NOUR

Entrevue avec Mahamat Nour Abdéramane Barka, un poète à l’appel de la fraternité humaine…

Mahamat Nour Abdéramane Barka est un jeune auteur qui fait partie de la nouvelle génération qui brille sur le plan littéraire. Publié en fin 2014, son premier livre est marqué à l’empreinte de l’engagement et de la prise de conscience… Pour beaucoup, il est l’héritier d’Aimé Césaire par sa poésie marquée de militantisme qui découle dans un style vif et virulent. Depuis cette première parution, il est sous silence : panne d’inspiration ou retraite ? À cette occasion du concours de la poésie organisée par l’UNHCR Tchad, il est primé comme troisième lauréat et nous l’avons rencontré pour vous dans les coulisses de l’Institut Français du Tchad.  

Est-ce un honneur d’être primé ce soir parmi plus de cent manuscrits en jeu ?

C’est évidemment un grand honneur pour moi. Au-delà d’être honoré, je suis aussi ravi d’avoir participé, car c’est une bonne cause. En écrivant ce poème, je me vois déjà comme un poète à l’appel de la fraternité humaine, parce que je suis de ceux qui pensent qu’il faut accueillir les étrangers, une place, une assiette, un verre d’eau, un sourire, c’est un peu cela qui est essentiel. Et de la poésie aussi. Elle aide. C’est un bouclier humain contre la violence sous toutes ses formes. Et puis, après tout, les poètes sont comme les enfants; ils aiment toujours être distingués et reconnus. Je souligne aussi que l’émulation est ce qu’il y a de plus édifiant pour moi, puis que je suis en train de me former et il faut que je me confronte à d’autres talents.

Déclamation de poème CC/UNHCR

Qu’est-ce que cette distinction signifie pour vous ?

Je me dis que je peux tout obtenir par le travail. Je suis en train de travailler, de retravailler ma façon d’aborder les choses, mon style, mon écriture… Alors cette distinction me fait savoir que je suis sur le bon chemin, car rien n’est difficile pour un auteur s’il est confirmé par ses pairs, – notamment réconforté par le Jury qui dit avoir touché à la qualité dans mon travail. Et puis, c’est pour la première fois que je vois mon nom aussi bellement écrit; j’ai pensé que c’est une belle secrétaire qui l’aurait écrit dans mon attestation, je voudrais alors l’encadrer et l’appliquer à mon chevet pour voir cette écriture féminine. Et la valeur pécuniaire ne veut pas dire grand-chose. Il faut de tous temps encourager la création d’esprit. Il faut prêter son nom et son génie aux causes humaines.

Que retenez-vous de cette soirée ?

Les pièces de théâtre présentées, les chorégraphies uniques en leur genre, l’émotion que nous avons vécue le temps de la déclamation des poèmes et le fait que nous pouvons tous réagir humainement… Sincèrement, c’est une soirée de génies et de talents. Pour dire vrai, je suis charmé par la voix de la petite actrice centrafricaine. On dirait que les timbres de sa voix sont divins. C’est l’incarnation de l’élégance. Elle a du talent. Elle mime ses émotions. Elle nous a tous foudroyés en plein cœur. En regardant son sourire enjôleur, j’ai cessé d’être une personne ordinaire…

Qu’est-ce que la dame, représentante du monsieur le ministre Ahmat Bachir Mahamat, vous a chuchoté pendant qu’elle vous remettait l’enveloppe ?

Beaucoup de choses. Dans de tels moments, les gens s’illustrent par la façon de débiter un concert de compliments aux gagnants. Mais cette femme m’a aussi beaucoup conseillé. J’aime beaucoup la pensée de Nicolas Boileau selon laquelle: « Aimez qu’on vous conseille, et non pas qu’on vous loue ».

Votre participation témoigne-t-elle que vous êtes sensible au thème des réfugiés ?

Oui, absolument. J’ai vécu deux fois la guerre dans mon âme, à 12 ans et puis à 14 ans, à N’Djamena. C’est l’âge où je m’apprêtais à entrer dans le monde des adultes et ils m’ont accueilli avec un tel programme. J’aurais pu, mine de rien, devenir un réfugié. Et aujourd’hui même, je me sens comme un réfugié, parce que chassé par toutes ces violences vécues au printemps de ma vie, je m’étais obligé de trouver un refuge ailleurs. Ma terre d’exil n’est autre que la poésie qui est un espace de liberté toujours renouvelé, puis que j’ai passé l’après-guerre à écrire. Parfois, je me dis que je fuyais la violence pour la poésie, peut-être… Mon souhait est que les futures générations n’auraient pas à faire face à ces deux tragédies que j’ai vécu et qui ont peut-être changé le cours de ma vie. Pour cela, il faut privilégier l’éducation et la culture.

Pourtant votre poème ressemble aux cris d’un réfugié ? Et chaque ligne est pleine de beautés et d’émotions…

Je reste éternellement un réfugié dans mon âme, mais ma patrie d’exil est la poésie ou la prose tout simplement. Souvent, je me trouve tiraillé entre désir d’oublier ces drames et urgence de les mettre sur des mots pour que nous nous souviendrons toujours qu’il y a eu du feu et du sang dans ce pays-là. Il ne faudrait pas que l’amnésie nous frappe; sauver notre mémoire pourra nous apaiser et nous permettre de nous reconstruire. La tragédie peut parfois être un repère pour la reconstruction, le Rwanda nous l’a prouvé par tout ce qu’il a fait après le génocide. Et ce poème tire sa substance de mon vécu qui fait partie du récit national. Il faut continuer à le construire. Et, je pense que la littérature tchadienne qui doit jouer un rôle crucial pour la mise en forme de l’histoire -donc de la mémoire- n’a pas pris en charge l’histoire du Tchad dans son ensemble; je suis par exemple un enfant du Tchad et je ne sais rien de ce qui s’est passé sous le régime du président Félix Malloum. Je me dis qu’il y a une fuite de responsabilité qui entraînera une fuite de mémoire. Il ne faut pas oublier qu’on a le devoir de s’informer de son passé et de le sauvegarder pour la postérité.

Vous dites dans votre poésie: « J’ai fui mon espace truffé de violence et d’hostilité/Et j’ai trouvé refuge parmi les peuples de solidarité ». Comment ces mots vous viennent ?

Je suis un laborieux… Nicolas Boileau disait, je cite de mémoire: « Chaque vers, chaque mot court à l’évènement ». L’urgence m’inspire. En tissant ces vers, je me suis pressé par l’urgence de partager des émotions avec des gens qui étaient obligés de quitter leur pays. Et quand on quitte son pays pendant ces situations, on devient méfiant ou source de méfiance dans un autre pays. Mais pour détruire ce mur élevé entre les réfugiés et moi dans mon propre pays, j’ai écrit ce poème que je considère comme un pont qui me permettra d’aller vers eux avec amour, en espérant qu’ils viennent vers moi sans méfiance et sans le moindre sentiment d’appréhension. Il y a des amours qui sont ainsi nées. Et de ces amours sont nés ensuite beaucoup de gens. Ce sont les fruits de cette fraternité humaine.

En vous lisant dans ce poème écrit en hommage aux réfugiés, on a l’impression que vous aimez le nomadisme ?

J’aime tout ce qui embellit le genre humain. Je peux bien être un nomade. Mon père se considérait déjà comme un nomade avant et après ses études; aller dans une région parmi des gens qu’il ne connaissait pas, installer sa tente en leur sein, partager leur thé et leur pain, vivre leur deuil dans son âme, vivre avec eux dans un climat de fraternité et d’amour, puis un matin, rongé par l’envie d’ailleurs, il se mettait en direction d’une autre région, en pensant qu’on pourrait toujours lui réserver cette hospitalité qui nous est innée. Je pense que c’est un thème romanesque qui épuiserait tout le génie et la force d’un écrivain, et j’ai même envie d’écrire sur mon père, car il fait partie de la première génération. Je me dis que cette première génération a laissé à la deuxième génération la charge de parler d’elle. Peut-être la troisième génération aura la générosité de parler de nous…

Êtes-vous toujours animé par la rigueur de bien faire ce que vous faites ?

Dans le monde de création, je suis un perfectionniste et j’ai prêté une oreille au mot d’érudit Honoré de Balzac qui dit: « Il faut toujours bien faire ce qu’on fait, même une folie ». Depuis que j’ai vue pour la première fois une éminente personnalité tchadienne, j’ai nommée Bintou Malloum, j’ai pris conscience qu’il faut bien faire ce que j’ai à faire. Je crois qu’en lisant son parcours on ne peut plus édifiant, elle m’a enseigné la ponctualité, la rigueur intellectuelle, le travail bien fait, etc.

Quand ferez-vous votre retour sur la scène littéraire tchadienne, c’est-à-dire la parution de votre deuxième livre ?

Bientôt. Avec le mois du livre institué par Mahamat-Saleh Haroun, j’ai réalisé que le lectorat tchadien devient de plus en plus exigeant. La qualité est vite devenue son souci majeur. Je pense que cette exigence nous amène au travail. Et j’ai toujours jugé nécessaire qu’il faut sortir du laisser-aller et de la facilité qui sont devenues des pièces maîtresses d’une certaine culture contemporaine. Alors, il faut mûrir son écriture pour donner plus de la qualité à la littérature tchadienne. Et puis, il ne faudrait pas perdre de vue que tout ce qui est écrit continue de vivre dans l’aisance; cinquante ou cent ans plus tard naîtra une génération d’excellents auteurs et ils diront de nous: « Nos devanciers étaient des écrivaillons; ils avaient fait des bêtises en croyant qu’ils fabriquaient des livres». A coup sûr, cela ferait mal aux écrivains dès l’outre-tombe.

La littérature tchadienne n’est-elle pas à la marge aujourd’hui ?

Non. Ce serait une insulte pour les écrivains et pour ceux qui lisent de dire que la littérature tchadienne est marginale, mais peut-être marginalisée par les gouvernants qui n’ont aucun intérêt pour la culture. Aujourd’hui, il y a une jeunesse qui a un certain engouement pour les livres. Il faut renforcer cela avec la création des magazines, des émissions, des espaces, des festivals, des revues dédiés à la littérature. Cela, si j’y crois bien, ne coûterait pas cher pour des gens qui se marient à coup de milliards et qui sont armés jusqu’aux dents. Et puis, il faut aussi mettre en place de bonnes structures éditoriales pour permettre aux jeunes écrivains en herbe d’exprimer leur talent sans avoir le souci de dépenser beaucoup d’argent…

Citez les écrivains tchadiens que vous aimez le plus et pourquoi ?

Naturellement, j’aime beaucoup Joseph Brahim Séid qui est l’ancêtre de la littérature tchadienne, Baba Moustapha et Maoundoé Naindouba pour leur sens de l’engagement et leur talent jusque-là inégalable. Il y a aussi Nimrod, Nétonon Nöel N’Djékery et Koulsy Lamko qui me fascinent depuis tout petit. Parmi les auteurs de la nouvelle génération, j’ai voué une grande admiration à Djiddi Ali Sougoudi, Brahim G. Dadi et Souleyman Abdelkerim Chérif qui sont sans doute mes référents littéraires, ce sont des romanciers qui excellent dans l’art de conter et de décrire. Il faut les lire pour s’en rendre compte. On a aussi beaucoup de jeunes pétris de talent comme Joslain Djéria qui est mon parrain. Et je crois que nous avons un avenir radieux sur le plan littéraire.

Et parmi les femmes qui ont écrit…

Ce serait pur égoïsme de ne pas parler de nos écrivaines. J’ai de l’admiration pour Marie-Christine Koundja qui n’est pas prolifique, hélas. Sinon, elle aurait sûrement volé la vedette aux écrivains. Peut-être qu’elle a d’autres chats à fouetter. Et j’admire aussi Clarisse Nomaye qui est d’un talent incroyable. Ces dernières années, beaucoup de femmes ont commencé à écrire, ce sera une grande joie de les lire. Et j’ai hâte de lire un Tchad raconté par des femmes. Ce sera l’un de plus beaux cadeaux qu’elles ne cessent de faire aux hommes.

Nous assistons aussi à une percée de jeunes écrivains, comme vous, parmi les grands. Comment vous pouvez expliquer cette prise de conscience ?

Les gens ne le savent pas, mais il faut le dire: cette percée est inaugurée par Joslain Djéria en 2010, en publiant son premier livre alors âgé de vingt ans. Puis, peu après, nous avons assisté à un florilège de productions littéraires, écrites par des jeunes doués de talent et de génie. Ils sont nombreux. Et je suis vraiment content de cette prise de conscience, parce que le Tchad était longtemps considéré comme un pays de guerre et de violence, ne pouvant écrire son histoire. Nous avons pu démontrer que le Tchad est un pays de création d’esprit. Mais pour cela, il faut encore du travail. Il faut se mettre à l’ouvrage avec humilité.

Vous êtes-vous aussi lancé dans l’écriture romanesque ?

J’étais dans le domaine lyrique depuis mes quatorze ans. J’aime conter. Oui, j’ai écrit deux romans que j’ai classés dans mon tiroir. Ils ne seront pas édités probablement. Et maintenant, je suis en train d’écrire un troisième roman que j’achèverai dans quelques années. Vous savez, j’aime le nouveau roman qui est trop rebelle, qui ne respecte pas les règles de l’écriture romanesque… Il n’est pas assujetti aux contraintes de narration et de description. Il peut allier conte, théâtre, poésie…Le conformisme, en art, n’a plus aucun sens pour moi.

Qu’est-ce que l’engagement pour vous ?

Je pense que l’écriture est une activité pénible, qui demande tant d’années de travail dans la patience et la solitude. Alors toute personne qui s’adonne à cette activité est, selon moi, engagée. S’adonner à l’écriture, c’est déjà s’engager. Personnellement, je veux me mettre au service des valeurs que je partage, car je les juge dignes d’œuvrer pour l’élévation de l’humanité.

Parlez-nous des auteurs qui vous inspirent…

À mes débuts, je suis inspiré par des femmes américaines. Phillis Weathley est mon repère littéraire. C’était une esclave capturée à sept ans, devenue poète à treize ans où elle publiait quelques poèmes qui ont connu un succès retentissant. Mais quelle magie ! Je me dis que le mal qui révulse peut aussi rendre artiste. Elle était sommée de défendre son talent dans une cour de justice lors d’un procès, parce qu’un enfant de couleur ne pouvait pas avoir un tel talent. Sa défense victorieuse devant la cour et la publication de son premier recueil de poèmes étaient considérés à l’époque comme la première reconnaissance d’une littérature noire. Elle était la première femme de lettres à recevoir l’hommage de G. Washington qui aimait beaucoup ses poèmes. Je suis aussi inspiré par des grandes plumes comme Maya Angelou, Toni Morrison, Gwendolyn Brooks… Je pense que toutes ces femmes étaient issues des familles d’esclaves et avaient vécu le racisme dans leur âme. Alors leurs livres sont comme une expression de révolte et de rébellion. C’est peut-être pour cela qu’elles m’inspirent. Et puis, je suis marqué par d’autres figures féminines qui n’ont pas pu écrire leur peine. Je pense à Rosa Parks, Sara Breedlove, Correta Scott King, Angela Davis, Kathleen Cleaver… Aujourd’hui, j’ai un grand penchant pour les pensées de Christiane Thaubira et celles d’Oprah Winfrey. Au Tchad aussi, il y a beaucoup de femmes qui m’ont marqué…

Et pas des hommes ?

Si. Mon adolescence a été marquée par les poètes de la négritude. Pendant les récréations, je m’isolais pour lire les poèmes de David Diop et Damas. J’ai grandi en lisant ces hommes doués d’une grande violence verbale. Aimé Césaire et Senghor étaient mes poètes de référence. J’aime aussi les poésies de Saint John Perse, Arthur Rimbaud, Victor Hugo, Charles Baudelaire… Je pense que ma poésie est façonnée par une myriade de styles. Et j’ai aussi d’autres figures marquantes pour source d’inspirations. Comme Abraham Lincoln, Martin Luther King, Mohamed Ali, Malcom X, Patrice Lumumba…

Y a-t-il des figures du cinéma, de la peinture ou d’une autre discipline qui vous ont marqué ?

Oui, bien sûr ! Sur le plan filmique, je suis plutôt amoureux d’une belle actrice indienne qui a changé ma conception de vie en quelques secondes où je l’ai vue en gros plan. C’était peut-être Silpa Shetty ou Juhi Shawla. Il y avait de la tendresse et de l’amour dans son regard. Comment un enfant pouvait-il résister à ce qui est irrésistible ? Il y a aussi Jackie Chan qui a donné un certain agrément à mon enfance, quoi. Les films de Marilyn Monroe et ceux de Rita Howart m’ont initié à la sensualité. C’est le corps qui s’exprime et parfois une mimique suggestive. J’aime la puissance et la générosité de la caméra qui m’a offert cette intimité. En sortant de vidéo-club, j’avais l’impression d’avoir touché le corps de ces belles dames. C’était utopique. J’aime aussi les œuvres cinématographiques de Jean-Luc Godard, François Truffaut, Alfred Hitchcock, Idrissa Ouedragaou, Mahamat-Saleh Haroun… Il y a de la poésie dans leurs films. Leurs films ont la force et la cohésion d’un bon roman. J’adore aussi les tableaux de Picasso. Les Demoiselles d’Avignon est un chef-d’œuvre. Quand je l’ai vu pour la première fois, je me suis dit que ce Pablo Picasso devait être un dieu de création, inspiré par des déesses vierges de l’Andalousie de l’époque.

Quels sont les deux films qui vont ont marqué ?

Les quatre cent coups de François Truffaut. Mais quelle tragédie: quand Antoine Doinel voit sa mère en train d’embrasser son amant dans la rue, c’est la fin du monde, c’est l’Apocalypse. Comment peut-on être si cruel à l’égard des mères ? Et puis Abouna de Mahamat-Saleh Haroun pour tout le silence imposé par un départ brutal d’un père et aussi la poésie de cette tristesse.

Il y a une grande part de la musique dans votre poésie; vous aide-t-elle dans votre écriture ?

J’ai passé mon adolescence à écouter de la musique classique; je savourais les chansons de Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Nina Simone, Bob Marley, Césaria Evora, Dizzy Gillepsie, Fela Kuti, Michael Jackson, Miriam Makeba, Boby Lapointe… J’ai toujours l’impression qu’il y a quelque chose de militant dans ces voix qui sont d’une noblesse sans pareille. Oui, ma poésie était marquée par cette musique que j’écoutais au moment où le déclic d’écrire m’est venu… Mais je n’écoute plus de la musique aujourd’hui. Il ne faut pas en parler, même si je sais que la nouvelle génération brille par sa décadence et son manque de pudeur. Je parle un peu de Damso, Kaaris, Dadju, PNL, Booba, Ninho, Gims, Orelsan, Niska qui ne donnent pas du tout envie d’écouter de la musique. Mais je reconnais aussi qu’une nouvelle race de musiciens, qui chantent comme des poètes, s’est érigée. Je peux citer Vianney, Marwa Loud, Louane, Christophe Mae…

D’après tous les livres que vous avez lus, quel personnage d’un livre vous ressemble ?

Mon sosie est sans doute Chatterton qui est un poète maudit. C’est un personnage inventé par Alfred de Vigny. Il me ressemble tellement que je serais tenté de croire qu’Alfred de Vigny me connaissait ou avait parlé de moi. Mais non, détrompez-vous ! Je n’aurais pas fait ce qu’a fait ce poète et je crois qu’il n’est pas maudit, mais incompris par des gens qui étaient ses propres contemporains… Aujourd’hui, nous le comprenons mieux.

Dans la littérature tchadienne, quels personnages vous aimez…

J’aime Alice, Modo, Nadika, Daraya, Zargoya… Elles sont belles ou disons: ces auteurs ont réussi leurs descriptions et même leur façon de les faire exister sur papier. Vous savez, il y a des personnages qui peuvent traverser les époques, comme Mulube…

Quels sont les deux derniers livres que vous avez lus et que retenez-vous de ces lectures ?

Mes deux dernières lectures sont : Les voleurs de sexe de Janis Otsiemi et Tram 83 de Fiston Mwanza Mujila. J’ai retenu que le roman dit rebelle permet au romancier de dire ce qu’il a sur le cœur sans rien craindre. C’est un genre qui donne une licence de dire tout avec beaucoup de liberté. C’est audacieux. Il se moque du tabou et du conservatisme. C’est une création qui déflore les personnages et qui est ironique.

Quelles seront vos prochaines lectures ?

Je ne suis pas sorcier de Tshibanda Wamuela, Jazz et vin de palme d’Emmanuel Dongala, La pêche à la marmite de Dominique Mwankumi.

Quels sont les livres que vous ne cesserez jamais de feuilleter ?

Le gai savoir de Friedrich Nietzsche, Le Spleen de Paris de Charles Baudelaire, Les coups de pilon de David Diop, Au Tchad sous les étoiles de Joseph Brahim Séid, Le cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, Une si longue lettre de Mariama Bâ, Les frasques d’Ebinto d’Amadou Koné, Pigments de Damas, Chants d’ombre de Senghor…

Quel est votre bilan littéraire de l’année en cours ?

J’étais juré en avril dernier lors de la semaine du livre, dénommée IQRA’A pour le concours de résumé d’une œuvre tchadienne. Le Jury est constitué de Dr Ahmat Beïn, Papa Mirangaye (enseignant de Français) et moi. Et je suis en train de poursuivre quelques expériences avec les éditions L’Harmattan. Je travaille à présent sur un grand projet avec le Centre Culturel Al-Mouna. Et pour finir l’année, je viens d’être contacté pour faire partie du jury de la toute première édition d’un concours littéraire. C’est mon année artistique qui sera peut-être achevée par la sortie de mon deuxième livre.

Pendant le concours du résumé tenu au Palais de 15 Janvier, vous avez soutenu les deux candidates du Lycée Iqra (ex-Hec Tchad) et du Lycée Sacré-Cœur… Pourquoi ?

Non, pas du tout. Ce sont deux jeunes filles pleines de talent; elles ont mérité de rafler la mise aux autres candidats. Je suis charmé par leur présentation et surtout leurs copies. Elles parlent bien. Avec de belles locutions. J’ai plus tard appris que l’une d’entre elles est la nièce d’un grand auteur tchadien. Et j’aurais aimé que la vidéo de la compétition soit diffusée sur YouTube. On va vite se rendre compte de leurs performances tout à fait exceptionnelles. Je me suis dit que ceux qui travaillent pourront aspirer à ce niveau-là. On s’élève par le travail !

Quels sont les auteurs qui vous impressionnent quand ils parlent ?

C’est une très belle question ! On serait tenté de croire qu’un écrivain est un fin orateur. Mais non. En 2014, Patrick Modiano, en recevant le Prix Nobel de Littérature, avait du mal à s’exprimer. Il a même souligné que l’écrivain est doué pour l’écrit que pour l’oral. L’art oratoire est réservé à d’autres domaines. Et souvenez-vous aussi d’Ernest Hemingway qui est un grand auteur; il avait refusé de venir glaner le Prix Nobel de Littérature à cause de ses difficultés d’élocution, en envoyant tout simplement un bout de papier, lu par l’ambassadeur américain de l’époque. Quand Senghor et Césaire parlent, on savait d’avance qu’il y a une grammaire chevronnée mais leur prise de parole n’était pas pour autant impressionnante. Tous les écrivains parlent comme des humains et écrivent comme des anges.

Votre dernier mot !

Je rends mes hommages à tous les écrivains tchadiens et à tous les jeunes qui écrivent. Ils commencent à donner de la visibilité à la littérature. C’est un grand pas que nous faisons tous vers la lumière. Par la culture, et par elle seule, nous pouvons sortir le Tchad de l’obscurité et de l’obscurantisme. Comme le dit Mahamat-Saleh Haroun : «Il faut allumer des bougies» pour que l’obscurité puisse à jamais disparaître. Continuons à éclairer la pièce, elle ne sera que plus belle encore.

 

On est conscient !

 


Les couloirs de la mort

Le bilan des accidents routiers s’alourdit de temps en temps dans la capitale tchadienne. Il s’agit notamment des incidents dus au non-respect du code de la route mais aussi par la mauvaise condition des rues. Selon une étude menée auprès des agents de la police et de santé, plus de 15% des taux de mortalité annuelle des jeunes sont causés par des accrochages routières. Ces chiffres macabres interpellent une prise de conscience des usagers et des forces de l’ordre.   

Crédit photo: Creative Commons

Quelles que soient les prises des mesures drastiques, on assiste quasiment tous les jours à des scènes d’accidents de circulation partout dans la ville. Ces malheurs se produisent souvent le jour mais aussi la nuit bien sûr. Engendrant  d’énormes dommages et des pertes humaines, ce phénomène ne cesse de s’accroitre.

Enfin, les routes tuent aussi

Dans les grands axes de N’Djamena, il n’est pas rare de tomber sur des collisions  tragiques à vous couper l’appétit. La plupart d’entre elles sont causées par l’excès de vitesse, le non-respect de la distance de sécurité et des feux de signalisation, le dépassement imprudents, le mauvais stationnement, l’état technique du véhicule, l’imprudence du piéton et du conducteur, la conduite en état d’ivresse, la surcharge de bagages et de personnes, le permis acheté,… et il y a aussi des inconscients qui se croient seuls sur la route et des chauffeurs indisciplinés qui prennent parfois des risques étourdissants. Ce qui veut dire qu’il n’y a aucun respect du code de la route.

Au pays de Toumaï, les itinéraires sont devenus de véritables couloirs de la mort, le rond-point AIGLE de l’avenue « Kondol Béaloum  » détient le record avec au moins 14 accidents mortels enregistrés  par semaine. A N’Djamena, les anicroches routières tuent à longueur des journées. Pourtant la brigade de circulation routière (BCR) censée réglementer  la circulation, qui a un rôle important à jouer pour la sécurité des usagers se préoccupe plutôt de les racketter. La BCR, comme son nom l’indique, l’autorité en charge d’organiser la circulation que je le croise chaque jour que Dieu fait, me donne l’impression d’être en face des businessman, du fait qu’ils s’intéressent plus à l’argent qu’au travail.

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Ils pensent être au dessus de la loi

Ce qui est bizarre chez nous les tchadiens, c’est que pendant que le feu de signalisation s’allume rouge, indiquant l’arrêt des engins, il y a ceux qui se croient plus intelligents ou soi-disant pressés, qui se faufilent entre les files d’attente, peu importe la zizanie qu’ils provoquent. Et durant les 5 secondes du feu jaune qui signale le ralentissement, l’on prouve le contraire et donne lieu à des courses en vitesse, on dirait sur un hippodrome. Tous les engins se trouvant à quelques mètres du rond-point se pressent pour traverser, on dirait à l’hippodrome. Un mauvais comportement qui provoque souvent des accrochages. Pire encore, ces individus malintentionnés ont toujours leurs mots à dire, s’ils occasionnent un incident durant la scène, plaintes, insultes, baratins, et patati et patata…

Un petit conseil gratuit aux miens

Pour le jeune tchadien que je suis, ce constat malheureux s’adresse directement aux autorités en charge de circulation à réviser les codes de conduite et règles sécuritaires à respecter afin d’éviter les risques d’accidents. Il va falloir mettre l’accent sur les amendes forfaitaires sur toutes les infractions commises (le refus du port de la ceinture de sécurité, la plaque illisible, les freins défectueux, l’arrêt interdit, la transgression des feux de signalisation…). La violation du code de la route mérite l’application de sanctions qui dépendent logiquement du genre d’infractions causées par le conducteur.  Surtout les jeunes chauffeurs (chauffard pour moi) qui paraissent plus disposés à enfreindre la loi, en matière notamment d’excès de vitesse, de non-respect des feux et du tracé, et de dépassement des conducteurs  lents du mauvais côté.

On pouvait éviter les pertes humaines et matériels si chacun de nous prend conscience durant qu’il est sur la route (automobiliste, motocycliste, piéton). La seule raison de la mise en place du code de la route est de veiller à ce que la sécurité des usagers soit assurée. Sa négligence engendrée des retombées graves.

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Bref, je ne suis pas du genre à passer le temps à accuser les flics ou les usagers de la route. Cela, ne m’intéresse absolument pas. Mais je voudrais quand même que ces derniers sachent que les routes ne sont pas des terrains de jeux et que des vies humaines peuvent en pâtir. De grâce, un peu de respect pour la vie de ceux qui ont le souci de la préserver. Nul n’est parfait et j’espère moi, le premier, mais j’ai l’ultime conviction que si la BCR fait vraiment son travail, on n’atteindra pas ce résultat tragique. Alors, chacun de nous doit remplir pleinement son devoir tout comme il cherche à jouir entièrement de son droit.

On est conscient !


Tchad : Top 10 des tweets tchadiens du mois

Tchad : avec une présence remarquée de #Adjid, le nouveau hashtag pour Twitter, qui fait parler de lui depuis son instauration en janvier dernier, des centaines des tweets animent en ce moment les internautes tchadiens.

Economie, société, culture, insécurité, santé et humour sont les sujets les plus abordés en ce mois de chaleur au Tchad, mais quelques-uns sont teintés de politique, entrepreneuriat des jeunes & crime, passionnent énormément les lecteurs. 

Crédit photo: CC

Découvrez le top 10 des tweets les plus marquants du mois :


Tchad : le commerce des stupéfiants, un marché juteux pour les dealers

Depuis plus  de 10 ans, au Tchad, whisky en sachet, substances psychoactives envahissent la jeunesse tchadienne. Au pays de Toumaï, la drogue, symptôme pour moi de déviance sociale, s’est trouvée une terre de prédilection.   

 

Pourquoi les autorités ferment-elles les yeux devant toutes ces pratiques ?
Les trafics entre vendeurs et consommateurs de drogue aux alentours du marché de Diguel l’un des quartiers, réputés comme étant la plaque tournante du marché de la drogue, de la ville se font sous le regard de tous les passants, usagers, et même les forces de l’ordre. Assis ou debout, apparent ou caché, les produits entre les mains, les dealers font semblant de demander de l’aumône aux passants. Du coup, l’acheteur arrive comme un tourbillon, glisse un billet ou une pièce d’argent dans la poche du vendeur et récupère au fur et à mesure la marchandise. L’opération ne dure qu’un court laps du temps, seuls les avertis s’en rendrons compte. Ainsi va le commerce des stupéfiants aux quatre coins de N’Djamena. Dans ces lieux d’approvisionnement, on peut rencontrer tout type de profil : jeunes, adultes, filles, femmes, civil, militaires et même, des personnalités que jamais on n’aurait cru adepte de ces stupéfiants.

Pour les jeunes, la drogue est devenue comme ce qu’est le cola pour les amateurs. Ouvriers, cultivateurs, klandomen, étudiants, élèves consomment à la longueur de journée pour affronter soi-disant les épreuves de la vie. Des réseaux de consommateurs sont constitués dans différents coins de la capitale, à Ndjari dans le 8ème arrondissement de la capitale, se trouve un bas-fond avec plusieurs carrefours d’accros qu’ils appellent ‘‘Temple’’, ‘‘Amdourman’’, ‘‘Aljazira’’, ‘‘Hidjelidjé’. Pire encore, on trouve dans la même commune, un autre secteur appelé ‘‘Roma’’, situé entre un bas-fond et un vieil cimetière, le plus dangereux de tous les endroits de trafic. Ces secteurs servent de lieux de deals et de consommations, où les évenements prennent souvent une tournure tragique. Le même phénomène est ressenti partout dans les grandes villes et pire encore dans les villages en raison de l’introduction facile et non-contrôlé de la drogue.

Certains vendeurs de jus d’oseille utilisent des stupéfiants pour doper le breuvage de leurs clients. Et il en est de même pour certaines vendeuses de bouillie. Dans le monde des stupéfiants, les messages sont codés, ‘‘Béret-rouge’’, ‘‘Mal-garé’’, ‘‘Vitre-fumé’’, ‘‘Tramol’’ sont des termes employés par les dealers et consommateurs  pour désigner les médocs. Seuls les initiés s’y retrouvent.

A quoi sert la drogue ?  
Les adeptes de la matière justifient leur choix des stupéfiants pour leurs vertus médicamenteuses, destinées à soulager, prévenir ou guérir certaines maladies, atténuer une sensation de malaise, rechercher l’oubli d’une souffrance ou d’une réalité vécue comme insupportable ou oublier une dépression. D’autres, avouent qu’ils procurent le courage et la sagesse. Certains jeunes consomment ces drogues à cause d’un environnement social stressant, d’autres, pour des fins criminelles, à mes yeux.

 

Les effets nocifs de la drogue
Au Tchad, plus de 4 jeunes sur 10 avouent avoir déjà goûté de la drogue, de l’alcool ou des drogues à fumer (cannabis, cigarette). Pour moi, ils ne vivent que de cela. Les consommateurs avérés peuvent souffrir d’une crise d’épilepsie, s’ils restent un moment sans prendre de la drogue. Beaucoup des jeunes dépendent aujourd’hui de ce produit nocif qui les pousse à s’organiser en bande pour agresser et racketter les paisibles citoyens la nuit.

Quels conseils ?  
Pour le jeune que je suis, je recommande à l’Etat de faire de la lutte contre la drogue son cheval de bataille. Et dans le cadre de leur travail, les  autorités policières et douanières, en collaboration avec les autorités civiles,  ainsi que d’organisations internationales, devraient mener une lutte assidue contre la détention, la circulation, la vente et la consommation de toutes sortes de drogues.

 

On est conscient!


Tchad : l’insalubrité, un défi à relever

Visiblement, le manque d’assainissement comme le laisse percevoir les ordures, les bas-fonds  acrimonieux – fiefs des moustiques – à la place des parcs de loisir et de divertissement, une odeur nauséabonde qui se fait sentir partout et des endroits qui éveillent l’envie de vomir. Une ville de près de 3 millions d’habitants, la capitale tchadienne,  N’Djamena est confrontée à une explosion démographique qui l’expose à une insalubrité menaçante. Tel dans un film d’horreur, les poubelles occupent les devantures des habitations, la beauté paysager  de la contrée est quasiment absente, la saleté y fait son lit. Cette pourriture se matérialise par les caniveaux remplis et bouchés des débris ménagers. Dans le 5e arrondissement, on peut noter Ridina, repère des quartiers les plus sales de la commune mais le même désordre est aussi observé dans beaucoup d’autres secteurs.
                    

Crédit photo/Yacoub Doungous                                                     Crédit photo/Yacoub Doungous

En vérité, aucun quartier n’est épargné du phénomène de la pollution. Mais exagérément, certains endroits offrent un spectacle diapré et agité, devant leurs boutiques des attirails, les détaillants apostrophent les passants qui circulent déjà sur une route tapissée des vide-ordures. Au cœur d’une joyeuse cacophonie, la vision de monticules de déchets, repérables à tous les coins de rues de la ville, déconcerte.

L’éloignement et l’insuffisance des bacs de collecte d’ordures, poussent la population à adopter un comportement pernicieux – utilisation de la voie publique, des caniveaux comme dépotoirs – qui ne sont pas sans conséquences sur  la santé et l’environnement, odeurs fétides, prolifération des moustiques, contamination des sols et des eaux souterraines, nid pour les mouches et d’autres insectes – qui font profiter les maladies comme la fièvre typhoïde et le paludisme. Sur ce point, les responsables en charge assurent ne pas avoir de données précises, il est donc très difficile de déterminer dans quelle mesure une affection est due à l’insalubrité.

Pourtant, cette dernière est une maladie potentiellement mortelle causée par des piqûres de moustiques femelles infectés. Elle fait ensuite apparaître très rapidement ses premiers symptômes chez l’homme.  Fièvre, maux de tête, frisson, vomissement peuvent être aussi modérés. Les enfants ne sont pas du reste, ils développent une anémie sévère et une détresse respiratoire consécutive. Selon l’OMS, en 2015, 212 million de cas de paludisme et 429 million de décès ont été enregistrés. Ce qui donne un chiffre approximatif à la moitié de la population mondiale qui était exposée au risque de contracter la parasitose.

Combinés à l’extrême pauvreté, ces facteurs entraînent une surcharge financière qui entrave l’accès des familles aux services de soins ainsi qu’un environnement protecteur pour les enfants.

Avec une population estimée à plus de 2 million d’habitants, N’Djamena éprouve des difficultés pour la gestion de ses déchets et ordures pour éviter tout danger. Alors, face à cette menace  qui pèse, que doit faire la municipalité ? Et que doivent faire également les populations qui sont directement concernées ?

Le diplômé de l’université catholique de Lille Hamit Hissein,  après une observation de l’environnement économique, social et culturel, a décidé de créer une structure d’assainissement dénommée Toumaï Terre Propre (TPP). Membre de plusieurs organisations, Hamit Hissein, a initié deux associations, les Amis de la Nature et de l’Environnement du Tchad  (ANET) et l’Association Sauvons les Enfants et les Femmes  (ASEF).

De nos jours, la gestion des déchets ménagers est un défi majeur pour les grandes villes en Afrique précisément au Tchad, elle devient un véritable problème des municipalités et de la population pourtant la gestion des déchets  constitue un moyen important pour le développement et l’essor de la société.  Les municipalités rencontrent des difficultés importantes pour assumer correctement ce service afin d’embellir les villes et les rendent plus attrayantes. Ainsi après l’observation de l’environnement et les échecs des politiques publiques, je me suis poser la question comment pourrais-je réussir sur l’échec des autres? D’où l’idée de créer TTP n’est pas seulement d’assainir la ville mais  collecter les déchets pour recyclage. Au cœur de nos activités se situe l’économie verte (L’économie circulaire). Nous tenons plus au compostage des déchets pour booster la production agricole. Explique-t-il.

Nous avons commencé avec les actions de sensibilisation de la population pendant 3 mois, ensuite nous avons mis sur pied un système d’abonnement mensuel par ménage et l’enlèvement des déchets s’effectue 2 fois par semaine. Nous avons été primé meilleur projet lors du salon Tchad Talents en Novembre 2015, aujourd’hui, nous avons utilisé juste ce fonds pour le démarrage de nos activités. Nous étions aussi primés lors du sommet de l’Entreprenariat de Leadership à Paris (France) en Mars 2016. La réussite de ce projet, c’est la compréhension de la population et l’accompagnement de l’Etat et les partenaires du Tchad sur les questions de développement et la protection de l’environnement puissent s’impliquer, confie-t-il.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux difficultés d’ordre financier et la mauvaise perception d’une partie de la population qui nous confond avec la commune qui ne fait pas actuellement ce service.    J’invite la population à abonner à nos services de ramassage et d’avoir un esprit de protection de l’environnement afin qu’ils fassent le tri a la base depuis chez eux pour que nos agents collecteurs (Eboueurs) puisse avoir une tâche facile et le recyclage aussi peut être moins coûteux pour nous, conclut-t-il.

 

On est conscient !

 


Au Tchad, la première startup week-end

Soutenu par Google, le startup week-end est un évènement international à but non lucratif, initié aux USA en 2007. L’objectif est de répondre à une méthodologie précise pour encourager l’innovation et l’esprit entrepreneurial, ouvrir le champ des possibles et libérer la créativité. Le but : contribuer au développement du tissu économique local. Le concept est de lancer en 54 heures une entreprise innovante en équipe.    

startup week-end 

© Azibert
© Azibert

Du 7 au 9 octobre, ce fut la première organisation de startup week-end à N’Djamena.
Ce sont 54 heures passées dans une ambiance d’apprentissage, de découverte, à la rencontre et au réseau. Le temps pour les entrepreneurs de créer une startup et de convaincre un jury. Sponsorisé par Tigo et Royal Air Maroc, l’évènement a réuni des étudiants, graphistes, développeurs, designers et entrepreneurs. Sous les regards et l’encadrement de mentors, de dirigeants d’entreprises innovantes et experts du secteur, montent en un laps du temps un projet viable qui envisage un business plan puis le présenter devant un jury pour convaincre des investisseurs.

Cela m’a permis de participer comme coorganisateur avec mon association WENAKLABS aux côtés du Réseau des Jeunes pour le Développement et le Leadership au Tchad RJDLT, MOSSOSOUK et MPE (Maison de la Petite entreprise). Ce week-end m’a marqué à plusieurs titres mais principalement l’engagement de la jeunesse et le courage des intervenants. Je trouve que c’est un bon signe sur la valeur entrepreneuriale du Tchad.

Après une petite cérémonie de lancement, place à la répartition des groupes de travaux et les porteurs d’idées s’en suivent avec les « pitchs-times ». Des flashs conférences, formations, coaching, discussions et échanges finissent par établir quelques projets dont dix sont sélectionnés pour être présentés devant les membres du jury afin de juger les gagnants.

Des moments de détente et des repas pris en commun viennent ponctuer l’évènement. Un environnement glacial et inhabituel m’a envahi et me mettait en dehors de ma zone de confort dès les premières minutes. Entouré de nouvelles têtes, il va falloir surmonter le défi et la timidité pour interagir avec les autres. J’ai sorti mon smartphone et j’ai commencé à photographier les participants et à faire des live tweets avec le hashtag #SWNdjam. Ce fut pour moi, un excellent exercice de brise-glace.

A quoi sert la startup week-end ?

Former des équipes, valider une idée, apprendre à entreprendre, se tester soi-même en tant qu’entrepreneur, et s’ouvrir au monde de demain.

Une expérience fabuleuse acquise durant 54 heures de travail intense, des nuits blanches, 4 projets qui ont été récompensés à l’issue du week-end et qui bénéficieront d’accompagnements techniques…et un accompagnement juridique de LexAfric pour la formation de leur entreprise.

La formule donne confiance au jury, composé des 4 membres, qui après une réunion en catimini délibère les résultats. Le 1er gagnant de cette startup week-end est le projet SWEET HOME qui offre le bain à vapeur, massage et tatouage. Le MODAGRI ALIM était le second dans le tiercé gagnant avec leur projet de production et de commercialisation des produits agricoles. Le 3eme prix a été décerné au projet E-RESTAURENT qui consiste à commander sa restauration en ligne. Le projet NENDOH, développeur d’application ludo-éducative reçoit le prix spécial TIC de la startup week-end N’Djamena.

Pour le participant que je suis, la startup week-end reste un évènement extraordinaire qui permet à un apprentissage très rapide des méthodes de structuration des idées et de leur présentation. L’engouement de la jeunesse tchadienne pour cette formule est une véritable démonstration. Il faut juste faire régulièrement un bilan des taux de réussite pour améliorer la formule.


Tchad: La femme dans la société

La femme célèbre ce 8 mars à travers le monde, la 21eme édition de la journée internationale de la femme. En quête, de l’égalité et de l’émancipation, la femme, son sort continu a animé des débats. Elle se considère toujours comme reléguée au second rang. 

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crédit photo/ MNour
crédit photo/ MNour

La mondialisation quoi qu’allant à vitesse de manière effrénée aux yeux des humains, nous donne l’impression de tourner le regard vers l’Amérique latine avec à la tête de l’Argentine, du Brésil et du Chili: Cristina Fernández, Dilma Rousseff et Michelle Bachelet, en Europe on y trouve la chancelière Angela Merkel en Allemagne, l’honneur est à la présidente Gloria Macapagal-Arroyo aux Philippines et en Afrique, les présidentes Ellen Johnson Sirleaf au Liberia et Catherine Samba-Panza en RCA. Il suffit juste d’observer encore un plus dans nos pays respectifs et on verra des femmes têtes bien pleines placées aux hautes sphères de l’Etat.
Parlant précisément de mon pays, le Tchad  je me permets d’adresser un coup d’œil plein de considération à la femme. Celle dite moderne qui lutte pour la parité et le quota de responsabilité administrative au sein des instances décisionnaires. A celles qui rêvent d’imposer l’idée, d’ailleurs vraies comme : Mariam Mahamat Nour, Bintou Malloum, Ngarbatna Carmel Sou IV Albatoul Zakaria, Kaltouma Nadjina…et j’en passe. Mais aussi et surtout un clin d’œil de respect à la femme campagnarde. Celle-là qui n’a pas de voix, dans le mutisme absolu et la bravoure exceptionnelle s’emploie à bâtir le foyer. Celle-là, employée aux travaux champêtres, la femme aux mille bras, l’infatigable artisane, la bâtisseuse de la société. A toutes ces femmes qu’elles soient insignifiantes ou enfermées dans le grand anonymat mais qui, sans relâche continuent à lutter pour se libérer, je vous réitère mes hommages. Il serait injuste que je passe sans évoquer l’immense rôle que joue la femme dans la société tchadienne.
Pour Mao Zédond, c’est la jeunesse qui détermine la température du monde, et que le monde tremble lorsque les jeunes ont froid… moi, je pourrais dire que c’est la femme qui marque le genre dans la société, c’est la femme qui définit l’HOMME.

Mes meilleurs vœux du 8 mars 2016 pour la femme tchadienne
Que nos sociétés seront toujours le reflet de ce que nous aimons faire et surtout de ce que les femmes feront elles-mêmes. Toute politique sérieuse ou courageuse qui semble sortir la femme du fond du gouffre est la bienvenue. Le programme actuel entrepris par le gouvernement, je dirais la micro-finance et les fonds destinés en faveur des femmes ne sont pas bien gérés comme dans le sens strict du terme que dans l’ordre prévu. Ils profitent plutôt aux femmes des foyers aisés. Ils sont aussi distribuer par pire affinité et par égoïsme. Les autres sont abandonnées dans leur triste sort et à la merci de toutes les souffrances. L’on soutient aujourd’hui le travail aux services des microcrédits pour professionnaliser l’affaire que de la rendre crédible.

Femmes tchadiennes libérez-vous et soyez libres:  

Il serait judicieux que les hommes laissent les femmes  pousser des études jusqu’au plus haut niveau afin de développer en elles des connaissances approfondies afin d’aider davantage les sociétés. L’homme tchadien qui croit savoir tout, instrumentalise la femme en jouant sur sa vulnérabilité économique et sociale. Au détour d’un programme prétexté la sortir de sa situation précaire mais à des fins inavoués d’en faire des profits. Conscientisez-vous femmes, car c’est vous qui constituez la majorité de la population et c’est vous l’avenir du pays. En vous libérant du joug de ceux qui vous vassalisent cyniquement, vous contribuerez au développement du Tchad. Il n’est pas question alors de chercher la parité ou le quota, il s’agit plutôt de traiter la femme sur la même longueur d’onde que l’homme.  Et je crois que cela est possible, vous le ferez d’abord pour votre bien ainsi que pour le bien de votre pays.

On est conscient !


DES AUTEURS REUNIS POUR ZOUHOURA

Au lendemain du viol collectif qu’a subi une jeune lycéenne tchadienne, nommée Zouhoura, tout le Tchad en parle. Violée par les fils des généraux et de hauts responsables appartenant au régime de Deby, publiant ensuite les images humiliantes de ce viol sur les réseaux sociaux, Zouhoura devient une célébrité. Toute personne, ayant visionné la vidéo de son viol, s’indigne au plus haut degré. Les Tchadiens de la diaspora et ceux vivant à l’intérieur se sont indignés et ont vite exprimé leur mécontentement à travers Facebook, tout en publiant des vidéos dans lesquelles ils condamnent ces actes innommables et accusent l’ethnie du président dont les enfants deviennent intouchables. Ce fait a amené le président Deby à réagir pour la première fois sur Facebook.

Livre
Livre

Les élèves et les étudiants de plusieurs villes du Tchad ont manifesté dans les rues, tout en brandissant des pancartes dans lesquelles sont inscrites « Justice pour Zouhoura », « Je suis Zouhoura », etc. Ils font ainsi l’objet de sanglantes répressions policières. Les images qu’ils diffusent sur Facebook dramatisent ces événements qui sont déjà réellement dramatiques. Les étudiants de beaucoup de pays ont apporté leur soutien aux manifestants tchadiens. L’opposition et la société civile condamnent, quant à elles, ces actes barbares et dénoncent le silence de marionnettes observé par les gouvernants. Tout s’enflamme sur Facebook. La connexion Internet est souvent censurée mais cela n’a pas découragé les jeunes indignés qui, dans chaque post, mettent : #Zouhoura.
De ce fait, les écrivains tchadiens, à savoir : Dr Djiddi Ali Sougoudi, Youssouf Terri, Clarisse Nomaye, Nouri, Mahamat Nour Hassaballah, Abakar Djoufoune, Joslain Djéria, Mamadjibeye Nako, accompagnés des auteurs tchadiens en herbe : Adoum Tchoroma Matalama, Rene Mouna, Djamaladine Annour, Christine Haga, Noura Hamid, Mariam Hamid, Abderehim Adoum Choua, Saada Djadid Mahamat, Ibrahim Ellefimi Djarama Kebir, Ahmat Tchoroma Matalama, et des poètes issus de différents pays : Cary Devilseyes, Mamadou Ngom, Moumina, Zara Hervé, Michèle Elfe et Nathalie Mougenot ont uni leurs talents pour condamner le viol commis sur la jeune ZOUHOURA et sur toute autre femme et militer pour que la justice soit lui rendue.
Ainsi, ils ont écrit un livre en trois jours, intitulé « Poèmes pour Zouhoura », un recueil de poèmes de 48 pages, publié aux éditions Plume-Direct en France. Il est à acheter par carte bancaire au prix de 5 euros ou à contacter la page Facebook « Poèmes pour Zouhoura ». Ce bijou poétique est absolument à découvrir. Car, il est fait pour une bonne cause. Il est dédié à Zouhoura, au jeune Abachou qui a insufflé son âme en martyr, pour ne citer que ceux-là.
Il s’ouvre par le poème de Clarisse Nomaye qui est un véritable hymne qui caresse le cœur, puis on trouve respectivement Youssouf Terri et Nouri, l’un s’exprime comme toujours dans de belles rimes et l’autre laissant ses muses errer dans la prose. Gigantesque œuvre qui a fait réunir de grands talents. Ce n’est pas fini. On trouve en feuilletant l’impeccable Dr Djiddi Ali Sougoudi et le poète engagé Mahamat Nour Hassaballah crier à tour de rôle leur mécontentement dans des poésies métaphoriques aux styles tournés. Quand on dit un bijou littéraire, il doit être brillant et extraordinaire. Ainsi, en cours de lecture, on rencontre Mamadou Ngom exprimant sa peur dans un poème succulent et chantant la tristesse de l’âme, puis la page s’ouvre pour le jeune Ahmat Tchoroma qui, au matin de son talent, laissait son cœur plaindre poétiquement, et laissant place aux hymnes de Nathalie Mougenot et Mounina qui, prêtes à se sacrifier pour de bonnes causes, se confient tout bonnement entre les lignes. La lecture est-elle terminée ? Non. Le lecteur a maintenant à faire face à un joli haïku de Zara Arank Hervé qui, en peu de mots, s’exprime longuement et à une prose expressive du poète Joslain Djéria qui dévoile ses craintes et ses douleurs. Mamadjibeye Nako et Noura Hamid qui, l’une dénonce la police et l’autre interpelle la justice à travers leur poésie féministe engagée, accompagne la lecture de cet ouvrage jusqu’à la délectation.
Peut-on ainsi fermer le livre quand on n’a pas encore découvert les grands noms ? On continue à feuilleter. Pour le plaisir des yeux, nous tombons sur des jeunes lycéens au talent convaincant. Il s’agit de Ibrahim Ellefimi Djarama Kebir et Saada Djadid Mahamat qui dans des styles différents expriment leur ras-le-bol. Place maintenant au jeune poète Abderehim Adoum Choua qui, dans une poésie engagée, ne cesse de questionner les violeurs qui n’auront sûrement pas lu le livre. Le beau féminisme s’étale encore entre les lignes par la plume de
Michèle Elfe qui veut voir les violeurs laisser les petites fleurs s’épanouir pour égayer les champs de la vie. Elle sera suivie de l’écrivain prolifique Abakar Djoufoune qui demande justice aux opprimés dans un poème qui tient en haleine.
Le lecteur n’aura point besoin de suspendre la lecture de « Poèmes pour Zouhoura ». Parce qu’il sera ébloui par la poésie de Mariam Hamid qui s’adresse aux fils des officiers supérieurs. Ses rimes laissent toujours la soif de relire son beau poème, puis on tombe sur Christine Haga qui offre un chant poétique dans lequel elle condamne fermement les actes de viol. Ayant à peine chanté avec Christine Haga que le lecteur est appelé à déclamer avec Djamaladine Annour. Il s’agit là d’un bel acrostiche qu’il nous offre et est intitulé « TOUS AVEC ZOUHOURA ». Ce livre semble tirer à sa fin. Mais Adoum Tchoroma Matalama, récent auteur d’une lettre ouverte adressée au président Idriss Deby Itno, surgit avec un doux poème, on dirait d’amour, adressé à Zouhoura. Puis, on lit Rene Mouna dont la plume est imbibée de féminisme et d’engagement planer dans le ciel des beaux mots et enfin comme un cadeau tombé du ciel, Cary Devilseyes nous offre de jolies rimes comme pour nous consoler que le livre se ferme aussitôt alors qu’on a encore besoin de le lire. Tout au long de ce livre, les auteurs ont rendu hommage au jeune héros Abachou, tué par la police.

On est consciens !


Dans la peau d’un staff des Nations unies

Du 5 au 8 octobre 2015, je suis allé à Goré au Tchad dans le cadre d’une activité dénommée « Vis ma vie aux Nations unies ». C’est une mission d’expérimentation qui m’a permis d’observer comment travaille le staff des Nations unies avec les réfugiés et les retournés de la République centrafricaine (RCA).

J’ai admiré le combat qu’ils mènent sur le terrain. Tout ce que je peux raconter de mon séjour à Goré, c’est le rythme, les compétences, le courage et les conditions de vie parfois difficiles dans lesquelles travaillent les agents des Nations unies. J’ai pu discuter avec certains agents qui m’ont dit être heureux dans le travail.

J’ai beaucoup apprécié l’accueil chaleureux qui m’a été réservé par le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) et les échanges avec le personnel.

 Après avoir passé une agréable nuit à la guesthouse du HCR, j’ai été reçu le matin du 6 octobre par le maire de la ville.

1-De gauche à droite Adriana Borra : la chef de la mission « Vis ma vie aux Nations-Unies », Allarassem Guednabé : chargé des affaires humanitaires Sous-Bureau OCHA Goré, Le chef de la DGSSIE, Le Maire de la ville de Goré, Mahamat Nour Hassaballah : le blogueur en mission avec nations-Unies, et Salvator : Chargé de la communication au HCR  Crédit photo/ Adriana Borra
De (g) à (d) Adriana Borra : la chef de la mission « Vis ma vie aux Nations unies », Allarassem Guednabé : chargé des affaires humanitaires sous-bureau OCHA Goré, Le chef de la DGSSIE, Le maire de la ville de Goré, Mahamat Nour Hassaballah : le blogueur en mission et Salvator : chargé de la communication au HCR Crédit photo/ Adriana Borra

Ainsi passent les heures, et je me suis plongé dans la peau du staff des Nations unies en visitant le camp de Dosseye, géré par le HCR et ses partenaires où j’ai rencontré plusieurs personnels  et assisté à la distribution des vivres par le PAM (Programme alimentaire mondial) aux réfugiés. J’ai pris plaisir à donner un coup de pousse aux personnes travaillant à la distribution, en servant quelques bénéficiaires.

2-Ici, je sers du sorgho à une refugiée, l’offre du PAM   Crédit photo/ Adriana Borra
Ici, je sers du soja à une réfugiée, l’offre du PAM Crédit photo/ Adriana Borra
3-Ici, je sers du soja à une bénéficiaire, l’offre du PAM   Crédit photo/ Adriana Borra
Ici, je sers du sorgho à une bénéficiaire, l’offre du PAM Crédit photo/ Adriana Borra

C’est une activité qui nécessite détermination engagement sans faille. J’ai été touché par leur sympathie et leur courage, toujours prêts à servir les réfugiés et rigoler avec moi, curieux de poser certaines questions. Ils me répondent sourire aux lèvres malgré leurs multiples occupations… Une belle leçon de vie qui m’a permis de relativiser beaucoup choses.

Je suis ensuite allé au centre d’enregistrement pour les élections en RCA. Avec l’aide logistique du HCR, les réfugiés volontaires peuvent s’inscrire sur les listes pour les prochaines élections.

4-Enregistrement des refugiés sur la liste électorale  Crédit photo/ Adriana Borra
Enregistrement des réfugiés sur la liste électorale Crédit photo/ Adriana Borra
5-Lors d’une interview avec le chef des opérations des élections   Crédit photo/ Adriana Borra
Lors d’une interview avec le chef des opérations des élections Crédit photo/ Adriana Borra

Le lendemain matin dans le bureau d’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), j’ai pris part à la réunion de sous-cluster pour la protection des enfants. Le sous-cluster permet, sous la présidence de l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance) et de leurs partenaires de traiter ensemble les cas des enfants en danger. Les débats portent sur le cas d’enfants travaillant pour une restauratrice dans un camp de retournés et des solutions pour y remédier.

6-	La réunion du sous-cluster   Crédit photo/ Adriana Borra

 A savoir des enfants sans abri sont trouvés dans le camp de réfugiés de Doholo, le suivi d’une prise en charge par l’UNICEF et le sous-cluster sur 3 enfants qui ont perdu leurs mamans à la naissance.

 A l’issue de cette réunion, j’ai eu le privilège de me rendre sur le site des retournés de Danamadja où j’ai assisté à une réunion des bailleurs venus voir les projets sur le terrain.

7-Dans cette tente, se tient la réunion des bailleurs. Sur le site des retournés de Danamadja   Crédit photo/ Adriana Borra
Dans cette tente, se tient la réunion des bailleurs. Sur le site des retournés de Danamadja Crédit photo/ Adriana Borra
8-Photo de famille après la réunion des bailleurs   Crédit photo/ Adriana Borra
8- Photo de famille après la réunion des bailleurs
Crédit photo/ Adriana Borra

J’ai pu rendre visite à une fillette d’environ 4 mois (de nom Zara) qui a perdu sa maman alors qu’elle arrivait au monde. Avec 2 autres enfants, elle est prise en charge par l’UNICEF et ses partenaires.

L’orpheline Zara et sa gardienne   Crédit photo/ Adriana Borra
L’orpheline Zara et sa gardienne Crédit photo/ Adriana Borra

J’ai également eu la chance de passer un petit moment avec les enfants de l’ESPACE AMI DES ENFANTS, aussi à la charge de l’UNICEF.

Je suis allé à la rencontre de plusieurs agences à savoir le HCR, le PAM, l’OCHA, l’UNICEF… et j’ai participé à de nombreuses activités. J’ai eu l’occasion d’acquérir une expérience inoubliable grâce à l’accueil et aux compétences du personnel local, international et des ONG.

Ces trois jours de mission ont été pour moi, magiques, intenses, exceptionnels, riches et hors du temps.

Tous ces moments merveilleux, je les ai partagés avec un personnel solidaire, courageux qui se bat pour améliorer le quotidien de femmes et d’ hommes en détresse.

On est conscient !


Contrôle d’identité

Ce midi, la circulation est dense. La police locale tchadienne procède au contrôle d’identité et à celui d’éventuelles armes. Les arrêtés d’un instant qui s’éternise se montrent furax et furibonds. J’étais l’un de ces arrêtés. J’ai conservé mon calme dans ce moment exécrable. Deux policiers se présentent devant moi. Replet, les yeux globuleux, le premier policier me fouille à la hussarde et j’ai l’horrible sentiment d’être pris pour un commerçant de drogue. Le second, un peu plus gentil, me demande de présenter mes pièces d’identité. Je sors ma carte d’artiste et lui précise :

Source/Photo: NOURI
Source/Photo: NOURI
  • Je suis un poète.
  • Un poète ? s’étonne-t-il, puis il jette un coup d’œil furtif sur ma carte.
  • Oui, répondis-je en hochant la tête.
  • Ah bon ! S’exclama-t-il.
  • Oui, dis-je, tu sais ? A l’époque, le président Senghor faisait lire la poésie aux policiers. Il leur a inculqué le goût de la lecture de la poésie. Cependant, ils n’étaient pas violents. Car, la poésie ne rime pas avec la violence. Aujourd’hui, quand un policier arrête un poète en circulation au Sénégal, c’est juste pour lui demander un recueil de poèmes.
  • C’est bien ça, me dit-il d’un ton calme, j’aime les artistes, mais je ne lis pas.
  • Tu dois lire. Victor Hugo a dit «  Lire c’est boire et manger à la fois. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas », tu vois ?
  • Oui, c’est important me dit-il.
  • Merci, lui dis-je, ce sont les artistes qui font avancer une nation, et non les députés.

Il m’a aussitôt remis ma carte et j’ai pris mes cliques et mes claques. J’aimerais l’inviter autour d’une table et essayer de concilier avec lui POESIE et POLICE. Hélas, on ne se connaît pas. Il est important que tout le monde lise. Que tu sois policier ou artiste, ton arme la plus salvatrice doit être la lecture, et non le pistolet qu’on t’a mis entre les mains. Partout dans le monde, la police est l’origine de violences. Pourquoi les policiers américains tirent à leur guise sur les Noirs ? Pourquoi les policiers tchadiens tuent à gogo les étudiants qui ont simplement manifesté leur colère ou exprimé leurs doléances ? Les clichés sont nombreux. Je crois avoir parlé de ce phénomène avec mon ami Youssouf Terri.

Enfin, il faudrait qu’on fasse la promotion de la lecture dans tous les domaines, cela apportera sans doute des fruits succulents que le Tchad dégustera avec une extrême avidité. Rappelons que la première sourate du Coran est Ikra « ikra » qui signifie LIS. On peut y trouver ALLAH’ZI ALLAMA BEL KHALAM « Dieu a enseigné par la plume ». Alors, la lecture est un acte sacré, citoyen et édifiant qui contribue efficacement au devenir d’une nation, parce qu’elle fait partie de la culture. Regardons aujourd’hui la Chine, l’Inde, le Japon ou encore la Grèce. Ces nations ne se sont pas construites par l’argent du pétrole, mais grâce à leur culture. Et nous, on a toujours un œil posé sur le pétrole, on oublie donc la culture. Ainsi, nous resterons toujours « un pays pétrolier, un peuple misérable » qui, pour se nourrir, mettra sa dignité dans la boue. On vole, on corrompt et on est content. Nous vivons dans la bassesse en laissant le pays aller mal. Tchadiennes et Tchadiens, valorisez notre culture, debout et à l’ouvrage pour enfin donner à notre nation ses lettres de noblesse.


La journée du 15 juin 2015

Il est environ 9 heures et 15 minutes, le soleil brûle et la température ne fait pas moins de 30 degrés. Enfermé dans ma chambre, dans un quartier reculé de la capitale, je préparais une lettre à un ami. Passant par les bourdonnements de la causerie d’une chambre voisine aux cris de marmaille, tout d’un coup, j’ai entendu une grande explosion et j’eu l’impression que c’est un pneu qui s’est dérapé. Cela ne m’a pas du tout inquiété, je continuais à rédiger mon message. 20 minutes plus tard, une seconde explosion plus tonitruante que la première a mis un terme à mon travail. Cette fois-ci, j’ai l’impression que c’est un coup de canon d’investiture présidentielle. Ainsi coule le temps, mon téléphone sonnait, une voix m’a demandé si tout le monde allait bien. C’était un grand frère qui a besoin des nouvelles de la famille. Il me disait enfin que des attentats terroristes ont ciblé deux locaux de la police (le commissariat centrale et l’école de police).

Au fait, le premier mot qui me vient à l’esprit, c’était ‘‘Boko Haram’’ dont je me demande si le Tchad est en train de payer le lourd tribut, après leurs interventions contre les terroristes, au Mali et au Cameroun. En tout cas, cette opération est la première du genre au Tchad.

Ces attaques kamikazes ont fait tant des victimes. On compte une vingtaine de morts et plus de 100 blessés. Cela prouve à suffisance la présence des terroristes sur le sol tchadien. Mais d’après les dires du gouvernement, j’ai cru que les forces de l’ordre ne baisseront pas les bras face à des actes barbares, elles devront au contraire doubler d’efforts pour déjouer toutes opérations terroristes. Cette triste journée a ainsi laissé des tristes images…

Credit/photo NOURI
Credit/photo NOURI
Credit photo/NOURI
Credit photo/NOURI
Credit photo/ NOURI
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On est conscient


Tchad : consommation abusive d’alcool

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Crédit :  FlickrCC/Jbdodane

Pays producteur du pétrole, le Tchad figure au 4e rang des pays les moins développés. Gangrené par la pauvreté et traumatisé par la guerre, il vient d’être classé après une étude faite par l’OMS, premier pays consommateur d’alcool à travers la planète, en décembre dernier. Les jeunes n’ont que très peu de chance à trouver un emploi à la fin de leurs études. Beaucoup d’entre eux s’adonnent alors à l’alcool. Dans ce pays de 12 millions d’habitants, l’alcoolisme constitue un véritable fléau et n’épargne personne, il touche les hommes, les femmes ainsi que les enfants dès le bas âge. Le buveur tchadien n’engloutit pas moins de 30 litres d’alcool pur par an.

L’alcool est accessible à tous ici chez moi, le Tchad, et fait presque partie de notre coutume, on le trouve un peu partout aussi bien dans les lieux publics que privés et à des prix abordables. Nos sociétés sont très souvent tolérantes face à ce genre de libation, des actes blâmables mêmes sont pardonnés.

La consommation d’alcool atteint un point si alarmant que bon nombre de personnes souffrent de troubles psychologiques importants. Qui plus est, lorsque le sujet est sous l’emprise de l’alcool, il présente des troubles de comportement. Il n’arrive plus çà se contrôler et dérange son entourage.

Ce qui est étonnant dans cette histoire d’alcool, c’est que l’on se distrait parfois sous des paillotes, dans des cabanes destinées pour la distillation d’alcool des céréales. Comme des fourneaux, noircis par la fumée permanente, ces lieux appelés « cabarets », situés dans quelques quartiers de Ndjamena, constituent un eldorado pour beaucoup de personnes. Diverses catégories : ouvriers journaliers, jeunes désœuvrés et même certains fonctionnaires d’Etat insuffisamment rémunérés s’y retrouvent. Chacun tient entre les mains une calebasse remplie d’argui, condrong, bili-bili, cochate, autant d’alcools traditionnels, de boissons fermentées. Dans ces soirées, tous les  thèmes sont débattus dans une ambiance très alcoolisée. Assez souvent une bataille mettra ensuite un point final au débat de ceux qui ne savent pas trouver un compromis sur un sujet. Tenus par des vieilles femmes qui cherchent à gagner leur vie, ces lieux sont souvent fréquentés par des personnes désespérées ou issues d’un milieu défavorisé.

Pour le Tchadien que je suis, je recommande aux dirigeants de prendre de mesures drastiques contre la consommation excessive d’alcool, car elle ne fait qu’exagérer la situation sociale déjà déplorable. Je pense que pour bâtir une vraie société développée, la lutte contre l’alcoolisme doit être menée activement par toutes les classes et de façon comme celle contre la drogue entreprise dans beaucoup des Etats.

Laissons  tomber les bouteilles et assumons  nos responsabilités.

On est conscient.


Un cybercafé avec des jerry

Le collectif wenaklabs, une initiative qui est née en avril 2014. Il regroupe plusieurs jeunes des différents horizons et avec des profils variés. Mais qui ont une passion pour les TIC. Une communauté qui accouche des projets et jour après jour nait JerryClan Tchad, un projet qui vise à redonner une seconde vie aux ordinateurs usagés. C’est un objectif qui tend à démocratiser le savoir, et aussi un espace d’échange et de partage, mis sur pied aux réalités africaines pour faciliter la transmission d’un savoir libre.

Un jerry déjà opérationnel. Il ne reste qu’à branché un écran.
JERRY
A présent le jerry tourne sur un système libre.
Un JERRY: ces sont ceux jerry qui nous ont permis d’implanter ce cyberespace à l’IFT

En Afrique et au Tchad en particulier le cybercafé reste la voie royale pour accéder à l’internet. D’habitude les Cybercafés sont des lieux publics dans lesquels on propose aux passionnés d’internet des divers services. Mais malheureusement au Tchad, ces lieux, souvent fréquentés par les jeunes sont rares et considérés comme des perles difficiles à trouver. Chose inimaginable quand on sait qu’avec le monde des TIC, le monde est devenu un tout petit village. Au fait, cette rareté s’explique tout d’abord par l’analphabétisme chronique de la population qui est estimée aujourd’hui à plus de 80%, le manque d’énergie électrique permettant le développement des TIC mais aussi le prix exorbitant pour le peu qui existent. Tous ces handicaps freinent l’émergence de ces endroits et qui font que les Cybercafés soient de plus en plus des véritables machines d’arnaques. Sinon comment imaginer qu’il faut absolument payer plus de 500fcfa pour avoir accès seulement à une heure de connexion?

Alors, c’est pourquoi, wenaklabs a décidé de lancer un projet de cyberespace qui vient d’être inaugurer ce 1er avril à l’IFT, à l’occasion d’une cérémonie marquant la fin de la semaine de la Francophonie. Un cybercafé avec des ordinateurs fabriqués à partir des matériels recyclés (appelés JERRY) et qui se veut un tiers-lieu, open source. Avec ces jerry, l’on pour objectif d’épauler des démarches innovantes et toutes actions qui entrent dans le du TIC.


Le port du casque : une mesure qui fait monter la tension des élèves

Au Tchad, le port du casque redevient une obligation pour les motocyclistes. Cette mesure drastique entrée en vigueur le 1er mars ne fait pas l’unanimité de tous les citoyens et particulièrement des élèves. Elle est la Une de tous les médias locaux. En effet, cette mesure a été prise les années précédentes par le ministère de la Sécurité publique puis abandonnée en raison de l’insécurité grandissante. Mais la réactivation de cette décision est mal vue par la population.

Les élèves qui utilisent cet engin ont boycotté cette mesure musclée venant du gouvernement et affiché leur colère par une série de manifestations. Depuis la prise de cette décision, les casques ont doublé, voire triplé de prix : 7 500F, 10 000F, et 15 000F au lieu de 2 000F et 5 000F, témoigne un élève. Ces derniers jours, les élèves ont séché les cours et sont massivement descendus dans les rues de la capitale pour dire non à cette décision gouvernementale. Ils arrachent et détruisent les casques que les motocyclistes ont accepté de porter.

La police qui est chargée de mener cette opération visant à arrêter et amender toute personne circulant sans casque s’est heurtée à une contestation radicale des élèves. Pour le Ndjamenois que je suis, c’est une véritable chasse à l’homme que l’on observe depuis le début de ce mois, car la police fait des élèves sa proie. Elle les traque de lycée en lycée. C’est ainsi que certains grands établissements ont décidé de fermer leur porte jusqu’à nouvel ordre. Et même si le port du casque doit être la priorité de tous les motocyclistes, c’est une question de sécurité et non une obligation. L’attitude brutale des forces de l’ordre (la police, la gendarmerie et tout autre corps qui a pris part à cette opération) réduit les citoyens à rien.

Je me demande pourquoi le gouvernement exige le port du casque, alors qu’il y a quelques années, le même gouvernement l’avait formellement interdit ? Prendre une telle décision à mon avis implique aussi qu’il faut empêcher l’entrée des stupéfiants au Tchad, traquer les grands bandits dits « coupeurs de route », arrêter les auteurs de la corruption et voleurs des biens de l’Etat.

Le 9 mars a été une journée très chaude. Les élèves du grand lycée Félix Eboué de Ndjamena se sont insurgés contre la répression policière. Ils ont semé la terreur, brûlant des pneus sur la voie publique. Les forces de l’ordre n’ont pas hésité à s’introduire à l’université de Ndjamena. Elles ont lancé des gaz lacrymogènes jusque dans les bureaux administratifs ce qui a augmenté la tension. Bilan : un étudiant mort, de nombreux blessés, une série d’arrestations, et on parle même de policiers tués, ainsi qu’un bus de transport d’étudiants brûlé…

Vingt-quatre après, j’ai été témoin d’un accident à Diguel Dinguessou, banlieue de la capitale. Occupant tous les ronds-points de la ville depuis quelques jours, la police a perdu des hommes ce jour-là. Pourchassant un motocycliste sans casque, le véhicule de la police a fait un tonneau après avoir été dribblé par le motocycliste, trois morts sur le champ.


Littérature: rencontre avec Mahamat Nour Abdéramane Barka

Nouri

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A seulement 19 ans, Mahamat Nour Abdéramane Barka vient de publier un livre qui fait de lui le plus jeune écrivain tchadien. Il s’agit d’un recueil de poèmes intitulé L’AMOUR ET LA REVOLTE D’UN NEGRE, paru dans la collection Classique des éditions Edilivre, en France. Il est considéré par plus d’un comme la relève de la négritude, notamment avec un style dans lequel on ressent Senghor, Aimé Césaire et David Diop à la fois.  

Comment vous est-il arrivé l’idée d’écrire ce livre ?

L’idée d’écrire ce livre m’est venue quand j’étais au collège, où mon prof d’histoire me racontait le triste sort que le peuple noir a subi depuis la nuit des temps. Il faut avouer qu’écrire ce livre me libérait de moi-même. C’est une nécessité. Une expression qui voulait, à tout prix, voir le jour.

Comment s’est déroulé le choix du titre ?

Je suis ce nègre qui, tout au long de la lecture de ce livre, fait entendre sa voix ainsi que celles des opprimés. Le choix de ce titre s’est imposé en moi quand j’ai su que dans ce livre, j’exprime mon amour, ma révolte et mes rêves d’un monde meilleur.

Parlez-nous de ce texte si original ; comment est-il né ?

Beaucoup me demandent de leur parler de ce texte. Mais, c’est le lecteur qui est mieux placé pour parler d’un livre ; car tout lecteur, au moment de lire un livre, il le réécrit. Pour sa naissance, je crois que j’ai eu le dessein d’écrire ce livre depuis que j’avais 15 ans. Je me suis dit que je peux exprimer mes sentiments.

Quel message voulez-vous transmettre à travers cet ouvrage ?

Je prône l’espoir et l’amour. J’ai grandi dans un Tchad de guerres, j’ai vécu deux fois les affres de ces guerres en étant enfant. Cependant, je suis en quête d’amour et d’espoir, car je veux vivre en paix.

La femme est souvent évoquée dans vos écrits ?

J’ai un jour dit à Housna qu’elle est la matrice de ma poésie. C’est une vérité ! J’encourage le féminisme et tout acte posé dans le but d’élever la femme au rang de l’homme. Pour vous dire combien les femmes m’inspirent. J’ai passé la classe de 3e à admirer Rosa Park’s, Miriam Makeba, Césaria Evora, ces femmes qui avaient œuvré pour le devenir de l’humanité.

Pourquoi avoir choisi la poésie pour exprimer votre ras-le-bol ?

Je lisais beaucoup les artisans de la Négritude. Mettre mon pas sur le leur est donc devenu ma tache. Il faut dire que la poésie est une forme qui m’a permis de marquer mon engagement et je l’ai choisie parce qu’elle m’avait ouvert ses bras.

Avez-vous l’envie de toucher un lectorat particulier ? La femme, l’homme, la politique ou la société ?

Pas forcement. Dans ce livre, je me suis adressé aux blancs qui ont réduit les Noirs au silence et aux Noirs qui n’avaient pas su être les maîtres de leur destin.

Quelles sont vos passions à part l’écriture ?

La  philosophie et le dessin me passionnent beaucoup. J’ai toujours voulu ne pas dévoiler mes passions.

Quel est votre livre préféré et pourquoi ?

Mon livre préféré c’est le recueil de poèmes ‘‘Les coups de pilon’’ de David Diop. Parce que c’est un livre que j’avais découvert très jeune et je trouve son style à la fois violent et poétique.

La musique tient-elle aussi une vaste place dans votre vie que la littérature ? C’est un moyen d’expression ou d’interprétation comme l’écriture et la lecture.   

Charles Baudelaire dit que la musique adoucit les mœurs. Enfant, j’ai passé un temps plus précieux à aimer Mickaël Jackson qui m’influençait. Oui, elle peut être parfois plus forte que la littérature et c’est sans ironie. Elle permet facilement de transmettre un message. Mes aînés Flavien Kobdigué et Didier Lalaye, respectivement Kaar Kaas Sonn et Croque-Mort, ont bien su concilier ces deux matières. Je n’oublie pas aussi Mberal Mbaïkoubou.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?  

Actuellement, je suis en face de finir mon premier roman et j’écris aussi une pièce de  théâtre avec une amie française. Cette pièce théâtrale met en scène l’intervention du Tchad au Mali. Toutefois, j’ai d’autres projets dans mon tiroir et j’ai hâte de les toucher.

Un conseil pour vos lecteurs ?

Je conseille seulement à la jeunesse de lire beaucoup. Tous les volumes que je vois aux bibliothèques sont écrits pour nous et il est temps qu’on les lise. Un soir, nous étions le temps d’un débat, mon ami Alfaroukh m’a dit que la lecture est une arme. J’aime jusqu’à là cette idée.


La mendicité, une pratique en augmentation constante au Tchad

source photo: Séraphin Louba
Source photo: Séraphin Louba

Demander l’aumône, un don charitable est un phénomène qui s’accroit d’année en année. Cette pratique se fait dans des conditions et formes variées (à la porte des mosquées, et églises, de porte à porte, au bord des rues, aux arrêts du bus, aux gares, dans les écoles, les marchés et même aux ronds-points), avec l’utilisation des enfants pour apitoyer par la lecture d’un verset coranique ou biblique.

Ils sont nombreux, ces mendiants,  généralement des enfants âgés de 8 à 16 ans, errant dans les ruelles de Ndjamena et autres lieux publics à savoir le marché, l’école… s’exposant à tous les dangers et passent le plus précieux de leur temps à quémander. Appelés « Mahadjirines », ils sont un peu partout en Afrique. Ce phénomène prend de l’ampleur et constitue d’ailleurs une gêne pour les citoyens lambda. Parce qu’on les rencontre partout en ville. Selon une étude que j’ai faite en 2014, j’ai recensé plus de 3 000 enfants dans les rues de la capitale tchadienne.

Loin des parents, en manque cruel tant sur le plan affectif qu’éducatif, ces enfants abandonnés à leur triste sort sont on ne peut plus visibles. De plus en plus le phénomène s’accentue, mais personne ne s’en inquiète, ni l’Etat ni les organisations humanitaires. Les organisations de défense des droits de l’homme et des enfants ferment les yeux et continuent à faire comme si rien ne se passait.

Ce que nous voyons aujourd’hui, la mendicité se partage en deux catégories, la première c’est celle des ‘‘mahadjirines’’ et la seconde c’est celle des aveugles et certains handicapés physiques. Par méconnaissance, on associe souvent mendicité et religion. Il faut précise que  l’islam interdit formellement la mendicité, sauf en cas de force majeure. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui de nombreux mendiants.  Certes, l’aumône est un acte de foi. On peut donner volontairement à une personne pour la soutenir, afin de lui permettre de s’en sortir, d’aller mieux, alors que la mendicité est le fait de faire appel à cette générosité.

La mendicité avant deux décennies

Aux débuts des années 2000, la mendicité était encore une pratique rejetée, et restait marginale. Mais avec les multiples guerres, le phénomène s’est amplifié. Et ce n’est pas seulement les indigènes qui mendient, auprès d’eux on voit des Touareg du Niger qui ont dû fuir leur pays en raison des hostilités nigéro-nigériennes. Il y a aussi des Nigérians, des Centrafricains et des Camerounais. Chaque société et chaque époque s’y sont confrontées. Et aujourd’hui, certains élus estiment que la mendicité perturbe l’ordre public et veulent l’interdire. Ce qui a été fait à un moment donné, une décision qui renvoie les mendiants à une pratique nocturne.

On est conscient


Tchad: Boko Haram fait réagir l’armée

Après s’être déployée au Mali en 2013, en République centrafricaine en 2014, la force armée tchadienne s’est de nouveau fait parler d’elle en volant au secours du Cameroun et du Nigeria pour combattre la secte islamiste Boko Haram qui, ce dernier temps, sème la terreur dans ces 2 pays voisins, notamment par d’indescriptible massacre. Plusieurs villages ont été à la merci de Boko Haram. L’intervention de la force armée tchadienne, tant souhaitée, ovationnée à son entrée au Cameroun, a mis en débandade la secte islamiste et rassuré la sous-région. Boko Haram n’a pas pu résister à cette force, considérée comme étant la plus puissante de l’Afrique et prend la poudre d’escampette jusqu’au Nigeria. Pour l’instant, le Nigeria a accordé au Tchad le droit de poursuite qui permettrait à l’armée tchadienne de poursuivre Boko Haram jusqu’au sol Nigérian. Actuellement, ils se trouvent à Gambarou et la force tchadienne prépare une autre attaque contre cette secte de plus en plus affaiblie.    
Je me pose les questions de savoir après tout ce qui précède, n’y a-t-il pas d’autres  solutions que de livrer une guerre contre Boko Haram ?
Peut-on envisager sérieusement avec cette secte qui met en doute la sécurité de la sous-région ?                 
Pour ce faire, je vous propose ce poème, extrait du recueil de poèmes Les larmes d’Afrique et la voix des ancêtres, paru aux éditions EDILIVRE, 2014.

source photo: creative commons
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Hommage à tous les guerriers
Je suis monté au sommet de la montagne
Pour leur applaudir très fort
Je les ai beaucoup loués
Parce qu’ils sont les héros de la guerre
Ils s’étaient battus pour le Tchad
Ils s’étaient battus pour leur cause
Et ils s’en étaient sorti la tête haute
Leurs voix tonitruantes avaient élu domicile dans le désert
Plus fort que le stentor
Elles résonnent dans la mémoire des hommes
Fils de Sao ils avaient crié haut
La victoire de leur ancêtre Toumaï
Les armes retentissent dans mon cœur
Et Miabé était mort
Courageux guerriers de la mère tchadienne
A Aouzou leurs adversaires avaient pleurés
A Kalayite le sang du peuple fut la couverture de la terre
A Adré des you-yous victorieux percent mon cœur
A Hadjar-Marfayine une bataille dans les grottes fut déchirante
A Hadjar-Hadid ils montraient la dignité des tchadiens
A Hadjar-Meram des hommes au regard ensanglanté
Avaient poussé des cris de joie
J’ai cru qu’ils défendent le pays
Mais ils défendent un homme
Ils ont endeuillé leur peuple
Ils ont déchirés les cœurs apaisés
Ils ont sacrifié leurs vies pour une cause inacceptable
Je les ai tant loués
Mais ils ne font que détruire le pays
Destructeurs arrêtez de guerroyer
Car je me suis rendu compte que
La guerre est animale

On est conscient


Tchad : le vélo est relégué aux enfants et au monde rural

vélo

Inventé pour le cyclisme, le vélo arrive en Afrique pour servir d’autres fins. En Afrique et particulièrement au Tchad, chez moi, le vélo est destiné au transport. Utilisé par la plupart pour le déplacement, il est aussi utilisé parfois dans le commerce. On transporte la marchandise avec.  

Si on remonte à deux décennies, la paisible population tchadienne se déplaçait majoritairement à vélo, pour aller au bureau (secteur public ou privé), à l’école, au travail, au marché, au champ, pour rendre visite aux parents, et même pour effectuer de courts voyages. Avec la mondialisation, l’innovation et l’émergence de certains pays, dont le Tchad, avec l’exploitation du pétrole, la moto et la voiture sont devenues les premiers moyens de transport. Au cas contraire, on peut emprunter l’auto-stop. C’est ce qui a fait que le vélo soit relégué à ce rang où l’on trouve désormais les enfants et le monde rural.

Une récompense pour les uns et un moyen de transport pour les autres…  

De nos jours, le vélo appartient aux enfants mais ce n’est pas un cadeau, c’est en contrepartie d’un petit effort. Les parents promettent à leurs enfants un vélo à condition qu’ils travaillent bien à l’école et qu’ils atteignent lors des remises des bulletins le rang qu’ils exigent. C’est juste pour le plaisir d’avoir un vélo que les enfants travaillent courageusement.

Mais le vélo est aussi entre les mains des paysans. Ces derniers utilisent le vélo le plus souvent pour se déplacer. Socialement parlant, par manque des moyens financiers, les ruraux  se procurent un vélo pour effectuer leur aller-retour aux champs. On peut voir chez les villageois l’ancien modèle du vélo appelé communément « manicycle, cadre homme », avec un grand porte-bagage où on embarque les outils des travaux et d’autres objets nécessaires, et parfois même une personne.