Cunisie

… et il m’a demandée en mariage.

J’étais en retard. Toujours Zaaa, putain j’ai deux montres et je suis en retard, encore. Je suis arrivée au resto en pétard, même pas eu le temps de me remaquiller. Assilou. Je me suis assise face à lui, complètement ailleurs. Il m’a posé une question, j’ai pas écouté, j’ai répondu n’importe quoi.

Pour rentrer dans ce restaurant « touristique » parce qu’il sert de l’alcool, il faut une carte de membre, que j’ai perdu il y a bien longtemps. Ou alors il faut donner sa carte d’identité et après c’est à la bonne volonté du gardien, qui la tourne dans tous les sens, comme si il y avait des hologrammes dessus. J’y viens tout le temps. Mais le gardien lui change tout le temps. Du coup il faut refaire le même cirque à chaque fois. Je crois qu’ils sont choisis avec option « très très con » parce qu’ils te regardent de travers et ils te demandent ce que tu viens faire.

En fait y a que deux possibilités : boire ou manger. Pardon y en a trois parce qu’il y a aussi boire et manger ensemble. ça implique de l’alcool. Donc je ne viens pas là pour faire du tricot, ni voir ma grand-mère, je viens là parce que je suis une dépravée qui s’assume, pas la peine d’en rajouter en me demandant si j’ai réservé, les serveurs me connaissent tellement bien qu’ils me serrent la main ( signe de virilité immense ) et des fois je viens même toute seule. Arrêtons là cette tentative de jugement moral, voilà, merci, bonne soirée.

Je m’assoies, je regarde cet homme avec qui j’ai rendez-vous. Mais je ne suis pas là. Il me parle et je réponds n’importe quoi. Alors il y a un silence. Je m’excuse : « Pardon là à ce moment de la journée je dit oui à tout. » Il a sourit, le con, et il a glissé : « Alors c’est le moment où je dois te demander de m’épouser. »

ça a fait comme dans les films. Tout c’est arrêté autour de moi, j’étais toute seule dans la lumière et les gens autour de moi étaient figés. Et j’avais la tête qui tournait.

J’avais envie de lui expliquer que je voulais être ailleurs. Genre que je voulais dîner avec lui dans un resto où personne ne nous connait, pouvoir me siffler une bouteille dans un bar avec lui sans que personne ne nous regarde, qu’il joue avec ma main, que l’on marche dans la rue sans peur, soûls d’avoir flirté et puis qu’il pose sa main sur le creux de mes reins, l’air de rien, qu’il profite d’un coin de rue et qu’il m’embrasse. J’avais envie de lui expliquer que j’ai besoin de spontanéité.

Que j’ai envie de tomber amoureuse de lui.

Alors que là j’avais l’impression qu’on est deux jeunes puceaux qui osent pas se regarder. Parce qu’ici pour une preuve d’amour tu te fais péter la gueule et tu risques la prison. Et moi j’aime pas les rats. Et puis même si j’ai envie de promiscuité, c’est pas avec n’importe qui !

Je l’ai regardé, j’ai rougi. Je me suis demandée si les mecs à la table à côté avait entendu. J’ai eu un peu honte. Ce mec plus vieux que moi. On est un stéréotype. Si ce n’était pas moi assise là, si je ne connaissais pas cet homme, sa sincérité, sa délicatesse, son éducation, je me dirais : tiens une jolie poule qui se fait draguer par un vieux blanc.

La Rue


Je dois être un lampadaire

 

Ah oui aujourd’hui là on va parler d’un truc sérieux : les gars qui viennent chez nous et qui pensent que toi tu vas forcément coucher avec eux, parce que eux ils ont envie. On dirait que chez nous le forfait tout compris c’est pas juste : vol + pension complète. Y a les extra gratuits avec!

Alors là j’en ai rencontré des pas mal hein!

D’abord y a ceux qui te draguent avec presque de la poésie et des déclarations sur ta vie là-bas, comment c’est fou, « tu vis dans un pays instable, c’est fort , c’est beau » ouai ouai c’est Rambo.

Y a le gars te drague avec une pizza et un coca (si, si) et veut que tu montes avec lui^^: toi tu lui dit : « Oui mais la loi en Tunisie c’est chaud là, moi je vais être condamnée pour prostitution et de toute façon je peux pas aller avec toi dans ta chambre… »

Cheap mais pas le pire.

Y a ceux qui sont mariés ou en couple et qui oublient. « Oups j’ai oublié que j’ai une femme et des enfants. » Gars t’as Alzeihmer ou bien? T’oublies toi que t’as des parents, des frères et soeurs? T’oublies que t’as des jambes et des bras? Non, t’oublies pas. Bien. Alors comment « t’oublies » ta femme et tes gosses?

De tous, y en a un qui a gagné la palme! Je lui décerne, il l’a mérité amplement! Style de bonne foi il me dit : « Mais je pensais que tu savais que j’avais une compagne et un enfant… » Moi : « Comment je dois le savoir si tu ne m’as pas dit ? » Lui : « Ben l’enfant là sur mon fond d’écran… » Ah ben oui maintenant que tu le dis mais bon, il a pas une pancaret autour du coup qui dit : je suis l’enfant de Flén, merci de ne pas coucher avec mon père ! Parce que sinon, ceux qui ont des photos d’animaux comme fond d’écran, faut en conclure quoi?

Donc genre le gars s’étonne, que quand je lui ai demandé l’heure et qu’il m’a montré son iPhone, en fait son fond d’écran me disait : « J’ai une famille dans la vraie vie de l’autre côté de la mer.»

Et puis grande classe oblige : « Non mais j’avais envie d’être avec toi (mais juste cette nuit) parce que des occaz’ comme ça « y’en a pas à tous les coins de rue ».

Alors au coin de rue je connais : les feux rouges, les passages piétons, les panneaux stop, les policiers, les putes… ou les lampadaires.

Voilà, je suis un lampadaire. Mais je dois mal éclairer, parce que le gars a l’air perdu. Ou alors je suis un passage piétons, et je dois lui montrer la voie… lampadaire ou passage piétons, entre les deux mon cœur balance.

La Rue


Les fausses fesses !

J’étais fi lasouék, j’étais au souk quoi, et y a des gars qui me suivent. Non, mais genre ils lâchent rien. Ils trottinent avec moi.

sous

Je m’arrête à une brouette de gâteaux. Ils s’arrêtent à la brouette de gâteaux. Je m’arrête pour téléphoner. Ils s’arrêtent pour parler. Je m’arrête chez un menuisier. Ils s’arrêtent chez le menuisier.

Alors je leur ai fait une blague. Devant moi, pas loin, un magasin de sous-vêtements. Héhé ! Dans ma tête je voyais le clip de Nicki Minaj High School, quand elle est en guêpière !

Je m’engouffre d’un coup dans le magasin. Deux étrangères sont en train de détailler un ensemble soutiens-gorge / string noir en dentelle. Le vendeur est figé. Héhéhé. Qu’est-ce qu’il peut bien dire de toute façon, il a jamais essayé (normalement).

Je suis entouré de strings, culottes, soutiens-gorge, en dentelle. Et là deux jeunes filles, en hijab arrivent en riant. Une des deux dit à l’autre :

-Regarde! Regarde!
-Quoi ?
-La culotte avec des fesses !
-Quoi!

Du coup je regarde moi aussi, la culotte avec des fausses fesses. Comme si on n’avait pas assez de grosses fesses partout ici!

Du coup je repense à Nicki Minaj! Mais la meuf là, c’est un don de Dieu hein, parce que vraiment elle a démocratisé les gros derrières. Elle et Kim Kardashian. Comme ça les meufs de chez nous elles sont bien à l’aise. Parce que JLo en fait c’était rien du tout son derrière.

Après la première jeune fille, qui décidément n’en rate pas une, donne un coup de coude à sa copine, et pointe du doigt une tenue sexy, genre tablier de soubrette là. Jaw! Tu imagines la meuf avec son hijab et en dessous de ses fringues elles a une culotte de fesses rembourrées et une tenue de soubrette!

En tout cas mes gars, ceux qui me talonnaient sérieusement, ben ils avaient disparu. La dentelle des fois ça pique en fait, eux ils avaient dû essayer.

La Rue


L’homme qui aime les hommes mais a épousé une femme

Il est triste Ahmed, putain qu’est-ce qu’il est triste ce soir. Il a décidé de boire pour oublier son amant. Mais ça marche pas. On en est à la deuxième bouteille en moins d’une heure. Mais ça marche pas.

– Je veux juste le voir, qu’il vienne et qu’il me serre dans ses bras et qu’il m’embrasse dans le cou..

Son amant habite dans son quartier, là pas loin, juste à côté. Ahmed vient de se faire plaquer. Son amant ne veut pas quitter sa femme, ne veut pas quitter sa vie.  Son amant n’a pas le courage. Il vit dans le déni, se rend malade à faire semblant. Comme beaucoup de gens.

Quand on est petit, on joue à être mari et femme. Y en a qui continuent toute leur vie pour que personne ne s’aperçoive de leur homosexualité. C’est un cauchemar ce truc. Passer ses nuits à s’allonger à côté de quelqu’un dont on ne veut pas vraiment. C’est comme être déjà mort, non ?

La Rue


La drague de l’ennui

Alors alors je vous raconte la dernière. J’étais à une soirée. Il commence à être tard. Traduction : les couples sont partis. Il reste que les célibataires.

Un des gars me drague, grave. Lourd. Les autres sont gênés. Tu vois le gars il en rajoute des top, il essaie de faire des allusions sexuelles. Et toi tu te dis : aman que le pote qui doit me ramener chez moi termine sa bière et que j’aille me efferalgan-bouteille-d’eau-dodo.

Zaaah le con il a rerererepris une dernière bière.

Le gars continue. Toi tu le rembarres gentiment. C’est la fête du lourdingue ou quoi ce soir? Pas éduqué pour un sous le gars. Si je le connaissais pas je lui en aurais mis une. Mais voilà : il a rompu avec la nana avec qui il était, il déprime un peu, alors il a besoin de se rassurer… blablabla…

Et pendant qu’il me casse les pieds il textote. Alors ej lui dit ; ben couche avec une des meufs à qui tu écris là et laisse-moi tranquille.
Putain pourquoi j’ai pas dit : en rentrant je vais trouver une valise pleine de billets sous mon lit? Hein, a3llech? Zaab!

Ben le gars s’est levé comme une fusée, a laissé son tél sur la table et est parti en courant, en laissant la porte ouverte. Believe me or not : 2 minutes plus tard, il repassait la porte avec son ex- pendue à son bras!

Tu le crois toi? ça peut pas être vrai. Et ben si si si, juste pour toi! ça veut dire que le mec il te draguait par : ennui. Si si si. Alors, elle est pas belle la vie ?

La Rue


Les oeufs

Mais du coup avec la rentrée, j’ai oublié de vous parler de l’histoire des oeufs ! C’était à l’anniversaire de mon pote, celui qui m’a fait le laïusse sur le mariage.

Et ben c’était son anniv. On avait préparé une fête surprise. Avec tous les potes : le célibataire qui ramène ses meufs chez le gynéco, le marié qui veut niquer ailleurs, les mariés « trop-mimi-trop-choupi » qui niquaient dans des voitures avant… Que du beau monde! On fait la fête, on rigole, on trempe du gâteau dans la vodka et on mange des chips avec du Coca et va savoir pourquoi les filles s’empilent d’un côté et les mecs de l’autre. Angoisse.

Les mecs, je sais pas de quoi ils parlent, de crédit peut-être. Les filles, elles parlent de leur régime, parce qu’elles ont toutes grossi après le mariage. Et du jour du mariage dont elles se rappellent de rien (ben ça valait bien la peine que je vienne et que je m’emmerde à me faire tirer les cheveux pour avoir l’air présentable, que j’embrasse tout le monde, tout ça pour finir à mon tour en paillettes à De Carlo et que quelqu’un, à son tour, se moque de moi dans mon dos).

Et là, une des nanas se met à parler de bébé. Bon. Déjà elle est mariée, c’est pas mal, parce que ça veut dire qu’elle est en couple. Bon point pour le bébé. Mais là, elle te dit qu’avec le mode de vie d’aujourd’hui elle est pas sûre de pouvoir faire des enfants, alors elle a fait un test pour faire compter les oeufs qui lui reste.

Sorry WHAT ? Ben je sais pas moi : couche avec ton mec, et tu finiras par avoir un gamin non ? T’as besoin qu’on compte tes oeufs ? Mais t’as pas encore 30 ans ! Et tu fumes pas. Et tu bois pas. Moi j’entend partout des trentenaires qui font la course au mari pour se caser et que la famille leur foute la paix. Ou alors des jeunes nanas qui tombent enceintes sans le vouloir et avortent à la pelle.

D’ailleurs, la dernière fois j’ai changé de gynéco. Et au début de la consultation elle me demande : combien de fois vous avez avorté ? Euhhh zéro. Elle lève un sourcil. Et combien de fausses couches ? Euhhh zéro. Elle lève l’autre sourcil. Et la pilule du lendemain ? J’ai vu qu’elle avait plus de sourcil à lever j’ai répondu : une fois. Elle a demi-baissé les sourcils. Je suis trop sage pour elle, je crois qu’elle était déçue.

En tout cas moi, je ne compte pas mes oeufs. Mais j’espère quand même qu’il m’en reste assez.

La Rue


Le mariage…

Quelle mauvaise hôte je fais! L’été est fini, ce qui signifie : les embouteillages sont de retour et moi je ne vous ai pas parlé de l’affaire de l’été ! Le mariage. Ah oui oui oui. Le mariage.

mariage

Vers 23h comme ça je sortais du bar (ma vie se passe dans un bar, si vous n’aviez pas encore compris) et comme j’avais un petit creux avec mon ami on est allés acheter des gâteaux. Celui qui habite à Tunis et qui n’est jamais allé faire la queue à Decarlo la nuit pour acheter un pâté, un croissant ou une glace et ben il ment. TOUT le monde y est allé un soir. Et en été zaaa ça vaut le détour.

De loin il y a toujours des voitures garées n’importe comment, comme si c’était un concours de Lego raté: celui qui fait le tas le plus raté, gagne!
De 1.

De 2 : Il y a la queue. Oui dans une patisserie à 23h y a la queue à Tunis. C’est pour ça que tout le monde a du « sokeur » du sucre, du diabète quoi.

De 3 : Il y a des paillettes! Oui oui oui.

On s’approche et ça paillette encore plus. Y a trois voitures qui ont déversée des gens qui sortent d’un mariage/fiançailles/outia (enterrement (nul et ennuyeux) de vie de jeune fille). Une mère fait des allers-retours entre la pâtisserie et une voiture où elle glisse des pots de glace par la fenêtre.

– Putain mais elle a carrément mis son doigt dedans. C’est à dire qu’elle tient la glace en mettant l’écrasant.

Mon pote n’en revient pas. Il parle seul. Enfin il me parle à moi.

– Pourquoi les gens décident de s’habiller en kitsh ?

Je ne lui répond pas, je suis obnubilée par ses orteils. Elle porte des chaussures à semelles compensées et elle n’arrive pas à marcher avec. Bien sûr, elles sont dorées. Bien sûr, elle a peint ses ongles en rouge. Même le bout d’ongle incarné affreux qui te coupe l’envie de manger des glaces…

Elle se dandine pour traverser la route et rapporter les glaces par la fenêtre de la voiture. Sans se faire écraser. Elle est comme un gros escargot trop chargé.

On prend nos glaces (parce qu’on avait plus envie de manger des gâteaux en fait). Et on s’en va. Mais mon pote là reste bloqué.

– Tu sais ce qu’ils font en rentrant ces gens ? Tu le sais ? Ben les mecs, il y a ceux qui vont vite fait sur Facebook voir si les meufs à qui ils ont envoyé un message ont répondu. Un truc débile. Genre slm pour dire salam, tu vois. Et puis ils vont se coucher. Et les femmes elles enlèvent déjà leurs chaussures car elles en peuvent plus des talons et elles s’affalent comme des gros tas sur le canapé. Et après, elles commencent à critiquer tout le monde. « T’as vu celle-là comment elle était habillée ? Et voilà la fille de foulena elle est mariée, mais y a le fils de flén qui est pas marié encore… » Et pendant ce temps il y en a une dans la cuisine qui se prépare un petit quelque chose à manger, parce qu’elle a encore un petit creux même après tout les hlou (gâteaux) du mariage et les baklawas, les kaak warka, et le jus de fraise et la citronnade… et les gâteaux de Decarlo. Ah oui et j’ai oublié : là il y en a une à côté sur le canapé, qu’est ce qu’elle fait : elle sort des hlou de son sac, qu’elle a volé au mariage et qu’elle a mis dans une petite serviette. Et elle a son fils à côté, elle le pense innocent. En fait il regarde les décolletés des femmes et leurs jambes écartées… »

Ca m’a rappelé le dernier mariage où je me suis rendue. L’expression de satisfaction sur le visage de la mère. Pas de joie, non de la satisfaction et de la fierté : « Voilà j’en ai marié une, bien comme il faut. » Et les filles qui dansaient en tentant d’être celle qu’on remarque le plus. Jeunes pimbêches. Il y avait les vieilles tantes qui dansaient de joie, elles, et en l’honneur de la mariée et du marié, pour de vrai, de bon coeur, elles dansaient de bonheur. Mais c’était pas assez pour me faire oublier la misère de la situation. Et puis une des tantes (grosse et petite) s’est arrêtée de danser pour replacer le voile qu’elle avait bloqué dans son décolleté, pour qu’on ne voit pas ses seins. Moi qui croyait que c’était des frourous.

Mon pote il parlait toujours:
– Elles sont habillées avec des cols chantilly, horrible… Dans les pays normaux les gens vont au défilé de mode. Nous on va voir les nouvelles collections dans des mariages. On vient pour regarder.

Promis juré, je me marierai jamais comme ça. Je ne vous mettrai pas un orchestre à 100 000 décibels dans les oreilles, avec un mec qui croit être Dany Brillant arabe, qui fait une voix de crooner en allant qu’aux tables des filles. Je ne me maquillerai pas en extraterrestre, je vous donnerai à manger pour de vrai et à boire aussi. Beaucoup. Surtout pour ceux qui n’aiment pas les mariages, comme moi, pour ceux que ça déprime un peu, que ça gêne, que ça embarrasse. Ne vous inquiétez pas je vous permettrai d’oublier.

La Rue


BIZOU HOBI N7EBEK BAUCEAU

37797

Ya bay, la télé ça me fait me poser des questions quand même !

« BIZOU HOBI N7EBEK BAUCEAU. » C’est qui Hobi ? Hobi le hobit, comme dans le seigneur des anneaux ? C’est un message codé ? Elle veut un anneau ? Elle veut qu’il l’épouse ? Et « BAUCEAU » pour dire beaucoup, mais écrit comme puceau, c’est pour dire garanti 100 % hallal tu crois ? En plus les capitales ça fait : « VIENS LA VITE SINON JE TE TUE ! »

Bon en fait ça veut dire : Bisous mon amour, je t’aime beaucoup. Mais en alphanumérique la vie est pleine de « SURPRIZ »

« N7ebek barcha barcha barcha & twachtek » (Je t’aime beaucoup beaucoup beaucoup et tu me manques). Au moins c’est pas écrit en capitales, le destinataire ne crie pas sur le récipient, euh pardon, le récepteur…

Suite : « Bonsoir et surtout à ma mère et à ma femme ». Ah : maman : 1 / femme : 0. Toi mon gars tu vas avoir des problèmes. Va falloir que tu ailles bouffer chez ta mère un temps parce que ta femme elle va t’envoyer un piment dans la gueule là. Zaaa tu fais le méngae, tu t’occupes des enfants, le travail, tu cours partout et lui il dit d’abord bonsoir à sa mère !

En fait, j’étais affalée dans le canap’, parce que la chaleur mouch normal 45° le jour, même boire de l’eau c’est un effort monumental. Et là il y avait un bandeau défilant avec des petits messages d’amour cuicuicui les oiseaux.

Et en fait, y avait un concert dans le reste de l’écran, mais bon j’étais hypnotisée par le bandeau. Et le chanteur il a crié : « Win li bnet ? (elles sont où les filles) » Et y a eu trois cris stridents. Ben oui, y a que des gars là dehors pour écouter un truc pareil en fumant des clopes et se grattant les couilles.

Même le mec de la sécurité qui faisait chaîne humaine (c’est beau des gros costauds qui se tiennent pas la main) et ben il fumait en même temps…

Ah après j’ai changé de chaîne. J’ai rien compris. Y avait un gars à l’écran qui parlait en collant sa tête à la caméra pour dire qu’il fallait appeler des numéros et en même temps il buvait son café. C’est comme s’il faisait un marathon de télévision. Et parfois il y avait la « pub » : « Appelle 06 36 36 37 1000 avec ton indicatif devant pour parler avec ???  » Cassandra ??? Y a des Cassandra en Algérie ? Parce que le fond de l’écran c’était un drapeau algérien avec une blonde qui tenait un téléphone en se mordant les lèvres. Ya bay !

Et pour la Tunisie c’était une rousse avec un carré plongeant parfaitement lisse !

Voilà, maintenant je peux éteindre la télé et écrire de la poésie. Nannnnn j’rigole !

La Rue


Salon de coiffure pour dames à Tunis

photo

Oulà j’ai voulu aller me faire couper les pointes au salon de coiffure à côté de chez moi. Le truc c’est l’exorciste.

C’est surréaliste. Genre Dali l’affaire.

Déjà il y a toujours des voitures pas possible garées devant. Et en face y a des gars qui construisent une mosquée depuis… mmmhh… 2 ans… voui voui et ils reluquent TOUS les culs qui passent. C’est pour ça qu’ils sont lents.

Ensuite les meufs elles passent leur temps devant la porte avec une serviette sur la tête à fumer des cigarettes Slim, agrippées au bout de leurs faux ongles inflammables rose fuchsia ( souvent avec des strass ou des fleurs peintes en plus).

Elles portent des jeans Slim et des tongs, parce qu’elles font aussi des pédicures et que le vernis doit sécher au même temps que les cheveux. C’est un jeu de logique d’aller chez le coiffeur. Faut commencer par les ongles des mains pour que ça sèche vite pour qu’elles puissent fumer et téléphoner et boire leur capucin. Ben oui! Elles vont pas attendre qu’on leur fasse les cheveux sans rien faire quand même!

Alors j’entre dans la tanière (ou dans la gueule du loup, je sais pas trop).

Le salon de coiffure il est tenu par une Noire tunisienne BLONDE, trois filles voilées et deux jeunes garçons. Mais qui là-dedans a des cheveux normaux ?

Je veux dire qui traite ces cheveux avec respect et délicatesse ? Comment tu leur donnes ta tête en toute confiance ?

Les coiffeuses voilées tu peux pas savoir à quoi ressemblent leurs cheveux, parce que tu les vois pas; les gars ils ont des coupes de mecs qui font du tunning, mais qui n’ont pas de voiture, genre nuque longue et rasé sur les côtés, ça pique les yeux. Et ils portent TOUS des Slim, les filles et les mecs.

Et la patronne elle se peroxyde. Ça veut dire qu’elle doit avoir le cerveau attaqué parce que les alumines ça passe la peau et ça donne le cancer du sein quand t’en mets sous les bras, alors imagine au cerveau ce que ça fait!

Et toi tu donnes ta tête là, les yeux fermés ?

C’est comme quand tu veux acheter des lunettes mais que l’opticien n’en porte pas et te donne des arguments !!!

Y a de la fumée dans le salon. Celle des cigarettes, mais surtout, celle des cheveux qui crament. Parce que ça brushing sévère. Elles tentent toutes de se lisser les cheveux, alors qu’ils sont bien bien frisés.

Et puis tout le monde chante. Parce qu’il y a la chanson de Mika qui passe à la radio. Celle qui dit :

Boum boum, boum boum boum
Boum boum, boum boum boum
Boum boum, boum boum boum
Boum boum

Boum boum boum
Quand on reçoit des invités on ne sait même pas résister
Entre le thé et les lookoums y a le temps de faire boum
boum boum
C’est vrai que les murs ont des oreilles, que tous les
voisins se réveillent
Mais c’est comme ça qu’on fait l’amour quand toi et moi on
fait boum boum boum

Au milieu de tout ça, il y a une jeune fille qui tente de parler avec le coiffeur. Elle lui explique qu’elle est étudiante en médecine et lui il comprend rien, la faute au sèche-cheveux-avion-à-réaction. Elle pleure tellement c’est chaud. N’importe quoi.

Ça me rappelle qu’un jour dans un salon j’ai vu une meuf se faire faire un brushing sur une perruque. Elle avait la tête penchée et elle tenait la perruque pour pas qu’elle tombe, pendant que le coiffeur (décidément) tirait de toutes ses forces.

Trop d’émotions (et de vapeurs de laque) pour moi. J’ai décidé de garder mes fourches.

Du coup je suis sortie du salon en chantant boum boum boum…

La Rue


Salut les fataras !

C’est ramadannnnnnnnn ! Je vous la refais, comme l’année dernière ! On va pas manquer ça quand même !

fater

Acte I : lundi 15 juin 2015, ramadan -3J. J’ai rendez-vous dans un bar pour une dernière bière à l’air libre. Toute joyeuse je marche dans le jardin du bar et je cherche du regard mes potes. Mais bizarrement tout le monde boit de la citronnade. De la citronnade ! On dirait qu’on est dans un café familial alors que là, ici, normalement ça drague sévère en étant tout bourré.

J’arrive à table et mes potes me disent : « Y a plus de bières ! Les magasins ont été dévalisés alors y a plus que de la citronnade. Tout le monde a fait des réserves de ouf ! »

Tristesse infinie de s’être fait ravir un moment de plaisir. Zaaaaa !

Ramadan 1 point – Mon gosier 0.

Acte II : jeudi 25 juin, ramadan J+8. Une vidéo d’un connard qui tape sur une jeune fille qui sort d’un café fait le buzz sur le web. Nous on croyait que cette année on allait être des fatras (non-jeûneurs) en paix. Ben non la police nous casse les pieds.

Non, non, non en fait le gars a été viré illico presto ! Estomac 1 point – Policier 0.

Acte III : dimanche 28, ramadan J+11. Je suis chez un ami. Pour le déj. Régal assuré. Là le gars me dit : « Tu veux de la bière forte ? » Moi : « De la bière quoi ? » Lui : « De la bière forte ? Ils ont tout pris dans le magasin, quand je suis arrivé j’ai trouvé que de la bière forte. Genre 8°. »

Ma joie n’a plus eu de limite. Héhéh é! Ramadan 0 point – Mon gosier 1.

Acte IV : mardi 30 juin, ramadan J+13. Je suis dans un café avec des amis, au centre-ville. Je me suis installée à côté de la fenêtre qui est quand même un peu ouverte, même si il y a des journaux collés aux vitres, sinon on va tous mourir à cause de la fumée de cigarette en 3 minutes et demie.

Dans le café ça passe du reggae, le serveur fait du mime quand tu commandes et c’est bondé. Mais à chaque fois par magie il arrive à dégoter une table et des chaises aux nouveaux arrivants « charité oblige, je vais pas te faire partir » explique-t-il. Au prix du café ça serait drôlement con là!

Y a presque que des hommes. A une table une fille en hijab ( jaune moutarde, même quand tu fermes les yeux tu la vois). Elle porte le voile hein et puis elle boit un café et puis elle fume aussi… Elle c’est fatras puissance 2 parce que la schizophrénie là ça va bon train.

Et puis y a un vieux monsieur avec une plus jeune fille, ils ont l’air de bosser sur un ordinateur. Et là le gars il reçoit un coup de fil. Alors comme y a trop de reggae il sort du café pour parler. Clope au bec. Comme si de rien n’était le gars est là dans la rue et il fume en pleine journée. Un peu genre : oups pardon, je suis rentrée dans la vraie vie par erreur.

Non parce qu’en fait ramadan en Tunisie c’est une erreur de casting. Nous on devait pas l’avoir. D’ailleurs si vous voulez bien, monsieur le gérant, on vous le rend, on ne sait plus quoi en faire.

La Rue


Ma pote qui avait passé la soirée à se faire tripoter par des mecs (en couple) est très énervée

Elle s’est fâchée tout rouge ! Elle en perd son souffle. Plus elle parle, plus elle s’énerve.

– Alors tu vois, j’étais partie voir ce pote-là, que j’ai pas vu depuis des siècles, un franco-tun. Et là il m’embarque chez des potes de potes, tous nousse-nousse. Moi je me dis bien bien, on va être entre gens qui parlent de trucs, genre, différents. C’était cool, et ça picole et là ça dérape gentiment. Le premier voulait toujours être assis à côté de moi. A ma gauche. Ok. En plus beau gosse. Il drague avec une voix grave. Et puis là il me dit qu’il a une meuf. Ok. Moi je me dis qu’il faut mettre des distances. Elle reprend son souffle deux minutes et elle enchaîne, pire qu’un louage !

– Le mec trop soûl finit par aller faire un tour dans la cuisine et là y a un de ses potes qui prend sa place. Il me regarde genre au fond des yeux. Mais lui aussi il a une meuf. Alors je me dis que peut-être que c’est ma faute et qu’il faut que je remette ma veste. Du coup, j’ai chaud. Et là à ma droite le mec qui habite dans la maison commence à me parler. Il habite avec sa meuf ok? Il est hyper prévenant. Je me dis que je délire. Je me lève et je pars dans la cuisine à la recherche de mon pote.
Quand j’arrive dans la cuisine, je me cale contre le plan de travail. Et là mon pote, qui est en couple, m’attrape par la taille. Mais le proprio de la maison arrive et se cale entre mon pote et moi et, et glisse son bras autour de ma taille. Jusqu’à ce que sa meuf arrive et qu’il dégage l’air de rien.

J’interromps ma pote et je lui dis que c’est un guet-apens son histoire, que je leur aurais mis une tarte à chacun.

– Mais attends ! Après le premier mec qui me parlait revient avec un troisième pote et ils m’entourent et ils parlent de moi comme si j’étais pas là. Genre odieux. Le proprio de la maison super gêné se ressaisit et comprend que ça tourne mal. Alors il me sort du bordel et il me dit : « Tu veux que je te raccompagne ou tu veux rester à dormir ici ? »Tsawar enti !  Le mec il veut que je RESTE DORMIR CHEZ LUI ! Ils étaient tous en couple. TOUS ! C’est quoi ça, c’est l’infidélité génétique ou quoi? Normal ? Ena wallah wallah, ken j’étais leur meuf je leur mettrais une laisse !

La Rue


Oh toi l’homophobe, tu n’es pas seul !

Oh toi l’homophobe, tu n’es pas seul ! En Tunisie vous êtes plein ! J’en ai mal à la tête. Faut se boucher les oreilles là, sinon ça pique, yaaaa les gros mots qu’on invente pour insulter les autres ! On peut en faire des chapelets là avec tout ce que ça dégueule.

Si on mettait cette énergie ailleurs et ben on ferait des trucs itfateq! des trucs qui déchirent ! Tu parles, nous on est juste bon à s’insulter.

Je suis encore couchée dans mon lit de tourment. Je crois que je ne vais plus jamais sortir. Peut-être que chaque personne que je croise dans la rue va se transformer en tornade d’insultes si on dit : « gay » à côté d’elle…

Du coup je me demande qui est l’animal, hein! ça parle de créatures ignobles, de monstres des ténèbres, de trucs d’Occidentaux. Lol, va dire ça aux Grecs de l’Antiquité, ils vont être contents!

Tu t’imagines toi Platon à MacDonald’s avec des baskets en train de philosophait avec son smartphone?

Non tu imagines pas hein!

Parce que l’homosexualité c’est pas un truc culturel, de colonisé ou de mal dégrossi. C’est une préférence que l’on retrouve partout, dans toutes les civilisations, sur tous les continents et à toutes les époques.

Ne sois pas déçu.

Tu n’es pas le seul à ne pas comprendre. D’ailleurs en Tunisie on est nombreux. On a une loi débile et répressive qui criminalise l’homosexualité. Euh pardon, la sodomie. Ou alors c’est contre l’homosexualité ? Je sais pas je comprends plus. C’est qu’entre mecs l’homosexualité c’est ça ?

Article 230. – La sodomie, si elle n’entre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans.

Donc si deux hommes se sodomisent ils vont en prison (pour 3 ans en plus, c’est long). Si un homme sodomise une femme, ils vont en prison aussi.

Oh wait! Mais c’est pas de l’homosexualité ça. Donc, ils vont pas en prison.

On pourrait être fair play dis donc : tu peux pas dire que tu sanctionnes l’homosexualité alors qu’en fait tu sanctionnes les mecs et pas les meufs .

Ou alors il faudrait définir la sodomie de manière plus précise : avec quoi tu sodomises ? Et qui sodomises qui ?

Du coup un autre cas de figure sexy à souhait entre en jeu : les policiers! ( En plus ils portent un uniforme, miam! ) Est-ce que lors d’un interrogatoire quand un policier égare sa matraque dans le postérieur d’un détenu ça compte ?

Une fois que tu as mieux défini la sodomie pour mieux l’interdire faut passer à l’étape suivante : tu fais un guide des positions permises, tu fais une police de la baise qui vient vérifier que tu dépasses pas et tu proscris le plaisir, parce que ça n’a aucun sens de prendre du « palisir », hein. Comme ça tu augmentes la frustration, tu obliges les gens à dépenser leur énergie dans quelque chose de « sain », de « normal », de « halal ».

Tiens, ils ont qu’à tous aller faire du sport, bouger leur corps, réchauffer leurs muscles, suer, s’essouffler, exciter leurs hormones… ah non merde, ça se rapproche dangereusement de faire l’amour.

Bon ben à la place ils ont qu’à faire le ménage, on aura des rues moins dégueu.

 

La Rue


Seize minutes de terreur

C’est samedi soir et j’ai envie de chocolat. J’aurais dû y penser avant. La meuf aussi 19 h 50 samedi et elle veut du chocolat. Cent balles et un mars aussi ou bien ? Fait nuit, fait froid, mais j’ai envie de chocolat. Je tourne en rond dans la maison. Allez, vite vite.

J’enfile mes baskets et c’est parti.

19 h 58

je suis dehors. Capuche sur la tête, gros manteau, démarche cowboy pour mission chocolat. Les épiciers sont en train de fermer faut faire vite. Il pleut, la route glisse, tout est boueux parce qu’autour de chez moi c’est du terrain vague et puis y a pas de lumière. Et puis y a personne dehors.

Je flippe.

Aya fissa, dans 10 minutes je serai rentrée. Oui, mais je flippe.

J’entends une voiture, elle déboule à fond la caisse, me dépasse, continue son chemin. Ouf.

Silence.

Une deuxième voiture. Et là ça ralentit. Je serre les clefs dans ma poche. Pourquoi je suis sortie ? Merde, pourquoi je suis sortie.

Je baisse la tête et regarde droit devant, genre démarche assurée. Dans ma poitrine mon coeur ne bat plus. Arrivé à ma hauteur le conducteur ralentit et tourne la tête pour me regarder. Il continue sa route. Je peux pas faire demi-tour parce que je serai coincée. Et puis à 50 mètres devant il y a un immeuble,  alors c’est mieux que le terrain vague.

Devant l’immeuble la voiture fait demi tour. J’ai cru que j’étais débarrassée. Je pense à ma cousine, qui, en sortant chez elle à la nuit tombée, s’est fait emmerder par un mec en mobylette, qui a voulu l’entraîner dans un terrain vague. Elle s’en est sortie parce qu’elle a réussi à tambouriner à la porte d’une maison et que par chance les gens ont ouvert.

Ce matin quelqu’un a tapé à la porte de mes voisins. Le gars a hurlé 4 fois : « Chkoun ? C’est qui »avant de tourner tous ses verrous et d’ouvrir. Moi j’étais dans mon lit et je me suis dit que je préférais la vie d’avant. Celle où quand ça tapait à la porte tu ouvrais et tu découvrais avec surprise ton visiteur et tu te méfiais pas de tout.

Moi j’étais là, la voiture faisait son demi-tour et je me disais que je pouvais taper à la porte de personne et qu’il fallait que j’avance vite. La voiture est revenue vers moi et le gars a fait mine de vouloir m’écraser. Je me suis retrouvée les pieds dans le ruisseau, à moitié coincée dans des arbustes.

Je voulais l’insulter. Mais je pouvais pas. Parce que c’était la nuit. Et que j’étais toute seule. Et que j’avais qu’à pas être dehors. Y a que les putes qui sortent la nuit. C’est bien connu. Y a pas des meufs stupides qui veulent manger du chocolat.

Les meufs dehors quand il fait nuit on peut les emmerder, les aborder de force, faire semblant de les écraser, les terroriser. Encore plus tranquillement que pendant la journée.

Je me suis dit qu’il fallait que je fasse un détour pas possible pour revenir chez moi, parce que je voulais pas repasser par ce chemin sombre. Je me suis dit que je devais me calmer, j’ai demandé à mon coeur de recommencer à battre normalement. Il voulait pas. Il me disait qu’il fallait que je me barre vite de là. Mon cerveau, il disait plus rien. Il était en colère.

Et puis la voiture est revenue. J’ai juste eu le temps de me faufiler entre deux immeubles et prendre un raccourci pour arriver rapido sur la grande route.

Vous avez déjà été suivie par un homme en voiture la nuit dans un coin désert ? C’est pas drôle.

Arrivée sur la grande route je me suis dit que j’étais tranquille, que je mangerais pas de chocolat, que c’était pas grave, que j’avais qu’à rentrer chez moi. J’avais l’impression d’être sortie depuis une heure.

Et puis la voiture est revenue. Encore. Le gars ne voulait pas comprendre que je voulais pas lui parler. Ou alors il attendait n’importe qu’elle occasion pour se rapprocher. Mais comme sur la grande route il y avait du monde il a fini par se barrer.

Je me suis embarquée sur la longue route, celle avec des lampadaires de temps en temps et des maisons le long de la route. Et je fixais les interphones. Je marchais d’interphone en interphone.

Et puis de l’autre côté de la route, un mec m’a interpellée : « Ben alors ma chérie, pourquoi t’es pressée ? Viens on va prendre un café ! »

Bordel ! Il fait nuit, y a pas de lumière, j’ai une capuche sur la tête, y a ZERO moyen de voir à quoi je ressemble. ZERO. Mais ça veut dire quoi ça ? Le gars il veut prendre un café juste parce que je suis dehors ?

Là comme j’étais chauffée par l’autre gars et qu’il était de petite taille, j’ai pas eu peur. Je me suis dit qu’on était à égalité pour se battre. Il a continué en me sifflant. J’ai pressé le pas.

Et je suis arrivée chez l’épicier ! Et j’ai acheté du chocolat. J’ai tout foutu dans mon sac et j’ai repris la route pour la maison.

Je longeais un autre terrain vague en me disant que j’avais eu peur pour rien. Et puis une autre voiture est arrivée. A ma hauteur elle a ralenti, le chauffeur a tourné la tête pour me regarder. Je me suis dit que j’en avais ma claque et qu’il fallait faire bon usage de mes baskets. Alors j’ai couru.

Je suis rentrée à la maison. Je ne respirais plus. Il était

20 h 14

.
Au total, 16 minutes aussi longues qu’une nuit.

Et c’est rien tout ça. C’est pas les histoires des petites meufs qui entendent des grossièretés dans la rue, qui se font tâter le cul dans le bus et dans le métro, harceler par leurs profs, par leurs patrons, par les flics, qui se font mettre sur la gueule par leurs pères, leurs frères, leurs maris, qui se font violer par un étranger, un ami, leur mari.

C’est rien tout ça, mais c’est le début.

Alors je me suis dit que ce que je voulais, pour la journée de la femme, c’était de pouvoir marcher dans la rue sans avoir peur. Juste pour commencer. Marcher sans devoir courir.

La Rue


Aïd el 7ob (la fête de l’amour quoi)

Yaaa, j’étais dans un taxi et le « taxiste » rabat son pare-soleil et là je lis un message génial-horrible-radin, j’ai pas réussi à juger.

Un homme riche

et un homme qui gagne

plus que sa femme depence

Là je vous le transmets tel qu’affiché. Alors ça m’a fait repenser à la Saint-Valentin, que j’avais promis de fêter pour Raef Badawi. Et je me suis dit que le gars n’était pas né dans le bon pays.

Pendant une semaine avant la Saint-Valentin on a eu droit à tout en Tunisie, concours de publicistes : les pubs affichage 4 par 3 avec des coeurs en chocolat à 4 700 dinars à Carrefour (sont partout ceux-là, c’est comme Orange).

On a eu droit à la pub à la radio « Maestro chocolat Tesoro, cette année l’amour se croque à pleines dents » ou « 72 nuances de… »  jeux de mots avec le roman érotique Cinquante nuances de grey.

maestro

Et yaaa comble de tout : les émissions de conseils. Mella tu comprends plus rien. La nana commence :

Alors aujourd’hui Mohamed va nous donner des conseils pour s’habiller pour la Saint-Valentin.

Là tu te dis que c’est pas possible, que Mohamed il va parler aux hommes et bien non ! Mohamed il parle aux femmes :

Mesdames, oui le rouge est la couleur de l’amour, mais pas la peine de vous habiller en rouge de la tête aux pieds. Des touches suffisent. Comme du rouge à lèvres et du vernis à ongles, peut-être le sac à main ou un accessoire. Mais n’oubliez pas que vous allez avoir déjà une rose rouge, alors ça suffit. Restez sur le noir, c’est mieux.

Bon je note.

Et il enchaîne sur quel type de tenue : classe, mais faut pas exagérer. La suite c’était la même présentatrice qui faisait antenne ouverte pour un débat : jupe ou pantalon. Une auditrice appelée pour dire qu’elle devait courir derrière le bus et que même avec des baskets elle arrivait pas toujours à l’attraper. Une autre disait que quand elle porte une robe elle a l’impression de ressembler à une mariée.

Je me suis dit que si on pouvait s’éviter des attentats visuels c’était bien.

Tout ça pour terminer avec mon chauffeur de taxi, qui était bizarre. A là fin il me dit :

Toi tu préfères la fête de l’amour ou le terrorisme ? 

Il avait dû dépenser trop pour sa femme le matin !

La Rue


Nana la serviette trop voyante !

Alors alors alors, genre prise au piège : mes règles en avance ! Le truc que tu attends pas. Enfin si tu attends, mais les arrivées en avance c’est tellement rare que ça te laisse toujours bête, «kont bête» quoi comme on dit ici.

Me voilà embarquée à 22 heures en pyjama à aller chercher un paquet de serviettes chez l’épicier du coin. C’est soir de match, y a la CAN à fond. Un gros monsieur à moustache, avec les bras pliés appuyés sur son gros ventre (plein de couscous aurait dit ma soeur si elle l’avait vu) qui fume une chicha les yeux rivés sur le poste.

Il est tellement fainéant qu’il a coincé le tube de la chicha sous un bras pour ne pas avoir à faire le moindre mouvement. Je me demande bien comment je vais pouvoir le faire bouger pour lui demander un paquet de serviettes hygiéniques par- dessus le marché.

Mais Hamdoullah, une femme toute voilée de noir et vêtue d’une djeba noire apparaît miraculeusement de derrière le bonhomme. Elle a un gros visage tout rond et elle sourit. Une gentille maman quoi. Je lui demande si elle a des serviettes, elle tique même pas et me demande lesquelles je veux.

Là c’est le moment où tu pries pour que la meuf elle te sorte pas le paquet fluka. Moment explication sémantique : une fluka c’est une barque en tunisien. C’est le petit nom qu’une amie donne aux serviettes hygiénique 14 cm d’épaisseur / 30 com de long vendues dans les pays du Sud. On sait pas si c’est un rappel de mauvais goût en lien avec les mecs qui partent en Europe sur des embarcations foireuses. Ou si c’est parce que les concepteurs de serviettes hygiéniques ne veulent pas nous donner accès au confort. En tout cas, le truc là c’est comme si tu étais punie deux fois là. T’as tes règles et on te donne une fluka.

Equivalent d’une couche pour bébé. Jaw.

Bon heureusement elle avait un modèle petite fluka donc ça allait.

Et là elle attrape un sac en plastique. Et je sais pas pourquoi la meuf reste stoïque et finalement s’en va dans l’arrière-boutique sans dire un mot. Le gros monsieur, il a pas bougé un cil. Il est hypnotisé.

Et moi je veux payer et partir.

La gentille maman revient avec un journal, en retire une page et m’emballe mon paquet de Nana rose dans la feuille de journal puis le met dans le sachet en plastique transparent et y fait un gros noeud, pour être sûre que le paquet s’échappe pas, hein, on sait jamais.

Elle me tend le tout, toujours en souriant. Je paie et m’en vais.

J’ai l’impression d’être un mec qui est allé au marché noir et à qui on a donné un sachet noir. Vous comprenez? Non? Alors j’explique. Au marché noir tu achètes de l’alcool et pour être sûr que les voisins ne sachent pas ce que tu achètes on te donne un sachet noir.

Sauf que comme on les donne que pour ça, moi je trouve que c’est un appel encore plus criant à l’oeil curieux. Parce que si tu as un sachet noir alors tu as un truc à cacher. Bref.

Mais la surprise c’est quand je rentre à la maison et que je déballe le tout. Parce qu’elle a pas pris éhy page, pas n’importe quelle page. Elle en a pris une avec plein de couleurs. Je regarde mieux. Et je me rends compte que c’est une caricature. Je pense à Charlie tout ça, je souris, je me penche pour bien regarder : c’est Moncef Marzouki, l’ancien président de la République, qui sort comme un diable à ressort d’une voiture.

Des serviettes hygiéniques « livrées » par un président de la République, on pouvait pas faire moins pudique en fait.

La Rue


Parce qu’on a bien le droit de rire et d’aimer, bordel de Dieu !

Mella, mella, mella, yani ça fait un an que je vous raconte des conneries, que je regarde sous les jupes de la Tunisie et personne ne m’a encore fait couper la langue !

J’avais bien ouvert les yeux ces derniers temps, pour un post itfatek, un truc qui déchire ! Avec des histoires de nénettes qui se recoiffent pour se faire prendre en photo devant un père Noël installé dans une vitrine de magasin de jouets ; de femme en burqa installée à l’arrière dans une voiture, alors qu’il n’y a pas de passager à côté du conducteur ; de vieille dame avec son vieux « chibani », qui viennent de la campagne et qui sort de son sac à main un déodorant dont elle s’asperge comme une jeune fille ; de jeunes gamins qui se roulent des galoches au fond d’un louage ; de bancs publics dans un parc pris d’assaut par des amoureux ou de maman avec un niqab qui joue au foot avec sa fille ( si si gros !)

Fallait marquer le coup pour le premier anniversaire du blog et le quatrième de la révolution en Tunisie !

Putain, j’avais plein de trucs à vous raconter ! Sans compter l’histoire des filles qui comptent leurs ovules là!

Et puis y a eu le massacre Charlie Hebdo et c’est comme si j’avais passé une semaine à me lever avec une gueule de bois. Et y a eu la mascarade du défilé des chefs d’Etat autoritaires qui disent « Non au terrorisme et Oui à la liberté d’expression! » Et au milieu de ces gros messieurs, il y avait le numéro 2 de la diplomatie d’Arabie saoudite, envoyé de Riyad.

Ben, il a de l’humour le mec! Bac + 15 en ironie ouais ! Non parce que chez lui liberté d’expression mon cul ! Mon cul oui !

Alors aujourd’hui ce billet il est pour Raif Badawi, pour sa femme et ses trois enfants. Raif il a une gueule d’ange et un regard malin. C’est un blogueur saoudien lauréat 2014 du prix Reporters sans frontières. Raif est en prison parce qu’il pense différemment et qu’il le dit. Raif a été fouetté en public vendredi dernier. Ça donne le tournis cette histoire, ça donne la nausée.

Il a été condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour avoir écrit sur la St-Valentin et demandé plus de liberté des moeurs en Arabie saoudite.

Toi tu veux aimer ton prochain et eux ils te pètent la gueule.

Peut-être qu’ils aiment pas la St Valentin. Moi aussi j’aime pas la St-Valentin : l’angoisse du faux pas si t’es en couple, l’angoisse de la solitude si t’es célibataire. Un truc commercial… gnagnagna… pour vendre des cartes postales et des roses… gnagnagna… et puis merde ! Si des gens veulent acheter des cartes postales, offrir des roses et aller dans des restos pleins de ballons en forme de coeur et bien yallah allons-y tous!

Allons y pour Raif !

Parce qu’en plus d’avoir bien le droit de rire, bordel de Dieu, on a aussi le droit de s’aimer !

La Rue


Du lubrifiant pour le nouvel an !

Bonne année bonne année! J’ai plein d’histoires sur la Tuinisie à vous raconter, mella jaw ! J’ai du être bien gentille parce que là le bon Dieu m’en a mis plein les yeux! Mais comme j’étais trop occupée hier pour vous raconter tout ça je le fais aujourd’hui. Come ça vous allez commencer l’année en souriant !

Alors d’abord j’ai pris un taxi de bon matin. Et il pleuvait, genre déluge fin du monde grêle. Et dans le chemin on passe devant une patisserie avec des gens qui font la queue dehors pour acheter des gâteaux pour le réveillon, alors qu’il pleut à mort.

Et là le chauffeur me dit que dis donc c’est pas normal, les gens qui achétent des gâteaux alors que d’autres meurent de froid et ils ont rien. Et d’ailleurs la dernière fois il était à l’hôpital et il y avait un petit gamin de neuf ans qui était né là et dont la mère était morte à l’accouchement et meskin il était jamais sorti de l’hôpital parce qu’il était tout malade avec des dialyses et tout. Et que son père c’était barré avec une autre femme. Et que tout ça c’était la faute au péché. Parce qu’en fait les parents étaient pas mariés. « Et Dieu il sait ce qu’il fait. Et nous dans notre religion on dit qu’il faut pas coucher avant le mariage, sinon voilà ça donne des malheurs! »

Putain le mec il a une vision des choses genre karmique. Si tu es aveugle c’est que Dieu a voulu punir un de tes parents… Alors couche pas avant le mariage !

Tu m’étonnes que ça donne de la frustration et des mauvais jouisseurs ce truc là !

J’étais un peu dépitée. Bon j’étais hyper dépitée. Pour un dernier jour de l’année se faire faire la morale c’est la loose.

Et puis aprés je suis allée faire des courses pour la soirée de nouvel an. Comme tout le monde. Les magasins étaient remplis à craquer. Ambiance ! Des parapluies partout, des flaques d’eau, les gamins qui pleurent, les mères de famille qui convulsent, hystérie totale + des troupeaux de mec devant l’étalage de vin et d’alcool.

Le pauvre préposé au rayon alcool n’en finissait plus d’arriver avec des caddies remplis de pack de bières. A pein arrivés aussitôt vidés. Et il retournait dans la réserve remplir le caddie.

Avec tous ces pêcheurs autour de moi je me suis sentie moins seule. Quand on est plein dans la débauche c’est que c’est pas le mauvais chemin, non ?

Je me suis dis que le chauffeur de taxi il avait rien compris.

Du coup j’allais mieux. Je suis sortie du magasin avec ma bouteille sous le bras. Il pleuvait toujours. Les vitres des voitures étaient toutes embuées. J’étais arrêtée au passage pièton, j’attendais que ça passe au vert. Il y avait une voiture garrée en plein sur le passage piéton. Dedans il y avait trois filles voilèes. Une d’entre elle, la conductrice, essuyait la buée du pare-brise. Elle avait de long faux ongles peints en rose avec des petits strass dessus.

Genre chanteuse de R’n’B des années 90. Vous voyez ce que je veux dire? Genre « Check your booty, check your booty baby ! » Sauf que les trois nanas étaient toutes emmitouflées dans des manteaux et bien bien voilées. A côté de celle assise derrière il y avait des gros paquets de gâteaux d’une pâtisserie du coin.

Je me suis dit qu’elles allaient bien faire la fête aussi. Et puis un truc rose dans les mains de la passagère avant a attiré mon regard. WHAT THE FUCK ! Un tube de lubrifiant qui dépassait d’un sachet de pharmacie et qu’elle tournait dans tous les sens pour lire ce qui était écrit dessus !

J’ai eu envie d’ouvrir la portière et d’aller m’asseoir avec elles !

Alors là je me suis dis que le chauffeur du matin il avait rien compris. Parce que franchement quand à 3h de l’aprés midi ça se bouscule pour acheter du vin et que des nanas achétent des gâteux au même temps qu’un lubrifiant, la notion de pêché doit pas être partagé !

Et bonne année !

La Rue


Et puis, tout en fumant, il me parla de son gynéco

Il y a des gens chiants. Mella chiants, big big chiants. Ceux qui sont en couple et qui conjuguent à « nous ». T’as envie de les bastonner. Parce que conjuguer au « je » déjà c’est pas facile… Assilou, je suis là, il fait nuit-petit-matin. Va savoir comment ce mec m’a déposée chez moi et on a commencé à discuter et on s’est pas arrêté.

gyn

A discuter, bande de malins ! Genre moment confidence parce que t’es grisé par la fatigue et que le silence est trop lourd à supporter aprés avoir passé des heures sur le dancefloor et que tes oreilles resonnent si tu te tais.

Et donc le gars me parle. De son enfance, de ses amours, de lui, re de ses amours. Et puis de la famille qu’il voudrait fonder. Et de toutes celles qu’il a défaites.

Il est là, lancé dans un monologue. Doucement le ciel pâlit et moi je remplis les verres. Et puis, tout en fumant, il me parla de son gynéco. J’ai crû avoir mal compris. C’était pas le genre de gars à parler avec le « nous », genre libidineux parce que avec « ma chérie on est enceinte » du coup forcément le gynéco de la meuf devient aussi le sien.

(Comme si le gars allait lui aussi devoir faire sortir une pastèque par en bas là ! J’te jure! J’t’en collerais moi des « on est enceinte ».)

En tout cas. Le mec me parle de son gynéco, qui est hyper sympa, qu’il connait depuis qu’il a 16 ans. Et qui l’a engueulé la dernière fois qu’il y est, encore, allé parce que ça faisait 4 fois qu’il apportait une nana pour un avortement.

Je me suis dit que si il y avait un baromètre underground de l’avancée des pays par la Banque mondiale ou l’ONU, ben on serait sans doute pas loin de la Suède là. Parce qu’un mec qui te parle de son gynéco, ça en en dit long !

La Rue