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Burkina Faso: C’est bien, que Blaise ait enfin compris !

Blaise Compaoré a enfin eu l’intelligence de céder le pouvoir à son vrai propriétaire : le peuple. Il voulait un référendum, il a eu droit à une révolution qui l’a balayé avant le bouclage de son mandat, qui devrait finir en novembre 2015. Une bonne économie du temps et de l’argent pour la patrie des hommes intègres et pour Blaise lui-même, qui aurait pu y laisser sa vie et sacrifier plusieurs autres de ses concitoyens.

Avant de rendre démission, l’ex-président Burkinabé avait essayé un forcing en décrétant l’état de siège. Puis, il adoucit en promettant de partir une fois son mandat fini. Mais les révolutionnaires n’avaient nullement envie de se contenter d’un ver à moitié plein. C’est l’erreur qu’avaient commise les Guinéens, lors de l’insurrection populaire de janvier-février 2007. En acceptant un médiateur en la personne du Nigérian Ibrahima Babangida et d’un gouvernement de consensus piloté par Lansana Kouyaté. Le Général Lansana Conté mourra paisiblement au pouvoir, le 22 décembre 2008. Une révolution, c’est jusqu’au bout. Fin médiateur, Blaise Compaoré n’a pas eu droit à une médiation. Il ne fallait pas lui donner du temps, au risque de le voir renverser la situation en sa faveur.

Blaise devrait enfin donner raison à Obama. La force d’un homme est toujours limitée. C’est celle des institutions qui est pérenne. Il avait soutenu que ce sont les hommes forts qui font les institutions fortes. Mais lui Blaise, se croyant assez fort, était en train de détruire les institutions de son pays, qu’il a contribué à façonner pendant ses 27 ans passés au pouvoir. Heureusement, le peuple l’en a empêché.


Avec Ebola les relations diplomatiques s’enfièvrent

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La fièvre hémorragique Ebola est lourde de conséquences. Elle risque de laisser sur son passage des séquelles autres que les milliers des morts et les milliards de dollars dépensés ou de manque à gagner. La maladie commence à provoquer aussi des conséquences diplomatiques entre des pays qui voient leurs relations pluriséculaires se refroidir. Dans l’indifférence, malheureusement.

Jusque-là, la Guinée s’était résolue à encaisser sans réagir les coups de son voisin, le Sénégal. Dès qu’Ebola s’est annoncé au sud de la Guinée, au nord, le pays de Macky Sall a fermé ses frontières pour se protéger. Mesure que les autorités guinéennes ont interprétée par la souveraineté de l’Etat sénégalais, qui ne tardera pas à renforcer la fermeture des frontières, cette fois-ci terrestre, maritime et aérienne. Air Sénégal évite l’aéroport de Conakry, où pourtant les dispositions de contrôle sanitaire ont été renforcées, pour éviter l’exportation du virus. Les recommandations de l’OMS minimisent la contamination par voie aérienne. La goutte d’eau qui aura fait déborder le vase est l’étudiant guinéen qui s’est retrouvé à Dakar, avec le virus Ebola. Hospitalisé, puis guéri de la maladie, il a dû bénéficier de l’indulgence du président Macky Sall qui avait menacé de le faire juger pour avoir violé la fermeture des frontières du pays de la Téranga. Ainsi, les autorités de Dakar ont décidé de rapatrier l’étudiant guinéen de l’université Cheikh Anta Diop, en cette période de rentrée universitaire. Pourtant, selon les experts, les malades guéris d’Ebola ne présentent plus de risque de contagion. Dakar était loin de deviner la réaction de Conakry.

En signe de représailles, l’aéroport international de Conakry Gbessia a été refusé à l’avion qui devait rapatrier « le colis encombrant ». Le coucou s’est finalement posé à l’aérodrome de Kédougou. Il ne pouvait trouver mieux, Kédougou, en Diakanké, signifiant « le pays de l’homme » (https://fr.wikipedia.org/wiki/K%C3%A9dougou). Mieux, le pulaar (langue maternelle de l’étudiant) y est beaucoup parlé. Le seul problème, notre étudiant discriminé par Dakar et refoulé par Conakry devait maintenant rentrer au pays comme il en était sorti : par la route. Il est ainsi la plus célèbre victime du refroidissement des relations diplomatiques entre les deux capitales. Mais les anonymes sont les plus nombreux ?

Le Sénégal et la Guinée n’ont pas intérêt à s’affronter. En janvier dernier, l’ambassadeur de la Guinée à Dakar, Mamadou Bo Keita, avait avoué ignorer le nombre exact de ses compatriotes se trouvant au pays de Macky Sall. Leur nombre varierait entre 2, 5 millions et 2,8 millions. A l’inverse, à des degrés différents, les Sénégalais se sont intégrés en Guinée au point qu’il y a une mosquée « sénégalaise » au cœur de Conakry, précisément à Kaloum, le quartier administratif et des affaires.

A quelque chose malheur est bon, dit-on. Ebola aura été un instrument de mesure du niveau d’intégration et de solidarité des pays africains, qui rivalisent dans la fermeture des frontières aux pays touchés. Le principe de libre circulation des personnes et de leurs biens est foulé au pied. Peut-on continuer à rêver d’une Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) des peuples quand celle des Etats est en péril ? Que sont devenues l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et celle de la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) ? Même l’Afrique du Sud qui se trouve à l’autre bout du continent a fermé ses frontières. Aujourd’hui, la solidarité aux pays touchés par la fièvre hémorragique virale Ebola vient d’ailleurs, hors d’Afrique. Le panafricanisme a été enterré avec Sékou Touré, Patrice Lumumba, Thomas Sankara et Hailé Sélassié.

Le retour de Paris ?

Sans Air France, Brussels air lines et Royal air Maroc, l’aéroport de Conakry aurait fermé. C’est surprenant de voir ces trois compagnies continuer à desservir la capitale guinéenne pendant que celles des voisins prennent le large. Même si les rapports entre le Maroc et la Guinée sont traditionnellement bons. Le « Non » du premier président guinéen Ahmed Sékou Touré au général de Gaulle, le 25 août 1958 à Conakry, avait profondément entamé les rapports entre l’ancienne métropole et son ancienne colonie. Mais aujourd’hui, au plus fort de la crise sanitaire, l’implication de la France dans la lutte contre Ebola en Guinée ne passe pas inaperçue. La hache de guerre est-elle définitivement enterrée ? En tous les cas, Ebola a réussi à faire venir à Conakry un officiel français, en la personne de la secrétaire d’Etat au développement et à la Francophonie, Annick Girardin. Jusque-là, Alpha Condé s’était vu contraint de se consoler de son « frère jumeau » de Bernard Kouchner, l’ex-ministre français des Affaires étrangères, qui semble élire domicile à Conakry. François Hollande est venu jusqu’aux portes de la Guinée, sans les franchir. Comment expliquer ce subit intérêt, à qui Conakry doit le retour de l’Institut Pasteur et espère l’installation prochaine d’un hôpital militaire français en Guinée forestière, le foyer de l’épidémie Ebola ? Question d’intérêt géopolitique ? Ou de simple compassion ? Ce qui est constant, c’est que la France et la Guinée ont en partie une Histoire commune. La colonisation a été fâcheuse, mais on ne peut la nier. L’usage de la langue française en est l’une des illustrations. A mon avis, il revient à la France d’assainir ses relations avec son ancienne colonie. C’est de sa négligence si une autre puissance est privilégiée dans les pays d’Afrique francophone.


Guinée : le vendredi était trop saint !

Répétons avec un dicton peuhl « Tous les jours ne sont pas vendredi ». J’y ajouterai que ce n’est pas tous les vendredis qu’on a la (mal) chance de vivre une guéguerre d’imamat. Jusque-là, prier derrière deux imams dans la même mosquée, au même moment, était inédit. Désormais, c’est chose faite. La marque est du « made in Guinea ». Le pays du « Non » à de Gaulle n’a pas fini de surprendre. Comme lors du référendum de 1958, cette fois-ci encore tout le monde a été pris de court. Le vendredi de ce 27 juin 2014 était trop saint, à la mosquée dite « Sénégalaise ». Que l’appellation ne vous trompe surtout pas. Cette maison de Dieu, théâtre de la scène inédite à découvrir dans les lignes suivantes, est plantée en plein cœur de Kaloum, le quartier administratif et des affaires de la capitale guinéenne. Son nom, aujourd’hui source de polémiques, est lié à son histoire. La mosquée a été fondée en 1919 par des Sénégalais de l’administration coloniale. Et le nom est resté. C’est devenu même un repère. Il n’est pas rare d’entendre : « Chauffeur, laisse-moi au carrefour Mosquée sénégalaise ». Même si certains estiment que la mosquée n’est ni sénégalaise, ni guinéenne, mais la mosquée des fidèles musulmans tout court. D’autres la nomment déjà : « Mosquée du centre ». Centre de tous les problèmes ?

Deux sermons relayés par des haut-parleurs

Tant que la divergence était au niveau de l’appellation, c’était encore mieux. Le pire est que depuis le 27 juin 2014, la situation a empiré. Les fidèles ne savent plus à quel imam se vouer. Ni derrière qui prier. C’est à cette date que la maison de Dieu, reconstruite, a été inaugurée. Le troisième imam de la grande mosquée Fayçal de Conakry, El Hadj Mohamed Lamine Sy, a officié la prière dans la mosquée (précision utile), pour l’occasion. Pendant ce temps, l’autre imam dirigeait la prière dans le hangar d’à côté, aménagé au moment de la reconstruction de la mosquée. Finalement, les fidèles se sont retrouvés avec deux imams, deux sermons relayés au loin par des haut-parleurs et des muezzins différents. Sans compter que les sermons étaient faits dans des langues différentes : le poular et le soussou. Allahou Akbar (Dieu est grand !) Devinez la pagaille. Libre au fidèle de choisir derrière quel imam prier. Les fidèles, plutôt les partisans (comme les a désignés le satirique guinéen, Le lynx) ont échangé des propos pas du tout…islamiques. La bagarre dans la nouvelle mosquée a été stoppée grâce à l’intervention des agents de sécurité qui, exceptionnellement, ont appris la sagesse aux religieux. Ceux-là ont dû raccompagner l’imam Sy dans sa voiture pour le sécuriser. En dépit de tout, une partie de la clôture de la maison de Dieu s’est retrouvée par terre.

Un duo en duel au sommet du mihrab

Cette divergence n’est pas d’aujourd’hui. La « Mosquée sénégalaise » était dans un état de délabrement avancé. En saison des pluies, le toit suintait. Des volontaires ont proposé de la reconstruire gratuitement. Mais les expatriés sénégalais auraient souhaité le faire. L’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade, avait promis de financer les travaux, selon des témoins. Mais à condition qu’il soit réélu. (Mal)heureusement, la présidentielle de 2012 a porté Macky Sall à la tête du pays de la Téranga. N’empêche, la mosquée a été reconstruite, sur financement sénégalais. Par une entreprise sénégalaise qui aurait pour patron un certain El Hadj Amadou Sow, troisième imam de la mosquée, que d’aucuns accusent de vouloir s’imposer premier imam. Mais aussi d’avoir précipité l’inauguration de la maison de Dieu, à l’origine de cet inédit duo en duel au sommet du mihrab. Lorsque les sages de la société s’adonnent à un tel spectacle, c’est plutôt inquiétant. Ils prêtent ainsi le flanc au président Alpha Condé et son opposition qui, pour un oui ou un non, transforment le bled en un ring où tous les coups sont permis. Malheureusement, c’est le bas peuple qui est envoyé au tapis. Le changement finit quand ?

Diawo Labboyah    


Anniversaire du journal La Plume plus

Anniversaire du journal La Plume plus

Une décennie de vie commune !

Nous sommes en 2003, au lycée de Kipé (Ratoma), lorsqu’un groupe d’élèves de la 11e année décide de combler un vide laissé par l’inexistence de tout moyen d’information dans l’univers de l’école guinéenne. C’était là un grand défi pour des jeunes qui n’avaient que le BEPC (Brevet d’études du premier cycle) comme plus grand diplôme. Ils étaient aussi (ils le restent encore) financièrement pauvres. Leur seul atout et certainement le plus important, ces jeunes débordaient d’idées novatrices, d’esprit de créativité et étaient courageux et ambitieux. Alors que leur projet paraissait utopique, ces qualités-là ont permis, le 1er mars 2004, la parution du premier numéro du premier mensuel d’informations orientées strictement sur l’école guinéenne. Son nom : La Plume plus. Le moment est historique. Des mois auparavant, on n’entendait que le nom du canard résonner dans les classes et l’enceinte du lycée de Kipé, mais à présent on découvre l’œuvre. Ceux qui étaient pessimistes finissent par accepter la réalité, mais pas sans interrogations. Est-ce vous qui écrivez ça ? Qui vous finance ? Qui vous assiste dans la correction des articles ? Ce n’est qu’un échantillon des questions auxquelles devaient faire face les fondateurs du journal. Il paraît que « l’émotion est nègre… »

Ils n’étaient pas que des rédacteurs, les fondateurs de La Plume plus assuraient également sa distribution et sa vente dans les écoles, celles qui n’étaient pas dirigées par des prédateurs de la liberté d’expression. Car, rappelons-le, l’œuvre n’avait pas que des amis dans les rangs des autorités éducatives. Mais la vie est faite aussi d’embûches. On continue de faire avec et de jongler pour atteindre notre public cible, les élèves et étudiants. Un défi de plus, à côté du faible pouvoir d’achat et l’absence de la culture de la lecture chez les Guinéens. Entre s’acheter un journal et une miche de pain pendant la récréation, l’élève ou l’étudiant qui a quitté la maison sans déjeuner ne tergiverse pas. Sans compter qu’aujourd’hui, la société est politisée à outrance. Qui veut intéresser un lecteur guinéen, lui parlera de décrets, de manifestations de rue ou de batailles rangées entre Alpha Condé et Cellou Dalein et pire, de la haine ethnique. L’atmosphère est polluée par ce genre d’infos qui ne nous avancent en rien. L’éducation, la formation, la culture, le sport, l’environnement, le civisme et bien d’autres sujets d’importance inestimable sont aux oubliettes.

Le permis de croire 

Le terrain était balisé par Mamadou Samba Sow (Rédacteur en chef), Siba Toupouvogui (Directeur de publication) et les autres prédécesseurs, lorsque je me suis finalement décidé en fin 2005, à prendre le train de La Plume plus. Je venais de décrocher avec brio (17e de la République et 1er du lycée de Kipé, option sciences sociales) mon diplôme de baccalauréat, deuxième partie. Avant, je n’étais pas certain de pouvoir allier les études et l’exercice de ce qui était devenu mon métier de rêve depuis le jour qu’un sage, après m’avoir observé, a révélé à ma mère (que son âme repose en paix) que je ferais un bon journaliste, alors que je n’étais même pas à l’école.J’aurais aimé rencontrer aujourd’hui ces deux personnes (le sage et ma mère) pour leur dire qu’informer, c’est maintenant ma profession. C’est l’occasion de dire merci à mes parents de m’avoir, entre autres, amener à l’école, au sage et à La Plume plus, de m’avoir permis de rêver et de réaliser mon rêve. J’aurais pu abandonner l’école.

La bonne nouvelle de mon admission au bac m’a trouvé dans ma préfecture à Pita, où j’étais en vacances. Je me voyais déjà dans une université marocaine, en qualité de boursier d’Etat, comme la plupart des lauréats guinéens. C’était compter sans la corruption et le favoritisme qui gangrénaient (ce n’est plus le cas ?) l’école guinéenne. Au final, l’Etat ne m’accorda ni bourse dans une université marocaine et pire, encore moins une place dans celle guinéenne. Je devais digérer mon échec au concours d’accès à l’université, instauré plus pour arnaquer  les élèves et leurs parents que pour qualifier le système éducatif guinéen. A la proclamation des résultats, pour la première fois depuis qu’on m’a inscrit à l’école primaire de Bendékouré (mon village) en 1994, des larmes coulèrent de mes yeux et me firent sentir l’amertume et la douleur de ce que c’est que reprendre une classe. C’était d’autant plus douloureux que lorsque vous perdiez le concours, vous n’aviez d’autre choix que rester à la maison jusqu’à la prochaine session, bon à préparer le thé et vulnérable aux fléaux et autres vices qui minent la jeunesse guinéenne.

J’explorai toutes les solutions qui étaient à ma portée. Sans succès. Les DCE (Direction communale de l’éducation), les universités, les particuliers, partout on me dit que l’argent reste la clé qui déverrouille les portes de l’université. A moi dont le tuteur est un enseignant à l’élémentaire, touchant un salaire mensuel qui ne dépassait guère à l’époque 150 000 FG (soit 14 euros, environ), on me demandait de payer entre un million et un million cinq cents francs (100 à 150 euros) ! Heureusement, que « la ceinture d’un homme ne se rompt jamais là où une corde est lointaine », nous enseigne un proverbe peuhl. J’avais à portée de main, ma Sorbonne : La Plume plus.

Le journal me permit de rester dans l’univers de l’école à travers les activités de collecte d’information et de vente des journaux à la parution de chaque numéro. Je n’étais pas le seul rédacteur de La Plume plus à n’avoir pas eu le concours. Lorsqu’on rédigeait, on signait au bas de l’article : « X, victime du concours ». Comme pour se plaindre de notre sort. L’année suivante, la signature devenait plus longue : « X, victime du concours et de la sélection ». Personne n’entendit notre cri de cœur. Bien que le concours d’accès à l’université fut supprimé en 2006 et remplacé par « La sélection », mes camarades et moi ne fûmes pas sélectionnés cette année encore. Je ne pleurai plus, cependant. Je riais même sous cape quand j’entendais des autorités éducatives, souvent corrompues jusqu’à la moelle, dire qu’on tenait compte de la moyenne du candidat pour le sélectionner. J’attends encore qu’on prouve que mes 13 de moyenne générale étaient en dessous de ce qu’il faut pour être à l’université. Par contre, une autorité de l’éducation surprise par mon rang (17e de la République) m’a demandé ce qui m’empêchait d’entrer à l’université. Je ne pouvais que lui renvoyer la question.

Toute chose a une fin. En 2008, après trois ans de « vie en jachère », des âmes sensibles m’ont permis, moyennant rien, d’entrer à l’université général Lansana Conté de Sonfonia et d’en sortir en 2010 avec une licence en droit international. Je leur dis, du fond du cœur, merci. En janvier 2011, au terme d’un an et trois mois de courses, je finis par être accepté comme stagiaire au Lynx, le premier journal satirique et privé de Guinée. Un an après, on finit par m’employer. J’y suis, aujourd’hui encore. Mon unique diplôme en journalisme, l’expérience acquise au journal La Plume plus, maintenant au groupe de presse Lynx/Lance et ailleurs. Un jour, comme Martin Luther King, j’ai dû rêver…d’être journaliste. Aujourd’hui, comme Barak Obama, je dis : « Oui, nous (jeunes de Guinée) pouvons ». Joyeux anniversaire à tous.


Les oubliés de Centrafrique !

N’y a-t-il pas de Guinéens en Centrafrique ? N’eût été le méchant mutisme bouche cousue affiché par les autorités guinéennes devant le drame humanitaire que traverse la Centrafrique, cette question n’aurait pas de sens. En raison des intempestives crises politiques et économiques de leur pays, les Guinéens sont réputés être des aventuriers de bonne race. Sans doute, ils sont nombreux les compatriotes oubliés dans la terreur de Bangui par leurs dirigeants de Conakry. Sans doute qu’ils doivent faire l’objet de cible, les Guinéens étant majoritairement religieux. Et l’on sait que la guerre centrafricaine a pris des proportions confessionnelles. Mais qu’importe ? Conakry a du mal à s’émouvoir, comme d’habitude.

Les gouvernements responsables ont depuis affrété des vols spéciaux pour rapatrier leurs citoyens : le Nigeria, le Tchad, le Sénégal, le Mali et j’en passe. Une fois encore, le Sénégal a dû faire preuve de générosité envers le pays d’Alpha Condé en rapatriant trente Guinéens de Centrafrique, d’après le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye. Où est Rougui Barry, la ministre déléguée aux Guinéens de l’étranger ? Où est François Lounsény Fall, le ministre d’Etat des Affaires étrangères ? A moins qu’avec la démission annoncée du gouvernement de Mohamed Saïd Fofana, les deux soient occupés à plier leurs bagages. En tout cas ce serait salutaire. Les Guinéens de Centrafrique seraient très heureux de ne pas vous revoir dans le futur gouvernement. Mais attendons de voir si le président Alpha Condé ne va pas recomposer avec les mêmes hommes dans la future équipe gouvernementale. Comme il en a fait avec le slogan de changement dans la continuité.


Impunité en Afrique : ces hommes forts dans des Etats faibles !

« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes » avait fait remarquer Barack  Obama en 2009 au Ghana, lors de son premier voyage africain en tant que président des Etats-Unis. Il risque d’achever son deuxième mandat sans que ses homologues africains n’aient assimilé la leçon. Comme plus que jamais, le continent noir peuple d’hommes hyperpuissants, qui s’estimant au-dessus de la loi, n’en font qu’à leur tête. Les exemples sont légion.

Au Mali, le capitaine Amadou Haya Sanogo, l’ex-homme fort du pays continue de garder apparemment toutes ses forces. Auteur du coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a déposé le président Amadou Toumani Touré (à quelques jours de la fin du mandat de celui-ci), le maître du camp militaire de Kati, fort aussi bien de ses galons que de sa troupe, a refusé catégoriquement de comparaître devant la justice de son pays. Celle-ci avait estimé opportun que le prévenu capitaine vienne s’expliquer sur le bilan macabre de son putsch. Notamment, à propos des affrontements du 30 avril 2012 entre ses hommes (les bérets verts) et les bérets rouges. Une fois encore, la raison du plus fort aura pris le dessus sur la loi. La justice, c’est pour les pauvres, à la fois démunis et désarmés. En tout cas, le capitaine Amadou Sanogo a refusé d’obtempérer au mandat d’amener du juge d’instruction Yaya Karembé.

Les Guinéens ont-ils tort de croire détenir le monopole de l’impunité ? Aussi faudrait-il rappeler que (comme on a l’habitude de le dire) « La Guinée et le Mali sont deux poumons dans le corps ». Ainsi, rien d’étonnant que les deux pays ont des réalités en partage.

Certes, Conakry a eu droit le 23 décembre 2008 à un coup d’Etat sans effusion de sang. Ce qui, à vrai dire, n’était nullement à mettre à l’actif des putschistes. L’histoire des manifestations de rue en Guinée a maintes fois démontré que militaires et forces de l’ordre ont la gâchette facile.

Les Guinéens lassés des 24 ans de pouvoir du président Lansana Conté et de son entourage n’avaient aucun intérêt à s’opposer à un coup d’Etat, devenu l’unique sinon l’inévitable alternative politique possible. Pour les Guinéens, entre la solution constitutionnelle incarnée par Aboubacar Somparé, alors président d’une Assemblée nationale périmée et l’inconnu jeune et bouillant capitaine Moussa Dadis Camara, président autoproclamé, le choix était difficile pour ne pas dire impossible à faire. Certains ont même parlé d’un choix entre peste et choléra. Les Guinéens ont finalement regardé faire. Que le meilleur, plutôt le plus fort gagne ! Le suspense ne dura pas longtemps.

M. Somparé qui qualifiait au début les putschistes d’un petit groupe de soldats déloyaux qu’il maîtriserait sans effort se rendit à l’évidence. Comme les derniers coups de sabot d’un cheval mourant, sa voix s’estompa. Le coup d’Etat, avec ou sans appétit, fut consommé. Avec plus de peur que de mal, notamment celle de Ahmed Tidiane Soiré, dernier Premier ministre du régime Conté. Ce dernier convoqué avec les membres de son gouvernement au camp Alpha Yaya Diallo, le quartier général de la junte, a juré devant l’éternel de ne pas faire obstacle à la bonne marche du coup de force. Voilà pourquoi le sang des Guinéens n’a, du moins à cette occasion, pas été répandu dans les rues de Conakry. Mais ce n’était que partie remise.

Le 28 septembre 2009, la junte militaire a dû démontrer que c’est parce que les Guinéens ne s’étaient pas opposés au coup d’Etat qu’ils n’avaient pas payé de leur sang leur témérité. Des fleuves de sang auront coulé en ce jour fatidique. Officiellement, 150 âmes ont été sacrifiées pour que le capitaine se maintienne au pouvoir qu’il commençait à chérir au fil du temps. Pour la première fois dans l’histoire de la Guinée, des femmes sont violées en plein jour (des horreurs que le capitaine Sanogo a épargnées aux Maliens). Sans compter les disparus et les nombreux blessés. Quatre ans après ce carnage, la justice guinéenne n’a pas mieux fait que celle malienne.

Les bourreaux bénéficiant de l’impunité la plus totale se la coulent douce dans Conakry. Pire, en récompense de leurs forfaitures, ils sont primés, couronnés, gradés et promis à des postes de responsabilité dans les plus hautes sphères administratives. Les états généraux de la justice guinéenne de mars 2011 n’ont fait que stimuler l’impunité et les exactions. Le président Alpha Condé a décrété 2013 comme année de la justice. A quelques jours de 2014, les Guinéens n’auront vu que dalle. Aujourd’hui, les criminels, les meurtriers vivent plus libres que leurs victimes.

Les violées du 28 septembre, en plus du malaise qu’elles éprouvent de ne pas obtenir justice, vivent discriminées. Il y en a qui ont perdu leur mari le jour qu’elles ont perdu leur dignité dans et autour du stade du 28 septembre. Réunies en association et aidées par des organismes caritatifs et de défense des droits humains, elles cherchent à se remettre de leur mal en apprenant des métiers comme la saponification, la teinture, la coiffure ou autres. Mais ces femmes en raison de leur état de victimes se verraient refuser l’octroi de crédit par les institutions de microfinances. Une double injustice !

A part la Guinée et le Mali, les hommes forts sont aussi en Côte d’Ivoire où depuis l’investiture du président Alassane Dramane Ouattara en 2011, la justice ivoirienne ne mène son offensive que vers le camp du président déchu, Laurent Gbagbo. Peut-être que les pro-Ouattara sont des saints. Ce qu’on qualifie de justice à deux vitesses en Guinée, s’appelle justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens peuvent tout de même garder espoir de voir les pro-Ouattara répondre de leurs actes devant la justice. Il leur suffira de voter FPI (Front populaire ivoirien) à la prochaine présidentielle pour que la situation change de camp. Ainsi, il ne restera qu’à l’artiste musicien Tiken Jah Fakoly à remixer la belle chanson qu’il avait dédiée aux Guinéens et à la réadapter à la situation de ses compatriotes ivoiriens. On aura alors au lieu de « Conakry électricité, chacun à son tour comme chez le coiffeur », « Abidjan justice, …. ». De toute façon, il n’y a plus de tour-tour à Conakry d’autant qu’il n’y a plus de courant. Donc, les Guinéens ne rougiraient pas que leur chanson rende autrement hommage à leurs frères ivoiriens.


L’assassinat de Ghislaine et Claude, un acte ignoble

Hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Exceptée sa voix qu’on entendait sur les antennes de Rfi, comme tout jeune journaliste nouvellement venu dans la profession, je n’ai pas connu Ghislaine Dupont, encore moins Claude Verlon. Néanmoins, il faudrait avoir une pierre à la place du cœur pour ne pas être indigné par le meurtre ignoble et lâche de ces deux confrères de Rfi, froidement assassinés le 2 novembre 2013 près Kidal (Mali). Certes, c’est la liberté d’expression qui est ainsi assassinée, mais au-delà du devoir de confraternité entre journalistes, c’est « l’Homme » tout court qui, dans sa dignité, est ébranlé par cet acte. Des journalistes dont le professionnalisme dans le traitement de l’information fait l’unanimité, ne devraient  pas faire les frais d’un conflit qui oppose des groupes armés à un ou des Etats.

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Ces soi-disant djihadistes ont eu tout le temps pour montrer ce dont ils sont capables face aussi bien à la Misma (mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) qu’à l’opération Serval. Ce n’est pas après la libération du Nord-Mali et l’investiture d’un président de la République élu démocratiquement, qu’ils vont s’en prendre à des innocents qui n’ont comme armes que le micro, le stylo et la caméra. On n’a pas besoin de connaître le droit international humanitaire pour distinguer le combattant du non-combattant.  Rien ne justifie l’assassinat de ces deux journalistes. C’est juste un crime crapuleux. Qu’on soit journaliste ou non, Français ou citoyen d’un autre pays, de confession chrétienne ou musulmane, on ne peut que le déplorer.

Les ennemis de l’islam

Ce ne sont pas les non-musulmans qui ternissent le nom de l’islam, mais ceux qui assassinent au nom de l’islam pour, en réalité, leur propre compte, servir leurs intérêts égoïstes, leur insatiable cupidité. Ils se font appeler « islamistes » ou « djihadistes », alors que les noms qui leur conviennent le mieux sont, « terroristes, « bandits », « voleurs », « contrebandiers », « criminels », « malfrats » et que sais-je encore ? Pour preuve, ils ne prennent comme otage que ceux qui ont la bourse assez remplie pour payer des rançons de millions d’euros. Un otage indigent, c’est du jamais vu, ni entendu. Les pays pauvres bien qu’ils sont aussi peuplés de  non-musulmans ne sont pas inquiétés car des telles opérations ne feraient pas recettes.

Qui connaît la destination de cet argent rançonné au nom de l’islam ? A-t-on construit une mosquée ou mené une action humanitaire avec ? Il est facile de deviner que non. Cet argent n’a eu d’autre destination que la poche de ces mêmes terroristes. Mais ce qui est malhonnête dans tout ça, c’est de dénoncer avec la bouche l’islamophobie et manger avec la même bouche l’argent des islamophobes. Alors accomplissez vos business malsains et laissez tranquilles l’islam et la vie des journalistes. De grâce !

La presse guinéenne rend hommage

Ce mardi 5 novembre 2013, la presse guinéenne débout derrière Mouctar Bah, le correspondant de l’AFP en Guinée, est venue pleurer à la Maison de la presse ce qui lui restait de larmes. Pour rendre un dernier hommage à Ghislaine et Claude, morts sur le champ de bataille, les armes de la liberté à la main. Je disais au début de ce billet que je n’ai pas connu Ghislaine et Claude physiquement. De leur vivant, aurais-je dû ajouter. Morts à présent, je les découvre. Grâce au témoignage certes pathétique, mais riche de celui qui était leur collègue, Mouctar Bah.

Parlant de Ghislaine Dupont, Mouctar Bah a déclaré: « Je l’ai connue d’abord à Paris et puis à Conakry. C’est une professionnelle que beaucoup ont pu entendre. C’est une journaliste de métier dossiers, d’analyses. Ce n’était pas une journaliste de l’à peu-près. Ce n’est pas parce qu’elle est décédée. Tous ceux qui écoutent Rfi ont entendu Ghislaine.  Pour étayer ses dires, le correspondant de l’AFP a évoqué ’un séjour en Guinée de Ghislaine en 2008. Le pouvoir de feu président Lansana Conté agonisait. Le président lui-même n’était plus qu’un lion édenté qui ne fait plus peur à personne. Comme c’est souvent le cas en pareilles circonstances dans nos démocraties bananières, les jeunes militaires se révoltent au Camp Alpha Yaya Diallo, situé dans la banlieue de Conakry. Pour la première fois, les Guinéens ont entendu le nom d’un certain Claude Pivi qui s’était autoproclamé porte-parole non seulement des mutins, mais aussi de l’armée guinéenne.

Ghislaine Dupont qui se plaisait à relever les défis des reportages les plus chauds pour ne pas dire périlleux, décide de se rendre dans la tanière du lion, interviewer Claude Pivi que n’osait même pas approcher à ce moment là le chef d’état-major général des armées. « Pivi était bardé de cauris et de gris-gris, décrit Mouctar Bah. Ce n’était pas un homme méchant, mais personne n’osait s’approcher de lui. Même la hiérarchie militaire avait quitté le camp. Ghislaine voulait aller voir Pivi. Je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas compter sur moi, ni sur mon chauffeur. Malgré cela elle a décidé d’y aller. Ghislaine a été déposée avant le camp par le chauffeur de taxi. Elle fit le reste du chemin à pied. Mouctar Bah de poursuivre : « Au bout de quatre heures, elle me retrouve à l’hôtel. Elle me dit, j’ai vu Pivi, gentil, humain, extraordinaire ! ». C’est quand elle a diffusé la première interview de Pivi que les journalistes guinéens ont osé demander audience au camp Alpha Yaya ».

Au Congo, Ghislaine Dupont n’aura pas pu gagner l’amitié des autorités qui l’ont expulsée pour se mettre à l’abri de ses reportages . Mouctar de railler : « Quand on voulait se moquer de Ghislaine, on lui disait, c’est grâce à toi que Rfi n’a pas couvert les élections au Congo ».

 Contrairement à Ghislaine, Mouctar n’a pas bien connu Claude Verlon. Mais il garde quelques souvenirs de lui : «  Je me souviens de lui avoir serré la main dans les couloirs de Rfi à Paris. Il est venu en Guinée en 2007, à l’occasion du prix découverte Rfi. On n’était pas familier, je ne peux pas parler de lui. Mais vous avez entendu comme moi que c’était un génie, un technicien de son, hors du commun. Vous avez entendu parler de Claude Verlon en Libye, en Irak, en Syrie ; partout où il y a des conflits, il est là ».

L’ambassadeur de France en Guinée,  Bertrand Cochery, accompagné de son homologue d’Espagne,  Guillerme Aridzone, était aussi à la Maison de la presse où il a rendu hommage aux deux journalistes : « La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon est un assassinat odieux, abject qui ne peut susciter que l’indignation. Aujourd’hui, c’est Rfi qui est en deuil, leur  famille, la France et toute l’immense communauté des médias africains pour qui et avec qui Ghislaine Dupont et Claude Verlon avaient si étroitement travaillé  jusqu’à la dernière minute ». Un message aux journalistes en début de carrière : « Je pense que le plus bel hommage que vous puissiez faire à Ghislaine et à Claude c’est que tous les matins, quand vous travaillez, de penser à eux, à leur exigence, leur professionnalisme. Ce faisant, vous serez vous-mêmes les détenteurs de ce qu’ils ont donné pour la presse, pour sa liberté, pour la vérité ». Dormez en paix, chers confrères combattants.

 


Célébration de fêtes en Guinée : Pas toujours pareil partout et en tout temps

Le monde évolue et bien des pratiques sont révolues. En Guinée, les fêtes religieuses (musulmanes) se célèbrent différemment, selon qu’on soit dans la capitale Conakry ou à l’intérieur du pays. Je me rappelle encore une fête au village, j’avais entre six et neuf ans. C’était un moment très attendu par les enfants de mon âge. L’occasion espérée pour arborer des habits neufs et déguster des mets copieux. J’interrogeais sans cesse ma mère sur la date de la fête. La nuit de la veille de l’événement, j’étais impatient de voir le soleil poindre à l’horizon. Dès l’aube, résonnaient les premiers coups de tambour. A cette occasion, je ne me faisais jamais prier pour sortir du lit. Je me lavais avec empressement, sans me faire engueuler, en dépit de la fraîcheur matinale. Il faut faire vite avant les seconds coups de tambour qui annoncent le départ pour le lieu de la prière.

photo moutons en vente. crédit: Labboyah
photo moutons en vente. crédit: Labboyah

C’est un endroit autre que la mosquée, un grand espace où se retrouvent les fidèles. Depuis le décès de l’Imam El Hadj Sidy, la prière de la fête du Ramadan ou de la Tabaski est souvent délocalisée hors du village. El Hadj Sidy est un septuagénaire, qui maîtrisait parfaitement le coran. A la Mecque, il avait une facilité à communiquer avec les Arabes dont il parlait la langue.
Le lieu de la prière, aménagé à l’ombre d’un arbre, était un champ de mon feu père, qu’il a gracieusement dédié à la cause de Dieu. Fils unique de son papa, il était un grand propriétaire terrien. « C’est avec ces herbes qu’on nous a élevés », me disait souvent mon père, en indexant ses vastes parcelles. Très jeune, je me demandais pourquoi me le disait-il avec autant de fierté. Il m’a fallu du temps pour savoir que mon père voulait juste me faire comprendre qu’il doit sa subsistance aux fruits de la terre ; une terre à laquelle il vouait un grand amour. Il était prêt à tout pour la conserver. Cuisinier en Sierra Leone, mon père avait décliné catégoriquement l’invitation de ses employés blancs qui voulaient partir avec lui au Canada. Au seul motif qu’il rentre récupérer ses terres, que des malhonnêtes gens voulaient exproprier. Ses enfants n’ont pourtant pas aimé cette attitude. Même qu’ils prenaient le passeport de papa pour aller se marrer devant lui.
Kourahoun Iidi, était le nom du lieu de la prière. Le jour de la fête, il était envahi par les fidèles. On y vendait toutes sortes de mets : gâteaux, bonbons, bananes et autres. Avec des séances de photos pour immortaliser l’événement. L’annonce de la prière suspend le battement de tambour. Après les deux rakats, l’Imam prononçait « Assalamou Alaïkoum » (la paix sur vous), pour la fin de la prière. Aussitôt, les enfants se lançaient dans une course folle. Un véritable marathon qui symbolise la poursuite ou la mise en déroute de Satan, nous disait-on. Pour rentrer à la maison, on empruntait un chemin autre que celui de l’aller. Parait que c’est pour accroître les bénédictions. Le soir, mes camarades et moi, nous nous retrouvions pour continuer la fête à notre manière. Une semaine auparavant, chacun avait harcelé ses parents (moi, ma mère) pour trouver sa cotisation. Le non paiement de la somme pouvait valoir l’exclusion de toutes les activités du groupe et pour une longue durée. Sans compter les moqueries et autres humiliations. L’argent servait à préparer des plats, des galettes, à payer des boîtes de conserve, mais aussi à acheter des piles pour faire tourner la cassette dans le combiné emprunté au voisin.
Des années après, ces merveilleux moments me rendent nostalgique. Les temps sont révolus et la fête à Conakry est différente de celle du village. Certaines pratiques ont disparu. Chasser Satan ou emprunter un chemin différent pour retrouver le bercail n’est pas très suivi. A Conakry, les enfants ne regroupent pas leurs plats pour manger, ne se retrouvent pas dans une case pour danser. Les enfants de Conakry préfèrent se faire accompagner dans des endroits publics pour suivre des concerts, aller à la plage, au cinéma, voire en boîte de nuit. Mais en cette période de vache maigre, il faut des parents aisés pour le faire.
L’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE n’a pas eu d’effet positif sur le pouvoir d’achat du Guinéen. Le climat d’incertitude dû à l’attente prolongée des résultats des législatives du 28 septembre et les soucis inhérents aux frais de la rentrée scolaire n’ont pas rendu la fête de Tabaski de cette année encore belle à Conakry. Elle n’aura pas mérité son nom de « Fête de mouton ». En lieu et place des fidèles musulmans, sans doute que les béliers ont célébré leur survie. « J’ai eu des vertiges lorsqu’on m’a dit que le mouton coûte un million trois cent mille francs » s’est lamenté un fidèle. Et pourtant, il y en a qui ont coûté le double. Les gros moutons, notamment ceux importés du Mali, se sont vendus jusqu’à deux millions sept cents. Et que dire d’un taureau à huit millions que nous a présenté un jeune à « Momo-Liberté » (lieu de vente du bétail dans la commune de Dixinn, Conakry)? Heureusement égorger un bélier à l’occasion de la Tabaski n’est obligatoire que pour ceux qui en ont les moyens. Sinon, certains fervents mais indigents fidèles auraient fait recours à la solution d’Abraham, c’est-à-dire sacrifier leur fils unique. Encore faut-il avoir sa foi.
Les salons de coiffure et les ateliers de couture n’ont pas connu l’habituelle affluence. Beaucoup ont dû reprendre les anciens habits, bien repassés pour se faire beau. Ne dit-on pas à défaut de sa maman, on se contente de sa grand-mère ?


Vol dans les mosquées en Guinée: On vous prie de prier sans plier…les tapis !

Mosquée Fayçal - Crédit photo: visionguinee.org
Mosquée Fayçal – Crédit photo: visionguinee.org

En Guinée, les maisons de Dieu ne sont pas fréquentées que par les « vrais » fidèles musulmans. Il y en ceux qui y vont pour prier, d’autres pour mendier et d’autres enfin pour voler. A cette dernière catégorie de « fidèles », il faudrait désormais leur prier de prier sans plier les tapis, les nattes ou les moquettes de prière.

Pour qui vit en Guinée, notamment dans la capitale Conakry, le phénomène du vol dans les mosquées n’est en rien un fait nouveau. Il le vit au quotidien. On y dérobe tout ou presque : téléphones portables, chaussures notamment. C’est pourquoi la plupart des mosquées sont pourvues d’étagères où les fidèles posent leurs chaussures. Car si vous vous déchaussez à l’entrée, le risque de repartir pieds nus à la maison est trop grand. A moins que vous n’étiez venu avec des chaussures usées. Une stratégie des petits malins.

Dans les années 2000, alors que j’étais collégien à Timbi Madina, préfecture de Pita, j’en avais fait l’expérience en plein mois de Ramadan. A la sortie de la mosquée après la prière, j’ai été désagréablement surpris de trouver à la place de mes sandales neuves, des chaussures éculées. Pire, plus grandes que ma pointure. C’était néanmoins mieux que rien. Dans la plupart des cas, le voleur ne vous laisse rien.

Ramadan 2013, dans une mosquée du quartier Kénien en plein cœur de Conakry, l’expérience récidive. Cette fois-ci, la victime ce n’est pas moi mais plutôt, tenez-vous bien, la maison de Dieu elle-même ! Après la prière de l’aube, plus d’un aura été surpris d’entendre l’Imam demander aux fidèles d’évacuer la mosquée illico. Parce qu’une partie des moquettes a été emportée la veille par on ne sait encore qui. Dorénavant, a informé l’Imam, les portes de la mosquée seront fermées à double serrure après chaque prière. Personne n’y restera pour continuer à prier ou pour quelque autre motif que ce soit. Dura lex, Sed lex ! La mesure est encore en vigueur dans cette mosquée.

Tellement qu’il était fâché, l’Imam après avoir récité quelques sourates du Saint Coran, a maudit le voleur. Alors qu’en pareille circonstance, c’est la bénédiction qui est recommandée par l’Islam. La stratégie consiste à prier pour le changement de comportement du malfaiteur. Le maudire risque d’accroître sa capacité de nuisance à la société.

Le vol dans les mosquées n’épargne aucun fidèle musulman. Le président de la République, « El Hadj » Alpha Condé, l’aura appris à ses dépens. En 2011, quelques mois après son investiture, il s’est rendu à Kindia, préfecture située à 137 km de Conakry pour inaugurer la mosquée du coin. Pendant la prière, un voleur ingénieux a réussi l’exploit de chiper le téléphone du Chef de l’Etat dans sa poche, sans attirer l’attention de ses nombreux gardes du corps. Un Black-Berry dont l’écran affichait la photo du fils unique Mohamed Condé, selon des indiscrétions.

La mosquée est un lieu de prière, d’adoration et de recueillement. Ce qui nécessite chez le fidèle musulman une réelle concentration pour bien communier avec Allah. Mais lorsqu’on a ses biens exposés à l’insécurité, il est difficile voire impossible de rester serein en priant. Allahou Akbar ! (Dieu est Grand !)