DANIA EBONGUE













Economie d’Afrique Centrale : résilience impérative !

Le 22 Novembre 2019, dans son discours d’ouverture du sommet extraordinaire de la CEMAC, Le Président du Cameroun, Paul Biya, a déclaré que « La volatilité des prix des matières premières continue d’affecter nos économies dont la diversification doit plus que jamais s’amplifier». Diversifier l’économie est devenu un un enjeu majeur pour les Etats d’Afrique Centrale, notamment le Tchad.





Cameroun : vidons nos poubelles mentales et transformons nos ordures !

Autour de moi, trop de bavardages. Les forums camerounais sont saturés de ces concepts savants autour de Maurice Kamto, de Cabraal Libii, de Paul Biya ou de tel ministre qui défraye la chronique. Personne ou presque ne parle du vrai problème camerounais : l’employabilité. Et si nous allions fouiller dans les poubelles pour résoudre ce problème ?

La plupart des Camerounais pensent que la solution réside dans les postes de la fonction publique. Alors on débat sur l’équilibre régional, on discute sur le nombre de postes à répartir entre ressortissants des régions camerounaises. Oui, ceci est le Cameroun actuel… Le Cameroun d’avant.

Il faut penser au Cameroun de demain. Qui sera au trône en 2025 ? Cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est combien de routes seront construites ? Combien de villes seront créées ? Viabilisées ? Modernisées ? Combien de hypermarchés seront visibles ? Combien d’entreprises ouvriront-elles dans les régions camerounaises ? Mais avant tout, combien de jeunes entre 25 et 35 ans seront employés ?

En 2018 au Cameroun, le déficit de la balance commerciale s’est creusé d’avantage, jusqu’à 1 292,8 milliards de Francs CFA, une augmentation de 120,5 milliards (+10,3%) par rapport à l’année 2017 (Source, Institut National de la Statistique). Les importations au Cameroun ont augmenté de 11%. Pourquoi ? Nous consommons même ce que nous pouvons produire, notamment le cure-dent ou encore le riz, qui fait d’ailleurs l’objet d’un scandale ces derniers jours au Cameroun.

Comment comprendre que 160 tonnes de riz sont à l’abandon dans les magasins de Yagoua et de Maga ? Il faut penser au Cameroun de demain. Il faut y penser de manière sage. Certes, il y’a beaucoup de choses à revoir, à refaire, à repenser (éducation, institutions, organisation territoriale, administration, politique, etc.), mais  en regardant simplement ce que nous consommons, voilà une source intarissable d’emplois.

L’usine nouvelle. L’inspiration vient de mes oncles.

Plastiques, verres, papiers, minerais, tout peut être recyclé.

crédit: dania.mondoblog.org

J’étais encore petit lorsque mon oncle « tonton Claude », m’avait emmené visiter son bureau au port de Douala. J’y avais découvert, pour la première fois, les poubelles qui transforment le papier en produit recyclable. L’an dernier en France, c’est mon autre oncle, « tonton Sam » qui m’a fait découvrir cette séparation des ordures dans sa commune. J’en parlais déjà ici à l’occasion de la Coupe du monde 2018. Dans certaines communes de France, il y a un bac pour les verres et les bouteilles, et un autre pour les papiers et les magazines. Le recyclage des ordures est une filière pourvoyeuse d’emploisElle fait partie de l’économie circulaire.

Que le Cameroun s’y mette, ici et maintenant !

Les nombreux diplômés camerounais ont ici l’occasion de se recycler. Recycler leurs diplômes théoriques et les mettre au service des déchets. A Douala, Kribi, Edéa, Garoua, et d’autres villes fluviales, la collecte des déchets marins est une activité à promouvoir. Une société camerounaise de collecte de déchets marins ? Pourquoi pas ? Alors que le ramassage des ordures est un vrai casse-tête pour nos municipalités, pourquoi ne pas demander à des initiatives privées d’investir dans la collecte, le tri, le traitement et le recyclage des ordures ménagères au Cameroun ? Il faut aussi recycler notre organisation urbaine. Aujourd’hui, tout est concentré sur Yaoundé et Douala. Dès que cet axe est obstrué, c’est tout le Cameroun qui est en panne. Que fait-on des villes comme Mbalmayo, Obala, Bafia, Meiganga, Lagdo, Kaelé, Mbanga, etc. qui peuvent permettre de bâtir de nouvelles métropoles avec des logements sociaux, des délocalisations d’entreprises et mêmes des édifices administratifs ? Oui, il faut sortir de la configuration coloniale du Cameroun. Le recyclage des ordures en est la clé.

Allons donc fouiller dans les poubelles.

Nos villes sont sales, nos villes sont des poubelles. Or, nous savons tous que les poubelles peuvent cacher des lingots d’or. Comme en 2018 en Corée du Sud, un balayeur peut trouver de l’or dans des poubelles. Certes les ordures sentent mauvais, mais elles sont bien le reflet de notre manque d’hygiène, de notre surconsommation, et de notre désorganisation. Les riverains du quartier Acacias, dans le 6ème arrondissement de Yaoundé n’ont de cesse de se plaindre des eaux souillées qui suintent le long de la route. On a pourtant construit une station de traitement des eaux souillées à côté. Mais la station ne bouge pas. Encore un segment d’employabilité mis en berne. Il suffit pourtant de regarder ce qui se passe au Japon. Pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, les médailles destinées aux athlètes du métal proviennent du recyclage des composants des appareils électroniques. De même, Les tenues des athlètes et officiels japonais seront confectionnées en matériau recyclé issu de vêtements usagés. 

Comme on le sait, « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ».  Cette maxime d’Antoine Lavoisier (elle-même inspirée de Anaxagore), nous apprend la leçon de vie selon laquelle : « rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Les seules poubelles que nous devons vider sont donc celles de nos mentalités. Ce sont nos mentalités qui polluent les réseaux sociaux de leur bavardage inutile. Construisons le Cameroun à partir de ses déchets. C’est une niche d’employabilité. Dans la collecte, le tri, le traitement et le recyclage de nos déchets, il y’a de quoi sortir une bonne partie de notre jeunesse du cycle de la pauvreté. Cette jeunesse a besoin de routes pour se mouvoir, de transports décents pour se déplacer, de services sociaux à portée de main, de diplômes leur permettant d’être des opératifs et non des contemplatifs de leur vie économique. Oui, la vraie poubelle au Cameroun c’est celle de notre ego surdimensionné, porté sur l’affirmation bien futile de ce que «  je suis ceci, je suis cela ». L’artiste Koppo aime à dire que nous sommes « un pays des étiquettes ». Là où les gens sont stigmatisés par leur appartenance ethnique, linguistique, sociale, sexuelle, politique ou religieuse. Or, la seule chose qui devrait permettre à un Camerounais, d’être fier, c’est précisément d’être… camerounais. Allons donc fouiller dans nos poubelles. Nous y trouverons de l’or. J’ai dit !


Merci Ismaïlia !

Le Cameroun jouait ses matchs de groupe à Ismaïlia en Egypte, une ville située à 120 km de la capitale Le Caire. Ismaïlia est entre Port-Saïd et Suez, trois villes traversées par le fameux Canal de Suez, et cette coupe d’Afrique des Nations 2019 était une occasion de découvrir cette contrée étrange mais accueillante.

Ce billet a été publié originellement sur dania.mondoblog.org.

Contrée étrange par le comportement de ses citoyens, si accueillants et si méfiants en même temps. En arrivant à Ismaïlia, on a l’impression que tout le monde est policier. A la fois ceux qui portent la tenue et ceux qui sont en civil. La barrière de la langue était un vrai cauchemar. L’Egypte ne parle pas anglais comme c’était communément entendu, ni l’arabe conventionnel, mais un dialecte arabophone. Le seul traducteur qu’on avait dans notre équipe se nommait Ahmad, un flic qui a du chic, mais très vite porté par un zèle incompréhensible.

Le jour du match d’ouverture au Caire, Ahmad est supposé nous accompagner. Il nous impose une escale obligatoire chez son cousin restaurateur, avant d’évoquer le départ pour le stade. Nous traversons toutes les barrières de police, et nous tournons en rond. Ahmad parle aux policiers, mais au bout de 20 minutes, nous nous rendons compte que nous n’entrerons pas au stade international du Caire. La vérité est que Ahmad ne voudra pas qu’on y aille. Durant notre séjour, il avait oublié que nous étions des journalistes et était plutôt intéressé par le côté guide touristique improvisé. Du coup, certains de mes collègues et moi-même avons compris qu’il ne fallait pas compter sur lui pour passer un agréable séjour en terre égyptienne.

Par bonheur, je suis tombé sur Ahmed Rashwan, un chauffeur de taxi. Il baragouinait un français mélangé avec un peu d’anglais et d’arabe, mais a réussi à me convaincre de rencontrer son frère Mohamed et son neveu Marmoud. Mohamed m’a expliqué l’histoire du Canal de Suez et la fierté qu’ils ont tous à résider dans la région. Il s’exprime très bien en français, étant enseignant de français à la retraite. Il faut dire que tous ceux qui apprennent les langues étrangères ici sont privilégiés pour être traducteurs ou guides touristiques. Les 300 jeunes volontaires recrutés pour le stade d’Ismaïlia à l’occasion de cette coupe d’Afrique des Nations étaient pour la plupart des étudiants en langues. C’est une filière très demandée dans ce pays, et parler quelques mots de français ou d’anglais ouvre les portes de l’emploi à ces jeunes.

Avec Ahmed et sa famille. Crédit photo : Dania

Boda Bebo n’a pas cette chance. Ce jeune et son petit frère s’occupent du restaurant de leur papa dans la nuit. Il faut dire que l’habitude à Ismaïlia était d’ouvrir à 11h du matin et de fermer le lendemain à 3h du matin. Boda est devenu mon ami. Ne sachant pas parler anglais, il mettait souvent son application en marche pour espérer une traduction de l’arabe vers le français. Par moments, cette traduction très approximative le poussait à me demander des choses improbables comme « est-ce que tu veux du cannabis ? », alors qu’il me demandait simplement si je voulais du poulet épicé.

Avec Boda et son frère. Crédit photo : Dania

Les épices égyptiennes, parlons-en ! Cela a été le malheur de tous mes confrères camerounais dans cette ville. Les béninois, plus heureux, ont voyagé avec leur nourriture depuis le pays, ce qui a poussé ma consœur Christelle à aller se ravitailler auprès d’eux, car agacée par la nourriture locale.

Pourtant, à vue d’œil, tous les menus égyptiens donnent envie, surtout la quantité. J’ai eu droit un soir à un poulet entier, trois côtelettes de mouton, une portion de riz, une salade, et une boisson Soda à seulement 70 livres (2450 francs CFA, 3,75 euros). A Ismaïlia le coût de la vie n’est pas élevé, y compris les chambres d’hôtel.  Nous avons payé l’équivalent de 7000 FCFA (10,5 euros) la nuit, petit déjeuner compris. Certes, c’était des chambres avec double lit ou triple lit, mais le traitement était bon. Chez le barbier par contre, il fallait débourser 100 livres (5 euros) pour se faire beau. Le seul regret à Ismaïlia restera donc la saveur de la nourriture. Le Ndolè, le taro, le poisson braisé et tous les repas du Cameroun sont définitivement inégalables.

Crédit photo : Dania

Côté organisation de la CAN, il y avait une forte agitation lorsqu’il s’agissait de couvrir les matches du Cameroun, les conférences de presse et les entraînements. En tant que champion en titre, les matchs du Cameroun étaient très demandés, du coup, la presse camerounaise avait souvent du mal à accéder à ces événements du fait d’un certain nombre de restrictions. Les égyptiens eux-mêmes étaient les premiers à demander ces rencontres, y compris les volontaires et autres agents de sécurité qui désertaient souvent leurs postes lorsque les Lions Indomptables apparaissaient.

Ismaïlia est une petite ville comparée au Caire, à Alexandrie, Port-Saïd ou Sharm-el-Sheikh. Mais c’est une ville où les gens ont du cœur. Une ville dans laquelle, les hommes vous proposent de partager leur repas sans vous connaitre. Une ville dans laquelle vous voyez souvent « Welcome to Egypt » pour vous signifier que vous devez vous sentir chez vous. Une ville dans laquelle le propriétaire d’un hôtel prend sur lui de vous commander à un repas à 23h parce que son restaurant à lui est fermé. Une ville dans laquelle la simple évocation de votre nationalité camerounaise vous donne droit à quelques éloges. Une ville dans laquelle aucun acte raciste, xénophobe ou de rejet n’a été vécu durant notre séjour. Merci Ismaïlia !