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Tour de Madagascar : course épique à bicyclette

Du 28 Novembre au 8 Décembre 2013 s’est tenu sur l’Île Rouge le 10ème Tour Cycliste de Madagascar. De par son organisation et par la distance parcourue, elle est la plus importante compétition cycliste de l’océan Indien. Immersion.

Jeunes supporters sur le tour cycliste de Madagascar par guillaume grasseCoureurs et supporters durant la 2e étape du Tour Cycliste de Madagascar – Crédit photo : Guillaume Grasse

La course et ses chiffres

Le Tour Cycliste de Madagascar c’était cette année 84 coureurs de 7 nationalités différentes et 1 056 km parcourus pour une traversée d’Est en Ouest du pays. L’épreuve reliait Tamatave à Morondave avec une arrivée à Antananarivo. Son organisation n’est pas sans rappeler celle de la grande boucle française de par ses enjeux : des maillots remis à chaque étape pour récompenser les performances des coureurs mais également de par sa structure semblable à celle d’un village itinérant. Il y a également bien sûr une caravane publicitaire mais la comparaison avec celle de l’épreuve française s’arrête là : seuls quelques goodies sont distribués sur la ligne d’arrivée par les partenaires officiels. Il est bon de noter cependant que le tour cycliste de Madagascar n’est pas inscrit au registre des compétitions de l’UCI. Les coureurs ne peuvent donc pas engranger de points comptants pour le classement du Championnat du monde. La raison à cela est simple : l’Afrique, et Madagascar plus particulièrement, par leur isolement médiatique peinent à trouver des financements ce qui rend les conditions d’adhésion très lourdes. Les contrôles anti-dopage seraient par exemple rendus obligatoires et leur mise en place représenterait à eux seuls plus de 20 000 euros.

Crevaison et changement de roue sur le tour cycliste de MadagascarAssistance sur une crevaison sous la caméra de la TVM – Crédit photo : Guillaume Grasse

Un promoteur haut en couleur

Le Tour Cycliste de Madagascar ne serait rien sans Francis Ducreux qui à lui seul rend ce tour si particulier. Impossible de le manquer. Ce monsieur de 68 ans à la moustache bien taillée et aux tempes grisonnantes est un réel personnage. Il a marqué le cyclisme africain à la force de ses coups de gueule mais aussi par ces discours survoltés au micro du mégaphone de la voiture ouvreuse. La légende raconte qu’il serait le blanc le plus décoré d’Afrique. Pour les présentations, Francis est un ancien coureur cycliste professionnel français qui à la fin de sa carrière s’est lancé dans l’organisation de tour en Afrique. On lui doit notamment le tour du Faso, le Tour cycliste international du Togo, la Boucle du Coton au Burkina Faso, le tour du Ghana, mais aussi celui du Mali et de la Guinée. C’est également un excellent narrateur quand il se lance dans l’élucubration d’anecdotes du cyclisme des années 70 : performances, fortifiants, coups de maître, rixes, tout y passe…

Traversée de Tamatave durant le critérium du TCMCoureur s’apprétant à passer la ligne d’arrivée sur le critérium de Tamatave – Crédit photo : Guillaume Grasse

Le danger au tournant

Mais revenons au déroulement de la course en elle-même ; elle se passe sur route ouverte, c’est-à-dire non fermée à la circulation. Ce qui pourrait se concevoir sur une large double voie devient épique pour ne pas dire suicidaire quand il s’agit de traverser des villes où la vie continue son cours comme si de rien n’était. Imaginez un critérium se déroulant dans une capitale économique en activité : les coureurs s’engagent à plus de 50 klm/h dans des rues au bitume percé, recouvertes de sable et où circulent parfois à contre sens des poids lourds. L’engagement des cyclistes n’est pas sans rappeler celui des messagers participants à ces nouvelles courses urbaines appelées alleycat. Tout au long de la course les chutes se seront comptées par dizaine, fort heureusement sans conséquence dramatique.

 Peloton et caravane sur le 10eme tour cycliste de Madagascar
Peloton et caravane sur le Tour Cycliste de Madagascar – Crédit photo : Guillaume Grasse

Une course peut en cacher une autre

A regarder de plus prés, nous pourrions presque croire qu’il se déroule deux courses : la première, la sportive se jouant entre les cyclistes, puis la deuxième, beaucoup moins officielle se déroulant entre les véhicules d’assistance ; pour la majorité de gros pick up. Chaque directeur sportif veut sa place au plus prés du peloton et malgré le fait que la route ne soit pas fermée les deux voix de la nationale se voient très souvent occupées. Réussir à ravitailler ses coureurs est une réelle foire d’empoigne où les poursuivants se retrouve bon gré malgré respirant les gaz d’échappement de ces 4X4 n’en ayant que pour leurs leaders.

Etape de pluie dans les hauts plateaux tour cycliste de madagascarEtape de pluie entre Moramanga et Antananarivo – Crédit photo : Guillaume Grasse

Et le sport dans tout ça

Cette joyeuse cacophonie crée une ambiance très particulière à laquelle on participe avec plaisir. Nous ne pouvons parler du tour sans rendre hommage aux performances des coureurs, et plus particulièrement à celles des Malgaches. La détermination et la volonté dont ils font preuve ne peuvent qu’inspirer le respect. Il est important de préciser que les participants ne sont qu’amateurs et c’est bien souvent après une journée de travail qu’ils se rendent à l’entraînement alors que d’autres sirotent tranquillement une THB. Cette année encore leur panache et leur solidarité leur auront permis de gravir à plusieurs reprises la plus haute marche du podium. C’est toutefois un belge : Guy Smet qui remporte la grande boucle malgache.

A charge de revanche rendez vous l’an prochain !

Le vainqueur du 10e tour cycliste de Madagascar : Guy SmetGuy Smet grand vainqueur du 10e Tour Cycliste de Madagascar portant le maillot jeune – Crédit photo : Guillaume Grasse


Grand-messe électorale à Madagascar

Madagascar est sous le feu d’une campagne électorale lancée le 25 septembre 2013. En tant que jeune expatrié français, je vis ma première expérience d’élection présidentielle au sein d’un pays tant éloigné culturellement que géographiquement. L’article suivant est donc la vision naïve d’un jeune occidental qui découvre avec étonnement le fonctionnement politique d’un pays du Sud  situé au carrefour de l’Afrique et de l’océan Indien.

affichage_sauvage_antananarivo_madagascar_election_2013Affichage sauvage durant la campagne électorale de 2013, Antananarivo – Madagascar Crédit photo : Guillaume Grasse

Une présidentielle controversée

Commençons par remettre cette élection dans son contexte, nous sommes fin octobre 2013, soit plus de quatre ans et demi après ce que certains appelleront un coup d’Etat, et d’autres un mouvement de contestation du régime. En mars 2009, la « révolution orange » menée par le jeune maire de la capitale Antananarivo destitue Marc Ravalomanana à la suite d’une manœuvre que nous ne commenterons pas ici. Sa promesse est alors de rendre le pouvoir au peuple et de permettre aux Malgaches de nommer sous 24 mois un nouveau gouvernement par la voix des urnes. Il constitue alors un gouvernement de transition appelé HAT et les élections seront repoussées cinq fois. Dans deux jours, le 25 octobre, 22 millions de Malgaches devront faire leur choix parmi 33 candidats.

La première chose surprenante est le nom donné à la campagne électorale : « La propagande ». Ce qui pouvait faire sourire avant le lancement des hostilités dès le premier jour de la campagne. Le but étant de séduire la population, tous les moyens possibles et imaginables sont utilisés. Les budgets alloués aux campagnes n’ont pas de plafonds légaux et sont tout simplement hallucinants ; on parle de 43 millions de dollars pour le plus gros ou encore de la mise à disposition d’une flotte de 350 4×4 neufs pour un autre. Quand on sait que Madagascar compte parmi les pays les plus pauvres du monde et que plusieurs candidats étaient ministres durant la HAT (Haute autorité de transition) nous pourrions nous poser des questions sur la provenance des fonds, mais ce n’est pas le genre de la maison.

Revenons au concret : la campagne électorale

Les votes iront à celui qui se sera le mieux approprié l’espace public et qui aura été le plus visible durant ce marathon de 30 jours. Les candidats multiplient les sorties et les discours, où chaque meeting est une réelle fête allant jusqu’à regrouper plus de 50 000 personnes. L’espace public est lui matraqué par les affiches des candidats, aucun mur de la capitale n’est épargné et les partisans redoublent chaque jour d’ingéniosité pour recouvrir les endroits encore vierges.

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Affichage sauvage durant la campagne électorale de 2013, Antananarivo – Madagascar Crédit photo : Guillaume Grasse

De grandes bâches et écrans géants ont également fait leur apparition sur les carrefours et lieux stratégiques de la capitale.

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QG du candidat Hery Rajaonarimampianina, Antananarivo – Madagascar Crédit photo : Guillaume Grasse

Toute la journée des colonnes de véhicules aux couleurs des candidats sillonnent la ville, équipés de grosses sono et distribuant à tour de bras tee-shirts, casquettes et autres goodies à leur effigie ; quand ce ne sont pas des sacs de riz ou de l’alcool (information non vérifiée, il s’agit des dires d’amis malgaches).

campagne_electorale_madagascar_1_tour_2013Convoi de véhicules pour la promotion d’un candidat, Antananarivo – Madagascar Crédit photo : Sidonie Joudiou

Les encarts publicitaires des journaux ont (presque) tous été pris et il n’est pas rare de découvrir une nouvelle tête en quatrième de couverture.

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Misère et affichage sauvage durant les élection d’octobre 2013, Antananarivo – Madagascar Crédit photo : Guillaume Grasse

Dans un pays où 92 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où 36 % sont analphabètes, les bulletins de vote ont dû être pensés pour que chacun puisset faire son choix sans l’aide d’un tiers. Ils se présentent donc sous la forme d’un poster document au format A3 où tous les candidats sont représentés. Il suffira à l’électeur de mettre une croix dans la case associée à son futur bienfaiteur, puis de plier le document et de le glisser dans l’urne.

bulletin_vote_unique_election_madagascar_2013Bulletin de vote unique, élection présidentielle Madagascar 2013 Crédit photo : CENIT

La Cénit (Commission électorale nationale indépendante pour la transition) a même réalisé un clip karaoké « ma voix compte »pour inciter la population à voter. Finalement la présidentielle à Madagascar c’est (jusqu’à aujourd’hui) cool et bonne ambiance.

 

Verdict dans 10 jours lors de la communication des résultats de ce premier tour !