François Bouda

Burkina Faso : le bal des contestations absurdes ou l’opportunisme à outrance

Source: lefaso.net
Source: lefaso.net

La politique? Non ce n’est pas ma tasse de thé. J’ai toujours préféré l’observer, de très loin. Tout au plus, je me bornais à commenter l’actualité au sein du cercle fermé de mes amis et connaissances. Mais l’urgence de la situation au Burkina Faso m’interpelle. Je sors donc de mon mutisme, politiquement parlant, bien sûr. Je franchis le Rubicon.

Tous, nous avons applaudi l’engagement sans précédent d’une jeunesse consciente qui, les mains nues, a affronté des militaires armés jusqu’aux dents. Nous avons également applaudi la chute du régime de Blaise Compaoré, vieux de 27 ans. Surtout, nous avons loué la diligence avec laquelle, en l’espace de moins de deux semaines, la situation a été maîtrisée et un pouvoir de transition mis en place. Tout ceci est le signe d’une maturité du peuple burkinabè, de sa prise de conscience de ses libertés fondamentales et de son désir profond d’un lendemain meilleur.

Cependant, ce qui est difficile à comprendre c’est cette vague de contestations, de revendications et de grèves, sans queue ni tête. On comprend que les acteurs culturels n’acceptent pas Adama Sagnon à la tête de leur ministère de tutelle. Procureur du Faso, c’est lui qui a annoncé le non-lieu de l’affaire Norbert Zongo, ce journaliste-investigateur assassiné en décembre 1998. On peut aussi comprendre que ces mêmes acteurs s’interrogent sur l’opportunité de décorer Greg le Burkinbila, seulement deux ans après la sortie de son premier album.

En revanche, on comprend mal pourquoi ces acteurs culturels ont vu d’un mauvais oeil l’annonce du concert de Tiken Jah Fakoly, en hommage aux martyrs de la révolution des 30 et 31 octobre 2014. A leurs yeux, c’est une tentative d’usurpation de la victoire des révolutionnaires. Mais le Balai citoyen, en organisant des concerts au lendemain des événements, n’a-t-il pas ouvert la voie à d’autres manifestations de ce genre ? On comprend mal aussi que des bouchers prennent la rue pour demander la démission du directeur de l’abattoir frigorifique de Bobo-Dioulasso. Que des agents de la Cameg contestent la nomination de leur nouveau directeur. Que les agents de la télévision privée Canal 3 exigent la démission immédiate et sans condition de leur direction. Que des agents du ministère des Infrastructures, du désenclavement et des transports exigent la démission de leur ministre de tutelle. Que des jeunes demandent le départ d’Assimi Kouanda, ancien patron du CDP, du quartier de Zogona. Et que sais-je!

A tous ces contestataires de la dernière minute, j’ai envie de leur poser cette question: où étaient-ils tout ce temps pour ne sortir du bois que maintenant ? L’insurrection populaire a ouvert le champ des possibles, me dira-t-on. Certes, mais agissons en toute responsabilité et dans la bienséance. Sans preuve, parfois sur la base de rumeurs, brûlant les étapes (pas de plateforme revendicative, pas de préavis, pas de négociation), on revendique à tout va. Même si les raisons sont tout aussi incongrues qu’absurdes. L’exemple le plus absurde, je crois, est celui-là: on reproche au nouveau directeur de la Cameg d’avoir été proche de l’ancien pouvoir. J’ai juste envie de rire. Y a-t-il au sein de la classe politique burkinabè, à commencer par l’organe dirigeant de la transition, un seul homme à n’avoir pas trempé, de près ou de loin, aux affaires sous le régime Compaoré?

Qu’on se le dise: le mandat de l’organe de transition n’est pas de régler des problèmes, qui dans le fond, n’en sont pas. Il s’agit en priorité d’expédier les affaires courantes et d’organiser des élections démocratiques, libres et transparentes en novembre 2015, selon l’expression consacrée.

Or jusque-là rien n’est fait concrètement dans ce sens. On nous a habitués à des déclarations populistes, à une chasse aux sorcières et à des actions dilatoires (suspension des conseils régionaux et municipaux, ainsi que de quelques partis politiques de l’ancienne mouvance présidentielle, nationalisation de la Socogib licenciements, etc.). N’est-ce pas le propre de toute révolution que de satisfaire les besoins de ceux qui ont milité à sa naissance ?

Il est vrai, c’est encore tôt pour apprécier l’action du gouvernement de transition. Mais une chose est sûre, en cédant aux multiples revendications, les autorités actuelles semblent avoir ouvert la boîte de Pandore. Ce qui donne l’impression d’une gouvernance lâchée aux vents, tel un bateau abandonné, tanguant au milieu des eaux tumultueuses.

L’impératif aujourd’hui, c’est de respecter l’esprit et la lettre de la transition, mais aussi de restaurer l’autorité de l’Etat et la confiance avec le peuple. En aucun cas, les autorités de la transition n’ont vocation à demeurer au-delà de novembre 2015.


Stop Ebola, une campagne mondiale en décibels

Stop Ebola

Il est une actualité qui défraie la chronique ces derniers mois : Ebola. Tout autant que la montée en puissance du terrorisme dans plusieurs parties du monde, la fièvre hémorragique fait couler beaucoup d’encre et de salive. Depuis sa réapparition fin décembre 2013 en Guinée, son expansion exponentielle suscite des réactions tout aussi absurdes qu’incongrues. A la crise sanito-humanitaire inhérente à cette épidémie a succédé la crise de la phobie.

Le 30 octobre 2014, paraissait dans le New York Times une tribune [1] de la célèbre chanteuse béninoise Angélique Kidjo. Elle y dénonçait l’attitude désinvolte d’une opinion publique occidentale encline à diaboliser exagérément tout le continent africain du fait du virus Ebola. Cette posture, poursuit-elle, remet au goût du jour les préjugés fantaisistes au sujet d’une Afrique en proie aux maux les plus sinistres. Une situation qui présente le risque d’une déshumanisation de l’Afrique. Le hashtag « #IAmALiberianNotAVirus », circulant sur la twitosphère, en réaction à ce que certains qualifient de racisme et d’afrophobie, en est une parfaite illustration.

C’est un sentiment entièrement partagé par Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’Onusida et Secrétaire général adjoint des Nations Unies. « J’ai l’impression de revivre les années 1980, quand, face au VIH, prévalaient la peur et l’exclusion » [2], s’indigne-t-il dans une tribune parue en décembre dans Jeune Afrique.

Dédramatiser Ebola en chanson
Avant cette saillie médiatique d’Angélique Kidjo, d’autres artistes africains ont joint leurs voix à la campagne de sensibilisation et de lutte contre la maladie. A priori banale, cette mobilisation de la communauté artistique prend les allures d’un plan de sauvetage. En effet, nombreux sont encore ceux, sur le continent, qui sont dubitatifs quant à la réalité du virus. [3]

A titre individuel ou au sein de collectifs, les artistes ont fait le choix de la simplicité et de la concision pour véhiculer leur message. « Stop Ebola », c’est le mot d’ordre repris en chœur dans les chansons dont l’architecture sémantique reprend les précautions d’usage et les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé : éviter de manger la viande de brousse, se laver les mains avec du savon, respecter les mesures d’hygiène, éviter tout contact direct avec le sang et les liquides biologiques des malades, etc.

« Un geste pour la vie », résume le collectif des artistes de la Guinée et de la sous-région ouest-africaine. Mais c’est aussi un cri d’espoir.« Pas de fatalité, ni de résignation / Pas de banalité, ni de soumission », poursuit le collectif, avant d’ajouter : « On s’en sortira !».

En unissant leurs voix autour de l’épidémie d’Ebola, les artistes ravivent la flamme d’une solidarité africaine légendaire contre une maladie qui se propage en totale méconnaissance des frontières physiques. Venant d’univers musicaux divers et de différents pays, ils sont engagés jusqu’au bout. Certains d’entre eux font plus d’une apparition à l’image du Sénégalais Didier Awadi qui chante au sein du collectif des artistes de la Guinée et de la sous-région ouest-africaine et du collectif Africa Stop Ebola. Après une parodie de « Umbrella » de Rihanna, intitulée « Ebola est là », sur l’apparition du premier cas d’Ebola au Sénégal, son compatriote Xuman s’engage également auprès du mouvement Y en a marre. Sollicitant parfois les plus jeunes, comme dans le clip « Stop Ebola » du collectif Ménéwou du Togo ou avec les enfants de Sen P’tit Gallé du Sénégal dans le clip du mouvement Y en marre, les artistes rappellent que cette crise épidémique touche tout le monde sans exception: petits et grands, hommes et femmes.

La gravité de la maladie ne semble pas autoriser de détournement fantaisiste, à l’instar de la star ivoirienne du coupé-décalé DJ Lewis qui banalisait en 2006 dans une chanson la grippe aviaire H1N1. « La grippe aviaire est vaincue en Côte d’Ivoire. Pendant que ça agit ailleurs, nous on prend pour faire concept », lançait-il dès l’entame du morceau. Contre le virus Ebola, dont le taux de létalité peut atteindre les 90%, vaut mieux prendre un air plus ou moins sérieux, même sur une rythmique entraînante coupé-décalé. Sous la casquette d’un reporter, il met tout de suite en garde : « Ebola, c’est dangereux. [Le message est simple : tu t’amuses, ça te tue». Même son de cloche avec son compatriote Israël Yoroba, journaliste et web-entrepreneur, qui prodigue des conseils à travers une chanson reggae.

Dans un souci d’efficacité évidente, dans un contexte marqué par un faible taux d’alphabétisation, les textes sont chantés, outre le français et l’anglais, dans les langues vernaculaires : mooré, jula, bambara, wolof, soussou, malinké, lingala, éwé, mina, kabiè, etc.

Misant sur sa popularité, la diva de la musique ivoirienne Aïcha Koné a d’abord lancé un single dénommé « Ebola », avant d’inviter d’autres artistes à participer à cet élan solidaire dans un deuxième titre, « Ebola act 2 ». En faisant passer de courts messages sur des pancartes, elle semble vouloir rattraper ce qu’elle a oublié de véhiculer en premier lieu, c’est-à-dire un message fort : « Soyez prudents », « Ebola est notre ennemi » ou encore « Ebola est une réalité ».

Si la sensibilisation est le leitmotiv de cet engagement des artistes africains, ceux-ci ne perdent pas de vue le plus urgent : les pays africains touchés par la maladie ont besoin du vaccin, comme le précise le collectif Africa Stop Ebola. Amené par l’ivoirien Tiken Jah Fakoly, ce collectif regroupe des icônes de la musique africaine comme Amadou et Mariam, Salif Keïta, Barbara Kanam et Mory Kanté.

Danser contre Ebola
Reprenant le principe du Ice Bucket Challenge, l’ONG américaine Emergency USA a lancé début octobre le mouvement #ShakeEbolaOff.

Le principe est simple : mettre en scène une performance chorégraphique, sur une musique de son choix, et faire un don à l’ONG, avant de lancer le défi à d’autres personnes. Les réactions ne se sont pas faites attendre. Depuis, plus de 360 vidéos ont été postées sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnalités se sont prêté au jeu. C’est l’exemple de l’actrice Naturi Naughton, du réalisateur Kevin Bacon, des Denver Bronco Cheerleaders, de la star Brandon Bryant de l’émission « So You Think You Can Dance » ou encore du chorégraphe Chris Downey. Objectif : récolter un million de dollars [4].

Ce défi n’est pas sans rappeler cet autre défi, #MousserContreEbola, qui s’inscrit dans la même veine. Lancé mi-août par la blogueuse ivoirienne Edith Brou, il consiste à se verser un seau d’eau savonneuse ou, à défaut, à distribuer un lot de boîtes de gel hygiénique pour les mains [5].

En attendant le remède, prions et frimons !
Pendant que les sociétés médicales et pharmaceutiques sont à pied d’œuvre pour essayer de trouver le remède contre Ebola, l’heure est à la prière. Décrit par certains comme le sida du 21ème siècle, le virus suscite plusieurs interrogations. « Sommes nous réellement à la fin de ce monde ? [] Ou c’est la nature qui nous envoie juste ses mauvaises ondes ? », se demande le collectif des artistes du Burkina Faso. Puis de préconiser : « Si c’est une malédiction, alors prions ». Pour le collectif des artistes guinéens et de la sous-région ouest-africaine, il n’y a pas de doute : « C’est la volonté divine / Prions jour et nuit ». Métamorphosé en guérisseur traditionnel, DJ Lewis opte d’invoquer les mânes des ancêtres pour conjurer le sort de l’Ebola en pleine forêt tropicale. Comment ? En offrant une danse expiatoire consistant en un roulement frénétique de bassins.

A quelque chose, malheur est bon. La crise de l’Ebola a aussi ses côtés positifs. Passons ici tout le commerce qui se développe autour de la maladie. En manque de visibilité, le Libérien George Weah, ancien footballeur international et candidat malheureux à l’élection présentielle de 2005, s’est saisit de l’occasion pour se relancer sur la scène internationale avec une chanson contre Ebola [6]. Engagé dans un bras de fer avec JB Mpiana, Koffi Olomidé a récupéré à son propre compte le sobriquet censé être injurieux que ce dernier lui a attribué : “Vieux Ebola”. Même si cela lui a valu une brève mise en garde, il s’en est saisi pour se faire le défenseur des malades du virus. Enfin, on retrouve un DJ Lewis fringant qui se félicite de sa popularité : « j’ai été contacté par l’OMS, le Ministère de la santé de la Côte d’Ivoire, le Ministère de la santé du Burkina Faso, le Ministère de la santé de la Guinée équatoriale, George Weah et Samuel Eto’o fils ».

Finalement, entre propositions artistiques originales et guerre médiatique, la campagne de lutte contre le virus Ebola a passé les frontières des canaux traditionnels de sensibilisation. La mobilisation contre le virus Ebola se poursuit et s’intensifie, comme avec le collectif All against Ebola en ce mois de décembre ou, en dehors du continent africain, avec les artistes britanniques et français. Mais, il ne faut pas occulter la réalité : plutôt préoccupés par la fulgurante propagation du virus, beaucoup ont laissé de côté l’essentiel, à savoir aider les pays les plus touchés à lutter contre la maladie dans un élan de solidarité internationale soutenue.

Notes
[1] Angélique Kidjo, « Don ‘t Let Ebola Dehumanize Africa », The New York Times, 30 octobre 2014.

[2] Michel Sidibé, « Ebola et sida, même combat », Jeune Afrique N° 2813 du 7 au 13 décembre 2014, p.33.

[3] Jeune Afrique, « Ebola : 17 malades s’enfuient après l’attaque d’un centre d’isolement au Liberia », 18 août 2014.

[4] Alice G. Walton, « Grassroots Social Media Campaign Aims To Raise $1 Million In The Ebola Fight », Forbes, 21 octobre 2014 .

[5] Amandine Schmitt, «  »Mousser contre Ebola », le Ice Bucket Challenge à l’ivoirienne », Le Nouvel Observateur, 17 septembre 2014.

[6] Damien Glez, « Liberia : Ebola maître chanteur », Jeune Afrique, 28 août 2014.


La Culture dans le post-2015. Analyse des éléments de la durabilité. [*]

© James Hercule
© James Hercule

Le 19 juillet 2014, le Groupe de Travail Ouvert (GTO) sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) clôturait sa treizième session par l’adoption de son rapport. Cela sert de prétexte pour remettre sur la table des débats la problématique du lien entre culture et développement, et surtout pour questionner la place de la dimension culturelle dans le programme de développement post-2015. A-t-on, enfin, dépassé les grands discours d’intention pour entrer dans une véritable logique d’action ?

La culture dans le post-2015, pilier ou faire-valoir ?
Le document récapitulatif des propositions du GTO compte vingt pages pour dix-sept objectifs. Dès les premières lignes, l’éradication de la pauvreté est déclinée comme le défi majeur du monde actuel, une condition sine qua non du développement durable. Il ne s’agit plus d’un plan de rattrapage des pays développés par les moins avancés. Il est question ici de finaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et de faire face aux nouveaux défis. Pour cela,il revient à chaque État de définir sa propre vision et d’utiliser, à bon escient, ses ressources, en fonction de son contexte et de ses priorités. On passe d’une recherche effrénée de la croissance économique à la poursuite d’un bien-être social global. Ce qui marque une évolution significative et une démarcation nette d’avec les premières théories développementalistes.

Le document rappelle les trois piliers du développement durable que sont l’efficacité économique, la qualité environnementale et l’équité sociale. En s’intéressant à la qualité de la vie humaine (logement, alimentation, santé et éducation), le volet social recoupe, en certains points, notamment sous l’angle de la finalité, la dimension culturelle. Si plusieurs organisations, avec en tête l’UNESCO [1], militent pour que la culture soit reconnue comme le quatrième pilier du développement, celle-ci n’est évoquée que substantiellement dans le rapport. Sans jamais dépasser la simple évocation de son importance.

Sur vingt pages, la culture n’est mentionnée que quatre fois. Dans l’introduction, le point 9 évoque la Déclaration de Rio+20 qui reconnaît explicitement la capacité de toutes les cultures et de toutes les civilisations à contribuer au développement durable. Ensuite, la culture refait son apparition dans l’objectif 4 sur  » l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie « . Ici la diversité culturelle et le rôle de la culture dans le développement sont décrits comme moyens, parmi tant d’autres, d’acquérir le savoir et les compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable. Au niveau de l’objectif 8 sur  » la croissance économique et les emplois décents « , c’est la valeur marchande de la culture qui est mise en avant. Les politiques mises en place devront permettre, d’ici à 2030, de promouvoir un tourisme durable capable de créer des emplois et de promouvoir les cultures et les produits locaux. Enfin, dans le point 12 abordant la question des  » modèles de consommation et de production durables « , il est question des mécanismes de mise en œuvre et d’évaluation des impacts du tourisme durable.

Au terme de ce rapport, nul besoin de s’appeler Cassandre ou Protée pour se rendre compte que la culture continue de faire face à des blocages institutionnels et politiques. C’est à croire que la culture sert, malgré les apparences trompeuses d’une conviction ancrée dans plusieurs décennies de lutte, un discours démagogique, voire un effet de mode. Sans aucune profondeur pouvant se traduire de façon concrète dans le prochain programme de développement post-2015.

Mais que peut réellement la culture quand, dans un contexte globalisé, de nouveaux défis se posent au monde, incluant, entre autres, terrorisme international, crises politico-militaires, changement climatique, catastrophes naturelles, austérité économique et crises épidémiques ? Dans les pays en développement, surtout en Afrique, où tout est prioritaire, les urgences du moment autorisent-elles objectivement à s’intéresser à la culture ?

La culture, une alternative efficace pour la durabilité du développement
Pour justifier le sous-développement des pays du Sud, plusieurs substrats de leurs cultures ont été remis en cause par les économistes et théoriciens du développement : idéologie parasitaire, manque d’organisation et d’esprit d’initiative, etc. Il a été également évoqué d’autres blocages comme la désorganisation des systèmes socioculturels et socio-économiques, inhérente au projet colonial. D’aucuns ont même avancé une mentalité préscientifique et prélogique chez les Africains notamment, aggravée par un penchant hédoniste.

Pour se développer, les pays en question devaient produire la croissance économique, en procédant par mimétisme servile des modèles de développement européo-centrés. Du fait de son caractère intangible, qualitatif, dynamique et évolutif, la culture a longtemps été jugée incompatible par les économistes avec le développement, supposé être quantitatif, quantifiable, avec des effets matériels [2].

Or à quoi a abouti l’imposition d’un modèle de développement, inadapté aux spécificités locales, si ce n’est qu’à l’échec des différents plans qui en ont découlé ? En ignorant littéralement l’aspect humain du développement, la croissance économique a entraîné implicitement la perte d’identité, tout comme elle a davantage contribué à creuser les inégalités sociales.

L’échec de l’approche purement économiste du développement a donc conduit les spécialistes à considérer d’autres aspects du développement. Les soubresauts de cette prise de conscience remontent à la première conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm en juin 1972. Après la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles en 1982, la réflexion sur le lien entre culture et développement va s’amorcer, à l’aube des années 1990, avec le rapport Pérez de Cuéllar, Notre diversité créatrice, de la Commission mondiale de la culture. Tout comme l’entrée en jeu de la Banque mondiale qui organise, sous l’impulsion et avec l’UNESCO, en octobre 1999 à Florence (Italie), la conférence sur le thème :  » La culture compte : financement, ressources et économie de la culture pour un développement durable ». D’autres événements, ayant fait date, méritent d’être évoqués ici à juste titre : la publication du Rapport mondial sur le développement humain du PNUD (2004) [3], consacré à « la liberté culturelle dans un monde diversifié », la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001), la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005), l’Agenda 21 de la culture (2004), etc. [4].

Plus récemment, en reconnaissant le lien direct entre la culture et les trois piliers du développement durable, ainsi que la paix et la sécurité, mais aussi en affirmant la culture comme moteur et catalyseur du développement durable, la troisième résolution de l’ONU [5] sur  » culture et développement durable  » constitue, selon certains analystes, une avancée significative pour le programme de développement post-2015. En 2013, lors de sa Revue ministérielle [6], l’ECOSOC [7] inscrivait spécifiquement, pour la première fois, à son ordre du jour, les affaires culturelles comme l’un des thèmes de débat. Publiée le 17 mai 2013, la Déclaration de Hangzhou [8] plaide fortement en faveur de l’intégration d’un objectif centré sur la culture dans le programme de développement post-2015. Enfin, mentionnée dans moins de 30% des plans-cadres des Nations Unies pour l’aide au développement en 2006, la culture est passée en 2013 à un taux de 70% [9].

Mais concrètement que peut apporter la culture dans la durabilité du développement ?
Bon nombre de défenseurs de la cause culturelle avancent l’argument suivant : la culture permet d’agir sur les aspects sociaux, économiques et environnementaux du développement. Du fait de leur plasticité, les traits culturels portent en eux les valeurs intrinsèques devant permettre d’apporter des solutions durables pour le développement.

Pour exploiter ce potentiel, il faudrait oser une véritable révolution culturelle. Dans un contexte mondialisé et diversifié, le prisme de l’interculturalité apparaît comme un impératif [10]. Cette interculturalité permet une appropriation, et une adaptation aux sujétions locales, des savoirs scientifiques et technologiques par toutes les couches sociales et leur implication dans les efforts de développement. Il faut trouver une approche permettant de mettre en valeur les effets d’influences réciproques entre culture et développement à travers une politique capable d’accélérer le progrès économique et le changement culturel [11].

L’exemple du miracle asiatique est, à cet égard, édifiant. En adoptant des orientations culturelles modernistes, ancrées dans un traditionalisme séculaire, les économies asiatiques hautement performantes [12] ont réussi à agir sur certains facteurs comme l’épargne, l’innovation, l’importance des investissements locaux et la planification familiale, et à inverser la tendance [13].

Comme tout autre domaine, la culture, sous toutes ses formes, est une composante essentielle du développement durable. Elle représente un secteur économique porteur, stimule la créativité et l’innovation, génère des revenus et crée des emplois. Ces dix dernières années, la communauté internationale s’est évertuée à en réunir les preuves, basées sur la conceptualisation d’une économie dite créative [14]. En la matière, l’UNESCO a mis sur pied un projet pionnier de recherche appliquée visant à identifier une batterie d’indicateurs, prenant en compte plusieurs domaines : l’économie, l’éducation, le patrimoine, la communication, la gouvernance, les questions sociales et l’équité entre les sexes. De son côté, l’OIF [15], à l’instar d’autres organisations, a mis en place une politique de soutien au développement des industries créatives dans les pays africains [16].

En 2011, le commerce mondial des biens et services créatifs a atteint un record de 624 milliards de dollars, tandis qu’entre 2002 et 2011, les exportations de biens créatifs ont augmenté chaque année en moyenne de 12,1% dans les pays en développement [17]. Lors d’un débat thématique sur la culture et le développement de la 67ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, Madame Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO, affirmait que l’industrie du cinéma et de la vidéo représentait le deuxième secteur économique nigérian, l’un des moteurs économiques de l’Inde et 10% du PIB de l’Indonésie [18].

Par ailleurs, la culture a ceci de particulier qu’elle donne un visage humain au développement. En effet, tout en apportant des solutions innovantes et efficaces à la réduction de la pauvreté, elle crée les conditions idoines pour l’inclusion sociale, la prévention des conflits, une éducation de qualité, la protection de l’environnement et la promotion des identités culturelles. L’homme, précisons-le, doit être le centre de tous les projets de développement. C’est en cela que cette assertion du poète-président Léopold Sédar Senghor fait sens :

«  Comme chef d’État, j’ai toujours pensé que l’homme, c’est-à-dire la culture, était au commencement et à la fin du développement «  [19].

Au risque de tomber dans un truisme, il s’agit de réaffirmer avec force conviction que la culture contribue efficacement au développement durable. Elle lui donne un visage humain en agissant sur les variables économiques, sociales et environnementales.

Les actions de plaidoyer des États, des organisations et des acteurs du développement pro-culture doivent se poursuivre et se renforcer. Cela afin de lever les équivoques et de faire en sorte que la culture puisse pleinement jouer son rôle de moteur et de levier du développement. Bien entendu, en prenant garde, dans la monstration d’une culture à potentiel économique, de ne pas tomber dans ce que l’universitaire Jean-Michel Lucas qualifie de piège du  » réalisme culturel « , tueur d’humanité. C’est-à-dire vouloir traiter les acteurs culturels et les artistes comme des armes de choc. On devra toujours avoir à l’esprit les enjeux éthiques des politiques culturelles, mettant l’accent sur la qualité des rapports de l’homme à l’homme [20].

Sortir la culture du carcan de l’instrumentalisation et de la sous-évaluation doit être la priorité. Que la culture cesse d’être un ornement, voire une réalité banale, à côté du triptyque économie, inclusion sociale et environnement. Pour reprendre les termes de Michaëlle Jean, candidate au poste de secrétaire générale de la francophonie, des 29 et 30 novembre prochain :

« À nous, les peuples des Nations Unies de faire en sorte que cet espace, que nous voulons riche du métissage de nos cultures, de nos expériences, de nos traits de civilisations, de nos destinées qui se croisent par de là nos blessures, soit pétri d’une éternelle fraternité. […] de la parole, il nous faut passer aux actes, avec la plus grande assurance et toute la constance nécessaire  » [21].

NOTES
[*] Cet article a été publié sur le 7 avril 2014 sur le site Africultures le 24 novembre 2014. https://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=12557

[1] Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

[2] Iulia Nechifor. – « Culture, développement économique et tiers-monde ». – Études et rapports de l’Unité de recherche et de gestion culturelle. – Paris : UNESCO, 1998 ; p.11 https://unesdoc.unesco.org/images/0011/001126/112652fo.pdf

[3] Programme des Nations Unies pour le développement.

[4] Il est mis en œuvre par la « Commission Culture » de l’association internationale « Cités et Gouvernements Locaux Unis » (CGLU).

[5] Résolution n°A/RES/68/223, adoptée le 20 décembre 2013 par l’Assemblée générale des Nations Unies.

[6] La Révision ministérielle mondiale de l’ECOSOC s’est tenue en juillet 2013 à Genève et a porté sur le thème : « Science, technologie, innovation et le potentiel de la culture dans la promotion du développement durable et l’obtention des Objectifs du Millénaire pour le Développement ».

[7] Conseil économique et social des Nations Unies.

[8] Intitulée « Mettre la culture au cœur des politiques de développement durable », cette déclaration a été publiée à la fin du Congrès international de Hangzhou, le 17 mai 2013. Le congrès, organisé par l’UNESCO du 15 au 17 mai 2013, a porté sur le thème « La culture : clé du développement durable ».

[9] Centre d’actualités de l’ONU, Les Dépêches du Service de l’ONU. – « L’ONU souligne le rôle crucial de la culture pour le développement lors d’un débat à l’Assemblée générale », New York, 12 juin 2013. https://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?newsID=30515&Cr=cultu#.VBZV2G9thXQ

[10] Camille Roger Abolou. – « La bouche qui mange parle : langues, développement et interculturalité en Afrique noire ». – L’anthropologue africain, Vol. 15, Nos. 1&2, 2008, p. 23. https://www.ajol.info/index.php/aa/article/download/77245/67692

[11] Agence française de développement (AFD), « Culture et développement » https://www.afd.fr/home/recherche/themes-recherches/culture-developpement

[12] Ces pays regroupent : la Corée du Sud, Taïwan, la Thaïlande, la Malaisie, le Singapour, Hong-Kong et le Japon). Cf. Jean-Baptiste Onana. – « De la relation entre culture et développement : leçons asiatiques pour l’Afrique ». – Politique Africaine, décembre 1997, p. 10. https://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/068096.pdf

[13] Jean-Baptiste Onana, Ibid.

[14] Trois rapports sur l’économie créative ont été publiés entre 2008 et 2013. Intitulé « Élargir les voies du développement local », ce dernier rapport est une édition spéciale publiée par l’UNESCO et le PNUD, via le bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud.

[15] Organisation internationale de la Francophonie.

[16] Voir à ce sujet la communication, « Le Soutien au développement des industries créatives en Afrique : approches de l’Organisation internationale de la Francophonie », de Toussaint Tiendrebeogo, donnée le 9 octobre 2013 à Cape Town, lors de la 3ème Conférence sur l’économie créative en Afrique. https://www.arterialnetwork.org/uploads/2013/10/Toussaint_Tiendrebeogo_Speech_ACEC2013_copy.pdf

[17] Centre d’actualités de l’ONU, Les Dépêches du Service de l’ONU. – « Les entreprises créatives, moteur de l’économie et du développement futurs, affirme l’UNESCO », New York, 14 novembre 2013. https://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=31508#.VCXs1G9thXQ

[18] « Assemblée générale : les appels se multiplient pour que la culture figure parmi les domaines cles du programme de développement post-2015 », New York, 12 juin 2013. https://www.un.org/News/fr-press/docs/2013/AG11379.doc.htm

[19] Une citation de Senghor publiée dans « Notre Librairie », n° 81, Oct. Nov 1985. Reprise dans Les Actes du colloque « Léopold Sédar Senghor : la pensée et l’action politique », Paris, 26 juin 2006. https://www.assemblee-nationale.fr/international/colloque_senghor.pdf

[20] Jean-Michel Lucas, « Culture et développement durable : il est temps d’organiser la palabre… », Irma, février 2012. https://www.irma.asso.fr/Culture-et-developpement-durable

[21] Tirés du discours qu’elle a prononcé le 25 mars 2014 au siège de l’ONU à New York, à l’occasion de la commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclavages. https://haiti-reference.com/opinions/2014/03/discours-de-michaelle-jean-onu/


Partager mon expérience de VIF [*]

Avec le SG Abdou Diouf à Paris

Je m’appelle François Bouda, originaire du Burkina Faso, le pays des Hommes intègres. Je suis titulaire d’une Maîtrise de Gestion et Administrations Culturelles et d’une Licence d’Anglais de l’Université de Ouagadougou. J’ai travaillé comme Administrateur de la compagnie de danse contemporaine, Auguste-Bienvenue, puis comme Chargé de communication du Centre de Développement Chorégraphique La Termitière (CDC) de Ouagadougou, dirigés par les chorégraphes Salia Sanou et Seydou Boro.

Un engagement pour des causes nobles
Lors de mon précédent séjour à Philadelphie aux États-Unis, je me suis engagé comme volontaire pour le Phildelphia Live Arts and Philly Fringe et le First Person Arts. Cette brève expérience a fait naître en moi le désir de donner un peu plus de mon temps et de mon expertise pour des causes nobles.

Ce fut donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai accueilli la nouvelle de mon admission en qualité d’Assistant de projets de la communication et de l’action culturelle au sein de la Représentation permanente de l’OIF auprès des Nations Unies à New York (RPNY).

La Représentation permanente de l’OIF à New York
Ce poste revêt pour moi une double importance. D’une part, il me donne une véritable opportunité d’apprendre et de renforcer mon savoir-faire acquis dans le cadre de précédentes formations continues sur les financements des industries culturelles. D’autre part, je réalise mon rêve de travailler dans un contexte international qui me plonge dans le monde diplomatique.

J’ai vécu l’annonce de ma sélection pour le programme de volontariat comme une grande chance de vivre des expériences enrichissantes et uniques, tant sur le plan professionnel que personnel. Je ne me suis guère trompé car je vis pleinement ma mission de volontaire et prends beaucoup de plaisir à bien la mener.

Une ambiance de travail stimulante et chaleureuse
J’ai été séduit par la disponibilité et l’ouverture de l’équipe de la RPNY qui a facilité grandement mon intégration dans ce milieu professionnel multiculturel. La présence de Clarisse, également Volontaire internationale de la Francophonie en charge des problématiques de développement durable, y a aussi joué un rôle prépondérant.

Je suis honoré de travailler aux côtés d’une personnalité comme M. l’Ambassadeur Filippe Savadogo qui, non sans un humour remotivant, sait trouver les mots justes pour nous parler des valeurs et des missions de la Francophonie. Il partage également avec nous son expérience de diplomate et d’homme de culture et tend une oreille attentive à nos préoccupations. Par ailleurs, il nous encourage à participer aux réunions aux Nations Unies. Je me réjouis aussi de travailler avec Patricia Herdt, l’adjointe au Représentant permanent, qui m’inspire par son charisme, sa capacité de travail et son professionnalisme. J’apprends beaucoup auprès d’eux, ainsi qu’avec les autres collègues, notamment les éléments du langage et du protocole diplomatiques.

Au mois de mars, Mois de la Francophonie, j’ai travaillé sur la programmation des activités de commémoration à New York et aux Nations Unies. Ce qui m’a permis d’être en lien avec de hautes personnalités, de découvrir le bouillonnement artistique de la ville de New York, mais surtout le dynamisme de la communauté francophone. L’un des temps forts de ce mois a été la Soirée culturelle Francophone aux Nations Unies avec comme invité d’honneur l’emblématique Manu Dibango pour un concert exceptionnel.

Immersion à New York !
Bien que déjà venu à deux reprises aux États-Unis, je découvre la ville de New York avec un grand enthousiasme. Elle ne cesse de me fasciner par le gigantisme de ses tours, la beauté de ses lumières surtout celles de Times Square, son infinité de possibilités et sa fascinante diversité culturelle. Mais – il ne faut pas le nier ! –, c’est aussi une ville où le soleil ne se couche jamais et où on n’a jamais assez de temps pour tout faire. Si j’étais sceptique avant mon arrivée, je peux aujourd’hui attester avec force conviction l’assertion d’un ami qui a le sentiment qu’à New York les jours comptent moins de 24 heures.

Et il fait froid ! Très froid je devrais dire. Nous avons vécu un hiver très rude avec des tempêtes de neige à engloutir les véhicules et faisant tomber les températures jusqu’à – 16° C. Pour le Sahélien que je suis, c’était une bien difficile épreuve ! Le printemps pointe du nez et j’en suis fort heureux.

Un autre défi qui s’est posé à moi a été de comprendre comment prendre le métro. Il m’a fallu plus d’un mois pour maîtriser le trajet en métro de mon appartement jusqu’à nos bureaux et pour me déplacer aisément dans la ville.

Mes relations professionnelles m’ont souvent permis d’aller voir ou d’être invité à voir des pièces de théâtre, des spectacles de danse ou des concerts. En outre, tant que je peux, je participe aux deux rencontres hebdomadaires des volontaires et stagiaires des Nations Unies, ce qui me permet de tisser des relations avec des jeunes de nationalités et d’horizons divers.

Encore plus de VIFs !
J’encourage les jeunes Francophones du monde entier, et en particulier les jeunes Africains, à s’engager au Volontariat international de la Francophonie. C’est une expérience unique à vivre absolument ! Car, pour ma part, plus rien ne sera comme avant : je suis positivement marqué par cette belle expérience qui nourrira ma carrière professionnelle et façonnera ma personnalité. J’envisage désormais l’avenir avec beaucoup d’optimisme grâce à ce programme de volontariat.

[*] Cet article a été publié sur le 7 avril 2014 sur le site Internet de l’OIF consacrée à la jeunesse.


Célébrer la Francophonie à New York [*]

© Solwazi Afi Olusola
© Solwazi Afi Olusola

La Journée internationale de la Francophonie 2014 a été rythmée par deux temps forts à New York, et précisément aux Nations Unies : une table-ronde sur la diplomatie culturelle et le multilinguisme et la Soirée culturelle francophone avec comme invité d’honneur Manu Dibango. Mais au-delà de cette journée, la Francophonie a été célébrée tout le long du mois de mars 2014. Tour d’horizon.

Le Mois de la Francophonie aux États-Unis est le reflet d’une communauté francophone forte, diversifiée et particulièrement dynamique. C’est un espace permettant de fédérer et de valoriser la diversité des initiatives francophones touchant à des problématiques aussi variées que le développement durable, la diversité culturelle, les droits des femmes et la promotion des valeurs universelles. De la Soirée culturelle francophone à la commémoration des victimes de l’esclavage, en passant par la projection du film Tey, jamais la Francophonie n’a été aussi présente aux Nations Unies.

Manu Dibango, à l’honneur à l’ONU
Après le succès de la Soirée culturelle francophone de 2013, on peut dire que la Représentation permanente de l’OIF auprès des Nations Unies à New York (RPNY) a réussi son pari de maintenir le cap en invitant à se produire aux Nations Unies l’emblématique Manu Dibango le soir du 20 mars 2014. Saxophoniste hors pair dont la musique a bercé les générations de ces cinquante dernières années, le roi de l’afro-jazz a donné un concert exceptionnel dans la somptueuse salle de la Delegates’ Dining Room devant plus de 500 invités, dont plusieurs secrétaires généraux adjoints de l’ONU et de nombreux ambassadeurs auprès des Nations Unies.

À cette occasion, Manu Dibango a reçu le Grand Prix de la Francophonie, tout comme M. Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint aux Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies. Le chanteur français Francis Cabrel, présent à New York dans le cadre d’une tournée nord-américaine, et qui a interprété en a capella « Petite Marie » devant un public ému, a reçu le Prix spécial de la Francophonie.

Déjà à la mi-journée du 20 mars, Manu Dibango, Artiste pour la Paix de l’UNESCO, et le réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis étaient conviés, avec plusieurs diplomates, dans la salle de l’ECOSOC des Nations Unies à une table-ronde sur la diplomatie culturelle et le multilinguisme. Il y a été question de la culture comme levier de l’action diplomatique en faveur de la paix et du développement.

Le Petit Prince fête ses 70 ans à New York
Publié en 1943 à New York par Antoine de Saint-Exupéry et édité en plus de 270 langues, Le Petit Prince est l’œuvre francophone la plus traduite au monde.

À l’occasion du 70ème anniversaire de l’œuvre, Le Petit Prince a été au cœur d’une large action de diplomatie culturelle conduite par la Représentation permanente de l’OIF à New York, le Département de l’Information des Nations Unies et la Succession Antoine de Saint-Exupéry.

Cette action de diplomatie culturelle s’est traduite par l’organisation d’un concours intitulé « Un vœu pour la planète » et la Journée du Petit Prince le 28 mars à la New York Public Library. En outre, ont été édités en milliers d’exemplaires l’œuvre et un livret mettant en lumière les valeurs qui y sont véhiculées et partagées par les Nations Unies et l’Organisation internationale de la Francophonie.

Et comment ne pas parler de l’exposition du manuscrit de l’œuvre par la Morgan Library & Museum du 24 janvier au 27 avril avec pour thème « The Little Prince: a New York story » ? Ou encore de la série d’activités « The Little Prince: a Planetary Garderner » de la Brooklyn Academy of Music les 25 et 26 avril ?

Tey, un film africain à l’ONU
Le film Tey (« Aujourd’hui » en Wolof), lauréat de l’Étalon d’Or de Yennenga au Fespaco 2013, a été projeté le 18 mars 2014 aux Nations Unies. C’était en présence du réalisateur Alain Gomis et des talentueux acteurs Saul Williams, prix de la meilleure interprétation masculine au Fespaco 2013, et Anisia Uzeyman.

Cette projection a permis à l’équipe du film d’aborder avec le public les conditions de réalisation, de même que les thématiques traitées dont les liens entre l’Afrique et l’Amérique et les questions identitaires.

En mémoire de l’esclavage
La commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves a été organisée par les Nations Unies le 25 mars, en partenariat avec la Mission permanente d’Haïti auprès des Nations Unies, l’OIF et plusieurs autres organisations. Thème choisi : « Victoire sur l’esclavage : Haïti et au-delà ».
À cette occasion, Madame Michaëlle Jean, envoyée spéciale de l’Unesco à Haïti, a prononcé un discours mémorable dans la prestigieuse salle de l’Assemblée générale des Nations Unies devant un parterre de personnalités onusiennes et diplomatiques. Saluant l’engagement des « peuples des Nations Unies » à accomplir ce difficile « devoir de mémoire », elle a exhorté les uns et les autres à passer à l’action : « Car, de la parole, il nous faut passer aux actes, avec la plus grande assurance et toute la constance nécessaire ».

Les femmes et les jeunes, au cœur de l’action francophone
Le prochain sommet de l’OIF qui se tiendra à Dakar en novembre prochain a pour thème : « Femmes et jeunes en Francophonie : acteurs de paix et vecteurs de développement ». En prélude à ce sommet, plusieurs réunions ont été organisées.

En marge de la 58ème session de la Commission de la condition de la femme (10 au 21 mars), l’OIF a organisé le 10 mars dernier aux Nations unies à New York une concertation francophone de haut niveau sur le thème : « Egalité femme-homme et autonomisation des femmes en Francophonie : construire le nouveau programme de développement pour l’après-2015 ». En collaboration avec ONU Femmes, l’OIF se mobilise en faveur de l’adoption d’un objectif spécifique dédié à l’égalité femme-homme, aux droits et à l’autonomisation des femmes, ainsi que de cibles et indicateurs sexo-spécifiques dans tous les autres Objectifs du Développement Durable (ODD).

Concomitamment à la dédicace du livre « Manu Dibango : Balade en saxo dans les coulisses de ma vie », environ 80 jeunes volontaires et stagiaires des Nations Unies et des Missions diplomatiques ont été conviés le 21 mars à une réception par la RPNY. Une occasion pour eux de partager leurs expériences, de renforcer leurs réseaux et d’apprendre davantage sur la Francophonie et son programme de Volontariat international (VIF).

Un regain d’intérêt pour le français dans les écoles
Outre la Bronx High School of Science et la New York French American Charter school, qui ont reçu cette année lors de la soirée du 20 mars les Prix de la diversité culturelle, plusieurs autres écoles ont pris part à la célébration de la Francophonie, dont le Lycée français de New York, la Garvey School, le Lyceum Kennedy et l’École internationale des Nations Unies (UNIS).

Cette année, le French Heritage Language Program (FHLP), membre de FACE (French American Cultural Exchange), a organisé un concours sur le thème « Le Petit Prince : les droits de l’Homme et les droits de l’enfant ».

Cet engagement des écoles pour la célébration du Mois de la Francophonie nous renvoie l’écho médiatique suscité par l’article sur les classes bilingues de New York de Kirk Semple [1], faisant état de la montée en puissance des programmes d’enseignement bilingues français-anglais dans les écoles publiques américaines.

Quant à Pascal-Emmanuel Gobry [2], le français pourrait être la langue de demain. En 2050, il y aura près de 750 million de locuteurs du français, dont la majorité sera en Afrique, un continent avec une croissance économique soutenue.

Passés les débats sur l’importance ou non du français, il demeure un fait : être bilingue ou multilingue offre plus d’un atout dans un environnement mondialisé de plus en plus concurrentiel où la multi-compétence donne toujours une longueur d’avance.

[*]  Cet article a été publié dans le magazine Alizé la vie en mai 2014.

[1] Kirk Semple. – « A Big Advocate of French in New York’s Schools: France ». – New York Times du 30 janvier 2014.

[2] Pascal-Emmanuel Gobry. – « Want To Know The Language of The Future? The Data Suggests It Could Be…French ». – Forbes du 21 mars 2014.


A propos

Ney waongo! Bienvenue sur mon blog Chroniques en danse!

FrancoisDepuis quelques années, je me suis découvert une certaine passion pour l’écriture. C’est arrivé comme ça, de façon banale je dirais. Alors que je suivais une pièce de théâtre, Je t’appelle de Paris de Moussa Sanou, il m’est venu l’idée d’écrire un court texte pour dire ce que j’en pensais. La pièce m’avait énormément plu ! J’ai ensuite publié l’article sur ma page Facebook. Puis, j’ai écrit d’autres textes, sur des pièces de théâtre et des concerts de musique, que j’ai aussi publiés sur ma page Facebook.

Le temps a passé jusqu’au jour où je vois passer un appel à contributions sur Art + Mobilité. Je me saisis tout de suite du thème et me lance dans le questionnement de la mobilité des artistes africains. L’article ayant été accepté, dans ses versions anglaise et française, cela m’a encouragé à poursuivre cette aventure. D’où la publication de deux autres articles dans le magazine des cultures africaines, Africultures.

Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’il me faut un espace personnel, plus ouvert, pour dire les choses à ma façon. Et Mondoblog m’offre cette possibilité. Faire danser les mots sur les thématiques qui m’intéressent, en l’occurence la dimension culturelle du développement, la diversité culturelle, le multilinguisme et la Francophonie, telle est la vocation première de cette plateforme. Plus spécifiquement, la danse reste mon domaine de prédilection, pour y avoir travaillé pendant environ six ans et parce qu’aussi je vais continuer à côtoyer ce milieu, après un passage d’un an au sein de la Représentation permanente de l’OIF auprès des Nations Unies à New York.

C’est de là que vient le titre de mon blog: Chroniques en danse. Cette ambiguité qui caractérise cette appelation est faite à dessein. Il s’agit, comme je l’ai dit plus haut, de faire danser les mots, mais aussi d’écrire sur la danse.

Ecrire me permet de me libérer. C’est une force cathartique qui me permet d’apprécier les choses, bonnes ou mauvaises,  et de les raconter avec beauté et clarté.

Bonne lecture!

François


La culture dans le post-2015. Pilier ou faire-valoir du développement ?

© Nestor Da
© Nestor Da

Le samedi 19 juillet 2014, le Groupe de Travail Ouvert (GTO) sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) clôturait sa treizième session par l’adoption de son rapport. C’est une première victoire dans le processus d’élaboration du prochain programme de développement post-2015. Surtout au regard de la complexité des enjeux et de la difficulté à concilier des intérêts tout aussi disparates que divergents. Mais plus encore, ce rapport soulève la question de ce qui est prioritaire et de ce qui devrait être pris en compte dans le programme. Cette double interrogation sert de prétexte pour remettre sur la table des débats la problématique du lien entre culture et développement.

En effet, on assiste depuis un certain temps à un regain d’intérêt pour la dimension culturelle dans le développement. Alors que la communauté internationale se réjouit de l’adoption fin 2013 d’une troisième résolution sur « culture et développement durable », les appels se multiplient en vue de l’inclusion de la culture, de façon transversale ou comme objectif spécifique assorti de cibles, dans le prochain programme de développement post-2015. Le rôle de la culture dans la durabilité du développement est défendu à l’envi par les organisations internationales comme l’Unesco et l’OIF, qui n’hésitent pas à se liguer afin de porter ce plaidoyer en haut lieu.

Une mobilisation qui semble porter ses fruits. D’abord, la résolution de l’ONU sur « culture et développement durable » établit un lien direct entre la culture et les trois piliers du développement : l’efficacité économique, la qualité environnementale et l’équité sociale. Ensuite, la Déclaration de Hangzhou, « Mettre la culture au cœur des politiques de développement durable », publiée en mai 2013, plaide fortement en faveur de l’intégration d’un objectif centré sur la culture dans le programme de développement post-2015. Enfin, en 2013, lors de sa Revue ministérielle, l’ECOSOC inscrivait spécifiquement, pour la première fois, à son ordre du jour, les affaires culturelles comme l’un des thèmes de débat.

Mais, ne nous y trompons pas. Ce qui semble être une évidence au sein de la communauté internationale ne s’est pas traduite de façon claire et précise dans le rapport final de 20 pages du GTO. Sur l’ensemble des 17 objectifs identifiés, la culture n’est citée que quatre fois. Dans l’introduction, le point 9 évoque la Déclaration de Rio+20, L’avenir que nous voulons, qui reconnaît explicitement la capacité de toutes les cultures et de toutes les civilisations à contribuer au développement durable. Ensuite, la culture refait son apparition dans l’objectif 4 sur « l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie ». Ici la diversité culturelle et le rôle de la culture dans le développement sont décrits comme moyens, parmi tant d’autres, d’acquérir le savoir et les compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable. Au niveau de l’objectif 8 sur « la croissance économique et les emplois décents », c’est la valeur marchande de la culture qui est mise en avant. Les politiques mises en place devront permettre, d’ici à 2030, de promouvoir un tourisme durable capable de créer des emplois et de promouvoir les cultures et les produits locaux. Enfin, dans le point 12 abordant la question des « modèles de consommation et de production durables », il est question des mécanismes de mise en œuvre et d’évaluation des impacts du tourisme durable.

Nul besoin de s’appeler Cassandre ou Protée pour réaliser que la dimension culturelle du développement continue de faire face à des blocages institutionnels et politiques. C’est à croire que la culture sert, malgré les apparences trompeuses d’une conviction ancrée dans plusieurs décennies de lutte, un discours démagogique, voire un effet de mode.

Mais que peut réellement la culture quand, dans un contexte globalisé, de nouveaux défis se posent au monde, incluant, entre autres, terrorisme international, crises politico-militaires, changement climatique, catastrophes naturelles, austérité économique et crises épidémiques ? Dans les pays en développement, surtout en Afrique, où tout est prioritaire, les urgences du moment autorisent-elles objectivement à s’intéresser à la culture ?

C’est justement dans ce contexte trouble que la culture doit être considérée et promue comme une solution efficace vers la durabilité du développement. En plaçant l’homme au centre des préoccupations, la dimension culturelle permet de créer le lien et d’agir sur les aspects sociaux, économiques et environnementaux des projets développementalistes. C’est ce qu’évoquait, à juste titre, Léopold Sédar Senghor quand il affirmait ceci : « Comme chef d’Etat, j’ai toujours pensé que l’homme, c’est-à-dire la culture, était au commencement et à la fin du développement » [*].

Comme tout autre domaine, la culture, sous toutes ses formes, est une composante essentielle du développement durable. Secteur économique porteur, elle stimule la créativité et l’innovation, génère des revenus et crée des emplois. Tout en apportant des solutions innovantes et efficaces à la réduction de la pauvreté, elle crée les conditions idoines pour l’inclusion sociale et une éducation de qualité. La culture permet, en outre, de prévenir les conflits, de protéger l’environnement et de promouvoir les identités culturelles. C’est le credo de toutes les organisations et de tous les acteurs engagés dans cette vaste campagne en faveur de l’inclusion de la culture dans le post-2015.

Il est encore temps d’agir ! Alors que les négociations interministérielles débuteront en janvier 2015, les actions de plaidoyer des États, des organisations et des acteurs du développement pro-culture doivent se poursuivre et se renforcer. Cela afin de lever les équivoques et de faire en sorte que la culture puisse pleinement jouer son rôle de moteur et de levier du développement. Que lui soit accordée dans le prochain programme de développement post-2015 la place qui lui revient, celle d’un pilier essentiel, traduit en objectif et en cibles. C’est la condition sine qua non pour assurer la durabilité du développement.

[*] Une citation de Senghor publiée dans « Notre Librairie », n° 81, Oct. Nov 1985. Numéro spécial consacré à : « La littérature Sénégalaise ». Elle est reprise dans Les Actes du colloque « Léopold Sédar Senghor : la pensée et l’action politique », organisé par la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, Paris, 26 juin 2006.


Articles publiés ailleurs…

Cettre rubrique regroupe les articles que j’ai publiés dans des magazines ou sur d’autres plateformes.

© Sawat
© Sawat

Conflit intergénérationnel ou étroitesse du marché de la danse en Afrique ?, magazine Africultures, novembre 2015
Bon nombre de jeunes danseurs africains reprochent à leurs aînés, le plus souvent à demi-mot, de leur faire de l’ombre ou de ne pas leur tendre suffisamment la main. Aux antipodes de cette attitude, d’autres comme le danseur et chorégraphe burkinabè Aguibou Bougobali Sanou défendent une autre position : « Aînés, laissez-nous la place maintenant ! » Lire la suite…

La culture dans le post-2015. Analyse des éléments de la durabilité, magazine Africultures, novembre 2014
Le 19 juillet 2014, le Groupe de Travail Ouvert (GTO) sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) clôturait sa treizième session par l’adoption de son rapport. Cela sert de prétexte pour remettre sur la table des débats la problématique du lien entre culture et développement, et surtout pour questionner la place de la dimension culturelle dans le programme de développement post-2015. A-t-on, enfin, dépassé les grands discours d’intention pour entrer dans une véritable logique d’action ? Lire la suite…

Célébrer la Francophonie à New York, magazine Alizé la vie, mai 2014
La Journée internationale de la Francophonie 2014 a été rythmée par deux temps forts à New York, et précisément aux Nations Unies : une table-ronde sur la diplomatie culturelle et le multilinguisme et la Soirée culturelle francophone avec comme invité d’honneur Manu Dibango. Mais au-delà de cette journée, la Francophonie a été célébrée tout le long du mois de mars 2014. Tour d’horizon. Lire la suite…

Smarty : Afrikan Kouleurs ou le renouveau en solo, magazine Africultures, octobre 2013
Sorti en novembre dernier, l’album Afrikan Kouleurs de Smarty, rappeur du groupe Yeleen, fait son petit bonhomme de chemin. Après le sacre du meilleur clip vidéo avec le titre Le chapeau du chef aux Kundé 2013, l’artiste vise à présent le Prix Découvertes RFI 2013. Lire la suite…

Danse contemporaine au Burkina Faso : entre perte de vitesse et renaissance, magazine Africultures, septembre 2013
Pendant longtemps, et aujourd’hui encore, la simple évocation du vocable de danse africaine dite contemporaine a toujours donné voie à des controverses de tous genres. Lire la suite…

La mobilité des artistes africains : une notion à connotation politique, magazine Interartive, juillet 2013
La mondialisation est saisie ipso facto comme un phénomène économique ayant accéléré, avec la régionalisation, le dépérissement des économies nationales à travers la constitution d’espaces transnationaux, la polarisation des cadres de formulation des règles et politiques économiques, ainsi que la mobilité de certains facteurs de production. Lire la suite…