance, « le péché originel ne peut être lavé que par les eaux du baptême. Mais, ce sont les péchés suivants qui sont les plus difficiles à effacer, et puisque le pardon des offenses n’est accordé qu’au véritable repentant, le mal pur ne peut jamais être éradiqué ». Comme tel, l’erreur pour tous les humains est de croire qu’il peut y avoir des hommes dits biens. C’est fou et faux de le croire. Il y a seulement deux catégories de personnes. Celles qui dominent le mal faisant partie intégrante de la nature humaine et celles qui, trop poussées par leurs instincts bestiaux, répandent le mal par tout, faisant couler le sang d’innocents sur leurs passages. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient Gbailly, ton tueur. Parler de lui, c’est le célébrer. Il n’en a pas droit. C’est pourquoi, je consacrerai ces lignes à te demander une seule chose : Pardonner.

Pardonne d’abord à ton père de n’avoir pas su préserver les liens familiaux, ce qui pourrait expliquer l’éducation ratée de Gbailly. Pardonne ensuite à la société dans laquelle a grandi Gbailly et qui lui a sans doute tendu l’appât du gain facile auquel il a fini par mordre et qui l’a emporté, toi avec. C’est sûr que de la cellule des grands criminels de la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) où il se trouve en ce moment, l’effet de la drogue passé, il éprouve des remords, lesquels le rongeront jusqu’à la moelle pour ensuite le faire disparaître de la surface de la terre, un jour, comme toi. La seule différence est que, contrairement à toi qui part sans péchés puisque désormais les tiens sont portés par Gbailly, lui, il tombera un jour, sans doute face contre terre, sous le poids trop lourd de chagrins, de solitude et de misères d’une vie ratée… C’est sûr que si la vie lui offrait une seconde chance, il la saisirait cette fois avec plus de sagesse, mais on ne reprend pas une vie. On continue sur sa lancée, fut-elle fatale.

Vide ton cœur de toute colère, Andy. Là où tu vas, seuls y entrent les cœurs pures. Quand tu rejoindras tes sœurs, ensemble, continuez de prier pour votre mère, votre père aussi. Il devrait être tout autant détruit de perdre, presque, deux de ses enfants au même moment. Après ce drame, c’est sûr que cette famille ne sera plus la même, mais priez pour que Dieu donne à votre père, la force de pouvoir re-jouer son rôle de chef de famille pour protéger ce qui lui en reste de tel.

Chère Andréa,

Demain, avant de refermer ta tombe, le prêtre fera une dernière prière pour te recommander aux anges, les priant de te conduire jusqu’au Père Divin. Quand tu seras portée en terre, tous te tourneront le dos. Les pieds lourds, sur le chemin du retour, chacun se souviendra et chantera dans son cœur ce cantique d’Adieu :

« Il n’y a qu’un chemin pour aller au ciel, est-ce que je pourrai y aller aussi ? Les Anges par milliers, partent pour le ciel, ils sont vertus en habits blancs, et moi, pauvre pécheur, je me pose la question, est-ce que je pourrai y aller aussi ? ».

Va-t’en sans crainte, Andy. Ni pour le lieu inconnu où tu vas, ni pour ta mère que tu laisses. La plaie est sans doute encore béante. Mais elle se cicatrisera, j’en suis certain. Je passerai la saluer toute fois que je suis de passage au quartier. Nous serons tous là, chacun à sa façon, pour lui rappeler qu’elle n’est pas seule à te pleurer.

Tu resteras à jamais dans nos cœurs. Entre deux causeries, deux éclats de rires insouciants, nous nous souviendrons de toi. Nous parlerons de toi.

Nous verrons chaque nouvelle journée que Dieu nous offre comme un cadeau et nous l’aborderons avec autant de courage et de détermination, de douceur et d’amour aussi comme tu l’as toujours montré pour tes ami(e)s, les gens autour de toi et surtout pour ta mère.

Paix à ton âme, Andy !


Il l’a tué, Andréa!

Gbailly, le tueur d'Andréa aux mains de la Police
Gbailly, le tueur d’Andréa aux mains de la Police

Dans son sens originel, l’agression est une attaque non provoquée, injustifiée et brutale contre quelqu’un. Vu comme tel, l’acte d’agression paraît une exclusivité des êtres en ayant reçu les caractéristiques à leurs naissances, lesquels, en grandissant et poussés par leurs désirs de fauves développés par une société matérialiste, ils tentent d’exprimer à tout prix comme s’ils eussent un devoir moral à accomplir. Mais, au sein d’une société, quand viennent à s’effriter les liens de la famille, socle de la société, les cordes moraux des membres qui la composent s’infléchissent forcement ouvrant ainsi un boulevard sur le crime. En ce moment-là, la puissance de la faculté agressive dévolue aux âmes malades s’empare de la société dans toute sa composante faisant de chaque individu, une menace pour son semblable.

Gbailly Lekagnon a tué Andréa, d’un seul coup de couteau ! Les faits que je reproduis ci-dessous, mots pour mots, presque,  m’ont été rapporté hier matin, par Ella, la meilleure amie d’Andréa, sous l’émotion, d’où le manque de cohérence par endroits:

« Gbailly est le demi-frère d’Andréa (fils qu’a eu le père d’Andréa avec une seconde épouse). Andréa, elle a perdu tous ses autres frères et sœurs donc elle reste l’unique enfant de sa mère. Gbailly, n’habite pas à la Selmer ici, il habite, quelque part là-bas, au nouveau quartier mais il vient ici de temps en temps. Comme c’est un voleur et il fume la drogue, on l’a interdit de venir ici. Andréa nous a dit, Jeudi, sa maman est sortie vers les 13h-là, donc elle est restée seule à la maison. Vers 15h, Gbailly est venu et quand Andréa l’a vu, elle a dit toi Gbailly-là papa n’a pas dit de ne plus venir ici, tu viens faire quoi ? Il a dit à Andréa, donne-moi la clé de la chambre. C’est ça, elle a dit, je n’ai pas la clé, c’est dans ça, comme d’habitude ils se disputent mais pour plaisanter-là, elle l’a laissé et est venu s’asseoir au salon. A sa surprise, il s’est mis à la brutaliser et l’a poignardé une fois dans le ventre vers son nombril. Elle est restée couchée et vers 16h sa maman est revenue, elle a tapé à la porte comme y’avait personne pour ouvrir, elle est venue me demandé si Andréa est chez moi, j’ai dit non et elle est reparti taper encore et puis Andréa s’est débrouillé pour venir ouvrir. Quand elle a ouvert, elle est tombée dehors et puis elle a dit à sa maman, faut pas rentrer, il est dedans, il a couteau. Sa maman a crié et les gens sont venus et ils l’on prit pour l’envoyer à l’hôpital, à la clinique les Oliviers vers le nouveau quartier. Arrivé là-bas, les docteurs disent ils vont l’opérer mais ils veulent une caution de 300,000f d’abord. Donc ils ont appelé son papa au travail, quand il est arrivé, il a donné l’argent, ils ont fait les examens. Après ils disent, il faut encore 80,000f son papa dit soignez-la pendant qu’on cherche l’argent-là. Après, les médecins ont dit c’est grave qu’il faut l’envoyer au CHU. Ils l’on envoyé au CHU de Cocody, là-bas, ils ont fait les examens et après ils l’on opéré. Quand elle s’est réveillée il était vers 4h du matin, le vendredi. Elle parlait, on a causé un peu elle nous a raconté que le jeune ne l’a pas violé mais avait prit la drogue et l’a brutalisé avant de la poignarder. Elle était devenue pâle, elle était anémiée. On lui a placé une poche de sang. Après, elle dit qu’elle a froid et on l’a couvert. Un moment, elle a commencé à dormir. Moi je suis rentré vers 5h du matin, pour prendre quelques affaires et repartir le lendemain matin. On dit après elle a vomi beaucoup de sang et le médecin dit si c’est comme ça, on va l’opérer encore et il l’on mit sous anesthésie. Moi j’étais à la maison, j’entends des cris, on m’appel pour me dire Andréa est morte. Comme ça ! »

Andréa est donc décédée le Vendredi 8 Juillet à 18 ans. Elle était élève en classe de Terminale et devrait présenter l’examen du Bac débuté le Lundi 11, c’est-à-dire hier. Finalement, ça ne sera pas nécessaire puisqu’au ciel, là où elle va, elle n’en aura pas besoin…

Dans son corps frêle et innocent, on a injecté le formol qui l’a raidi, noirci et absorbé le peu de sang qui lui est resté. A l’heure qu’il est, elle ne vaut plus qu’un tas de glace rangé dans un casier de la morgue attendant d’être portée en terre le samedi prochain.

Portée par ses pairs, des anges aux ailes géantes, son âme, elle, n’aura pas attendu ce jour pour filer tout droit vers le ciel, là où attendent, des bouquets de fleurs à la main, les saints de Dieu pour l’introduire dans au paradis où lui est réservée une place de choix à la droite du Père.

Sur une de ses photos postée sur Facebook, le regard levé vers le ciel, elle a écrit : »J’ai fait ma part, dieu fera le reste« . Rassures-toi, Andy, Il le fera bien plus, bien mieux que tu ne le pensais. Il te rendra justice. Il saura consoler ta mère démolie par la douleur sans nom.

Quant à toi, saches que depuis hier, Gbailly est aux mains de la police. Il répondra de ses actes. Pardonne-lui et laisse Dieu et les hommes faire le reste. De toutes les façons, dans ton petit cœur d’Ange, il n’y a pas assez de places ni pour la colère, ni pour la haine, encore moins pour la rancune. Vas au ciel, c’est là-bas que vivent les Anges et les Saints. N’oublie pas de sortir couverte pour ne pas prendre froid. Laisse ce monde aux vampires de la race de Gbailly contre qui ceux que tu as laissé ici, ami(e)s, parents et connaissances livrent une bataille sans merci au quotidien…

Je ne pensais pas pouvoir écrire ce billet tant l’émotion était si forte depuis hier. Mais les conditions de ta mort, même incomplètes, devraient être sues pour que plusieurs autres milliers de voix partout, prient pour le repos de ton âme. De là où tu te trouves en ce moment, n’oublie pas d’intercéder pour ta mère. Elle t’aime! Nous aussi!!

 A Dieu, ANDY !

 


…pour l’avenir de nos enfants

Partir est un sacrifice, et tout sacrifice implique une part de douleur intérieure que ressent celui qui le fait. Cette atroce souffrance que ce départ engendre fait naitre une nouvelle détermination, un indéfectible dévouement et un devoir moral de poursuivre son rêve jusqu’à son aboutissement absolu.

Un matin, certains sous la canicule, d’autres sous la pluie, vous avez sorti vos valises et pris le chemin de vos rêves. Le cœur étreint par la douleur de la séparation, vous avez laissé derrière vous tous ceux que vous aimez plus que tout, dans l’espérance de lendemains meilleurs.

Une fois chez eux, en Europe, en Asie, en Amérique, en Océanie ou même en Afrique -partout où le destin vous a conduit- vous aviez, au début, éprouvé un brin de soulagement, celui que procure le sentiment illusoire d’un départ nouveau. Mais très vite, à peine vos valises remplies de vos rêves d’ivoiriens posées, la réalité de l’aventure s’est imposée à vous.

Les premiers signes de vos illusions vous sont apparus à travers le nom par lequel vos hôtes vous ont identifiés. Le matin, quand vous ne contribuez pas à leur économie, vous êtes des immigrés. A midi, quand vous commencez à travailler et que vous payez vos impôts, vous êtes un expatrié. Le soir, disons, des années après, quand vous semblez intégrés dans leurs sociétés mais sans doute pour vous rappeler vos origines que vous semblez fuir, ils vous appellent « ivoiriens de la Diaspora ». Dans tous les cas, vous êtes et demeurez des étrangers, tellement étranges que vous êtes surveillés au quotidien parce que votre présence, à elle seule, constitue une menace.

Selon l’histoire, l’ivoirien n’était pas un aventurier. Il accueillait chez lui plutôt qu’il n’allait. Ceci à tel point qu’aujourd’hui presque chaque grande ville de la Côte d’Ivoire a un quartier qui porte le nom d’un pays ou d’une communauté étrangère : « Quartier Maroc, Quartier Air France, Quartier Biafra, Camp Chinois, Mossikro, Petit Bamako, Petit New York… »

C’est tellement magnifique d’appartenir à un pays culturellement si dense et qui fait de cette diversité une source de richesse. C’est cette richesse qui justifiait sans doute que jusqu’aux années 90, presque très peu d’ivoiriens rêvaient d’aller à l’aventure. Quand les remouds sociaux ont commencé avec les grèves estudiantines, tout a changé et la vague de départ s’est enclenchée. Depuis lors, elle ne s’est plus estompée et s’intensifie chaque jour un peu plus.

Aujourd’hui, nous sommes plusieurs milliers, vous et moi, à avoir fait le choix de vivre nos rêves ivoiriens loin des nôtres. Mais l’aventure a ses caprices que subit l’aventurier. Elle te prive de tes plats préférés, de ces visages familiers et sources de bonheur de chaque membre de ta famille. Ces fous rires entre amis autours d’un repas le soir d’un weekend de fête cèdent la place à des moments de solitude et de nostalgie… Un collègue disait que lorsque vous vivez dans un pays étranger, tout change chez vous. Votre façon de parler, de marcher, même de prier à l’Eglise. Chez vous, vous bombiez la poitrine et balanciez plus loin les pieds en marchant. A l’étranger, même sans qu’on ne vous le demande, vous faites attention à tout, à chacun de vos faits et gestes…

Mais tant que, même partis nous maintenons le cordon ombilical qui nous lie à la mère patrie ; tant que ce qui nous motive à y demeurer reste le souci de faire fortune et revenir investir chez nous, le jeu en vaut la chandelle.

C’est pourquoi, en m’adressant à vous, que l’on vous appel immigrés, expatriés, étrangers ou simplement ivoiriens de la diaspora, je vous exhorte à plus de courage et surtout à ne jamais refermer après vous le tunnel qui vous a conduit là où le destin a voulu que vous vous trouviez. Ceci pour que, quand viendra le temps des bilans, bombant la poitrine de fierté comme un moine sûr de sa prière, vous puissiez revenir ici -c’est à dire, chez vous ;  là où la police ne vous surprendra pas pour vous demander votre carte de séjour en allant acheter une boîte de conserve au supermarché situé à 5 mètres de chez vous ou en vous rendant chez un ami habitant à seulement deux rues de chez vous.

A l’opposé, à ceux qui sont restés, vous n’aurez pas fait le mauvais choix. Sachez que l’adage, « on n’est mieux que chez soi » porte son sens. Sachez surtout que l’Eldorado n’est pas ailleurs, mais sur la terre de vos pères, votre patrie. Sachez que certains parmi ceux qui sont partis ont réussi leurs vies et s’y plaisent, mais d’autres s’y déplaisent et enchainent les heures de travail dans différents métiers rien que pour être à mesure de s’acheter leurs billets du retour. Sachez que le bonheur ne s’octroie pas, mais se crée. Comme tel, vous pouvez le créer partout où vous êtes, y compris chez vous. Profitez donc de l’avantage que vous offre le système parce qu’étant des nationaux et que nous, de loin, jalousons ; celui d’aller et venir sans crainte, d’effectuer vos transactions et autres activités sans restrictions et même d’être entouré de gens qui vous ont vu naitre ou grandir, qui sont heureux de vous voir heureux. Dissipez vos rancunes nées de plusieurs années de guerre. Donnez son sens au « vivre ensemble libres et heureux » ; Faites place à l’amour dans vos cœurs. Soyez tolérants envers vos voisins, furent-ils, eux aussi, des étrangers chez vous. Sortez des prisons dans lesquelles vous a enfermé la haine suscitée et nourrie par des hommes politiques égoïstes se servant de vous pour étancher leurs soifs inassouvies de pouvoir. Soyez guidés par le souci constant de préserver ce qui vous unit qui reste bien plus grand que ce qui vous divise, c’est à dire la partie de terre qui a été témoin de vos premiers jours de vie -la Côte d’Ivoire.

Le moment venu, où que nous soyons, nous reviendrons. Certainement pas collectivement, puisque nous n’obtiendrons évidemment pas à la même échéance ce pour quoi nous sommes partis ; mais nous reviendrons quand même, même individuellement. Ensemble, avec vous qui êtes restés, nous continuerons le travaille de milles générations entamé par ceux qui nous ont précédés, pour le parfaire… pour l’avenir de nos enfants.

A Traoré Youssouf, dit Baïf,

mon ami, mon frère

vivant son rêve d’ivoirien en Tunisie,

Et à tous les expatriés, immigrés ou étrangers.


Littérature : « Le Menuisier de Calavi »

La nature est parfois cruelle. Les prédateurs sont partout. Des êtres qui évoluent à la périphérie de l’humanité. Indifférents aux limites qu’imposent la morale et la conscience, une race sans pitié dont l’arme la plus redoutable est leur capacité à se fondre dans la masse. Aissè Bénoit Tokoumbo –ABT ou ‘’Abété’, pour les intimes, s’en ait rendu compte, mais bien trop tard…

En Février dernier, lors d’une mission à Cotonou, j’étais dans une librairie pour m’acheter l’œuvre « Nos Rêves d’Afrique » de Stefanie Zweig. J’ai fais le tour de tous les rayons, sans succès puis, en sortant, presque désespéré, j’ai vu ce roman « Le Menuisier de Calavi » de Dave Wilson, qui semblait me supplier de le prendre. J’ai cédé à la tentation plus par curiosité et pour son petit prix, 2,500fcfa, que par envie ou par amour pour cette œuvre et son auteur qui m’étaient jusqu’alors inconnus. Dès les premières pages, dans l’avion du retour, j’ai su que je tenais entre mes mains, un chef d’œuvre de la littérature noire contemporaine.

« Parti sous la bénédiction de ses oncles de sa belle province de l’Ouémé, du côté de Pobè où il passa toute son enfance » p11, Abété s’installa à Cotonou dans la perspective d’une vie meilleure, avec pour seul diplôme, un Certificat en menuiserie. Mais, que peut un menuisier dans une lutte sociale à l’issue presqu’incertaine même pour des ingénieurs ? Le village n’est pas la ville. Le fossé entre les deux est énorme. Toutefois, même dans cet « univers de sauce tomate trop fluide, sans viande ni poisson, et de table sans victuailles, l’orgueil a son mot à dire » p8. Imbu de sa dérisoire fierté des bas-fonds, Abété qui sait que « l’honneur de l’homme est aussi mesuré à l’aune de l’épreuve que suscite l’impécuniosité » P11, s’était résolu à affronter la vie -de face.

Tôt le matin, jusqu’au coucher du soleil, Abété frappait du marteau le bois têtu afin d’avoir le minimum pour assurer le repas familial. Le soir venu, il parcourait les rues de la capitale pour y défouler le trop-plein des relents de sa haine développée contre cette société urbaine individualiste et hautaine. Les souffrances d’Abété se perpétuaient. Peu à peu, il se sentait pourri au dedans de lui-même. Il résolu donc d’écouter ce que lui ordonnait sa conscience, quitter Cotonou pour Calavi. Mais partir, c’est s’exposer à l’inconnu. Rester c’est végéter sans solution. Le choix ne semblait pas évident. Heureusement, Akosiwa, son épouse, l’une de ces rares divinités sur terre dont la seule présence aux côtés d’un homme poussait à des exploits, était là pour le soutenir ; Cette dernière ne s’opposa pas à l’idée de partir. La décision de quitter la concession de Mibâkoué dans le quartier Jonquet fut donc définitive.

« L’être humain est ainsi fait qu’il lui arrive parfois d’avoir la nostalgie des souffrances dont il espère se débarrasser.» p23. Dans le taxi qui le conduisait à Calavi, Abété éprouvait un sentiment de peine et de regret qui lui paraissait difficile à expliquer…

Calavi semblait préparé à accueillir la famille Aissè. Le lendemain de son arrivée, tôt le matin, Abété reçu la visite de Assogba Hounkarin Mesmin ²Ass-mess², le délégué du quartier qui lui parla de Calavi et surtout des piliers de leur quartier -notamment de « Adjou Tessi, bûcheron ; Nouglo Dossou, ancien maître-maçon ; Akanni Comlan, blanchisseur ; Akambi Coffi, tisserand ; Atiwé Kokouvi, chanteur traditionnel et surtout de Fumilayo Tola, commerçant »p58 -dont il vanta la générosité et la convivialité. Abété s’endra très vite compte…

La terre, dit-on, ne trahit point celui qui la cultive. La famille s’était résolue de commencer par un jardin potager.  Abété fit la demande et reçu de Fumilayo, un prêt de 100.000fcfa plus des sacs et des arrosoirs. Les journées de travail se suivaient et se ressemblaient trainant avec elles leurs corvées parfois empruntes de mépris mais aussi d’espoirs pour ce couple soudé et acharné, tenace sous la canicule, heureux sous la pluie, insensible à tout ce qui n’encourage pas.

« Au fil des matins frisquets et des crépuscules précoces, la vie avait progressivement perforé le meuble manteau de la terre nourricière »p71. La terre de Calavi offrit à la famille Aissè ce que leur avait refusé, sans pudeur, Cotonou. Tout Calavi et même quelques-uns de Cotonou défilaient chez les Aissè pour s’acheter leurs légumes. Aissè remboursa toutes ses dettes et comptait même parfois plusieurs milliers de francs, rien que pour lui seul, sans créanciers. Le père de Razak et de Waly assurait désormais dignement le devoir que lui conférait son statut de Chef de famille…

Quand vous avez connu une existence semblable à celle d’Abété, parsemée d’autant d’embûches, vous vous rendez compte de la fragilité de la vie. Vous voyez différemment la société et les hommes qui la font. Mais, le seul mérite d’avoir un cœur d’agneau dans un monde de loup c’est avoir son destin écourté même en tentant de sauver un vieux loup édenté, affamé et mourant.

« Sous l’immense baobab à l’ombre duquel une partie du dispensaire abritait son toit rouillé, un résidu d’homme se morfondait, tributaire de la générosité ambiante »p85. Il s’appelait Tayo, surnommé ‘Afodokponon’, l’Unijambiste. Abété fut pris de compassion en voyant cet être que la vie avait rejeté. Pour lui, « c’est tellement facile d’être comme lui »p86. Sa compassion se mua en une amitié avec l’Unijambiste à qui il offrait des pièces d’argent chaque fois qu’il passait par là. Mais la femme, disent certains, est doté d’un instinct qui ne la trahi point. Akossiwa, pourtant si altruiste, s’opposait à cette amitié. Abété, lui, s’obstinait. Ça dura plusieurs mois…

Un matin, alors qu’Abété se rendait à Cotonou avec dans la poche, 340,000f qu’Akossiwa et lui avaient rassemblés pour leur projet d’achat d’un terrain, il aperçut l’unijambiste et cherchant une pièce à lui remettre, il fit sortir la liasse de billet mais parvint pas à retrouver la pièce. Il promit à son ami, de revenir plus tard. Une telle attitude de celui qu’il considérait jusque-là comme son ami causa à Afodokponon une profonde blessure. «Ce salaud insensible et hypocrite ne pouvait-il pas aller chercher de la petite monnaie chez le boutiquier ? et s’il n’avait sortit ce gros parquet d’argent que pour m’humilier, me dégrader davantage, me faire ramper dans la misère, m’obliger à quémander ; à le supplier ? », p.212-213, peinait-il à accepter...

Pour chaque histoire, il y a toujours au moins deux versions. Pour chaque personne aussi. Il y a la facette que l’on présente au monde et celle gardée au plus profond de soi-même et qui surgit le moment venu. La haine créée par le mépris de son ami a fait ressurgir la nature réelle d’Afodokponon qui résolu de se venger. Il tendit une embuscade à Abété dans la forêt. Même dans l’adversité, Abété éprouva toujours de la compassion pour l’Unijambiste qui enfonça dans la poitrine du père de Razak et de Waly, de l’époux d’Akossiwa, le pieu qu’il avait trainé avec lui au lieu du rendez-vous fatal.  Abété, « puisant dans ce qu’il lui restait d’une force insignifiante venue d’ailleurs, mit un genou à terre, agrippa maladroitement une touffe d’herbes s’affala (…) »p247. Tayo « regarda le menuisier gigoter quelques minutes avant de s’éteindre », puis marmonna : « Les riches qui font le pauvre, ça se détruit »p248.

« Le Ménuisier de Calavi » est un Roman de 249 pages publié aux Editions AFRIDIC en 2008. Il a obtenu le prix « Président de la République ». Son auteur, Dave Wilson, alors producteur à RFI, est né en 1950 à Pointe Noire, au Congo.


Jacmen Kouakou: “Nous enseignons aux jeunes à créer leur propre richesse…”

« La jeunesse – écrivait Fénelon dans « Les aventures de Télémaque (1699) » – est la fleur de toute une nation, c’est dans la fleur qu’il faut préparer les fruits ». La Jeunesse ivoirienne l’a compris et s’y met. Jacmen Kouassi aussi. Ayant très tôt pris conscience de son rôle pour une Côte d’ivoire meilleure, ce jeune ivoirien s’est mis à la tâche sans relâche. Aujourd’hui, ce jeune entrepreneur, la trentaine révolue, père de famille et activiste sociale et fervent chrétien, fait partie de l’élite de la jeunesse ivoirienne. L’air jovial, le ton posé, l’humilité dans le parlé, l’élégance dans les gestes, c’est sans détours que Jacmen Kouakou, bénéficiaire du Porgramme YALI, section Afrique de l’Ouest, initié par le président Obama en faveur des meilleurs jeunes leaders Africains, s’ouvre à mes lecteurs dans l’entretien qui suit :

“…J’ai eu la ferme conviction de créer une entreprise pour lutter contre le chômage des jeunes…”

Chroniques des Temps Nouveaux (CTN): Bonjour Jacmen, entre nous jeunes on peut se tutoyer si tu permets. Merci d’avoir accepté cet entretien. Pour commencer, peux-tu te présenter à nous?

Jacmen Kouakou (JK): Bonjour Emile. Sans problème, soyons relaxe. Je suis Kouakou Kouassi Jacmen, aîné d’une famille modeste. Je suis Marié à Kodjahon Affoue Marie Christelle qui me soutient enormement, père de deux charmants garçons. Je suis diplômé d’un baccalauréat serie A2 obtenu au Lycée Khalil de Daloa, d’un Master en Anglais à l’Université de Cocody (Côte d’ivoire) et aussi de plusieurs Certificats en Gestion des Ressources Humaines et en Leadership. Je suis Traducteur Volontaire des Nations Unies en ligne depuis 2012. Passionné de l’entrepreneuriat, je membre du Réseau des Entrepreneurs Sociaux de Cote d’Ivoire (RESCI). J’aime écouter la musique Chrétienne. Selon mes amis, je suis un fin négociateur (rires…). Bref, je m’arrête là !

CTN: Tu l’as dis, tu es un entrepreneur, comment ont été tes débuts? D’où t’est venue l’idée d’entreprendre et comment a commence ton Projet?

JK: L’histoire de JC English Training Corporation a commencé une nuit vers 2 heures du matin dans le mois de Novembre en 2012. Je me suis reveillé et j’ai eu la ferme conviction de créer une entreprise pour lutter contre le chômage des jeunes dans mon pays, la Cote d’Ivoire voire au délà. La même nuit, je me suis mis à écrire les grandes lignes de ma vision. Comme il faut « battre le fer quand il est chaud », le lendemain matin je me suis lancé à la recherche d’une salle de classe pour exécuter le projet qui consiste à renforcer les capacités linguistiques des membres de ma communauté pour leur permettre d’avoir du travail et d’autres opportunités. Tu sais, à Abidjan j’ai vu des personnes manquer des opportunités de travail ou d’études tout simplement parce qu’elles n’ont aucune notion de l’Anglais. Donc l’idée de création de l’entreprise est partie de là. En plus de l’enseignement de l’Anglais, de la Traduction et de l’Interpretariat, renforcer les capacités des jeunes en entrepreneuriat est une autre mission de ‘JC English Training Corporation’. Nous enseignons aux jeunes à créer leur propre richesse, à ne pas attendre le gouvernement pour leur offrir du travail. Certains ont des idées innovantes, mais ne savent pas comment les exécuter, nous leur offrons un coaching afin de leur permettre de reussir leur projet.

CTN: En tant qu’entrepreneur, quelles satisfactions as-tu à ce jour et quelles sont les difficultés que tu rencontre le plus souvent?

JK: Tu sais, je tire ma satisfaction lorsque les “sans emplois” qui ont renforcé leurs capacités en Anglais à travers “JC English Training Corporation” me disent “Teacher, j’ai eu du travail parce que j’ai reussi mon test d’Anglais!”. Ma joie est grande aujourd’hui parce que grâce à ce projet, des dizaines de jeunes ont trouvé du travail, certains jeunes sont reçus dans les universités Asiatiques et Americaines.

Les difficultés sont nombreuses, et se situent à plusieurs niveaux. Il y a l’insuffisance de resources pour déveloper le projet. Par consequence, il y a un manque d’infrastructures adéquates pour la formation. Je veux parler de salles et de matériels de formation répondant aux normes internationales. Cependant, ‘découragement n’étant pas Kouakou Jacmen’, j’ai cru en ma vision et en mon projet, et petit à petit des coeurs ont été sensibles à mon projet. J’ai même le soutien inconditionnel d’un ami de la Fac, Monsieur Evariste Aohoui, à qui je voudrais rendre un vibrant hommage ici. Il a fermement cru en mon projet. Aujourd’hui, il me soutient beaucoup dans mes formations en entrepreneuriat.

“Mon désir, c’est que chaque entrepreneur s’intéresse à la protection de l’environement…”

CTN: En plus d’êre un entrepreneur, on te voit beaucoup impliqué dans des initiatives citoyennes comme la protection de l’environnement, la formation des jeunes, peux-tu en dire plus?

JK: Certains amis me demandent de quel coté je suis, Entrepreneur ou protecteur de l’environnement? J’ai toujours répondu qu’un leader a plusieurs missions pourvu qu’elles impactent positivement sa communauté. J’ai aussi compris qu’un entrepreneur pourra être productif et mener à bien ses activités à long terme s’il travail dans un climat sain d’où mon combat en incitant la population et les jeunes notamment à avoir des attitudes écocitoyennes. Et puis à quoi serviraient mes actions si ceux à qui je veux donner du travail demain sont malades à cause d’un climat dégradé? A absolument à rien! Pour moi, c’est le plus grand défi auquel le monde doit faire face. Je fais donc ma part. Aujourd’hui, la plupart des maladies qui déciment l’humanité sont liées au changement climatique. Mon désir c’est que chaque entrepreneur s’intéresse à la protection de l’environement s’il veut être plus rentable et productif. La santé avant tout!

CTN: Tu es si jeune, marié et père de deux enfants, pourtant cela ne semble pas t’empêcher de faire autant de choses à la fois. Quel est ton secret? Comment parviens-tu à concilier ta vie familliale et professionnelle?

JK: (Rires…) Cette question revient chaque fois que je suis en face de mes paires. Mon sécret c’est DIEU. J’ai dit à Dieu, ‘tu vois le bagage que tu m’as fais porter, je ne refuse pas de le porter, c’est ma mission, alors occupes-toi de moi et de ma famille.’ Et il le fait si bien! En plus j’ai une magnifique épouse qui m’aide beaucoup. De mon coté, je fais l’effort d’être le plus organisé possible. Quand je suis à la maison, c’est ma famille. Quand c’est l’heure du travail, la famille doit céder la place. J’ai peu de distraction, car pour moi ce n’est pas le moment.

“…derrière un échec se cache une opportunité incroyable”

CTN: Tu as récemment été sélectionné parmi les meilleurs jeunes leaders africains pour participer au programme YALI, zone Afrique de l’Ouest. Peux-tu nous dire en quoi ce programme consiste et quels sont les avantages concrets que tu en tire?

JK: Ma sélection à ce programme est le résultat de ma perséverance et de mon travail sur le terrain pour impacter ma communauté. J’ai postulé à plusieurs programmes sans réponses favorables. Cela m’a encore plus motivé à continuer, car derrière un échec se cache une oppotunité incroyable. Cette fois a été la bonne. En effet, le programme YALI (Young African Leaders Initiative), est une initiative du Président Américain Barack Obama. Le programme vise à sélectionner les jeunes Leaders de l’Afrique Sub-saharienne qui, par leurs actions, impactent leurs communautés. Ce programme est sub-divisé en quatre zones en Afrique à savoir le Ghana, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Sénégal (Dakar) et un autre nommé le ‘Mandela Washington Fellowship‘ qui se déroule aux USA. Ainsi, sur plus de 3,000 postulants au Programme ‘Yali Dakar’, seulement 100 jeunes Leaders ont été retenus pour la formation en ‘Business & Entrepreneurship’, ‘Civic Leadership’ et ‘Public Management’. Je suis admis dans la catégorie ‘Business & Entrepreneurship’. Pendant les cinq (5) semaines de formation à Dakar, nos capacités en management d’entreprise, en marketing et en Leadership seront renforcées. Nous avons aussi des mentors qui vont nous épauler dans la concrétisation de nos projets. Il y a également des avantages relationnels car lors de la formation nous rencontrons des chefs d’entreprise très influents qui, en plus de leurs conseils, nous laissent leurs contacts pour d’eventuelles collaborations. Nous aurons, après notre formation à Dakar, sept semaines de suivi intense et d’activités dans nos differents pays avec la possibilité d’accompagnement de nos projets. Des possibilités de stages pour ceux qui le souhaitent dans les institutions et des entreprises connues.

CTN: En tant que jeune leader modèle, quels conseils peux-tu donner aux jeunes africains en général et ivoiriens en particulier, qui veulent suivre ton exemple?

Je voudrais ici encourager les jeunes africains et surtout ivoiriens à faire valoir leurs potentialités en impactant leurs differentes communautés. Je sais qu’ils sont très instruits avec des talents incommensurables, mais comme le disait Herhert Spencer “le grand but de l’éducation n’est pas le savoir mais l’action”. Oui, les jeunes doivent agir et arrêter de spéculer. Il est temps qu’ils se réveillent de leur sommeil pour qu’ensemble nous puissions bâtir une Afrique vivable. Ceux qui ont des idées pour le dévéloppement de la Côte d’Ivoire ou de l’Afrique, qu’ils n’attendent pas demain. Commencez dès aujourd’hui, car comme le disait Tony Robbins “La clé du pouvoir, c’est l’action”.

CTN: Comment et où te vois-tu dans cinq ans?

JK: Je ne veux pas paraître trop prétentieux mais dans cinq ans, je me vois à la tête d’un cabinet de langue et de formation très structure, employant des dizaines de jeunes.

CTN: Un dernier mot?

JK: Je te remercie pour cette lucarne que tu m’offres pour parler de mes activités et surtout de mes ambitions pour la Côte d’Ivoire de demain que je voudrais prospère et où chaque citoyen, ivoirien ou non, se sent épanouis dans un environnement sain! Quand à toi, tu fais partie de ceux qui nous encouragent à perséverer dans nos actions. Que Dieu te bénisse, Emile!

Merci pour ton précieux temps quand je sais que tu n’en as pas beaucoup vu toutes tes activités, et surtout bon courage pour la suite!


Chez les Ivoiriens

L’humour (sans exagérer et pour paraphraser Edouard Herriot ou André Malraux), c’est la dernière chose qui restera à l’Ivoirien quand il aura tout perdu ; y compris sa paix arrachée de force par une décennie de guerre, sa tranquillité arrachée par une attaque terroriste meurtrière sur une plage bondée de gens exprimant leur joie de vivre.

C’est ce sens de l’humour qui a conduit à la création de ‘concepts’ qui, accompagnés de musique, une autre identité de ce peuple, devient une danse. C’est à croire que l’Ivoirien est condamné à vivre heureux tant il trouve en chaque situation une opportunité d’exprimer cette joie de vivre.

L’épidémie de ’Grippe aviaire’ est survenue et, pendant que d’autres pays semblaient en être fortement atteints et s’activaient à y trouver une solution, les Ivoiriens en ont fait un ‘concept’, une danse. Un matin, le type s’est levé et a chanté « Gripp’aviaire, Gripp’aviaire, Gripapa Gripapa… ». Ça l’a rendu célèbre juste un moment. Il a empoché ses sous. Les ivoiriens ont dansé. La grippe aviaire, on n’en a plus parlé. C’est fini.

Ne me prenez pas au sérieux si je dis que c’est une simple chanson/danse qui a aidé à éradiquer cette épidémie, mais ce que je dis c’est qu’elle a permis d’atténuer la psychose qu’elle a créée au sein de la population, et elle a sans doute aussi facilité le travail des autorités sanitaires du pays qui ont fini par la maîtriser.

Les Ivoiriens ont donc de l’humour et c’est cet humour qui, faisant cocktail avec l’activisme, l’originalité, la créativité des internautes ivoiriens (aussi surnommés ‘#Les200’ −suite à un discours mal prononcé par le Ministre des TIC pour désigner ceux qui s’exprimaient sur la toile ivoirienne contre le coût élevé de la vie ou plutôt mal interprété par les internautes) s’est traduit par la création d’un nouvel Hashtag : #ChezLesIvoiriens.

La particularité de cet hashtag est qu’il présente la Côte d’Ivoire de tous les jours, du citoyen Lambda, sous son aspect plutôt déjanté. #ChezLesIvoiriens, en un mot, est une ramassée des mots et expressions des ivoiriens au quotidien, leurs façons bien à eux de traduire leurs émotions, d’entretenir leurs liens sociaux… de vivre ‘leur vie d’ivoirien’.

Ne me demandez pas qui en est à l’origine, je n’en sais pas plus que vous, mais ce que je sais c’est que #ChezLesIvoiriens affole la toile. J’ai retenu ci-dessous quelques-une des expressions qui m’ont bien fait marrer.

  1. #ChezLesIvoiriens, pour dire qu’on aime bien quelqu’un, on dit « J’aime son affaire ».
  2. #ChezLesIvoiriens, quand tu invites un journaliste à une cérémonie, il te demande « c’est diémé ?». ‘Diemé’ qui vient de perdiem.
  3. #ChezLesIvoiriens, pour exprimer le pluriel, on double le mot : « Des maisons Jaune Jaune ».
  4. #ChezLesIvoiriens, quand une fille dit « il m’énerve, ça signifie généralement le contraire ».
  5. #ChezLesIvoiriens, quand une fille que tu drague te dis dans une causerie « ne fait pas tes gos-là vont me frapper oh », c’est fini tu peux rentrer tranquillement savourer ta victoire.
  6. #ChezLesIvoiriens, dire qu’une fille est ‘mal jolie’ signifie qu’elle est très belle,
  7. #ChezLesIvoiriens, quand la domestique veut aller au village, elle invente un décès.
  8. #ChezLesIvoiriens, quand quelqu’un te dit « tu cherches ma bouche », entend tu me provoque.
  9. #ChezLesIvoiriens, quand quelqu’un veut t’injurier il te dit « individu ».
  10. #ChezLesIvoiriens, pointer ne veut pas dire enfoncer la pointe, mais « draguer » ou faire des avances à une fille/femme.
  11. #ChezLesIvoiriens, le fait de pointer est dit « pointage » et celui qui pointe, « pointeur ».
  12. #ChezLesIvoiriens, « toi-même tu dis quoi» est un début de pointage.
  13. #ChezLesIvoiriens, le meilleur danseur dans l’église ça peut être le pasteur lui-même.
  14. « ChezLesIvoiriens, quand on commence une phrase par « je te respecte beaucoup hein », rassures-toi, la personne va te parler sans respect.
  15. C’est #ChezLesIvoiriens qu’un mari dit à sa femme qui dort, « réveilles-toi on va dormir ».
  16. C’est #ChezLesIvoiriens le type te dis, « j’ai entendu l’odeur ».
  17. #ChezLesIvoiriens, le surnom de la cigarette est « Fall ».
  18. #ChezLesIvoiriens, quand on dit « je suis fan de toi » ça veut dire « je suis amoureux de toi ».
  19. #ChezLesIvoiriens, quand tu as un Iphone tu deviens le photographe du quartier.
  20. …… Vous pouvez compléter la liste.

    Note : Ces Hashtag ne sont pas de moi, mais d’auteurs différents que je n’ai pas cité pour ne pas attribuer à X ce qu’aurait dit Y, puisqu’ils sont soient retweetés ou partagés (sur Facebook).


Réponse à une Cuisine en colère

Ma Chère Cuisine,

Je suis vraiment navré pour tous ces jours de souffrances morales que je t’ai fait subir ­—de façon vraiment involontaire.

Cependant, je tenais à relever quelques écarts de langage dans ta lettre. Comment oses-tu qualifier les fast food de cette ville de « vilains trucs », hein ? Tu veux donc dire qu’il est difficile pour l’étranger de s’adapter à la nourriture locale dans cette ville ? C’est quoi cette jalousie de femme enceinte qui te pousse à être si violent au point d’en vouloir tant à ta co-locatrice, la douche ? Où aurais-tu voulu que je dépose la poubelle, dans mon salon où je m’assois pour regarder le Réal éliminer Manchester City, hein ? Est-ce toi qui paie mon loyer pour me dicter ma conduite? N’est-ce pas moi qui ait donné 24,000FCFA au plombier pour réparer mon robinet et qui s’est évaporé dans la nature, hein? Je comprends ta peine mais n’oublie pas que c’est quand même moi le maître de cette maison. C’est quand même moi qui t’essuie une fois en passant. C’est quand même moi qui subis les aboiements du chien de mon voisin. Un peu d’égard, voyons ! Mais comme je vais à l’église les dimanches, je te pardonne.

Chère Cuisine,

Tu parles d’indifférence, de mépris… non, laisse-moi t’expliquer pourquoi. Après, j’espère que tu me comprendras et me pardonneras.

Premièrement, tu vois, je suis le benjamin d’une famille constituée majoritairement de femmes. Il y avait aussi ma mère, donc tu comprends que je n’avais pas besoin d’entrer en cuisine pour manger. En outre, quand bien même que Papa m’ait envoyé à l’école loin de la maison, « pour ne pas que maman et mes sœurs me «gâtent» », j’étais dans des familles d’accueils où je lavais seulement mes habits. Je faisais tout sauf cuisiner. Quelle chance aurais-je donc pu avoir pour apprendre, hein? Tu comprends ce que je veux dire ?

Deuxièmement, si je ne te pratique pas, c’est en partie la faute à mes cousins avec qui je vivais pendant mes années de FAC. Je t’explique. On louait un appartement à quatre. Chacun de nous trois devrait faire la cuisine deux jours par semaine et le quatrième, l’aîné, avait le dimanche midi et soir. Moi, j’avais le vendredi et le samedi. Crois-moi, je maudissais toujours ces deux jours. Comme j’aime faire la lessive, soit je lavais les habits d’un parmi eux qui faisait la cuisine à ma place, ou alors, j’allais acheter à manger dehors quand j’avais un peu d’argent. L’essentiel était qu’il y ait à manger, tu comprends non? Mais mon malheur est qu’il se trouvait souvent qu’aucun d’eux n’ait d’habits sales et que je sois fauché comme un rat d’église.

Un jour, le karma m’a exposé. Je n’avais d’autres choix que de cuisiner. Avec le zèle d’une célibataire de 37 ans qui vient d’avoir sa première demande en mariage, je me suis mis à la cuisine de 14h à 19h. Après avoir transpiré toute la sueur de mon corps, chanté tous les titres d’Alpha Blondy et de Nayanka Bell en passant par Lucky Dube et avec l’aide de Dieu, j’ai pu m’en sortir sain et sauf avec mon meilleur plat de riz à la sauce arachide que j’ai proposé à mes cousins en espérant recevoir les compliments du jury qu’ils constituaient. C’est plutôt à des moqueries et à des critiques acerbes que j’ai eues droit : « Emile, mais comment as-tu pu oser préparer une sauce arachide avec du rognon, du foie de bœuf, hein ? Emile, as-tu renversé toute la bouteille de sel dans ta sauce? Au fait, Emile, ce piment, c’est pour guérir un fou? Est-ce que tu voulais finir l’eau du robinet?» et tralala. De toi à moi, est-ce là une façon sainte d’encourager un cuisinier stagiaire, hein? Ces critiques ont tué mon talent de Chef et depuis j’en souffre, aujourd’hui tu en paies le prix.

Troisièmement, enfin, tu te souviens qu’il y a deux semaines j’ai voulu faire une omelette rapide pour le dîner et en voulant renverser l’œuf dans l’huile j’ai mal saisi la poêle et me suis fait brûler les doigts. La douleur à transpérer tout mon corps des cheveux aux orteils pour atteindre mon âme. Conclusion, j’ai tout laissé tomber pour me contenter d’un pot de yaourt. Tu vois que j’essaie mais toi non plus tu ne m’encourage pas.

Toutefois, afin de faire la paix, signons l’accord ci-dessous qui entre en vigueur dès sa mise en ligne :

Accord de Paix entre les Parties : Emile, Ci-après désigné « le stagiaire » et la Cuisine, Ci-après désignée « la plaignante » :

Article 1 : Le stagiaire s’engage à nettoyer régulièrement la cuisine, soit une fois par semaine;

Article 2 : Chaque partie a 3 jours dans la semaine et le dimanche est consacré à Dieu ;

Article 3 : En cas de match de Ligue de Champion, l’Article 2 ne s’applique pas au stagiaire ;

Article 4 : Afin de réduire les tâches pendant et après la préparation, le menu se limitera à des omelettes et de l’igname bouillie ou autres grillades. Pas de sauce ;

Article 5 : En cas de fatigue du stagiaire, la plaignante devra faire preuve de compréhension ;

Article 6 : Le présent Accord pourra être modifié autant de fois qu’une Constitution Africaine, par le stagiaire, s’il le juge nécessaire, et s’appliquera aussi longtemps que Faure Gnassingbé restera au pouvoir ;

Article 7 : Tout règlement de conflit émanant de l’interprétation d’un quelconque article du présent Accord devra se faire en présence des 3 autres co-locataires (le salon, la chambre et la douche) ;

Article 8 : En cas de vote, la voix du stagiaire comptera pour double ­—C’est lui qui paie le loyer.

Ont librement signés et adhèrent au présent Accord, les parties.

Ma Chère Cuisine, comme tu le vois, je ne te déteste pas. C’était juste une incompréhension que l’Accord ci-dessus, très équilibré, vient lever — au nom de la paix !

Signé ton Cher Emile

Fait à Abuja le 4 Mai 2016


Lettre d’une Cuisine en colère

Cher Emile,

J’ai voulu te parler face à face, mais compte tenu du degré de ma colère, je pourrais perdre mon sang froid et te gifler sur la joue droite pour faire voler en éclat tes 64 dents noirs qui pullulent dans ta vilaine bouche que tu utilises pour manger dehors là. Toutefois, moi je ne suis pas si violent que toi, oui, parce que violent il faut bien l’être pour faire subir à sa voisine de cohabitation pareille torture morale. J’ai donc résolu de t’écrire une lettre pour te dire combien j’en ai marre d’être négligée dans cette maison. Non, Emile, trop c’est trop ! Je ne peux plus contenir ma rage. Il faut qu’aujourd’hui je te dise ce que j’ai sur le cœur qui me ronge.

Nous vivons à cinq dans cette maison, c’est-à-dire toi, ton salon, tes toilettes, ta chambre à couché et moi, ta cuisine.

Cher Emile, dans seulement deux jours, c’est à dire le 5 Mai 2016, nous aurons passé une année entière ensemble dans ce pays étranger où tout est si étrange ; soit 365 jours de cohabitation et moi, ta pauvre cuisine, je ne bénéficie jamais des mêmes traitements que tu accordes aux autres. Pas un jour, pas même un seul pitoyable jour de présence pour faire cuire même un oeuf. Est-ce normal ça, hein Emile ? Tu es grossièrement absent et diablement indifférent face à mes supplications et celles des autres qui se soucient de ta santé dont ta sœur ainée, mon amie, qui t’appelle chaque jour presque pour te conseiller de me fréquenter, de te débrouiller pour cuisiner et cesser de te plaindre des ballonnements constants de ventre. Pourquoi es-tu si sourd à toutes ces voix ? Pourquoi fais-tu ça, hein Emile ? Qu’est-ce que je t’ai fait de si mal dans cette maison pour que tu me méprise tant, hein ? N’ais-je pas droit, moi aussi, à un minimum d’attention ? Peux-tu avoir le courage de me répondre ?

Face aux incessants appels de mon amie, tu as acheté des ustensiles de cuisine (cuillères, fourchettes, louches, écumoires, trois casseroles, sel, huile et tralala), une bouteille de gaz chargée, une cuisinière vitrée avec même des fleurs, en un mot tout ce qu’il te faut pour cuisiner. J’ai sauté de joie ! Tu lui a envoyé les photos. Elle et moi t’avions félicité… et depuis, plus rien ! Emile, est-ce donc nous que tu as trompé ? Tu nous prends pour qui, toi ? Depuis quand tu mens ? Tu es un politicien, hein ?

Voici quatre mois environ que tu as chargé une malheureuse petite bouteille de gaz et pourtant elle demeure presqu’intacte à part les jours où tu as eu l’intention de cuisiner où tu as ouvert et oublié de fermer avant de venir te contenter d’un pot de Yaourt. Si seulement ce foutu de frigo pouvait se gâter !

Tu penses qu’avec une telle attitude tu auras une fille pour t’épouser? Je t’apprends qu’aucune femme n’aime un mec nul à la cuisine, donc mieux vaut apprendre dès maintenant. Tu crois qu’en plus, avec tes préférences capricieuses, du genre je n’aime pas les grillades, je préfère les mets africains, j’adore le foutou et patati patata, tu auras une fille à ta mesure ? Quoi, c’est la fille de quelqu’un qu’il a entretenu, scolarisé et rendu si bling bling que tu as aimé au premier regard que tu vas transformer en robot à cuire, hein Emile ? En plus, te piller du foutou ?! Quelle fille a envie d’être aussi musclée qu’un joueur de rugby après seulement deux ans de vie de couple ? D’ailleurs, penses-tu qu’avec cette génération de fille 2.0 occupées à tweeter, à mettre à jour leurs profils Facebook, connaissant tous les noms des actrices brésiliennes et indiennes mieux que les ingrédients pour faire une sauce tomate, elles auront le temps pour ça ? Et quand bien même qu’ils en auraient qui se distingueraient, crois-tu qu’elles seraient toujours prêtes à ajouter aux stress de leurs boulots, celui de ton ventre ?

Emile, on te dit toujours que quand tu vas te marier tu vas grossir, mais laisse moi te dire que si c’est la nourriture qui fait grossir, sache que toi seulement même marié, tu ne pèseras pas plus que tes 52 kg actuels. J’ai même peur qu’on vienne te ramasser un jour tombé en hypoglycémie.

Cher Emile, ce qui me fait le plus mal, c’est que, pour ne pas me pratiquer, tu es venu déposer en mon sein ton seau qui te sert de poubelle. Emile, depuis quand une cuisine est faite pour les ordures, hein ? Je ressemble à une poubelle, moi ? Si tu veux transformer une partie de ta maison en poubelle, pourquoi pas ta vilaine douche, hein ? N’est-ce pas là-bas que tu vas déposer tous ces vilains trucs que tu avales à longueur de journée dans tous ces nombreux fast foods de cette ville, hein ? Emile, pourquoi tant de haine gratuite ? Que fais-tu des règles de cohabitation? Pourquoi dès ton retour de travail tu files dans la douche pour après t’installer dans ton fauteuil regarder la télé ou lire un bouquin ou simplement communiquer avec les gens qui sont si loin alors que moi je suis juste à un pas pour ensuite courir dans ta chambre à coucher sans même ouvrir cette porte qui m’empêche de respirer ? A force de les pratiquer, tu as fait perdre l’une de toutes les clés des autres portes sauf moi qui en ai toujours deux. Emile, l’égalité de traitement aurait-elle pris ses congés chez toi, hein ? J’attends ta réponse le jeudi à la même heure.

Abuja le 3 Mai 2016

Signé, Une cuisine qui en a marre d’être abandonnée !


Voici comment le singe a fini dans la sauce graine

Il y a longtemps, très longtemps, les hommes et les animaux, tout type compris, vivaient libres ensemble en ville. L’homme jouait si bien son rôle de maître protecteur des créatures de Dieu sur terre qu’il en était bien récompensé. Il mangeait à sa faim et buvait à sa soif. Il vivait loin du péché jusqu’à ce que la tentation ait raison de lui et que le péché devienne sa seconde nature ; c’est alors que tout commença à manquer puis, progressivement, s’installa la famine. N’ayant plus à manger, il s’empara des animaux l’un après l’autre créant ainsi l’inimité entre ceux-ci et lui. Pour échapper à sa folie meurtrière, tous, sauf le singe, ami fidèle de l’homme, ce qui lui valait d’être épargné, résolurent de quitter la ville pour la brousse. Les chimpanzés, les gorilles, les oiseaux et autres s’installèrent dans les arbres craignant une éventuelle poursuite de l’homme.

Plusieurs jours s’écoulèrent et la situation s’empira pour l’homme qui devint de plus en plus distant du singe. Voyant venir le mal, le singe anticipa et prit pour prétexte d’aller chercher à manger à l’homme -son ami, dans la brousse. Il s’en alla et n’en revint plus. Il trouva certains animaux dans les arbres sautant de branche en branche. Poussé par l’envie et son zèle débordant, se trouvant trop beau et trop propre pour dormir au sol et se faire marcher sur les pieds par la torture qu’il trouvait trop idiote pour porter indéfiniment le même fardeau sans s’en lasser, il décida de vivre dans les arbres. Il vit que c’était bon et y resta, s’aventurant occasionnellement au sol pour rire de la torture.

Un jour, le chimpanzé mit en jeu son titre de maître des arbres et invita tous les animaux dans les arbres à une parade pour exhiber leurs qualités de sauteurs. On envoya le léopard en informer les animaux restés au sol. Ces derniers, l’expérience aidant, avaient développés des techniques avancées pour échapper au chasseur -à l’homme, au cas où il surgirait. Ils se rassemblèrent et l’aigle, l’arbitre, donna le coup d’envoya. Le jury était composé du Panda Roux, du hibou, choisi pour ses yeux, du Perroquet, pour signaler toute faute et était présidé par le serpent. Le spectacle commença. L’écureuil emporta l’assistance de joie par ses prouesses, puis l’ours brun -roi de l’escalade-, suivi du lynx, du gibbon noir etc. Tous passèrent à tour de rôle. Le spectacle était inédit par sa qualité. Les cris montèrent si forts qu’ils parvinrent à l’homme qui s’empara de son fusil et couru à la chasse.

Ce fut le tour du singe. Il fit un bon spectaculaire des deux mains, tous applaudirent. On lui fit signe d’arrêter, mais il jura de faire mieux que tous. Il décida de continuer et sauta d’une seule main, on applaudit plus fort et lui demanda d’arrêter. Il insista et sauta avec trois doigts ; ce fut extraordinaire ! on acclama ses exploits et lui demanda d’arrêter. Il persista et sauta d’un seul doigt, ce fut tellement magnifique que le lion, rois des animaux restés au sol applaudit et le chimpanzé accepta de céder son titre au singe. L’aigle décida de mettre fin au spectacle, on intima au singe de s’arrêter. Il s’y opposa et promit l’inédit. Il décida de sauter de dos et du revêt de la main. On l’en dissuada et le supplia d’accepter le titre et mettre fin au spectacle. Il s’obstina tellement que le jury le laissa faire. Mais, cette fois-ci, comme le disent les nigérians, « Water don pass Gari », traduit littéralement, « l’eau déborda le gari ». Le singe se retrouva au sol à la déception de tous, se tortillant de douleurs. C’est en ce moment là qu’arriva l’homme et, le voyant, dans un mouvement spontané, tous les animaux au sol se dispersèrent.

L’homme bondit de rage sur son ex-ami à qui il n’avait pas pardonné la trahison, lui assomma un coup de machette et s’empressa, une fois à la maison, de le faire cuire à la sauce graine. Il découvrit combien c’était si succulent et depuis lors, il ne s’en ait plus lassé fouillant les forêts et autres lieux à la recherche d’un singe, la sauce graine précuite attendant dans la casserole…

De cette histoire, retenons tout simplement ceci : Si le doute est une maladie susceptible de vous ronger jusqu’à détruire même votre âme, le trop plein d’assurance empreinte d’orgueil, lui, en est pire car très souvent, il peut conclure fatalement.

En toute chose, il faut avoir de la retenue. Il faut savoir prendre du recul et tirer les leçons pour aller plus loin. Il faut, certes, partir de ses forces intérieures et ses convictions personnelles, mais il faut surtout connaître ses limites et savoir écouter les conseils de ceux qui vous entourent dont la plupart, d’un œil extérieur et mieux informé, voit ce que vos yeux couverts par les écailles du zèle et de la fougue de réussir ne peuvent pas voir… Il n’y a pas de mauvais conseil, mais de mauvais usages des conseils que l’on reçoit.

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Tout ce que nous faisons ou vivons, l’a déjà été ou vécu par d’autres qui en ont tirés des leçons dont il faut savoir s’en inspirer pour aller plus loin… Du moins, c’est ce que je pense.

Une fiction inspirée pendant mon vol d’Abuja à Johannesburg

A Audrey…


Une passion partagée : La lecture

Deux, trois quatre jours sans lire ou écrire me donne la sensation d’étouffer, d’enfermer quelque chose en moi qui a besoin de s’évader à travers les mots. Oui, ça peut paraître exagéré mais croyez-moi, ça ne l’est pas du tout ! J’ai donc ouvert mon premier blog ‘Afrique Objectif Développement’ (en Avril 2011) puis à la suite du fameux concours Mondoblog de RFI dont j’en ai été lauréat, le second ‘Chroniques des Temps Nouveaux’ (en Octobre 2012). En plus de lire, j’ai écrit, parfois pour ne pas dire grand’chose mais très souvent pour dire trop de chose avec mes mots.

L’expression de ma passion pour la lecture et l’écriture, deux faces d’une même pièce, m’ont fait rencontrer des gens que j’aime et qui me le rendent, des hommes et des femmes, jeunes et adultes dont l’intelligence force l’admiration auprès de qui j’ai appris des choses qui façonnent chaque jour ma vie.

Avec chacun de ces ami(e)s, je parle de livre et de tout ce qui l’entoure. J’offre et reçois des cadeaux de livres. Ça me plaît et j’aime!  Ça leur plaît et ils aiment! On vit notre passion commune et on s’éclate!.

Un matin, un de ces esprits fertile décide de récompenser ces mordus de lettres en leur décernant le ‘Prix de l’addict lecture’. Entendez le prix de celui qui ne peut plus se défaire de la lecture. Un matin, une de mes meilleures amies, Mélissa Johnson (FAMCHOCOLAT) que cette passion de la chose littéraire m’a permis d’avoir a estimé que je mérite ce prix. C’est plutôt un HONNEUR. Mais, la particularité de ce prix, est qu’il t’emmène à répondre à une série de questions avant d’en poser à ceux/celles qui le méritent, selon toi. Ci-dessous mes réponses :

Quel auteur aimerais-tu faire revenir à la vie ?

Je n’ai toujours pas compris comment on peut s’appeler François Marie Arouet ou VOLTAIRE, écrire une œuvre aussi UNIQUE que Zadig‘ et un matin, non sans avoir fini de résoudre les énigmes d’un monde méchant, d’hommes envieux comme le brigand Arbogad, voleur sympathique et généreux, de femmes aussi infidèles qu’ingrate comme Sémire et rendre l’âme à celui qui la lui a prêté, sans doute pour contempler «l’ordre introuvable de l’Univers » ailleurs, dans un monde qui n’est pas le nôtre…

Une couverture de livre que tu ne te lasseras jamais de regarder ?

La qualité du contenant traduit celle du contenu. Un Chef d’oeuvre qu’est la Carte d’Identité de Jean-Marie ADIAFFI, un auteur trop tôt parti sans jamais s’en aller.download

Quelle héroïne (préciser le livre) aimerais-tu incarner et pourquoi ?

J’aurais aimé être une femme pour incarner Monique, l’héroïne du livre qui a eu et continue d’avoir la plus grande influence sur ma vie : Les Frasques d’Ebinto d’Amadou KONE.  En Monique cohabitent sans s’entremêler les traits nécessaire pour une vie réussie : Amour et Douceur ; Patience et tempérance ; Pardon et Compréhension, humilité et fidélité…

De quel livre ne pourras-tu jamais te séparer, même pour un prêt ?

Si j’avais été Ministre de l’Education Nationale d’un de ces pays Africains où  «tous les jours, la haine se banalise et nous interroge dans nos villes, nos quartiers, nos maisons, distillée par le machisme, l’individualisme, le narcissisme, les préjugés et la discrimination », où le vivre ensemble est chantée à gorge déployée sur la place publique sans actes,  où pullulent les sectes religieuses qui sodomisent les consciences avant de les endormir et les anéantir, où règne la violence, où la police n’existe que pour les plus forts au détriment des faibles, où les journalistes ne vérifient pas leurs informations avant de les diffuser, où l’amour de l’argent pousse chacun à faire n’importe quoi pour devenir riche, où Le mensonge finit par être érigé en mode de vie, où la haine s’est emparée des cœurs et qu’on cherche à évacuer, je ferais distribuer à chaque écoliers, LES PRISONNIERS DE LA HAINE, un chef d’œuvre de Vénance KONAN, afin de semer dans ces cœurs tendres les graines de l’amour de soi et de son semblable. En attendant je garde jalousement mon œuvre.

Le genre de romans que tu ne liras jamais ?

Pourquoi lire les histoires des contes de fées racontées dans les collections ADORAS et penser être en train d’amasser l’essentiel pour une vie heureuse sachant que même l’auteur de ces histoire n’y croit point.

Parce que je crois que vous êtes les meilleurs, parce que nous partageons la même passion, que vous c’est moi, je vous tends la main pour que vive le livre et la lecture !


Présidentielle 2015 en Côte d’Ivoire : dix petits nègres dans une course

Il était une fois, dix petits nègres décidèrent de gouverner les « bouts de bois de Dieu » rassemblés sur une Côte formée d’Ivoire. Ils se lancèrent dans une course. Celui qui franchirait la ligne d’arrivée le premier serait couronné et porterait le titre rocambolesque de président de la République d’Ivoire. Pendant cinq bonnes années, il aurait droit de vie et de mort sur les hommes et les femmes, leurs enfants avec. Il déciderait de quand et où se lèverait et se coucherait le soleil. Que c’est beau le pouvoir, admirent-ils avec des sourires de fin de banquet. Ils donnèrent des instructions à leurs griots qui sortirent les grelots, parcoururent villes, villages et campements annonçant la bonne nouvelle faisant des citoyens, des disciples. Dans l’euphorie de l’attente du coup d’envoi de la course, les dix petits nègres prirent des verres de cognac, mais trop forts, qui les emportèrent dans des tourbillons si puissants qu’ils leur firent perdre la tête au point que chacun se mit à délirer promettant ciel et terre.

Pendant ce temps, à côté, se trouvèrent les aigris. Cachés derrière leurs fenêtres, ils tirèrent le rideau et regardèrent d’un œil moqueur ces athlètes. Ils maudissaient à voix étouffées le géant parmi eux, ce natif d’ailleurs, ce méchant, cet incompétent, cet usurpateur et surtout cet assassin, trouvèrent-ils, pour avoir dépourvu le guerrier, leur idole, de tous ses attributs de combats et contribué à sa mise en cage loin là-bas.

De son côté, l’arbitre coincé dans sa tenue qu’il n’en veut visiblement plus est sorti le matin et a donné le coup d’envoi en criant : Bayéééété !! En cœur, les dix petits nègres ont répondu, Baaaba !!! Signalant ainsi qu’ils étaient prêts. Mais en réalité, tous n’aspiraient pas réellement à la couronne du chef. Car, parmi eux, il y avait des arnaqueurs, des commerçants d’attiéké, mais aussi des gens qui cherchaient des moyens pour se faire payer leurs créances. A la fin, l’histoire a fait penser à celle que racontait Agatha Christie dans son célèbre œuvre « Les Dix Petits Nègres ». Si l’œuvre devrait être rééditée et l’histoire adaptée à chaque pays, ou à chaque circonstance, dans celle actuelle de la Côte formée d’Ivoire, elle ressemblerait à celle-ci:

Dix petits nègres décidèrent de gouverner ceux qui n’y voient rien ; l’un d’eux jura de lutter contre l’égoïsme, la corruption et la pauvreté, de rapporter beaucoup d’argent à la caisse publique pour le bénéfice de tous. Un matin, une main géante tira de cette même caisse, 100 millions et les lui tendit. Il les saisit et les cacha dans les tréfonds de sa poche. Quand on lui rappela son serment, il répondit à voix basse que ce n’était que le remboursement d’une partie de sa créance. Il fondit dans la nature et il n’en resta plus que neuf.

Neuf petits nègres s’obstinèrent à présider aux destinées de 22 millions de têtes noires. L’un d’eux banda ses muscles, sortit sur la place publique tambour battant et, micro à la main, invita ses adversaires au combat. L’écho parvint aux adversaires qui le rejoignirent parés de leurs accessoires de combat. Lorsqu’il entendit le coup d’envoi, il trouva que la posture et le moment choisi par l’arbitre pour ouvrir le combat présageaient son parti pris. Il se retira dans sa tanière la tête baissée comme un cocu débouté, et il n’en resta plus que huit.

Huit petits nègres décidèrent d’étendre leur règne sur 322 462 km2. L’un d’eux s’étonna que des citoyens paient pour circuler sur de simples tas de briques superposées sur leur propre lagune, dans leur propre pays. Il se tint sur le tas de brique au milieu de l’eau et jura sur ce qu’il lui restait de cheveux sur son crâne décoiffé par les années passées à compter des billets de banque qu’avec lui, plus personne n’aurait à sortir un seul sou pour traverser. Pris dans son tourbillon causé par son verre de cognac trop fort, il glissa et se retrouva dans la lagune. Sentant sa noyade venir, il se retirera de la course toute honte imbue. On ne parla plus de lui, et il n’en resta plus que sept.

Sept petits nègres quittèrent le starting-block vers la ligne d’arrivée, tous zélés comme de nouveaux couples. On les fit asseoir et leur tendit le micro les invitant à proposer leurs remèdes contre les maux dont souffrent ceux qui n’y voient rien. L’un d’eux se rendit compte de la complexité de la vie, s’étonna et s’écria : « Mais, c’est complexe hein ! ». Les gens méchants lui infligèrent un violent coup de pied dans le cul l’invitant à aller simplifier ses remèdes. Il s’en alla par une fenêtre complexe, et il n’en resta plus que six.

Six petits nègres promirent de remuer le ciel pour faire pleuvoir les étoiles et faire scintiller le bout de terre où vivent les gens qui n’y voient rien. L’un d’eux se crut dans un royaume, se vêtit comme un chef de canton, et, dans un langage approximatif empreint d’arrogance et de suffisance, décida d’arnaquer ses futurs administrés. On le surnomma « Nikki. Nikki» qui voulut « n—-r finit par se faire n—-r par les gros n——s ». Il n’en revint pas et voulant se tenir debout, se mélangea dans son accoutrement, s’écroula et se cassa la grande gueule. Il se tut et s’étouffa, et il n’en resta plus que cinq.

Cinq petits nègres se lancèrent dans une course qui exigeait assez de ressources financières pour la préparation. L’un d’eux reçut une offre providentielle de 100 millions de franc. Son épouse se mit à narguer les voisines. Son propriétaire de loyer à qui il devait 18 mois lui assura son amitié. Il voulut cependant séduire par son sens d’intégrité débordant qui excelle les limites du raisonnable. Il refusa l’offre au grand désarroi des siens. Tout le monde le prit pour un fou et lui tourna le dos. Même son épouse et ses enfants le vomirent pour sa naïveté. Il s’essouffla et s’écroula après 10 mètres de course. On enjamba son corps et il n’en resta plus que quatre.

Quatre petits nègres croyaient en leur chance de terminer premier de la course. L’un d’eux trop sûr voulu innover dans les promesses. Dans la tourmente de son verre de cognac, il promit de rendre la Côte formée d’ivoire durable. Mince !! S’écrièrent les « bouts de bois de Dieu ». Un ivrogne qui avait entendu la promesse se releva de son caniveau et lui dit « Puré, vous mentez hein ! ». Depuis leurs salons, les » bouts de bois de Dieu » le huèrent et s’accordèrent à le rendre opposant durable. Il en fut ainsi. Il retourna dans l’opposition réfléchissant comment rembourser ses dettes contractées pour la course et il n’en resta plus que trois.

Trois petits nègres promirent de faire de la terre d’éburnie, le centre du monde, d’y faire pleuvoir des milliards, de construire des gratte-ciels rien qu’en vendant de l’attiéké à la Chine. La nouvelle parvint aux Chinois et le gouvernement chinois non content qu’on veuille s’enrichir sur le dos de son peuple interdit l’importation d’attiéké. Il ne sut plus que faire avec ses tonnes produites. On l’obligea à les avaler lui-même. Il en consomma une si grande quantité que son ventre s’explosa. On jeta ses restes aux chiens, et il n’en resta plus que deux.

Deux petits nègres considérés comme les plus sérieux de la course avançaient à grands pas vers la ligne d’arrivée. L’un d’eux croyant pouvoir compter sur les membres de sa famille qui l’avait du reste renié, se trompa. Il cognac, du front, le mur et tomba raid évanoui. Les aigris sortirent leur langue derrière leur fenêtre en signe de moquerie et entonnèrent en cœur « C’est bien fait pour toi ! On t’avait prévenu ». Quand il se releva, il se mit à courir vers le Sud, on lui signifia qu’il avait perdu le nord où il fallait aller. On le consola de son échec qu’il admit. Il s’essuya les larmes, retourna s’asseoir et il n’en resta plus qu’un.

Un petit nègre réussit à franchir la ligne d’arrivée dans un temps record de 83,66 secondes. On le couronna et l’appela NANADO. Personne ne cria au scandale. Même certains de ses adversaires lui firent un baiser pour le féliciter, question de se donner de la contenance et se refaire une image mise en lambeaux par la rude épreuve de la course. L’arbitre se tint sur la place publique et mit fin à la course. NANADO devint président de la République de la Côte formée d’Ivoire avec tous les droits. Les lampions s’éteignirent et on en parla plus.


« Monsieur, demain je pars » m’a dit Daniel

Daniel a 16 ans. A cet âge, dans beaucoup de pays on est considéré comme mineur et donc non autorisé à travailler. On dépend financièrement de ses parents. Daniel est un jeune Nigérian. Il a quitté sa famille pour s’installer dans la capitale Abuja afin de construire sa vie. L’adolescent a trouvé un emploi d’aide ménager. Il savait que ce serait un travail difficile surtout pour son âge. Il a toutefois accepté cette proposition parce que c’était chez un pasteur, un « homme de Dieu ». Il ne devrait pas avoir de chien plus heureux que celui d’un boucher. Bon, je crois que c’est ce que Daniel s’est dit. Sauf qu’il devait avoir oublié que le boucher ne vend pas que la chair, mais les os aussi. En fin de compte, il vaut mieux être le chien du client que celui du boucher.

Daniel, c’est la machine à tout faire. Il est le dernier à se coucher la nuit, mais le premier à se réveiller le matin. Ses heures de repos, il en bénéficie quand son maître dort ou quand il est absent. Mais l’ampleur des tâches ne lui permet pas toujours de respirer. En effet, quand il a épuisé les travaux du maître, il doit s’occuper du reste de la famille. Il y a la sœur aînée qui a une course urgente à faire, la mère qui se souvient qu’elle manque de son médicament du soir et qu’il faut courir l’acheter, la petite sœur qui ne comprend pas pourquoi la table n’est pas desservie alors qu’elle a  fini de déjeuner depuis cinq minutes. Et cela, sans compter le petit garçon qui menace de se cogner la tête contre la chaise parce que Daniel refuse d’aller acheter son chocolat à la boutique.

Le temps de travail journalier d’un homme est de 8 heures. En étirant un peu, on se retrouve à 10 heures. Mais çà, ce sont ces psychopathes de juristes et leurs acolytes dans les bureaux climatisés qui le disent au point que cela ne s’applique qu’à eux et à leurs semblables. Ces névrosés ont ajouté que tout employeur devra payer son salaire à  son employé de façon régulière pour lui permettre de vivre une vie décente. Il devra lui donner une assurance maladie, le déclarer à la sécurité sociale afin de lui garantir une retraite et tralala… Ça aussi ne s’applique qu’à ceux de leur classe.

Daniel, lui, fait son travail sans se plaindre, surtout qu’il envoie une partie de son salaire à sa mère, un salaire mensuel de 100 dollars américains. Daniel est le « boy » du pasteur qui enseigne le partage à ses fidèles le dimanche matin. Le soir, l’adolescent dessert la table après que l’homme de Dieu et sa famille ont fini de dîner et se contente d’un bol de riz qu’il cuisine avec pour seuls ingrédients de l’huile de palme pour le rougir et du sel. Parfois, après le repas il est autorisé à partager les restes avec le vigile.

Le patron de Daniel est le propriétaire de l’appartement que je loue. Daniel et moi habitons donc la même cour. Souvent, je l’invite dans mon salon et nous bavardons, nous mangeons, je lui glisse quelques petits billets sans pour autant que tout ceci fasse de moi un samaritain. Je le fais en reconnaissance de son courage, en pensant à mon neveu qui a le même âge que lui et aussi pour les services qu’il me rend chaque fois que je le sollicite et qu’il en a le temps.

Daniel me disait souvent qu’en décembre, il s’en irait et ne reviendrait plus à Abuja. Il m’a dit qu’il préférait vivre la misère chez lui, auprès de sa mère qu’il aime visiblement, plutôt que de perdre sa jeunesse à servir quelqu’un dans des conditions misérables. Daniel se distingue par son intelligence, son raisonnement qui surprend pour son âge, sa politesse, son savoir-vivre, sa courtoisie, sa générosité et surtout son honnêteté.

Un soir, en rentrant du travail, Daniel essuyait le véhicule de son patron. Lorsqu’il m’a vu, il s’est arrêté, s’est rapproché de moi et m’a dit dans un anglais approximatif : « Sir, tomorrow i dey go back home-Monsieur, demain je retournerai chez moi ». Je lui ai demandé s’il était au sérieux, il a répondu « oui ». Je lui ai demandé pourquoi, il m’a simplement répondu sur un ton d’abandon, « je n’en peux plus  ». Nos regards se sont croisés. Je n’ai pu affronter son regard une deuxième fois. Le premier sentiment que j’ai éprouvé, c’est de la culpabilité pour avoir contribué à alourdir ses peines en le sollicitant souvent, puis de colère contre un homme de Dieu qui exploite ceux qui le servent et proclament la bonté dehors. Le reste de mes sentiments a été un cocktail de compassion et de fierté pour Daniel.

Le lendemain, en allant au service, je lui ai glissé quelques billets, je l’ai félicité pour celui qu’il est, je lui ai dit merci pour tout et l’ai encouragé à ne point céder aux caprices de la vie, à croire surtout en lui-même et en Dieu. Je le reverrai puisque nous sommes en contact. En attendant, en plus des prières, ce qui me vient à l’esprit dans l’immédiat, c’est d’écrire ce billet pour déplorer le traitement que certains infligent à leur personnel de maison. Je voudrais surtout que chacun de nous porte son attention sur les défavorisés de la société et identifier le type de soutien à leur apporter. Ceci ne fera pas de nous des mères Térésa, certes, mais aura le mérite de contribuer à réduire les inégalités sociales, c’est de cela qu’il s’agit. Puisque Daniel est parti en fin de mois, il n’a pas eu droit à l’autre moitié de son salaire payé en deux fois.

Quand je pense qu’à cette liste déjà trop longue des bourreaux de l’humanité viennent s’ajouter les hommes de Dieu qui sur la place publique appellent à l’AMOUR du prochain, du BIEN, mais qui à l’abri des regards, exploitent les pauvres et les faibles.

(c) citation-celebre.com
(c) citation-celebre.com


« Embarquez-les tous », y compris Aka !

imagesL’histoire que je résume à travers ce billet est celle d’un jeune qui croit en la vie et en tout ce qu’elle a de meilleur et qui justifie qu’on se batte pour elle. Un jeune qui a des rêves, formule des projets et se donne les moyens de les réaliser; un jeune surtout qui croit en l’homme et aux vertus de l’hospitalité. C’est  pourquoi actuellement, il se trouve dans une drôle de situation.

Aka a 27 ans, voire un peu plus. Il est père d’une famille de quatre enfants. Il est né dans une famille modeste. Très tôt il a dû quitter l’école pour se tourner vers la pêche. Aka est devenu donc pêcheur comme ses oncles maternels avec qui il vivait à Boubélé, un petit village balnéaire dans la sous-préfecture de Tabou, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire.

Le 1er janvier 2015 au soir, Aka a appelé son frère aîné qui est mon meilleur ami. Il lui a lui raconté un événement qui a chamboulé sa vie après avoir reçu chez lui quatre hommes. L’un d’eux serait originaire du Ghana tout comme leur mère. Arrivés pour la première fois dans le village, ils cherchaient où se loger. Aka ne voyait aucun inconvénient à les héberger sauf que son appartement trop petit ne le lui permettait pas. Il les aurait alors conduits chez le chef du village et leur aurait servi par la suite de tuteur en les aidant à trouver une maison à louer, avec l’accord du chef du village.

Le chef, lui, aurait été informé des jours avant de mouvements suspects d’un groupe de personnes complotant contre l’Etat de Côte d’Ivoire. Il devait donc signaler à la gendarmerie toute présence d’inconnus. Le dimanche 4 janvier, très tôt le matin, la gendarmerie encercla le petit village de pêcheurs. Elle arrêta les quatre visiteurs. Le chef avait bien sûr indiqué à la gendarmerie qu’Aka était leur tuteur. Chrétien pratiquant, comme tous les autres dimanches, Aka avait été prié. Sur ordre des agents de la gendarmerie, il fut appelé. Grande a été sa surprise de se trouver face aux gendarmes et de voir ses  hôtes menottés.

Les mis en cause, eux-mêmes, auraient reconnu n’avoir connu Aka qu’à leur arrivée dans le village. Autrement dit, si déstabilisateurs ils étaient, Aka ne pouvait le savoir et ne saurait ainsi être considéré comme complice. Après avoir écouté Aka et tous les témoins, la gendarmerie demanda au responsable du village ce qu’il pensait d’Aka et ce qu’il fallait faire de lui. Le relâcher ou non ? Sa réponse a été nette : « Embarquez-les tous! »

Le chef a parlé et sa parole a été entendue. Au moment où je publie ce billet, soit sept mois après, Aka est toujours détenu à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca, sans autre forme de procès que celui rendu par le chef de Boubélé. Son délit ? « Atteinte à la sûreté de l’Etat ».

C’est la compagne d’Aka qui a informé son frère, mon ami, de son arrestation. La famille est restée sans nouvelles d’Aka pendant plusieurs semaines. Personne ne savait où il était détenu. Ce n’est qu’au bout de deux mois que ses proches ont appris qu’il avait été déféré à la Maca. Nous nous y sommes rendus. Il nous a raconté sa version des faits ’ que je viens de résumer. Je dis résumer parce qu’il y a d’autres détails que j’ai occultés, uniquement par souci de concision. Nous avons aussi rencontré celui considéré comme le chef de gang qui nous a donné sa version notamment sur l’arrestation d’Aka. Il nous a avoué qu’il aurait même plaidé pour qu’Aka soit relâché et que ce dernier ne serait pas là si le chef du village ne l’avait pas voulu ainsi. Le chef l’a donc voulu. Sa volonté a suffi.

Aka, nous a appris qu’il avait été conduit dans une maison à Abidjan, où il aurait été entendu, sans avocat « par un juge spécial », lui a-t-on dit. Le juge, toujours selon lui, aurait dit qu’il ne devrait pas se retrouver là, mais le processus avait été déjà lancé et devrait donc suivre son cours. On a appris plus tard qu’il avait fait l’objet d’une enquête de moralité. Sa compagne nous a informés avoir été interrogée « par des gens »,  à Boubélé et depuis, plus rien. Coupable ou innocent ? Ni Aka, ni nous, ni sa famille ne le savons.

En y pensant, chaque nuit, ce sont des questions qui se succèdent dans ma tête. Que fait Aka à la Maca ? Qu’attend le juge d’instruction pour décider du sort de ce père de famille dont l’épouse a de plus en plus de mal à répondre aux questions de ses enfants. Les plus petits demandent pourquoi leur pays est dehors depuis si longtemps ? Sept mois après, à quel stade du processus sommes-nous ? Jusqu’à quand Aka devra-t-il attendre ? La parole d’un homme, aussi chef soit-il, suffit-elle face à des hommes de droit, pour briser la liberté, voir la vie d’un citoyen ? Qu’est-il des droits d’Aka qui n’a pas été assisté d’un avocat ? Que sait-on des rapports entre le chef et Aka ? Les deux hommes avaient-ils des antécédents ?

Je le répète, ce billet n’est qu’un résumé de l’histoire. Les détails auraient permis à chacun de mieux décider. Mon intention n’est donc pas de clamer l’innocence d’Aka, même si sa version des faits, confortée par celle de son codétenu ainsi que celle de son épouse, que mon ami et moi avions entendue, me pousse à émettre beaucoup de réserves sur sa culpabilité.

A travers ce billet, ce que je déplore, c’est le fait que le simple avis, visiblement pas même fondé, d’un homme suffise pour inculper un individu. Les juristes m’éclaireront un jour.C’est surtout le caractère de ce fameux délit d’atteinte à la sûreté de l’Etat qui explique que des citoyens soient privés de leur liberté pendant des mois, voire des années, sans procès. Dans le rang des visiteurs à la Maca, une dame m’a raconté que son mari en était à sa deuxième année de détention pour ce même délit qui reste à établir puisque son procès attend toujours.

Aka serait coupable, qu’il réponde de ses actes et soit condamné. C’est ce qui se fait dans un monde normal, dans une société civilisée, dans un Etat de droit. Mais, s’il ne l’est pas, qu’il soit libéré pour lui permettre de retourner affronter, au quotidien les vagues de la mer afin de subvenir aux besoins de sa famille. L’avenir de ses enfants en dépend. C’est sa vie. Et il n’en veut pas à la société pour cela.

La dernière fois où mon ami et moi nous sommes rendus à la Maca pour rendre visite à Aka c’est un garçon physiquement u affaibli du fait des conditions de vie dans son lieu de détention, mais psychologiquement fort que nous avons rencontré. Aka s’en sortira, j’en reste persuadé. Mais, ma prière pour lui est qu’il ne soit pas gagné par la haine, ni de son prochain, ni de son pays, ou même de sa propre vie. Parce que la prison, on n’en sort toujours, mais la seule d’où l’homme ne peut sortir demeure celle où l’enferme sa propre haine et dont parle Venance Konan dans son œuvre, « Les prisonniers de la haine ».

Sois fort, Aka

Tes enfants t’aiment !

Nous prions pour que tu t’en sortes bien !


Une pensée pour tous les pères, ces oubliés

Mon Fils…

Mon Fils,

J’espère que cette lettre te parviendra, d’une façon ou d’une autre. Demain, tu naîtras. Ma vie changera. Le regard du monde sur moi aussi. Mes responsabilités s’augmenteront. J’y ferai face. C’est ce que m’a enseigné mon père, ton grand-père. Je ne vivrai plus pour moi seul. On dira de moi, c’est bon signe. Il est devenu un homme ! Je porterai donc ce titre d’homme, non sans efforts pour surmonter aux préjugés forgés par ce monde sur les hommes et dont ils en souffrent souvent.

Tu sais mon fils, la société a voulu que la femme soit le sexe faible. Elle aussi l’a admise ainsi. Et elle s’est confinée dans sa position de victime. La même société a voulu que l’homme soit le sexe fort. Lui aussi l’a admis ainsi. Et il a bombé son torse pour prouver sa force qui fait de lui le bourreau. La société a ainsi opposé la victime à protéger au bourreau contre qui se protéger ignorant que parfois, le bourreau cherche lui-même à se protéger. N’ayant personne avec qui partager ses peines qui souvent le rongent, le bourreau choisit plutôt de les étrangler difficilement avec des armes qui l’exposent à la vindicte populaire et font de lui ce qu’on veut qu’il soit et qu’il refuse.

Afin d’équilibrer l’inégal rapport entre la victime présumée et le bourreau fabriqué, la société organise, en dehors d’autres choses,  une myriade de fête à l’honneur de la femme chaque année. Je n’ai rien contre ça, mon fils. Elle le mérite. Mais ce que je déplore c’est le fait que nous autres pères soyons oubliés, du moins que notre rôle soit moins reconnu et célébré.

Mon fils,

Dès les premiers moments de la grossesse de ta mère, j’ai su que les neuf mois que tu mettrais à venir au monde ne seraient pas une partie de loisir pour moi. Ta mère te porte physiquement et moi psychologiquement. Elle maigri, se déforme et se transforme à mesure que les jours passent. Moi aussi. Sais-tu pourquoi ? Je t’en parle. L’annonce de ta grosse a imposé un changement dans les habitudes de ta mère, ce changement je l’ai subi moi aussi.

Ta mère est sans emploi et mon maigre salaire de contremaitre ne me permet pas de prendre une servante. Du fait de la grossesse, elle ne pouvait plus rien faire. Alors, j’ai pris la relève de ses tâches domestiques en plus des miennes. Je fais désormais le ménage. Je prépare le petit déjeuner le matin. Je m’assure que ta mère se porte bien et qu’elle n’a pas besoin d’autre chose. Tout ça avant de courir à la zone industrielle transporter des sacs de ciments pour charger un camion de 30 tonnes pour avoir de quoi faire face aux dépenses de la maison, aux caprices de ta mère aussi. Les caprices, elle en a beaucoup.

Elle veut un pot de Yogourt, je cours l’acheter, juste le temps de mon retour elle change et veut plutôt une bouteille de sucrerie, je cours l’acheter. A peine l’ouvre-t-elle qu’elle trouve que le Coca Zéro d’aujourd’hui, qu’elle-même a demandé, n’a plus le même goût que celui d’hier. Mon fils, depuis quand le goût du Coca a-t-il changé ? Partout dans le monde, c’est le même goût ! Je cours acheter du Coca light, quand je reviens, elle lui préfère une bonne bouteille de Fanta cocktail bien glacée… Tout ça ne vaut rien devant son désir de manger un morceau de Pizza bien chaud à 1h du matin. Fiston, j’ai appris à faire beaucoup de choses, mais je ne suis pas pâtissier ! Où trouver ça, à cette heure !? Quand j’essaie de lui expliquer que c’était impossible à cette heure, c’est une foudre qui s’abat sur moi. Je subis tout au nom de mon titre d’homme qui veut que je sois fort. Sais-tu quoi ? La dernière fois, il était  3h45 du matin quand ta mère m’a dit qu’elle voulait que je lui prépare un plat de couscous. Nom de Dieu ! Trainant le poids de la fatigue de la veille après avoir subi les humeurs et lubies d’un supérieur hiérarchique débile, suffisant et plein de morgue, et pensant à ce qui m’attendait le lendemain, j’ai glissé dans la cuisine. Dieu seul sait combien de fois ça été dure pour moi ! Préparer du couscous à 3h du matin, somnolant !? J’ai essayé, cependant, et le sourire aux lèvres pour avoir réussi 1h55 min après à sortir quelque chose, le meilleur plat de ma vie, je lui ai tendu l’assiette. Mais sais-tu quoi ? Au lieu d’un «merci», c’est à une pluie d’injures que j’ai eu droit pour avoir trop tardé, pour avoir mis trop de piment, trop de sel, trop d’huile, en un mot pour lui avoir proposé un plat que même un prisonnier qui avait des toiles d’araignée dans la bouche n’aurait pas accepté de manger. J’ai baissé la tête pour me contenir. J’ai souri et j’ai résisté à la colère, au nom de mon titre d’homme qui voudrait que je sois fort. Ça a continué et ça continue ainsi… Mais je me rassure à l’idée que tu naîtras un jour et que tu me feras oublier tout ces moments.

On a célébré les mères pour leur reconnaitre tout ce qu’elles endurent au cours de ces mois. J’étais là, moi aussi, à cette occasion de célébration. J’ai offert un bouquet de fleur et plusieurs présents à ta mère. Mais sais-tu quoi ? Personne ne se souviendra de la fête des pères. Au mieux, très peu en parleront. Ils ne l’évoqueront que le temps d’une pause café ou en attendant l’arrivée du Bus. Aucun père ne recevra un bouquet de fleur de sa femme, de son fils ou sa fille. En un mot, tout ce que j’ai enduré, toute cette souffrance psychologique et même physique que j’ai enduré et qui continue depuis l’annonce de ta grossesse sera passée sous silence.

Mon fils,

Demain tu naitras. Tu feras ma fierté, celle de ta mère aussi. Je parle de celle qui t’auras porté dans ses entrailles pendant de si longs et pénibles mois, au prix inestimable de plusieurs sacrifices. A ta naissance, elle te couvrira, t’essuiera, te fera à manger. Elle sera là, quand je serai parti chercher le pain quotidien. Peut-être qu’elle ira, elle aussi, lourde de fatigue d’une mère, chercher de quoi subvenir à ses besoins. Elle te donnera ce qu’elle a de plus cher, son amour, son cœur. Prends-en soin en retour. Ne lui fait pas mal. Donne-lui toute l’affection qu’elle mérite. Souviens-toi du jour de ta naissance où elle aurait pu perdre sa vie en te donnant la sienne pour l’honorer. Couvre-la de présents autant que tu en auras les moyens comme tu en feras pour ton épouse. C’est d’ailleurs elle ta première épouse. Elle sait mieux que toi la femme qu’il te faut parce qu’elle sait mieux que toi le type d’homme que tu es. Écoute-la donc dans ton choix de la femme qui partagera ta vie. Si elle t’aime vraiment, elle ne se trompera jamais dans ses conseils. Et je peux t’assurer que ta mère t’aime ! Aime-la en retour. Protège-la. Défend-là jusqu’à ton dernier souffle.

Et quand tu l’auras mise à l’abri de tout, souviens-toi de moi, ton père. Souviens-toi de mes nuits sans sommeils. Souviens-toi de mes corvées pour que ta mère et toi soyez à l’abri du besoin, pour que vous viviez dignement. Souviens-toi des fois où je suis rentré à la maison anéantis par les mépris de mes collègues et de mon patron ainsi que le poids de la fatigue. Souviens-toi des peines que je ressens et dont je n’ose parler à personne dans une société où l’homme est le bourreau.

Mon Fils,

Quand tu naitras, je ne te demande rien de grand, rien de trop. Pas même ton argent, ni quoi d’autre que ce soit qui te couterait si cher. Mais, si je vis, je te demande qu’une seule chose. Soit un modèle en tout ! Que ton comportement fasse parler de moi. Que ton intelligence et ta sagesse te distinguent. Sois un homme, sans être un bourreau.

Si je ne suis plus là et qu’un jour tu venais à en avoir les moyens, construit ma tombe et écris-y ce message : « Ci-gît mon père, un homme qui a survécu avec ses joies et ses peines au sein d’une société qui a voulu qu’il soit le bourreau face à la victime et qu’il a su refuser d’être −un MODELE ! »

 Ton Père.

Bonne Fête des Pères à tous les Papa du Monde !

PS : Toute ressemblance n’est que pure coïncidence.


Mali : A un moment donné, il va falloir que ça prenne fin !

En Juillet 2013, je m’interrogeais sur l’opportunité d’organiser des élections dans le contexte d’alors du Mali. Les partisans du “oui, il le faut” m’ont sans doute pris pour quelqu’un qui ignorait tout du jeu démocratique. De démocratie parlions-nous ? Peut-être… mais d’une démocratie frelatée qu’on a servi aux maliens et qu’ils parviennent toujours difficilement à digérer. On a fait croire aux maliens et aux amis du mali au mythe de la panacée que représentent les élections présidentielles aux problèmes des pays africains. Les élections, il le faut pour entamer ou consolider la démocratie. Toutefois, il est primordial de s’assurer que les conditions de leurs tenues s’y prêtent. Cela pour garantir leurs crédibilités, leurs transparences et réduire les violences qui en découlent dont la gestion devient par la suite plus couteuse que le processus électoral lui-même. L’exemple de la Côte d’Ivoire en 2010 parle de soit, tout comme il faut vraiment croire à ce mythe pour encourager la tenue d’élections dans le contexte actuel du Burundi.

Il y a donc le contexte, et, en ce moment là, celui du Mali ne s’y prêtait pas, même si l’intention derrière –qui était de mettre en place un pouvoir “légitime” voire “démocratique” avec lequel composer −était bonne. Tous ou presque le savaient. Sauf que la puissance colonisatrice à qui le pays doit son existence actuelle le voulait autrement. Et, puisque c’est elle qui finançait, il n’y avait pas matière à opposition. Les maliens ont ainsi été convoqués aux urnes. Ils y sont allés, mais pas tous. Or, le problème du Mali est un ensemble de plusieurs parties difficiles à dissocier. La corruption, la gabegie et le favoritisme, entre autres, déplorés par les maliens au niveau des institutions de l’Etat ont entrainé le pourrissement du système. Celui-ci s’est traduit par la fragilisation de l’économie nationale, l’enrichissement des plus riches, l’appauvrissement des plus faibles, la précarité des conditions de vie des populations et l’inégale répartition des richesses du pays. Cette dernière a fait naître un sentiment de rejet chez une partie de la population, notamment celle du Nord du Pays.

On le sait, lorsque l’on vit avec moins d’un dollar par jour, les codes moraux s’infléchissent forcement et un boulevard s’ouvre sur les actes incontrôlés des intéressés. Ce sentiment de rejet, justifié ou non et la pauvreté de plus en plus difficile à supporter ont prédisposé les esprits au mal; puis lorsque s’est immiscés Al-Quaida et ses branches armées, le terrain de la religion a vite fait d’être exploité…

En ce moment là, les maliens avaient certes besoin d’aide extérieure, mais pour les aider à se débarrasser des parasites qui réduisaient leurs libertés, violaient leurs droits même les plus fondamentaux dont celui à la vie. Il fallait mettre fin sans conditions aux pires formes de crimes contre l’humanité perpétrés contre un peuple déjà éprouvé par la misère. Il fallait en un mot pacifier le pays; ranger les armes; maintenir la sécurité des personnes et des biens. C’est ce dont le Mali avait besoin et qui justifie que François Hollande ait été ovationné à son arrivée.

Cependant, on ne va pas à un bal de démocratie les armes à la main. Il aurait fallu obtenir par la force ou par le dialogue, le dépôt des armes par ceux qui n’en avaient pas le droit. Malheureusement, pour des raisons jusqu’ici ignorées par les observateurs moins avertis comme moi, mais connues d’une partie des maliens qui aujourd’hui critique le sauveur d’hier, tous ont fermé les yeux. Le problème a juste été déplacé et, au nom de la démocratie qui veut qu’il y ait des élections, les maliens sont allés voter, à pas de caméléon, l’arme pointée au cul.

Aujourd’hui, les avis sont mitigés sur le bilan d’un Ibrahim Boubacar Kéita qui, visiblement, ne semble pas s’être rendu compte de l’ampleur de la tâche qui l’attendait et qui fait au moins l’unanimité sur son tâtonnement dans la gestion du pays. Les plus tolérants lui trouvent une circonstance atténuante en évoquant –à juste titre− l’impasse dans lequel il est plongé dans la gestion de la crise avec des négociations qui durent et perdurent face à des individus qui narguent le peuple malien. Ses détracteurs, eux, parlent d’échec non sans évoquer ‘son style de vie extravagant’ à la tête d’un pays presqu’embourbé économiquement.

Peu importe ce qu’on lui reproche, le problème n’est pas IBK en soit, mais ce qui l’a conduit là où il se trouve en ce moment, c’est-à-dire les élections. Il ne suffit pas d’organiser des élections pour être démocratique, pour espérer la solution à tout. Sur ce point, je rejoins le Prof. Issa N’dia. La Démocratie est bien plus sérieuse que çà. Les élections en elles seules ne suffisent pas. Il en faut plus, et une partie de ce ‘plus’ découle de ce qui précède les élections et qui détermine la suite. « Comme on trébuche, comme on tombe », rappelle le dicton. En tenant compte du temps qu’il perd à tenir ce dialogue de sourd depuis son élection, on se demande ce qui peut bien lui en rester pour se consacrer à l’essentiel, à l’amélioration du quotidien des maliens.

Ils ont tué le serpent. Ils ont omis de lui trancher la tête. Il se retourne contre eux −fatalement. En plus du Nord, les crimes sont désormais commis en plein cœur de Bamako. Les signaux sécuritaires du pays sont loin du vert. La menace sécuritaire nationale est alarmante, quoiqu’on joue la carte du « tout-va-bien-ici». Il ne s’agit pas de prédire l’apocalypse, mais d’attirer l’attention de ceux qui ont pouvoir d’actions au-delà des mots, sur la nécessité d’intervenir à titre préventif au Mali.

Je ne vis pas au Mali, je ne suis pas malien encore moins spécialiste du Mali, mais, mes amitiés dans ce pays ainsi que mon estime pour son peuple justifient mon attachement qui me pousse à suivre son actualité telle qu’elle évolue comme je le fais, du reste, pour d’autres pays africains. Ce que j’écris ici peut donc avoir des limites, je l’admets, mais l’évidence, sauf si on veut la voir les yeux bandés, est que la promesse des élections faite à grand bruit hier trahit à quelques exceptions prêts, la réalité d’aujourd’hui; C’est que les Maliens ne vivent pas mieux aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier; C’est que la sécurité nationale n’est pas moins menacée aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Pour la énième fois, on tend vers un accord entre le gouvernement et certains groupes rebelles; C’est bien. Mais, encore faut-il qu’une fois signé, cet accord soit respecté…

Ce que je dis donc, c’est qu’il y a longtemps que durent la tergiversation et l’incohérence, la complaisance et l’hésitation, l’hypocrisie et la légèreté dans la gestion de la crise malienne. Et, plus ça dure, plus le Mali s’enfonce dans son marasme économique actuel; plus les maliens s’éloignent de leurs rêves d’une vie meilleure chez eux, au mali. Par conséquent, plus ils aspireront au meilleur ailleurs; plus ils se lanceront nombreux sur le sentier de leurs «rêves maudits»; plus ils embarqueront aussi nombreux pour l’Europe en quête d’une illusion perdue; plus il y aura d’autres Lampedusa. Ça fait des années que ça dure, tout ça ! Mais, à un moment donné, il va falloir que ça prenne fin !

Il va falloir non seulement que la fameuse communauté internationale joue franc jeu dans la gestion de la crise au Mali et qu’avec son appui ainsi que celui des amis du Mali et de tous les maliens vivant au Mali et à l’étranger, soit trouvée une solution rapide et durable à cette crise devenue pour certains, un canal d’expression de leur mépris pour le peuple, pour d’autres, un fond de commerce et, pour d’autres encore, un moyen pour se façonner une respectabilité en lambeaux aussi bien ici que là-bas.


Sankara, es-tu là ?

Jamais aucune absence n’aura été si présente dans l’histoire d’un peuple que celle de Noël Isidore Thomas Sankara au Burkina Faso. Pour avoir vécu un peu dans ce pays, je me suis rendu compte du mal que le régime Compaoré s’est donné pour faire oublier Sankara ; mais le problème avec la révolution, c’est qu’elle se forge autour d’un idéal partagé dont chaque partisan porte en soi une bride qui fait qu’elle a tout d’un serpent à plusieurs têtes. Coupez-en une, il vous mordra avec l’autre. On a tué un seul Sankara; on en a généré plusieurs. On parle aujourd’hui des « Sankaristes », devenus des concurrents sérieux à la course au trône du palais de Kosyam. On le sait, en pareilles circonstances, les opportunistes ne manquent pas, mais tant que ce qui est mis en évidence reste la mémoire du martyr qu’on veuille honorer, tout est bon pour y aller. Difficile de distinguer les vrais des faux sankaristes. Tous y vont, chacun avec ses moyens à la main pour affronter ceux qui s’y opposent, ses arguments dans le parlé pour s’attirer le maximum de foule et surtout ses intérêts en bandoulière, savamment conservés, pour les exhiber le jour venu.

Sankaristes, combien sommes-nous ? Comptez-en mille et retranchez-en mille. Vous avez le nombre. On y va ! « La patrie ou la mort, nous vaincrons !» −peut-être pas, mais allons-y ! Sans trop savoir où. On y va quand même! Tant que c’est pour honorer la mémoire de Sankara. C’est pour honorer cette mémoire que la famille a déposé une plainte pour assassinat en 1997; plainte qui, comme il fallait s’y attendre, a été rejetée. C’est pour honorer cette même mémoire que la plainte, question d’atténuer sa forme, a changé de nom en passant d’assassinat en 1997 à séquestration en 2002 avant de se muer en une demande d’identification accordée en 2015! Pas pour faire mal à qui que ce soit, mais pour connaître, rien de plus que ça, l’identité de celui qui, nous a-t-on dit, reposerait dans une tombe taillée sur mesure au cimetière de Dagnoen à Ouagadougou.

Ils ont juste voulu faire parler Sankara, sans plus, parce qu’ils le savaient capable de crier toujours plus fort −même mort. Un révolutionnaire ne meurt jamais. Sankara n’est pas mort ! Surtout pas en Afrique où les morts ne sont pas morts −à part ceux qui sont morts d’Ebola. On leur a demandé, quelle question avez-vous à lui poser? Ils ont répondu ensemble: Sankara, es-tu là ? Au moment de répondre, on lui a tapé là-dessus. On a refait le béton de sa tombe. On l’a muselé. C’est fini. Le juge s’est mis dans sa robe des jours de fête, et, dans la peau et avec la voix de Sankara, a répondu sur la place publique le regard dans le vide: “Oui, j’y suis!” Puis il a invité les agitateurs à retourner cultiver leurs champs de patates pour apaiser leur faim de VÉRITÉ. La tête baissée comme des cocus déboutés, les agitateurs sont repartis et se sont mis à la tâche, sans relâche, chacun avec ses moyens. Le temps, lui, a continué son vol. Puis, un matin, est arrivé le moment de déguster les patates. Les agitateurs l’ont servi aux gens d’en face, mais à chaud et avec beaucoup de piments. Ceux-là n’ont pas pu résister à son effet sur eux et ont fini par abdiquer. Le chef est sorti par la fenêtre sans ses restes. Ses amis l’ont suivi plus tard, certains en culottes, d’autres avec un seul pied de chaussure.

Aujourd’hui, les agitateurs d’hier, disons certains, sont aux commandes, leurs plats de patates bien garnis à la main, prêts à se servir pour satisfaire leur faim si têtue de vérité. Pour cela, le lundi 25 mai dernier, ils se sont rendus au cimetière, ont sorti « le Che Africain » de sa tombe, enlevé la poussière sur lui et lui ont reposé la question : Sankara, es-tu là ?

Aujourd’hui, pendant que les opportunistes s’affairent au calcul hypocrite et égoïste de leurs intérêts, il se mijote dans les têtes décoiffées des maîtres d’hier, comme dans des marmites de sabbat, une ribambelle de questions sur ce qu’il en sera de leur sort quand Sankara aura parlé. Lui Sankara, de son côté, semble déterminé à parler cette fois-ci. Mais, pour dire quoi ? Dans quelle langue ? Aucun marabout Sénégalais n’est assez fort pour le prédire, mais il parlera. De toutes les façons, la question implique deux réponses: soit «OUI» ou «NON».

De loin, toute naïveté imbue, je m’interroge : « S’il venait à répondre “Oui”, qu’adviendrait-il ?  Et s’il répondait “Non”, que feraient les agitateurs ? » Ne vous fatiguez pas à y répondre. Je pensais juste à haute voix. Cela m’arrive souvent, surtout quand je parle de Démocratie, de Liberté ou de Justice en Afrique −chez moi, chez vous aussi.


Agathe, une vie de femme…

« Il n’y a pas de sot métier » dit l’adage populaire, pourvu que l’intéressé s’y investisse et que cela lui permette de gagner dignement sa vie. Cette conception, Agathe semble l’avoir faite sienne. Ses cheveux régulièrement couverts de mèches, sa taille fine, son teint clair, son air toujours jovial confèrent à Agathe des traits particuliers de jeunesse qui contrastent avec ceux d’une femme de son âge.

La trentaine révolue, Agathe est mère d’une fille de 12 ans qu’elle a eue avec Nicolas avec qui elle vit en concubinage depuis plus d’une quinzaine d’années. Si les difficultés financières n’ont pas permis à Agathe de poursuivre ses études qu’elle a arrêtées au cours moyen première année (CM1), elle ne fait pas de l’absence de diplôme un handicap, car Agathe considère qu’on peut mener une vie à l’abri des besoins financiers et matériels sans être sortie d’une grande école de commerce. Il suffit de croire en soi et en ses capacités intrinsèques et de voir en chaque situation une opportunité. Il suffit surtout, en plus de l’imagination, d’avoir de la motivation et du sens de l’initiative pour entreprendre. Ces caractéristiques, Agathe en a fait preuve et pour gagner sa vie, elle a choisi un métier : gérante de cabine téléphonique, une activité qui s’est développée autour des années 98-2000 à la faveur de l’avènement des réseaux mobiles en Côte d’Ivoire. Entre mille mots, celui qui décriait le mieux cette jeune femme ivoirienne, originaire du centre de la Côte d’Ivoire, c’est le courage. Du courage, voici ce qu’il a fallu à Agathe, une femme, pour se lancer dans une activité généralement pratiquée par les jeunes hommes diplômés sans emploi des universités et grandes écoles du pays.

Lorsque vous lui posez la question de savoir depuis quand elle mène cette activité, c’est sur un ton plutôt fier qu’Agathe vous répond: « J’ai commencé depuis que ma fille était au CP1. Aujourd’hui, elle est en classe de 3ème », soit environ 10 ans. « J’ai commencé d’abord par faire des appels » −il s’agissait d’offrir à ceux qui ne disposaient pas de téléphones la possibilité d’effectuer leurs appels moyennant une facturation à la minute−, « puis j’ai continué avec la vente des cartes de recharges téléphoniques. J’allais déposer une caution à l’agence de la compagnie téléphonique qui me donnait des recharges que je revendais. Ensuite quand les cartes de recharges ont été remplacées par les transferts d’unités −comme c’est le cas maintenant− je m’y suis orientée en traitant cette fois-ci avec des intermédiaires pour économiser le temps qu’il me fallait pour me rendre à l’agence.»

Voici donc dix ans qu’Agathe exerce, dans l’informel, dans le domaine de la téléphonie mobile, une activité qu’elle a menée dans différentes communes d’Abidjan. « J’ai commencé à Koumassi, puis je suis venue à Adjamé-Agban et aujourd’hui à Yopougon-Selmer » raconte-t-elle. Mais au juste que gagne Agathe ? A cette question elle répond : « Dans les débuts où la cabine n’était pas aussi répandue que maintenant, je réalisais des bénéfices mensuels allant de 300 à 400 mille francs fcfa Aujourd’hui cela à beaucoup baissé. Je suis abonnée à quatre réseaux téléphoniques mobiles. Pour le transfert d’un montant quotidien de 20.000F, mon bénéfice est de 800 fcfa par réseau soit un total de 3200 fcfa pour les quatre réseaux. Pour les appels, par mois, je réalise un bénéfice de 2500 fcfa par réseau soit 10.000 F pour les quatre réseaux ; tout ceci me revient mathématiquement à (3200*30) + (2500*4) =106.000 fcfa comme gain mensuel d’Agathe qui travaille de 7h30 à 22h par jour 7/7 excepté les dimanches matins pour se rendre à la prière. Agathe est pratiquante de bouddhisme. Elle revient à 10h, se repose jusqu’à 13h et reprend le travail à 14h.

Cet emploi du temps quotidien chargé n’empêche pas Agathe de faire la cuisine pour sa famille. Pour y parvenir, un arrangement a été trouvé par le couple. Nicolas, manœuvre à l’Aéroport International Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan revient du travail, souvent à 11h pour permettre à Agathe de faire la cuisine. Celle-ci consiste en une sauce de 2 à 3 jours. Une fois la cuisine terminée, Agathe se sert et retourne remplacer Nicolas qui à son tour vient manger sa part et retourne travailler. La même approche est répétée le soir à 17h, « ou alors Nicolas lui-même se charge de faire cuire le riz ». A 20h, quand Nicolas ne rend pas visite à des amis, ne se repose pas, il rejoint Agathe à la cabine et à 22h il se charge de ranger le banc et la pancarte qu’il installe le lendemain matin avant d’aller à l’Aéroport.

Agathe et Nicolas vivent ainsi depuis des années et ne s’en plaignent pas. Autonomes, ils parviennent à payer leur loyer, la scolarité de leur fille et à faire face à d’autres charges sociales.

Agathe raconte la plus grande fierté depuis qu’elle exerce cette activité en ces termes : « Ma cabine m’a permis de payer les cours de ma fille dans une école privée. Je paye aussi pour elle un maître de maison, en plus des cours de renforcement. Aujourd’hui, elle est au collège et cela me réjouit. J’ai surtout, grâce à mes économies, payé à hauteur de 500.000fcfa une partie de ce qu’il était demandé à mon frère aîné pour être admis au concours d’entrée à l’école de gendarmerie. Aujourd’hui il est en fonction au camp de gendarmerie d’Agban ». Quant à l’origine de son fonds de commerce, Agathe déclare « n’avoir reçu le soutien de personne »«J’ai d’abord aidé ma mère à vendre la nourriture au port d’Abidjan pour les ouvriers puis j’ai travaillé comme servante chez une femme où je percevais 25.000Fcfa par mois pendant que ma fille avait trois ans. J’ai décidé, trois ans après, de tout arrêter pour commencer mes propres activités et m’occuper de ma fille de six ans qui devait commencer l’école. Grâce à mes économies j’ai ouvert une première cabine qui m’a couté 150.000Fcfa, puis une deuxième », ajoute-t-elle.

Aujourd’hui où j’écris ce billet, Agathe porte une seconde grossesse de plusieurs mois et souffre de colopathie, mais cela n’a rien enlevé à son courage et à son enthousiasme. Elle a plutôt des projets qu’elle formule en ces termes : « Ma maladie m’a fait dépenser trop d’argent, mais je souhaite ouvrir plus tard un point de transfert d’argent –Mobile Money− ou un magasin de vente de pagnes… »

Entre l’option d’une vie de femmes qui livrent leurs corps au premier venu bradant ainsi leur dignité, leur honneur en échange de quelques billets de banque et celle d’une femme digne, déterminée et surtout qui sait que « ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent », Agathe a choisi d’être des dernières.

En ce jour de la fête des Mères, je pense à ma mère, mais à Agathe surtout, cette femme modèle qu’il me plaît d’honorer en partageant un peu de sa vie, de son courage exemplaire surtout.

Aujourd’hui, Agathe vit modestement sa vie sans envie. En dépit des caprices de la vie, de sa vie de femme, elle sourit, elle plaisante, elle est généreuse, elle est heureuse.

 

Bonne fête des Mères à Agathe !

Bonne fête des Mères à toutes mes lectrices !

Chaque femme est une étoile… !