Jiji

« Moi, docteur John, je me drogue »

On oublie.

On les oublie.

Elles et ils deviennent pédiatres, cardiologues, ophtalmologues, dentistes ou gynécologues.

Et l’on oublie alors, qu’à la base, ils étaient des personnes comme vous et moi. Qu’ils ont des sentiments; qu’elle aime danser, qu’il est divorcé; qu’elle a des enfants, qu’il l’a désire en silence; qu’elle pense à lui, qu’il a ses fantasmes.

On oublie tout cela et l’on oublie même de les considérer naturellement comme l’on considère une amie ou un amant. Et ils se noient dans ce titre de médecin qui les accable parfois et qui viole leur vie privée. Une vie qui leur manque, je suppose. Une vie qu’ils aimeraient peut être, déguster savoureusement.

On oublie tout simplement de les aimer; à eux, avant de respecter leur statut.

 Sa lettre est exceptionnelle et c’est pour cette raison que je la transcris telle qu’il me l’a envoyée. Son esprit scientifique mêlé à son style romantique, l’organisation de ses phrases et la ponctuation utilisée m’ont permis de dévorer son histoire.

 

« En ce moment mes yeux sont fixés sur mon tatouage Albert, gravé là, du coté de mon cœur. Je sais que vous vous demandez de quoi s’agit-il, c’est en effet un beau dessin encré formant un A.

Alors,

La vie est un chao. Soyez votre propre chao, soyez crédibles et authentiques à votre propre existence pour ne pas succomber dans l’abysse chaotique de la vie elle-même.

Soyez orgueilleux et égoïstes quant à votre chao! Ne permettez pas aux autres de vous le voler.

L’addiction est un vice impardonnable comme le considèrent la majorité; mais c’est aussi une erreur tolérable pour quelques uns.

Pour moi, c’est le mélange des deux à la fois (tu te drogues?).

Je ne suis pas Moi!

Je ne suis pas la personne dont je rêvais devenir en grandissant.

Cependant, je « suis » mon chao.

Je souhaitais être l’Heureux!

Mais l’on m’appelle « Docteur ».

Dans leurs portables et sur les papiers officiels, je suis Docteur John.

Je suis médecin.

Je sauve leurs petites bêtes.

Je n’ai pas pu sauver la mienne. Celle qui me ronge l’esprit; celle qui veut toujours m’entrainer dans son chao.

Je suis vétérinaire.

Je suis l’enfant multiple. Oui! Celui qui a deux nationalités. J’ai même des origines au Kazakhstan.

Nous étions (pourquoi tu utilises le passé, pourquoi étions?) les grands de taille.

Lui et moi.

Vous savez, ceux qu’on aime bien (oui je sais! Qui n’aimerait pas un homme grand de taille?).

Les grands de taille parmi les autres, aux villages, à l’école et partout.

On nous appelait жиpaфa (qui signifie?).

Les meilleurs au basket, les meilleurs en équitation.

Nous n’étions pas corrompus. Nous étions les bons parmi les mauvais.

Albert et moi étions voisins et frères depuis la douceur de nos dents.

Le jour où je l’ai entendu me dire : « J’ai mal, tiens moi bien, enlace moi » est le jour J!

Le jour où je suis devenu la version actuelle de la personne que j’étais.

Le docteur qui se drogue (dommage. Je ne sais que dire).

Qui se drogue fort!

Je vous écris et je me rappelle de se Samedi ensoleillé durant lequel Albert s’abstenait à respirer, à rire, à me parler et même à exister. Il refusait catégoriquement de sentir la moindre émotion, le moindre mal. Son amour, elle, lui avait affirmé qu’elle le quittait pour ce bel homme de trente ans.

Albert avala les calmants de sa mère (Non!), but son dernier shot de vodka, me téléphona et m’invita à sortir. Pendant que nous nous promenions, je ne comprenais pas ce qui se passait. Il marchait lentement et soudain, il se pencha vers moi et me chuchota tout bas: « J’ai mal, tiens moi bien, enlace-moi, j’ai froid, je t’aime, pardonne-moi. » (Oh non!)

Et il s’éteint, là, entre mes mains. Et je ne pouvais rien faire. C’était la dernière fois que j’entendais sa voix.

C’étaient ses dernières paroles.

Mon frère était parti, pour l’éternité.

Je gisais dans les bras de ma « maman pianiste » comme je l’appelle, pendant deux jours.

Mon âme sœur était morte.

On ne m’a pas permis d’assister aux funérailles (pourquoi pas?).

Le soleil ne s’est jamais plus levé depuis.

Un an!

Je fuyais l’école pour dormir sur sa tombe (oh mon Dieu, quel malheur!). J’avais dix-sept ans. On m’expatrie en Angleterre.

Tout le monde était mon ennemi. J’étais riche.

Cocaïne, Héroïne, Crystal meth et tout autre genre de drogue. J’en ai même vendu à ceux qui, comme moi, vivaient leur propre chao. La police ne m’a jamais attrapé. Le soir où j’ai su que Leila (c’est qui?) est à l’hôpital suite à une overdose, j’ai arrêté le trafic.

 

Là, en Russie, Albert aurait pu oublier sa muse s’il avait essayé la drogue, il aurait pu surmonter le chao qu’elle lui avait infligé. Il aurait pu être en vie. Aujourd’hui je pense qu’il ne fallait pas qu’on soit les bons, que mon ami devait utiliser la drogue pour survivre sa peine comme je le fais moi, chaque jour (mais il pourrait mourir aussi! Qu’est-ce que tu racontes? Je comprends ton idée, ta tristesse et ta colère mais se droguer? C’est se suicider, comme Albert mais lentement).

J’aurai été à ses cotés pour le protéger et lui donner la bonne dose.

J’ai continué mes études en médecine et ma relation secrète avec la drogue en restant discret. Je ne parlais à personne. Je n’avais aucun ami. Albert, aucun!

Ma passion pour les langues, je la drogue, elle aussi; j’adore apprendre de nouvelles langues.

Je ne suis pas la personne dont je rêvais devenir en grandissant.

Je suis triste, je suis malheureux.

Naitre est une obligation, mais nous avons tous un moment fatidique! Cette fraction de seconde où l’on décide de mourir un peu (ou d’être courageux et de faire de belles folies, ou d’aimer, ou de pleurer, ou de lire, ou de vivre, mais pas de mourir, ni de tuer la beauté qui réside dans l’esprit de chacun d’entre nous).

La tristesse, la peur, l’angoisse, la colère et tous ces maux internes nous mènent vers une résurrection, parfois inutile. A nous de choisir!

Les animaux et les plantes sont reconnaissants quand on les sauve. Nous les humains par contre, nous sommes ingrats, nous plongeons dans cette eau morbide de pleurs, de regrets et de lamentations. Nous devenons prisonniers de ces expériences atroces au lieu de courir après le bonheur, de croquer la vie à pleines dents et de profiter de notre liberté.

A chaque dose, vous avez le choix de vous effondrer ou de réaliser votre chao.

J’ai levé ma tête, dressé mes épaules et j’ai réalisé nos rêves.

J’ai fait le tour du monde. Seul, avec mon A. J’ai visité l’Inde parce qu’Albert en rêve toujours.

Vous ne pouvez pas vous sentir fidèle à un autre ami si vous avez perdu votre bienaimé.

 

Je suis leur fierté.

Je suis Docteur.

Celui en qui l’on ne voit que la positivité, l’espoir et même un brin de divinité.

Mais au final, je ne suis qu’un homme fatigué, épuisé, solitaire, triste et enragé. Je ne peux imaginer un autre ami. Pas dans cette vie.

Albert, je t’aime.

Merci de m’avoir incité à faire de ma vie un chao parfaitement réussi.

Merci de m’avoir transformé en un homme couronné de succès.

C’est ce qui compte pour eux dans cette vie, c’est ce qu’il voit en moi ».


Hommes, lumières et dentelle

Il était trois heures du matin, je bouclais un autre article quand cette lettre intrigante atterrit dans ma messagerie. A vrai dire, je l’ai lue plusieurs fois et je n’étais pas sûre de vouloir la publier. De nature, je suis loin des préjugés, je ne pense pas qu’il faut donner son avis quant au mode de vie d’autrui. Je m’explique: que l’on soit gravé de tatous, acholique, fou, simplet, dur, intelligent, dragueur, flirt-style ou assez réservé, cela ne me concerne pas. Chacun est à mes yeux, libre d’être lui-même, chacune est libre d’être elle-même et je n’ai pas à m’en soucier. Les relations que j’entretiens sont fondées sur des bases d’amitié, d’amabilité et de respect; puisque je refuse le concept de malignité, de méchanceté et de concurrence. Par contre, toute opinion critiquant ma propre existence concerne ceux qui la donnent mais ne m’affecte en aucun cas.

Cependant, sa lettre à elle, troublait mon esprit d’un point de vue déontologique. J’insistais à la modeler et à la publier mais j’hésitais par crainte de ne pas rester fidèle au contenu tout en présentant un article estimé à la hauteur des autres lettres.

Alors, deux jours après, je reçois une deuxième lettre de Linda. Les premiers mots me touchent et m’agacent en même temps; moi qui crois en la liberté de vivre et en cette magie qui réside dans l’unique existence que nous menons, décide finalement qu’elle aussi a droit aux « paroles de Jiji ».

« Madame, c’est parce que je suis danseuse de cabaret que vous n’allez pas publier mon histoire  » ?

« Je m’appelle Linda, j’ai trente quatre ans, je vis à Las Vegas et je suis danseuse dans un cabaret à grande renommée. Mon amie Céline est française, on surfait sur le web, on voulait lire des contes de fées, juste pour s’amuser et, d’un site à l’autre, nous sommes tombées sur vos articles. Cici (je présume que c’est Céline) lisait et pleurait. Elle me traduisait et je commençais à pleurer aussi (oh mon Dieu! On m’avait dit que mes articles font rêver et voilà que ma lectrice pleure!).

Les membres de ma famille me demandent comment ai-je pu voyager tranquillement à Las Vegas et trouver un travail extravagant sans me soucier du fait qu’ils auraient honte de moi. Mon père me dit souvent : Toi, toi, tu n’as pas honte de ce que tu fais? J’aurai préféré lui répondre la tête basse et les yeux fixant le sol, cependant, je regarde toujours de coté et je lui lance un non qui semble le brûler à chaque fois. (Et ta mère?)

Je sais que le film Pretty Woman explicite le désire caché de chacune de nous à avoir cette place de femme au foyer, mariée à un gentleman, avec des enfants, des repas les dimanches en famille, les soirs de Noël autour du feu en tunique identique; oui, peut être, mais pas moi. (Pourquoi pas?). Je sais que je ne suis pas faite pour cette vie. Je ne pense pas que je puisse un jour me concentrer sur un seul homme, les tâches ménagères, me réveiller tôt pour préparer tout le monde, être la gentille épouse qui souffre en silence, et puis les bébés, leurs cris interminables, leurs demandes successives et cette énergie qui s’évapore de mon corps, jour après jour (crois moi je sais très bien de quoi tu parles). Non! Je refuse de vivre ainsi et de me métamorphoser en stéréotype mondain. Je veux rester authentique et crédible envers ma propre personne. Quand je suis dans la rue, je regarde ses femmes exaspérées et je me demande, sans être dure, comment font-elles pour endurer ce calvaire? (je ne pense pas que ce soit un calvaire; il me semble que ce train de vie se rapproche plus d’un cheminement choisi ou non, facultatif ou pas. Une fois maman, il est impératif de tenir ses responsabilités, de prendre conscience des choix que l’on a préférés et d’aller de l’avant jour après jour).

Et puis un jour, en Octobre, je découvre que j’ai le cancer du sein (quoi?!). Je dansais pour un homme et il ne me semblait pas satisfait, pourtant il m’avait payé une somme assez remarquable. Quand je lui permis de me toucher, il me chuchota calmement: vous devez prendre soin de vos seins.

Mes seins ? Alors là, c’est une première! Qu’est ce qui ne va pas? La forme? La taille? La couleur? Dites-le moi, allez-y!

« Je pense qu’il vous faut une mammographie et une échographie certainement ».

Les hommes, les lumières et la dentelle rose s’effondrèrent en une fraction de seconde.

Le lendemain je me dirige vers le centre hospitalier, je subis une échographie, puis une mammographie. On me demande si je suis déjà suivie par un médecin. Non. Je ne me souciais de rien, cela fait longtemps que je n’ai pas visité un spécialiste.

Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails mais aujourd’hui, les séances de chimiothérapie s’enchainent, j’ai mal au cœur et au corps. On me rassure: tout ira mieux. Mais vous ne pouvez pas imaginer ce que veut dire perdre ses cheveux, perdre son charme, perdre sa vitalité, perdre son physique et se perdre ainsi quand on est danseuse. Danseuse de cabaret. (Danser est un art dont la finalité exige une finesse de soie, une harmonie de chœur et un amour de liberté. Comment pourrais-tu sauvegarder ces armes lorsque ton âme s’éteint lentement? Me demandais-je en continuant la lecture).

J’ai perdu mon travail. Je n’ai plus envie de parler aux gens. Les hommes en qui je voyais des étincelles de plaisir ne sont d’aurénavant que des fantômes gris. Mon père a pitié pour moi- mais dans ses yeux, je vois briller une lueur de triomphe. Comme s’il me disait silencieusement: tu as vu? Les mauvaises personnes attirent des mauvaises choses.

Non papa! Imagine que je sois mariée, que j’aie des enfants, comment pourrais-je leur infliger une telle situation? Tu vois? C’est plus facile, plus agréable et plus pratique quand on est seule. On n’a pas mal doublement. C’est nous qui souffrons sans faire mourir les autres.

Je ne regrette pas vous avoir écrit. Je devais sans doute exprimer mon opinion à ce propos, (lequel?) car je ne supporte pas l’idée d’être conçue comme une femme faible et sans dignité. Je ne suis ni l’une ni l’autre. Je me bats contre le seul étranger qui pourrait me résister. J’ai passé des nuits entières à dominer âmes et corps et voilà qu’un démon de taille me met les menottes. Je sais que vous et vos lecteurs allez me détester (moi non, pourquoi? Les paroles sont faites pour les dire, le plus ouvertement possible, avec beaucoup d’élégance) parce que je parle d’un sujet qui porte atteinte aux idées conçues par la majorité, mais je voulais que mon histoire soit publiée. Je veux savoir que je suis toujours forte.

Au final, je préfère toujours être malade que de mener une vie qui ne me ressemble pas. J’aurai toujours le grand plaisir de les étouffer: les hommes, les lumières et la dentelle rose ».

Remarque: pourriez-vous publier votre article le deux Octobre? C’est le soir où l’on m’avait informée qu’un individu m’attendait impatiemment. Si j’avais fleuré son parfum, si j’avais senti sa texture contre ma peau, si j’avais su qu’il allait se marier de moi, je ne me serai pas présentée.


« Acceptes-tu de rester mon fils »?

Je me demande constamment ce que les gens sont capables de faire pour vivre ce grand amour dont on parle partout. Et parmi les lettres que je lis chaque soir avant de dormir, celle-ci donnait du sens à la question qui me tourmente.

« Madame (encore un Madame), je m’appelle Adam, j’ai 46 ans, je suis architecte. J’envisageais me marier depuis quatre mois mais ce que je découvre bascule tous mes plans. »

Et là, maintes pensées me vinrent à l’esprit, moi qui pense toujours de gauche: alors celle qu’il aime l’a quitté. Elle a un amant. Elle lui cachait un de ces secrets qui déchirent les âmes. Elle est morte? 

« Mon père subit une chirurgie assez grave, suite à un accident de voiture et nous découvrons que je ne suis pas son fils. »

Quoi ? Une minute! Et là, toutes les options que j’avais envisagées me semblent droites.

« Je vous raconte les détails, (oui s’il vous plait), papa est un homme actif, généreux, aimable, fort de caractère mais doux et clément envers les gens. Il travaille beaucoup pour nous aider à faire nos vies et ne se limite pas au fait que nous sommes totalement indépendants, il continue à nous combler d’amour, d’argent, de support mental et d’amitié. Il adorait ma mère qui le respectait profondément. Vous devez savoir que mes sœurs et moi avions toujours senti que l’énergie relationnelle entre nos parents n’était pas égale; (comment?) il était bien clair que papa aimait vraiment maman, on sentait qu’il se tordait en quatre pour la voir heureuse. Tandis que maman avait pour lui un de ces amours rationnels qui se basait sur le respect, l’amitié, la patience et surtout la dignité. Maman était (pourquoi « était? », ne me dis pas qu’elle est décédée!) une femme extrêmement posée, bien formée, beaucoup plus intelligente et éduquée que papa, elle nous aimait au grès de sa propre existence. Très douce, elle ne criait pas, n’avait pas des crises de colère comme les autres mamans que l’on connaissait; mais madame, elle avait cette ombre mystérieuse qui ne la quittait pas. Comment vous clarifier les choses un peu plus? Ma mère était là et pas là. Je ne sais pas, sa présence physique était bien marquée mais son esprit voguait dans des ailleurs que l’on n’a jamais connus ».

Et voilà que mes pensées de gauche reviennent: j’essaie de l’imaginer cette femme. Pourquoi est-elle dans cet état? Se drogue-t-elle? Est-ce l’effet des calmants? Je ne sais pas. Je n’arrive pas à assimiler les informations.

« Donc un soir, en revenant du travail, un camion écrase la voiture de papa. Nous arrivons aux urgences et après quatre heures dans le bloc opératoire, le médecin nous explique que son rein droit est gravement touché et comme il avait des antécédents de mal fonctionnement du rein gauche, il était primordial qu’il soit opéré et voila que l’on commence ces heures de conflits. Nous ne savions pas quoi faire ou comment penser. D’où doit-on lui procurer un rein? Qui sera le plus compatible? Combien doit-on attendre? Mille et une questions nous tourmentaient, jusqu’à ce que je décide de lui donner un de mes reins. (Oh là là.. J’ai les mains moites). J’appelle le docteur, lui demande si cela est faisable, il m’affirme que je dois subir des examens sanguins et qu’il y a toute une procédure à suivre avant de finaliser ma décision. J’accepte sans une seconde d’hésitation.

Et là, après un certain moment, je découvre que je ne suis pas le fils de mon papa … (J’ai envie de pleurer). Je n’ai aucun lien de famille avec lui! Lui, mon père à moi, n’était pas mon papa.

Vous devriez voir le visage du médecin qui avançait dans ce long couloir. Il se grattait la tête, enlevait sa paire de lunettes, la remettait, tournait les papiers, me regardait, redescendait ses yeux dans le dossier, me regardait, allait et venait, soudain je me lève et lui demande: Qui a-t-il docteur?

Et il me répond en balbutiant : Mr. venez dans mon bureau, il faut que l’on parle.

J’ai cru que papa était mort et qu’il ne voulait pas me l’annoncer devant toute la famille, mais, une fois assis, il m’annonça la suivante: Adam, vous n’avez aucun lien familial avec votre père. Les examens que vous avez faits ce matin ne montrent pas de traits génétiques identifiables. Je suis désolé de vous le dire de cette manière mais vu la situation, j’ai eu le pressentiment que vous n’êtes pas au courant, sinon vous ne vous seriez pas présenté comme donneur.

Ah la catastrophe!

« Et ce fut la réponse aux deux grandes questions qui me torturaient: pourquoi ma mère me disait toujours, « tu es mon préféré, tu es le cadet mais tu es mon préféré » et puis cette phrase qu’elle me répétait avant de mourir, il y a un an: « Je t’aime Jonathan, je t’aime. Et moi, comme un idiot je lui répondais: maman je suis Adam, c’est qui Jonathan? »

Alors, les mains sur les joues, les yeux bloqués sur l’écran de mon ordinateur, c’est la nuit, je reste assise dans mon canapé, je ferme les yeux et pour une toute première, mon cerveau arrête de fonctionner pour un lapse de temps qui me parut éternel.

Les folies de l’amour, l’état de ce jeune homme, la situation du père, les paroles de cette maman morte, toute une vie, toute une histoire filait devant moi; et, au lieu de continuer la lecture, je décide de me reposer car, je pensais dorénavant à ce père, et me demandais s’il savait ou pas. Adam, m’avait-il raconté la suite? 

« Le docteur me demandait de réfléchir, de voir si l’une de mes sœurs serait prête à donner un rein; et si par hasard Anna ou Janine n’étaient-elles pas aussi les filles de mon papa?!

Une infirmière vient nous annoncer que mon père est réveillé et qu’il était possible de le voir pour un moment. J’entre seul, je lui tiens la main, il me regarde avec une tendresse que je côtoie depuis mon jeune âge, et, sa main dans la mienne, j’ose lui demander: papa, tu savais?

On s’attend à tout sauf à ceci: oui, et tu es mon préféré à moi aussi, parce que je ne voyais l’amour dans ses yeux que lorsqu’elle te regardait, lorsqu’elle parlait de toi, lorsqu’elle t’a pris la première fois dans ses bras ». 

Bon, c’est la fête des pères et je m’efforce à ne pas pleurer, mais là … 

« Madame, ma sœur Janine a fini par lui donner un rein, elle avait une forte compatibilité. Quand papa était rentré, je ne pouvais pas le regarder dans les yeux, j’avais honte. Je ne savais pas quoi lui dire. Jusqu’au jour où il m’appelle, me prépare un thé et me dit: tu m’écoutes bien, tu es mon fils, c’est moi qui t’ai élevé, je sais que tu es troublé mais crois moi, je suis fier de toi, tu me rappelles ta mère et tu es la preuve vivante du vrai amour. Alors si tu acceptes, j’aimerai bien que tu restes mon fils.

 Papa, comment fais-tu ? Sais-tu au moins qui est ce Jonathan?

 Si cela t’intéresse, on ira le trouver ensemble. Moi, je connais Liliane (alors la maman s’appelait Liliane) et Adam. Jonathan ou pas, cela n’ajoute aucune importance à mon être. Ta mère est une femme de valeur, elle avait ses faiblesses comme tout le monde et elle m’aimait à sa manière. C’était mon choix de la quitter ou pas. Et comme je ne pouvais vivre sans elle, j’ai pris la décision de me dédier à cette belle famille sans lui poser des questions. Un homme agit et ne se lamente pas. Voilà c’est aussi simple que ça. Et puis Anna est arrivée et je savais au préalable que ta mère tenait à nous parce qu’elle vivait dans des ailleurs qui lui plaisaient, sans nous quitter afin de matérialiser ses désirs et pour ce, je la respectais énormément, je vénérais le sacrifice qu’elle s’était infligée, pendant que d’autres mettaient de coté leurs enfants au dépend d’un amour finalement éphémère ».

 Ah là là ce papa!

 « Madame, je ne suis pas allé à la recherche de Jonathan, moi mon père, je sais très bien c’est qui »! 

L’email prend fin sur ces mots. Ce père, j’ai envie de le connaitre, de mettre une image concrète à celle que j’imagine, de donner une voix aux paroles que j’ai entendues dans cette lettre. Et au final, de lui demander à lui, comment peut-on aimer ainsi?

 


Mon stéthoscope battait pour elle

Je me demandais souvent ce qui pourrait se passer si les médecins tombaient amoureux de leurs patients. Comment vivent-ils cette situation? Quelles idées leurs viennent à l’esprit? Et leurs sentiments humains qui se heurtent à l’éthique professionnelle? Ou cette déontologie qui leur ronge la cervelle? Jusqu’au jour où une lettre m’arrive de Tunisie. Après les belles salutations, cet homme m’écrit:

“Je suis cardiologue depuis plus de 12 ans et je n’ai jamais eu de sentiments envers mes patientes. Mais elle, ce fut l’apocalypse! Elle débarque dans mon cabinet avec un « Bonjour » qui fait toute la différence. Triste. Elle était de très bonne humeur, joviale et souriante, mais ses yeux débordaient de désarroi, de larmes sèches et de morosité (oui je comprends). Elle avait toutes les responsabilités du monde sur ses épaules et elle jonglait avec les heures pour prolonger le jour. C’est ce qu’elle me racontait. Elle n’était pas parfaite, mais sa beauté se multipliait à chaque mot qu’elle prononçait et qui raisonnait dans mon cœur”.

Ah! L’amour! 

“Je lui demandais ce qu’elle ressentait, pourquoi était-elle venue me voir? J’ai mal au cœur. Il me semble que mon cœur freine pour un instant et reprend son rythme. J’ai vraiment mal docteur. A ces paroles, j’eus envie de me lever et de la prendre dans mes bras. De l’enlacer fortement pour qu’elle sente ma présence, ma compassion soudaine et ce coup de foudre qu’elle seule a pu réveiller en moi. Cependant, je restais figé dans mon fauteuil, les menottes de l’éthique professionnelle me serraient les mains. 

Que faut-il que je fasse docteur?

Et bien madame nous procèderons à un examen maintenant et je vous demanderai un bilan sanguin, néanmoins, d’ici que les résultats soient prêts, vous devez vous reposer. Faites une petite marche les après midi ou les soirs; sortez dans la nature, nagez un peu; bref, vous devez permettre à votre corps de se relaxer (corps et cœur sont intimement liés à mon avis). Docteur, je ne peux pas. Je dois prendre soin de tout le monde et j’ai beaucoup de responsabilités à assumer. Marcher? Nager? Me reposer? J’en rêve docteur, croyez moi. Mais je ne peux pas. Pourquoi madame? Ne prenez pas mal ma question mais ne pouvez-vous pas vous accorder 30 à 45 minutes pas jour?

Si, je prends ma douche durant ce temps et je bois mon verre de vin avant de dormir. C’est dont à quoi j’ai le droit. Alors quand vous me demandez de rajouter 30 à 45 minutes aux miennes, la durée totale est impossible à acquérir. J’avais envie de me taper la tête contre le mur. Pourquoi une femme, charmante, active et douce est-elle prisonnière d’une vie qui ne lui ressemble pas”?

Et qu’as-tu fait? Tu as causé un peu plus avec elle? Peut être avait-elle besoin de quelqu’un à qui raconter ses maudites journées qui n’en finissaient pas; ou au contraire, exprimer sa joie envers un acte qui l’a aidé à dépasser ses nuits morbides?

“Un quart d’heure après avoir pris note de tous les détails concernant sa santé, je lui tends le papier qu’elle devait donner au laboratoire. Tamara (Ah! Elle s’appelle donc Tamara) me remercie et quitte, emmenant avec elle mon esprit et mes idées, voire, mon être.”

Et tu la laisses sortir ?! Aussi facilement que ça? Sans la retenir? Ah oui, j’oubliais, la déontologie et l’éthique l’emportaient malheureusement! 

 “Tandis que les jours passaient, son image se gravait de plus en plus dans ma mémoire, son parfum ne lâchait pas mes narines et sa voix me pinçait le cœur.”

Alors tu l’appelles pour avoir de ses nouvelles, pour savoir si les examens sont faits, tu lui envoies un texto lui demandant si son cœur lui faisait toujours mal … 

“Et j’étais là, assis dans mon cabinet, en attendant qu’elle me rappelle, qu’elle me raconte ce qui s’est passé avec elle ou à m’affirmer que les résultats sont bons en général. Mais elle était revenue à sa vie de marathon et j’étais sûr qu’elle n’avait même pas le temps de me parler. Déjà pourquoi devait-elle le faire? Tamara n’a certainement pas senti qu’elle me plaît. Elle est mariée et selon mon diagnostique d’homme, elle est très classe et posée pour flirter avec les hommes”.

Ah là là! Arrête de réfléchir! Envoie-lui un bonjour! Ces histoires vont me rendre folle! 

“Elle a trop de pudeur! Elle semble courageuse, cultivée et intelligente, elle sera probablement dérangée par mon message”.

Oh! 

“Jusqu’au jour où, un tout petit paragraphe fit toute la différence!” 

Enfin! Tu lui as parlé! Bravo! Tu es finalement son médecin ce n’est pas un crime! 

“Tamara me saluait et m’envoyait les résultats du bilan sanguin. Ne voulant pas m’imposer, je répondis brièvement et lui demandai si elle avait toujours mal”.

Très bien!

“Elle m’expliquait qu’elle allait mieux. Pourtant, le bilan sanguin m’indiquait qu’elle avait une enzyme assez élevée. Je m’inquiétais pour elle mais la situation m’intriguait. Puis-je aller plus loin? Non! Je terminais la conversation. Une question rodait dans ma tête: qui prend soin de toi Tamara”?

Mon Dieu! Mais pose-la-lui!

 “Je sais que je suis lâche. Elle me plaît énormément, mais j’hésite (tu es fou!). Et si cela ne lui convenait pas? (Tu ne lui as même pas avoué tes sentiments comment ceci ne pourrait-il pas lui convenir?). Quelle serait sa réaction? (Suite à une première analyse de son mode de vie, elle sera probablement contente de savoir que quelqu’un pense à elle; qu’elle existe encore. Peut être a-t-elle besoin de compassion, ou de rire sur des nouveaux propos. J’espère que tu lui as parlé!). Elle était revenue plusieurs fois dans mon cabinet. Je ne savais comment l’examiner, comment la toucher, que lui dire de ce petit cœur qui bat fort? J’essayais de lui expliquer que son énergie débordante pouvait lui causer des problèmes cardiaques. Les paroles médicales étranglaient mes émotions et les mille mots d’amour que je voulais lui dire (ce n’est pas vrai!). Mon intérieur fondait tel un glaçon en plein désert, mais le courage me manquait”!

Boff! 

“Ses yeux se cramponnaient à cette tristesse imminente (demande lui pourquoi est-elle aussi triste!). Vous n’allez pas me croire mais jusqu’aujourd’hui je ne me débrouille pas! Je suis accablé par ce dilemme qui sculpte la cervelle! Je ne sais quoi faire”.

Et c’est terminé ?! Non ! Ne me dis pas! Bon, puisque ta belle lettre d’amour s’achève ici, je t’assure que mes lecteurs et moi sommes vraiment déçus! Tu ne peux pas commencer une histoire sans la clôturer! Tu n’as pas le droit, c’est trop de suspense et de déception à la fois. Il est impossible que vous demeuriez ainsi, parle lui en observant sa communication, ses gestes, son visage, la tonalité de sa voix, etc. Il est très facile de montrer son mécontentement, mais il est encore plus simple de détecter une personne solitaire, prête à partager un moment de répit.

 “Puisque je pensais à elle souvent et que les limites m’obligeaient à ne pas la déranger, (j’aime ce mot, je l’utilise en amont) j’ai finalement décidé de devenir son ami. J’entre en contact avec elle à petits pas, je lui écris un texto, je fais semblant de lui poser une question concernant son travail; comme quoi un proche a une affaire avec la justice et je voulais son avis d’avocate. J’ai senti que mon message l’a motivée. Elle m’a répondu avec beaucoup de gentillesse et de vivacité. C’était sa nature je crois, elle était forte. Tamara avait les pieds sur terre mais elle laissait un peu d’espace aux rêves, aux ambitions et à la vie. J’observais son rythme sur les réseaux sociaux et je comprenais qu’elle s’agrippait avec ses griffes au semblant de vie qu’elle aurait aimé vivre. Elle voulait expérimenter le monde, aider les autres, parler franchement, respecter autrui, faire des gestes de charité. A mes yeux, elle est la femme idéale. Celle qui lisait des livres-papiers, qui croyait en Dieu mais qui ne se cachait pas derrière des postulats. Une femme en tête dans tout ce qu’elle entreprenait. Au fil du temps, j’arrivais même à lire entre les cordes de sa voix. J’ai finalement compris que sa tristesse la motivait à être une bonne personne. Cette tristesse imposée par la vie qu’elle menait n’allait sans doute pas la quitter parce que Tamara est une femme de valeur au cœur d’or. Elle insinuait parfois la possibilité d’être attirée par ma personne, mais elle ne me permettait jamais de casser les obstacles qui nous séparaient. Sa façon implicite de refuser se mêlait à un charme irrésistible d’élégance. Je ne forçais aucun acte, je ne prononçais aucune parole indigne, mais notre communication silencieuse battait tous les records sonores”.

Eh oui, il me parle de communication, moi qui en suis une experte! Ah! Cette communication silencieuse qui dit tout.

“Un jour, en sortant de ma clinique, elle me regarde droit dans les yeux, chose qu’elle fait sans aucune crainte, et me lance un merci qui me pointa le centre du cœur. Je sortais une phrase plus banale que la banalité car ce merci m’avait bouleversé. Alors elle me corrige en répétant : ce n’est pas un de ces mercis, merci. C’est plutôt Le Merci. Et voilà, nous suivons ce chemin qui n’aboutira point. Mais ma belle me dit Merci de temps en temps et je sais que mon amitié pour elle adoucit en quelque sorte l’enfer dans lequel elle baigne gracieusement« .

Face à des histoires comme celle-ci, mon imagination ne peut que déborder. On vit dans un monde où les enfants d’une même famille se détestent et voilà que deux étrangers nous prouvent que la tendresse reste reine.


« On ne fait pas des enfants pour les voir mourir »

Bon, je refusais catégoriquement l’idée de réécrire cette lettre mais comme j’essaie d’assumer l’existence de ce sujet et que le couple m’avait envoyé un deuxième courriel me demandant pourquoi leur “histoire n’a pas encore été postée”, je me force à trouver les mots afin d’exposer ce drame sans trop pleurer.

“Figurez-vous madame que nous continuons à vivre juste parce qu’il le faut. Je m’appelle Catherine et avec mon époux Paul, on vous écrit cette lettre car les belles histoires donnent de l’espoir mais les cauchemars existent aussi. Nous avons trois enfants, deux garçons et une fille. Il est vrai que notre benjamine a été découpée en morceaux et que nous avons dû la reconstituer tel un puzzle pour l’enterrer, cependant, nous n’acceptons toujours pas le fait qu’ils sont deux dorénavant. Nous continuons à dire que nous avons trois enfants. Petite Linda avait 17 ans lorsqu’un monstre décida de la kidnapper, de la torturer et de la couper en vingt cinq pièces, pour s’amuser. Cela fait 5ans qu’elle n’est plus parmi nous. L’éternité nous est maintenant accessible et tangible puisque le temps qui s’est écoulé depuis sa disparition jusqu’à nos jours, semble éternel! Nous passions de magnifiques moments à la campagne quand un soir notre fille ne rentre pas. Le lendemain matin nous étions follement inquiets. Quand nous arrivions à la gendarmerie, les officiers nous regardaient, les yeux grands ouverts. Moi, Catherine, ne comprenais pas leur réaction. J’avais l’impression que le sujet n’était pas assez étrange et que les hommes connaissaient déjà de quoi l’on parlait. Quand mon mari eut fini son discours, un policier nous demanda de nous asseoir. Mes larmes coulaient car j’avais compris que j’ai perdu ma fille.

On nous expliquait calmement qu’une dame avait trouvé un colis devant sa maison et, ne voulant pas l’ouvrir, elle appela la police. La boîte contenait le cadavre d’une jeune fille, et là, l’univers éclata! Je n’écoutais plus la suite. Paul essayait de me calmer mais mon instinct maternel ne pouvait que bouillir. Vous ne pouvez pas imaginer (oui c’est vrai je ne le peux point) comment mes cellules se déchiraient, mes cheveux crispaient, mes oreilles sifflaient, mes dents grinçaient, mes ongles se cassaient et mon cœur refusait l’ordre cérébral de s’éteindre. Ce muscle têtu battait même encore plus fort comme pour me demander de revenir”.

Je ne voulais pas continuer la lecture. Je ne voulais pas accepter le fait que Linda était dans ce colis. Je voulais ouvrir un nouveau courriel et penser que voilà, le cadavre n’est pas celui de la fille. Mais c’était trop tard. Je leur avais promis la publication de leur histoire.

“Un inspecteur arriva et nous demanda si nous étions capables de le suivre afin d’identifier le corps. Paul me tenait la main et tremblait. Moi je ne pouvais même pas bouger mes orteils mais une colère immense me poussa dans la morgue pour découvrir que ma fille, ma fille à moi est découpée en 25 morceaux. De quelle tristesse vous parler? Celà n’est pas vrai. Nous ne sommes pas tristes, nous vivons dans un état au delà de ce terme banal qu’est la tristesse. »

Je veux vraiment arrêter la réécriture de cette lettre mais la conclusion manque.

“Nous ne pouvons pas vous expliquer les sentiments qui nous envahissaient mais je peux vous assurer que la vie n’avait plus de sens. Nous avons deux garçons et nous continuons à vivre pour eux, mais la perte d’un enfant ne sera point un sujet que l’on peut surpasser. Non! Ce n’est pas une option. Madame, quand notre Linda est morte, le ciel est mort aussi, les anges de même et nos cœurs se sont refroidis pour toujours. Trois ans plus tard, un détective nous appelle pour nous annoncer qu’ils ont retrouvé le coupable. Un jeune psychopathe qui avait tué deux autres filles juste « pour s’amuser ». Le pire est de ne pas pouvoir se venger. Nous savons que ceci ne nous rendra pas notre fille mais il le faut Madame, il faut que nous puissions nous venger d’une manière ou d’une autre afin de calmer la colère atroce qui nous ronge l’esprit. Nous ne planifions rien pour l’instant mais nous sommes d’accord qu’une action personnelle est nécessaire. Nous sommes déjà morts une fois, nous ne voulons pas tuer Linda une deuxième fois. »

Voici l’intégralité de la lettre. Pour une première fois, je n’ai pas de commentaire à ajouter.


« Je le faisais rêver »

Je ne sais d’où commencer mon histoire, je sais seulement que vous maniez bien les paroles et que je suis libre de vous écrire tout ce qui me vient à l’esprit. Il pensait à moi, je le faisais rêver et je savais ceci; j’étais à lui mais je ne pouvais pas être avec lui”. C’est avec ces mots là qu’elle débute sa lettre. Elle me prie de respecter son anonymat pour des raisons personnelles.

Mes pensées se bousculaient et je me posais mille et une questions: que va-t-elle me dévoiler? Que me cachent les lignes qui suivent?

Allez, continue la lecture au lieu de penser, me disais-je.

Je scrutais attentivement le contenu de son texte et toute une histoire se déroulait devant mes yeux. Je pus voir une jeune fille amoureuse d’un homme assez tendre mais fort, doux mais correct, humble mais vrai. Un homme qui l’aidait sans cesse, qui la “boostait” (comme elle avait écrit) car elle avait fortement besoin de tendresse et de compassion. Un géant de sécurité à qui l’on pouvait tout raconter car les pêchers et les malheurs éphémères se heurtaient à sa résilience de prêtre !

Oui, elle était amoureuse d’un homme aux habits noirs, qui n’avait aucune possibilité de l’aimer sans tomber dans le mal.

“Quand on se croisaient, une complicité folle se cachait dans les dessous de nos regards, mais il était fort bien persuadé à  ne pas se dévoiler, ni à me trainer dans une histoire sans fin. Or, il n’imaginait  pas à quel point ses yeux le dénudaient. Donc, pour ne plus le soumettre à la tentation, je voyageais travailler au Chili. Un sacrifice que je payais cher puisque je restais célibataire. Ma vie passait lentement et il m’était impossible d’accepter la présence d’un autre homme, de sentir un nouveau parfum ou de regarder un visage étrange. Je me demandais comment pouvait-il m’accompagner du matin jusqu’au soir sans être vraiment présent. Pensait-il à moi maintenant que je suis loin? Je faisais tout pour l’arracher de mon cœur et le déraciner de mon âme! En vain”.

Je me tortillais dans le coin de mon canapé préféré et répétais : si tu penses à lui, c’est qu’il pense à toi lui aussi, je suis sûre, je le sais! Mais que s’est-il passé par la suite ?

Si un jour vous décidez de publier ma lettre, les gens n’accepteront pas la conclusion; vous êtes libre de la changer afin que vos lecteurs apprécient la fin.”

J’allais le faire mais comme son histoire me rappelait les anciennes légendes, je me résolvais à retracer la chute sans modification.

Sept ans après, pendant que j’étais au souk en train de choisir un beau pamplemousse, une odeur qui m’était familière me figea l’esprit. Je ne bougeais plus. Du coin de l’œil je voyais cette silhouette qui me hantait depuis l’éternité. C’était lui ? Oui, c’était lui. Ses lèvres marmonnaient des mots inaudibles. Le temps s’arrêta ce jour là et je ne reconnaissais plus que ses yeux qui me fixaient et m’engloutissaient de désirs”.

Ils ont fait l’amour je suis certaine, me répétais-je.

Quand je repris le souffle, il m’expliquait que mon image ne le quittait point et que son être se fanait jour après jour. Alors il était venu vivre à mes côtés, au couvent des pères franciscains de la ville”.

Et ils n’ont pas fait l’amour ?!

Cela fait 16 ans que l’on vit ainsi. Ceci pourrait paraître idiot, mais c’est mon histoire”.

Et mon curseur ne bougeait plus! La lettre était terminée. J’étais sous le choc. J’avais envie de lui poser maintes questions, de connaitre encore plus de détails et de vivre les émotions. Hélas, je n’avais pas le droit.

Je pense toujours à cette version moderne de Tristan et Iseut, à la théorie de l’amour platonique (moi l’épicurienne sensuelle) et je n’arrive pas encore à assimiler le fait que de telles relations divines puissent exister.


On a tous Une Histoire

Comment prouver aux gens qu’ils sont intéressants et importants malgré tous leurs défauts? Comment donner un brin d’espoir à ceux qui n’ont plus envie de vivre? Comment les aider à surpasser leurs séquelles ? Comment leur expliquer qu’à chacun son histoire?

Durant une formation portant sur la communication, ses enjeux et ses secrets, une idée me vint à l’esprit: pourquoi ne pas donner aux autres, un espace de liberté où les paroles seront faites pour les dire sans restriction, sans hésitation et surtout sans regret. Un espace où le défoulement est permis, où l’avis des autres ne pointe plus les détails inédits; un espace de sécurité et de confiance.

On a tous des souvenirs qui nous hantent, des idées que nous refoulons et des peurs que nous masquons; des personnes qui nous manquent pour des raisons ou d’autres, des voyages qui sculptent notre existence, des fantasmes profonds, des sentiments bouleversants et des rêves interdits.

On a donc tous, Une histoire, pas deux.

Un conte de fées ou de sorcières que l’on aimerait raconter et graver sur les pages invisibles de cette vie éphémère. Des paroles qui pèsent sur notre cœur, notre conscience et notre âme. Des faits que l’on a besoin de dévoiler pour une fois, sans avoir honte des préjugés et sans être obligé de les peaufiner.

D’où la mise en place de cette nouvelle rubrique: On a tous Une histoire.

Il suffit de m’envoyer la vôtre et de me raconter ce que vous désireriez publier, en anonymat si vous préférez, sachant que l’éthique journalistique ne me permet pas de dévoiler votre identité quoiqu’il arrive.

Le but de cette rubrique est de remettre en cause un vécu qui a touché votre être, de découvrir vos sentiments et vos pensées, de vous permettre finalement d’ouvrir votre esprit et de révéler votre version de l’histoire.

J’attends impatiemment vos lettres sur mon adresse mail: jihane_chahwane@hotmail.com ou via messages privés sur Facebook.

N’oubliez pas, c’est Votre Histoire!

 

 

 


Éleveurs de vaches français, apprenez la solidarité aux enseignants libanais

La situation des enseignants libanais s’aggarve de jour en jour puisque les directeurs des écoles ne veulent pas payer les salaires selon la grille des nouveaux échelons, en prétendant ne pas avoir assez d’argent (vous devez voir leurs voitures et leurs résidences). Mais le pire c’est que le problème se dégrade maintenant lorsque les profs commencent à mettre les bâtons dans les roues à leurs collègues. Sachant que le syndicat est en notre faveur et que les textes juridiques sont clairs et nets. Au lieu de s’unir afin d’acquérir ce qui nous appartient, nous nous jetons les pierres dans le dos.

Oui! Encore une fois, ne soyez pas choqués, dans mon très beau pays le Liban, le mot solidarité a été enterré avec la mort de Béchard El Khoury (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Béchara_el-Khoury), Camille Chamoun (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Camille_Chamoun) et Fouad Chehab (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fouad_Chéhab). Des présidents exceptionnels qui ont vu l’espoir dans cette terre magique. Des présidents qui ont essayé en vain, de réunir un peuple au gré de la patrie mais qui se sont heurtés à la lâcheté transcendante d’individus incroyablement égoïstes.

Oui, dans mon beau pays le Liban, nous ne formons pas un peuple, mais plutôt des ghettos dans lesquels chacun ne pense qu’à lui-même! Et le comble c’est que nous osons critiquer la misère sociale et intellectuelle que nous engendrons.

Bon, retournons à ce cercle vicieux qui est la solidarité, les éleveurs de vaches en France se sont manifestés depuis quelques temps contre une nouvelle augmention de 4 centimes d’euros sur les produits laitiers. Ils se sont mobilisés afin d’arrêter cette loi et leurs droits ont été préservés. 4 CENTIMES D’EUROS .. Juste 4 !! 4 centimes d’euros pesaient sur le bien collectif de ces personnes et violaient leur dignité en les privant de leurs droits. Au final, la loi n’est même pas arrivée au parlement. Chapeau!

C’est tout à fait la même image qui se dessine ici au Liban, les enseignants sont radicalement et injustement privés de toucher leurs salaires selon les nouveaux montants, malgré la légalisation de la loi 46, et leur solidarité de plomb a abouti à un arrêt total des cours, suivi d’une épiphanie patrimoniale au point que les responsables des écoles se sont rendus en payant leurs dettes. Mon Dieu! Encore plus impressionnant que l’épopée de Gilgamesh!

Eh bien non! Dans ce cas lamentable qu’est le peuple libanais, le corps enseignant se retrouve trahit par des moutons (en référence au montons de Panurge) qui ne font que bégayer en chœur, laissant vaincre leur propre dignité humaine au dépens de la peur, voire de la couardise. Oui et mille oui, on vit avec des personnes qui se vantent d’être enseignants ou professeurs, tandis que les seules valeurs qu’ils transmettent à leurs élèves ou à leurs enfants sont la soumission, la renonciation aux droits légitimes et légaux et surtout l’absence de dignité personnelle. Ah j’oublie, l’important est ce concept de “show off” qui hypnotise les Libanais, car comme vous le constatez, dans mon pays, l’épanouissement interne est l’esclave de cette belle coquille vide qui s’écrase à coup de pensée.

Le peuple libanais mérite bien la misère et le chaos dans lequel il baigne si son système éducatif de base est fondé sur des créatures assez médiocres. Au lieu de communiquer aux nouvelles générations l’esprit de justesse, de force et d’union, nous les sollicitons à devenir indignes de leur propre personne! Il valait mieux leur apprendre que si le système démocratique donne force au bégaiement des moutons, faute d’effectif, un roi reste roi et les suiveurs se rongeront les ongles tôt ou tard, face au rugissement.


Du Quatrième Pouvoir, aux Chiens de Garde

Lorsque la première édition des Chiens de Garde -https://inventin.lautre.net/livres/Nizan-Les-chiens-de-garde.pdf- du philosophe et journaliste Paul Nizan est parue en 1932, puis rééditée en 1960, le pouvoir divin des journalistes arrivait à ses fins. Oui! Cette immunité dont se vantaient Les nouveaux chiens de garde -https://inventin.lautre.net/livres/Halimi-Les-nouveaux-chiens-de-garde.pdf– comme les nomme Serge Halimi dans le Monde Diplomatique en 2005 bascule fortement, laissant le mythe du Quatrième Pouvoir de côté.

Que s’est-il passé?

Rien de grave apparemment: les médias qui se sont érigés en quatrième pouvoir afin de lutter contre la tyrannie des trois autres (législatif, exécutif et judiciaire) se retrouvent au fil du temps sous leur autorité. Par conséquent, les journalistes véhiculent des propos erronés en convainquant le public que toute information transmise est un postulat. Et, malheureusement, face à des téléspectateurs ignorants la vérité, le mensonge devient réalité.  

Non seulement dans mon pays chéri, mais dans les quatre coins du monde, les médias essaient continuellement de manipuler les masses afin de les mener dans des directions de pensées limitées au profit de l’Etat, du gouvernement ou même d’un certain parti politique. L’important est de toucher une belle somme en fin de journée ou, au moins de régaler son amour propre. C’est ce que nous avons dû subir depuis quelques jours sur l’une de nos chaines télévisées libanaises. Des présentateurs se sont permis de transformer une émission sérieuse, portant sur un sujet local crucial, en une conversation de petits enfants comme quoi « le père de qui serait le plus fort! »

Quoi? Bon, je vous explique. Ceci est vrai, ne soyez pas très choqués; les lois libanaises ainsi que les comités des parents des écoles ont finalement donné aux enseignants « le droit à l’augmentation sur les salaires ». Je suis obligée d’utiliser les guillemets car notre situation est parfaitement sarcastique puisque cette affaire traine depuis cinq ans. Mais en contre partie, les directions des écoles s’abstiennent de payer dignement les sommes qu’elles nous doivent. J’insiste sur le terme « dignement », car cela fait cinq ans que les directeurs accroissent les scolarités en prétendant que ceci est nécessaire afin d’être prêts le jour où les lois de l’augmentation seront légalisées. Or, cette année, une nouvelle augmentation assez fantastique que merveilleuse a été imposée sur les scolarités. Oh là là! Une somme inimaginable qui n’a même pas de sens ni d’excuse puisque les parents paient déjà depuis 2012!

Bref, revenons à nos deux présentateurs qui discutaient de ce sujet avec Monsieur Antoine Medawar, chargé de communication auprès du syndicat des enseignants au Liban. Il ne s’agit pas de les pointer du doigt non, mais de comprendre plutôt l’enjeu de cette interview. Et jusqu’aujourd’hui je n’arrive personnellement pas encore à le faire. Il est clair que les présentateurs n’avaient pas préparé leur émission puisque les informations basiques manquaient à leur esprit et le comble c’est qu’ils s’en vantaient! Mr. Medawar perdait son temps à expliquer à ses hôtes les lois, les droits, les demandes et les obstacles tandis que la conversation devait se concentrer sur les solutions et sur une explication franche, honnête et lucide, de ce qui se passe vraiment sur le terrain. Or, nous avons passé vingt cinq minutes à regarder deux journalistes s’acharner fièrement, avec toute leur ignorance, contre une personne zen et sereine en train de répondre professionnellement selon les constitutions à des questions insignifiantes. Cependant, le pire résidait dans la posture, l’attitude, le ton et la gestuelle de mes collègues. J’avais envie de leur servir un bon café brésilien et d’inviter mes amies à passer la matinée avec eux sur ce même plateau. Histoire de nous raconter comment les enfants se sont disputés la veille avec leurs copains et qui a gagné, parce que la situation ne reflétait que cette idée.

Dommage, oui. Dommage parce que l’éthique professionnelle est une matière essentielle de notre cursus universitaire et la moindre des choses serait de respecter une personne et d’écouter ses propos surtout lorsque nous sollicitons les sujets et que nous posons les questions. Une téléspectatrice défendant le cas abominable dans lequel nous baignons et justifiant les privilèges auxquels nous avons accès en tant que professeurs, devient bombardée par des locutions inacceptables et son appel téléphonique est coupé en plein cours! Pourtant, les avis opposés aux opinions de l’invité semblaient les bienvenus, jusqu’au moment où le journaliste décide de clôturer sa rubrique en coupant la parole à Mr. Medawar en lui lançant une interrogation « intimidante » à son avis: « combien de jours travaille un instituteur? »

Et là, fut la catastrophe!

« J’ai gagné, la la la », tel un enfant de quatre ans ayant coincé son camarade. C’est la seule image qui me vint à l’esprit quand l’intervieweur jeta cette phrase dans le but de montrer que les professeurs ne travaillent pas sur toute l’année et qu’ils exagèrent en voulant appliquer la justice. Oui. Au lieu d’entamer un entretien bien posé, bien mené et qui, en même temps éclaircit les points positifs et négatifs du propos de l’interview, les journalistes ont remis en question leur objectivité et leur expérience. L’interrogatoire qu’ils ont malheureusement provoqué réfléchit un manque de sérieux et une arrogance injustifiable de leur part, néanmoins, il mit en valeur les qualités d’un vrai médiateur et d’un expert en communication.

Nos droits, Mesdames et Messieurs, sont à nous et nous les voulons! Dans d’autres pays civilisés nous n’aurions pas de souci à les réclamer. Alors, mettez-vous de coté et laissez les connaisseurs faire leur travail. Nous payons la TVA comme tout le monde; nous subissons les prix accablants qui continuent leur transgression; notre salaire de base est lamentable, ce qui nous oblige à donner des leçons particulières les après-midis et à préparer les séances du lendemain ou à corriger tard la nuit. Nous assumons nos devoirs, et arracherons nos droits s’il le faut!

Alors s’il vous plait chers journalistes, si vous, ou les médias libanais pour lesquels vous travaillez, ne défendez pas notre cause contre la tyrannie obsolète de quelques business men, restez dans votre coin et faites silence car les chiens qui aboient ne mordent pas.


Les enseignants libanais humiliés à fond

Un nouveau drame s’abat sur le Liban, les enseignants des écoles sont privés de leur droit le plus simple: toucher leurs salaires selon les nouveaux échelons reconnus par le gouvernement.

Quoi ? Oui, pour ceux qui ne vivent pas dans mon pays, les situations auxquelles nous nous sommes habitués ici sont anormales. Et voilà qu’une nouvelle honte touche maintenant le corps éducatif. Je vous explique.

Il y a environ cinq ans que l’Etat a décidé, suite à de multiples grèves et demandes, d’augmenter les salaires des enseignants. Parfait. C’est une bonne nouvelle non? Eh bien, pas autant! Depuis, nous nous battons contre les directions afin d’obtenir notre droit légitime. Oui, j’insiste sur le fait que ce n’était qu’une question de légitimité car la loi n’était pas encore officielle.

Sachant que la majorité des établissements privés ont directement imposé une hausse considérable des scolarités sous prétexte de vouloir payer les nouveaux salaires, rien ne changeait.

Que se passait-il au juste?

Bon, voilà: dans la construction de cette nouvelle loi, la somme finale est divisée en deux parties, une augmentation minime et de nouveaux échelons que l’on devait toucher relativement selon nos salaires de base. Ce n’est pas sorcier je vous promets mais mon but est d’avouer à mes lecteurs étrangers que toute cette augmentation ne vaut pas plus que 250€ ou 300$ par personne et qu’avec les scolarités de rêve que nous payons dans le secteur privé, la somme totale n’est qu’un grain de sable.

Alors, on essayait de s’entendre à l’amiable avec les « patrons » en espérant récolter le petit bonus, laissant tomber les échelons puisque l’affaire n’est pas officielle encore. Pour leur bonheur, quelques directeurs ont accepté l’idée prenant en considération la situation de leur personnel;  tandis que d’autres se sont accrochés au mythe de l’officialisation comme quoi, quand la loi sera signée, ils l’appliqueront sans hésitation.

Donc, ceci dit, qu’on soit d’accord, les scolarités reçues dès lors, contenaient notre argent violé et les dettes des écoles grandissaient d’année en année.

Oui! Ce sont vos dettes car cet argent ne vous appartient pas! C’est le nôtre! Et nous, en tant qu’enseignants, n’avions pas le droit de nous rebeller contre nos écoles car leur excuse reste basée et fondamentale : la loi n’est pas officielle.

Et soudain, vint le jour J où tout bascula -j’utilise le passé simple car je me sens dans un conte fantastique-! L’augmentation sur les salaires et la grille des nouveaux échelons passent de la légitimité à la légalisation. Félicitations! La loi est officielle et doit être appliquée.

Eh bien non! Pas du tout.

Oui, pour vous, lecteurs étrangers, ceci est inacceptable. Une loi est une loi, malheureusement pas dans mon très beau pays le Liban!

Le problème réside maintenant dans le fait que les sommes payées par les parents aux directeurs des écoles depuis six ans et qui sont effectivement destinées aux enseignants, n’ont sûrement pas été mises de côté, ce qui cause donc un problème majeur, voire grave et catastrophique: comment donner aux profs, leur droit devenu maintenant légal? Comment payer les dettes?

Je ne vous donnerai pas la réponse à cette question-qui ne devait même pas se poser si le business de ce qu’on appelle ici les écoles privées, comprenait l’importance de son personnel-, mais je vous laisse penser aux moyens et aux domaines dans lesquels notre argent a été investi.

Nous entamons une nouvelle phase de chaos: les directeurs prévoient diviser le rétroactif de l’augmentation en plusieurs versements partiels. Nous parlons d’une durée qui peut atteindre six ans! Mais le pire s’annonce dès la fin de ce mois d’Octobre, puisque la loi oblige les directions à s’exécuter selon les nouveaux règlements et à payer selon la nouvelle grille des salaires. Un devoir qui ne semble pas moissonner de bonnes intentions évidemment.

Quand on me demande d’écrire cet article, la seule question qui me vint à l’esprit demeure sans réponse. Je suis curieuse de savoir comment peut-on humilier le corps éducatif à ce point? Vous qui êtes ministres, ne pensez-vous pas à votre professeur de langues ou de mathématiques? Directeurs ou prêtres, n’aviez-vous rien appris de vos enseignants d’éducation civique ou de catéchèse ? Est-il aussi simple d’oublier ceux qui nous ont arrosés de connaissances afin de bâtir en nous un bon citoyen ? L’argent réduit-elle autant une âme joliment sculptée? Ne doit-on pas toujours respecter le concept international de droits et devoirs?

Ah, j’oublie! Je suis au Liban. Mon très beau pays aux mille et une merveilles de corruption.


Par amour ou par fidélité ?

« La fidélité c’est l’amour qui dure dans le temps et dans l’espace » .

Je me souviens du jour où j’ai lu cette petite phrase. Je ne comprenais pas comment les mathématiques pouvaient définir un sentiment qui est en guerre contre lui-même : l’amour. Oui mais lequel ?

Il suffisait juste de scruter les réseaux sociaux ces deux derniers jours pour découvrir les différents visages de l’amour. Des visages qui ne ressemblent pas à la vérité que l’on connait. Un amour qui ne se résume plus à une fusion entre deux personnes. Un amour qui chante fort, qui chante faux. Un amour qui réclame l’attention des autres.

On me reproche quotidiennement d’être nostalgique, primitive, de croire toujours en les humains plus qu’en la technologie, de penser qu’un « bonjour » vaut mieux qu’un simple émoticône. Ceci est vrai, mais en cette problématique qu’est l’amour, je ne comprends pas encore pourquoi les NTIC semblent aussi importants.

Bref, revenons à notre sujet principal : l’amour, la fidélité, le temps, l’espace, les sentiments et tout ce qui touche à l’âme et au cœur. Les plus grandes chansons parlent d’amour. Les plus belles histoires racontent l’amour. Les flammes de ces courroux ardents qui brûlent les mille et un espoirs. Une étudiante universitaire me demande : « que se passe-t-il quand on arrête d’aimer ? »

Je ne sais pas. Je ne sais pas quoi lui répondre et puis, je réalise que je ne sais absolument pas ce qui se passe lorsqu’on fait taire notre cœur. Vous êtes en train de vous dire que je deviens folle et que le cœur battra toujours pour ceux qu’on aime. Oui. Mais, pensez un peu plus : que se passe-t-il quand la raison l’emporte ?

Rien. Il ne se passe effectivement rien et c’est là que l’on comprend que le cœur a été obligé de se taire pour permettre au devoir et au sens de la responsabilité de s’ériger en monarques absolus et de générer un système de défense : la fidélité. Celle-ci se métamorphose et se ramifie en plusieurs domaines pour créer une image plus vaste de ce qu’est l’amour collectif.

L’amour envers nos enfants, notre famille et nos amis vient nous consoler et nous porte secours lorsque ce « rien » arrive. L’amour des petites habitudes et des moments inattendus booste ces journées moroses qui s’écoulent lentement.

Ces différents aspects de l’amour prouvent en quelque sorte que les multiples visages ne sont donc pas des masques ou des impuretés, mais plutôt des réflexions sincères de nos états d’esprit. Des divergences concaves et convexes et même des tangentes qui ne se calculent qu’à la perfection.

Selon un article que je lisais, la fidélité est avant tout un engagement. Ainsi, ce concept idyllique lié à l’amour apparaît plus clair maintenant, puisque ce sentiment d’appartenance relève plus de la logique que des émotions. Être fidèle demeure une conviction personnelle malgré toutes les circonstances qui s’y opposent. Aimer, pour de vrai, du fond du cœur, reste par contre la consigne stricte d’un exercice imaginaire. Il est facile de dompter sa fidélité, de la travailler, de l’obliger à se rendre face aux lois de la raison. Pourtant il semble inutile d’oppresser un sentiment amoureux qui bat la chamade.

Je comprends finalement le sens scientifique de cette petite citation. Les maths m’ont finalement servi à voir les choses d’une autre manière. Il nous faut parfois une équation assez parfaite pour apprivoiser un sentiment qui n’est ni de temps, ni d’espace.


Mes P’tits journalistes contre le racisme

Pour donner du sens à l’apprentissage, une obsession que je ne sais toujours pas dépasser et, puisque notre séquence « Presse » arrive à ses fins, j’ai lancé un challenge à mes élèves de CM2: exprimer votre opinion en argumentant et en justifiant vos choix. Vous pouvez imaginer le vacarme qui eut lieu en une fraction de seconde, mais, soudain, au moment où je lève le « gobelet de parole » (un outil que j’ai mis en place pour mieux gérer la prise de parole et le temps de discussion), tout le monde se tait en attendant avec impatience le sujet. Ces instants fatidiques durant lesquels je les observais en tant qu’experte en communication et puis, tout bascule: imaginez qu’un ami de classe ne veut pas permettre à un autre de jouer avec vous en équipe, juste parce qu’il est d’une autre couleur, que diriez-vous et quelle serait votre réaction? Le premier retour me rassure le cœur. C’était Hélia, calme et posée d’habitude, elle ne put s’empêcher de balancer: « C’est du racisme Madame!« 

Oui, elle avait raison, c’est du racisme.

Pour plusieurs, ce sujet est assez banal qu’on n’en parle plus ces jours-ci, or, dans mon pays, il y a quelques mois, les gens s’affolaient quand ma fille leur racontait que son meilleur ami à la crèche est Sri-lankais.

Oui, dans mon pays, le racisme existe toujours, il va même au delà des nationalités, des couleurs ou des valeurs.

A leur grande surprise, cette fois-ci ils n’allaient pas travailler en IBG, (phases de travail en individuel, binôme puis groupe comme on est habitués dans mes classes) chacun prend son brouillon, se gratte la cervelle et essaie d’exprimer son avis. En les écoutant lire par la suite, je voyais la trame d’un excellent article se former. Grâce à leurs « petites » phrases certes, à leur taille, mais fortes comme un rock tout comme leurs âmes, voilà le meilleur de ce qu’elles et ils ont dit:

« Notre groupe s’amusait beaucoup en jouant à cache-cache, tout le monde riait jusqu’au moment où (Victoria MAHFOUD), Marc mon meilleur ami me dit qu’il ne veut pas que Jean-Louis joue avec nous, juste car il a la peau noire et qu’il est d’une autre nationalité (Patrick HRAIRI). Pour le défendre, j’interviens au près de Marc directement et lui demande d’arrêter ses moqueries et ses mots qui n’ont pas de sens (Thomas AZAR) et lui explique que même s’il existe une différence de couleur, de religion, de nationalité ou que, si quelqu’un est handicapé (Naya TAKLA), il faut croire en lui. Et je lui propose de se mettre à la place de cette personne et de penser à ce qu’il fera (Charbel SABBAGH). Je suis sûr que tu seras triste et malheureux qu’on te traite ainsi (Anthony FARAH). On doit aimer les gens, les aider et surtout les respecter pour leur personne (Laeticia El FHAILY). Ainsi, ils nous respecteront eux aussi car nous sommes des êtres humains au final (Tracy ZAKKOUR). Va, fais le tour de la cour et des autres classes et dis-moi si tu vois deux enfants qui sont identiques; chacun de nous est différents, on a étudié ça en sciences en début d’année (Michèle ABOU SLEIMAN). Tu sais Marc, moi non plus je ne vais pas jouer si tu penses de la sorte (Marie-José KHALIL) et je ne suis pas comme toi, je ne juge pas les gens selon leur apparences, alors je fais équipe avec Jean-Louis (Léa YAMMOUNI). Je me retourne et lui conseille de ne pas écouter les critiques des autres et de venir s’amuser avec nous (Orla HADDAD). Je le trouve un peu timide et perdu alors je le rassure que moi, je ne crois pas qu’il y [ait] de différences (Léa BOU FAYSAL) et qu’il est mon ami n’importe sa couleur, l’essentiel c’est qu’il soit gentil (Joya KHALIL). En se dirigeant vers le préau, il me remercie et je lui répète, encore une fois, qu’on est tous pareil (Michèle AMIUOUNY) et que la vie ne vaut rien sans amitié (Abir El RAII). Tu sais, c’est dommage mais les autres ne comprennent pas que la différence est une richesse (Hélia AVAKIAN). »

P’tits, pace qu’ils n’ont que 10ans; sages parce que leurs pensées, leurs idées et leur imagination dépassent celles des adultes. Parce que le racisme n’est créé que par les grands.

 


Quand la beauté prime

C’est simple, nous les détestons. Elles sont parfaites et nous nous sentons invisibles quand elles sont présentes alors nous les détestons. Nous faisons semblant de ne pas remarquer leurs magnifiques vêtements, leurs élégantes chaussures, leur corps fabuleux, leur nouvelle coupe de cheveux et ce maquillage qui leur va à merveille. Nous faisons semblant de les ignorer et nous craignons un face à face avec elles car nous savons qu’elles nous écraseront avec leur intelligence, avec cette fluidité d’esprit qu’elles ont naturellement. Au fond, nous admirons leur beauté mais nous ne l’admettrons jamais. Surtout pas devant elles.

Au travail, elles ne sont pas si chanceuses, elles subissent la jalousie des autres femmes (qui sont parfois leur « boss » ). Quand elles se présentent à une interview, elles se heurtent aux regards perçants de celles qui les détestent déjà. Et pour n’importe quel poste on les étiquette rapidement : elles ont usé de leur charme – même si leur master ou leur doctorat s’affichent clairement, elles ont sans doute profité de leur beauté, c’est évident.

Mais quand est-il de toute cette histoire ?

Je pose la question à cette très belle dame (oh oui, moi je l’admets et je ne les déteste pas, elles sont « belles belles belles comme le jour ») qui me raconte, après un lourd silence, qu’elle est fière d’être jolie et magnifique, voire parfaite. Elle dit qu’elle endure continuellement et que les femmes, surtout celles qui sont mariées, ont peur qu’elle ne leur pique leur « amour », tandis que celles qui ne le sont pas la haïssent encore plus, puisqu’elles la conçoivent comme un pur poison qui envahit les airs. Elle me confie son secret en me chuchotant : « je sais qu’elles m’envient et qu’elles me regardent du coin de l’œil quand je mange, quand je bois, quand je ris ou quand j’embrasse celui que j’aime. Je le sais ça. Mais elles ont beau essayer de cacher leur rancune, leur haine et leur complexe d’infériorité, le fait de ne pas me parler, de ne pas me complimenter, de ne pas être à leur aise quand elles sont à mes côtés me prouve qu’elles sont, non seulement laides mais aussi idiotes. Oui, idiotes, parce qu’elles ne profitent pas de la beauté interne dont elles sont dotées. Cet atout qu’on doit explorer et qui peut se refléter sur notre sourire, notre regard, nos gestes et notre pensée. Certes, je ne pas peux dire qu’elles sont jalouses uniquement car elles sont effectivement dotées de qualités. J’ai mes hauts et mes bas moi aussi mais au moins, j’assume mon existence avec force et fierté. Crois moi, les femmes qui ont la beauté extérieure servent de modèles, celles qui ont la beauté intérieure servent d’exemple. En associant les deux je me retrouve sans succomber à la vanité ; elles, ces femmes qui me détestent, elles ne montrent ni l’exemple, ni le modèle. Et c’est leur faute à elles, moi, je n’y suis pour rien ! »

A l’écouter parler aussi sereinement, je comprends que les belles femmes sont courageuses. Elles savent dès les premières lueurs du jour qu’elles seront confrontées aux préjugés de celles qui, comme cadeau de Noël, souhaitent un brin de beauté, de charme, d’élégance et de distinction. Mais elles haussent leur tête, leurs talons et leurs ambitions et s’engouffrent dans les pépites de la vie.


Sacrifier le sacrifice

Bon, on se tire les cheveux, on chahute, on va dans tous les sens, on rigole, on s’embrasse, on parle fort, on danse, on se raconte les évènements de la journée, on s’entraide, on s’enlace, on se dit je t’aime, on cuisine pour qu’ils soient en bonne santé, on travaille comme des fous pour qu’elles aient les meilleurs moyens de vivre … Non, on ne fait plus cela. Regardez autour de vous et vous verrez que les parents ne se sacrifient plus pour le bien de leurs enfants. Au contraire, le terme « sacrifice » n’a plus de sens, il n’existe plus de nos jours, nous l’avons vivement sacrifié.

Des gamins qui arrivent à l’école avec un sac de chips de bon matin; de belles filles qui demandent à l’enseignante de leur arranger les cheveux car « maman dormait encore quand elles sont sorties »; des jeunes universitaires qui avouent leurs secrets à leur prof après le cours parce que leurs parents n’ont pas le temps de les écouter

Oui, je me heurte toujours à ceux et celles qui me contredisent en me lançant un mais nous aussi nous voulons vivre notre vie, et ma réponse reste la même: votre vie, maintenant, inclut vos enfants. Oh, non!

C’est dommage, je sais.

Dommage pour vous qui ne comprenez toujours pas le concept de parenté et dommage pour ces petits que l’on oblige à naître grands; ou plutôt adultes, car la grandeur n’est autre que majestueuse comme leur présence.

Ce que je ne comprends pas surtout c’est l’idée générale de cette routine inutile, destructive et banale. Un cercle vicieux auquel se soumettent les ignorants uniquement, par ce qu’il le faut. La phrase sublime du summum d’idiotie venant de ceux que j’appelle : une femme et un homme accompagnant un enfant. Oui, car ces derniers ne sont pas de vrais parents. Cette « maman » qui court arranger ses ongles mais qui oublie de laver les mains de son enfant quand il rentre. Ce papa qui est trop occupé à regarder les belles filles au point de ne pas sceller la ceinture de son fils. Ou ce couple qui sort quasiment tous les soirs en laissant « son cœur » avec une bonne étrangère.

Fonder une famille est une responsabilité, un choix suprême, voire une mission et un mode de vie sortant de l’ordinaire. Ce qui ne va plus c’est cette ambiance d’égoïsme et de nonchalance qui envahit l’esprit des « parents ». Ce style de vie qui privilégie le Moi aux dépens du Nous. Il est vrai que les jours et les nuits deviennent des calvaires personnels quand les petits viennent partager Notre vie; or, nous en sommes responsables. Alors nous assumons nos responsabilités avec beaucoup de force, de joie, de folie, d’espoir et de générosité envers des âmes qui n’ont pas choisi d’être là et que nous tuons deux fois: la première en les concevant, la deuxième en les délaissant au grès de Notre Bonheur.

« Vous savez madame, ma tante a eu un enfant! Je suis très contente. J’espère qu’elle sera toujours à ses côtés. Moi ma mère voyage beaucoup et je ne la vois qu’une seule fois chaque deux semaines. Parfois je pense pourquoi je suis née si je ne peux pas rester avec elle?! »

Et nous osons toujours condamner les générations à venir en oubliant que c’est nous qui les formons. Prenez soin d’eux quand ils sont petits afin qu’ils vous soient fidèles quand vous vieillissez. Aimez-les pour qu’ils vous respectent et prouvez-leur que Votre vie ne continue pas sans eux. Peut être qu’un jour ils comprendront pourquoi ils sont nés.


Le diable vit ici

Lorsqu’un peuple vote « argent », « services », « faveurs », « pistons », « famille », « amitié » et que la majorité est convaincue « qu’il vaut bien accepter et rester avec ceux qui nous gouvernent maintenant au lieu de donner la chance à de nouvelles personnes », alors il est bien évident que le diable vit ici.
Le pays coule sous les dettes nationales, les poubelles se baladent dans les rues depuis 10 mois, les enfants n’ont pas de parcs gratuits pour jouer en pleine nature, les députés voyagent et ne prennent pas la peine de travailler. Mais, le comble c’est que le Président de la République est absent. Non, non, on n’est pas en classe et je ne fais pas l’appel. Mais ceci est un vrai phénomène que nous vivons depuis plus de deux ans et, comme par malédiction, le peuple ne se sent pas du tout concerné.
La vie continue tant que nous pouvons acheter de nouveaux habits ou une paire de chaussures; tout va bien tant que le coiffeur est ouvert et que l’on peut se faire une pose de vernis chez l’esthéticienne. Et pour les hommes, c’est bon tant que la voiture brille et que le cigare est toujours prêt durant les soirées. Tant que la barbiche est taillée et que le parfum est bien porté, le pays roule à merveille.
La chance revient durant le mois de mai; les élections municipales ont lieu. Réparties sur quatre dimanches, elles s’affirment comme pilier des évènements qui pourraient changer la situation qui viole le Liban depuis plus de vingt ans.
Les jeunes, noyau de la société, croient en cette opportunité. Après plusieurs années de révoltes réprimées par le gouvernement, ils veulent penser que leur vote aura une importance. Ils veulent que leurs voix soient entendues. Ils veulent se sentir utiles quand ils ont laissé leurs écoles, leurs universités et leurs petits boulots pour se réunir et crier Liberté dans la Place des Martyres au cœur de Beyrouth. Ils supplient Dieu ou la nature ou le destin de les soutenir dans leur lutte contre les tyrans. Ces jeunes qui ne veulent pas quitter un Liban qu’ils aiment, ne comprennent pas pourquoi leur pays les déteste autant. Ils ne savent pas pourquoi ils sont obligés de quitter leur Terre brune pour aller chercher fortune ailleurs. Ah! Et ils excellent dans n’importe quel autre endroit, mais jamais dans leur pays natal.
Bon, revenons à notre sujet principal: les élections miracles qui basculeront le régime actuel et qui permettront aux gens de vivre en paix, en sérénité et surtout en dignité; une rêverie d’un jour ensoleillé. La réalité est très loin de cette belle image qui s’avère inaccessible, voire utopique. Ne soyez pas étonnés. Au Liban, les leaders au vrai sens du terme n’existent pas. Ici, le diable a pris leur place. Élire une personne respectueuse et honnête reste une affaire impossible. Dès le premier jour, les résultats annoncent le pire: ce sont les mêmes maires qui reprennent les rennes de leur mairie et de leurs municipalités pour six nouvelles années. Le scrutin n’est pas à la hauteur des attentes des jeunes, Cependant, il reflète une folie incroyable: le peuple –en majorité- veut, volontairement rester dans la situation atroce dans laquelle il vit depuis deux décennies.
Le peuple de mon pays est atteint d’une maladie grave dont les symptômes sont l’orgueil, l’égoïsme, la nonchalance et la folie. Dès que les sous furent lancés à terre, les moutons de Panurge se jetèrent dans l’eau en noyant tous les rêves, toutes les attentes, tous les changements mélioratifs et tout l’esprit de jeunesse qui meurt avant de vieillir. Albert Einstein décrit merveilleusement ce cas lorsqu’il affirme que « la folie c’est de faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »
Le Liban n’est hanté que par les gens qui piétinent sa surface tous les jours. Le diable n’ose jouer ses cartes qu’avec ce peuple car il sait qu’il sortira gagnant à chaque fois. Il le fait depuis plus de vingt ans et il a compris que ses adversaires n’attendent que la fin du jeu pour aller dormir, ils n’ont jamais pensé à essayer de prendre leur courage à deux mains pour le battre. Il sait bien que « culture », « futur », « choix », « changement » et « dignité » ne sont pour eux que de simples mots dont la définition est inconnue, des termes qu’ils cherchent encore dans le dictionnaire.


Des femmes comme …

Non, ce n’est pas un article qui met en valeur des actrices comme Catherine Deneuve ou Sophie Marceau, ni des chanteuses comme Edith Piaf ou Dalida, ni des spécialistes comme Marie Curie ou Anne-Sophie Pic. Ce n’est pas non plus le 8 mars pour célébrer Le Jour de la femme (une fête que je ne comprends pas), c’est simplement un jour normal et, après plusieurs années d’observation, j’ai pensé que le sujet de cet article pourrait s’aborder.

La définition du concept de la femme varie d’une culture à une autre, d’un pays à un autre, d’une maison à une autre mais surtout d’une femme à une autre.

Des femmes comme Noëlle mettent de côté leur force et leur détermination jusqu’au jour où tout bascule. C’est à ce moment que la bête féroce qui dort en elles, montre ses canines et attaque l’atrocité de la vie. Des femmes d’une douceur à brûler le marbre et d’un cœur à faire trembler un géant.

Des femmes comme Roula ont les pieds ancrées dans le sol. Elles surmontent les entraves et foncent sans se lamenter ou pleurnicher « car les jours sont trop longs et que le mal s’inculque de plus en plus dans leur peau ».

Des femmes comme Mélodie prouvent au monde que la jeunesse et l’optimisme alimentent les esprits créatifs ; que la bonne volonté est une question personnelle et que l’encouragement motive toujours les autres et « qu’il n’y a pas de honte à préférer le bonheur » comme le dit Camus.

Des femmes comme Cynthia ne passent pas inaperçues. Elles incarnent « les bases » qui font d’elles des Brésiliennes (bien qu’elles soient d’une autre nationalité), grâce à leur mentalité, leur mode de vie énergétique et positif, leur beauté interne et leur brin de sexisme naturel (j’en suis témoin). Ce qui les rend enviées mais jamais envieuses.

Des femmes comme Tatiana sautent d’un enfer à un autre sans jalouser celles qui vivent au paradis. Elles ont une capacité surnaturelle à accepter leur réalité et à endurer des agonies permanentes sans le crier sur les toits. Elles ont le don de l’humour et du sourire dans des situations abominables car elles croient toujours que leurs actes « servent une meilleure cause » (traduit de l’anglais to serve a better cause).

Des femmes comme Shirley sont vraiment dotées d’une force divine, (oui j’en suis sûre et certaine). Elles combattent des vagues de malheur et surfent sur la mousse noire des jours ensoleillés mais sont pleines de vie et rayonnent constamment. Comment ? Je ne sais absolument pas !

Des femmes comme Joy pensent toujours que les rêves sont précieux. Malgré toutes les années accumulées loin de l’adolescence elles ne cèdent pas et croient toujours que le prince charmant arrivera un jour (dans une Mercedes comme dans le film de Pretty Woman ou à 80 ans, pas nécessairement à cheval, mais il viendra) et que la vie sera belle.

Des femmes de mon entourage que la vie n’épargne pas, mais qui continuent à être des exemples rares dans une société consommatrice où les valeurs n’ont plus de recoin.

Des femmes idoles par rapport à ces générations qui plongent dans un labyrinthe de détresse, d’isolement et d’égoïsme.

Des femmes que vous avez maintenant la curiosité de connaître et qui valent le coup.