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Mes déceptions françaises ou la fin des illusions

À un seul jour de différence, j’ai eu deux entretiens d’embauche. L’un avec une commission formée de trois Français (hommes) et une Roumaine, l’autre avec un Britannique.

Juste au milieu du premier entretien, l’un des trois Français de la commission (un haut fonctionnaire, représentant de l’État français en Roumanie), me lance d’un coup :

– Excusez-moi, mais avez-vous des enfants? Et moi, très idiote, au lieu de rétorquer « Et en quoi cela affecterait mes compétences professionnelles? », je réponds : « Oui, j’ai un fils »

– Ah, avoir des enfants c’est un emploi à temps plein. Comment est-ce que vous pourriez faire face à la position de … qui vous demande de travailler en dehors du programme ?

Inutile de dire que mon CV montrait que j’avais eu l’occasion de très bien gérer deux emplois en même temps et que j’avais même poursuivi des études de doctorat.

J’ai juste compris que si on est mère, la carrière professionnelle doit prendre une pause ou éventuellement on doit se contenter des emplois à profil bas, plus modestes. Et si j’étais un homme et j’avais un enfant? Aurais-je pu assumer l’emploi en question?

Cela fait longtemps que je n’ai pas éprouvé un si fort sentiment de discrimination et d’injustice.

Pendant l’autre entretien, le spécialiste en Ressources humaines britannique ne m’a posé aucune question personnelle, rien qui soit en dehors de mes compétences professionnelles. Oui, on m’a demandé si j’étais disponible pour voyager et j’ai expliqué que j’avais toujours fait cela dans mon métier et que j’étais toujours prête à continuer à le faire.

Le premier entretien a duré environ 15 minutes. Le deuxième – 45 minutes.

Mon français est meilleur que mon anglais, car comme une idiote (encore une fois), je l’ai toujours privilégié au cours ma carrière au point même de recevoir un prix pour « ma contribution au rayonnement de la langue française et des valeurs de la Francophonie en Roumanie ». Fatale erreur.

Je commence demain mes cours d’anglais.


Goncourt: le choix des étudiants roumains

Cinq jours avant la grande annonce qui va une nouvelle fois agiter la scène littéraire française, les étudiants roumains de six universités du pays ont annoncé leur propre choix pour le Goncourt 2013: Sorj Chalandon Le quatrième mur (Grasset).

Serge Chalondon

Pendant un mois, les étudiants ont lu et débattu la liste des 15 titres faisant partie de la 1ère sélection Goncourt 2013. Jeudi, leurs représentants se sont réunis non pas chez Drouant mais bien dans un restaurant français (Ici et là) en plein centre de Bucarest où ils ont débattu pendant des heures sur le choix roumain. « Ce fut un long débat », témoignait le président d’honneur du jury, l’écrivaine roumaine publiée chez Gallimard, Gabriela Adamesteanu. Autour d’un gâteau spécialement conçu pour l’occasion.

À côté des étudiants roumains se trouvait aussi l’un des membres de l’Académie Goncourt, Paule Constant (Goncourt 1998), François Weyergans (Goncourt 2005 et membre de l’Académie française) et l’éditrice Marie-Catherine Vacher (Actes Sud).

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Marie-Catherine Vacher, François Weyergans et Paule Constant lors d’un passionant débat à propos des prix littéraires en France qui a précédé l’annonce du choix roumain.

Arrivés en retard à la conférence de presse, les membres du jury avaient l’air vraiment épuisé mais quand même satisfait. Et comme dans tout choix, satisfactions et déceptions ont été exprimées à l’occasion.

Interpellé par téléphone, Sorj Chalandon s’est déclaré « flatté, content, fier, heureux ». Il a témoigné avoir ressenti le besoin de se libérer par la littérature des choses qui le hanter depuis l’époque où il était reporter de guerre au Liban. Il a aussi parlé de la guerre qui détruit les âmes et de la nécessité de partager des larmes et d’espoir…

On sait déjà que le choix roumain ne pourra pas coïncider avec le choix qui sera annoncé lundi et qui se fera sur la 3e sélection qui ne contient que quatre (autres) noms… Mais c’est déjà sûr que le roman sera traduit en roumain et la remise du prix Goncourt – choix roumain se fera à l’occasion du Salon du livre Gaudeamus où la littérature francophone occupera une place d’honneur.


Encore vivante ?

J’ai participé il y a quelques jours à une rencontre des journalistes avec les responsables de l’Institut français de Roumanie pour lancer la nouvelle saison culturelle. Très vite, le sujet a un peu dévié… « C’est de plus en plus difficile de trouver des interlocuteurs roumains qui s’expriment en français pour les interviews », « les compagnies françaises font leur réunions/conférences de presse en anglais »,  « dans les jurys de cinéma on est obligé de parler anglais, même à Cannes »,  « le curriculum britannique est de plus en plus adopté dans les écoles maternelles et écoles roumaines »…

L'Institut français de Bucarest. Source photo: Facebook/InstitutulFrancez
L’Institut français de Bucarest. Source photo : Facebook/InstitutulFrancez

À tout cela s’est rajouté mon propre témoignage. En 3e cycle en sciences de la communication, je suis la seule à préférer lire les bibliographies en français. Mes autres collègues préfèrent, tous, lire en anglais… Il y a 15 ans, dans le même domaine, les proportions étaient 50 %-50 %.

Les professeurs français ou francophones que j’ai croisés ces derniers mois racontaient tous qu’ils sont arrivés à se faire comprendre dans la rue, à Bucarest, grâce à l’anglais.

Et encore un : j’ai cherché à peine dans tout un quartier, une école maternelle qui propose des cours de français (oui, c’est vrai, les Roumains tiennent à ce que leurs enfants apprennent des langues étrangères à l’âge précoce). Rien. Que de l’anglais ou de l’allemand. Et j’ai fini par choisir un établissement où la langue d’enseignement est l’anglais et le curriculum est britannique.

Au total, 1,6 million d’élèves roumains apprennent encore le français. Le chiffre, même encore important, est en baisse et, on le reconnaît à basse voix, la qualité de leur français est aussi en baisse…

La Roumanie aurait dû fêter la semaine dernière ses 20 ans comme membre à part entière de l’Organisation internationale de la Francophonie, mais l’événement est passé inaperçu. Juste un communiqué du ministère français des Affaires étrangères et un message de l’ambassadeur de France ont rappelé cet anniversaire. Occasion pour se demander si cette francophonie roumaine est encore vivante…

PS : Je viens d’apprendre que nos voisins bulgares se sont quand même mobilisés pour célébrer les 20 ans en organisant un colloque intitulé : « Francophonie et citoyenneté numérique ».