Buketsi

Pointe-Noire Congo-Brazzaville : Le sang, une monnaie d’échange ?

En juin, on célèbre la journée mondiale du don du sang. La réalité vécue dans les hôpitaux de la ville de Pointe-Noire amène à se poser des questions sur la gestion qui est faite du sang récolté lors des continuelles campagnes du don de sang organisées. Le sang, une denrée humaine précieuse, devenu une monnaie d’échange ?

Banderolle de la journée du 14 juin 2017

Il est 7h30, et me voilà devant le grand hôpital de la ville où je suis venue pour suivre des personnes à la recherche du sang pour un parent malade. Je me décide à suivre Flaura qui garde sa sœur depuis la veille. Elle a été admise pour une anémie sévère. Le médecin a demandé qu’on lui administre 8 poches de sang à raison de 7500 F CFA par poche. Arrivées à la banque de sang aux environs de 9H00, elle n’a pu obtenir que 2 poches, les 6 autres ont été trouvées grâce à un passe-passe que seuls les infirmiers du service de réanimation pourraient expliquer. Pour ces 8 poches de sang 60 000 FCFA ont été empochés. Pourtant, malgré l’achat des poches de sang, Flaura me raconte que ce n’est pas terminé : « il nous faut venir avec 32 donneurs afin de compenser le sang que nous avons acheté et qui a été administré à ma sœur. Pour chaque poche de sang, il faut 4 donneurs. Si nous n’avons pas de donneurs, nous devons donner 5 000 F CFA à chaque agent de la Banque de sang qui acceptera de donner son sang pour nous aider »

Cette situation assez incongrue a fait que je me rapproche du personnel de la Banque de sang. Il a été difficile de trouver un agent capable de répondre à mes questions. Par chance, l’un d’eux a accepté en exigeant que je ne divulgue pas son identité. Il m’a dit pour commencer qu’il n’y a pas d’explication à donner, puis petit à petit, il s’est mis à m’expliquer : « Le sang est cher parce que peu de personnes acceptent de faire un don de sang. Le sang manque cruellement à la Banque de sang. Nous sommes obligés de demander au personnel de venir en aide aux malades en faisant un don. Mais pour cela, il doivent quand même recevoir une petite compensation ».

Lorsque je lui rappelle que cela fait de longs mois que l’on voit des affiches et assiste à des campagnes massives de don de sang dans la ville, il se ravise et affirme qu’en réalité, « plusieurs personnes donneuses sont malades et que le sang souvent récolté est impropre à l’utilisation médicale appropriée». Je lui ai alors demandé, pourquoi continuer à recueillir du sang dans les rues de la ville (car cela devenu monnaie courante) si ce sang est d’avance détruit comme il le prétendait ? De plus, le don de sang étant un acte volontaire et revêtant un caractère presque militant, a-t-on besoin d’en faire une publicité et de le clamer sur tous les toits ? Embarrassé, ce même agent n’a pas pu me donner de réponse satisfaisante. Il s’est contenté d’ajouter que la Banque de sang est obligée de faire ces campagnes et d’organiser les séances de don dans les endroits stratégiques et fréquentées de la ville pour pouvoir susciter la générosité des populations.

Le personnel soignant, au lieu de se mettre du côté des malades, se préoccupe plus de veiller à ce que les malades n’ayant pas remboursé les poches de sang utilisées, ne soient plus jamais admis à l’hôpital pour recevoir une autre transfusion sanguine, en cas de besoin. « Nous sommes obligés de faire ainsi, parce qu’il y a des abus de la part de certaines familles. Tout le monde a besoin de se faire soigner. Or, certains, après avoir eu des faveurs, disparaissent dans la nature oubliant qu’un jour ils pourront encore revenir ici. Les malades ne sont parfois pas corrects ». Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des familles se débrouiller pour faire venir du sang de Brazzaville, la capitale (à 500 km de Pointe-Noire) ou de Dolisie, la 3ème ville (300 km). Du sang qui transite par des filières incontrôlées ni encadrées par aucune procédure médicale.

Cela fait des années que cette situation perdure au grand désarroi des malades et leurs proches. Mêmes les donneurs de sang qui ont leur carte sont victimes des mêmes attitudes de la part du personnel soignant. La Banque de sang met en avant le statut de privilégié que posséderait un donneur, afin d’inciter les populations à offrir leur sang. Cependant, lorsqu’un donneur se retrouve en situation de détresse, pour lui-même ou pour un ayant droit, aucun hôpital ne le reçoit avec les égards promis.

Le don de sang est devenu un marché de dupes dans un environnement où certains donneurs le font pour bénéficier d’un sandwich et d’une boisson ou encore d’un peu d’argent.

Ce matin, j’ai reçu un appel téléphonique de Flaura. Elle me dit que sa sœur est de nouveau admise à l’hôpital depuis hier soir. Or, la famille n’a pas encore pu trouver les 32 personnes ou les 160 000 FCFA pour rembourser les poches de sang utilisées. Pour pouvoir la faire transfuser de nouveau, il a fallu qu’elle déclare une autre identité. Les 2 nouvelles poches de sang exigées leur coûteront 15 000 FCFA. Et il leur faudra en plus 8 personnes à qui il faudra prendre du sang ou 40 000 FCFA à donner aux agents volontaires de la banque de sang. Ce qui fera une facture de 200 000 FCFA ou 40 volontaires à qui il faudra tirer du sang pour rembourser les 10 poches utilisées.

On peut aussi lire cet article sur le CHU de Brazzaville.


Bleus comme la ville

 

Depuis qulques jours, des personnages bleus ont fait leur apparition dans les artères de Pointe-Noire au grand étonnement de la population. Une entreprise de nettoyage de la ville vient de s’y installer. Quel soulagement !

Nettoyage ville de Pointe-Noire

Vêtus d’une combinaison bleue comme les taxis de Pointe-Noire et comme son océan, une équipe de nettoyeurs travaille depuis plusieurs jours dans la ville océane. Il était temps que le problème de l’assainissement de la ville de Pointe-Noire soit prise en charge, car sans aucun abus de langage, la ville de Pointe-Noire était devenue la ville la plus sale du Congo. Même à Nkayi et Dolisie (3ème et 4ème ville du Congo) on peut trouver, sans trop chercher, des poubelles publiques, au service de la population.

J’ai toujours été surprise de constater que, malgré la taxe municipale prélevée aux populations actives, rien n’était visible au niveau de la propreté. Cela crée forcément de la frustration pour les taxés qui subissent le retrait injustifié de la somme de 1 000 F CFA dans leur salaire mensuel.

J’ai aussi toujours été surprise de constater que certains ménages de ma ville sont servis pas des fous qui viennent ramasser les ordures moyennant un petit pécule de l’ordre de 100 FCFA à 200 F CFA. Ces ménages n’en pouvaient plus de garder des tas d’ordures devant leur maison. Il était temps que les autorités municipales réagissent, car il est curieux de constater que des fous nettoient la ville ! Vous pouvez le vérifier, un fou nommé Koyi Koyi nettoie les quartiers Mawata, Rex, Total bar, aux abords de l’ancien grand marché de Pointe-Noire. C’est un exemple parmi tant d’autres…

Du côté de Loandjili[1], à côté de l’école primaire « Balou Constant », une décharge publique à ciel ouvert est en train de prendre corps. Depuis des mois, aucune benne à ordure n’a été déposée. Les populations riveraines viennent désormais jeter leurs ordures à même le sol. Les ordures avancent donc lentement, mais sûrement. J’espère juste qu’elles ne vont pas arriver jusqu’au domicile de Madame le Maire qui vit dans le quartier !

Photo décharge HNM

Ce que nous pouvons souhaiter aux populations de Pointe-Noire, c’est de réserver un bon accueil à cette nouvelle initiative. Nous allons profiter de cette prestation pour pouvoir être débarrassé de nos ordures. La propreté chassant la maladie, il serait bien que les populations prennent de bonnes habitudes en acheminant dorénavant leurs ordures dans des lieux indiqués pour que cette nouvelle entreprise fasse correctement son travail. C’est un vœu, celui de voir cette entreprise aller dans tous les quartiers et ne pas se limiter à nettoyer les grandes artères, plus visibles, au détriment de ces endroits perdus qui poussent dans ma ville. Que cette apparition ne soit pas un simple mirage, ni même un coup de publicité le temps des élections législatives !

Une ville est propre grâce aux efforts conjugués des autorités compétentes et des populations averties qui participent par leur motivation et leur exigence afin d’accompagner un projet visant à rendre leur ville plus agréable et plus vivable.

Sur ce, je propose que nous nous projetions afin de figurer dans le top 10 des villes les plus agréables du monde d’ici à 20…  Oups, j’allais oublier. J’espère aussi que ce n’est pas (comme le disent les mauvaises langues) juste le temps de la visite du Président de la République dans la ville océane.

[1] Quartier de Pointe-Noire


Congo-Brazzaville : Femme, quelle destinée ?

Etre femme hier et aujourd’hui semble être une pièce de théâtre déjà jouée.
On dirait que la femme ne fait que réaliser les ambitions des autres. Comme si elle existait uniquement pour répondre aux attentes des autres, souvent énormes, et pour (se) prouver qu’elle est parfaite.

Image de Pixabay

Ce point de vue est le mien, il vient de mon observation de la société, mais aussi des sociétés, autres que la mienne que j’ai été amenée à observer. Bien sûr, je ne nie pas le fait que plusieurs femmes dans toutes ces sociétés se battent et réussissent, tant bien que mal, à se défaire de ce « destin » tracé d’avance

Oh que je déteste ce mot, « destin ». Parce qu’il traduit bien la vie peu enviée des femmes. C’est comme si tout est déjà dit, fait, dessiné et signifié. Elle n’a qu’à entrer dans le moule pour avoir une vie soi disant parfaite.

Mais moi je souhaite une autre réalité pour les femmes. Je souhaite qu’elles aient la joie de vivre pour elles-mêmes, qu’elles pensent à ce dont elles ont envie pour elles, pour leur vie, qu’elles pensent à leur joie et à leur bonheur. Bien sûr, j’ai conscience que toute vie sur terre, qu’elle soit vécue par les hommes ou par les femmes, nous fait passer par des épisodes tendres et moins tendres. A cause des choix effectués dans leur vie, les humains doivent être capables d’assumer les conséquences de leur choix, c’est aussi cela être responsable et mûr. Je souhaite donc que les femmes soient capables de vivre pour elles-mêmes et non pas pour les yeux de la société et pour le plaisir de leur entourage, et que tous, hommes et femmes l’acceptent.

Voyez-vous, en ce qui concerne les fillettes, très tôt les parents lui soufflent déjà ce qu’elle doit être, comment elle doit se comporter et ce qu’elle devra exercer comme métier. Elle grandit avec ça sans arrêt. Plus tard, ses parents (sa mère surtout) lui dicte quel genre d’homme elle devrait épouser pour ne pas lui ressembler. Et si elle tarde trop à se marier et à faire des enfants, elle subit une pression immense et insoutenable. Lorsqu’elle commence à travailler, on lui en demande toujours plus, comme si elle devait prouver qu’elle est capable en fournissant plus d’efforts que ses collègues hommes. Et parfois, elle doit passer par la case du harcèlement moral et/ou sexuel. Là aussi, on lui demande de s’adapter et d’être donc toujours parfaite.

Une fois mariée, si elle est ambitieuse, si elle veut s’engager dans son travail et dans la société, elle risque de lutter contre un homme qui ne supporte pas une femme qui se comporte  » comme un homme ». Cet homme aura son mot à dire chaque fois qu’elle voudra aller en mission, se former, accepter une responsabilité et même simplement pour pouvoir participer à une réunion qui risque de finir un peu tard. Au Congo, la loi permet au conjoint de donner son avis et même d’écrire une lettre pour autoriser à son épouse de voyager. (Cliquer sur le formulaire « conjoints de français ») Si elle ose se positionner en se révélant autonome et indépendante, quoi qu’on en pense le compagnon aura toujours raison, peu de personnes iront l’encourager et la soutenir. Elle devra à ce moment-là avoir le courage de choisir, entre un homme (qui ne l’accepte pas telle qu’elle est), et ses aspirations personnelles, bref faire un choix de vie. Malheureusement, il est fort possible que, pour avoir la quiétude à laquelle aspire tout être humain, il lui faudra ressembler à ce qu’aura décidé l’homme qui partage sa vie

Ce billet est ma manière d’encourager les femmes qui osent vivre leur vie et qui ne se laissent pas écraser par la société et par un entourage qui passe son temps à leur dicter un comportement et à leur tracer d’avance une destinée. C’est le cas de Madeleine K, la cinquantaine révolue, qui travaille dans une entreprise de la place. Elle n’a pas eu d’enfant par choix.  Cependant, me dit-elle  « Ce choix n’a jamais été accepté  dans ma famille et ma société. J’ai passé ma vie à expliquer pourquoi je n’ai jamais voulu devenir mère ». Elle m’a confié que tout le monde n’arrêtait pas de lui dire qu’en réalité elle cachait le vrai problème, sa stérilité. Parce qu’une africaine ne peut pas faire un tel choix. « C’est trop égoïste et c’est l’influence de l’Occident ». Or, être femme mérite aussi qu’on vive sa vie en réalisant ses rêves et en assumant les conséquences des choix que l’on fait. Je rêve d’une société qui arrête d’infantiliser les femmes et qui arrête de les cantonner dans des rôles tout faits et des stéréotypes qui ne leur correspondent pas

Les femmes sont capables de choisir leur vie ! Se marier ou pas, faire des enfants ou pas. Choisir un métier ou une activité qui leur plait et favorise leur épanouissement. Que les femmes ne soient plus de simples comédiennes pour, toute leur vie, répondre aux désirx des autres alors que ce ne sont pas les leurs.

Bon maintenant vous le savez, je ne suis pas féministe.