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Journalisme : Etat des lieux et perspectives

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Je ne veux pas paraître agressif mais je le dis comme je le pense. Mes propos, aujourd’hui, ne s’inscrivent pas comme une critique frontale des professionnels ou une victimisation des étudiants et enseignants de l’institut de presse. Loin de là, je veux tout simplement bâtir des ponts entre enseignants et professionnels des médias car la situation actuelle ne peut pas tenir à long terme.

Je suis bel et bien d’accord avec les professionnels sur certains points tels que le niveau de langue jugé approximatif, «la formation un peu trop théorique» au sein de l’Institut de presse et des sciences de l’information ce qui explique le niveau de pratique trop faible en particulier sur le terrain. Mais il ne faut pas négliger le fait que le journalisme assis l’emporte, malheureusement, sur le journalisme de terrain. Personnellement, je ne pense pas que le passage par une école de journalisme soit indispensable pour faire ce métier. Ce qui l’est, en revanche, c’est avoir une volonté d’apprendre plus grande que celle des autres.

Je voudrais, tout de même, avouer qu’il n’est pas surprenant pour moi que ces «professionnels» considèrent dans l’ensemble les jeunes diplômés comme «non opérationnels» car c’est désormais le cas de nombreux journalistes dits chevronnés. Je suis désagréablement surpris par de «brillants» animateurs télés ou radios qui, parfois, ne maitrisent pas le fond du sujet traité. Pire encore, certains médias constituent un joug de propagande ou nous assistons à l’apologie du terrorisme et des personnalités politiques, d’autres par leur amateurisme ont diffusés, dans le journal de 20h, plusieurs images de soldats tunisiens massacrés au Mont Châambi suite à une embuscade terroriste.

La question qui se pose, comment peut-on juger les capacités des jeunes journalistes alors que dans certains cas le rédacteur en chef dépasse les limites ?  Il supprime ou ajoute des paragraphes, il vous oblige à traiter l’actualité économique, politique, culturelle et sociale, puis il se plaint du fait qu’un jeune journaliste ait un bagage de formation «trop maigre» et qu’il ne peut pas se spécialiser dans un quelconque domaine. Quand le rédacteur en chef joue le rôle d’un directeur de conscience, à qui peut-on reprocher le faite que les jeunes diplômés en journalisme aient des difficultés à choisir des angles, à construire un récit pour être lu ? Il faut de l’équilibre entre être et avoir.

Pour moi, les étudiants en journalisme doivent apprendre à produire quelque chose d’unique, avoir une meilleure maîtrise technique (montage, création de cartes interactives, diaporama, timeline…). Il faut impérativement mettre fin à l’effet de ruissellement. Il s’agit ici d’une certaine contagion. Je m’explique, aujourd’hui à l’IPSI, lorsqu’un enseignant demande aux étudiants de réaliser un reportage, une enquête ou la couverture d’une conférence de presse, les futurs journalistes recherchent immédiatement un modèle à suivre, avant de créer leur propre identité et inventer un style personnel, ils se mettent à recopier le modèle des autres journalistes tunisiens. Ils reprennent, ainsi, les erreurs initiales faites par certains «professionnels». Ce qui explique le phénomène de contagion.

Et c’est à partir de ce moment que les enseignants à l’IPSI doivent réagir par l’intermédiaire d’un journal écrit ou électronique, ils obligent les étudiants à rompre avec les idées reçues, les tendances de la presse tunisienne, pour en créer un nouveau modèle, le modèle de l’IPSI cela permettra aux étudiants d’aller au-delà des opinions acquises pour raisonner d’une manière plus critique, ainsi, maitriser le métier selon les règles de l’art.

Finalement, je pense que la situation actuelle à l’IPSI ou au sein des médias tunisiens pourrait s’améliorer à condition que patrons, rédacteurs en chef et journalistes, enseignants et étudiants doivent tous coopérer au lieu de s’accuser pour le bien du secteur et pour le bien de tout le monde. Car plus nous assumons nos responsabilités mieux c’est.  Un dernier mot, «rien n’est impossible tout est réalisable».

Meher Hajbi

Photo Facebook.


De l’information à la désinformation

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La Tunisie postrévolutionnaire traverse une campagne de désinformation menée par les deux chaînes de télévision Nessma et Hannibal contre la Haute Autorité indépendante de la Communication audiovisuelle (HAICA). La décision d’arrêter la diffusion de certaines chaînes, une semaine avant le démarrage de la campagne électorale, n’a, désormais, pas fait des heureux.

Citoyens tunisiens et étrangers, comédiens, artistes, sportifs, députés à l’Assemblée constituante, représentants des partis politiques et de la société civile… Ils étaient tous présents pour débattre et fustiger l’application de la loi sans que les experts en la matière n’interviennent. Cette attaque orchestrée n’a été mise en place que pour induire l’opinion publique en erreur.

Décryptage

Sous l’ère Ben Ali, comme sous tous les régimes dictatoriaux, les médias ont été détournés de leurs fonctions essentielles pour en constituer un joug de propagande. Puis, une vague de liberté a embrassé tout le paysage médiatique postrévolutionnaire et toutes les lignes rouges ont été bafouées.

Après les élections du 23 octobre 2011, les dérives journalistiques ont commencé à émerger. L’interdiction de la publicité politique n’a pas été respectée par la chaîne privée Ettounsiya. Invité à l’émission de Naoufel Ouertani, le président du parti Afek Tounes, Yassine Brahim, a vu son passage à la télé diffusé en boucle pendant trois jours.

Alors que le ministère de la Communication et de l’agence tunisienne de communication extérieure, sources de la censure, ont été dissous, c’est encore l’État qui prenait en charge les nominations à la tête des médias publics. Hamadi Jebali, ancien premier ministre de la Troïka, avait procédé à une rafale d’affectations.

Le président de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC), Kamel Laabidi collaborait avec le syndicat national des journalistes tunisiens sur un projet loi permettant de mettre fin à la défaillance du cadre institutionnel qui freine l’instauration des réformes nécessaires au secteur des médias.

Après plusieurs recommandations de la part des experts de la profession, outre le décret-loi n°41 relatif à l’accès aux documents administratifs détenus par les organismes publics, deux nouveaux décrets lois ont vu le jour. Le décret-loi 115, pose sur le principe de la liberté de la presse ainsi que ses restrictions. Le décret-loi 116 s’intéresse à la liberté de la communication audiovisuelle et de la mise en place d’une Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Cette autorité a un rôle consultatif, régulateur et un dernier rôle de sanction.

Avant même sa création, les dirigeants des chaînes télévisées privées se sont opposés à la HAICA. La présidente du syndicat tunisien des dirigeants des médias Amel Mzabi, préoccupée par l’idée du renouvellement de licence, avait expliqué : « Il ne s’agit pas d’intérêts privés, de mon point de vue. Le principe d’un syndicat est de défendre son secteur. En se penchant sur le décret-loi 116 on se rend compte qu’il ne va pas aider au pluralisme des médias ».

Quelques mois après sa mise en place, la HAICA a présenté un cahier des charges qui réglemente l’octroi d’autorisation de diffusion des radios et télévisions privées et associatives. Ces nouvelles mesures figurent actuellement au JORT.

Les médias, qui diffusaient avant le 14  janvier, notamment Nessma et Hannibal, étaient appelé à déposer un dossier pour l’obtention d’une licence et la signature des cahiers des charges. Cependant, ces deux chaînes privées étaient aux abonnés absents. Et ont, par ailleurs, refusé de participer à la démarche mise en place par la HAICA pour l’octroi de nouvelles licences de diffusion.

Express FM, Mosaïque Fm, Cap Fm, Jawhara Fm, Nessma, Hannibal TV et le syndicat tunisien des directeurs des sociétés médiatiques ont déposé deux plaintes à l’encontre de la HAICA. Les deux plaintes revendiquent l’arrêt d’application des mesures nécessaires à l’obtention de licence de création ou d’exploitation d’une radio privée et d’une chaîne de télévision privée. Le tribunal administratif a tranché et les deux plaintes ont été rejetées.

Il est à préciser que le collège de la HAICA est composé de neuf membres nommés par le président de la République (1), par les organisations professionnelles des magistrats (2), par le président du pouvoir législatif (2), par des représentants des journalistes (2), par des professionnels de l’audiovisuel (1) et par des patrons d’entreprises d’information et de communication (1). Le fait que ce collège soit pluriel devrait garantir son indépendance.

Mais, Mohsen Riahi, membre démissionnaire, désigné par le syndicat tunisien des directeurs des sociétés médiatiques, cherchait à semer la zizanie et confirmer le bras de fer entre le dudit syndicat et la Haute Autorité indépendante de la Communication Audiovisuelle. Après avoir quitté son poste, il s’est engagé dans une campagne de dénigrement contre la HAICA, suivant les instructions de ces maîtres.

Finalement, tout cet argent gaspillé par Nessma et Hannibal pour mener cette campagne mensongère n’a servi à rien. Conformément à l’article 31 du décret-loi 116, les deux chaînes, ainsi que d’autres radios, se sont vues infliger une amende de 50 mille dinars. La confiscation des équipements utilisés dans l’accomplissement de leurs activités pourrait être la seconde étape avant de procéder à l’arrêt de diffusion. Haut du formulaire…

Meher Hajbi


Moncef Marzouki ou la désacralisation de l’État

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La course au palais de Carthage est d’ores et déjà lancée. Le président provisoire Moncef Marzouki doit aligner une nouvelle stratégie de communication s’il ne veut pas s’attirer les foudres des électeurs.

Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces, mais Moncef Marzouki a encore une fois raté la mise. Le pensionnaire du palais de Carthage a entamé la campagne pour les élections présidentielles en usurpant le slogan «On gagne ou on gagne» de l’ancien président ivoirien Lauren Gbagbo, actuellement incarcéré à la Haye par la Cour pénale Internationale.

Ce slogan annonce la couleur d’un Moncef Marzouki qui trouve que malgré les déboires ayant jalonnés son mandat de trois ans au pouvoir son bilan positif pour se maintenir vaille que vaille au palais présidentiel. Pour trouver la trace de ses multiples déroutes il faut simplement remonter à la date de son élection au poste de président de la République.

Contradiction 

Depuis le soulèvement populaire qui a évincé Ben Ali en 2011, les déclarations de Moncef Marzouki se suivent mais ne se ressemblent point. En décembre 2011, visant la présidence de la République postrévolutionnaire, il a prétendu, en cas de son élection, ne pas résider au palais de Carthage. «Elu président, je ne résiderai pas au palais de Carthage» a-t-il confié à Al Jazeera. Une fois président, il a révélé lors de la cérémonie d’investiture que «Tous les palais présidentiels seront vendus aux enchères publiques à l’exception du palais présidentiel de Carthage».

Interrogé sur la situation en Tunisie, Moncef Marzouki a appelé le peuple à «comprendre que le gouvernement a besoin de deux ou trois ans pour fonder des bases solides pour une renaissance économique du pays». Suite aux protestations de l’opposition, il a revu ses estimations à la baisse pour indiquer que «nous sommes dans un Etat démocratique et les élections auront lieu dans un an».

Présent durant les travaux de la 29 ème réunion du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur, l’ancien militant des droits de l’homme a affirmé que «le peuple passe avant l’Etat qui demeure au-dessus de l’ordre et l’ordre doit à son tour être respecté par tous les individus». Un mois plus tard, il a averti, ceux qu’il considère «des laïcs extrémistes», que «la légitimité des pouvoirs en Tunisie est une ligne rouge à ne pas franchir» tout en précisant que «la contestation du pouvoir en place ne relève pas du droit d’expression».

Puis, l’éloge fait à l’Etat a cédé la place aux accusations. Dans l’affaire Lotfi Naggedh, assassiné le 18 octobre 2012, le président provisoire a pointé du doigt les partisans de la Troïka qu’il avait désigné «coupables de l’assassinat».  Ensuite, il s’est dit responsable, «lui et tous les appareil de l’Etat», du décès de deux salafistes à la suite d’une longue grève de la faim avant d’émettre que «le gouvernement n’a pas été à la hauteur et la mise en place d’un gouvernement restreint, constitué de compétences et non des appartenances partisanes, est nécessaire».

Les déclarations contradictoires du président provisoire se poursuivent. Un mois presque jour pour jour après avoir affirmé que «la Tunisie est un pays souverain, aucun pays ne pourra intervenir dans ses affaires», Moncef Marzouki a renoncé à ses convictions. «De quelle indépendance parlons-nous au vu de la pauvreté et de la dépendance du pays à l’égard de l’étranger» a-t-il proféré durant la fête de l’indépendance. Face aux indignations de l’ingérence du Qatar en Tunisie, il a insisté que «nous sommes très attachés à notre indépendance complète et à l’indépendance des décideurs politiques de la Tunisie».

Incompétence

«Ne faites pas confiance à l’Etat, soyez contre l’Etat, l’Etat peut tomber dans des mains indignes de confiance» annonçait Moncef Marzouki lors de son allocution à l’ouverture de la journée nationale contre la torture. Deux jours après, pour inciter les tunisiens à participer à l’emprunt national obligataire, le président provisoire fait volte-face : «c’est fini la période où l’Etat était corrompu, maintenant l’Etat Tunisien est un Etat patriotique, Il vous appartient. Tous les citoyens sont amenés à aider l’Etat en cette période critique» a-t-il clarifié.

Cerise sur le gâteau, lors d’une interview accordée à la chaîne qatarie Al Jazeera, le président provisoire Moncef Marzouki avait menacé ses opposants politiques, en cas de tentative de renversement du pouvoir en place, que des «échafauds de pendaison» pourraient leur être dressés. Quelques semaines après, il fait profil bas et infirme avoir dit des propos pareils.

Outre ses déclarations divergentes, Moncef Marzouki n’en finit pas de briller pas ses visions fatalistes voire parfois ridicules. «Si la machine économique tardait à reprendre, le pays irait droit vers le suicide collectif», «le palais de Carthage sera totalement ensablé dans une vingtaine d’années», «la zone militaire au Mont Châambi cédera la place à un parc d’attraction», «l’opposition mange chez moi et m’insulte»… Et le Livre Noir ont fait couler beaucoup d’encre.

Chez moi, c’est «le règne des compétences», le président provisoire en parle mais des paroles aux actes, long est le chemin.

 

Meher Hajbi