Lydie Yabeko

Le retour à l’école 2016, « rentrée » vers le droit chemin ?

MON COUP DE GUEULE

Pur produit du groupe scolaire publique Joss de Douala jusqu’à mes 16 ans, je me souviens de la rigueur et de la discipline qui prévalaient à mon époque. Je me souviens du respect qu’on avait pour les enseignants et autres autorités, de la peur de la chicotte qui savait résonner en temps utile, de la confiance en nos institutions scolaires qui nous permettait de dire qu’il s’agissait d’un bien meilleur cursus que celui des français de Dominique Savio. Je me souviens de la fierté qu’on éprouvait à saluer notre drapeau tous les lundis matin, chantant haut et fort l’hymne du Cameroun, « berceau de nos ancêtres ».

Je me souviens des livres qui restaient plusieurs années au programme et par conséquent, que nous nous devions de bien entretenir afin de les léguer, échanger ou vendre à ceux qui nous suivaient. Je me souviens enfin de cette tenue scolaire bleue qui nous transmettait les valeurs d’humilité et d’égalité entre citoyens d’une même nation ; De la peur que nous avions d’arriver au lycée autrement que la jupe au-dessous du niveau des genoux, les cheveux tirés ou soigneusement nattés, les ongles courts et naturels, le corps et le visage démunis de tout bijou ou accessoire. Il fallait se conformer. Et même les élèves les plus rebelles, une fois loin de tous regards, savaient que c’était pour notre bien commun, qu’on nous préparait pour l’avenir de ce qui nous paraissait alors un Grand Cameroun.

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Depuis, le système éducatif publique camerounais semble avoir subi de nombreuses dévaluations au même titre que le franc CFA et les mœurs dans ce pays. Une atmosphère délétère s’est installée. Des loups, sous prétexte de la famine, dévorent à petit feu l’héritage de leurs propres progénitures. Aujourd’hui, même dans une école publique, on doit payer pour que son enfant soit inscrit pour l’année scolaire, puis payer pour être sûr qu’il accède à une salle de classe le jour de la rentrée à cause de l’effectif pléthorique des élèves versus la capacité réelle d’accueil. On doit également faire les frais d’incessantes nouveautés dans les tenues scolaires imposées et les ouvrages au programme. Une valse des étoffes, formats et éditions qui « engraisse » les « experts » qui les préconisent à coups de commissions dissimulées.

Pendant l’année, on « paye » également pour que son enfant soit assis devant afin de mieux suivre l’enseignement et on paye même pour le transport de l’enseignant dans l’espoir de réduire de moitié le nombre de ses absences. Les jours d’examens, il est impératif de payer pour que son enfant ait le droit de « composer », payer pour que ses copies soient soigneusement corrigées, payer pour que ses résultats soient publiés et enfin payer pour qu’il soit admis. Et que fait-on quand on a « n » enfants à scolariser ? On multiplie cette expérience « n » fois pardi !

Difficile pour les jeunes générations éduquées et instruites dans la laideur de ce système actuel d’iniquités de croire alors qu’il fût un temps, l’école publique était gratuite au Cameroun, un véritable DROIT pour chacun de ses citoyens et le plus grand des DEVOIRS pour chacun de ses dirigeants.

Fantasme devenu rêve, plus qu’une nouvelle année scolaire, il est peut-être encore temps que le gouvernement et ses représentants se ressaisissent et qu’au-delà de faire de grands discours, ils permettent à tous d’effectuer une véritable rentrée, celle vers le droit chemin.


Histoires d’Afrique par les africains

Dans les salons du monde entier, des ivoiriens, togolais, camerounais et autres détenteurs de passeports verts – aussi dits « passeports non mûrs » – discutent de l’Afrique. « Ze grand continent ». Celui qui a vu naître l’humanité et qui a connu de grandes civilisations comme celle de l’Egypte ancienne, des royaumes forts et étendus comme l’empire mandingue sous Soundjata Keita. On s’y remémore également les « croisades » – souvent aux fins tragiques – menées par les pères nationalistes Nkrumah, Ben Barka, Lumumba, Sankara, Mandela.

On y nie que l’esclavage existait dans les mœurs africaines avant que « le blanc » ne s’en mêle et déconstruit les preuves de toute implication des chefs traditionnels locaux dans cette histoire. On disserte sur les affres de la colonisation. On reconnaît que les Kadhafi, Sekou Touré, Mobutu, Mugabe se sont enrichis sur le dos de leurs patries mais on défend l’âge d’or qu’ils ont fait connaître à leurs pays. Et puis si aux yeux du monde ils sont devenus des personæ non gratae à cause de leurs tristestitres de Dictateurs, c’est la faute à la presse occidentale qui oublie souvent de mentionner, dans ses reportages, que ces mêmes hommes furent, à un moment ou un autre, des sortes de « pupilles de la Nation » pour les grandes puissances. Après tout, leur unique erreur a été d’être humains et de se laisser tourner la tête par le pouvoir, voilà tout !

Non ! L’Afrique n’est pas que guerre, sida, malnutrition et corruption. L’image relayée d’un continent moribond et paresseux est en fait une falsification, une affreuse machination pour que les grandes puissances puissent justifier leurs ingérences dans les affaires africaines et couvrir, par la même occasion, des investissements qui se comptent en milliards.

Qu’est-ce qu’elle peut être belle et défendable l’Afrique racontée par les africains ! Seulement, à la fin d’heures de débats et commentaires pour tenter de justifier un sort parfois inexplicable pour le sol le plus grand et le plus riche des 5 continents, il reste que les choses ne changeront pas d’elle-mêmes…

Pas si on continue de se battre avec les juifs pour le monopole de la victimisation; Pas si on continue de se regarder le nombril l’égo alimenté par les performances sportives des Eto’o et Drogba et de se contenter d’être fier juste par principe; Pas si on continue de prononcer cette phrase nihiliste: « On va faire comment ? C’est le pays, il faut supporter ! » préférant brandir la fatalité pour pallier à toute forme de culpabilité; Pas si les mots erreur, responsabilité, remise en question ne font partie que du vocabulaire des « autres »; Pas si dans nos faits et actes, on tolère une vie au jour le jour sans jamais penser aux générations de demain; Pas si, à la place d’acteurs, nous acceptons de rester spectateurs de notre propre histoire dont les épisodes se succèdent mais les scénarios restent les mêmes.

En effet après le succès de Tintin en Côte d’Ivoire et Tintin en Lybie, la collection « Sauvons les africains d’eux-mêmes » vient de s’agrandir avec la sortie de son dernier épisode : Tintin au Mali .  Ainsi va l’Afrique.

July08LydieHistoiredAfriqueParLesAfricains