TheLegend

En attendant L’Elite…

Les plaintes se suivent et se ressemblent, on décrit, on s’insurge.  Depuis les indépendances, les complaintes ne cessent d’alimenter le débat en Afrique. Les lamentations se perdent depuis des décennies dans le désert de l’inertie. L’Afrique est certes en progrès mais elle reste marquée par des carences importantes. Le continent est à la recherche de son élite censée jouer un rôle moteur dans son processus d’émancipation. Mais celle-ci, qu’elle soit économique, intellectuelle ou politique se démarque par son absentéisme.

Une élite moribonde et sans substance

Formée dans les meilleures écoles locales ou étrangères, possédant un patrimoine culturel et économique supérieur aux populations de base, elle semble avoir oublié la responsabilité qui lui incombe. L’inaction et la torpeur sont les meilleurs adjectifs pour la qualifier, elle fait des arrangements avec sa conscience pour refuser la place qu’elle se doit d’avoir.

Au-delà de son inaction, l’élite se caractérise surtout par une base idéologique incohérente au mieux sinon inexistante. Elle pourfend le Fcfa qu’elle traite de monnaie néocoloniale mais ne s’offusque pas de voir des domaines stratégies de son économie détenue pas ce même ancien colon. L’élite feint d’ignorer que critiquer le Fcfa juste sur des considérations sentimentales sans engager un débat de fond sur le contenu et les logiques politiques et économiques qui construisent cette monnaie, c’est mener un combat vain et surtout vide de sens. Cette élite oublie en critiquant le Fcfa qu’une grande partie de son pouvoir économique repose sur les mécanismes de cette monnaie. Le Fcfa n’est qu’une illustration des carences de ses raisonnements, elle est incapable d’apporter une critique scientifique, incapable de produire des solutions concrètes et efficaces.

Elle vante la croissance à 8% oubliant ses cours de 1ère année d’économie : la croissance n’est viable que si elle se traduit par une politique de redistribution effective et juste. La question de la diversité de l’économie, principe économique de base, ne lui pose pas de problème puisqu’elle est la première à profiter d’un prix des matières premières élevé.  Ayant une piètre connaissance de son histoire, la crise des années 80 ne peut lui servir d’avertissement. Elle sombre dans un vide idéologique abyssale. Ses plus grands technocrates bardés de diplômes pompeux sont trop occupés à profiter des avantages d’une économie exsangue qui ne sert que les intérêts d’une petite bourgeoisie vorace.

Elle critique la corruption endémique mais oublie que son permis de conduire lui a été octroyé dans des délais record et sans qu’elle ne participe à un seul cours de conduite. Les exemples sont légions de cas où elle se rend coupable de corruption mais aveuglée par sa position elle oublie qu’elle est la première à profiter de ce système.

Une élite aveuglée par ses privilèges

Elle s’est exilée par envie dans les plus grandes capitales du monde et regarde avec dédain la terre qui l’a vue naitre : « l’Afrique est trop corrompue, il n’y a pas assez de d’évènements culturels » « les hôpitaux sont en état de délabrement », « il fait chaud, je n’ai pas accès à la 4G » « la situation politique est trop instable »…  Avec  toutes ces critiques l’on se demande comment elle a pu grandir dans un environnement aussi hostile et s’en sortir.  Elle ne retournera dans son pays que lorsque toutes ces choses seront à un niveau qu’elle juge suffisant. Copiant l’attitude du passager clandestin elle n’est pas loin de frôler la lâcheté. Complètement acculturée, elle rêve de faire de son pays une pâle copie de sa terre d’accueil, refusant de se créer une identité propre et de bâtir un pays en phase avec son temps et ancré dans ses racines et ses traditions.

Affirmant sa pseudo-africanité, elle préfère pour des raisons prétendument « pratiques » être Française, Canadienne, Américaine, Anglaise acceptant de subir les affres d’un système qu’elle pourfend. Elite dans son pays, prédestinée à occuper les plus hautes fonctions, elle préfère subir en Europe ou en Amérique l’humiliation d’un déclassement social.

Lorsqu’elle se décide enfin à rentrer, elle oublie ses devoirs. Trop égoïste elle souhaite uniquement répéter les schémas de ses aînés oubliant les débats endiablés de ses années étudiantes. Elle est désormais actrice d’un système qui en fin de compte lui est bien profitable. Lorsqu’un Burger King ouvre dans le quartier huppé de Cocody, elle sait que son pouvoir d’achat lui permettra d’en profiter. Elle ne peut critiquer un système sur lequel est fondée toute sa légitimité. Elle l’a très bien compris « on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis ». Même si à deux pas de chez elle, la malnutrition, le paludisme et le sida sévissent elle n’en a cure et préfère passer ses weekend à Assinie, loin de la plèbe qui ne lui inspire aucune sympathie.

Rendre à la communauté                                                                                    

Dans l’antichambre, le peuple soumis aux pires vicissitudes de la vie ne se plaint plus.  Il est le premier à subir les conséquences d’un système de santé défaillant car n’ayant pas les moyens de se faire soigner dans des cliniques privées. Il subit le premier le nivellement par le bas de la société en ayant accès un système éducatif de piètre qualité. Il n’a pas les moyens d’inscrire ses enfants dans un lycée français dont les places trustées par l’élite ne fait que confirmer la faiblesse du système éducatif trop incompétent pour accueillir l’élite.

Le peuple laissé pour compte n’attend plus rien de ceux qui l’ont lâchement abandonné. Livré à lui-même sans qu’on ne lui donne les moyens de changer de vie, il se voit proposer des solutions inadaptées. On lui parle d’entrepreunariat alors que tout ce qu’il demande c’est que le prix de son labeur soit rémunéré au juste prix. On lui parle de nouvelles technologies en oubliant qu’à l’intérieur du pays, l’accès à l’électricité est une gageure. On lui promet des infrastructures routières reliant les grandes villes alors qu’il souhaite simplement que ses enfants puissent arrêter de faire 500km pour se rendre à l’école. Ces solutions sont le symbole du délitement intellectuel des élites en déphasage complet avec la réalité d’un territoire qu’elles connaissent très peu et qu’elles refusent de connaitre.

La grandeur d’une nation se définit par la capacité de son élite à proposer un idéal en phase avec les réalités de son territoire, elle doit être celle qui insuffle le mouvement et donne le cap. Elle doit pourvoir, de par ses attributs, générer un projet de société qui englobe toute la nation. Elle ne peut continuer à bâtir une nation qui ne sert uniquement que ses intérêts et son entre soi.

Elle doit avoir la lucidité de produire une réflexion intellectuelle et poser un regard scientifique sur ses besoins et apporter des solutions qui s’inscrivent dans un cadre idéologique. L’action sans cadre idéologique ne produit aucun résultat, il suffit juste de regarder autour pour s’en convaincre. L’élite ne doit pas perdre la bataille de l’intelligence et laisser le soin aux autre de penser à sa place. Elle doit s’éloigner des slogans pompeux infructueux, proposer et choisir une ligne directrice impliquant toutes les couches de la population. Elle doit refuser l’incohérence dans ses discours, affirmer ses positions et refuser tout compromis. Elle doit s’armer de connaissances, se former à son histoire, comprendre son environnement et être pourvoyeuse de solution.

L’urgence de la prise de conscience

Les chiffres sont accablants pour notre pays et derrière le mirage de l’émergence, la réalité nous rattrape. La Côte d’ivoire est classée au 172e rang sur 188 de l’indicateur de développement humain, ce chiffre traduit la difficulté pour les Ivoiriens d’avoir accès aux prestations de base. L’espérance de vie se situe à 54 ans avec un taux de mortalité infantile à 64 ‰, démontrant que les progrès de la médecine sont loin d’être diffusés dans ce pays.

Le Sida, véritable fléau, est la première cause de mortalité chez l’homme et la deuxième cause chez la femme après  la mortalité due à la grossesse et à l’accouchement avec un taux de prévalence de 3.2%. Pour faire simple,  la Côte d’Ivoire est à ce jour le pays de l’Afrique de l’ouest le plus touché par le VIH/SIDA. Autre fléau, le paludisme qui lui aussi tue chaque heure en Côte d’Ivoire sept enfants et constitue aujourd’hui la première cause de mortalité chez les enfants.

A cette situation sanitaire désastreuse s’ajoute la pauvreté. Selon les dernières données de l’institut national de statistiques 46,3 % de la population ivoirienne vit avec moins de 737 Fcfa par jour, pour résumer 46,3 % des ivoiriens n’arrivent pas à avoir une vie décente. Sur le plan de l’éducation, le taux d’alphabétisation est de 45% avec un taux d’alphabétisation des femmes qui se situe lui à 36,3 %. Pour mettre en perspective ce chiffre, on remarque que le Brésil pays émergent également a un taux d’alphabétisation de 96,7 %. L’excision est encore une pratique courante dans ce pays avec un taux de prévalence de 36 %, taux encore trop élevé quand on connait les dégâts de cette mutilation sur la vie des femmes.

Ces chiffres ne sont pas exhaustifs et ne reflètent qu’une faible partie de la réalité d’un pays qui peut se targuer d’être la première économie de l’UEMOA mais qui est en vérité un pays pauvre loin des standards qui définissent un pays développé.  Quand on est premier parmi les derniers on est premier de rien du tout.

Face à ces chiffres alarmants, ne pas agir revient à être complice et à cautionner. S’asseoir à 6 000 km ou 10 000 km pour critiquer ou être sur place voir et ne rien faire c’est participer à amplifier l’impact de ces chiffres et contribuer à la création d’une société toujours plus inégalitaire. Il nous incombe donc de prendre nos responsabilités et de construire la société que nous voulons pour nos enfants tout en refusant toute compromission.

Comme Frantz Fanon le disait : Chaque génération doit dans une relative opacité trouver sa mission l’accomplir ou la trahir. Il est de notre responsabilité de faire partie d’une génération qui accomplira sa mission.

NJA

 


Zouglou ou l’histoire d’une contestation politique et sociale #3

Zouglou histoire d’une contestation sociale

« Le 24 décembre 1999, pendant qu’on était tous occupés, mon beau pays tournait une page de son histoire. Quand j’ai demandé, on dit c’est Bédié qui s’était fâché parce qu’ils ont pris sa place et puis ils l’ont foutu à la porte sans préavis, en tout cas il nous a pas dit au revoir. Au lieu de pleurer, les gens disaient : C’est bien fait pour lui. C’est quel Président, depuis on te parle, tu ne comprends rien. Ton peuple a faim, toi tu lui tiens des discours guerriers. Quand tu vas à l’hôpital, docteur te dit repose en paix. Mais si on ne peut pas manger, on ne peut pas se soigner, si on ne peut pas aussi te parler! Président, toi tu fais quoi là. Voilà pourquoi! ils ont fait nan nan nannan nannan C’est pourquoi! C’est pourquoi! Tu es parti. » Changement Soum Bill

Ce 24 décembre 1999 marque la fin du règne du premier parti politique de Côte d’Ivoire. Le Conseil National de Salut public (« CNSP ») prend le pouvoir avec à sa tête le Général Guéi, porté au pouvoir par les « jeunes gens ». Ce nouveau pouvoir militaire subira lui aussi les foudres du Zouglou.  Dans cette Côte d’Ivoire aux mains de l’armée, les exactions se succèdent, l’insécurité devient une norme et le pouvoir se durcit. Le Zouglou lui ne dévie point et continue de fustiger et de parler au nom du peuple : « Il y a des gens qui ont volé l’argent du pays, on les a laissé partir avec tout le blé mais si tu voles gbofloto pour manger si on t’a attrapé on va tirer sur toi, les armes ont envahi la ville, voila ce qui nous inquiète. » Zambakro Soum bill.

En ce début de millénaire, le Zouglou toujours aussi revendicatif suit l’avènement au pouvoir du fils de Mama, opposant historique qui

« quand le match a commencé (…) étais dans les tribunes et (…) as crié tellement fort que tout le monde (l)’a entendu c’est (lui) qui disait que les défenseurs ne sont pas puissants, le milieu tourne mal, les attaquants sont nuls. (Il) disait encore que c’est l’arbitre qui gâte le match ; aujourd’hui (il) est l’arbitre (il) es sur le terrain. » Président C’est le début de la refondation.

Le Zouglou, fidèle à sa ligne de conduite avertira les refondateurs :

« On ne prend pas l’argent du peuple pour construire son village! Les femmes de Président ! Elles prennent le panier pour aller faire marché à Paris ! Madame la Présidente y a marché à Gbata »

et continuera sans complaisance d’alerter le pouvoir sur les difficultés quotidiennes des populations.

L’accalmie des deux premières années de la refondation n’est qu’un mirage et une déflagration ébranlera les fondements fragiles d’une nation qui n’a pas su éteindre les braises de divisions.  Le 19 septembre 2002, la Côte d’ivoire sombre dans le chaos et l’horreur. La rébellion s’installe, coupe le pays en deux « mais est-ce que pour revendiquer on a besoin de tuer ? ». L’aventure de la refondation est stoppée nette et pour le Zouglou, l’heure n’est plus à la critique mais à la dénonciation et à la condamnation d’une rébellion injustifiée et barbare. Pat Sacko du groupe Espoir 2000 et Petit Yodé vont être les fers de lance de ce Zouglou qui en 2002 se veut patriotique. Leur titre « on est fatigué », va résumer tous le ressenti d’une population qui n’aspire qu’à la paix, en condamnant unanimement cette entreprise destructrice. Dans cette chanson, les deux artistes poseront une question qui prendra tout son sens quelques années plus tard « existe-t-il une solution politique à un coup d’Etat manqué ? ».

Dans une autre composition qui réunira plusieurs figures de la scène Zouglou, ils rappelleront que

« si le pays nous appelle ça ne veut pas dire de venir, de venir avec les armes à la main »

et Petit Denis fera lui, une mise en garde :

« Notre hospitalité nous impose l’amour des étrangers, mais manman, méfions-nous des gens étranges. Ils prennent notre pays-là comme Solenan placali doum, Yé manman, nous on veut seulement la paix. »

Le titre « Indépendance » des garagistes pointera quant à lui la relation ambigüe entre l’ex-puissance coloniale et son ex-colonie, mise en lumière à la faveur de la crise que traverse la Côte d’Ivoire.

« Quand on a faim ils nous jettent à manger, quand on n’a pas besoin d’eux ils sont toujours présents, alors pourquoi se mêlent-ils de nos problèmes ?  Pour coopérer avec notre continent il faut les aviser, pour nos élections nous devons les consulter. Quand l’Afrique se porte bien l’occident est enrhumé »

Zouglou et  la contestation politique

Malgré la guerre, les refondateurs, avec la complicité de toute la classe politique, se perdent dans un flot de scandales et se noient dans des discours belliqueux qui ne calment pas les esprits. Le Zouglou ne va pas se faire prier pour condamner vertement cette situation. Lago Paulin, dans sa chanson « on est fatigué » et Yodé et Siro dans leur chanson « Le peuple te regarde » seront très critiques à l’égard d’un régime acculé par des rebelles menaçants et une communauté internationale lui contestant sa légitimité.

« On assiste à une baisse des valeurs morales. Quelle éducation voulez-vous inculquer à vos enfants ? Plus besoin d’école pour devenir ministre, et on me dit c’est pour que mon pays se porte bien. Ma patrie se meurt. Sa vie n’est que vice, déjà trop de sacrifices » « Trop c’est trop »

« Coûte que coûte vaille que vaille, je serai président. J’y tient tellement que je suis prêt à tuer. Schéma classique d’une comédie politique. Aujourd’hui on tue des gens qu’on veut gouverner demain ».

2010, la prophétie du groupe espoir 2000 se réalise.

3000 morts, des milliers d’exilés, des prisonniers enfermés sans raison, des familles endeuillées pour assouvir la soif de pouvoirs de leaders en manque de vision. Arrivé au pouvoir en chevauchant le corps de ses compatriotes, le nouveau maitre d’Abidjan fera taire toutes formes de contestations. Le Zouglou lui, après 20 ans de combat attend la relève qui peine à émerger ou  qui préfère lui occulter sa dimension politique. Mais dans ce mutisme généralisé, on constate que « le pays-là devient joli mais le peuple a le ventre qui est vide ». Issu de la nouvelle génération, Amaral sera l’un des rares à s’insurger contre cette émergence factice que l’on nous promet. L’ancienne génération recommence elle aussi à donner de la voix. Soum Bill, constant dans ses positions et combattant acharné du Zouglou contestataire nous rappelle « qu’on ne fait la paix qu’avec ceux avec qui on a fait la guerre. »

En 20 ans, le Zouglou aura été de tous les combats politiques en Côte d’Ivoire. Il porte les espérances d’un peuple et redonne de la dignité aux invisibles.  Le Zouglou est le symbole de la grandeur et de la puissance culturelle de la Côte d’Ivoire. Il est avant tout une tribune d’expression qui ne peut demeurer silencieuse. En Zouglou gbê est mieux que Dra depuis Bilé Didier c’est comme ça.

NJA


Zouglou ou la conscience d’un peuple #2

Peut-on parler de Zouglou sans évoquer sa capacité à saisir les maux de la société ? À mettre en lumière les dynamiques d’une société en perpétuel mouvement et à raconter avec une plume feutrée tous les événements qui la traversent ?

La Côte d’ivoire qui se prépare à rentrer dans le nouveau millénaire est en perte de repères. Les crises politiques à répétition, la guerre, les charniers finissent par ébranler les faibles fondements d’une nation encore trop fragile. La société est en crise. A la recherche d’un nouvel idéal, elle sombre. Le Zouglou sera là, pour la relever, la porter, et lui rappeler les valeurs qui la définissent.

Le Zouglou s’adressera avant tout à la jeunesse. Dézy Champion décrira leur état esprit et délivrera un message d’espoir :

« mais moi j’ai foi aux jeunes d’aujourd’hui qui ont été élevé par le coup de tonnerre, donc ils n’ont pas peur du coup de fusil, c’est des vrais guerriers qui savent se battre » Courage.

Son duo avec le leader du groupe Magic System s’inscrira dans la même logique, « Djewé » est avant tout un témoignage du parcours de ces artistes qui forcent l’admiration.

« Quand tu ouvres le dictionnaire où il est écrit galère il y  ma photo à côté ».

De par leur parcours, les artistes Zouglou sont les seuls à avoir la légitimité pour véhiculer un message à un peuple soumis aux pires vicissitudes.

Fitini, l’un des meilleurs paroliers du Zouglou, lui offrira ses meilleurs textes. L’exode vers la capitale est un phénomène trop présent pour être ignoré et Fitini s’en fera le portevoix dans son titre « Abidjan est dur ». Trop souvent perçu par la jeunesse de l’intérieur du pays comme un eldorado, Abidjan se révèle parfois sous les traits d’une briseuse de rêve.

« Il est arrivé à Adjamé, il y deux loubards qui se bagarraient il arrive il se renseigne on lui dit c’est à cause de togo (100 FCFA) ». Cette phrase traduit assez bien le message véhiculé par cette chanson.

Le plus grand succès de l’artiste reste sa critique de « l’école ivoirienne ». Le constat qu’il en dresse dans cette œuvre ne souffre d’aucune contestation et est malheureusement toujours d’actualité.

En 2002, l’insouciance qui s’empare de la Côte d’Ivoire avec l’avènement du coupé décalé ne laisse pas insensible le Zouglou. Trop éloigné de ce nouveau concept avec lequel il partage peu de valeurs, il essayera d’être un garde-fou face à ce mouvement certes brillant mais aux dérives multiples.

« Abou va-s’y molo molo, toi tu es comment quand on te parle ne peux pas écouter d’après toi c’est le farot mais faro-faro ça ne peut pas payer ciment ». Abou

Le Zouglou, malgré une baisse de son aura due à l’éclosion du coupé décalé, gardera sa constance en proposant des textes toujours plus pointus décrivant la réalité des ivoiriens loin des frasques du coupé décalé.

 « J’ai une mère et un père les deux se sont connus dans la galère. Comme héritage ils sont en train de me laisser dans la souffrance. Mon métier c’est la misère, ma distraction c’est la galère, je cherche encore mes repères car le bonheur je le préfère. Grouillement me rend bossu, affrontement de la vie me rend nerveux » Triste Destin

Petit Denis, fidèle à lui-même, partagera à sa manière sa vision du coupé décalé :

«si le grand Meiway fait atalaku mon frère il a raison, chacun cherche son dabali » Galoper

Les artistes Zouglou passeront maitres dans l’art de raconter des histoires entendues dans les quartiers de la Capitale. Le cultissisme « 1 er gaou » qui fait aujourd’hui figure de référence en est un exemple parlant. L’un des thèmes les plus récurrents est sans doute celui des relations Hommes – Femmes. Espoir 2000 sera le groupe qui critiquera la plus la gente féminine avec parfois, une certaine mauvaise foi

« l’argent c’est bon c’est vrai, pardonnez aimer un jour «  … » quand la galère frappe à la porte l’amour sort par le fenêtre ce que je te dis c’est pour que tu fermes ta fenêtre. » Calculeuses

A’salfo et les magiciens ne se priveront pas non plus de critiquer les relations parfois complexes entre les deux sexes

« il est vrai qu’on nous a toujours dit derrière un grand homme se cache une dame de feu mais souvent derrière les dames de feu y’a un petit pompier » Petit Pompier

L’humour, la satire, et la dérision sont inhérents au Zouglou et Petit Denis en usera à la perfection notamment dans ses titres « tournoi », et « sécurité », qui racontent avec humour et simplicité des histoires pleines de sens qui sont une juste retranscription de la réalité sociale ivoirienne. Le Zouglou sera aussi présent pour mettre en avant l’absurdité de certaines mesures politiques comme l’ivoirité. Petit Denis tournera en dérision ce concept dans son titre Papa Polo

« Bakari voleur commence à prier en mossi, Papa polo surpris pose la question : « donc toi tu es étranger ? Tu as eu la chance parce que Bédié a dit de consommer ivoirien, comme toi tu es étranger je peux pas manger pour toi. »

« Aventurier », « Kouyou », « Marie louise », « Atito », « la vie » sont des titres qui consacrent le Zouglou dans sa mission principale : éveiller les consciences. Les textes du Zouglou traduisent les tumultes mais aussi la quiétude, les peines mais aussi les sourires qui irriguent la société ivoirienne. Le Zouglou sait écouter mais sait surtout parler à un peuple qui trouve refuge dans ce style musical qui lui reste fidèle et qui ne se fourvoie pas. « Ivoirien est chrétien parce que y’a plus l’argent pour payer les moutons les cabris de sacrifice, ivoirien qui est là ne peut jamais gâter son nom » Ivoirien

Le Zouglou est un art qui met en exergue le particularisme culturel de ce pays d’Afrique de l’ouest qui s’est toujours démarqué par son inventivité. Le Zouglou ne fait que confirmer la capacité des ivoiriens à construire leur propre patrimoine culturel en agrégeant toutes les cultures qui composent sa nation.

NJA


Zouglou ou la genèse d’une fierté nationale #1

En Côte d’ivoire la dernière décennie du XX siècle annonce la fin d’un cycle, la fin d’une époque. Le modèle social érigé depuis la fin de la colonisation par le père de la nation ne trouve plus de réponses aux injonctions du temps présent. Le régime vacillant du Bélier de Yamoussoukro n’a plus la lucidité pour cerner les contours de l’histoire qui s’écrit. La révolte qui couve annonce la fin d’un régime au zénith de sa gloire mais à la veille de sa décadence.

La crise économique qui fait rage dès le début des années 80 peine à se résorber malgré la succession de programmes d’ajustements structurels censés remettre le pays sur la voie de la croissance. Ces programmes d’ajustements structurels auront pour première victime le système éducatif ivoirien. Autrefois vanté pour sa qualité, il se voit désormais privé de ressources et ne peut plus assurer la formation du flot de jeunes aspirant à une éducation de qualité. Les coupes budgétaires et la réduction drastique du nombre de bourses distribuées, conséquences des programmes d’ajustements structurels, accentuent la précarité dans laquelle vivent les étudiants. Les murmures à peine audibles que l’on entend furtivement sur les différents campus annoncent des lendemains incertains.

C’est dans le silence et la solennité de l’église catholique Sainte famille, située dans le quartier de Cocody, que ces murmures se transformeront en fracas : la FESCI. Ce 21 avril 1990, la création du mouvement résonne comme le cri de ralliement d’une jeunesse désormais actrice de son destin.

Dans cette atmosphère brûlante, incandescente, corrosive, la musique ivoirienne va elle aussi sortir de son mutisme et prendre part à la contestation. La lutte a besoin d’un écho qui porte, audible par tous et compris de tous.  Le Zouglou sera cet écho qui transcendera les clivages d’une population qui retrouve l’orgueil de la lutte.  Porte-voix de toute une génération, Le Zouglou constitue dès son éclosion une arme politique portant des coups persistants à la forteresse du pouvoir. Le campus du « Kazhulu Natal », berceau du Zouglou, sera le point de départ d’une révolution culturelle qui portera toutes les revendications politiques et sociales du peuple ivoirien.

Le Zouglou commencera son parcours de lutte en décriant au son des percussions la misère et la précarité du monde estudiantin. Les parents du Campus de Didier Bilé seront les premiers à allumer officiellement la flamme avec leur titre Gbolo Koffi.

Sur le campus, « la vie estudiantine semble belle mais il y a encore beaucoup de problèmes. Lorsqu’on voit un étudiant, on l’envie, bien sapé, joli garçon sans produit ghanéen. Mais en fait, il faut entrer dans son milieu pour connaître la misère et la galère d’un étudiant. C‘est cette manière d’implorer le Seigneur qui a engendré le Zouglou. Danse philosophique qui permet à l’étudiant de se réjouir et d’oublier un peu ses problèmes ».

Cette composition révèle le Zouglou et le fait entrer dans le champ de la contestation sociale, pas encore mûre politiquement. Il faudra attendre le milieu des années 90 pour voir le Zouglou atteindre sa maturité politique.

Le Zouglou est né, il faut maintenant l’installer dans la durée et le faire entrer dans le cœur des ivoiriens. Le succès des parents du campus est de bon augure pour la suite, le Zouglou va pouvoir laisser éclater son génie.

« Yodé qu’est-ce qu’on fait, je « moyen » coco dans ton dos ce soir ?  Maman ça ne réussit pas parce que moi-même je n’ai pas gagné pour manger.  Ça moyen réussir petit ?  Mais j’ai quoi, les « côcô » comme ça, ça me charge.  Depuis que le Zouglou est créé tout réussi pour nous c’est que pour moi ça moyen réussir ce soir Maman pour toi c’est en brie maintenant ! » Les côcos L’enfant Yodé

Ce dialogue désormais mythique participera à construire la légende du Zouglou. Le Zouglou libère la créativité des ivoiriens, ces musiciens de génie attendaient juste le bon vecteur pour exprimer leur talent.

« mami hééh ton alloco la est trop doux médicament la c’est combien 1600 franc c’est trop cher Mami donne-moi ma monnaie » Mami Eh

Ce refrain, porté par la voix de Lago Paulin, fait encore vibrer cette jeunesse des années 90 nourrit au Zouglou. « Adjoua gazoil », « Nathalie tu exagères », « mange mil », etc. ces titres achèveront de convaincre les ivoiriens de la puissance de ce mouvement culturel, qui est avant tout un mouvement de conscientisation. Le Zouglou est un rythme qui pense.

Dans l’ombre, le Zouglou s’apprête à sortir du campus pour atteindre sa maturité politique. Un groupe fera du Zouglou un outil de contestation politique. Le groupe Salopards sort en 1995 l’album « Génération sacrifiée », chef d’œuvre qui transportera le Zouglou dans une autre dimension. Bouche B, Vive Le maire, Politique meurtrière, Génération sacrifiée, donnent le ton de cet album. Avec une lucidité froide et un verbe acerbe, Bloko et ses compagnons adressent une missive virulente au tenant du pouvoir en place. Les Salopards ouvriront une brèche dans laquelle s’engouffreront de nombreux autres groupes ou artistes.

Les poussins chocs devenu le duo Yodé et Siro, Espoir 2000, les Garagistes, Fitini, Dezy Champion, Surchoc, Les Mercenaires, Petit Denis, Vieux Gazeur, pour ne citer que ceux là, feront du Zouglou une référence culturelle. Le Zouglou ne se contentera plus d’être un simple outil de satire, il deviendra une arme de lutte. De simple critique du monde étudiant, il devient officiellement biais de contestation et de protestation.

A l’aube du XXI, le népotisme fait rage sur la terre d’Eburnie et « l’ivoirité », concept fumeux aux relents xénophobes, conduira la Côte d’Ivoire aux portes de la décadence. « La gangrène de la Côte d’Ivoire, une tumeur qu’il faut éradiquer » : c’est en ces termes que l’illustre Bernard Dadié décrira ce concept explosif. Les Salopards, encore eux avec le titre « Ivoirité », dénonceront cette instrumentalisation ethnique et défendrons la Côte d’Ivoire multi-ethnique qui tire sa force et son éclat de cette diversité.

« Autrefois dans mon cher pays les gens s’aimaient il régnait la fraternité, l’amour sans différence ethnique, nos parents travaillaient main dans la main pour bâtir notre pays, Les Bétés étaient les frères des Baoulés, les Dioulas étaient les frères des Agnis, les Guérés étaient les frères des Gouros Konan Bédié dis-moi ton nom je te dirais d’où tu viens, Laurent Gbagbo dis-moi ton nom et je te dirais d’où tu viens, Alassane Ado dis-moi ton nom je te dirais d’où tu viens , Constant Bombet dis-moi ton nom je te dirais d’où tu viens. »

La Côte d’Ivoire vient de traverser la décennie 90 dans un climat tumultueux, les élections de l’an 2000 s’annoncent houleuses, la tension est palpable mais personne ne prédit les heures sombres que le pays traversera au cours de la première décennie du XXI siècle. Le Zouglou après s’être imposé, fera montre d’une constance et d’une cohérence qui ne feront qu’accroître son prestige.

NJA


DEMAIN

Daloa. Yao se prépare, il a récolté la somme indiquée, il la donnera demain aux passeurs. Il s’apprête à affronter le sahel, les côtes libyennes et les gardes-côtes italiens. Demain, il embarque pour le voyage le plus important de sa vie. Comme plusieurs aventuriers avant lui, il ira lui aussi tenter sa chance dans ce pays où tout semble possible. Il ira gonfler le contingent des rabatteurs de la station château rouge et se reposera dans ces immeubles insalubres où s’entassent ses compagnons d’infortune venus de ce continent que l’on dit maudit. Sans papier, il fuira la police comme la peste.  Comme son père le lui a enseigné il ne cessera de se battre pour avoir, lui aussi le droit de vivre décemment. Eboueur, plongeur, maçon, technicien de surface, c’est par le travail qu’il retrouvera une partie de sa dignité perdue. Les longues journées passées à jouer au Ludo, au jeu de dames et à l’awalé ne seront plus que des souvenirs qui se perdront dans la brume de ses nouveaux espoirs. Yao goûtera désormais aux joies du monde de la consommation loin des privations du passé. N’oubliant pas son histoire et sa filiation il prendra soin des siens restés sur cette terre ingrate. Yao aussi fou que cela puisse paraître a fait le choix de vivre dans un pays en crise pendant que le sien, connait une croissance sans précédent. Il a vu les aventuriers partis avant lui revenir, leur vie radicalement changée. Yao a fait un choix, demain à l’aube il partira…

Paris. Ismaël fait ses valises après 10 ans de vie dans la ville lumière, il a décidé de retourner chez lui. Demain il sera à bord de l’A380 d’Air France pour prendre le chemin de ce pays que tous encensent et décrivent comme le nouvel eldorado. Lycée français, prépa, HEC paris, Ismaël est le profil type de cette élite africaine venue se former sur les bords de la seine. Ne connaissant ni le manque ni le besoin, les bars de la rue oberkampf n’ont plus de secrets pour lui, les brunchs du dimanche dans le marais sont devenus un rituel et les soirées dans les plus grandes boîtes des champs Elysée où il ne compte plus le nombre de bouteilles d’alcool aux prix exorbitants sur sa table sont devenus son quotidien. Aujourd’hui salarié d’une compagnie anonyme, il noie ses talents et ses rêves dans l’indifférence d’un système qui lui donne l’illusion d’être important. Il n’est plus qu’un énième travailleur qui promène son insignifiance dans le flot d’inconnus se pressant sur la dalle de l’esplanade de la défense ; recherchant des signes de reconnaissance en s’offrant à crédit des costumes italiens sur mesure. Son dernier séjour sur la perle des lagunes l’a bouleversé. Assis à la terrasse d’un café de la capitale, Cohiba dans la main droite et verre de Chivas proche des lèvres, il apprécie la vanité d’appartenir à cette élite insouciante et insolente. Ismaël l’a bien compris jamais il ne pourra avoir meilleur cadre de vie. En faisant ses valises ce matin-là, Ismaël se prépare à profiter des 8% de croissance qu’offre son pays. Ismaël a fait un choix, demain à l’aube il partira…

Yao regarde Ismaël partir et ne comprend pas son désir de rentrer sur cette terre où plane l’ombre du malheur et de la tristesse. Yao sait qu’il n’a pas eu les mêmes chances qu’Ismaël, lui aussi souhaiterait pouvoir rester mais il doit partir pour que son avenir ne soit pas un mirage. Yao reste perplexe comment peut-on vouloir quitter un pays ou les soins de santé sont gratuits et où l’on peut gagner sa vie uniquement sur la base de son travail. Yao se questionne sur la sagesse de la décision d’Ismaël. Yao a fait un choix demain à l’aube il partira.

Ismaël regarde Yao partir et lui aussi ne comprend pas cette volonté de risquer sa vie pour venir vivre dans un pays froid qui n’offre plus aucune perspective. Ismaël reste perplexe et ne comprend pas pourquoi Yao prend un tel risque, quand son pays est aujourd’hui un havre de paix et de prospérité. Du haut de sa tour d’ivoire et d’un ton innocemment condescendant, il conseille à Yao de rester et de ne pas céder à la facilité, le traitant de fou et d’insensé. Ismaël a fait un choix demain à l’aube il partira…

A quand le jour ou Yao ne sera plus contraint à l’exil ? Quand est-ce que Ismaël comprendra que son devoir et sa mission sont de faire en sorte que ses rêves et ses espérances deviennent ceux des milliers d’autres Yao qui attendent eux aussi de prendre le chemin de l’exil? La loterie de la vie a choisi de faire naître Ismaël du bon côté. Ismaël se doit de se rappeler qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il soit à la place de Yao. Il a donc une obligation d’action et l’injonction de rendre à la communauté ce qu’elle lui a donnée par pur hasard.

Demain à l’aube ils partiront…

 

NJA


Le prince et sa constitution

2015, après 5 années d’émergence, le prince se présente à nouveau face au peuple pour solliciter ses suffrages. Ce soir d’octobre 2015 le prince était plébiscité par le peuple pour un deuxième mandat. Comme au temps du parti unique, un seul tour aura suffi au prince pour convaincre les habitants de la terre d’Eburnie. Cette victoire semble confirmer l’aura du prince. Fort de sa réélection, le prince va entamer son plus grand chantier : proposer une nouvelle constitution à son peuple.

Rappel historique n°1 : Lorsqu’il se présente devant la représentation nationale ce 5 octobre 2016, le prince est le 3ième président à tenir un discours devant les représentants du peuple. Avant lui, le 22 décembre 1999, un de ses prédécesseurs s’était lui aussi présenté devant les parlementaires. Le prince vit alors en exil et nombre de ses partisans croupissent en prison. Deux jours après ce discours, les jeunes gens balayeront le pouvoir en place. C’est à partir de cette date que les habitants d’Eburnie oubliront  la signification du mot « Paix ».

Août 2000, lorsque la constitution de la 2ieme République est votée, elle porte en elle les germes du conflit qui éclatera deux ans plus tard. 16 ans plus tard, l’idée d’établir une nouvelle constitution n’est pas absurde ou dénuée de sens. La promesse du prince de rassembler son peuple pour essayer d’apprendre des erreurs du passé et définir ensemble un nouveau cadre institutionnel ne peut qu’être saluée.

Mais l’avant projet présenté par le prince est un texte  élaboré en tenant à l’écart du processus de réflexion toutes les composantes de la nation. Aucun débat de fond n’a été organisé pour définir de manière collégiale les orientations communes à donner à cette nouvelle constitution. Le prince gouverne seul. Après avoir soumis son avant projet aux députés qui l’ont approuvé à la majorité, Il reviendra donc au peuple de décider de l’avenir de cette nouvelle constitution.

Le peuple qui s’apprête à voter pour cette constitution voit toujours ses fils mourir dans les geôles d’un pouvoir qui n’a de démocratique que le nom. Ce peuple voit toujours ses frères mourir en exil. Ce peuple subit toujours la corruption des élites dirigeantes et ploie encore sous le poids d’une économie moribonde. La jeunesse qui s’apprête à se rendre aux urnes pour décider des principes qui vont régir son avenir, se voit toujours privée d’espérance. Elle s’entasse toujours dans des amphithéâtres bondés ou trainent aux abords des grandes artères, attendant qu’un jour la chance ou la providence se penche sur son sort.

Le pouvoir qui s’apprête à faire voter cette nouvelle constitution est un pouvoir décrié dont la légitimité pose question. C’est ce pays en proie à de réelles divisions internes qui  va devoir redéfinir sans avoir été concerté les règles de son vivre ensemble. Le prince ne le sait peut-être pas mais « si tu fais quelque chose pour nous mais sans nous alors tu le fais contre nous ».

Rappel historique n°2 : Le 2 juillet 1998, le parlement d’Eburnie adopte une révision constitutionnelle qui allonge la durée du mandat présidentiel à 7 ans et entérine la création d’un sénat dont 1/3 des membres est  nommé par le président. Cette révision, qui renforce  considérablement le pouvoir présidentiel, disparaît avec son initiateur lors du coup d’état du Général le 24 décembre 1999. Pour s’opposer à cette révision constitutionnelle qu’il jugeait anti-démocratique, le prisonnier le plus célèbre d’Eburnie avait à l’époque fait sortir des dizaines de milliers de personne dans les rues pour manifester contre ce projet.

Le texte qui sera soumis au vote du peuple est un texte qui fait émerger une toute nouvelle organisation institutionnelle. Désormais, le prince sera suppléé dans sa gestion du pouvoir par un vice-président élu en même temps que lui sous forme d’un ticket. Cette nouvelle disposition ressemble à un artifice tant les attributions de ce vice président restent difficiles à cerner. Tandis que dans la précédente constitution le président de l’assemblée nationale était le dauphin constitutionnel du prince, ce statut échoie désormais au vice président. Le prince va aller plus loin. Grâce à l’Article 179, le prince pourra nommer le premier vice président, ce qui aura pour conséquence de créer une situation inédite où le dauphin constitutionnel ne sera investi d’aucune légitimité démocratique. La particularité de l’Article 179 réside dans son caractère unique : il ne sera utilisé qu’une seule fois, lors de la promulgation de cette nouvelle constitution.

L’autre disposition majeure qui redéfinit le schéma institutionnel est la création par le prince d’une deuxième chambre au parlement : le sénat. Le pouvoir législatif sera désormais partagé entre deux  chambres : l’assemblée nationale et le sénat. Depuis son indépendance l’assemblée nationale d’Eburnie, censée être le poumon du débat démocratique s’est toujours fait l’écho de la voix des princes. Mettre en place un sénat au sein duquel 1/3 des membres seront nommés par le prince, sans avoir au préalable instauré une culture du débat démocratique au sein de l’assemblée nationale revient en vérité à créer un organe fantoche du parlement.

Rappel historique n°3 : Au cours de la campagne pour le referendum sur la constitution en 2000, l’éligibilité des candidats était au cœur des débats avec notamment la question du « et » et du « ou ». L’Article 35 au sujet des conditions d’éligibilité stipule alors que « Le candidat à l’élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus. Il doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». A cette époque le prince, qui était suspecté de s’être prévalu d’une autre nationalité, avait appelé à voter « oui » au référendum. 16 ans plus tard le prince se ravise. Voici ce que stipule l’Article 55 de sa nouvelle constitution « Le candidat à l’élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine. »

Cette nouvelle constitution voulue par le prince est avant tout le symbole du caractère autocratique de son pouvoir. Censée être l’émanation du peuple, ce projet constitutionnel a été rédigé sous ordres du prince par un comité d’experts à sa solde. L’assemblée nationale en donnant son approbation à ce texte et en n’y apportant aucune modification n’a fait que valider un nouveau système institutionnel au sein duquel tous les pouvoirs seront entre les mains du prince et où la notion d’indépendance et d’équilibre des pouvoirs relèvera du mythe.

Le prince est détenteur exclusif du pouvoir exécutif. Il choisi son vice-président qui est le dauphin constitutionnel ; il nomme le chef de gouvernement ; et il étend son pouvoir au sein du pouvoir législatif en nommant 1/3 des sénateurs. Le président de la cour suprême, le président du conseil suprême de la magistrature, le président de la cour de comptes, tous son nommées par le prince. Pour finir, l’Article 177 vient clore tous les débats « Toutefois, le projet ou la proposition de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement. Dans ce cas, le projet ou la proposition de révision n’est adopté que s’il réunit la majorité des deux tiers des membres du Congrès effectivement en fonction. »

Rappel historique n°4 : Dès le début des années 80, les tensions entre autochtones et migrants sur la question du foncier dans la zone forestière se multiplient. Pour tenter de trouver une solution à ces conflits, le législateur vote la loi du 23 décembre 1998.  Cette loi a  pour objectif de valider la propriété issue du droit coutumier par un certificat foncier établi par les autorités administratives. Cette loi stipule également que seul l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admis à être propriétaires de la terre. La crise qui débutera en décembre 1999 va retarder la mise en œuvre de cette loi. En 2016 la nouvelle constitution du prince intègre cette disposition de la loi de décembre 1998 au texte constitutionnel. Article 12 : « Seuls l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes peuvent accéder à la propriété foncière rurale. Les droits acquis sont garantis. »

Tout n’est pas à proscrire dans cette nouvelle constitution, l’Article 22 qui stipule qu’aucun ivoirien ne doit être contraint à l’exil qui existait déjà dans la constitution précédente fait parti des dispositions que le prince se doit de respecter. L’instauration d’un conseil des chefs traditionnels qui, même avec des attributions flous, reste une avancée dans la reconnaissance des dynamiques de pouvoir qui traversent cette nation. L’Article 26 donne un statut à la société civile et représente une occasion pour celle-ci de s’ériger en véritable contre pouvoir. En définitive, Les questions, les doutes, et les réticences que soulève cette constitution se situent plus au niveau des pouvoirs accordés au prince et à la nouvelle structure institutionnelle qu’au niveau des principes et des valeurs qu’elle met en d’avant.

Une constitution se doit d’être rédigée au delà des contingences politiciennes. Elle ne doit pas répondre aux urgences du moment et encore moins représenter un texte de circonstance pour servir une quelconque ambition. Elle doit épouser la volonté du peuple et s’inscrire dans une dynamique d’évolution et de progrès. Une constitution ne peut être utilisée  par un dirigeant comme une arme politique. Elle doit être pérenne, fédérer autour d’elle toute la communauté nationale et n’en exclure aucune partie.

NJA


Le vacarme du silence

En attendant l’émergence tant espérée, la Côte d’Ivoire se terre dans le silence. Plus aucun bruit, rien ne doit enrayer la mécanique. On se tait. Le bruit, le vacarme des jours passés nous hantent et le silence aujourd’hui nous rassure. Dans cette Côte d’Ivoire muette, deux silences cohabitent sans se voir et s’entendre.

Le silence triste d’une Côte d’Ivoire majoritaire qui continue de lutter pour vivre une vie décente. Son silence la rend invisible. La faim, la misère, les difficultés du quotidien restent le dénominateur commun de cette Côte d’Ivoire. Trop préoccupée à survivre, elle ne bronche plus, n’arrive plus à crier son désarroi. Après 10 ans de crise, fatiguée, épuisée, éreintée et durement touchée, seule, elle panse ses plaies et prend le temps de cicatriser. Fataliste, elle ne croit plus aux promesses ; l’émergence reste pour elle un mirage. Fatiguée de mourir pour des enjeux qu’elle ne maîtrise pas et trop longtemps utilisée comme variable d’ajustement, désormais cette Côte d’Ivoire aura pour seule arme son silence.

Le silence assourdissant d’une Côte d’ivoire minoritaire qui semble être la seule bénéficiaire de l’émergence. Elle est le symbole de cette nouvelle Côte d’Ivoire, on la voit et l’entend partout. Son silence lui donne l’illusion d’être majoritaire. Trop Heureuse de jouir toute seule des fruits d’une Côte d’Ivoire retrouvée, elle a aussi perdu sa voix. Elle préfère se taire, elle ne sait plus contredire car trop occupée à conserver ses privilèges et trop effrayée à l’idée de les perdre. Son silence par moment reste incompréhensible mais bien réel. Après 10 ans de crise elle réclame aussi le droit de se reposer, mais en oubliant ses devoirs. Cette Côte d’Ivoire semble avoir gagné la guerre du silence.

Dans cette collusion de silences, la Côte d’Ivoire se perd sans s’être déjà trouvée. Aujourd’hui, comme en France, les Ivoiriens font leurs courses à Carrefour, achètent leurs vêtements à la Halle, mangent au Burger King, font  la queue à la FNAC pour le dernier livre de Marc Levy payent leur forfait téléphonique à Orange et regardent la Champions League sur Canal +. Voici le chemin sur lequel le silence nous conduit, la Côte d’Ivoire n’est plus qu’une pâle copie de son ancien colonisateur.

Dans cette Côte d’Ivoire muette, tous ont perdu leur voix. Plus personne pour critiquer ou pour questionner avec pertinence cette vision de la Côte d’Ivoire que l’on nous propose. Les élites intellectuelles semblent avoir démissionné ou sont tout simplement inaudibles. Le pouvoir politique est sans idéologie et les partis d’opposition n’ont eux aucun fondement théorique. Les grandes questions sur le modèle de société, sur le système éducatif, sur la politique monétaire, sur la stratégie économique sont absentes du débat ou pas assez présentes. La Côte d’Ivoire se construit sans base idéologique, la Côte d’Ivoire se construit sans ligne directrice, sans que les élites intellectuelles ne s’en offusquent. On se tait car on apprécie mieux l’émergence dans le silence.

 Toutes les institutions « démocratiques » sont inféodées au pouvoir en place et, par souci de conservation, préfèrent se taire. L’assemblée nationale, principal pilier du débat démocratique, ne débat plus, mais enregistre, n’interroge plus, mais obéit silencieusement. Les partis d’opposition censés apporter la contradiction nécessaire à la vie « démocratique » ne jouent plus leur rôle. La presse quant à elle manque trop souvent d’objectivité et de rigueur. Les syndicats sont quant à eux à la recherche de leur passé. La société civile reste trop peu organisée pour pouvoir être entendue.

En Côte d’Ivoire, les contre-pouvoirs se taisent ou parlent trop faiblement pour être entendu, perpétuant ainsi  la dynamique du silence. Qui pour soulever les questions sur la pertinence de la réforme constitutionnelle ou pour prendre la défense des commerçants locaux face à la grande distribution ? Qui pour questionner l’Etat sur la mise en place effective de l’école obligatoire ? Qui pour soulever la question toujours épineuse du foncier dans l’ouest de la Côte d’Ivoire ? Le silence est aujourd’hui le seul leader d’opinion et le seul contre-pouvoir.

Triste ou assourdissant, le silence doit être rompu pour ne pas subir demain. Sortir de ce mutisme, critiquer, s’insurger, questionner et agir sur le terrain pour éviter d’être condamné par le silence.

NJA


Abdou Moumouni: celui qui détient la connaissance

De nombreux Hommes de science ont irradié de leur savoir et de leur intelligence le continent africain. C’est au NIGER -ancienne colonie française devenue indépendante en 1960- que va voir le jour l’un des plus brillants scientifiques africains. Retraçons ensemble le fil de l’histoire d’Abdou Moumouni.

 Abdou Moumouni voit le jour en 1929 dans le village de Tessaoua. Après de brillantes études (notamment à l’école William Ponty du Sénégal), il part terminer sa formation universitaire en France. En 1956 son parcours universitaire atteint son apogée, à cette date il devient le premier africain agrégé de physique de l’Histoire. C’est à cette même époque qu’il se forge une conscience politique au sein de la puissante Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), syndicat qui regroupe les futurs leaders du continent comme Mamadou Dia, Amadou Mahtar M’Bow, Joseph Ki Zerbo ou encore Henri lopez. Etudiant extrêmement brillant il va aussi être l’un des fers de lance de la contestation anti-coloniale. Désigné à de nombreuses reprises trésorier de la FEANF, il va aussi être le rédacteur du journal « les étudiants anti-colonialistes ».

 Son cursus universitaire achevé il rentre en Afrique, comme de nombreux militants de la FEANF, pour participer à l’émancipation du continent et mettre sa science au service du développement de son peuple. D’abord professeur, il enseignera au Sénégal, au Mali puis au Niger. Abdou Moumouni va surtout marquer son époque et sa génération grâce aux recherches qu’il va mener sur l’énergie solaire. Véritable précurseur de cette technique, il va œuvrer sa vie durant à promouvoir ce procédé afin d’assurer l’indépendance énergétique du continent. Il crée ainsi au Mali avec l’appui du président Modibo Kéita le Centre d’énergie solaire, puis au Niger l’Office nationale de l’énergie solaire (l’Onersol) avec l’appui des autorités nigériennes.

Sous l’impulsion du professeur Moumouni, l’Onersol va travailler à améliorer le quotidien des nigériens. Ainsi des pompes à eau, des cuisinières, des séchoirs et même des télévisions fonctionnant à l’énergie solaire vont être mis au point et commercialisés par l’Onersol. Véritables outils au service de son pays, toutes ces réalisations vont être développées et fabriquées localement. Mais la crise des matières premières, notamment la chute du cours de l’uranium, va priver le professeur Moumouni et l’Onersol des financements étatiques et ainsi briser le rêve solaire qu’avait commencé à réaliser Abdou Moumouni.

L’action du professeur est dans la droite ligne de son engagement au sein de la FEANF qui est celui de rendre l’Afrique forte et indépendante en ne comptant que sur ses propres ressources. Véritable visionnaire, en avance sur son temps, le professeur Moumouni a incontestablement marqué de son génie l’histoire du continent. Méconnu en dehors de son pays d’origine, le Niger, Abdou Moumouni est un exemple pour la jeunesse africaine en quête de solutions pour voir émerger le continent. Décédé en 1991, son œuvre est restée inachevée, elle attend patiemment d’être reprise et d’être enfin menée à son terme.

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros

NJA


Souvenons-nous de Victor Biaka Boda

Naissance et combat de Victor Biaka Boda

C’est en 1913, dans le village de Dahiépa, dans la région de Gagnoa, que l’une des plus belles étoiles que la Côte d’Ivoire ait connue Victor Biaka Boda voit le jour. Très tôt orphelin de père et de mère, l’enfant de Dahiépa est recueilli et élevé dans la pure tradition bété par ses grands-parents maternels dans le village de Biakou.  En 1920 le jeune fils de Dahiépa se sépare de sa famille et prend la direction de Gagnoa pour commencer son parcours scolaire. À l’école supérieure de Bingerville, en 1930, il obtient son brevet d’étude primaire supérieur. Il prend ensuite la route de Dakar où il suivra des études de médecine, il en sortira avec le titre de médecin africain en 1937. Durant toute la durée de ses études, notre héros fait preuve d’une vive intelligence et se fait remarquer par son caractère frondeur et rebelle.

A sa sortie de l’école de médecine, notre nouveau médecin est affecté en Guinée. C’est au cours de son séjour en Guinée qu’il fait la rencontre d’un grand leader africain en la personne d’Ahmed Sékou Touré alors président de la section du RDA en Guinée. Le RDA est à cette époque le plus grand mouvement panafricain d’Afrique de l’ouest qui lutte pour l’émancipation de l’Afrique. Cette rencontre sera l’occasion pour le médecin d’adhérer au RDA. Epris de liberté et farouchement opposé aux injustices subies par son peuple, son engagement au sein du RDA n’est pas une surprise. C’est tout naturellement qu’il est admis au comité directeur du RDA en Guinée où il ne cesse de fustiger le colonialisme. L’administration coloniale va commencer à surveiller ce « révolutionnaire » qui, grâce à sa fougue oratoire, sème le trouble dans la colonie guinéenne. Mais c’est en Côte d’Ivoire, nom que le colon a donné à sa terre de natale, que le combat du jeune médecin va prendre une autre dimension. En 1947 il quitte définitivement la Guinée pour la terre de ses ancêtres.

Quand il retourne dans la colonie de Côte d’Ivoire, il rejoint dans l’arène du combat contre l’exploitation coloniale Jean-Baptiste Mockey, Ouezzin Coulibaly, Jacob William, Mathieu Ekra, Dignan Bailly ou encore Anne-Marie Raggie.

Combats politiques et disparition de Victor Biaka Boda

Élu sénateur en 1948 dans le cadre de l’union française, notre médecin s’envole pour la métropole française où il compte porter fièrement la cause des siens. Son passage au sénat français est salué par ses condisciples qui ne cessent de vanter ses talents d’orateur. Le fils de Dahiépa gagne le respect des sénateurs de part sa droiture et son intégrité. Mais dans la colonie ivoirienne les années 49 et 50 sont des années difficiles pour les combattants du RDA. En effet, l’administration coloniale a décidé de mener une lutte sans merci aux leaders du RDA, qui était encore à cette époque un parti anti-colonialiste. Tous les leaders de ce parti sont intimidés, arrêtés, brimés et emprisonnés. Les populations acquises à la cause du RDA sont tuées ; souvenons-nous de la répression de Bouaflé. C’est dans cette période trouble que notre sénateur revient sur sa terre pour continuer le combat sur le terrain. A son retour il est l’un des rares membres du RDA toujours en liberté, assumant son statut de leader. Il continue la lutte en fustigeant les dérives du colon et en sillonnant de nombreuses villes de la colonie ivoirienne pour prôner l’insurrection.

Le 18 novembre 1949, dans la ville de Daloa, il prononce un discours dont la virulence n’a d’égal que sa détermination à libérer la Côte d’Ivoire du joug colonial. Ce discours sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase…

Le 27 janvier 1950, notre sénateur prend la route de Gagnoa. Après une panne de son véhicule à quelques kilomètres de la ville de Bouaflé, il décide de s’y rendre à pieds afin d’y passer la nuit. En arrivant il se fait héberger par l’Almamy Ali Diaby. Le sénateur ne se doute de rien mais un complot se prépare contre lui. En effet dans la nuit, des agents de l’administration coloniale viennent l’arrêter et lui infligent d’atroces tortures avant de l’achever dans un bosquet à proximité de Bouaflé.

Ainsi se termine le combat de l’honorable fils de Dahiépa, VICTOR BIAKA BODA .

Durant plusieurs années l’administration coloniale a refusé de communiquer sur la disparition du sénateur, refusant même de remettre sa dépouille à sa famille. Aucune sépulture digne de son rang ne lui sera offerte et aucun hommage national ne lui sera rendu. Victor Biaka Boda est un oublié de l’histoire de notre pays, très peu d’ivoiriens se souviennent encore de ce nom symbole de révolte et de liberté. Victor Biaka Boda fut un grand militant et une figure de proue de la résistance à l’oppression coloniale. Mort pour la lutte et pour son peuple, souvenons-nous du sénateur Victor Biaka Boda et de son combat. N’oublions jamais le sacrifice qu’il a fait pour nous.

Que l’Afrique retienne le nom de ses Héros.

NJA


Cette Côte d’Ivoire qui gagne (2)

Chronique d’une décennie que l’on croyait perdue (2000-2010)

En Côte d’Ivoire la décennie 2000-2010 semble être celle des pleurs et des larmes. Le bruit des armes a remplacé le chant des oiseaux, la poudre des armes a remplacé la poussière des rues. C’est dans cette atmosphère de terreur et de déclin que le génie ivoirien va se manifester avec un éclat sans pareil. Pendant 10 ans sous la menace des balles, Abidjan influencera l’Afrique et même le monde. C’est des plus grandes tragédies que naissent les plus belles inspirations. Retour sur cette Côte d’Ivoire qui gagne.

 Soft Power

               En 2002 au plus fort de la crise  une petite production télévisuelle ivoirienne créée et scénarisée par la talentueuse Akissi Delta  va faire le bonheur des ivoiriens.  Tous les dimanches soirs à 19h30 la RTI (radiotélévision ivoirienne) diffuse une série humoristique : « Ma famille ». Cette série va connaître très rapidement un succès national. A l’approche de l’heure de diffusion Abidjan devient silencieux ; on se rue pour suivre les aventures de Bohiri, de Delta, de Cléclé ou encore de Gohou. C’est dans cette série que les ivoiriens découvrent  l’existence d’un port à Abobo c’est aussi dans cette série que Decauthey  souhaite se faire doter par sa femme. Delta la femme trompée mais digne touche les ivoiriens, Cléclé qui tient d’une main de fer son mari Gohou impressionne et Marie-Laure trouve toujours le moyen de nous faire sourire. De nombreux humoristes de talent vont se révéler grâce à cette série,(Digbeu cravate ou Abbass). Le succès national va bientôt se transformer en succès continental ; dans toutes les capitales d’Afrique de l’ouest et même d’Europe on connait les répliques de Gohou, on suit les escapades amoureuses de Bohiri et on souffre à la place de Delta. « Ma famille » devient une véritable sucess story ivoirienne !!

               Cette décennie va aussi marquer l’essor de nombreux humoristes qui envahiront la scène culturelle ivoirienne. Un duo va particulièrement faire rire les ivoiriens, je vous laisse le découvrir ICI.

               Les ivoiriens vont se faire remarquer dans un autre domaine culturel, celui de la littérature. Cette décennie voit la consécration d’un monument de la littérature ivoirienne et africaine le géant Ahmadou Kourouma. Ecrivain en exil et auteur d’ouvrages comme « le soleil des indépendances » et « en attendant le vote des bêtes sauvages ». En 2000 en pleine transition militaire, il reçoit le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens pour son chef d’œuvre « Allah n’est pas obligé ». Ce monument  de la littérature s’éteindra en 2003 laissant à la Côte d’Ivoire un héritage littéraire considérable. En hommage à son talent, un prix Ahmadou Kourouma est décerné au salon du livre et de la presse de Genève.  Après les romans, la bande dessinée va faire parler de la Côte d’Ivoire. En 2005, le premier tome de la bande dessinée « Aya de Yopougon » paraît sous la plume de  Marguerite Abouet. Cette bande dessinée raconte les aventures d’une jeune ivoirienne Aya qui vit dans l’un des quartiers les plus célèbres d’Abidjan : Yopougon. Dès sa parution, la bande dessinée de Marguerite Abouet rencontre un immense succès et elle reçoit le prix du premier album de bande dessinée au festival d’Angoulême en 2006. Aya de Yopougon aura six volumes et exportera la culture ivoirienne dans le monde, de Paris à Bruxelles en passant par Montréal on connait l’Hôtel Ivoire, la rue princesse, Solibra et  Yopougon devient la commune d’Abidjan la plus connue dans le monde !!

Création de richesse

               Sur le plan économique la Côte d’Ivoire est coupée en deux et se voit donc privée d’une partie importante de ses ressources. Mais le pays tient bon, malgré les difficultés et la baisse des recettes, les fonctionnaires seront payés en temps et en heure pendant ces 10 années. La Côte d’Ivoire vacille mais ne plie pas, elle reste la locomotive économique de l’Afrique de l’ouest. C’est dans cette Côte d’Ivoire divisée, où le climat pour les affaires est morose, que vont émerger de grands entrepreneurs. Ils s’appellent Jean Kacou Diagou (avec le groupe NSIA) qui devient au cours de cette décennie l’un des premiers assureurs ivoiriens, ou Fabrice Sawegnon qui avec son entreprise « Voodoo communication » devient au cours de cette décennie la première agence de communication d’Afrique de l’ouest francophone. On peut aussi citer Stephane Eholie qui crée en 2001 la « Simat » (société ivoirienne de manutention et de transit), une PME à capitaux 100% ivoiriens qui sera en 2007 l’une des premières PME ivoiriennes à être cotée à la bourse de paris, et encore Bernard Koné Dossongui qui crée en 2002 le groupe Atlantique Telecom, véritable touche à tout, il est aussi présent dans le milieu bancaire à travers sa structure atlantique Financial group et dans l’agro-industrie. Sur le plan international, l’élite intellectuelle ivoirienne va elle aussi briller. Ainsi en 2008 Thierry Tanoh diplômé de l’École supérieure de commerce d’Abidjan (ESCA) va être nommé vice-président de la société financière internationale et en 2009 c’est Tidjane Thiam qui devient le directeur général du groupe d’assurance Prudential.

« On pisse sur les murs et puis ca ne va pas quelque part dans ce pays c’est comme ça tu vas faire comment » Garba 50

Avec la guerre, les conditions de vie de la population ivoirienne se dégradent. Les élites au pouvoir, enfermées dans leur tour d’ivoire, semblent l’ignorer. Pendant que la crise fait rage ces élites dirigeantes mènent grand train.  Leurs richesses se fait de plus en plus insolentes pour une population qui peine parfois à se nourrir. De 2000 à 2010 en Côte d’Ivoire, on construit à tour de bras d’immenses demeures, on s’offre  des voitures de luxes (Maybach !), on organise des anniversaires dans un faste sans pareil. L’argent coule à flots mais seulement pour une caste. C’est l’essor des voitures 4×4 (RAV4 !) dans la ville d’Abidjan. Le parc automobile privé de certains ministres dépasse même parfois celui de leur ministère et tout ça au vu et au su de la population, et, comme le notera Pat Sacko (espoir 2000) dans sont titre  « trop c’est trop » : dans la décennie 2000 plus besoin d’école pour devenir ministre. C’est toute la classe politique ivoirienne, tous partis confondus, qui vit dans ce luxe, PDCI,  RDR, FPI, UDPCI,  forces nouvelles (ex rebelles) … tous s’enrichissent.

En 10 ans les scandales se succèdent, le plus marquant est celui du Probo Koala, ce bateau criminel qui déchargera sa cargaison de déchets toxiques dans toute la ville d’Abidjan. A côté de la décharge d’Akouedo, la population se meurt en inhalant les effluves de ces déchets. Ce scandale pointe du doigt la corruption des dirigeants. Un autre scandale va secouer la filière café-cacao cette fois-ci. Les responsables de cette filière sont suspectés par la justice ivoirienne de détournements de fonds, d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux et d’escroquerie. Les différents audits effectués feront état de la disparition de 370 milliard de F.cfa sur la période 2002-2008. En 2008, ceux que l’on appelle les barons de la filière café-cacao sont mis aux arrêts, il semble qu’ils n’auraient pas écouté les conseils du président de l’époque voir.

Dans ce flot de scandales et d’enrichissement parfois illicite, le génie ivoirien va une fois de plus se révéler pour dénoncer les excès du régime. C’est en chansons que cette dénonciation va se faire. Le Rap, ou plus précisément le Rap abidjanais, emmené par le groupe Garba 50 et l’artiste Billy Billy vont, avec une prose habile et subtile, mettre en avant les tares et les excès des dirigeants. Ils vont aussi être les porte-paroles du peuple et dépeindre avec précision et parfois un humour noir le quotidien de bon nombre des ivoiriens « on est trop beaucoup dans salon de mon tonton ». Leurs titres « Survivant »  ou encore  « Allons à wassakara » sont des titres puissants et percutants qui donnent une voix aux sans voix.

Ils s’appellent  Koné Dossongui, Marguerite Abouet, Stephane Eholié,  Akissi Delta , Billy Billy, Fabrice Sawegnon, Clementine Papouet, Gohou Michel , Digbeu cravate , Thierry Tanoh,  Ahmadou Kourouma , Jimmy danger  Jean Kacou Diagou, Isaie Biton Coulibaly, Tidjiane Thiam, Garba 50 et ils ont tous  été au cours de la première décennie du XXIième siècle les symboles de cette Côte d’Ivoire qui gagne.


Cette Côte d’Ivoire qui Gagne (1)

Chronique d’une décennie que l’on croyait perdue (2000-2010)

En Côte d’Ivoire la décennie 2000-2010 semble être celle des pleurs et des larmes. Le bruit des armes a remplacé le chant des oiseaux, la poudre des armes a remplacé la poussière des rues. C’est dans cette atmosphère de terreur et de déclin que le génie ivoirien va se manifester avec un éclat sans pareil. Pendant 10 ans sous la menace des balles, Abidjan influencera l’Afrique et même le monde. C’est des plus grandes tragédies que naissent les plus belles inspirations. Retour sur cette Côte d’Ivoire qui gagne.

«  En deux ans seulement les paysans vont en boîte, l’école est devenue cadeau, cacao a marché la troisième année qu’on devait prendre pour percer là vous avez pris pour faire palabre… »

C’est par ces paroles que le chanteur Pat Sako du groupe Zouglou espoir 2000 présente la situation de la Côte d’Ivoire entre les années 2000 et 2002. En effet après une décennie 90 mouvementée politiquement avec la mort du père de la nation et un coup d’état, le nouveau millénaire s’annonce sous de meilleurs auspices. En 2000 la Côte d’Ivoire élit pour la première fois un président de manière démocratique. En 2000 on parle de refondation, finis les barons de l’ancien régime (PDCI) une nouvelle caste prend le pouvoir, celle des professeurs. En 2000 on parle de la gratuité de l’école, en 2000 on parle de couverture maladie universelle, en 2000 on parle de la libéralisation de la filière café cacao, en 2000 le troisième pont semble devenir une réalité et en 2001 on organise le forum de réconciliation. La Côte d’Ivoire semble de retour.

 Mais les murmures d’une chute brutale se font entendre, une rébellion serait en préparation au Burkina-Faso, les signes d’une déflagration se font plus visibles. Balla Keita l’ancien ministre de l’éducation est assassiné au Burkina-Faso le 1er Aout 2002. Les refondateurs en pleine refondation se font surprendre  dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 ; la Côte d’Ivoire sombre dans l’horreur et le chaos. C’est le début de ce que beaucoup appelleront la décennie perdue en Côte d’Ivoire. Les rêves de refondation s’évaporent. En une nuit le pays est coupé en deux, les bourreaux du pays s’appellent, Cherif Ousmane, Wattao, IB, Koné Zacharia, Tuo Fozié, « Bogota » alias Soro Guillaume ( Est ce que pour revendiquer on a besoin de tuer ?). Ces mouvements rebelles sèment la terreur, violent, pillent, tuent et  décapitent. De nombreuses familles ivoiriennes prennent le chemin de l’exil, la capitale Abidjan accueille de nombreux réfugiés.

Génération Douk saga

« Le 19 septembre en 2002 le malheur venait juste de frapper la Côte d’Ivoire. Des coups de fusils par –ci, des canons par là, tous étonnés on nous annonce la mort de Boga (ministre de l’intérieur) de Marcellin Yacé (Arrangeur de génie) et du général Guei (ex chef de la junte militaire) des centaines de personnes sont tombées cette nuit là. On était choqués on a beaucoup pleurés ça faisait pitié on était tous abattus comme le messie arriva un jeune homme avec son bataillon armé de joie et de gaité comment il s’appelle ? Doukouré Stéphane qu’est ce qu’il a crée ? La sagacité »

 L’année 2002 marque l’apparition du mouvement coupé décalé style musical sorti des boites de nuit parisiennes en particulier de l’Atlantis. Emmené par de jeunes ivoiriens au train de vie tapageur et aux activités parfois illicites, le coupé décalé se répand en Côte d’Ivoire comme une trainée de poudre. Les ivoiriens s’accrochent à ce genre musical qui leur permet d’oublier le bruit des  balles. Les membres de la Jet Set, le président Douk Saga, Molaré, Boro Sangui, Lino versage, Kuyo Junior, sont les nouveaux visages de la musique ivoirienne.

Dans leur sillage émergent des DJ qui vont être les fers de lance du mouvement coupé décalé. Les ivoiriens se souviennent encore de la Dream team dj  avec son titre « Abidjan» et de Dj Jacob et son mythique titre « réconciliation ». Le coupé décalé se nourrira de plusieurs danses ou même concepts , on parlera de la prudencia de Don Mike le gourou , du sentiment moko de dj Caloudji ( Elle est jolie on dirait la cousine de la nièce de la maman de moko), du Fatigué Fatigué de francky Dicaprio, du Seka Seka de Marechal dj, du boucan de Molaré, du faro-faro, du coupé décalé chinois du président Douk Saga , du glissement Yobi Yobi de consty dj et biensûr de la célèbre  grippe aviaire de Dj Lewis ( pendant que ça agit ailleurs nous on prend pour faire concept). Cette liste n’est pas et ne peut être exhaustive tant la créativité des ivoiriens en cette période est prolifique. Pas une semaine ne passe sans que ne naisse un nouveau concept ou une nouvelle danse. On danse la colgata ou encore Guantanamo et même le konami. Chipeur le renard du célèbre dessin animé Dora l’exploratrice est détourné par les artistes coupé décalé.  D’Abidjan à Ouagadougou  en passant par Bamako, Libreville et Dakar le coupé décalé s’impose reléguant le n’dombolo zaïrois au statut d’antiquité. La musique ivoirienne est au sommet en cette première décennie du  21ième siècle

Les esprits chagrins critiqueront le coupé décalé lui reprochant d’avoir eu une mauvaise influence sur la jeunesse ivoirienne mais n’oublions pas que le RAP US fut lui aussi critiqué pour ces mêmes raisons, il n’en demeure pas moins qu’il reste une référence culturelle pour les USA tout comme l’est le coupé décalé. Dans une période où la peine et la tristesse ravageaient les ivoiriens, le coupé décalé a su leur faire oublier un temps soit peu leurs soucis. Merci aux faiseurs de Coupé Décalé !!

Des Stars Mondiales

A partir de l’année 2000, de nombreux artistes vont faire rayonner la musique ivoirienne de part le monde. Deux artistes symbolisent ce rayonnement, le groupe Magic System et Tiken Jah le descendant de Fakoly.

Les Magic system après le succès national rencontré avec leur tube « Premier Gaou » se lancent à la conquête du marché mondial. Après donc l’Afrique le titre premier Gaou triomphe en Europe ; c’est le début d’une aventure musicale fantastique. Les magiciens emmenés par leur leader A’salfo vendent des millions de disques à travers le monde et portent haut le flambeau de la musique ivoirienne.

Dans un tout autre registre musical,  Tiken Jah le descendant de Fakoly va exporter le reggae ivoirien avec ses textes percutants et dépeignant avec une froide lucidité les soubresauts politiques qui secouent l’Afrique et en particulier la Côte d’Ivoire. Son reggae aux sonorités mandingues fera de lui une star  dans le monde. La Côte d’Ivoire a désormais deux star du reggae Alpha Blondy et Tiken Jah. En 2003 lorsqu’il reçoit une victoire de la musique en France c’est toute la Côte d’Ivoire qui est honorée. Pendant que les balles sifflent en Côte d’ivoire Tiken Jah joue son rôle d’artiste et utilise son art pour dénoncer : «  Après l’abolition de l’esclavage Ils ont créé la colonisation Lorsque l’on a trouvé la solution, Ils ont créé la coopération Comme on dénonce cette situation. Ils ont créé la mondialisation. Et sans expliquer la mondialisation, C’est Babylone qui nous exploite ».

Merci Jean Marc Guillou !!!

1999 plus précisément le 07 février, la Côte d’Ivoire découvre au cours de la finale de la super coupe de la CAF une génération dorée de footballeurs formée à l’académie mimosifcom par Jean-Marc Guillou. Ces jeunes footballeurs qui remportent la super coupe de la CAF ce 07 Février vont faire le bonheur des supporters de l’un des principaux clubs de la ville d’Abidjan, l’ASEC mimosa, puis s’envoler vers les plus grands clubs d’Europe : Arsenal, FC Barcelone , Olympique de Marseille , Olympique lyonnais, Manchester City et j’en passe. Cette génération sera portée et incarnée par un homme : Didier Drogba, bien que n’étant pas issu de l’académie, sera le porte flambeau de cette génération qui fera connaître la Côte d’Ivoire par ses exploits sur tous les stades d’Europe. Sur le plan national ces joueurs vont faire rentrer le football ivoirien dans une autre dimension. Après un début de décennie où la sélection nationale végétait et n’était plus que l’ombre d’elle-même, l’année 2005 va marquer son renouveau. Emmenée par son génial capitaine Didier Drogba, la Côte d’Ivoire va se qualifier pour la première fois pour une coupe du monde en 2006, après un parcours éliminatoire rempli de suspens où la lutte avec le Cameroun de Samuel Eto’o restera dans les annales du football ivoirien. Cette qualification provoque une liesse populaire rarement vue en Côte d’ivoire le président de l’époque ira même de son petit commentaire voir. De Bouaké en territoire rebelle à Abidjan le peuple ivoirien fête cette qualification historique, la sélection va servir à partir de ce moment de ciment à l’unité du pays et devient l’un des rares espaces où les différences entre ivoiriens s’effacent.

 Après cet exploit historique les éléphants se retrouvent à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en Egypte en 2006 où ils atteignent la finale qu’ils perdent au tir aux buts. S’en suit une série de déception notamment lors des CAN suivantes. Mais en 2015,  malgré l’absence de son capitaine Didier Drogba cette génération dorée va permettre à la Côte d’ivoire de remporter sa deuxième coupe d’Afrique des Nations. Pendant 10 ans les éléphants  ont su fédérer derrière eux un peuple enclin à la division. Grâce à cette génération de joueurs la Côte d’Ivoire n’est plus uniquement  connue  pour ses événements tragiques mais aussi pour ses joueurs talentueux ,Zezeto, Aruna Dindanne, Yaya Touré , Kolo Touré,  Gervinho, Salomon Kalou, Keita Kader ( Popito)  Eboué Emmanuel , Zokora Didier (Maestro) et Didier Drogba.  L’histoire retiendra que c’est dans sa période la plus sombre que la Côte d’Ivoire a vu émerger sa plus belle génération de footballeur voir

Ils s’appellent Didier Drogba,  Pat Sacko , Kalou Bonaventure, Petit Yode , Petit Denis, Magic System,Tiken jah , Yaya Touré , Soum Bill, Didier Zokora, Douk Saga , Aruna Dindane  Ils ont tous  été au cours de la première décennie du XXIième siècle les symboles de cette Côte d’Ivoire qui gagne.

NJA


Le Prince

Sur la terre d’éburnie, depuis plusieurs mois, le peuple manifeste son mécontentement à l’égard du prince. Le peuple rumine, grogne et sa colère se fait de plus en plus forte. Le prince ne peut plus feindre l’indifférence et rester insensible. Il décide donc de s’adresser à son peuple. Ce 1er mai, le message du prince  se veut fort et ferme.

Les promesses

Lorsque le prince entame son discours, la jeunesse soucieuse de son avenir l’écoute avec attention. À l’annonce de la création d’un ministère et d’une agence dédiée à l’emploi-jeunes, la jeunesse veut croire en cette promesse qui vient s’ajouter à la longue liste de promesses non tenues.

Les paysans sortis du champ pour écouter la voix du prince découvrent que leur revenu est passé de moins de 3000 milliards de FCFA en 2012 à plus de 5000 milliards de FCFA en 2015 soit une croissance de 67 %. Ils espèrent qu’un jour cette augmentation aura des répercussions sur leurs maigres bourses.

Devant leurs télévisons, les familles des victimes des attentats de Bassam, se disent que si la promesse de dégager un budget de 80 milliards de francs FCFA pour renforcer les capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité avait été faite quelques mois plus tôt, les terroristes auraient pu être arrêtés. Elles espèrent que cet argent sera vraiment mis à la disposition des forces de défenses et qu’il ne finira pas ailleurs.

Après la sécurité, le prince souhaite régler le problème de la hausse des prix des denrées alimentaires. Il annonce donc au peuple qu’il a instruit le gouvernement afin qu’il réglemente l’exercice des activités dans le secteur des denrées alimentaires et qu’il maîtrise les prix. À l’annonce de cette nouvelle, la ménagère retrouve le sourire en regardant ses enfants. Elle se dit que demain elle pourra peut-être leur offrir un repas correct.

Le prince va ensuite rassurer son peuple sur la question de l’augmentation des tarifs de l’électricité. Après avoir lui-même signé un décret pour entériner cette augmentation, le prince décide dans sa grande magnanimité d’annuler purement et simplement les factures impactées par cette hausse tarifaire. Le prince va plus loin et appelle à la libéralisation du secteur de l’électricité avec cette sentence « Oui, c’est la concurrence qui fera baisser le prix de l’électricité ».Oui ! Le prince est libéral et veut soumettre à la concurrence un service public uniquement pour le bien de son peuple.

Sûr d’avoir reconquis le cœur de son peuple, le prince se permet un dernier signe de générosité et offre  la somme de 800 millions de FCFA pour soutenir les centrales syndicales indépendantes. Oui le prince écoute et entend son peuple.

La désillusion

Demain sera donc meilleur ! C’est le prince qui l’a dit. Les journalistes censés interroger et  questionner ce discours  encensent le prince, l’opposition reste muette. Le prince lui est satisfait, il a su répondre aux attentes de son peuple.  Que personne n’en doute, le prince entend et écoute son peuple.

Quelque temps après son discours, les denrées alimentaires se font toujours rares, les prix n’ont toujours pas bougé, les factures d’électricité n’ont connu aucune baisse, et le peuple ne peut toujours pas s’acquitter de ses factures qui représentent un vrai poids dans son  budget.

Les promesses du prince se transforment en mirages. Face à cette situation éloignée des espérances suscitées par le discours du prince, le peuple se questionne. Le prince aurait-il menti ? Le peuple crie à la tromperie, le peuple se sent floué. Mais les promesses n’engagent-elles pas uniquement ceux qui y croient ?

Il continue d’œuvrer pour le peuple. On entend dire que le prince a ramené la stabilité et la paix, mais la poudrière de l’ouest est toujours  prête à exploser et des jeunes en armes font régner la terreur dans la capitale. Le prince se vante d’avoir amélioré les conditions de vie des étudiants, mais sur le campus les revendications se font plus intenses. Le prince se fait le chantre de la réconciliation, mais après 6 ans de règne son pays compte toujours 38.000 exilés et la moitié de son peuple a toujours le regard fixé sur une petite ville d’Europe du Nord.

On dit que la terre du vieux  bélier n’a jamais connu pareille période de prospérité. On parle de nouvelles routes, de croissance à deux chiffres, de ponts, de logements sociaux, d’école gratuite et même de records d’investissements. On parle même de nouvelle république, et de réconciliation.

Le peuple pour sa part ne semble malheureusement pas invité au partage des fruits de cette prétendue prospérité. Un prince, aussi puissant soit-il peut-il réduire indéfiniment son peuple au silence ? Le peuple nous répondra…

NJA


DESTINS CROISES : Tavio Amorin Stokely Carmichael

De l’esclavage à la colonisation

L’année 1441 marque le début d’une des plus grandes tragédies humaines : la traite négrière. Pendant plus de cinq siècles, de nombreux Africains vont être déportés par bateaux vers le nouveau monde pour travailler dans des plantations dans des conditions inhumaines. C’est sur ces bateaux que furent transportés sur l’île de Trinité-et-Tobago les ancêtres de Stokely Carmichael.

Au 19ème siècle débute sur le continent africain l’une des plus grandes entreprises de domination de l’homme par l’homme : la colonisation. Suite à la conférence de Berlin, les nations européennes vont se partager le continent et asseoir leur domination sur les peuples africains. C’est dans cette Afrique dominée que vient au monde dans la colonie française du Togo Tavio Amorin.

Aux Etats-Unis, la fin de la guerre de sécession marque le début de la ségrégation raciale. En 1896, la Cour Suprême américaine, avec l’arrêt Plessy contre Fergusson, rend officiel cette ségrégation à travers la doctrine du séparé mais égaux. Dès cet arrêt, les afro-descendants ne vont cesser de lutter contre cette politique raciste. Ce combat va atteindre son apogée à partir des années 50 avec des leaders comme Malcom X, Huey Newton ou encore Rosa Park.

Dans les colonies d’AOF, l’année 1960 marque la fin de la colonisation : les colons laissent en partant le pouvoir à des gouverneurs à la peau noire corrompus, qui s’accaparent les richesses des peuples. Au Togo, le pouvoir est détenu dès 1967 par le despote Eyadema qui, après avoir assassiné le père de l’indépendance Sylvanus Olympio et renversé Nicolas Grunitzky, met en place une véritable dictature.

C’est dans ces deux atmosphères de révolte que vont se révéler Tavio Amorin et Stokely Carmichael, deux hommes séparés par l’histoire mais qui vont se rejoindre sur le terrain du combat pour la liberté des peuples noirs.

 Black Power

Alors étudiant, le jeune Stokely Carmichael rejoint le SNCC (Student Non-violent Coordinating Committee) et le Non-violent Action Group. Il soutient à cette époque l’action non violente du pasteur King, l’un des leaders du mouvement pour les droits civiques. Acteur de la non violence, il mène des actions concrètes, notamment des campagnes de boycott, mais aussi des campagnes d’inscriptions de noirs sur les listes électorales. Mais comment peut-on être non violent quand l’oppresseur n’hésite pas à recourir à la force et à la violence ? Stokely Carmichael ne peut rester insensible face aux massacres des siens. La radicalisation devient alors une nécessité : il s’oppose désormais aux idées de non-violence et d’intégration. Il prône alors le Black Power qui met en avant l’auto-défense et l’auto-détermination des afro-descendants. Pour définir le Black Power, Stokely Carmichael dira :

« Nous voulons le contrôle des institutions des communautés où nous vivons, et nous voulons le contrôle la terre, et nous voulons arrêter l’exploitation des populations non-blanches à travers le monde. »

L’objectif du Black Power est donc d’amener les afro-descendants, d’une part à prendre conscience de ce qu’ils sont, de leur racine, de leur histoire, de leur culture, d’autre part à définir leurs propres buts et à prendre la direction d’organisations spécifiques. Mais Stokely Carmichael voit plus loin il comprend que les afro-descendants doivent avoir un regard sur l’Afrique. En effet, pour lui, la fin du racisme aux Etats-Unis doit aussi passer par la fin de l’impérialisme des grandes puissances contre les pays africains. Fervent panafricain, il contribue à la création du All-African People’s Revolutionary Party qui lutte pour l’unité et l’amélioration des conditions de vie des peuples noirs. En 1969, il rejoint la terre de ses ancêtres, la Guinée du président Sékou Touré, et prend le nom de Kwamé Ture en l’honneur de Kwamé N’krumah et de Sékou Touré. Toute sa vie, il ne cessa de lutter pour la cause noire. Il mourut d’un cancer en 1998.

 Néo-colonialisme

Au cours de son parcours universitaire dans les années 80, Tavio Amorin va se forger une conscience politique et développe ses idées pour le continent africain. Doté d’une vive intelligence il va s’efforcer d’analyser de manière précise la situation du continent africain. Pour lui la décolonisation n’a jamais eu lieu. Très lucide sur la réalité du continent, il met en avant le remplacement du système colonial par un système néo-colonial qui fait perdurer l’Afrique dans la dépendance. Ce système néo-colonial se définit par une souveraineté inexistante des nouveaux Etats de par leur incapacité à pouvoir assurer seuls leur défense et leur sécurité, mais aussi par une maîtrise de l’épargne des nouveaux états par l’ex puissance coloniale à travers leur maintien dans la zone franc. Il définit aussi ce système par une éducation qui ne prend pas comme socle la culture africaine mais celle du colon ; et aussi par l’absence d’une diplomatie autonome mais alignée sur celle de l’ex puissance.

Pour Tavio Amorin, le combat pour éradiquer le néo-colonialisme ne peut se faire dans une Afrique désunie. Il prône donc la nécessité d’unir le continent et de faire émerger une société civile panafricaine qui serait le moteur d’une intégration africaine multidimensionnelle. Sa vision panafricaine ne se limite pas aux Africains du continent, il plaide aussi pour une intégration des afro-descendants qui doivent jouer un rôle moteur dans le combat en servant d’alliés aux Africains. Désireux de mettre en pratique ses idées, il rentre au Togo pour se mettre au service du continent. A son retour, il devient premier secrétaire du parti socialiste panafricain et délégué lors de la conférence nationale souveraine organisée au Togo en 1991 où son intelligence, son courage et son impétuosité inspirent le respect. Mais le 23 juillet 1992, deux policiers l’abattent à bout portant avant de s’enfuir. Il décédera quelques jours plus tard le 29 juillet dans un hôpital parisien.

Enseignements

 L’histoire de Tavio Amorin et de Stokely Carmichael nous montre que les luttes des peuples noirs sont liées. Ces deux leaders partageaient une même vision : celle de voir les enfants d’Afrique dignes, forts et unis. Ils ne se sont pas contentés de faire des vœux pieux. Ils ont œuvré durant toutes leurs vies à rendre cette vision concrète. Ils ont su penser leurs sociétés et apporter des solutions effectives qu’ils se sont efforcés de mettre en place. Ces deux héros nous montrent la voie à suivre tant leurs réflexions restent actuelles. Il ne s’agit pas de ressasser le passé mais de s’approprier leurs pensées et leurs solutions en les actualisant afin qu’elles nous servent de guide dans le combat à mener pour l’unité. Tavio Amorin et Stokely Carmichael doivent nous servir de boussole car ils nous amènent à comprendre que nous ne pouvons pas combattre de manière isolée. Nous devons comprendre que le panafricanisme, qui est l’unité de tous les peuples noirs, doit être pour nous l’horizon à atteindre.

 

Je suis Tavio Amorin

Nous sommes  Stokely Carmichael

Que L’Afrique retienne le nom de ses héros

#blacklivesmatter

NJA


La résistance permanente

Dans la tradition Bété le DIDIGA est la connaissance du passé, le DIDIGA est l’histoire de nos pères, il nous parle des migrations, des alliances, mais aussi des guerres. Aujourd’hui le DIDIGASANGWA « le diseur de DIDIGA » celui qui connaît le passé nous raconte l’histoire de la résistance à la conquête coloniale en pays Bété.

 La résistance en pays Bété

Dans le sud-ouest de la Cote d’Ivoire plus précisément dans la région Daloa un homme va marquer par sa bravoure et sa droiture cette résistance : Le Kanégnon (le laveur d’affront, le combattant), le Galebhai (natif de Galebha)Zokuo Gbeli.

Lorsqu’ils arrivent dans la région de Daloa, les français sont accueillis avec tous les égards par Zokuo Gbeli, qui voit en ces nouveaux venus, des étrangers apportant leur aide. Mais il va vite se rendre compte que ces étrangers ne sont la que pour soumettre son peuple. Il comprend alors que le chemin de la résistance devient l’unique moyen pour espérer préserver la liberté et l’indépendance des siens.

Assumant son statut de chef guerrier, il rentre en résistance en 1906 à cette date allié aux combattants du village de Sabwa de Galbha et de Labea, il met en déroute les troupes du commandant Bouvet alors chef de poste à Daloa et prend le contrôle de ce poste. L’arrivée des renforts va obliger Zokuo Gbéli à battre en retraire et ainsi préparer une nouvelle attaque.

Celle-ci va avoir lieu en 1907 l’offensive est minutieusement préparée et d’une efficacité redoutable, les postes d’Issia de Daloa et de Soubré sont pris d’assaut et contrôlés par les troupes de Zokuo Gbéli. Les forces coloniales subissent une cuisante défaite, elles sont dans l’incapacité de riposter et sont contraintes à fuir et d’attendre l’arrivée de renforts. A leur arrivée les renforts, emmenés par le commandant Betsellière vont faire preuve d’une sauvagerie sans pareil en tuant et en rasant tout sur leur passage. Les envahisseurs ne supportent pas le camouflet que vient de leur infliger le génial Zokuo Gbéli.

Cette défaite ne signa pas la fin de la résistance pour le kanégnon (le laveur d’affront, le combattant), il ne cessa de s’opposer à la pénétration française, mais en 1911 les troupes françaises arrivent enfin à arrêter S’roukou (lion, le roi de la forêt) il est alors déporté à Zuénoula où il mourut en 1912.

Une résistance qui s’étend

Mais Zokuo Gbéli ne fut pas le seul à lutter dans le pays Bété, Go Ziagnon du village de Dibolé, kwé Gnanabou de Wanyou, Boguié Rabet, Sakré Sokia, Gagbongouo Koré se sont farouchement opposés aux troupes françaises. L’évocation de leurs noms fait encore trembler leurs adversaires qui se souviennent encore des nombreuses défaites que ces héros leur ont infligées. Mais las de mener un combat face à un adversaire qui ne comprend que le langage de la violence, les résistants vont faire taire le bruit des armes préférant mettre en place une résistance plus subtile, en menant ainsi des actions de sabotage permanente de l’entreprise de colonisation. L’autorité du colonisateur ne sera jamais acceptée. Les peuples préférant fuir plutôt que de se soumettre à ces étrangers sans foi ni loi.

Le peuple Bété ne fut pas le seul à résister en ce début du 20ième siècle la terre d’Eburnie est une terre d’insoumis ou se succède les guerres et les oppositions à la pénétration coloniale.

Les Baoulés se souviennent encore de la guerre menée par Akafou Bulare ou encore celle d’Assui Salé pour l’indépendance du royaume.

Les Abbey se souviennent encore de la glorieuse révolte de leurs pères qui fit trembler la France.

Les troupes coloniales se souviennent encore du génie militaire de l’Almamy Samori Touré.

Les Gouro se souviennent encore du puissant chef de guerre Sèrèblè Bi Bambou qui à résister pour eux.

Les populations krou se souviennent encore de l’insurrection des blapo sous la direction du chef Paio.

Le pays Dan se souvient encore du siège de la ville de man.

Tous ces peuples se sont battus même après les défaites militaires, la résistance jamais ne se tut.

La résistance politique

Plus tard la résistance prendra une autre forme Victor Biaka Boda, Victor Djedje Capri, René Sery Koré, Ouézzin Coulibaly, Mathieu Ekra à travers la lutte politique vont poursuivre le combat de Zokuo Gbéli, Go Ziagnon, Kwé Gnanabou, Assui Salé et permettre aux peuples d’Eburnie de retrouver une partie de leur indépendance.

La résistance fut totale et permanente et nous prouve que nous sommes un peuple de résistants il nous appartient donc aujourd’hui de suivre l’exemple de nos pères. La résistance doit prendre de nouvelles formes mais ne doit s’arrêter que lorsque nous retrouverons l’autre partie de notre indépendance.

D’aucun marque le début de cette résistance à l’année 1893 mais personne ne peut dater la fin de celle-ci car les peuples d’Eburnie ne furent jamais soumis et ne seront jamais soumis.

Je suis un Zokuo Gbéli

Nous sommes des résistants

Que l’Afrique retienne le nom de ses Héros

 

 

NJA


Les échos du passé : Le royaume d’Abomey

Le temps est venu de rétablir notre vérité historique. Rappelons nous donc ensemble d’un des royaumes les plus puissants d’Afrique de l’ouest. Racontons avec fierté l’histoire du royaume d’Abomey.

Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur.

C’est à partir du XVIIème siècle que s’éleva sur une partie du Bénin actuelle le royaume d’Abomey. Voici comment surgit du bruissement de l’histoire ce puissant royaume : la dynastie d’Abomey a pour origine le royaume de TADO, royauté située sur la rive droite du fleuve Mono. Les anciens nous racontent que Tenou Guessou alors roi du TADO épousa une femme appelée Gbekpo, qui avait le pouvoir de se métamorphoser en panthère. De leur union naquit de nombreux descendants mais l’un d’eux appelé Adjahounto marqua de son empreinte le cours de l’histoire. A la mort de leur père Tenou Guessou, une querelle de succession divisa les fils du roi, Adjahounto n’eut d’autre choix que celui de quitter le royaume de son père. Il trouva alors refuge dans la région de Togo-Goussa où il fonda le royaume d’ALLADA.

Adjahounto eut trois fils mais à sa mort un conflit éclata entre ces derniers pour la succession au trône d’ALLADA. Pour régler le conflit les trois frères trouvèrent une solution de consensus. L’un d’eux prit la succession de son père sur le trône d’ALLADA. Le second prit la direction d’Adaché, fonda le royaume de Porto-Novo et prit le nom de Te-Agbanlin. Le troisième Do-Aklin partit vers le nord et créa le royaume d’Abomey. Mais c’est son petit fils Houegbadja qui fit du royaume d’Abomey un état fort et puissant.

Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens

L’organisation du royaume d’Abomey ne fut soumise à aucune influence externe. La société d’Abomey était rigoureusement hiérarchisée avec une structure politique fortement centralisée et composée de roturiers soumis à l’autorité royale. Pour administrer son royaume le roi s’entoura d’un Migan siégeant à sa droite et d’un Mehou siégeant à sa gauche tout deux remplissant les fonctions de premier ministre. En dessous du Migan et du Mehou on retrouve des ministres aux compétences bien définies comme le ministre des cultes (Aplogan), le ministre des finances, le chef de la police, le ministre chargé des problèmes fonciers (Tokpon) et par la suite un ministre des «blancs» (Yévognan).

Les femmes jouèrent un rôle important dans l’histoire de ce royaume. Au sein de la structure politique, des femmes étaient nommées par le roi afin qu’elles exercent un contrôle sur les activités des principaux dirigeants. Elles furent aussi à l’origine de nombreuses victoires militaires car c’est au royaume d’Abomey que fut créée la légendaire armée des amazones composée uniquement de femmes, la plupart vierges ou astreintes au célibat. Elles étaient lancées dans la bataille pendant les moments difficiles pour faire fléchir les dieux du combat. Les troupes poppo qu’elles vainquirent se souviennent encore de leur bravoure et de leur puissance… Fort de cette organisation rigoureuse et efficace le royaume d’Abomey va connaître une croissance sous l’impulsion des successeurs d’Houegbadja qui ne cesseront de faire croître ses frontières. En 1724 Abomey annexa le royaume d’ALLADA et en 1727 OUIDAH, suite à ces annexions le royaume prit alors le nom de Dahomey.

C’est au bout de la vieille corde qu’on tisse la nouvelle.

En 1818 une étoile accéda au trône du Dahomey… A cette date le prince Ghézo fut couronné roi du Dahomey et choisi pour devise la tirade suivante : «  la jarre contient l’eau qui donnera au pays le bonheur. Si tous les enfants venaient par leurs doigts assemblés à en boucher les trous, l’eau de ne coulerait plus et le pays serait sauvé ».

Durant son règne il rétablit la paix civile, s’employa à raffermir l’administration en épurant la bureaucratie royale, rationalisa la collecte des impôts et mit en place des statistiques démographiques. Sous ses ordres, son ministre de l’agriculture imposa aux villages des plantations obligatoires et encouragea la vulgarisation et la production de nouvelles cultures vivrières provenant d’Amérique (ex manioc). Il favorisa également le commerce de l’huile de palme qui participa à l’essor économique de l’Etat. Ghézo se révéla être un grand économiste.

Sur le plan militaire il rationalisa l’organisation des contingents, modernisa les équipements de son armée et donna une place encore plus importante aux amazones. Véritable génie militaire, il remporta de nombreuses victoires notamment contre les yoroubas du royaume d’Oyo. Homme érudit et curieux, il encourageait les arts au sein de la cour et portait un intérêt particulier aux cultures étrangères. Après 40 années d’un règne éclairé Ghézo rejoignit la constellation des grandes étoiles africaines…

 Le buffle puissant traverse le pays et rien ne peut l’arrêter ou s’opposer à lui

 Mais en 1892 après une résistance farouche des descendants de Ghézo, le royaume du Dahomey tomba aux mains des voleurs de terres.

Mais la sagesse africaine nous enseigne que L’éléphant meurt, mais ses défenses demeurent.

Je suis Ghézo

Nous sommes le Dahomey

Que l’Afrique retienne le nom de ses Héros

NJA


Exodus: deLeonard Howell à Marcus Garvey

Et l’Eternel dit à Moïse : va vers Pharaon et tu lui diras, ainsi parle l’Eternel, laisse mon Peuple partir !

Quelque part entre les ports de la Kingston, de la Barbade ou de Floride, des hordes de matelots quittant leurs îles gorgées de soleil et d’esclaves appareillaient pour des voyages au long cours. Car telles était la tâche : porter et supporter des marchandises du nouveau monde pour faire carrière dans la marine marchandes. En s’arrêtant à Harlem, Mecque des nouveaux nègres, les enfants des diasporas caribéennes du 19ème siècle, se rencontraient dans un brassage propice au questionnement de l’identité nègre. Cuba sort de l’esclavage, mais les Orishas convulsent encore, la ségrégation américaine est des plus féroces et la Jamaïque est un prisonnier ficelé, bâillonné.

Aux alentours des années 1920, Leonard Percival Howell, jeune matelot téméraire au fort accent jamaïcain rencontre Marcus Garvey montagne de livres et de panache.

***

Cela fait plusieurs années déjà que Marcus Garvey a traversé la mer des Caraïbes, mais son ambition est bien plus monumentale, elle est de celles qui abattent les murs et humilient les rois, elle est de celles qui ouvrent les eaux pour le chemin du retour.

Né en 1887 dans la Jamaïque ségrégationniste, Marcus, fils de marrons, devient rapidement un curieux mélange de politicien chevronné et d’entrepreneur audacieux. D’abord employé chez un imprimeur, il ingurgite, boit, absorbe la substantifique moelle de la littérature à portée de main à Kingston. Capitalisme, Communisme, Impérialisme sont les avatars de ce siècle des « ismes ». Lénine, Trotsky, Ho Chi Minh et la Bible sont ses guides à travers le désert. Il participe à de nombreuses grèves dans le cadre de syndicats, devient journaliste et fonde le journal Garvey’s Watchman.

Garvey débarque aux Etats-Unis en 1916 avec le projet de réunir toutes les forces capitalistiques au service du rapatriement en terre promise du peuple errant. L’Afrique ! A coup de campagnes via son association UNIA United Negro Improvement Association, Garvey crée une compagnie maritime et invite la communauté noire à investir en tant qu’actionnaires en vue de l’achat d’une flottille d’arches aptes à traverser la grande mer atlantique.

En 1919 la Blackstar lines est créée. Un Dieu ! Un but ! Une destinée !

***

Leonard Howell est de retour en Jamaïque en 1932. Cela fait trois ans alors que la Prophétie du révérend James Morris Webb s’est réalisée : celle d’un africain couronné, qui, tel un sombre messie, mènera le peuple des damnés de la terre vers la délivrance. Il commence alors à prêcher le retour d’un Dieu noir, d’un Dieu des Noirs, un Dieu dont le Ras Tafari Makonnen de l’Empire d’Ethiopie seul Etat ayant valeureusement repoussé le fléau colonial_ serait l’envoyé.

Howell fait alors de ses « ismes » préférés un grand syncrétisme ! Gandhisme, Marxisme et bientôt Tafarisme sont ses maîtres pensées. Il exhorte son peuple à se soumettre à l’autorité du descendant direct du Roi Salomon et de la Reine de Sabah : Haïlé Sélassié 1erA la mer le Roi d’Angleterre ! Edifié, mais non convaincu par son ami apôtre du retour, Marcus Garvey, Leonard Howell commence à bâtir sur son île natale une communauté imprégnée de culture indienne et africaine, fonctionnant en autarcie de la société jamaïcaine encore sous le joug de la couronne britannique.

***

Après des années à défier le pouvoir fédéral américain, en montrant la force de frappe d’une communauté africaine-américaine réunie autour des projets communs de culture, d’éducation et de travail, Marcus Garvey subit la méfiance des autorités, la censure de son journal le Negro World, la prison et un nouvel exil, encore un, vers l’Angleterre.

Alors que Marcus Garvey, le Black Moses, meurt à Londres en 1940, la même année est fondé en Jamaïque le Pinnaclepremière communauté « Rasta » au monde et réunit bientôt un des centaines d’adeptes vivants des ressources de la terre et revendiquant l’indépendance matérielle et spirituelle. Le Gong, en maître spirituel de cette quête d’un nouveau mode de vie, passe son temps entre la prison et l’hôpital psychiatrique où les autorités insulaires tentent de contenir son influence auprès du peuple jamaïcain. Mais telle l’hydre, les tentatives de destruction par la police jamaïcaine de cette entreprise d’émancipation, ne sont que l’occasion de propager l’expérience du Pinnacle en une multitude de communautés similaires à travers l’île.

Léonard Howell meurt en 1981, trois mois avant un certain Robert Nesta Marley qui fit connaître l’ambition de Howell dans le monde entier en faisant du Rastafarisme un des derniers « isme » du 20ème siècle, dont les maîtres fondateurs auront fait une véritable philosophie de vie tourner vers les racine de l’Afrique.

Nous sommes Marcus Garvey.

Nous sommes Leonard Howell.

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros.

Yovovi


Thomas Sankara : Osez inventer l’avenir

En 1983 un jeune capitaine plein de fougue prend le pouvoir en Haute-Volta (Burkina Faso), bien décidé à relever son pays qui jusque-là, peinait à devenir grand. Thomas Sankara va en quatre ans (1983-1987) bousculer par sa pensée un continent sclérosé par une élite sans idée et sans vision. Véritable visionnaire, il sera élevé après sa mort en véritable martyr par une jeunesse africaine en manque de leader. Mais aujourd’hui que reste-t-il du puissant message capitaine burkinabè ? Que savons-nous réellement de son message ? Aujourd’hui 29 ans après sa mort il est important de nous rappeler du message du génial capitaine Thomas Sankara tant celui-ci reste d’actualité. Ses discours restent pour nous un moyen de nous imprégner de sa pensée. Ainsi le 4 octobre 1984 Thomas Sankara prononce un discours mémorable devant l’assemblée générale des Nations unies. Revenons ensemble sur un extrait de ce discours…

« Il n’y aura plus de gifle »

 Lorsqu’il se présente devant l’assemblée générale de l’ONU, Thomas Sankara se pose en porte-parole d’un continent fort et digne. Le début de son discours est une adresse à la jeune génération africaine : «  je parle au nom d’un peuple qui, sur la terre de ses ancêtres, a choisi dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs comme dans ses aspects négatifs, sans complexe aucun ». A travers cette phrase, il nous invite à accepter cette histoire glorieuse et en même temps tragique. Il nous invite à ne pas oublier notre responsabilité lors de la traite négrière, il nous invite à ne pas nier nos défaites pendant les guerres de colonisation, mais il nous invite aussi et surtout à ne pas nier notre résistance, à ne pas nier l’influence de notre science sur le reste du monde, mais aussi notre capacité à être acteur de notre histoire. Thomas Sankara avait compris que nous ne pouvions nous projeter dans l’avenir sans avoir accepté de manière lucide notre histoire. La pensée du capitaine ne se limite pas au continent africain. Conscient du caractère universel de sa révolution, il se pose aussi en porte-parole du monde des non-alignés. Ce monde des non-alignés baptisé tiers-monde partage un héritage, celui de la colonisation et doit faire face au même défi, celui de l’indépendance totale et vraie. Loin des indépendances formelles fustigées ici par Thomas Sankara, qui nous invite à comprendre que la grande vague de décolonisation des années 60 n’est qu’un leurre et que le combat pour l’indépendance reste d’actualité, il prône donc l’unité du tiers-monde afin de venir à bout de cette aliénation culturelle, économique et politique dont il fait référence dans son discours. Pour Thomas Sankara il faut que se lève une nouvelle race de tiers-mondiste qui refuse de tendre l’autre joue et de s’abaisser devant leurs maîtres d’antan et ainsi arracher une vraie indépendance et refuser comme il le dit d’être « l’arrière monde d’un occident repu ».

 « La bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine »

Dans la suite de son discours il fustige ce phénomène propre à l’Afrique qui consiste à chercher les solutions de son développement ailleurs. Pour Thomas Sankara, la solution est au contraire de se défaire de tous ces modèles de développement prônés par l’Occident et ses institutions qui depuis les indépendances n’ont fait qu’aggraver la situation. Nul ne peut penser un modèle pertinent et efficace s’il se tient loin des réalités de l’environnement qu’il étudie. Il ne peut y avoir de développement sans rupture totale avec tous ces modèles éloignés de nos réalités. Pour Thomas Sankara le salut de notre continent viendra de cette rupture. Notre capitaine s’en prend aussi à cette petite bourgeoisie africaine corrompue intellectuellement par la pensée occidentale dominante, qui refuse tout effort de réflexion et tout débat théorique rigoureux sur le devenir du continent. Il parle d’une élite africaine « consommatrice passive et lamentable » des dogmes énoncés par leurs maîtres de l’extérieur.

Pour Thomas Sankara les élites africaines doivent penser le continent, énoncer des principes et créer des modèles de développement en accord avec la réalité du continent. Elles doivent tourner le dos à ces modèles de pensée venus de l’extérieur dont les échecs ne sont plus à démontrer. Comme le dit Thomas Sankara « En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui, le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité ». Le défi à relever pour la jeunesse africaine est de se réapproprier son environnement, de le comprendre, de l’étudier afin de pouvoir faire émerger des modèles de développement et de pensée cohérents et efficaces qui feront sortir notre continent de l’état de léthargie dans lequel il se trouve. Il nous faut retourner à notre patrimoine culturel, à notre histoire, à nos réalités, à nos échecs et à nos succès afin de donner de notre peuple une image fidèle : « Une image qui nous permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos États à la seule perspective de la faillite ». L’idée de Thomas Sankara est de nous dire que nous avons les clés de notre réussite entre nos mains et que le devenir de notre continent ne dépend que de nous.

 « Nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide »

Lorsqu’en 1983 Thomas Sankara arrive au pouvoir, le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres du tiers monde, l’avenir de ce pays est compromis par une position géographique ingrate et une classe politique corrompue. C’est d’un pays à bout de souffle dont va hériter le capitaine. C’est ce constat que fait Thomas Sankara devant l’assemblée générale de l’ONU : « Dans le cas de l’ex Haute Volta, le processus était encore plus exemplaire. Nous étions la condensation magique, le raccourci de toutes les calamités qui ont fondu sur les pays dits « en voie de développement » ». Pourtant, comme le rappelle le capitaine, l’aide extérieure n’a cessé d’affluer vers son pays depuis son indépendance, mais cette aide est un échec.

L’échec de l’aide extérieure, pour Thomas Sankara, est dû aux élites dirigeantes passées qui : «  soit par naïveté, soit par égoïsme de classe, n’ont pas pu ou n’ont pas voulu maîtriser cet afflux extérieur, en saisir la portée et exprimer des exigences dans l’intérêt de notre peuple ». Thomas Sankara met en lumière une autre raison « l’aide au Sahel, à cause de son contenu et des mécanismes en place, n’est qu’une aide à la survie. Seuls, souligne-t-il, 30 pour cent de cette aide permet simplement au Sahel de vivre. Selon Jacques Giri, cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement ». L’aide apportée aux pays en voie de développement cause donc plus de dégâts qu’elle n’en règle ; combinée à sa mauvaise gestion elle se transforme alors en véritable frein au développement de nos pays. Pour Thomas Sankara il nous faut donc refuser cette aide : « la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel», et élaborer de nouvelles techniques et n’attendre qu’une seule aide : celle de nos bras et de notre intelligence. Véritable déclaration d’indépendance, le modèle énoncé par Thomas Sankara a pour objectif de trouver des solutions mieux adaptées et plus conformes à nos réalités tout en «  rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs, pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions ».

Thomas Sankara reste aujourd’hui une figure incontournable de l’histoire africaine et un véritable modèle pour toute la jeunesse révolutionnaire africaine. Méditons donc sur sa pensée, analysons-la, actualisons-la et faisons en ressortir le meilleur afin que son message ne se perde pas dans les dédales de l’histoire.

La patrie ou la mort nous vaincrons.

 

Je suis Thomas Sankara

Nous sommes Thomas Sankara

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros

NJA

 


La fin des mythes : Le royaume Ashanti

« Vers 1695 nos pères nous racontent que lors de son avènement sur le trône, OSEI TUTU fondateur du royaume Ashanti fit descendre du ciel le sidkadwa « trône d’or né un vendredi » celui-ci va alors incarner l’intégration des peuples ratifiée par l’adhésion unanime. Considéré comme un don du ciel, il symbolise l’unité du pays et la permanence de l’état. Il contient l’âme de la nation ».

La vérité historique ne peut être occultée indéfiniment…

A la fin du 17ième siècle, le prince de Kumasi du clan oyoko Oséi Tutu va unir autour de lui les peuples des royaumes Akan et écrire avec eux l’une des plus grandes pages de l’histoire du continent. Aidé par un prête animiste Okomfo Anokyé , il va fédérer ces royaumes en une seule entité et en faire un état fédéral dont il sera le premier Ashantihéné (chef des Ashanti) et établira sa capitale à Kumasi.

Le royaume Ashanti est un état fédéral composé de provinces disposant chacune d’une grande autonomie et calquant leur organisation interne sur celle de l’état central. Chaque province membre de la fédération est dirigée par un Héné (chef), ceux-ci étant représentés au sein d’un conseil chargé de prendre certaines grandes décisions (taxes, guerres). A côté de ce conseil représentatif des entités fédérées, un conseil des anciens est chargé d’assister l’Ashantihéné dans l’administration du royaume. Comme le fondateur du royaume tous les rois sont élus au sein de la branche du clan matrilinéaire OYOKO et leur désignation est confiée à la reine mère ; en effet c’est elle qui choisit parmi les différents prétendants le prochain Ashantihéné. Son choix est ensuite soumis à l’approbation du conseil des anciens. Cette prérogative attribuée à la reine mère fait d’elle un personnage central du dispositif politique Ashanti, elle est sans doute la femme la plus puissante du royaume.

Loin de la perception mythologique contemporaine de la femme africaine qui cantonne celle-ci à un rôle négligeable, le royaume Ashanti nous rappelle que nos mères ont toujours eu une position de pouvoir tant dans les organes politiques que dans les sociétés africaines.

… elle finit toujours par émerger…

Sous le règne d’Oséi Kodjo (1765-1777) une série de réformes que l’on va appeler « Révolution Kodjoienne » va bouleverser l’organisation interne de la fédération. Cette révolution restée dans la mémoire du peuple Ashanti va permettre l’avènement d’une nouvelle administration plus forte composée de hauts fonctionnaires nommés par le roi et chargés de gérer les affaires administratives du royaume.

La gestion financière du royaume est confiée à un grand argentier entouré d’une équipe de comptables qui étaient en charge des tribus, des douanes, des péages et de la capitation. La collecte de cette manne financière était repartie de manière précise selon les différents postes budgétaires du royaume. Cette organisation a permis au royaume d’affirmer sa domination et de se positionner comme une puissance régionale sur le plan économique.

Ouvert sur le monde, l’état Ashanti va faire appel à des compétences étrangères pour améliorer et rendre plus efficace l’organisation du royaume. C’est ainsi que des européens vont être nommés hauts fonctionnaires et des scribes musulmans vont être appelés pour perfectionner le système de statistique.

En plus d’une administration forte et bien organisée le royaume Ashanti va conforter sa puissance régionale en mettant en place une diplomatie efficace. Ses ambassadeurs étaient sélectionnés parmi les roturiers du royaume pour leur esprit et la puissance de leur dialectique et faisaient rayonner l’Ashanti au-delà de ses frontières.

Loin du mythe d’une Afrique constituée de tribus sauvages, désorganisées ,désunies et fermées, l’histoire des Ashanti, son administration et son organisation politique montrent que l’Afrique a su dépasser l’idée tribale pour accéder à la réalité abstraite de l’État et de la nation et s’ouvrir au monde en l’influençant et en s’y inspirant.

… et s’imposer car elle ne peut être contestée.

En cette fin du XVII les principales armées des royaumes africains sont équipées d’armes à feu, celles-ci sont apparues grâce aux marchands arabes et européens présents sur le continent. Les royaumes d’Afrique comprennent rapidement l’intérêt pour eux de doter leurs armées de telles armes. La fédération Ashanti va alors s’équiper de plusieurs armes à feu afin de rivaliser avec les autres royaumes mais surtout avec les européens notamment les anglais qui se font de plus en plus menaçants.

Ainsi après les guerres face aux autres royaumes qui lui permettent d’élargir ses frontières qui s’étendaient alors des pays Gourounsi et Gondja à la côte et de Grand-lahou (Côte d’Ivoire) à petit popo ( Togo), la fédération Ashanti va rentrer en conflit avec la couronne britannique qui ne voit pas d’un très bon œil la suprématie de celui-ci.

En 1824 sous l’impulsion de l’Ashantihéhé Oséi Bounsou dit « la baleine », l’armée Ashanti rentre en guerre contre la couronne britannique. Cette première confrontation qui aura pour point d’orgue la bataille de Bonsaso tourne au désastre pour l’armée britannique qui se fait laminer par le génie militaire Oséi Bounsou «  la baleine ». En 1863 une nouvelle guerre éclate. L’Ashantihéné Kwakou Dwa décime les anglais à Assikouma et à Bobikouma. Ces victoires fortifient la fédération et son prestige se fait plus grand.

A la fin du XIX siècle l’entreprise de colonisation débute dans l’ouest du continent. Malgré leur hargne, les anglais n’arrivent pas à soumettre la fédération Ashanti comme c’est le cas de certains royaumes voisins Face à cette impasse, elle va recourir à la ruse.

 Attendu pour un entretien de paix avec l’Ashantihéné Kwakou Dwa III le gouverneur anglais entre à la tête d’une forte armée dans Kumasi. Prises de court, les armés de Kwakou Dwa sont vaincues.

Loin du mythe de l’africain armé de lances et de flèches qui ne disposait pas d’armes à feu, loin du mythe d’une prétendue supériorité militaire européenne, les victoires sur le champs de bataille des armées Ashanti viennent nous rappeler le génie de nos pères et battre d’un revers de la main la prétendue facilité avec laquelle les colons nous auraient vaincus.

 

Je suis Ashanti

Nous sommes Ashanti

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros

NJA