Mamadou Diallo

Reportage chez la communauté africaine de Berlin

 

Berlin, la capitale allemande attire de plus en plus de jeunes africains.
Berlin, la capitale allemande attire de plus en plus de jeunes Africains.

«L’Allemagne est un beau pays, mais très compliqué», lance Pépé entre deux gorgées de bière. Ses deux compatriotes, avec qui il s’est attablé devant le bar Bantou village sur la rue du Cameroun (Kameruner Strasse) à Wedding, acquiescent de la tête. Pépé vit depuis trois ans à Wedding, ce quartier au nord de Berlin. Le jeune homme a un œil assez critique sur son pays d’accueil. D’ailleurs, il ne faut surtout pas l’interroger sur les élections législatives en Allemagne, prévues le 22 septembre prochain. Il ne veut même pas qu’on aborde le sujet. «Ça ne m’intéresse pas, car je sais que ma vie ne dépend pas de ces élections-là. Elles ne changeront rien dans ma vie quotidienne. Le système allemand n’est pas favorable à l’intégration des Africains», dit-il, avant de finir sa bouteille de bière. «Vous voyez, je viens dans ce bar camerounais pour prendre de la bière avec des amis et c’est une façon pour nous d’oublier un peu nos soucis», se justifie-t-il. A bientôt 34 ans, ce jeune Camerounais précise qu’il est dans une situation irrégulière en Allemagne. Il a choisi le pays de Merkel parce qu’il a, dit-il, eu l’opportunité d’effectuer ce voyage. Malgré ses critiques à l’égard du système allemand, Pépé «aime bien la ville de Berlin» qu’il trouve attirante et agréable. Eric, Camerounais lui aussi, vit en Allemagne depuis près de trois ans. La trentaine, il se définit comme «un activiste dans la musique». «J’évolue ici dans le milieu culturel. Je fais de la musique avec des paroles très engagées». Pour Eric aussi, les lois allemandes ne sont pas favorables aux étrangers. «Mieux vaut se désintégrer que de s’intégrer», ironise-t-il.

Trouvé à l’arrêt du métro Afrikanische Strasse, John Okoye joue avec son smartphone en attendant l’arrivée du train. Originaire du Nigeria, il est en Allemagne depuis seulement 16 mois. Il a choisi, dit-il, de venir à Berlin parce qu’il espérait y trouver du travail. Il est issu, ajoute-t-il, d’une famille assez modeste. Ce jeune Nigérian, à la coiffure afro, vivait à son arrivée dans le sud du pays. Par la suite, «j’ai décidé de venir à Berlin et heureusement j’y ai trouvé du travail». Quel travail ? Il ne souhaite pas en dire plus. John Okoye se plaît bien à Wedding qu’il considère comme une Afrique au cœur de la capitale allemande. Ce quartier populaire concentre la plus importante colonie africaine à Berlin. On y rencontre beaucoup de nationalités, à l’image de ces rues, près du parc Rehberge, qui portent des noms de certains pays d’Afrique comme le Sénégal, le Cameroun, le Congo Rd, la Guinée, l’Ouganda, entre autres. Beaucoup de ces rues abritent des commerces tenus par des Africains.

Près de 30 000 Africains vivent à Berlin

Il faut préciser que Berlin accueille un nombre assez important d’immigrés africains. Sur les 480 000 estimés en Allemagne, près de 30 000 vivent à Berlin. Ces immigrés viennent pour la plupart des pays comme le Ghana, le Nigeria, le Cameroun, le Togo, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal. Pourtant la communauté africaine est loin d’être la plus importante dans la capitale allemande. Elle ne représente que 3,7 % de la population étrangère à Berlin.

Sileymane Sokome habite, lui, dans le sud-ouest de Berlin. Contrairement aux autres –Pépé, Eric et John Okoye- il vit depuis 11 ans en Allemagne. Le jeune Sénégalais était venu en Allemagne, précise-t-il, pour un but bien précis. «Après deux années passées au département allemand de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, j’ai décidé de faire des études en sciences politiques et juridiques en Europe. J’avais deux pays d’option : La France et l’Allemagne. La France d’abord à cause de la langue et l’Allemagne comme une alternative, vu que j’avais des connaissances de base en allemand. Malheureusement, je n’ai pas eu de préinscription pour la France et l’Allemagne m’avait accordé deux préinscriptions (l’université libre de Berlin et l’université de Goethe de Francfort sur le Main)», raconte-t-il. Sileymane Sokome a débarqué donc en Allemagne le 20 octobre 2002. Aujourd’hui, diplômé de sciences politiques, il a choisi de mener sa vie dans la capitale allemande. Seulement, souligne-t-il, il lui est toujours difficile de trouver un poste adéquat malgré des qualifications requises. «L’intégration pose beaucoup de problèmes malgré aussi une maîtrise parfaite de la langue allemande. L’évolution sur le plan social et professionnel est très difficile et lente. J’ai des amis allemands et je m’efforce à m’intégrer, mais ce n’est pas du tout facile en tant qu’Africain en Allemagne», précise-t-il.