Guy Muyembe

Vive les petits agriculteurs

        Le gombo: crédit photo Guy Muyembe

Depuis une décennie, les institutions financières d’aide au développement semblent avoir compris la nécessité de changer de politique. En matière agricole, elles ne réservent plus leurs aides uniquement aux exploitations de grande taille disposant de moyens techniques plus ou moins importants. La tribune du président de la BAD(Banque africaine de développement) parue sur le site foreign affairs s’inscrit dans ce cadre. De cette tribune du nigerian Akin Adesina j’ai retenu ce qui suit :
-le travail des petits agriculteurs est créatrice de centaines de milliers d’emplois dans chaque pays africain. Contrairement aux grandes exploitations où les moyens techniques tendent à détruire les emplois au fil du temps. D’où on peut légitimement affirmer que cette agriculture,qu’on qualifiait autrefois d’agriculture traditionnelle ou d’agriculture de subsistance, est le plus gros employeur du continent.

-le secteur privé doit désormais être impliqué dans le financement et la fourniture d’intrants. Ce rôle ne doit plus revenir aux seuls gouvernements. Il a été constaté par exemple qu’au Nigeria les aides gouvernementales bénéficiaient finalement assez peu aux petits agriculteurs. En cause il y a la corruption, les détournements et le manque d’efficacité.

-le boom des télécommunications doit être mis à profit pour connecter et faire interagir les différents intervenants du secteur agricole.

Toutes fois le point de vue de Akin Adesina, cet ancien ministre de l’agriculture de son pays, s’inspire visiblement de l’idéologie ultra libérale. C’est inquiétant car les acteurs du monde agricole, dont il est question, n’en sont pas encore au point où ils doivent répondre à une seule logique : la logique du marché.
Le marché impose de ne produire que ce qui a une grande valeur marchande. N’a-t-on pas vu des planteurs de manioc s’adonner à la culture des produits de rente(cacao,café,…) uniquement par recherche du profit ? Il va sans dire que nombre des contrées ont été confrontées à l’insécurité alimentaire à cause de ça.
Par ailleurs, je crains que derrière cette volonté d’impliquer le secteur privé il se cache l’idée d’écarter l’État et toute forme de régulation par voie de conséquence. Certes l’agriculture est une activité économique parmi tant d’autres. Mais à la différence de la finance ou de l’extraction minière, elle a besoin d’être protégée des méfaits de la mondialisation. D’où l’importance de la régulation.
Vive donc les petits agriculteurs. Ceux-là qui ont permis au Nigeria d’être aujourd’hui la première puissance économique africaine devant le pays de Mandela. (1)

(1): d’après les statistiques économiques, la part de l’agriculture dans le PIB nigérian dépasse celle du pétrole.


Sombé: le légume préféré des lushois

feuilles de manioc: crédit photo Guy Muyembe

Dans la famille des aliments préférés des lushois j’appelle « Sombé » alias feuilles de manioc.
Ah ! Te voici donc !
Ô plante à tubercules ! Tu as une place à part dans notre alimentation. Autant on se régale de tes feuilles autant on aime le manioc.
C’est un moment particulier de la journée. Celui où le panier de la ménagère atterrit sur la table de cuisine chargé de bottes de sombé dégoulinant d’eau. La vendeuse du marché Zambia(1) à dû précautionneusement verser de l’eau dessus. De peur que le Soleil n’en fasse son affaire.
Pourtant aucun écolier n’aime voir sa maman éplucher le Sombé alors que lui revient du bahut. Car cela veut dire qu’il ne va pas pouvoir manger son Bukari de sitôt.
Qu’est-ce que c’est rageant !
Toute bonne ménagère vous dira qu’il faut au minimum 1heure entre le moment d’éplucher le sombé et le moment où il est servi.
Décidément notre petit écolier préfère être servi dès qu’il arrive sur le seuil.
Outre l’épluchage, le sombé demande à être rincé à l’eau chaude puis à être pilé. C’est avec amour que la maîtresse de maison réalise une à une ces étapes pour le bonheur des siens.

(1): plus important marché à légumes de Lubumbashi.

PS: les feuilles de manioc sont appelées différemment selon les régions de la R.D.Congo. On appelle cela Sombé à Lubumbashi, Pondu à Kinshasa et Kaleji au Kasaï.


Signé Renaudossavi

C’est un livre dont j’ai pris du plaisir à lire au cours de mes vacances de fin d’année. Ce recueil de poèmes publié par l’ami Renaud Ayi Dossavi est tout en saveur.
Rosées lointaines reflète assez bien la nature du jeune homme que j’ai la chance de côtoyer à Dakar au mois de Décembre 2015: large ouverture d’esprit, modération du discours, amabilité et bonne humeur.

Personnellement je n’ai jamais été un grand lecteur de la poésie. C’est un genre qui m’a toujours semblé impénétrable aux non initiés, au-delà de la beauté des vers. Connaissant la plume raffinée de l’auteur, je me suis lancé le défi de découvrir ce qu’il aurait pu dire en dehors de ses billets de blog.
J’ai noté que Rosées lointaines est une oeuvre en 3 actes.

Acte 1: idéaux et combats de l’auteur

Renaud Ayi Dossavi rêve d’une renaissance africaine. Raison pour laquelle il écrit :

L’ambition est là
D’écrire en lettres d’or et d’argile
Les prémices d’un continent-phenix
Qui, les dieux le bénissent,
Vers la gloire tendra à nouveau ses mains graciles.

Avec le dessein de concilier rêve et dure réalité :

Laisse le fantasme l’emporter sur le réel
Et le rêve l’emporter sur le quotidien
Pour l’enfanter à nouveau.

Acte 2: ode à la beauté de dame la poésie
La poésie, c’est cette âme pétillante à laquelle Renaud voue un culte :

La poésie
Air qui coule
Phrase qui tombe et qui croule
Sous le poids
de sa propre beauté
et fait un
« plouf !!!  »
Léger comme le soupir, retentissant comme le tonnerre
Dans le coeur de l’homme et au creux de ses nerfs.

Quoi que sa fidélité vis-à-vis de cette dame est sujet à caution. Et c’est le moins qu’on puisse dire:

Par une langue menteuse, capricieuse et Oh combien vicieuse,
« Je ne suis qu’un homme »… me dis-je face à l’impétueuse poésie à peine séduite
Alors que je songe déjà à la cocufier, une fois de trop,
avec une autre plus précieuse
Sur le moment…  Et j’en séduirai encore, et encore,
jusqu’à assouvir ma soif fortuite.

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Dédicace du livre par son auteur

Acte 3: partager entre ravissement, désespoir et courage
Lucide,  Renaud Ayi Dossavi pose un regard affligé sur le sort de son peuple.

Mon pays boit son sang
Quand la résolution Humanitaire
Lui lacère le ventre
Et épanche ses fils morts sur son torse.

Il ne manque pas d’affirmer son intérêt pour la vie. La vie qu’il aimerait croquer à pleines dents. La perspective de se trouver en ébriété ne l’effraie pas:

Donne-moi la main, ma fleur d’un soir
Ma rosée de mille et une nuits
Je te boirai jusqu’à l’ivresse.

Enfin c’est avec entrain qu’il prend part au combat pour l’émergence du continent « berceau de l’humanité »:

Donnez-moi des palettes et des pinceaux
Des lotus, des maïs et des paysans
Des feuilles de gombo et des liasses de dollars
Pour dessiner un Afrique qui sourit, qui me tend la main.

Que dire de plus si ce n’est inviter  mes lecteurs à se procurer Rosées lointaines pour pouvoir savourer la délicatesse des mots ordonnancés en strophes.

Référence: Ayi Renaud Dossavi-Alipoeh
Rosées lointaines
Éditions Awoudy
BP 14524 Lomé-Togo
Juillet 2015
Retrouvez Renaud sur son blog: https://renaudossavi.mondoblog.org


Un mondoblogueur, un article( troisième partie)

Ce 27 Novembre 2015,je venais de poser mes bagages à l’espace Thially( un auberge de Dakar) quand surgit devant moi un gars dont le look evoque une star du RNB. Il était souriant. Ce qui contribua aussitôt à briser la glace entre nous.
-Tu me reconnais ? M’interrogea-t-il.
Et alors que je commençais à balbutier, incapable de faire le rapprochement avec le type dont j’ai toujours vu les photos sur les réseaux sociaux, il me révéla son identité: « je suis Alain Amrah Horuntanga,  le burundais.  »
Aussitôt j’allais le serrer dans mes bras.
Depuis lors on ne se quittait que le temps d’aller se coucher. En effet Alain a été la personne avec laquelle j’ai passé le plus de temps à Dakar. C’est en sa compagnie que j’ai appris à apprécier la douceur des nuits dakaroises. Au fil des conversations on commençait à se confier certaines histoires tout à fait personnel. Et naturellement il nous a été confié par les organisateurs de la formation mondoblog la charge de veiller l’un sur l’autre( c’est ce qu’on a appelé former un binôme).
J’ai connu le Alain Amrah Horutanga  jovial et amoureux de la vie. C’est le gars avec lequel vous aimeriez sûrement passer vos vacances.

J’ai aussi connu le Alain Amrah Horutanga solidaire qui partageait souvent sa connexion internet mobile avec moi et qui m’a secouru financièrement alors que j’avais des billets verts( le Dollars Américains) dans la poche dans un pays où on n’utilise que le Franc CFA.

Sans oublier le Alain Amrah Horutanga imperturbable devant les épreuves. Vous aurez du mal à le croire s’il vous disait qu’il passe le plus clair de son temps dans le fameux quartier de Musaga à Bujumbura. Là où la police tire tous les jours sur des jeunes gens au motif qu’ils préparent une insurrection.
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Moi et Alain lors de la soirée d’au revoir

C’est au sujet de son article « là où le père Noël ne passera pas » que j’ai tenu à l’interroger. Dans cet article publié au courant de la période des fêtes de fin d’année en 2014, il a invité ses lecteurs à avoir une pensée pour tous ceux-là qui n’avaient aucune raison de fêter à l’instar des enfants de Béni,  en R.D.Congo. Un véritable plaidoyer pour la paix.

Moi: est-ce qu’en rédigeant cet article tu versait des larmes ?
Alain: oui. D’ailleurs il arrive souvent que j’aie plus  d’inspiration durant les moments de tristesse.

Moi: où étais-tu au moment où il t’es venu à l’idée de mettre par écrit pareil cri du coeur ?
Alain: j’étais chez moi à la maison.

Moi: tes pensées étaient plutôt dirigées vers tes compatriotes ou vers les peuples d’autres pays.
Alain: je pensais à tous les enfants et particulièrement ceux du camp des réfugiés de Mubunga à l’Est du Congo.

Moi: est-ce ,de ton point de vue,le meilleur article que tu aies jamais rédigé ?
Alain: je ne le pense pas.

Moi: t’arrives-t-il de te dévoiler dans tes écrits ?
Alain: oui. Cela m’arrange bien de ne pas cacher ma vraie personnalité à mes lecteurs.


Un mondoblogueur, un article ( deuxième partie)

J’ai fait exprès de réserver tout un article aux blogueuses béninoise Lucrece Gandigbe et malgache Sophie Bella. Car contrairement aux 3 trois blogueurs cités précédemment, l’ entrevue que j’ai eu avec chacune d’elle s’est passé par correspondance.

Comment? me demanderez-vous. Certes on a passé une semaine ensemble à Dakar, mais pour autant on n’avait que peu de temps de se voir en privé pour discuter de ce qui n’avait rien à voir avec la formation Mondoblog.

À propos je dirais que j’ai été tellement ravi de discuter avec la guinéenne Diérétou Diallo et le camerounais Ecclesiaste Deudjui. Je crois que j’aurais pu passer toute une journée à discuter avec Diérétou sans problème n’eut été l’obligation qui nous étais faite d’assister à toutes les séances de la formation. En effet j’ai eu le sentiment de côtoyer une personne passionnée et surtout motivé qui sait donner envie de faire la même chose qu’elle. Et je n’ai pas été déçu de la discussion que j’ai eu avec Ecclesiaste Deudjui. Comme je m’en doutais, le camerounais est un véritable tribun. Pendant une dizaine de minutes j’ai été suspendu à ses lèvres tel un disciple face à un esprit brillant.

Certes cela n’a pas été facile d’aborder l’haitien Eliphen Jean. Mais je ne bouderai pas mon plaisir d’avoir pu échanger avec lui.

Ceci dit voici  ce qui en est ressorti des échanges épistolaires entre Lucrece Gadingbe et moi à propos de son article « 10 objets connectés dont je ne me servirais jamais ». Dans cet article la geek béninoise exprime son mépris quand l’innovation technologique déborde le cadre des réels besoins de la  société et empiète sur nos subtilités d’êtres humains.
Pour l’anecdote c’est elle qui a demandé que l’entrevue se passe via un questionnaire. Cela m’a un peu dessus car je voulais mesurer le degré de passion qu’elle met dans ses écrits. Mais j’ai été ravi le jour où, alors que je m’attendais à ne plus avoir de suite, elle m’a envoyé un bout de papier sur lequel été rédigées ses réponses à mes questions.

Moi: comment en es-tu arrivé à faire cette sélection d’objets connectés? Tu as été inspiré par un autre article du genre? Tu as assisté à un événement où l’on a présenté toutes ces innovations?

Lucrece: j’ai été inspirée par un article lu dans un magazine en ligne.

Moi: en as-tu discuté avec une personne de ton entourage bien avant la publication?

Lucrece: j’ai rédigé cet article sans jamais avoir consulté une seule personne.

Moi: quelques mois après dirais-tu toujours jamais à cette liste de 10 innovations?

Lucrece: oui, mon opinion sur le sujet n’a pas évolué entre temps. Je n’ai rien contre ces 10 objets connectés cependant je les trouve assez inutiles.

Moi: comment reagirais-tu face à une personne qui s’en sert maintenant?

Lucrece: mon article n’est pas fait pour inciter les gens à ne pas s’en servir. Par conséquent je resterais indifférente si jamais je croise une personne utilisant l’une ou l’autre de ces choses.

Par ailleurs j’ai dû, de mon propre chef, adresser une série de questions  à la féministe malgache Sophie Bella concernant son article « Qui aime bien châtie bien ». C’est que la blogueuse était devenue insaisissable: soit elle était parti flâner dans les rues de Dakar ou à Gorée soit elle se reposait alors que moi je faisais le noctambule dakarois. J’ai donc fais ce que je pouvais avant qu’il ne soit trop tard.

Moi: Comment est venue l’idée de l’article ? Un film ? un autre article ?

Sophie: l’idée d’écrire un article sur le sujet m’est venue à l’esprit depuis un moment déjà, étant donné le comportement des jeunes actuellement qui méritent une bonne correction. Cependant, ce qui m’a enfin poussée à passer à l’action était un article sur LeMonde.fr dans lequel l’auteur dit que la France a été condamnée par le Conseil de l’Europe parce qu’elle n’interdisait pas de battre les enfants.

Moi: est-ce que tu es toujours pour les punitions corporelles infligées aux enfants ?

Sophie: je suis pour les punitions corporelles quand le dialogue ne marche pas avec eux. Il y a des enfants à qui on peut parler calmement, et ceux à qui il faut mettre un peu d’action avec la parole pour qu’ils suivent le droit chemin. De préférence, je préfère ne pas en arriver là ; mais je ne veux pas non plus que mon enfant devienne un petit voyou par manque de correction.
De plus, à Madagascar, il y a un dicton qui dit que si tu aimes ton enfant, tu ne lui épargnes pas les fouets. C’est un peu l’équivalent du proverbe français : « qui aime bien, châtie bien » que j’ai repris comme titre de mon billet.
Moi:bats-tu tes propres enfants ?

Sophie:je n’ai pas d’enfants pour l’instant. Mais si dans le futur j’aurai la chance d’en avoir, je laisserai le soin à leur père de leur donner de petites fessées de temps à autre si c’est nécessaire. La maman est censée consoler.

Dans le troisième épisode de la série « Un mondoblogueur, un article » je traiterais de questions que j’ai posé au plus congolais des blogueurs burundais Alain Amrah Horutanga pour son article « Là où le père noël ne passera pas« .


Un mondoblogueur, un article (Première partie)

Depuis mon arrivée sur la plateforme Mondoblog Il est de ces articles qui m’ont marqué. J’ai donc profité de mon dernier séjour à Dakar pour avoir un entrevue avec chacun(e) des blogueurs concernés.
1. »Tu ne me battras plus » de la blogueuse guinéenne Diérétou Diallo.
Dans cet article la militante « entêtée » se met dans la peau d’une femme battue. Ce qui a ému nombre de lecteurs.
Moi: Comment est venue l’idée de cet article? Un film vu à la télé? Témoin d’un événement du genre?
Diérétou: C’est article m’est venu spontanément. Il n’ya rien avoir avec un quelconque événement de ma vie. Personnellement je n’ai jamais été battue.
Moi: Penses-tu que c’est ton meilleur article?
Diérétou: Non je ne pense pas. Et toi qu’en penses-tu?
Moi: Je crois que c’est l’article de ton blog dont je me souviendrais des années plus tard. Ceci étant est-ce que tu te dévoiles dans tes articles? Peut-on saisir ta personnalité au travers de tes articles?
Diérétou: oui. Je me dévoile car mon blog est un espace personnel à mon avis. J’y écrit au grès de mes aspirations et de mes émotions.
Moi: Quelle est la part du blogging dans ton combat pour le féminisme?
Diérétou: le blog représente un outil par lequel je capitalise. Le blog est plus qu’un outil, c’est une arme.

2.Camerounaises, camerounais: n’ayez plus peur de Ecclesiaste Deudjui
Dans cet article, la star de la blogosphère camerounaise invite ses concitoyens à prendre conscience de ce qu’ils sont réellement nonobstant la pauvreté. J’avoue que j’ai versé une larme en lisant cet article.
Moi: comment en es-tu venu à écrire cet article?
Ecclesiaste: tout est parti du constat selon lequel les camerounais sont impressionnés outre mesure par le paraître que l’être. Il suffit de dire « je travaille à la banque », « je suis allé en Europe » ou « je suis le fils d’un tel » pour, aussitôt, te faire craindre. À travers mon article j’ai voulu inviter mes concitoyens à changer d’état d’esprit.
Moi: et qu’elle leçon morale doit-on tirer après lecture de cet article?
Ecclesiaste: on peut être d’une apparence moins intéressante mais être une personne d’une grande valeur.
Moi: est-ce que Ecclesiaste Deudjui se dévoile dans son blog?
Ecclesiaste: évidemment. Il n’y a pas de différence entre la personne qui publie sur mon blog et le jeune homme que je suis dans la vraie vie.

3. Haïti est africaine de Eliphen Jean.
Dans cet article, le jeune poète haïtien revendiquait les racines profondément africaines de son île natale.
Moi: qu’est ce qui a été à l’origine de cet article?
Eliphen: j’ai voulu montrer au monde que Haïti est un pan de l’Afrique.
Moi: par quoi remarque-t-on le côté africain de cette île des Caraïbes?
Éliphen: à travers la culture. Je donnerais l’exemple de la religion Vaudou dont on sait avec certitude qu’elle vient d’Afrique. Je donnerais l’exemple du créole qui est en partie d’origine africaine. Pour moi Haïti fait partie de l’Afrique.
Moi: combien de temps cela t’a pris pour écrire cet article?
Eliphen: moins d’une journée.

PS: dans le prochain billet je donnerais le compte rendu des échanges que j’ai eu avec la béninoise Lucrece Ngandjibe et la malgache Sophie Bella.


Le buzz de la formation Mondoblog

Tant d’événements, de personnages et de lieux ont alimenté les
conversations au cours de la formation Mondoblog baptisée « Dakar 2015 ».

Côté événements on a longuement parlé du périple de certains mondoblogueurs entre leurs pays et le Sénégal. Hein! Tu as beau vivre en Afrique mais pour autant tu n’as pas droit à une liaison directe entre deux métropoles.

La palme du plus long périple reviendrait à l’angolais Steaves Mahum.L’homme à tout simplement « dessiner une mini carte de l’Afrique » en un voyage aller-retour entre Luanda et Dakar.

Mais deux événements ont plus fait parler d’eux-même et l’on comprend
pourquoi: c’est le dîné d’un certain Dimanche 29 Novembre et la soirée d’au
revoir ayant eu lieu au restaurant « la calebasse ». Il se trouve que que le
fameux dîné n’était ni savoureux ni appétissant et nombre des blogueurs ne
voudraient pas s’en souvenir. La soirée d’au revoir à de son côté annoncé
ses couleurs par la voix de Ziaad Malouf, l’un dès formateurs. Ce qui a
bien sûr tenu en haleine toute une communauté désireuse de voir venir le
« jour J ».

Dans cette revue du buzz spéciale Dakar 2015 n’oublions pas de citer entre
autre événements la visite de l’île de Gorée, la nostalgie qui a prévalu
lors de la séparation et la panne technique qu’à connu un bus de la
Senecartour ( société chargée du transport des participants) lors d’un
trajet entre le siège de l’Agence universitaire de la francophonie et
l’Espace Auberge Thially (lieu d’hébergement).

Ambiance studieuse dans la salle Léopold Sédar Denghor
Ambiance studieuse dans la salle Léopold Sédar Denghor

Ceci dit voyons quels ont été les personnages marquants de la formation
Mondoblog 2015. Forcément nous avons tous été marqués par la personnalité
du taxi dakarois plus enclin à parler Wolof même avec des étrangers qu’à
manier correctement la belle langue de Molière. En revanche nous n’avons
pas eu de problème de communication avec nos 4 formateurs et à leur tête
Ziaad Malouf. Pour qui n’a jamais connu ce dernier qu’à travers le son de
la radio, il était difficile de l’imaginer aussi bon vivant et aussi drôle.

D’autres personnages ont aussi fait parler d’eux dont le blogueur togolais
Roger Mawulolo à qui revenait le beau rôle d’organisateur de la soirée d’au
revoir. Il faut dire que personnellement j’imaginais avoir affaire à un
intello prisonnier du monde d’utopie qu’il s’est créé. J’ai été ravi de
côtoyer un gars plutôt gai. Et le blogueur algérien Abdelkrim Mekfouldji, un
gaillard toujours bien dans sa peau. Sa voix aiguë et tonitruante à
toujours compenser quelques problèmes des enceintes acoustiques de la salle
de conférence de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie).

Enfin comme lieu marquant de la formation Mondoblog 2015 chacun pensé
aussitôt à l’île de Gorée et au monument dit « de la renaissance africaine ».
Je pense que cette palme revient plutôt à un bar appelé « la congolaise ».
Je me garde d’en donner les raisons car, voyez-vous, ce qui se passe chez
la congolaise reste chez la congolaise.


Yoweri Museveni, le parrain

Quel chef d’Etat de la région des Grands Lacs n’a jamais eu affaire à Yoweri Museveni, président ougandais et personnage haut en couleur ?

Aussi loin que l’on se souvienne, tous les homologues de cette partie du continent africain ont, d’une manière ou d’une autre, baisé sa main avant d’aller conquérir le pouvoir. Du Front Patriotique Rwandais (FPR) à l’Armée de Libération du Sud Soudan (SPLA) en passant par l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo (AFDL). C’est une constellation des mouvements armés qui ont bénéficié soit du soutient affiché du président ougandais, soit de son silence coupable.

Certes la première chose qu’on remarque chez Yoweri Museveni, c’est son crâne chauve ou ses chapeaux de cowboy. Mais c’est avant tout un type qui a le verbe haut, un chef d’Etat coutumier des propos fracassants. A-t-on jamais oublié ses critique acerbes à l’encontre de la MONUSCO (Mission de l’ONU en R.D.Congo) en décembre 2013 ? Alors que l’armée congolaise était en débâcle face aux rebelles du M23 et que les casques bleus restaient passifs, Yoweri Museveni faisait sa sortie médiatique: les soldats envoyés par l’ONU étaient pour lui une façon de faire du tourisme militaire dans l’Est du Congo. Reste à savoir le sens qu’il a conféré à l’expression « tourisme militaire » qui s’avère être un néologisme.

L’homme fort de Kampala est aussi l’archétype du pompier-pyromane. Nombre de bruits de bottes à l’Est du Congo ont été mis sur son compte. Curieusement, c’est auprès de lui qu’ont fait toujours recours pour y mettre fin. Entre temps ce trublion a été « élevé » au rang de garant des accords d’Addis Abeba ayant mis fin à la guerre déclenchée par les rebelles du M23. Allez donc comprendre quelque chose.

 

 

 

 


Elections en Afrique : il y a deux cas

Quand un certain chef d’État du continent voit poindre la date des échéances électorales, il y a toujours deux cas*: soit la Constitution autorise de briguer un nombre illimité de mandats consécutifs soit elle fixe le nombre de mandats à deux.

Son excellence Paul Biya, président à vie du Cameroun Crédit phot: wikipédia.org
Paul Biya, président à vie du Cameroun
Crédit phot: wikipédia.org

Dans l’hypothèse de mandats illimités, le chef d’État est sauvé. La seconde hypothèse donne lieu à deux cas : ou bien le président sortant vient de terminer son premier bail ou bien il en est à son deuxième.
S’il lui reste un autre bail ce qu’il est sauvé. S’il ne lui en reste pas, deux cas s’offrent à lui : soit il peut modifier la Constitution soit il ne peut pas.

La loi fondamentale autorise-t-elle à passer outre la limitation des mandats ? Donc il est sauvé. Sinon il y a deux cas: ou il modifie quand même cette fichue Constitution en invoquant la crainte d’un naufrage du navire qu’il pilote. Ou alors il décide de jouer la montre.

Son excellence Dénis Sassou Nguessou du Congo-Brazza pense que sa constitution est lavable et biodégradable. Crédit photo: wikimédias.org
Denis Sassou Nguessou du Congo-Brazza pense que sa constitution est lavable et biodégradable.
Crédit photo: wikimédias.org

Vient-il de s’autoriser un coup d’État constitutionnel ? Croyez-moi il est sauvé. Si jamais il est trop malin pour malin pour emprunter cette voie, on a deux cas : ou il convoque un référendum pour s’octroyer un surbail dans le but d’achever ses nombreux chantiers. Ou il envoie ses affidés dire à la cour constitutionnel qu’il n’y a pas d’argent pour convoquer le corps électoral.

Comme on peut s’en douter, le surbail est une bouée de sauvetage sans pareil. Mais l’invocation du manque d’argent pour refuser l’organisation du scrutin entraîne deux cas: soit le chef d’État convoque un dialogue soit il suspend la Constitution et décrète la loi martiale.

Son excellence Joseph Kabila du Congo-Kinshasa trouve que le dialogue a une saveur particulière.
Joseph Kabila du Congo-Kinshasa trouve que le dialogue a une saveur particulière. Crédit photo: wikipédia.com

 

Le dialogue permettant au locataire du palais présidentiel de faire adopter l’idée d’un gouvernement de transition, le trône est sauvé. Mais la suspension de la loi fondamentale ouvre la voie à deux éventualités: la première est celle d’une décision de l’armée de se ranger derrière son commandant en chef. La seconde est celle du refus de l’armée d’appliquer cette politique du pire.

Nul doute qu’il vaut mieux avoir l’armée avec soi en pareille circonstance car il en va de la pérennité du régime. Son refus engendre un coup d’État. Ce qui nous donne deux cas : soit la France envoie un hélicoptère exfiltrer son boy scout, soit elle ne fait rien.

Bien sûr quand on réussit à se faire exfiltrer on est sauvé. Sinon on a droit à la prison ou à une place de choix au cimetière.

(*) : Inspiré d’un spectacle de l’humoriste ivoirien Agalawal


A-t-on besoin de déclarer les naissances ?

A priori, ma question est naïve et inopportune. Nul doute qu’on me dira qu’un enfant non déclaré à l’état civil court le risque de perdre tous ses droits : nationalité, filiation, héritage, accès à l’éducation…
La déclaration de naissance est une des matières du code de famille tel que promulgué en 1987. Le simple fait pour le législateur congolais de se saisir de cette matière témoigne de son importance.
Cependant, des milliers d’enfants nés au Congo n’ont pas d’acte de naissance. Si l’on en croit un rapport de l’ONG « SOS enfants » datant de 2004, dans certains coins de ce vaste pays on recense 90 % des naissances non déclarées.Pour autant j’estime qu’il n’y a pas lieu de considérer que leur état civil n’est nullement établi. J’en veux pour preuve le fait qu’aucun des élèves actuellement inscrits dans les écoles du pays n’a été obligé de fournir son acte de naissance avant de prendre son inscription.

Ce qu’en dit la loi
L’article 116 du code de la famille dispose que toute naissance est déclarée à l’état civil dans le mois. D’après Madame Silvie, préposée à l’état civil d’une des 7 communes de la ville de Lubumbashi, le père et la mère de tout nouveau-né ont au total 90 jours pour le faire.

« Une naissance qui n’aura pas été déclarée avant l’expiration de ce délai ne saurait être prise en compte dans les registres officiels que sous réserve d’un jugement supplétif devant le tribunal de grande instance et du paiement d’une amende. »

Madame Silvie affirme par ailleurs que les Congolais comprendront bientôt la nécessité d’observer scrupuleusement ces dispositions du code de la famille.

« Déjà il est impossible d’ouvrir un compte en banque au nom de son enfant mineur ni de le faire quitter le pays sans présentation d’un acte de naissance. »

Maître Donat Kabuya, avocat au barreau de Lubumbashi, remarque que l’importance de ce type de document réside surtout dans sa valeur juridique.

« L’acte de naissance est un moyen de preuve irréfutable quand il s’agit notamment d’établir sa filiation avec un enfant enlevé ou disparu. »

Des raisons de ne pas y aller
On attribue au manque d’information le désintérêt pour entreprendre des démarches à l’état civil. En conséquence plusieurs campagnes d’information ont été menées çà et là. Certes, elles ont permis d’accroître le taux des naissances déclarées. Toutefois nombre de parents continuent à ne pas y attacher de l’importance. Comme l’atteste cet article du site SpeakJhr, certains parents de Kinshasa pourtant bien informés n’ont de cesse de remettre en question l’utilité des actes.
À mon avis le problème va au-delà d’une simple question de manque d’information. L’administration publique n’a jamais été aussi incapable d’inspirer confiance en la population.

Shambuyi, un agent de la société nationale de chemin de fer, m’a confié n’avoir jamais eu besoin d’avoir eu recours au service d’état civil.

« Mes enfants ont tous vu le jour dans une maternité appartenant à mon employeur. Je n’ai donc jamais été contraint d’aller les enregistrer à l’état civil pour pouvoir toucher les allocations familiales. Car chaque naissance était automatiquement portée à la connaissance du service de paie conformément au règlement de l’entreprise. »

Quant aux services publics concernés, il n’a pas hésité à me dire ce qu’il en pense :

« Ils sont aussi inefficaces qu’ils manquent de moyens pour mener à bien leur mission. Au mieux vous avez la chance d’obtenir votre acte de naissance après quelques manoeuvres plus ou moins compliquées. »

Corollaire d’un mal plus profond

  • Dès leur création au début du 20e siècle les grandes compagnies publiques, comme la société de chemin de fer, ont acquis le statut « d’État dans l’État ». Ceci leur permettant notamment de reconnaître un enfant né dans leurs institutions hospitalières. Le témoignage du cheminot ci-haut cité en est la plus belle illustration.
  • Par ailleurs, l’entretien que j’ai eu avec Madame Silvie m’a permis de comprendre que l’enregistrement d’une naissance est le résultat d’un processus qui commence dès la conception. En effet il est prévu des consultations prénatales pour toute femme enceinte. Lesquelles consultations servent aussi bien à prévenir le risque de décès maternel qu’à motiver les deux parents en faveur d’une filiation légalement établie sur base d’un acte de naissance. Rares sont donc les femmes congolaises qui vont en consultation prénatale.
  • Bref, on n’aura pas vraiment besoin de déclarer son enfant à l’état civil tant que l’administration publique aura à se vautrer dans une déliquescence manifeste.

Crédit phot o: senego.com


Parlons des opposants

J’ai souvent eu à reprocher à mon collègue mondoblogueur William Fotso Fonkam du Cameroun sa dureté envers les opposants africains. Pour une fois je vais aussi m’attaquer à ces hommes, dont l’objectif est de faire tomber président fondateur de son piédestal sans passer par la case du maquis.
Sachez, chers Messieurs les opposants, que votre noble combat ne vous exempte pas d’un devoir d’exemplarité.
Voici, résumé en quelques phrases, le message que j’aimerais vous faire passer.

L’ennemi de mon ennemi n’est pas forcément mon ami

Quand on veut absolument arriver au pouvoir, on croit parfois que n’importe qui peut être un allié dans la mesure où il en veut au régime en place. Le cas de l’opposant guinéen Cellou Dalein Diallo est révélateur de ce type de calcul politicien. Ce qui a inspiré le tweet ci-après à un fils du continent:

Pareille faute va à coup sûr vous discréditer aux yeux de vos concitoyens. Il ne viendrait à l’idée de personne de serrer la main du diable au motif que l’évêque local n’est pas à la hauteur de sa fonction.

Un succès sans successeur est un échec

Être opposant n’est ni une profession ni un titre de noblesse, dont on doit être paré jusqu’à sa mort. Après des dizaines d’années de lutte infructueuse, il y a lieu de céder sa place à la jeune génération. Vous n’êtes pas moins tenu de penser à votre succession que le gars qui tient fermement les rênes du pouvoir. En tout cas les opposants camerounais John Fru Ndi et congolais Étienne Tshisekedi doivent laisser s’ouvrir les débats sur leur possible remplacement à la tête de leurs partis respectifs. Cela n’enlèverait en rien le mérite qu’ils ont d’avoir fait vaciller les différents régimes dictatoriaux de leurs pays.

La meilleure défense, c’est l’attaque

Pourquoi attendre toujours une attaque (décision ou sortie médiatique) du président fondateur pour enclencher une discussion ? Obliger-le donc à devoir se défendre aussi afin de mettre en lumière ses faiblesses. Prenez l’initiative d’ouvrir les débats. Emparez-vous pour ce faire d’un large éventail des thèmes de société ( mariage, emploi de jeunes, immigration, sport, genre, intégrisme religieux…). S’il vous plaît cessez de vous borner à parler de ce qui est strictement politique (  Nous en sommes déjà assez lasssé). Ainsi vous aurez remarqué que Monsieur le satrape n’a rien à dire de cohérent à propos de ce qui ne regarde pas la politique. Dans ce cas vous aurez marqué des points et votre image ne s’en trouvera que grandi.

On n’est jamais mieux servi que par soi-même

Dans la mesure où l’accès aux médias nationaux vous est refusé la plupart du temps, servez-vous des possibilités offertes par le web2.0. De nos jours il vous est possible de tenir un meeting depuis votre chambre d’hôtel. Par conséquent, ne ménagez aucun effort pour envoyer au moins un tweet par jour ou publier un billet de blog toutes les deux semaines.

Le ridicule tue

Cessez de vous faire passer pou un bouffon de la République, un personnage d’autant plus excentrique que les Guignols de l’info ne verraient pas l’intérêt de lui consacrer une seconde, un type loufoque obnubilé par l’argent… En tout cas  le discours de chaque opposant doit chercher à se démarquer de ce qui est ci-dessous rapporté :

Ne Muanda Nsemi propose la prolongation du mandat de Kabila de 3 ans, pour lui Kabila doit rester jusqu’en 2019, en…

Posted by CODE 243 on samedi 11 juillet 2015

 


Parallèle entre immigration et exode rural

Dans leur traitement de la question migratoire, les médias font une part belle à l’immigration. Quant à l’exode rural on n’en parle quasiment jamais. Pourtant les deux phénomènes ont pratiquement les mêmes caractéristiques.

1. On y est contraint

Quitter définitivement sa patrie pour un pays lointain ou son village pour une grande ville implique l’idée de contrainte. En effet on aime trop le lieu où l’on est né et grandit pour se résoudre à le quitter sans envisager à y revenir un jour. C’est une situation où l’on n’a pas de choix. Les raisons sont diverses et ne sont pas strictement économiques contrairement à ce qui y paraît.

2. Deux phénomènes plutôt jeunes

Les personnes qui décident ainsi de partir ont en majorité l’avenir devant eux. Mariées ou célibataires elles ont, dans les deux cas, rarement la cinquantaine.

3. Deux phénomènes de masse

On connait les réactions outrées de l’opinion publique au sein des pays européens devant le flot continu d’embarcations transportant les migrants. On ignore cependant que les habitants des villes africaines ont les mêmes types de réactions quand ils voient affluer des vieux camions surchargés en provenance des campagnes. Sur lesquels camions sont juchés des familles entières avec leurs balluchons.
Immigration et exode rural sont donc deux phénomènes de masse qui ne laissent personne indifférent.

4. Deux phénomènes risqués

Si le migrant africain ou asiatique, peu importe sa situation, n’est pas forcement le bienvenu où il veut à tout prix aller; le pauvre paysan ne l’est pas non plus, quand bien même il peut se prévaloir d’être un citoyen comme un autre.
Si le migrant peut perdre sa vie et ses économies le temps d’une traversée de la mer Méditerranée, le paysan qui veut s’installer en ville court le même type de risque. Il y a le risque d’accident sur des routes réputées être parmi les plus dangereuses du monde. Il y a également le risque de se faire prendre un de ses biens de valeur à chacun des nombreux barrages qu’on trouve sur ces routes ( ne comptez pas sur nos policiers pour avoir pitié des pauvres gens).

5. Le retour à la case départ est pire qu’un échec

Peut-on convaincre un immigré qu’il a intérêt à retourner dans son pays ? À moins de lui démontrer que les siens ne vont pas ensuite le railler. Il vaut mieux pour lui d’endurer la souffrance en Europe que de connaître l’ultime humiliation de revenir au point de départ.
De même l’ancien paysan accepterait difficilement de repartir vers le village natal quelle que soit la dureté de la vie à Lubumbashi, Kinshasa ou Abidjan. Sinon que vont dire de lui ses anciens voisins de champ, ses oncles, ses tantes et ses frères ?


La question tribale en RD Congo

Au Congo il est particulièrement délicat de demander ouvertement à son interlocuteur à quelle tribu il appartient. Cela fait partie d’un ensemble de questions assez sensibles. Sachant que, dans un pays en guerre depuis l’indépendance, nombre des conflits sanglants s’expliquent par des querelles interethniques.
Pourtant la tribu est l’une des toutes premières choses que l’on cherche à connaître à propos d’un ami, d’un collègue, d’un (e) prétendant (e), d’un coreligionnaire ou d’une relation d’affaires. Et ce n’est pas toujours avec des arrière-pensées: il est des moeurs tribales assez vivaces avec lesquelles il faut composer afin de rompre la glace. Connaître la tribu de quelqu’un, c’est un peu le connaître d’avance.
À cet effet, il suffit de savoir quel est le patronyme de telle personne pour en apprendre déjà sur son appartenance tribale. Sauf quelques exceptions à compter sur les bouts des doigts (cas des ethnies voisines) chaque peuple a son « stock de patronymes » dans lequel les familles vont chercher les noms à conférer à leurs enfants.

En outre, tout citoyen congolais se rendant dans une administration publique en vue de l’obtention d’un document officiel est souvent tenu d’indiquer son nom et ses origines territoriales ( village, secteur et province). Les origines territoriales permettant de situer avec certitude les racines ethniques, les chantres d’une RD Congo unie et indivisible apprécieront.

Une carte d'electeur-crédit photo: infosbascongo.net
Une carte d’électeur-crédit photo: infosbascongo.net

D’ailleurs nos cartes d’électeur ( qui font office de carte d’identité) contiennent toutes ces informations.
On a beau voir le jour dans une grande ville comme Kinshasa ou Lubumbashi et se garder de se rendre au village natal de ses parents, sa carte d’électeur rappelle toujours d’où on vient. C’est la loi et personne ne peut s’y opposer.

Pour ma part, je n’ai rien contre le fait de rattacher une personne à ses origines tribales. Mais je mets en garde contre une instrumentalisation de cette question telle qu’on la vit depuis 55 ans dans tous les aspects de la vie. Les observateurs avisés assurent que lors d’un processus de recrutement, les identités des candidats suffisent parfois à les partager. Preuve s’il en est de l’ampleur du problème.
Aussi je rappelle que lors du génocide rwandais, la présentation de sa carte d’identité était un motif suffisant pour décapiter une personne à la machette. Car chaque carte d’identité portait la mention « Hutu » ou « Tutsi ». Nous sommes loin d’assister à un génocide au Congo, mais nos cartes d’électeurs peuvent toujours valoir à quelques-uns d’entre nous des sérieuses mésaventures.


Vouloir le beurre et l’argent d’Uber

Ou comment le conflit entre les chauffeurs de taxi et la start-up américaine illustre notre incapacité à accueillir le changement et l’innovation.

Lancée comme un pavé dans la marre, la start-up américaine Uber est en passe de révolutionner notre rapport au transport des passagers. On ne compte plus les métropoles qui ont été conquises par cette ambassadrice de la Silicon Valley. Même des villes africaines telle que Lagos et Nairobi l’ont accueillie.
Ce, au grand dam des professionnels concernés. Il n’y a qu’à considérer la grogne des taxis parisiens pour mesurer l’ampleur du chamboulement induit par l’arrivée d’Uber contre qui est portée l’accusation de concurrence déloyale.

Wikimedia_commons
Wikimedia_commons

Révélateur d’une économie de partage en plein boom

À l’heure de l’économie du partage, je me demande s’il est raisonnable de blâmer cette entreprise. Ma collègue mondoblogueuse Lucrèce Gandigbe conviendrait avec moi que plus d’un corps des métiers a vu l’émergence de nouveaux acteurs depuis qu’internet s’est démocratisé. La profession de journaliste n’a plus le monopole du traitement et de la diffusion de l’information à cause du blog et des réseaux sociaux. La profession de banquier est aujourd’hui concurrencée par les acteurs du crowdfunding. Alors que les librairies en ligne menacent de faire disparaître les librairies traditionnelles.

Quel accueil réserver aux innovations ?

À mon humble avis la solution n’est pas le bannissement pur et simple d’Uber. Nos amis conducteurs des taxis doivent penser au plus vite à se remettre en question. On voit comment les journalistes essaient sans cesse de redéfinir leur mission face au déluge de l’information imputable au Web 2.0. Et ils ne s’en porte pas plus mal.

Nos sociétés doivent également s’interroger sur l’accueil qu’elles réservent à tel ou tel autre type d’innovation. Nous devons cesser de jouer le rôle des consommateurs passifs de ces technologies, incapables d’en cerner les tenants et les aboutissants. Notre choix d’y recourir ou pas doit être responsable. La question n’est pas un uniquement de savoir si le métier de taxi va disparaître à plus ou moins brève échéance. Il faut aussi se demander si notre mode de vie ne s’en trouvera pas bouleverser outre mesure.

Nos sociétés ne doivent pas être amenés à vouloir « le beurre et l’argent d’Uber ». Autrement dit nous n’avons pas intérêt à désirer à la fois la préservation d’une certaines formes d’organisation sociétale et les bénéfices des toutes les innovations technologiques.


Employé journalier: un statut précaire

La loi congolaise reconnait deux formes de contrat de travail: le contrat à durée indéterminée (CDI) et le contrat à durée déterminée (CDD). À noter que ce dernier ne peut être d’une durée excédant 6 mois. En effet, la loi dispose que tout CDD ayant dépassé 6 mois est automatiquement considéré comme un CDI.

Nulle part dans la loi il n’est fait état d’un contrat journalier, c’est-à-dire le contrat que signerait un employé appelé « journalier » hors de tout cadre ayant trait à la protection sociale et aux conventions collectives.

Le statut de journalier est une pure invention des entreprises confrontées au besoin de recruter du personnel d’exécution à la va-vite. L’idée étant de se donner la possibilité de rompre un contrat de travail à tout moment et de faire des économies substantielles.

Un journalier est un travailleurs à qui l’on paie 2 ou 3 euros par jour pour exécuter des tâches aussi pénibles qu’entretenir la voirie, décharger un gros camion en 30 minutes ou creuser une galerie de mine.
Aussi, il convient de ne pas prendre un contrat journalier avec un CDD. Le fait que certains employés soient sous contrat journalier depuis plusieurs années suffit à lever tout équivoque.

Reste la problématique de la légalité ou non du recours à ce mode de recrutement. À priori, un contrat autre qu’un CDI ou un CDD est illégal et fait peser le risque de poursuites judiciaires sur toute entreprise qui l’a proposé à ses employés. Mais l’actuel code du travail n’est plus assez en phase avec la réalité du marché de l’emploi. C’est un code qui a été élaboré alors que l’État était l’employeur de 90 % de la population active. L’Etat était un employeur qui n’avait aucun intérêt à faire du salaire une variable d’ajustement.

Il s’avère alors impérieux de reformer notre législation du travail afin de mieux contrôler ce qui se fait en la matière. Car les entreprises n’ont de cesse d’exploiter les faiblesses des dispositions en vigueur pour rouler dans la farine demandeurs d’emplois et inspecteurs du travail. L’urgence s’impose, étant donné le nombre croissant de patrons qui recrutent des journaliers. De nos jours, même les sociétés de l’État comme la SNEL le font en toute impunité. C’est dire si nos chers députés ont besoin de focaliser leurs missions sur des problèmes majeurs comme celui-là plutôt que de vouloir à tout prix se faire réélire l’an prochain.

 

Crédit photo: Franck Vervial / Flickr CC


Mondoblogueur des cybercafés

Mieux que quiconque il sait que n’est pas mondoblogueur qui veut. Si l’on cherche à en être un, l’examen de passage nécessite un minimum de talent d’écriture et une motivation clairement en rapport avec les objectifs de la plate-forme des blogs francophones.

Notre homme n’est pas peu fier d’être l’un des 600 « élus ». Quelques temps plus tôt il était auteur d’un blog anonyme qui battait des records d’impopularité: environ 3 visiteurs uniques venaient y faire un tour chaque semaine. Autant dire que c’est un blogueur largement satisfait du travail qui est le sien maintenant.

« Quand je pense qu’un de mes articles peut avoir était lu par un haut fonctionnaire de l’ONU ou une autre personnalité du genre », songe-t-il de temps en temps.

C’est un samedi de grâce matinée. Notre mondoblogueur doit se rendre dans un cybercafé. À domicile il n’a ni ordinateur ni tablette. Pour lui le blogging consiste donc en un déplacement entre la maison et le centre-ville.

Le transport en lui-même n’est pas aisé comme peut le témoigner cet article.

À la réception de « Top 5 cybercafé » une jeune femme lui remet, en échange de 1500 francs congolais, un code correspondant à 60 minutes de temps de connexion. Lequel code qu’il s’évertue à insérer dans une des machines mises à la disposition de la clientèle. Il a hâte de publier un billet qu’il a mis 3 jours à rédiger sur papier. Et il est prêt à parier que l’équipe des modérateurs de Mondoblog va aussitôt le placer en une. Le sujet abordé dans ce texte le lui laisse penser.

« Mince, maugrée-t-il. Je viens de laisser ce fichu papier sur mon lit ».

C’est d’autant plus dommage qu’il ne peut pas rentrer à la maison puis revenir devant la machine. Sinon il perd ses 1500 francs et ses 60 minutes de temps de connexion. Il va devoir improviser un nouveau texte à propos du même sujet. Quitte à faire des grossières fautes de syntaxe. Par ailleurs l’ambiance qui règne dans ce lieu n’ y est pas vraiment propice : un homme qui parle indiscrètement au téléphone, un autre qui fait des va-et-viens d’un pas sonore, deux jeunettes qui s’excitent à la vue des photos dérobées sur les réseaux sociaux…

Cela va lui prendre cinq ou six minutes pour se connecter à l’adresse https://mondoblog.org. Ô il n’est pas le premier et certainement pas le dernier à se plaindre de ce que la vitesse de connexion est trop lente au sud du Sahara. Qu’a cela ne tienne il se met à rédiger son texte…

Puis, patatras! Une coupure d’électricité intervient peu après. Puisque la maison n’a pas de groupe électrogène de secours, il faut récupérer son argent et aller voir ailleurs.

Voici notre mondoblogueur dans un autre cybercafé où il n’y a que 2 machines. La patience y est de rigueur car 3 personnes venues avant attendent chacun son tour. Au terme d’une attente qui a duré le temps d’un épisode de la série « 24Heures », il doit envisager à nouveau d’aller voir ailleurs.

La mi-journée arrive et le fameux article n’est toujours pas publié. Dépité, le mondoblogueur décide de rentrer à la maison. Mais sa motivation reste intacte.

« Je ferais mieux d’économiser pour me payer un ordinateur, se dit-il. Si cela doit me coûter les yeux de la tête, j’y consentirais. »


RDCongo : je veux dialoguer moi non plus

L’histoire post-coloniale de la RDC a commencé avec un dialogue politique. En effet, au mois de janvier 1960 les leaders d’opinion de l’époque ont pris rendez-vous à Bruxelles pour ce qui fut appelé la Table ronde, conférence au terme de laquelle l’indépendance fut proclamée.

Depuis lors on ne compte plus les dialogues et conciliabules ayant réuni l’élite de notre pays. D’après certaines estimations de 1960 à nos jours il s’en est tenu pas moins d’une centaine.

À ce point les Congolais passeraient pour un peuple absolument génial qui réglerait les différents par la recherche de conciliation des idées. Cependant il n’en est rien. Outre le fait que la RDC est un pays en guerre depuis 50 ans, la plupart de ces grands-messes politiques ont un bilan mitigé.

Le tout premier dialogue nous a certes apporté l’indépendance, mais la joie de se sentir maître de son destin fut de courte durée. Quelques semaines après ce fut le chaos (sécession de Katanga et du Sud-Kasaï, assassinat de Patrice Lumumba…).

La conférence nationale souveraine de 1990 a permis l’ouverture démocratique d’un pays dirigé d’une main de fer par le maréchal Mobutu. Mais ce conclave-là est l’un des catalyseurs des maux dont souffre aujourd’hui le géant au pied d’argile qu’est le pays de Joseph Kabila (alliés d’un jour, qui deviennent ennemis le lendemain, création de centaines des partis politiques par des personnalités farfelues, radicalisation des protagonistes…).

Tandis qu‘un autre dialogue est en train de poindre à l’horizon une question émerge dans ma tête: dans quel esprit les politiciens congolais s’accordent-ils pour se rendre à la table de négociation?

Vraisemblablement la cohorte d’éminents leaders, qui vont négocier quand les circonstances l’exigent, est animée par une même pensée. Et cette pensée est résumée par cette phrase: « je veux négocier moi non plus ».

En tout cas la période de négociation ressemble à un moment de trêve avant la reprise des hostilités. Une période où les partis en présence vont se mettre d’accord, qu’ils ne pourront jamais tomber d’accord.

Du point de vue de la sociologie politique à la congolaise, le dialogue correspond à l’argument des faibles. Quand un camp le réclame à cor et à cri, c’est qu’il se trouve vraiment au pied du mur. On se rappelle qu’avant les événements de janvier dernier c’est l’opposition qui en appelait à la communauté internationale pour que s’ouvrent des concertations entre belligérants. Aujourd’hui, c’est le camp présidentiel qui invite les uns et les autres à des pourparlers de peur de perdre la partie.

Le très respecté cardinal Mosengwo a déclaré au sortir d’une entrevue avec le chef de l’État que le dialogue est une bonne chose à condition de savoir ce que l’on cherche. Je dirais que chaque chef de parti sait ce qu’il cherche: la part du lion.

Ainsi va la vie politique dans mon pays.


Hommages à ces dames

Tandis que çà et là en Afrique des tempêtes et des mini-tempêtes secouent le marigot politique, certaines personnalités se démarquent par leurs prises de position, par leurs attitudes et par leurs actions. Au nombre de ces gens de valeur, intéressons-nous à trois  femmes ayant ceci de commun : elles sont toutes des filles de mère Afrique.

1.Linda Thomas-Greenfield

Linda_Thomas-Greenfield

Mis à part ses rares discours sur l’Afrique mêlant style alambiqué et subtilité de langage ainsi que sa décision de ne recevoir en tête-à-tête aucun chef d’État en marge du sommet Afrique-États-Unis, Barack Obama ne s’est jamais illustré comme un pourfendeur des présidences à vie sous le ciel ensoleillé du continent noir.

Comme pour compenser cette lacune de la politique africaine du pays de l’oncle Sam, l’ancienne sous-secrétaire d’État Linda Thomas-Greenfield s’illustre depuis quelques années par ses remontrances à l’encontre des assoiffés du pouvoir surtout ceux d’Afrique centrale.

Elle a notamment laissé entendre que les États-Unis aideraient les peuples à se débarrasser de leurs présidents en fin mandat.
Les opposants usant des moyens pacifiques, les journalistes ainsi que les défenseurs des droits de l’homme peuvent donc compter sur cette femme de qualité.

2.Nkosazana Dlamini Zuma

wikipedia.org
Wikipedia.org

Il est de notoriété publique que l’UA [ Union africaine] est plus un syndicat de chefs d’État qu’une vraie organisation supranationale dotée de réels pouvoirs. Par conséquent la fonction de président ( ou de présidente) de la commission de l’UA est plutôt protocolaire et ne permet pas à son détenteur de dire franchement à tel dirigeant qu’il a tort de s’accrocher au pouvoir.

On se souvient du précédent président de la commission (Jean Ping, pour ne pas le citer) incapable de dire publiquement au Libyen Kadhafi et au Tunisien Ben Ali que l’ère des « printemps arabes » avait sonné. Kadhafi pouvait tranquillement envoyer ses avions de chasse lancer des bombes sur des manifestants pacifiques sans que le chef de l’exécutif de l’UA ne s’en émeuve ouvertement.

Depuis qu’une certaine Nkosazana Dlamini Zuma en a pris la tête, l’UA semble s’affranchir de l’état de torpeur dans lequel elle était. C’est une présidente de la commission capable de rappeler au président burundais le contenu des accords d’Arusha.

Bien entendu on est encore loin des attentes que peut susciter le rôle qui lui est dévolu, mais on ne doit pas lui reprocher de faire ce que ses prédécesseurs n’ont pas pu ou osé faire.

3.Rosine Soglo

credit photo bj.jolome.com
Crédit photo bj.jolome.com

Il n’est pas question d’un quelconque troisième mandat du président du Bénin. Du moins pour le moment. Boni Yayi ayant juré qu’il n’est candidat à rien, on doit le croire.

Pour autant le Bénin n’est pas exempte des tares d’un système politique miné par la corruption et le clientélisme. C’est ce qu’a voulu rappeler la doyenne de l’Assemblée nationale nouvellement installée. Madame Rosine Soglo n’a pas mâché ses mots lors de la séance inaugurale du Parlement.

Mieux elle s’en est prise aux politiciens véreux qui se font élire députés uniquement pour profiter de la sacro-sainte immunité parlementaire qui les préserve de toute poursuite judiciaire.