Florian Ngimbis

Je suis camerounais, je suis Boko Haram

Hier mon pays a fait la une du JT français. Notre Roi qui se bat pour obtenir la fameuse photo de la poignée de main sur le perron de l’Elysée; lui dont les services ne se gênent pas pour payer des colonnes des Journaux hexagonaux à prix d’or, ce, pour présenter la magie des grandes illusions Réalisations, a dû être heureux hier car sans courbettes, ni argent, le triangle national était à la une des médias gaulois.

Bon, c’est vrai qu’une affaire d’enlèvement n’est pas forcément une publicité positive. Mais bon…

Boko Haram. Ces gens me plaisent. Ils sont aussi futés que les commerçants Bamilékés. Ils ont très vite compris qu’enlever des occidentaux était le moyen le plus sûr de s’engraisser. Le blanc a de la valeur en ce siècle, et les barbus ne font que suivre la tendance d’un marché qu’ils semblent maîtriser. Ils ne sont pas les seuls hein? Nous autres camerounais l’avons aussi compris. En chaque camerounais il y a un peu de Boko Haram.

J’en ai fait la triste expérience dernièrement. Soirée chaude à Yaoundé. 30 degrés. Temps idéal pour avaler des castels congelées. Je reçois le coup de fil d’un copain. Mbom tu es où? Retrouve moi à x endroit. Ma fiancée est sur place. Tiens lui compagnie je suis en route.

Dix minutes plus tard, je suis sur place. Un coup  de fil et je me retrouve en face de la « fiancée » que je vois pour la première fois. Elle est blanche comme de la craie. Pas blanche de peur hein? Blanche par ce qu’européenne.

Bisou à gauche puis à droite et nous voilà en train de deviser comme de vieux amis. Une heure plus tard l’ami n’est toujours pas là. Les camerounais et l’heure hein? Toute une histoire.

Je décide de changer de terrain d’opération. Vous savez, les snacks soi-disant luxueux avec leurs chaises en faux métal chromé m’énervent. Surtout que vu les prix pratiqués, encore quelques tours de table et ce serait à la police que je devrais aller régler la facture.

Direction mon fief, mon petit bar de quartier que j’affectionne. La fille est un peu surprise, mais bon, son mec a dû lui dire que je je suis pas un kidnappeur, vu qu’elle me suit en souriant. Nous voici devant une table plus ou moins propre. La sono hurle « l’homme c’est l’homme tant que ça se lève ». Le tout au milieu de la fumée des fourneaux de porc et et des effluves de poisson braisé. Du rire, des blagues grasses des jolies minettes, bref, le Cameroun que j’aime.

Rien qu’à la façon dont l’assistance nous a reluqué à l’entrée, j’aurais dû comprendre qu’il y’avait anguille sous roche, mais bon…

A une table voisine, un groupe d’habitués. De vieilles connaissances, vous savez, ces « grands » qui glandent, mais boivent à longueur de journée dans les poches des autres. Des requins de bar qui sentent l’odeur de l’argent à des kilomètres et peuvent te maudire à cause d’une bière non offerte. Je remarque à un certain moment que comme la majorité des autres clients, ils s’intéressent un peu trop à notre table. Soudain l’un d’eux se lève et vient me saluer avec affectation: bonjour président!

Malchance! Vous vous souvenez de cette affaire de « prési » non?

Le type garde longuement la main de la « blanche d’autrui » dans la sienne. Puis au lieu de partir, décline toute son identité et se lance dans un éloge obséquieux et gênant de ma personne.

Le petit-ci, je l’ai vu grandir. C’est un génie. Quand il part là bas chez vous les Blancs, je l’écoute à la radio… blablabla.

Le tout avec un subit accent francilien que je lui connais pas. La whitisation comme on dit par ici.

C’est évident, il croit que c’est « ma blanche ». Bleu de honte je digère ses âneries.

Ils sont venus comme ça. A tour de rôle, présenter leur allégeance au « Prési Florian Ngimbis » et tous sont repartis avec une bière. A un certain moment mon portefeuille s’est mis à clignoter: petit! Je suis dans le rouge. Encore un faux geste et même l’argent de taxi pour demain tu n’auras pas.

Enervé, je me lève pour aller régler ma facture au comptoir sous les regards haineux de certaines ex-lianes attablées et ceux admiratifs (je veux le penser) des connards qui viennent de me sucer la moelle.

Au comptoir, surprise. Le barman, mon ami de toujours (du moins je le croyais), me sort après avoir encaissé mon fric: petit tu sais que tu as une facture qui dort ici hein?

– Heu… On s’est dit demain non? Je n’ai plus grand chose sur moi.

– Mouf! Tu es avec la blanche c’est toi qui paie? C’est ton argent? Tu me prends pour un idiot?

J’ai du batailler dur pour le convaincre. Je suis reparti avec les encouragements murmurés par la bande de gratteurs : nooon petit! Tu es fort. Confiance! Donne lui un bon plantain et reviens nous trouver on mange les euros là.

La dernière image que j’ai est celle de leur table où, le pouce levé dans le dos de ma compagne, les connards me faisaient des grands signes pour me féliciter et me motiver tout en avalant mes bières.

Quelques instants plus tard j’appelais mon ami: pardon, viens récupérer ton colis, je ne suis plus là. Je n’ai même plus soif.

Je suis quitté derrière les problèmes.

Certaines expériences méritent d’être vécues pour démontrer la bêtise de la société. Ce regard sur les couples mixtes m’énerve. Si tout le monde est tout sourire quand ils sont présents, le dos tourné, ce sont des remarques désobligeantes, des allusions à la limite obscènes.

Le camerounais: j’aime cette fille.

La société: L’amour hein? c’est ça! On vous connaît!

La « blanche » est considérée comme un portefeuille ambulant en manque de sensations fortes. Toi le « négro » comme un pénis sur pattes qui « baise comme un noir pour vivre comme un blanc ».

Peu importe que ce soit toi le porte-monnaie du couple. Peu importe que vous vous aimiez d’un amour sincère. La société, ta famille te verront comme un conquistador ayant récolté les trésors d’un lointain eldorado. Un héros chargé de recouvrer la « dette coloniale ».

Maladie: driiing le téléphone sonne. On t’attend à l’hôpital avec la facture de médicaments.

Anniversaire: drrring! Voici le gâteau que je veux. Viens seulement payer.

Mariage: viens tout acheter, nous on viendra seulement se passer la bague au doigt.

Un obscur cousin se fait arrêter: drrrring!  Nous voici devant le commissariat on t’attend.

Pourquoi moi? Ben mon frère tu as la blanche non? Vive l’amour pour tous!

Pas besoin de se rendre dans un lointain parc animalier pour se faire kidnapper. Parfois Boko haram est tout près. Dans une famille, dans un bar prêt à en découdre avec cette « éducation occidentale » qu’ils prétendent décrier, mais dont les euros leur font tant de bien.

Peace Boko Haram!

 


Bientôt Koh Lanta-Yaoundé!

Capture d’écran videos.tf1.fr

Parfois, Canalsat suspend le câble. Je ne leur en veux pas, ils doivent sûrement appliquer la parole biblique qui dit au pauvre  on enlèvera le peu qu’il a… Donc, quand Canalsat daigne nous laisser regarder les chaînes du câble je regarde parfois Koh Lanta. Vous savez, cette émission où des gens doivent survivre avec le minimum sur une île inhabitée etc.

Je rigole souvent, en me disant mais c’est quoi cette mascarade?  Si si. On parachute des gens sur une île dénuée de tout danger, on leur donne du riz, de l’eau et on leur dit qu’ils sont en mode survie ?

Si un jour je participe à l’organisation de cette mascarade, je vais proposer un Koh Lanta Yaoundé. Ne riez pas, je suis sérieux. Notre chère Ongola a tout pour organiser un Koh Lanta mémorable.

Chez nous à Ongola, ce n’est certes pas la jungle tropicale, mais c’est mieux : c’est la jungle urbaine.

Principe

Ce ne sera plus affaire d’île. Ce seront vingt candidats devant survivre à Yaoundé avec en tout et pour tout 500F par jour. Durée de l’épreuve 30 jours (objectif atteindre la fin du mois et les salaires).

Pour venir déjà, ce sera une épreuve. Tant pis pour ceux dont le voyage s’arrêtera là. Savoir comment justifier l’absence de carnet de vaccination. Savoir comment justifier la présence de son ordinateur de travail ou d’une caméra dans sa valise. Sponsor potentiel : la douane camerounaise.

Ensuite il ne s’agira pas de faire comme les gens de Koh Lanta hein ? Aucune goutte d’eau ne sera fournie.  La Camerounaise des Eaux (un des sponsors potentiels de Koh Lanta Yaoundé) y veillera. Arrivez quand vous voulez : saison sèche, saison des pluies : on s’en fout. Les candidats auront un communiqué de la CDE toutes les heures : il n’y a pas d’eau parce qu’il n’y a pas de courant.

Koh Lanta Yaoundé se passera dans le noir. Pas d’électricité. Peu importe votre quartier. Bastos ou Ntaba. Noir c’est noir, on vous enlève l’espoir. Les candidats devront tenir compte de ce facteur lors des épreuves impliquant la traversée de la route (indice : pas de courant, pas de feu de signalisation). On a un sponsor tout trouvé : AES Sonel, ceux dont le slogan devrait être obscuriting Cameroon.

Néanmoins les candidats devront répondre à quelques critères hein ?

Ne pas avoir de santé fragile.

Parfois ici grâce au sponsor Camerounaise des Eaux, l’eau est vraiment rouge hein ? Donc même filtrée attention au choléra. Ne pas avoir de troubles respiratoires. On ne sait comment ils ont réussi, mais nos sponsors CSPH, SONARA, Tradex et d’autres réussissent à distribuer un carburant malodorant de mauvaise qualité qui, s’il est mauvais pour les moteurs, l’est aussi pour les poumons. Du moins on le suppute. Donc les asthmatiques et autres, ne postulez pas.

Epreuves

Les candidats à Koh Lanta- Yaoundé auront l’embarras du choix tant la palette des épreuves est riche :

  • Faire le tour de Yaoundé en voiture sans se faire rançonner par la police (si vous résistez et finissez au commissariat, ça ne nous engage en rien)
  • Faire le tour de Yaoundé à moto sans se faire renverser ou mieux, tuer (épreuve facultative car la mort et l’amputation devraient être facultatives)
  • Se faire opérer  et survivre à une coupure d’électricité pendant que vous êtes au bloc (liste d’hôpitaux ne possédant pas de groupes électrogènes fournie en annexe)
  • Passer une semaine sans recevoir un mail de Marie de Ringo (ne demandez à personne qui c’est)
  • Faire légaliser un document à la sous préfecture de Yaoundé 3 pendant une coupure de courant (le compostage électronique nécessite le courant, mais pour cette épreuve les timbres en papier, même faux, sont autorisés)
  • Regarder un ralenti lors d’un match retransmis à la Ciartivi la chaîne nationale (nous autres organisateurs rions en proposant cette épreuve)
  • Avoir une conversation Skype sans coupure de connexion (les appels doivent comporter la vidéo)
  • Arriver à l’heure à un rendez-vous un jour de sortie du chef de l’Etat (si la garde présidentielle vous abat, ça ne nous engage pas)
  • Passer une journée sans recevoir un sms de pub de MTN Cameroon (si vous perdez, ne demandez à personne comment ils ont eu votre numéro)

Immunité

L’immunité totale sera accordée au candidat qui répondra à la question: Pourquoi les Camerounais ne s’impliquent que dans les problèmes des autres et sont si indifférents quand ça concerne leur pays?

Par contre je recommande la suppression de la méthode du vote pour éliminer les candidats. Affaire de vote par ici, on sait comment ça commence mais la fin semble écrite par la même personne.

En outre,  Koh Lanta Yaoundé ne sera qu’un échauffement en vue du vrai Koh Lanta : Koh Lanta Douala avec une épreuve de mort subite : traverser la rue au lieu dit Boulangerie COAF. Là on va bien rire.

Nom de baptême: Koh Lanta Yaoundé: trente ans jours avant le renouveau.

Peace !

 


Les nuits avec ma camerounaise

Hier soir, j’ai connu une soirée infernale. En effet, une fille m’a giflé. Ne riez pas. Il est des soirées comme celle là qui commencent sous les meilleurs auspices du monde et finissent en eau de haricot.

Je devais aller écouter Greg Belobo s’époumoner au cours d’un concert à la basilique mineure. J’avais même réussi à planifier un rendez-vous avec une jolie et intelligente twitto qu’il me tarde toujours de rencontrer. Mais voilà ! Tandis que je m’apprêtais à m’y rendre, un démon se manifeste sous la forme d’un coup de fil qui a fait grésiller mon X-Net phone : le premier téléphone (sino-) camerounais.

Salut Florian ! Depuis des mois que tu m’as promis un dîner là ?

Changement d’itinéraire, me voilà à Tchop et Ya Mo, le McDonald’s local dont j’adore le menu beignets-haricot-bouillie accompagné d’ailes de poulet. Endroit reposant n’eût été l’absence d’eau dans les toilettes. Merci à la Camerounaise/marocaine des Eaux.

La liane après avoir ingurgité deux fois ma quantité de nourriture me sort : ok ! On rentre.

Alléluia ! J’exulte.

Arrivée chez moi. Mais bon, je vous arrête. Ce qu’il faut savoir c’est que mon domicile est une vraie curiosité, si j’en juge par les questions que me posent souvent les filles. Moi je suis un type simple et pauvre. Ou alors simple parce que pauvre, c’est selon. Heureusement, je suis comme les scouts : toujours prêt!

Donc, je débarque avec la liane.

Escale au salon. Un lieu vide comme l’espace interstellaire. Le seul meuble est le tapis qui orne le sol (et qui a aussi une fonction utilitaire hein ?)

Eukieu ! Comment c’est vide comme ça ?

« Laisse seulement chérie ! Depuis qu’on m’a cambriolé, j’ai décidé de ne meubler le salon que lorsque je vais aller vivre à Bastos avec le gardien qui va avec ».

Je précise que ceci n’est pas totalement faux, mais pas totalement vrai non plus.

Vous ne me croirez pas, mais ça marche.

Puis vient la chambre : un espace digne j’en suis certain de la chambre du spartiate Léonidas. Un lit, un bureau sur lequel trône l’ordinateur qui produit ce texte et des piles de livres qui jonchent le tapis. Il fut un temps où je l’appelais le Labo. J’avais même voulu inscrire sur le chambranle « nul n’entre ici s’il n’est une chatte de laboratoire » Mais il ya des limites à l’excentricité…

Eukieu ! Même la télé tu n’as pas ?

Moi, très sérieux :

« Mama, moi je ne regarde pas la télé hein ? Les médias nous mentent. Tu ne sais pas ça ? Faut pas croire toutes les salades qu’on te pompe à longueur de journée hein ? Je suis un militant antitélé ! »

Là encore ça semble marcher.

Enfin, je le croyais. Car un quart d’heure plus tard, la liane me sort : ok ! Je venais seulement voir la maison, je rentre.

Je me suis mis à ricaner. Vous savez, ce ricanement sans joie des gens qui en une soirée ont tout perdu au jeu.

Ecoute chérie, ce n’est pas parce que les maisons ne sont pas numérotées dans ce foutu pays que tu vas me sortir ce genre d’excuse hein ? Ma maison n’est pas une salle de ciné, ni un théâtre encore moins un stade de foot hein ? Tu venais voir quoi ? Un match ? Un film ? Ok ! Depuis que tu es là, tu as alors vu quoi ?

J’avais à peine terminé que j’ai reçu la gifle dont je vous parlais plus haut. Je suis « mécréant », mais je lis la Bible : malheur à celui par qui vient le scandale. Illico, j’ai raccompagné la liane et piment sur le taro, j’ai même payé son taxi !

C’est ce dernier élément en fait qui m’a mis hors de moi. Mes sœurs camerounaises sont ainsi: elles ont beau prôner la parité, jouer les femmes indépendantes et prudes, militer pour l’autonomie, paradoxalement, il faut toujours qu’elles y associent ce petit grain de vénalité qui m’énerve. Je le confirme hein ? Les nuits avec les camerounaises sont merveilleuses, mais les matins…Hum !

Ce sont souvent des phrases anodines mais dont il faut percer le sens caché.

Chéri tu payes mon taxi ?

En fait certaines femmes se jaugent par le montant de leurs frais de « taxi ». Même si vos domiciles sont mitoyens. Souvent je m’amuse à dire « c’était bien ma puce, bonne journée hein ? ». D’habitude, la gourgandine ne fait pas mine de bouger me toisant avec l’air de se dire : n’est-ce pas tu es Brad Pitt ?

Chéri, tu ne me fais pas déjeuner ?

Ne cours pas lui acheter un sandwich façon deux œufs spaghettis sardine au « tournedos » du coin : tu vas le manger toi-même. Il faut payer !

Chéri j’ai besoin d’aller me recoiffer.

Un jour j’ai eu une conversation bizarre suite à cette phrase :

– Te recoiffer ? Mais ta coiffure là est encore présentable…

– Présentable ? Tu te fiche de moi ? N’est ce pas la nuit je te disais de ne pas tirer mes cheveux ?

– Mais tu disais aimer ça.

Regard tueur.

Sauf qu’à l’énoncé du montant de la « coiffure » ce sont mes cheveux qui ont failli se détacher de mon crâne.

Mais je dis hein ? Tu as le même coiffeur-jardinier que Chantal Biya ? Euh…Je ne l’ai pas dit hein ? C’était la gifle à coup sûr.

Avant je me plaignais, mais des amis m’ont rassuré : « mon frère laisse ! Le vrai piège c’est quand après deux rendez-vous elle ne te demande rien. Dans ce cas, sache qu’après le troisième ce sera une affaire de loyer à payer, de Galaxy SIII à acheter, ou de cotisation interminable à financer. Ou alors son père va subitement mourir pour la nième fois ».

Je me suis tu. Surtout quand j’ai appris que d’autres achètent des voitures ou offrent des maisons. Mais pourquoi elles ne portent pas des plaques comme les vendeurs de Mokolo: Venez me tromper, je ne vends pas, je liquide…

Je vais dans tous les sens hein? Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte ça. Peut-être parce que j’avais rêvé ma dernière nuit sur terre autrement que seul dans un lit glacial la joue brûlante. Bah oui ! Il paraît que demain c’est la fin du monde non ? En tout cas, si vous lisez ce billet, c’est que rien ne se sera passé et que les Mayas étaient des menteurs.

D’ailleurs je me demande comment étaient les filles Maya…Pas pire que les cameruineuses j’en sui certain. On va faire comment? On les aime ainsi.

Je me tais.

Peace !


Lettre au Directeur de la Camerounaise des Eaux: Je vous aime!

Nectar produit par la CDE. Que c’est beau…

Cher Directeur Général de la Camerounaise/marocaine des Eaux,

Je vous le dis, je n’ai pas peur de la fin du monde. Je n’ai pas peur des prédictions d’une bande de types qui n’ont pas vu venir leur propre fin.
Je m’égare…

Si je vous écris c’est pour vous remercier, car cela fait deux ans que, pour une raison inconnue, vous privez les habitants de mon secteur (Efoulan sous préfecture) d’eau courante, et j’ai pu mesurer à quel point je vous suis redevable.

Je vous dis merci car grâce à vous je suis désormais ouvert à d’autres religions. J’ai cotôyé l’Islam, du moins dans sa partie ablutions. Je sais désormais tout des toilettes façon pèlerin cheminant dans le désert. Trois gouttes pour les pieds, deux pour le visage et pour le reste, un bon parfum fait l’affaire.

Je vous dis merci car grâce à vous, j’ai les bras aussi musclés qu’un tennisman. Ce n’est certes pas dû à la pratique intensive de la raquette, mais plutôt au fait que je tracte interminablement des seaux du puits de mes voisins. Bon le mauvais côté c’est que depuis, lorsque je serre la main à quelqu’un, il me demande invariablement : « tu fais quoi dans la vie ? » Mais ce n’est pas grave…

Je vous pardonne car grâce à vous, j’ai goûté au confort des divers hôtels de Yaoundé : sérieusement, on a beau être musclé, il est difficile d’aller tracter un seau après une nuit passée à boire des hectolitres de Castel.

« Chéri on rentre chez toi je prends une douche ? Non ma liane, allons plutôt à l’hôtel. Chez moi à l’heure-ci les bandits vont te finir. »

Grâce à vous je n’ai plus peur de la nuit. Habitué que je suis à sortir chaque soir entre minuit et deux heures pour « guetter l’eau ». A mes risques et périls certes, mais les nuits de Yaoundé sont si belles.

Grace à vous j’ai remis en cause la science. Une eau potable peut être jaune, rouge, grise. Sa potabilité lui vient du fait qu’elle sort d’un robinet. Ah merci, ils nous mentent ces prétendus savants.

Grace à vous j’ai appris à aimer la pluie. Je soupire d’aise quand je vois mon salon rempli de toutes ces bassines que je contemple amoureusement les soirs de pluie tandis qu’elles se remplissent d’eau sur ma véranda. Si le bonheur a un visage c’est sûrement celui là : des bassines se remplissant d’eau de pluie à côté d’un robinet sec…

Grace à vous j’ai compris que les miracles existent. Oui Monsieur ! Un soir je suis rentré ivre chez moi, et pour rire, vous savez, une de ces blagues stupides d’ivrogne, j’ai tourné le pommeau de la douche. De l’eau en est sortie Monsieur ! De l’eau je vous dis, pas du vin. J’ai bien cru que j’allais m’évanouir.

Oh je vous aime Monsieur,

J’aime vos agents qui se pointent chez nous pour déposer des factures d’entretien de compteurs qui sont secs depuis des lustres.

J’aime vos autres agents qui ont défoncé la chaussée au lieu dit Dakar sous le prétexte de réparer des tuyaux vides, ces agents à qui nous devons d’énormes bouchons à cet endroit.

J’aime votre cousine AES Sonel, que vous ne semblez pas porter dans votre cœur tant vous l’accusez de tous vos maux : « S‘il n’y a pas d’eau c’est parce que nos pompes ne fonctionnent pas à cause d’une coupure de courant. » Ah quel beau spectacle que ces tiraillements entre enfants d’un même ventre…

Oh oui, Monsieur, grâce à vous je n’ai pas peur de mourir, car si de l’autre côté du miroir le paradis existe, je suis sûr qu’il ne peut être meilleur que celui que vous nous avez aménagé ici.

Potablement votre.

Florian Ngimbis, un admirateur.


#30anssansmourir : les Camerounais sont-ils anti-Biya?

Est-ce que je suis un anti-Biya? Chaque fois que je répond à une interview, je dois faire face à cette question. Franchement, je ne pas trop quoi répondre. Cette tendance à critiquer le système me vaut bien des ennemis dans la République des Crevettes, vous savez, ces Camerounais qui disent que je mets en avant une mauvaise image de notre pays.

Je ne vais pas revenir sur ce vieux débat, mais juste relever une chose : il y a quelques temps, au détour d’une conversation avec un twitto @ETAMBA, j’ai lancé le hashtag #30anssansmourir sur Twitter. Un hashtag qui à mon sens traduit l’exaspération et la déception de tout un peuple et surtout une jeunesse qui attend toujours de voir se réaliser des promesses trentenaires.

Trente ans de gabegie et de vol ininterrompus. Un cauchemar qui n’en finit pas, même la nature semble contre nous. Un mois quasiment jour pour jour après l’anniversaire de l’accession du Roi Lion à la magistrature suprême et éternelle, j’ai réalisé une compilation des tweets publiés avec ce hashtag. Ces personnes ne se connaissent pas, mais ont un dénominateur commun : ce sont tous des camerounais. Lisez ce qu’ils pensent de leur pays et de son/ses dirigeant(s). Lisez, après on reparlera de mon antibiyaisme…

[View the story « #30anssansmourir » on Storify]


Je suis camerounais, je suis raide

Un jour je crois que je vais jeter aux orties ma bonne éducation et toutes mes valeurs de non violence pour refaire le portrait à un camerounais. Je suis sûr que ça va se passer dans un bar ou autre lieu de plaisir. Je suis certain que je serai accompagné d’une liane sculpturale. Sérieusement vous êtes déjà entré dans un bar au Cameroun avec une jolie femme ? Si la fille a la peau jaune comme une papaye mûre, la cambrure de Nicki Minaj ou tout simplement un certain accent francilien qui prouve qu’elle vient de débarquer du pays de tonton Hollande, ce sont des ennuis en perspective. Les mâles présents dans le bar donnent un sens à l’expression déshabiller du regard. Ils reluquent, lorgnent, bavent sans se gêner. Chez nous, les hommes ont créé le terrorisme par le regard. Ces vautours n’ont pas de respect pour toi, pauvre mec dont le porte monnaie subit une cure d’amaigrissement, ils veulent t’enlever ton bien. Assis, tu racontes ta vie à la gourgandine, inconscient des missiles visuels qui pleuvent sur elle. Et si tu as le malheur d’avoir la vessie pleine, le temps mis aux toilettes équivaut à un remplissage de son répertoire téléphonique via les cartes de visite glissées discrètement par la main d’une serveuse complice.

Comme on dit dans mon quartier, les camerounais n’aiment pas aller à la chasse, ils préfèrent ramasser le gibier mort que « le train a cogné ».

J’ignore qui a créé le mythe de l’Africain super athlète au lit, mais je parie qu’il était camerounais. Peu importe la couche sociale, la consommation de produits dopants/aphrodisiaque est étonnante dans ce pays. Le camerounais a l’impression qu’il n’est personne s’il n’est pas bon au lit.

Les partisans du « consommons camerounais »

Ils sont toujours en train de mâcher des écorces et autres racines. Tu bois une bière dans un bar avec un ami, pour peu qu’il aperçoive ces vendeurs à la sauvette qui se baladent avec des plateaux pleins de bitter cola (prononcez bitacola), cette noix au goût aigre à laquelle on prête mille et une vertus, le voilà qui hèle le vendeur : il en achète une tonne et te sert le mensonge habituel : Mbom ! J’ai mal au ventre, ce truc lave les intestins. Hum ! Tu fais semblant de le croire, mais il se trahit lorsqu’il commande ensuite une grande Guinness deuxième ingrédient de cette mixture sensée décupler les performances sexuelles. S’il abuse de la Guinness, son cerveau embrumé va laisser échapper une phrase du genre : la fille là va souffrir ce soir. Hum !

Vive la Chine ! Vive le Nigéria !

Il ya les autres qui font confiance à la pharmacopée chinoise. Bonbons au ginseng au prix outrageusement bas, qu’ils trimballent dans la boite à gants et dont l’odeur âcre les enveloppe comme un nuage maléfique. Des bonbons fabriqués par des types qui n’hésitent pas à empoisonner le lait de leurs nourrissons… Je me tais.

Il ya aussi les contrefacteurs nigérians qui produisent du viagra modifié et « amélioré » vendu à prix modique dans les pharmacies du trottoir. Leur produit phare s’appelle Véga. Nom de code « La Fusée » à cause de la photo d’une Vega qui illustre les boites de ce produit de mort. Après trois utilisations, on ne peut plus décoller sans ce lanceur…

Taille XXL

J’ai aussi fait connaissance avec d’autres quidams qui optent pour les boissons énergisantes qui ont trouvé au Cameroun un nouveau marché. Secteur qui ma foi se porte plutôt bien si l’on s’en réfère à la consommation exponentielle dont elles font l’objet. Rien que leurs noms sont de puissants atouts marketing. Du coup, j’assiste à des scènes qui m’amusent souvent. Au bar avec une connaissance:

Moi: Gars tu ne bois plus la Castel ?

Lui: Non, je prends désormais la XXL (vous parlez d’un nom pour une boisson)

Moi: ???

Lui: Je travaille trop mon frère, il faut que je compense.

J’ai compris le fin mot de l’histoire quand après avoir ingurgité trois bouteilles de cette potion qui a l’apparence de la pisse de chat, le type a décroché son téléphone pour caler un rendez-vous avec son deuxième bureau… Un fonctionnaire camerounais qui travaille trop…la bonnee blague !

Je suis sérieusement perplexe quant à cette addiction de mes compatriotes vis-à-vis de produits dont la nocivité est évidente pour peu qu’on fasse appel à un minimum de logique. La plupart ignorent qu’ils n’ont pas d’incidence directe sur le pénis, mais le cœur qui est la pompe du premier. Parfois, je ricane lorsque je vais à certains enterrements et que les gens se lamentent:  Il n’avait même pas quarante ans le voilà qui meurt d’une crise cardiaque. C’est la sorcellerie, on l’a mangé au village. Sorcellerie hein ? Demandez à son vendeur de médocs et à ses amantes. Les premiers savent, les deuxièmes confirmeront : le cœur n’est pas un moteur diesel. Curieusement, je n’ai trouvé aucune étude sur le sujet, rien, sauf à considérer la sortie de notre ministre de la communication qui s’en fendu dernièrement d’un communiqué pour mettre en garde contre la « publicité mensongère »… Je me demande si je dois rigoler.

Le camerounais adore les raccourcis. Travailler c’est trop dur, il faut toujours recourir aux expédients. même au lit.

Néanmoins, certains prétendent que cette obsession pour la performance sexuelle est aussi le fait des camerounaises dont on dit qu’elles sont toujours en train d’en redemander et vont voir ailleurs si le contrat n’est pas rempli (qui leur en voudrait ?). Je n’en sais rien, mais je vous livre tout de même une dernière pour la route :

Il ya quelques temps, me voilà en train de prendre un verre (enfin, une bouteille) avec une liane dans un bar. A un certain moment voilà la sorcière qui me demande de poser mes mains sur la table. J’obéis tout en lui demandant si elle lit déjà les lignes de la main. Sa réponse m’a stupéfié : ékié ! Tu ne sais pas qu’on peut déduire la taille du pénis d’un homme en mesurant celle de ses doigts ?

Moi: Hein? (prononcez façon ch’ti).

J’ai failli renverser les bouteilles en ôtant mes mains aux doigts minuscules pour les cacher sous la table. Malchance !

Je vous rassure, je lui ai prouvé que sa théorie était bidon.

Ben quoi, je suis camerounais hein?

Peace !

 

 

 


Cameroun: liberté d’expression ou liberté d’aboyer?

Une d’un journal camerounais: qui s’en fout?

Hier, quelqu’un m’a demandé mon avis sur cette affaire de liberté d’expression au Cameroun. Moi j’ai rigolé hein? Parce que je ne comprends pas: liberté d’expression là ça sert à quoi même?

Les médias chez nous font partie d’un système commercial. Ce sont des épiceries de l’information dont les produits frelatés virent vite à la désinformation. Essayez de relire les prétendus scoops des journaux des jours ou des semaines après leur parution : pathétique.

Cela s’est vu avec la vraie fausse disparition de notre Reine, que n’a-t-on pas entendu ? Nulle part l’information, que du kongossa (le mauvais hein ?) des allusions, hallucination collective, florilège de « divers du bar ».

Il paraît que la naissance d’une étoile est un évènement rarement observé par l’œil humain. Moi je vous dis, la naissance d’une information au Cameroun est un évènement banal. Rentrez dans un bar, écoutez les conversations : je te dis qu’elle est enceinte. Mon cousin qui lave les plats à l’hôtel Sheraton de Paris l’a vue avec un musicien! Le lendemain vous les avez en une des journaux : Remue-ménage à Etoudi : La première dame enceinte s’enfuit à Paris pour produire un album avec un chanteur malien. Pas de vrai article, un malheureux entrefilet de conneries.

Il y’a des maux tolérés : le per diem. Cette enveloppe pleine de billets qu’on remet aux journalistes venus couvrir un séminaire, le lancement d’un produit, un meeting politique. Un achat de conscience à peine voilé. Quelle crédibilité donner aux propos d’un homme qui a reçu de l’argent pour écrire ? Pour penser ? Per diem : par jour. C’est ainsi que vivent nos médias au jour le jour, maintenus en vie artificiellement par des transfusions de franc CFA. Et ne croyez pas la rumeur qui dit que seule une certaine presse est concernée. Que non ! Même les « grands » s’y laissent prendre, c’est juste l’épaisseur de l’enveloppe qui change. Et on émarge ! Même lors des élections, nuitamment de préférence. Pourquoi être surpris qu’après on puisse être dégagé par un simple coup de tête…

J’ai vu mon pays s’engouffrer dans une pratique bizarre, le journalisme de liste. De la calomnie pure, sans preuve, sans traitement, sans vérification. Ça se vend, à un public qui se contente de la une. La liste des francs-maçons, la liste des homosexuels, la liste des futurs ministres, la liste des francs-maçons homosexuels futurs ministres…Quel intérêt pour un pays qui manque de tout ?

Un journal ayant publié une liste de camerounais en vue, prétendus homosexuels a vu son tirage épuisé en une journée il ya quelques années. Oui, j’ai vu des camerounais acheter des photocopies d’articles ! Du jamais vu. Tous les épiciers de médias ont flairé le filon, la pratique s’est institutionnalisée.

La radio quant à elle est prise en otage par une race qu’on appelle les « communicateurs ». Des animateurs et pseudo journalistes qui se perdent dans des émissions allant dans tous les sens. On commence par une critique d’art et puis on se retrouve en train d’expliquer aux auditeurs que si x musicien voit le sang partout, c’est parce que sa femme porte des sous vêtements rouges depuis des années. Cette tendance se vérifie dans l’ubuesque bataille pour le magot que constitue la gestion du droit d’auteur. Déclarations incendiaires, calomnie, injures, bagarres dans les studios. Le franc CFA dicte la ligne éditoriale et son règne est loin d’être terminé.

Et puis il y a ces émissions brulots où des camerounais croient refaire leur pays à coups d’appels téléphoniques. Le pays ci est gâté, les gens volent l’argent ! Des coups d’épée dans l’eau trouble de la mal gouvernance. Ou encore ces émissions surréalistes où des apprentis-sorciers, se transforment en juges. Boire sa castel tranquillement dans un bar et entendre : « ce matin nous recevons madame x qui accuse un certain Ngimbis Florian d’avoir perçu un million de CFA pour la faire admettre au concours de la police. Les résultats sont publiés Mlle x n’a toujours pas son sifflet. Au nom de la justice du peuple, ce voleur de Ngimbis va lui rembourser son argent ». Tout le monde regarde. Personne ne fait rien. Ni l’Etat, ni la corporation.

Mon opinion est connue : si on s’en tenait à la une des journaux camerounais, par an on aurait un Watergate, une douzaine d’affaires Elf et des démissions de hauts cadres en pagaille. Mais dans la réalité des faits, il n’en est rien, ou presque. L’immobilisme perdure et les lignes ne bougent que lorsque les dénonciations ciblent des pièces de la bataille de conservation de pouvoir qui fait rage dans le vaste échiquier de la mal gouvernance. Mon petit, pourquoi tu écris tes choses là sur moi ? Voici une enveloppe tais et toi et je te fournis un scoop sur le ministre x. Voilà ou l’on en est : l’enveloppe ou l’article.

Ce qui me chagrine dans toute l’histoire c’est que dans cette boue, sont noyés des hommes véritablement intègres. De vrais professionnels qui chaque jour font leur métier avec la naïveté et la candeur qui caractérisent la vocation. Mais voilà, seuls les médiocres tiennent le haut du pavé dans ce pays. Dans le monde de la radio par exemple remarquons que Douala semble prendre le pas sur Yaoundé avec une vision plus professionnelle et plus assainie d’un métier galvaudé sous les cieux d’Ongola.

Liberté d’expression ? Oui elle existe dans la République mais s’apparente à un libertinage savamment entretenu par l’Etat et la corporation d’hommes/commerçants de médias.

Quatrième pouvoir ? J’en doute. La forteresse la plus « imprenable » ne vaut rien si les gardiens ont été achetés. A quoi sert une liberté qui ne fait pas avancer les choses ?

On en est là : les chiens aboient, la caravane passe et les caravaniers lancent des morceaux de viande aux chiens qui aboient de plus belle. Sauf que, le camerounais qui vaque à ses occupations ignore si le chien aboie pour arrêter la caravane ou pour réclamer plus de viande.

Peace !


Les camerounais ne savent pas épouser

Il ya un mot, non, pas un mot un concept en vogue au Cameroun qui m’énerve : la responsabilité. Pour le camerounais, être responsable c’est être un Homme, c’est avoir un job, une femme, les enfants qui vont avec, c’est sortir seulement le samedi soir et rentrer à 22h, c’est aller le dimanche à la tontine des ressortissants du village, c’est avoir les cheveux blancs chaque rentrée scolaire, c’est parler du terrain à acheter à Nomayos, c’est se renseigner sur le prix des parpaings, c’est s’intéresser au prix du bétail en vue de la dot de madame etc.
Quand une fille me sort la phrase « Ngimbis, il faut te responsabiliser hein ? »,  d’habitude je ramasse mes fringues je me rhabille en vitesse et…je fuis. J’ai appris à reconnaître les vampires.
Pourtant se marier n’est pas chose facile hein ?

Quand un homme ici au Pays des Crevettes décide de se marier, c’est ce jour qu’il apprend qu’il a une famille.
Il ya quelque temps, un cousin a décidé de se marier. Pas avec une inconnue hein ? Avec une fille qui partage sa vie depuis cinq longues années (je me demande comment ils font) dans un violent « viens on reste » la version camerounaise du compagnonnage amoureux.
Je ne sais pas ce qu’elle lui a fait au lit une certaine nuit, le voilà le lendemain avec à la bouche un mot : mariage.

Aujourd’hui il y a le portable hein ? En quelques heures toute la famille est au courant. Le week-end suivant, voilà un oncle maternel, le patriarche de la famille qui débarque du village.
J’ai assisté à l’interrogatoire en règle qu’il a fait subir à mon cousin et j’ai eu froid dans le dos.

Je précise (vous comprendrez pourquoi) que la fille est de Yabassi, cadre, trentenaire, et mère d’un adorable gosse.

Oubliez l’amour hein ? Oubliez les envolées lyriques sur les sentiments. Quand un camerounais présente sa future femme à ses parents, rien de tout cela ne compte. Leurs critères sont ailleurs.

L’origine
On a beau jouer au jeu hypocrite de l’amour, la tribu est le critère majeur. Une fille d’une tribu étrangère perd beaucoup de points. Le camerounais fait des affaires avec ses concitoyens, mange et boit avec eux, mais quand il s’agit d’union, c’est autre chose. Certaines unions meurent à l’énoncé de la tribu de la compagne. Une bamiléké ? Mon fils ! Tu vas seulement marcher sur mon corps avant de l’épouser. Tu ignores que les bamilékés nous ont trahis pendant le maquis ?
On ressort des clichés endormis, des lieux communs, des inepties : Une Yabassi? Est-ce que tu sais qu’avec leur sorcellerie, les Yabassi ont fait tomber la chéchia du président Ahidjo lors d’une visite chez eux ?
Idioties parfois proférées, parfois tues car en réalité le rejet au nom du tribalisme ne s’assume pas. Il n’a pas de fondement logique. Donc on sort une sentence sans appel : Une nkwa ? Jamais !

Le statut social
Curieusement, une femme qui ne travaille pas a plus de chances. Elle est jugée plus malléable, moins indépendante. La femme qui s’assume fait peur. Tu sais comment elle a eu son argent ? Tu sais qui lui a trouvé le travail ? Le genre-ci tu vas lui dire quoi ?
Mon oncle ayant vu une photo de la dulcinée de mon cousin s’est exclamé : elle met la chaine au pied ! J’ai failli éclater de rire…

L’âge
Par ici la femme vieillit vite hein ? Passé la barre des vingt cinq ans, la camerounaise entre dans la zone rouge. Chaque année qui s’ajoute fait baisser son prix sur le marché. A trente ans, c’est carrément mission impossible, elle est considérée comme une orange qui a libéré tout son jus, et forcément, ce sont les autres qui l’ont sucée… Par ailleurs avoir une femme du même âge que soi n’est pas jugé politiquement correct. L’écart idéal est un minimum de cinq ans.

Les enfants
Ils ne sont pas les bienvenus, surtout qu’ils sont ceux de l’Autre. Un proverbe (de mon oncle) dit : la bouche qui a goûté au miel n’oublie pas sa saveur. Comprenez qu’un jour, elle rentrera forniquer avec le type qui lui a fait un enfant. Je me suis juste demandé ce qu’était mon cousin dans l’histoire. Un citron ou une kola ?

Voilà!  Chaque jour, je vois des drames autour de moi. Des gens qui s’aiment mais se séparent pour contracter des unions de convenance question de satisfaire une famille arriérée. Des phrases étranges : « il m’a perdu le temps », « ses parents ne m’aiment pas », « ma mère l’a refusée » ! On a créé une classe de femmes, belles, fortes, entreprenantes, qui ont très souvent réussi, mais que la société machiste et conservatrice fragilise et regarde de haut au seul énoncé de la phrase maudite : elle n’est pas mariée […et vu son âge, il ya peu chances que ça arrive…]. Des noms d’oiseaux : « Grillée », « rococo », « produit fini ». Chacun se cache derrière des prétextes : la culture, le lien familial, la tradition, la parole de la mère, la pression familiale, mon œil ! Quand on croit en quelque chose on se bat pour.

Si tu es une femme et qu’à la lecture de tout ceci tu paniques, je te rassure :
Si tu es blanche, on va t’accepter. Munis-toi juste d’un passeport valide.
Si tu es la sœur de Samuel Eto’o (et de son compte bancaire) on va fermer les yeux sur ta ribambelle de bâtards.
Si tu n’es ni l’une ni l’autre, hum ! J’ai peur pour toi.

A mon cousin, mon oncle a proposé une vierge de dix sept ans qu’il dit garder en réserve pour lui au village. J’ai levé la main : « heu…tonton, moi aussi je suis dans le be… ». Le regard qu’il m’a lancé m’a empêché de terminer. La vie est injuste hein ? Je me tais.

Peace !


Laissez les seins de ma camerounaise pousser

Photo camer.be

Il ya des années lorsque j’ai débarqué à l’université de Yaoundé I la tête pleine d’illusions, j’ai découvert les angloses. « Anglo (se) » est le terme par lequel nous autres francophones qualifions nos frères originaires des deux provinces anglophones du Cameroun qui représentent environ 20% de la population de notre pays, Pour nous autres jeunes « francophones » les angloses étaient pour ainsi dire un fantasme. La langue, les référents culturels, le système éducatif, nous étions tous camerounais, mais différents. Les angloses ne fricotaient pas trop avec les francophones, ce qui avait le don de nous exciter car c’est bien connu, ce qui ne nous cède pas nous rend plus entreprenant. C’est ainsi que je suis devenu entreprenant, poursuivant de mes assiduités une certaine Gloria, beauté miniature à la poitrine surdéveloppée, une paire d’obus comme dit mon ami JM The Kid.
Ça n’a pas été facile et l’entreprise que tous mes copains vouaient à l’échec m’a permis de mieux connaître les filles de cette région :

Deux ou trois trucs à propos des angloses de cette époque:

La première chose qu’une bachelière anglose fera en arrivant à Yaoundé sera de filer chez un coiffeur. La faute à leur système éducatif qui n’autorise pas les cheveux longs à l’école. Donc, pour ne pas être en reste face aux jeunes franco, l’anglose va se greffer des extensions synthétiques et brillantes au goût très souvent discutable. Leur devise pourrait être jamais sans ma greffe (ni mon maquillage)

Pour sortir avec elle, prévoir un buget Eru, vous savez cette herbe que personne ne cultive mais qui semble inépuisable et donne un mets exquis. Les bamilékés ne rigolent pas avec leurs voyages nocturnes, les anglos eux c’est le Eru, le ministre qui va s’amuser à la classer comme espèce protégée va confirmer ce que je dis.

L’anglose s’habille comme à la télé. Sans se douter que Eve ou Aaliyah ne sors pas avec les vêtements qu’elle met dans son clip. Donc faut pas être surpris de la voir débarquer en cours avec une robe à paillettes ou strass. Comme on dit en basso’o : ban’h mimb, serre le cœur et reste focus sur ton objectif.

Les francophones prennent les anglos pour des cons. Mais curieusement, les anglos sont persuadés que les francos sont pire que cons. Quand je sortais avec Gloria et ses amies et que parfois je faisais un truc qu’elles jugeaient bizarre j’entendais la même phrase : leave’am ! Na francophone them ! Comprenez : laisse tomber! C’est un francophone.

Dernier point, les angloses ont presque toujours des prénoms-concepts. Pour avoir fréquenté la mienne j’ai connu ses amies, des Infinity, Eternity, Immaculate, Mercy, Joyful, Delicious

Mais, ma Gloria m’aimait bien hein ? Elle m’appelait « my small francophone » – quand je vous dis que cette histoire de taille me poursuit depuis des lustres…
Elle m’aimait tellement qu’un jour elle décida de venir chez moi. Après toutes ces greffes et plats de Eru payés de ma poche, ce n’était pas trop tôt. Sauf que vous connaissez ma poisse légendaire…
Les choses se sont gâtées lors des préliminaires (la chance hein ?) quand j’ai voulu empoigner sa formidable paire de SCUD, la belle a déclenché sa défense antiaérienne, écartant mes mains sans ménagement : don’t touch ! don’t touch ! et moi j’insistais avec à la bouche mes rares mots de pidgin : na wéti ? na wéti ? (qu’est-ce qui ne va pas ?)
Ce jour là je n’ai pas conclu, en fait chaque fois, j’étais incapable de résister à l’attraction de ses missiles et chaque fois je me faisais rembarrer. Un jour enfin, elle m’a raconté:

Gloria n’était qu’une ado pré pubère, lorsque sa poitrine a très tôt démontré que les petits obus en gestation sur son torse deviendraient des missiles de croisière. Du coup, les petits gars du quartier amateurs d’armes de destruction massive ont commencé à tourner autour d’elle. Sa mère, grand manitou de l’AIEA lui a fait signer malgré elle un traité de non prolifération d’armes nucléaires. Un matin dans la cuisine enfumée, elle a mis une spatule près du feu et à plusieurs reprises lui a appliqué le bois brûlant sur les seins. Eclatement des glandes mammaires, régression des bourgeons, ce durant une longue semaine. Gloria est très vite redevenue politiquement correcte.
Mais la jeune fille pour avoir côtoyé les cimes de la douleur a développé une forme de stress post traumatique: elle ne supporte pas qu’on lui touche les seins, même des années après qu’ils aient repoussé normalement.

C’est ainsi que j’ai découvert le « repassage des seins ». Je croyais la pratique marginale, mais j’ai découvert d’autres Gloria au cours de mes escapades, des filles qui racontent des histoires effrayantes de mères protectrices qui mutilent leurs enfants pour les prémunir du virus du sexe précoce. Une pratique qu’on retrouve dans toutes les aires culturelles de notre pays, une pratique qui ne sert à rien, vu que seins ou pas, sans un suivi parental et une éducation de base, la jeune fille finira par céder à l’appel du mâle.

Laissez les seins de ma camerounaise tranquille. Elle les a jolis, elle les a beaux, elle est belle ma camerounaise. On ne fait pas l’éducation d’un enfant à coups de spatule chaude sur la poitrine, ni à coups de lame sur le clitoris. On l’éduque, on l’instruit des choses de la vie, on ne se cache pas derrière des méthodes aussi barbares pour masquer sa démission.

Je ne sais ce qu’est devenue Gloria, mais darling, si tu lis ceci, ramène tes missiles. On a une guerre à terminer, celle contre la connerie.

Peace !


Intellectuel camerounais, masturbe-toi et ferme la!

Mongo Beti

Aujourd’hui j’ai pas envie de rire. Une autre race d’aliens que j’observe chez derniers temps chez nous me met en colère : nos intellectuels ou prétendus tel. Autant le Cameroun regorge de savants, de vrais, autant la sphère de la pensée est prise en otage par des personnages sans épaisseur qui me font regretter de grands noms de ce pays.

 

Gromologues récurrents

Ils se reconnaissent d’emblée à leur pédantisme ce qu’on appelle chez nous la gromologie, la culture des mots savants. Ce réflexe du colonisé qui en maniant la langue du maître avec autant sinon plus de dextérité que lui se croit son égal. Il faut les écouter dans les médias, se fendant de longues tribunes soporifiques ou passionnées dont l’intérêt pratique est quasiment nul. Ils chutent, ils sont de disance, ils font des overdoses d’imparfait du subjonctif quand on ne leur demande que d’être précis.

Masturbateurs compulsifs

L’intellectuel camerounais se considère comme tel d’abord à cause de ses diplômes. Aucune phrase qu’il ne commence sans vous rappeler que la théorie qu’il va énoncer lui a été dictée sur les bancs patinés d’histoire de la Sorbonne, de Cambridge ou de je ne sais quel bled perdu dans la brume européenne. Il est expert dans des disciplines abstraites : sciences politiques, sémiologie, politologie, sémiotique… Comme dit ma mère, les sciences des gens qui n’ont plus faim.

Osez mettre en doute leur savoir livresque et ils débarquent à la télévision, traînant derrière eux leurs cantines de parchemins, montrant à qui veut les voir ce qu’ils considèrent comme leur trésor : du papier, des signatures, du vide. Il larmoient, s’extasient, jouissent en citant leurs titres académiques supposés ou réels.

Avocats éternels du Roi Lion

Aussi curieux que cela paraisse, cette race d’intellectuels qui, très souvent, est engagée politiquement (ce qui ma foi est normal) ne critique jamais le Roi Lion notre bon roi. Ils critiquent le système, accusant l’entourage de « tromper » le Roi. Je me suis toujours demandé Comment un roi qu’on a trompé aussi longtemps pouvait prétendre diriger un peuple…

Enfonceurs de portes ouvertes

Curieusement l’intello camerounais essaiera toujours de vous faire avaler ce que vous savez déjà : la Cameroun va mal. A qui faut-il expliquer qu’il faut faire le tour de Yaoundé pour avoir du gaz domestique ? Que les robinets de mon quartier sont à sec depuis deux ans environ, qu’il n’existe aucune politique de transport public dans notre cité, que AES SONEL joue avec nos nerfs, qu’on va à l’hôpital seulement pour crever, que certains camerounais ont tellement honte de leur salaire qu’ils ne l’évoquent jamais !

S’il faut limiter la pensée à la dénonciation, alors, nous sommes tous des intellectuels.

Preneurs d’otage

Que vous écoutiez la radio, regardiez la télé ou lisiez la presse, vous les retrouvez. S’épanchant dans des tranches qu’ils monopolisent, justifiant à grands coups de gueule artificiels l’illusion de la liberté d’expression et de la démocratie et se posant comme caution morale d’un pouvoir ayant échoué.

Sérieusement, je me suis toujours demandé s’ils n’avaient pas un budget à ces fins. Faites le tour des chaînes de radio de Yaoundé. Vous les retrouverez intervenant le matin sur les débats de société, discourant le week-end dans les arènes politiques, aux côtés d’un peuple trop heureux de « causer avec les grands » pour se rendre compte que ceux-ci sont dans leur rôle de distraction.

Sabitou/Sabiall

Les sabitou sont les gens qui savent tout sur tout. A côté d’eux les sophistes sont des enfants de coeur. L’intellectuel camerounais est un sabitou. A onze heures, il au téléphone sur Magic FM et nous explique pourquoi Marafa doit aller en prison. A midi, le voici intervenant sur RTS pour nous dire que si les chiens ont disparu des rues de Yaoundé c’est parce que les chinois les mangent. A 15h il déblatère sur la musique camerounaise en direct de Sky Radio. La journée terminée on croit qu’il va se taire. que non. Il vient squatter les talk show télévisés pour parler… de lui. et quand on croit que tout est terminé, on le retrouve dans les journaux du lendemain, sans qu’on sache comment il est devenu expert en forces occultes pour avoir lu trois brochures sur la Rose Croix synthétisés en un « livre ». Tout ça à des années lumière de son champ de compétence. Hé! Mon frère! Tu sors la nuit?

Cinquante ans après des pseudos indépendances, voilà où on en est. On ne construit rien, on aboie et chacun se complait dans cet aboiement qui dessert notre patrie et arrange les vampires qui la sucent.

Voilà pourquoi dans un pays où le choléra sévit encore de manière endémique, où l’urbanisation galopante se fait sans plan directeur, où l’hygiène et la salubrité sont un défi perpétuel, un pays où la santé est une vue de l’esprit, où des zones entières sont privées de courant et d’eau alors qu’il suffit de se baisser pour en trouver, oui dans un pays où tant de scandales sont visibles sans besoin de creuser, les seules thématiques qui réveillent les consciences endormies n’ont aucun intérêt social, voire pratique : Samuel Eto’o est revenu en équipe nationale ? Chantal Biya a regagné le palais conjugal ? Iya Mohamed a regagné la bergerie familiale? Les homosexuels et les franc-maçons ont-ils été envoyés en enfer ? Marafa est-il déjà en prison ?

Une réorientation des priorités orchestrée par un pouvoir soucieux de voir l’opinion nationale détournée des vrais enjeux de son temps. Une stratégie mise en œuvre par nos « intellectuels », des hommes qui occupent le haut du pavé, des pions d’un système, des animateurs qui essaient de nous faire avaler une utopie : le mirage des Grandes Ambitions.

J’ai trop la haine là. Je me tais.

Peace !

 


Chauffeur de taxi à Yaoundé, analyste à la NASA

Chauffeur de taxi. Photo Manon Heugel ©

Si vous passez par Yaoundé, laissez votre voiture au garage et empruntez les taxis de notre cité. Quelques heures passées avec un chauffeur de taxi yaoundéen vous feront prendre la température locale plus sûrement que n’importe quelle immersion, artificielle ou non.

Ce n’est pas seulement un chauffeur hein? C’est carrément un alien, mieux, un as!

 

Un as du volant

Quand il a affaire aux autres automobilistes, ceux de la race dite des « personnelles », il multiplie les infractions et les fait descendre à coup d’insultes. Il estime avoir toujours la priorité et même s’il a acheté son permis après deux tours du rond-point de la poste centrale au volant de la voiture d’un cousin, il vous sortira toujours sa phrase fétiche en parlant des autres automobilistes : voilà les gens qui n’ont pas été à l’auto-école.

Un as des injures.

Il aime klaxonner, mais souvent, son klaxon ne lui suffit pas, il a une panoplie d’injures en réserve pour le conducteur adverse, et son véhicule. Mouf! connard! vieux! vampire! (si, si) Enlève ta brouette/ton bois/ton réchaud de là…

Un as de l’humour

Moi : Score !

Le Chauffeur ralentissant à ma hauteur : 2-0

Et le vampire accélère en ricanant. On était en pleine Can de foot.

Ou le classique,

– Poste centrale 100 !

– Toi-même tu ne sens pas ?

Un as de la mauvaise foi

Il n’a jamais tort. Chaque fois que pour une raison ou une autre le chauffeur a une discussion avec un client, il se croit obligé d’avoir raison. Notamment quand il s’agit d’une affaire de monnaie. Il n’admettra jamais que vous l’avez prévenu détenir un billet de mille francs. Mon frère tu veux que je chie la monnaie ? Je viens de sortir, c’est même quelle sorcellerie ça ?

Un as des conversations bizarres

Dans un taxi au Carrefour Acacias.

Moi : mon beau, svp laissez moi avant de traverser le carrefour

Lui : mon ami, tu appelles qui ton beau?

Moi : vous m’appelez mon ami de quel droit?

Lui : mon frère descend de mon véhicule !

Un as de l’aigreur

Très souvent, ils considèrent leur job comme une pénitence. Il suffit de discuter quelques minutes avec eux que pour justifier je ne sais quelle élucubration, ils vous sortiront toujours la phrase : mon frère, ce n’est pas parce que je suis derrière le volant hein ?

Un as de la discrimination

Il déteste céder la place avant aux gros, vu qu’il s’agit d’une place double, c’est un manque à gagner évident. Refus qu’ils se croient obligés de commenter : regarde comment quelqu’un est gros, après on va dire qu’il ya la crise au Cameroun.

Un as de la surdité.

Si vous lui proposez un prix qu’il estime ridicule genre 100F Poste !, il feint la surdité et demande combien ? Soit la honte vous fait taire, soit (c’est mon cas) vous répétez fièrement prix et destination. Alors, il vous sort le classique : mon frère, faut marcher. Ou : tu es France, avec tous tes papiers ! (merci Nina pour cette variante que j’ignorais).

Mais le chauffeur de taxi est surtout un as du calcul

En effet dans cette république où nos pseudo intellectuels -dont les sports favoris sont le comptage de leurs diplômes et la joute politique- ne résolvent aucun problème à caractère social, emprunter un taxi n’est pas une sinécure. On sèche parfois longtemps au soleil avant d’en trouver un, surtout aux heures de pointe. Ils arrivent ralentissent écoutent votre destination puis repartent générant des embouteillages à n’en plus finir.

Or ces gars ont leur place à la NASA. En effet, lorsqu’on signale sa destination à un chauffeur de taxi yaoundéen, sans le savoir, on met en branle tout une mécanique de calcul invisible.

il faut qu’il visualise la destination, en intégrant des variables comme le fait que Bastos peut impliquer la nouvelle route Bastos, ou que l’ambassade des USA n’occupe plus la moitié du centre ville.

Il faut aussi que son algorithme prenne en compte les destinations des clients déjà présents dans son véhicule.

Si ça compile, il lui faut procéder à une évaluation du ratio point de départ/prix proposé, question parfois de ne pas frustrer ceux qui ont payé plus.

Si ça ne colle pas, il lui faut envisager un détour, si et seulement si votre prix vaut le détour.

Dans les variables du détour, il va prendre en compte l’heure, à cause des embouteillages. Eviter x carrefour où un « promoteur » a ouvert un établissement scolaire clandestin, mais fonctionnel et qui génère un embouteillage monstre à la sortie des classes.

Eviter tel raccourci car la probabilité d’y rencontrer les policiers -qui officiellement ne font plus de contrôle sauvage- est forte, donc risque de se faire rançonner.

Eviter y tronçon car les agents de la Camerounaise/marocaine des Eaux (d’autres génies), sous le prétexte de réparer une canalisation -vide de toute eau- y ont creusé un trou et ne l’ont pas refermé depuis des mois, ce qui crée un énorme bouchon.

Eviter z axe car un natif/autochtone de Yaoundé a perdu son père et le deuil se fait sur la chaussée qui est barrée. pour que tout le monde l’aide à pleurer…

Sans oublier qu’il doit checker l’agenda présidentiel. Car quand le Roi Lion passe, les taxis (tout le monde en fait) évitent son parcours…

Après que son ordinateur crânien couplé au GPS embarqué de son cerveau ait en une demi seconde fait tous ces calculs et sanctionné sa décision par un coup de klaxon positif, il vous plantera sur place si vous lui sortez une dernière variable du type : j’ai deux mille francs (pas de monnaie) ou j’ai mon sac à mettre dans la malle (elle ne s’ouvre pas).

Il démarrera en trombe pour s’arrêter cinq mètres plus loin et recommencer le même manège en vous laissant une phrase désagréable dans les oreilles : mon frère, ne me perds pas le temps !

Ils sont comme ça, mais que serions-nous sans nos précieux conducteurs de voitures jaunes ?

Peace !


Comment je suis devenu un enfant du Renouveau

Photo officielle du Roi Lion

J’ai mal aux pieds.

Hier, le Roi Lion a débarqué pour un « court séjour professionnel » dans son pays d’origine. Comme d’habitude, ses cerbères ont bloqué les routes, dont l’axe primordial de la Poste centrale, paralysant pendant de longues heures la circulation dans Yaoundé-Ongola. Je ne comprendrai jamais cette attitude. Quel en est exactement le but ? Donner l’illusion au Roi de rouler sur une autoroute en vidant artificiellement les rues ? Exigence sécuritaire ? De quoi aurait peur notre roi ? Nous l’aimons, il le sait et ça fait trente ans que ça dure.

Un ami me demandait dernièrement pourquoi nous autres camerounais avons cette manie de nous plaindre des choses sans jamais nous investir pour les changer. Je lui ai répondu:  mon ami, bouffe ton poulet et laisse les choses qui te dépassent (il est des gens comme ça qui vous posent des questions bizarres à des moments bizarres).

Pour lui répondre, il ne s’agit pas de renoncement. Je penche pour le lavage de cerveau. Sérieux hein? Moi par exemple, je suis un enfant du Renouveau. Né en 83 je n’ai connu qu’un président jusqu’à ce jour. Donc en réalité, les mots, alternance, démocratie, ne sont pour moi que des concepts théoriques plus ou moins vides.

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Comment je suis devenu un enfant du Renouveau

Photo officielle du Roi Lion

J’ai mal aux pieds.

Hier, le Roi Lion a débarqué pour un « court séjour professionnel » dans son pays d’origine. Comme d’habitude, ses cerbères ont bloqué les routes, dont l’axe primordial de la Poste centrale, paralysant pendant de longues heures la circulation dans Yaoundé-Ongola. Je ne comprendrai jamais cette attitude. Quel en est exactement le but ? Donner l’illusion au Roi de rouler sur une autoroute en vidant artificiellement les rues ? Exigence sécuritaire ? De quoi aurait peur notre roi ? Nous l’aimons, il le sait et ça fait trente ans que ça dure.

Un ami me demandait dernièrement pourquoi nous autres camerounais avons cette manie de nous plaindre des choses sans jamais nous investir pour les changer. Je lui ai répondu:  mon ami, bouffe ton poulet et laisse les choses qui te dépassent (il est des gens comme ça qui vous posent des questions bizarres à des moments bizarres).

Pour lui répondre, il ne s’agit pas de renoncement. Je penche pour le lavage de cerveau. Sérieux hein? Moi par exemple, je suis un enfant du Renouveau. Né en 83 je n’ai connu qu’un président jusqu’à ce jour. Donc en réalité, les mots, alternance, démocratie, ne sont pour moi que des concepts théoriques plus ou moins vides.

Je me souviens même que tout petit je croyais que « Paul Biya » et « Président » étaient des synonymes. Je dois dire que nous avons été aidés en cela par la photo officielle du Roi accrochée dans toutes les administrations et même dans certains domiciles. Une vraie œuvre d’art, représentant un homme aux traits lisses, harmonieux. Une photo qui n’a pas changé trente ans plus tard… Version camerounaise et modifiée du portrait de Dorian Gray.

Ensuite il ya les chansons. J’en ai connu trois personnellement qui m’ont pour ainsi dire converti.

La première, je la chantais deux fois par an, le 11 février jour de la fête de la jeunesse et le 20 mai fête nationale, jours où nous devions défiler devant Monsieur le sous-préfet en Ray ban. Nos chaussures rougies par la poussière latéritique, frappaient le sol à la cadence d’un chant appris pendant les heures de classe :

Paul Biya (bis)

Notre président

Père de la Nation

Paul Biya toujours président (ou chaud gars, selon l’humeur de Mr le Directeur)

La deuxième chanson, tous les enfants du Renouveau la connaissent. C’est tout simplement celle qui a ouvert le journal radio de la CRTV durant de longues années et dont la version instrumentale figure encore comme générique de certains journaux de la mi-journée.

Paul biya nous te disons, nous camarades du RDPC

en avant pour la tâche de continuateur par la volonté de Dieu

et la confiance de la Nation, jamais jamais tu na failliras

Va de l’avant Paul biya (bis)

Le peuple camerounais te dit Paul Biya

Va de l’avant Paul Biya (bis)

Paul biya nous te disons, nous camarades du RDPC

Tu es l’homme de la confiance et l’homme de la justice

jamais, jamais tu ne failliras

Après pareil générique toute nouvelle semble digérable je vous jure.

La troisième chanson je l’ai apprise durant le comice de Maroua en 1988. Pendant le temps qu’a duré l’évènement, la CRTV nous a bassiné des jours entiers avec une chanson, qui curieusement n’avait rien à voir avec l’agriculture ou l’élevage. Je ne me souviens pas des paroles en fufuldé, mais je me souviens surtout du refrain, braillé par un vieillard édenté frappant sur une calbasse retournée:

Paul Biya Cameroun! (il prononçait Camarone)

louanges louanges louanges

Paul Biya Camarone!

Ça m’a dégouté à tout jamais de la musique du Septentrion…

Voilà comment sans le vouloir on devient un enfant du Renouveau. Comment on se met à croire à une chimère. Mais cela ne m’empêche pas d’être amer aujourd’hui. Amer quand je vois des camerounais entassés dans des taxis à Mvan. Des taxis exigus, non climatisés, collectifs. Des taxis dans lesquels le moindre pet a valeur de bombe atomique tant l’espace est confiné. Des taxis dans lesquels la majorité du peuple incapable d’acquérir une voiture ou de compter sur les rares bus, vient s’entasser. Un peuple transpirant de bon coeur, au milieu des bouchons de notre ville engorgée.

Mais ce qui semble ubuesque et à la limite incroyable, c’est de voir ces gens bloqués sur place, sous le soleil yaoundéen pendant des heures, parce que le Roi Lion a décidé d’aller jouer au songho dans son village. Des déplacements qui mobilisent la moitié des forces de police, bloquent l’axe principal de la ville et paralysent les déplacements. Je suis toujours en colère lorsque je vis ces scènes d’un autre âge. Construisez de larges avenues comme Kim Jong Il, empruntez des trains blindés comme Poutine cela aura au moins le don d’épargner aux gens une souffrance supplémentaire et motivée par un égoïsme incroyable. Car je le dis, voir des gens transpirer dans une voiture au motif que « les routes sont barrées parce que le président passe », ça c’est le vrai visage de la pauvreté. Et quoi qu’en pensent les courtisans et autre sale engeance qui veulent nous lobotomiser , le dénoncer, ne fait pas de moi un opposant ou un empêcheur de gouverner en paix. Je ne fais que mon devoir de citoyen.

Peace!


Satan, sors de ce corps !

Prière dans une paroisse pentecôtiste, près de Kinshasa. REUTERS/Corinne Dufka

Vous savez, avant j’aimais le dimanche. D’habitude, après avoir vécu le samedi, le dimanche je cuvais. Grasse matinée, farniente, sommeil. Ce,  jusqu’au jour où l’église de réveil qui est implantée dans mon voisinage direct décide d’acquérir du matériel de sono : amplis, micros, haut parleurs etc.

Depuis, chaque dimanche, je suis réveillé par une tornade de décibels qui me projette hors de mon lit, hagard, en mode zombie.

J’ai bien essayé de parler au pasteur, l’implorant de baisser le volume, Dieu étant omniscient et tout le reste n’est sûrement pas sourd. Il m’a traité de mécréant.

Moi mécréant ! On voit qu’il n’a pas eu la même expérience des églises de réveil que moi.

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Satan, sors de ce corps!

Prière dans une paroisse pentecôtiste, près de Kinshasa. REUTERS/Corinne Dufka

Vous savez, avant j’aimais le dimanche. D’habitude, après avoir vécu le samedi, le dimanche je cuvais. Grasse matinée, farniente, sommeil. Ce,  jusqu’au jour où l’église de réveil qui est implantée dans mon voisinage direct décide d’acquérir du matériel de sono : amplis, micros, haut parleurs etc.

Depuis, chaque dimanche, je suis réveillé par une tornade de décibels qui me projette hors de mon lit, hagard, en mode zombie.

J’ai bien essayé de parler au pasteur, l’implorant de baisser le volume, Dieu étant omniscient et tout le reste n’est sûrement pas sourd. Il m’a traité de mécréant.

Moi mécréant ! On voit qu’il n’a pas eu la même expérience des églises de réveil que moi.

Arrivé en fac tôt, trop tôt, je fais ma crise d’adolescence sur le tard. Aidé en cela par le traumatisme intellectuel qu’aura été mon passage dans les amphis de Ngoa Ekelle alias Yaoundé I, je décide de tout laisser tomber. Partout on crie à la folie, à l’envoûtement, à la possession. Mes parents dépassés, m’envoient en redressement à Douala, chez une tante bigote qui dans la famille a la réputation de remettre les esprits turbulents sur le droit chemin.

Moi, je rigole.

Premier commandement dès que je franchis le seuil de sa demeure : au culte chaque dimanche, tu iras. Me voilà encombré d’une bible chaque matin pour rejoindre l’église en planches dans laquelle mon salut serait niché. Au Cameroun, les églises de réveil ont cela en commun avec les entreprises françaises: elles sont toujours en préfabriqué ou logées dans des immeubles loués, comme si les promoteurs s’attendaient à plier bagages à tout moment… OK ! c’est pas le sujet.

Après un mois de fréquentation assidue de la maison de Dieu, le verdict tombe : je suis insensible aux simples prières dominicales, il me faut être délivré. Moi j’aime voir hein ? comme on dit à Yaoundé, j’aime témoigner. J’ai dit ok !

Séance de délivrance du vendredi. Pas de petit déjeuner, il faut jeuner pour être dans la sanctification. Je jeûne.

Salle comble. Chaleur, transpiration, vacarme. Il faut chanter pour être dans la présence du Seigneur. Je chante, je danse, je transpire, tellement les cantiques sont entraînants. Ce jour là j’ai compris que la foi était comme la bière, elle descend mieux à plusieurs et avec de la musique.

Puis vient la prière. Le pasteur étincelant dans un ensemble en lin est un véritable orateur. Après avoir prié pour le Président de la République, son gouvernement de voleurs (ils sont pour la plupart en prison aujourd’hui) et tous les chiens errants, il entame la prière téléphonique. Au bout du fil des mbenguistes, nos frères d’Europe, d’Amérique etc. « Tu auras tes papiers mon frère! », « Ma sœur, ton blanc va te mettre la bague au doigt ». Je me souviens même qu’on a prié pour « toucher le cœur » d’un préfet !

Après que Orange avec son service pourri eut coupé la communication –interruption attribuée à Satan- on est revenu en mode local. Le laïus qui grimpe crescendo. Les trémolos qui accompagnent les moments les plus poignants, l’électricité dans l’air, les notes subliminales du piano en fond sonore. J’ai presque eu envie de pleurer, tellement j’étais bien.

Je croyais l’affaire finie, que non. La délivrance la vraie a commencé. Passage devant les « cas » présentés. Le pasteur baignant dans un nuage d’onction chasse les démons à coup de prières et d’imposition de mains. Paralytiques courant dans la salle, aveugles de naissance reconnaissant la couleur rouge, démons domptés, chutes. Et puis moi. Oui, le type orienté par ma tante (ou par son enveloppe, je l’ai su plus tard) me fait signe d’avancer.

Ma curiosité est plus forte que tout. J’avance. Imposition des mains. Je suis censé tomber à la renverse comme les autres, rien. Le pasteur revient sur ses pas et m’assène une tape sur le front. Je frémis mais ne bronche pas. Poussée sur la poitrine. Je reste debout, me demandant si l’homme de Dieu sait qu’il est difficile de faire tomber aussi facilement quelqu’un d’aussi petit que moi. Physique élémentaire.

Agacé par mon indifférence et mon manque de réaction l’homme de Dieu fait un signe à ma tante et dans le vacarme général, lui crie quelque chose à l’oreille. Je saurais plus tard qu’il lui parlait de la gravité de mon cas en lui donnant des instructions pour une séance ultérieure.

J’ai failli tomber finalement, mais à cause de la faim. Et lorsque mon corps affamé depuis le matin m’a dit petit, moi je ne suis plus là ! Je l’ai répété à ma tante et nous sommes rentrés.

De retour à la maison, les oreilles sifflantes comme après une nuit en boîte, j’ai couru à la cuisine me faire une omelette épaisse comme la cuisse. Seulement, l’huile d’olive extra vierge que j’ai pris dans un placard, en lieu et place du vrac qui faisait l’ordinaire des plats chez nous était de l’huile consacrée. Vendue à pris d’or par le pasteur, elle était censée déloger la légion de démons qu’abritait mon corps lors de la prochaine session de délivrance. Devant cet énième acte démoniaque, ma tante a piqué une crise et le lendemain, mes démons et moi prenions le bus pour rentrer à Yaoundé.

Je ne sais pas pour vous, mais trop c’est trop. Je respecte le droit de tout un chacun de croire en ce qu’il veut, mais j’ai la haine devant ce commerce de la souffrance d’autrui. Ces vendeurs d’illusion qui se substituent à un Etat démissionnaire. On ne va plus à l’hôpital, ni à la police, ni au tribunal, on va à l’église et on confie ses soucis au Pasteur, homme orchestre, homme d’affaire, mais rarement homme de Dieu.

Qu’ils fassent leurs affaires, si au moins ils pouvaient me laisser dormir le dimanche! Même Dieu s’est reposé le septième jour non?

Peace mes frères!

 


Le kongosseur au tribunal

J’adore le cinéma. Lycéen, mes parents ont même du énoncer une fatwa, qui m’interdisait formellement de mettre les pieds dans un ciné club. Peine perdue. Ne pouvant voir les films durant mes moments libres, je profitais de n’importe quel prétexte pour satisfaire mes envies de septième art.

Une fois, je me souviens, je suis allé voir un film entre deux épreuves, en pleine composition de fin de trimestre !

Le type avait choisi cette période pour diffuserStarship Troopers ce génial film de science-fiction. Après avoir vainement essayé de le voir durant le week-end, j’ai décidé d’attendre la semaine. Lundi, premier jour de compo. Le film passe dans le créneau horaire qui sépare l’épreuve d’anglais de celle d’allemand. Voilà l’occasion.

Je compose en trente minutes. Remets ma copie sous les sifflets et les murmures jaloux et énervés des camarades : « le gars-ci veut même nous montrer quoi ? ».

Course vers le centre ville, j’arrive avec quinze minutes de retard, mais je peux m’asseoir dans la salle. Quelques lycéens du premier cycle, exempts de compo sont présents.

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Le kongosseur au tribunal

J’adore le cinéma. Lycéen, mes parents ont même du énoncer une fatwa, qui m’interdisait formellement de mettre les pieds dans un ciné club. Peine perdue. Ne pouvant voir les films durant mes moments libres, je profitais de n’importe quel prétexte pour satisfaire mes envies de septième art.

Une fois, je me souviens, je suis allé voir un film entre deux épreuves, en pleine composition de fin de trimestre !

Le type avait choisi cette période pour diffuser Starship Troopers ce génial film de science-fiction. Après avoir vainement essayé de le voir durant le week-end, j’ai décidé d’attendre la semaine. Lundi, premier jour de compo. Le film passe dans le créneau horaire qui sépare l’épreuve d’anglais de celle d’allemand. Voilà l’occasion.

Je compose en trente minutes. Remets ma copie sous les sifflets et les murmures jaloux et énervés des camarades : « le gars-ci veut même nous montrer quoi ? ».

Course vers le centre ville, j’arrive avec quinze minutes de retard, mais je peux m’asseoir dans la salle. Quelques lycéens du premier cycle, exempts de compo sont présents.

C’est au moment crucial, celui où les soldats de la Fédération font face aux arachnides géants, que la porte du vidéo club s’ouvre brutalement. Et qu’un cri jaillit : les lycéens en tenue, dehors ! Mon sang se glace, je viens de reconnaître la voix de mon pire cauchemar : Amine. Amine était un surveillant de secteur. Un Picasso de la chicotte, un Eto’o du fouet qu’il maniait avec la dextérité d’un jongleur. Taciturne, les seules phrases qu’on lui connaissait étaient : viens ici ! Tends les fesses ! Rentre en classe!  Quand je vois ces enfants d’aujourd’hui qu’une simple gifle plonge dans le coma…

A la queue leu-leu on nous fait entrer dans la voiture du proviseur. C’est lui qui lors d’une ronde dans le petit centre ville a eu l’idée de jeter un coup d’œil dans la salle obscure. A cette époque les fonctionnaires prenaient encore leur travail au sérieux.

Retour au lycée. Le proviseur, tel un Yaya Jammeh pressé de liquider ses condamnés à mort organise un conseil de discipline extraordinaire. Jugement expéditif, application immédiate de la sentence : vingt cinq coups de fouet sur le derrière, administrés par une vieille mais efficace courroie de moteur maniée par le poignet souple d’Amine. Mes compagnons de galère, pleurent déjà, des élèves de sixième pour la plupart. Je suis en terminale, je ne peux pas pleurer, mais ce n’est pas l’envie qui me fait défaut.

Les grappes d’élèves suspendues aux fenêtres de la salle des profs transformée en tribunal ne comprennent pas. Des élèves de sixième d’accord, mais qu’allait chercher un « finissant » comme Ngimbis dans un ciné club en pleine compo ? Les incultes !

Le flagrant délit étant établi, le jugement se limite à une question : Mr X reconnaissez vous avoir été dans une salle de cinéma aux heures de cours, ce en violation de l’article blablabla.

« Oui Monsieur ! » répondent invariablement les accusés, réponse suivie d’un signe de tête à Amine, le bourreau, qui se charge d’exécuter la sentence.

Last but not least, mon tour arrive. Après m’avoir sermonné et mis en avant mon côté Dr Ngimbis/Mr Florian, le proviseur qui se dit très déçu par mon comportement me pose la question rituelle. Alors que tout le monde s’attend à mon oui tremblotant je sors une réponse inattendue : « Pas totalement ». Le proviseur croyant avoir mal entendu repose la question : Mr Ngimbis reconnaissez vous avoir été dans cette salle de ciné oui ou non ?

Je répète ma réponse : pas totalement.

Sur le départ le collège des juges se rassoit. Expliquez-vous.

Monsieur, ayant fini de composer très tôt j’ai décidé d’aller manger un morceau de pain en ville, car je n’aime pas les beignets qu’on vend au lycée. J’ai vu ces élèves en train d’entrer dans la salle. J’ai cru qu’il y avait une conférence et je les ai suivis. Pendant que j’avais un pied à l’extérieur et mon torse à l’intérieur, je me suis fait attraper par Mr Amine.

Moment de flottement, Socrate venait de paralyser ses accusateurs. Les élèves aux fenêtres murmuraient, l’assistance pressait César de lever le pouce pour sauver ce gladiateur qui s’était battu comme un lion. J’étais à ça de convaincre le proviseur qui en réalité ne voulait pas me condamner, moi le grand/petit de terminale, rédacteur en chef du club journal, prodige dont tous les profs faisaient l’éloge (sauf le prof de maths). Mais je n’avais pas compté avec Amine.

Tandis que le jury se demandait s’il allait croire mon mensonge gros comme un autobus, Amine ne comprenant rien à la magie de l’instant m’a simplement lancé : mouf ! Viens ici !

Et le vampire m’a saisi par le bras, et dans le même mouvement s’est mis à faire pleuvoir des coups de chicote sur mon derrière.

Voilà comment on tue une légende.

Je croyais avoir tout enduré, mais le soir même, mon père, mis au courant de l’histoire, me prouvait qu’Amine n’avait pas le monopole du maniement du fouet.

Peace mes frères !

Je dédie ce billet à M Misékou Zacharie et à tout le corps enseignant du Lycée de Ndikiniméki de la période 1997-2000. Sans vous, je ne serai pas l’homme que je suis.


Non! Le cinéma camerounais n’est pas [encore] mort

Vous vous souvenez de mon billet sur le cinéma au Cameroun? Hier soir en en parlant avec un copain, il m’a fait découvrir cette vidéo. Il s’agit de la bande annonce d’un film camerounais: Les frères d’armes III. Sérieusement, au delà du fou rire qui m’a animé en regardant la vidéo, j’ai été agréablement surpris de constater que des jeunes gens comme ceux-ci se débrouillent avec des moyens rudimentaires pour produire des films dans un environnement culturel qui ne les y encourage pas.
J’ai perdu environ deux heures de ma vie à regarder Expendables 2, mais je crois pas que je regretterai mon prochain achat: le DVD Les frères d’armes III.

Soutenons le cinéma camerounais, même sur son lit de mort!