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Un dimanche ordinaire à Marseille

J’ai commencé à vous parler de Marseille et de mon quartier. Je vous ai présenté quelques personnages. Mais pour rendre le tableau plus complet, je me dois d’aller plus loin dans ma description de cette ville qui se vit avec passion…

« Marseille n’est pas une ville pour touristes. Il n’y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage. Ici, faut prendre parti. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment. Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir. Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c’est la mort. À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre ». Jean-Claude IZZO, Total Khéops,Gallimard, 1995.

 

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Passants sur la Canebière. Crédit photo : Pascaline

Cette semaine, je vous emmène dans un univers à la Tim Burton, avec des personnages à l’allure parfois effrayante, mais qui se révèlent le plus souvent inoffensifs. Croisés ça et là, dans les rues de ma ville, les couloirs du métro ou dans le hall de la gare, ils méritent que l’on s’attarde à les esquisser, car ils font la ville. Ville que l’on aime autant qu’elle nous exaspère, ville qui nous rend euphorique et colérique, qui nous transforme, qui nous façonne à son image, à la fois rude et fragile.

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Homme au chien, cours Julien. Crédit photo : Pascaline

Mon dimanche avait commencé avec un personnage cher à mes papilles et indispensable à mon quotidien : le vendeur de pâtisseries orientales. Son magasin est un peu comme on imaginerait les contes des mille et une nuits, rempli des mets les plus délicieux, des makrouts fondants vendus au kilo aux cornes de gazelles aromatisées à l’eau de rose, qui vous font de l’œil derrière la vitrine. Nous étions donc parties dans ce palais des délices une amie et moi, pour effectuer une commande. Le jeune homme, ayant vu nos yeux briller devant tant de sucre, nous a offert à chacune un petit assortiment de ses plus fines pâtisseries. Il était alors passé dans notre cœur, du statut de simple mortel à celui de roi des makrouts ! On entrait dans un univers fantastique ! Mais la journée me réservait d’autres surprises…

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Mets délicieux, la Rose de Tunis. Crédit photo : Pascaline

Au parc, où j’effectue mon jogging hebdomadaire, j’ai rencontré aussi moult personnages fantastiques : une dizaine de jeunes sportifs en herbe, qui passent leur temps à fixer obstinément les barres de musculation,  plutôt qu’à les toucher, en espérant peut-être que cet exercice leur permettra de gagner en masse musculaire. Un peu plus loin, un homme qui marche, les deux bras à l’horizontale, probablement en signe de remerciements à la terre mère… Un couple d’amoureux, dont le répit aura été de courte durée devant les allers incessants  des passants, quelques familles avec leurs minots qui squattent le parc à jeu, un autre jogger au look très 70’s, d’autres « djeuns » à l’American style plus actuel…

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Touristes égarés. Crédit photo : Pascaline

Le parc est un univers fabuleux, il est le seul endroit où des buissons solitaires émanent quelques vapeurs de cannabis. Où dans ces mêmes buissons, à quelques mètres de là, on peut retrouver un homme faire ses besoins le derrière à l’air. Et dire qu’on avait l’usage d’y cacher nos ravitaillements d’eau…. Son nom, le parc de « font obscure », véhicule diverses légendes, que mon amie me raconte, pour occuper mon esprit pendant que je cours, et laisse présager des pires scenarii. Pourtant,  jusqu’à présent ce qu’on a vu de plus effrayant c’est ce jeune exhibitionniste plutôt bien foutu, qui se pavanait sur notre chemin, sa corde a sauté de boxeur à la main. Et aussi peut-être, ces affiches de l’élu FN (Front national) qui désormais occupe le fauteuil de la mairie de secteur (13-14). Comme dans les films, les méchants ne sont pas toujours ceux que l’on croit…

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Escaliers de la gare. Crédit photo : Pascaline

Pour finir, j’ai croisé, le soir dans le métro, un homme que l’on appellera « Moïse », une étoile accrochée à un bâton, qui m’a demandé si j’avais du feu. Moment surréaliste. Dommage, j’ai peut-être raté l’occasion de contribuer au message prophétique… Arrivée à la gare, ou un piano a été installé dans le grand hall, j’ai aussi vu un couple venu d’une autre époque d’après le catogan de monsieur et la jupe à volants de madame, et visiblement un peu éméché, dansant la valse au son du piano. Ma journée s’est terminée sur cette scène, hors du temps. Clôture de rideau.

A bientôt, pour de nouvelles histoires fabuleuses…

 

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Badauds sur le Vieux-Port. Crédit photo : Pascaline


Alexandrie : trois regards sur l’Université Senghor

Trois mondoblogueurs sont passés par cette ville, en des temps différents, entre 2012 et aujourd’hui. Ils ont côtoyé de près ou de loin cet antre mystérieux que constitue l’Université Senghor au sein du paysage égyptien, et se proposent de vous la conter.

Pascaline : 

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Un réveil matinal sur Marseille la méditerranéenne, une brise maritime, quelques coups de klaxons, me font penser à Alexandrie sa (fausse) jumelle. J’ai la lourde tâche, confiée par Djossè, mondoblogueur alexandrino-béninois, de vous parler de son Université que j’ai aussi connue : l’Université Senghor d’Alexandrie. Je rassemble mes souvenirs pour tenter de vous en faire un portrait le plus complet possible.

A cette heure-là, il y a un an, je pressais mes pas le long des rues encombrées de Mancheya, esquivant les bouts de trottoirs enfoncés, les marchands ambulants et les passants, pour me frayer un chemin vers mon lieu de travail. Les coups de klaxons successifs, les cris des marchands qui appelaient les clients, les discussions vivent de la rue étaient chargés de me sortir de ma torpeur matinale pour engager ma journée. Avant d’atteindre la corniche où j’allais trouver le chic bâtiment du Swedish institute, je devais passer devant la grande tour de l’Université Senghor. Une énigme alexandrine.

J’en avais entendu parler bien avant d’arriver en Egypte, par une amie qui était passée par Alexandrie quelques années auparavant et qui avait pu rencontrer certains de ses étudiants. Elle m’avait même confié la mission d’aller à la rencontre de ces « senghoriens », une fois arrivée en Egypte. Car, me disait-elle, ils sont très isolés, ils vivent dans une bulle, et ce serait super de monter un projet avec eux, de leur permettre de découvrir la ville, de rencontrer des égyptiens. J’avais un peu oublié sa mission une fois embarquée dans le flow alexandrin, et de Senghor je ne voyais que cette grande tour, découpant le ciel de la ville.

Je la côtoyais donc chaque matin ou presque, sans trop la voir, comme les foules d’alexandrins qui passaient par ici. Car mis à part sa hauteur majestueuse, que l’on voyait surtout au loin mais que l’on oubliait presque une fois à ses pieds, son insigne à l’entrée, et les bus garés en bas de la tour, on ne voyait pas grand-chose de Senghor. On ne savait pas grand-chose non plus. La francophonie avait son université ici, c’était un fait connu, mais de cette institution, on ne savait guère plus.

J’ai pu percer le mystère de Senghor grâce à un commentaire d’Atassé (Gratiano) sur mon blog, fraîchement ouvert à mon arrivée en Egypte :

« Embarqué dans la même aventure de Mondoblog, et surtout dans la même ville que toi!!!! que de plaisir de te lire. Contacte-moi si possible »

Disait-il, et je découvrais avec étonnement que Senghor était parmi la famille Mondoblog. Pour être honnête, à l’époque, je n’avais pas beaucoup plus d’idée de Mondoblog… Je suis donc allée à la rencontre d’un étudiant d’une université mystérieuse, et d’une communauté qui l’était tout autant à mes yeux.

Je pouvais donc rencontrer pour la première fois un mondoblogueur. Je pouvais dans le même temps, enfin fouler le sol de la grande tour et me pencher à ses fenêtres pour admirer la vue sur la corniche, la Bibliothèque un peu plus loin, et aussi le fort Qaitbay de l’autre côté. Je ne sais plus trop si l’angle de vue était aussi large, mais j’ai envie de le penser ainsi, pour vous donner une idée plus précise de la ville d’Alexandrie, embrassant la Méditerranée.

J’avais dû débarquer un vendredi ou un samedi, jour de repos pour les étudiants, et l’université que j’ai connue n’avait pas la vie animée que l’on peut imaginer. Quelques étudiants travaillant dans des salles presque vides, des professeurs et des employés ça et là, voilà tout. Toutefois, j’étais très heureuse à ce moment-là d’entrer à nouveau dans ce « monde » francophone qui m’était familier, alors que le reste de mes journées était une bataille avec mes rudiments d’anglais et mes balbutiements d’arabe égyptien fraîchement appris.

J’étais aussi très heureuse de rencontre ses étudiants, de découvrir leurs programmes et d’échanger avec eux sur la découverte d’Alexandrie qui nous était commune, mais tellement différente à la fois. Lorsque nous parlions de la ville, c’était comme si nous parlions de deux lieux distincts. Je l’avais découvert par le biais de mon volontariat à la Bibliothèque, puis à la fondation Anna Lindh, et par les réseaux et la vie culturelle qui entourent ces deux organisations.

Les étudiants de Senghor découvraient quant à eux l’Alexandrie de la francophonie, la cousine de Ouagadougou, ville également hôtesse du campus Senghor. Lorsque l’on est embarqué dans l’énergie du quotidien alexandrin, les négociations avec les taxis, les négociations avec les marchands, les sorties, la Bibliothèque, les Nescafé bin leben, les shisha tofeha, la corniche, Anna Lindh, les cours d’arabe, on oublie tout cela. On oublie même que la ville est sur le continent africain. Car pour beaucoup d’égyptiens que j’ai rencontrés, l’Egypte est au Moyen-Orient, avant d’être éventuellement en Afrique.

Il n’y avait que très peu de similitudes entre nos quotidiens finalement. Immergée dans la vie culturelle alexandrine, j’avais les informations et le temps nécessaire à la conter sur mon blog. Immergés dans les études et les plans de mémoire, les étudiants de Senghor avaient des priorités toutes autres, et ne devaient pas oublier pourquoi ils étaient là : étudier. Les exigences étaient sévères et la sélection d’entrée tout autant me semblait-il. Pas droit à l’erreur donc.

C’est peut-être pour cela que la tour est si haute : tournée vers le ciel tel un grand baobab, elle ne laisse pas le loisir à ses habitants de se pencher sur ses racines et la vie qui grouille en dessous. Mystérieuse et protectrice, elle veille sur ses rejetons pour les protéger du racisme, et des « chocs » culturels et pour leur permettre de mobiliser leur énergie ailleurs.

Pourtant, cette tour, je l’ai tout de suite reconnue dans l’article de Djossè, alors que j’avais quitté le pays, et qu’une nouvelle année commençait. Tout juste un an après moi, il débarquait à Alexandrie des rêves et des idées pleins la tête. Je découvrais avec plaisir son aventure, et me plongeait dans cette re-découverte au goût si particulier.

Pourtant, la ville que j’avais connue et celle qu’il décrivait là n’était plus tout à fait la même, seuls ses habitants restaient égaux à eux même. Une révolution et un changement de régime passé, comme la suite inéluctable des tensions que j’avais perçues tout au long de mon séjour égyptien. La seule question qui se posait vraiment alors que j’étais en Egypte était la suivante : quand sera la prochaine révolution ? Le temps nous aura donné une réponse après cette période d’incertitude des lendemains. Le couvre-feu, l’armée dans les rues, les portraits de Al-Sissi… je n’ai pas connu.

Alors à bien des égards, j’ai l’impression que Djossè et moi avons connu deux villes différentes. Deux mondes aussi. Pourtant, je prends plaisir à bavarder avec lui de ses découvertes, ses étonnements, ses questionnements, qui me sont tout de même un peu familiers. Ils me permettent de comprendre la ville qu’il a connu, la ville que j’ai manquée, et peut-être la ville que je redécouvrirais un jour. Le temps est fait d’incertitudes, pour Alexandrie comme pour moi. Alors je ne saurais vous le dire avec certitude.

Djossè :

Crédit photo : Djossè Tessy
Crédit photo : Djossè Tessy

Alexandrie, la ville qui m’adopte depuis maintenant plusieurs mois, on peut la raconter aussi différemment que les étonnements qu’elle inspire. Lorsque j’ai eu mon admission à l’Université Senghor en Egypte, le pays ne s’était pas encore remis de la révolution. Comment savoir la situation sur place ? Les médias nous montrent le peuple égyptien dans la rue avec l’armée désormais aux affaires. Les séries d’attaques à la voiture piégée ne pouvaient que donner une vision sanglante du pays. D’ailleurs, certains journalistes vont jusqu’à montrer la profonde dégringolade dans les statistiques de visiteurs de ce pays depuis que le vent du printemps arabe y a soufflé. La destination est déconseillée sur le site du Ministère français des affaires étrangères.

Moi, je tenais encore à me donner des arguments pour y aller. En faisant une petite collecte d’informations sur internet, je suis tombé sur le blog de Pascaline. Elle présentait une actualité égyptienne décalée, avec des illustrations qui donnaient le pays à voir en couleur, malgré l’ambiance délétère.

Je découvre Alexandrie quelques mois plus tard. Une belle ville qui borde la Méditerranée. Le bleu de l’eau et l’azur du ciel lui donnent une certaine convivialité. Seules les fissures des vieux immeubles qui pullulent dans la ville, les ordures dans les ruelles semblent écorcher cette beauté. Foudroyé par cette atmosphère bercée par l’air marin, j’ai oublié quelques instants mes peurs. Je ne me croyais pas dans un pays en crise politique. Et je me suis laissé aller à cette nouvelle romance qui, je l’avoue m’a aveuglé.

Mais au fil des jours, en s’infiltrant dans les marchés, dans le minibus pour se rendre à l’université, en écoutant les mésaventures de certains collègues, je découvre davantage cette ville, sa fièvre culturelle, son dynamisme et aussi les peines qu’elle peut procurer. Je découvre aussi la vie des alexandrins qui parfois me parait étonnante tant les contradictions sont profondes.

Les conseils reçus des anciens étudiants de cette université s’estompent très rapidement dans ma tête. Je me suis rendu compte que le temps dans lequel ils ont vécu même récent, connaît des évolutions surprenantes. Eux, ils ont vécu la révolution qui a fait partir Moubarak. Ils ont vécu l’air Morsi avec toute l’inquiétude de l’islamisation du pays. Moi je suis en train de vivre l’air Al-Sissi. Et c’est comme si les règles changeaient selon les périodes. Les modes de vie aussi. Pour moi, le plus important est de me concentrer sur le but de ma présence ici : étudier.

A voir la belle Bibliotheca Alexandrina qui se dresse sur la corniche, l’envie d’épouser la connaissance se renforce. Ce n’est pas le géant bâtiment de l’Université Senghor, opérateur direct de la Francophonie, qui enlève cette motivation. De la corniche, cet édifice ne passe pas inaperçu. Étudier à l’Université Senghor est le rêve de beaucoup de jeunes francophones. Il s’agit d’une expérience unique de côtoyer plus de dix-neuf nationalités différentes, toutes francophones venues pendant deux années universitaires. La diversité culturelle en marche. De nouvelles amitiés et le partage de cultures qui en résulte accompagnent cette riche formation.

Les auditeurs en Master développement à l’Université Senghor ont des niveaux d’étude aussi diversifiés (allant de la licence au doctorat) que les formations dont ils sont issus : du droit à la microbiologie en passant par la sociologie, la médecine, la documentation, l’économie. Au terme de la formation, c’est plus de deux cent cadres âgés de moins de trente six ans qui vont contribuer au développement du continent africain. Les professeurs viennent de différents coins du monde francophone. Je sais lire leur plaisir d’être invité pour un enseignement, dans leur abnégation. Des moments jouissifs, ils en connaissent au moment de la prise de contact et lors de la photo de famille, à la fin du cours.

L’université Senghor, un vrai symbole de la Francophonie dans un pays arabophone. D’ailleurs, c’est l’une des questions qui a meublé nos discussions entre collègues de l’université, les premiers jours de la rentrée alors qu’on commençait à peine à faire connaissance. Alors, pourquoi l’Université Senghor en Egypte ? Il fallait se rendre à l’évidence que le lobbying politique de Boutros Boutros Ghali, ancien secrétaire général de la l’Organisation Internationale de la Francophonie pour que l’Egypte abrite cette université, a été pour beaucoup. La portée culturelle de la ville Alexandrie aussi.

L’anglais, mieux que le français est un luxe pour les égyptiens, surtout dans la rue. Les difficultés à s’exprimer avec les égyptiens sont devenues frustrantes. Il faut se débrouiller avec quelques bribes d’anglais parce qu’on ne parlait aucun mot d’arabe si ce n’est pour dire merci (shoukran). Tant pis si vous ne savez pas qu’il faut avoir un papier mouchoir sur vous à montrer au vendeur pour l’acheter. Mieux, écarquiller les yeux sur son présentoir pour trouver le produit recherché. Et quand vient le moment de solder sa facture, le réflexe, c’est de prendre une calculatrice pour faciliter la communication.Cette barrière linguistique n’a pas favorisé l’intégration des « senghoriens » avec la culture égyptienne. Ils sont donc obligés de rester dans leur cercle de compatriotes dans lequel ils sont à l’aise, avec quelques liens qui se créent avec d’autres communautés. De ce fait, malgré la forte attraction qu’est capable d’offrir cette ville, il n’est pas chose aisée de se trouver souvent des centres d’intérêt.

On se retrouve alors comme dans une bulle où les seuls lieux qu’on sait fréquenter sont l’université et la maison. Beaucoup plus l’université que la maison. Le premier étant le lieu du déjeuner et du petit déjeuner. C’est le lieu des cours et de la bibliothèque. C’est le lieu des activités culturelles qu’organisent les étudiants. C’est aussi le lieu où se créent les affinités et Dieu sait qu’il y en a beaucoup. Finalement c’est comme un pays dans un autre parce que les étudiants arrivent à créer leur vie dans cette portion de terre qui leur est réservée.

Avec Pascaline, l’entame d’une discussion se fait en arabe dialectal. Nous partageons cette passion alexandrine, que les étonnements, les questionnements, aussi bien les miens que ceux que ses souvenirs ravivent, rendent vive. Il arrive qu’elle décrive des réalités que je n’ai pas connues. Elle décrit d’autres que je connais, que je vis. Mais les égyptiens eux-mêmes n’ont pas changé. Même s’il m’arrive de me lasser de la vie monotone d’ici, à compter les jours au gré du soleil qui se lève, Alexandrie peut me manquer. Elle m’a déjà manqué une fois alors que je suis juste parti juste pour une semaine. Et maintenant, je ne sais comment ce sera la prochaine fois, tant l’envie de repartir pour beaucoup plus longtemps me prend déjà.

Atassé :

Crédit photo : Djossè Tessy
Crédit photo : Djossè Tessy

Le rêve d’un voyage dans une ville si grande par son histoire, « Alexandrie », ne peut se terminer que quand l’on foule avec le pied le sable fin de la méditerranée. En réalité je me demande même si ce rêve est réellement terminé ? Si grand et si haut et là je ne parle pas que de la grande muraille de l’Université Senghor mais aussi de la ville d’Alexandrie.

Mon rêve a pris forme un Dimanche du mois de Septembre il y a deux ans. Ce rêve, je l’ai vécu réellement en deux phases. La première partie de mon rêve je l’ai passé à scruter chaque mètre de la ville d’Alexandrie qui s’offrait à Moi. Où suis-je ? Qu’est-ce que je cherche ici ? Que racontent ces milliers de passants que je croise ? Ces questions ont sans doute rythmé mon rêve qui m’a amené à découvrir le Nil, la Méditerranée, les Pyramides, la langue arabe…. Ce fut à la fois un mélange nostalgique de mon Afrique Noire et un mélange de curiosité et de découverte de l’autre…Cette première partie de mon rêve a très vite pris fin avant que le cauchemar ne s’empare du reste de mon existence. J’ai dit cauchemar ? Bon je dois l’avouer, entre le rêve et la réalité l’écart est sans doute trop grand.

 La deuxième partie de mon rêve court de deux heures du matin à sept heures. En réalité c’est seulement à deux heures du matin que la ville d’Alexandrie semble trouver un semblant de calme accordant un léger répit à ceux qui doivent se réveiller très tôt le matin pour vaquer à leurs différentes occupations. Cette deuxième partie de mon rêve a commencé par le coup de fil d’une amie, d’une mondoblogeuse, sans doute aussi curieuse que moi, mais plus ouverte et plus intégrée. Avec elle, l’aventure fut autrement. La passerelle est désormais créée entre elle qui représente pour moi l’Egypte vu autrement et l’Université Senghor, cette muraille de fer imbattable et imprenable qui reste incompris de tous les Alexandrins, surtout ceux de la basse classe.

 Pour elle et pour moi, le regard est désormais différent. Sans quitter ma muraille de fer, j‘ai pu me promener dans le désert, découvrir les grandes villes du Sud de l’Egypte et surtout revisiter ces multiples salles de classes de l’Université Senghor qui semblent tenir un autre langage. Cette deuxième partie de mon rêve, j’aurais aimé qu’elle dure plus longtemps. Mais malheureusement elle fut la plus courte.

 J’ai redécouvert mon Université. Le ballet incessant de défilement de ces professeurs venus de partout dans le monde et qui faisait de moi un citoyen universel. Le débat toujours engagé avec tous les étudiants provenant de tout l’espace francophone se terminait toujours par cette satanée phrase « chez moi ! » comme si finalement chacun revendiquait sa spécificité dans un monde qui se veut de plus en plus universel.

 Il y en a sans doute dans cette centaine d’étudiants de l’Université Senghor que je ne rencontrerai plus. Il y’ en a aussi de ces visages arabes, que je ne verrai plus… Mais on a vite fait de me dire que dans la vie on ne dit jamais….jamais.

 En attendant que ce « jamais » ne disparaisse de la langue de Molière pour me laisser le droit de rêver à nouveau, je me sens aujourd’hui comme neuf, lavé par le Nil, nettoyé par la Méditerranée et bronzé de mon noir africain par le soleil de la grande bourgade d’Alexandrie.

 Je suis fier de mon Afrique si diversifié, si multiculturelle, si belle et si accueillante.

 Cet article est également disponible sur le blog de Djossè et de Atassé.


A quoi rêvent les jeunes du monde?

Salvador Dali, "Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une pomme-grenade  une seconde avant l'éveil", 1944
Salvador Dali, « Rêve causé par le vol d’une abeille
 autour d’une pomme-grenade 
une seconde avant l’éveil », 1944

Hier soir, c’était la fin d’une belle journée faite de belles rencontres et d’espoirs nouveaux. Alors je me suis laissée aller à la rêverie. Comme « Les rêveries du promeneur solitaire » de Rousseau. Sauf que la solitude ce n’est pas vraiment mon truc, contrairement à lui. Je déteste ça. Elle est ma pire ennemie, ma plus grande peur. Donc hier, comme j’ai vu une lueur d’espoir dans mon paysage un peu trop monotone, monochrome et monocorde à mon goût ces temps-ci, j’ai rêvé.

A quoi rêvent les jeunes aujourd’hui, me direz-vous alors que justement, il ne leur est plus permis de le faire. Alors que télévisions, radios, passants et commerçants, tous se sont mis d’accord pour nous empêcher de rêver. A croire que c’est un complot machiavélique contre la jeunesse de ce pays. Que dis-je, de ce monde. Car où sur cette planète a-t-on le loisir de se laisser aller à la rêverie au point, comme Rousseau, d’en écrire un pavé de 200 pages ? Je ne l’ai jamais fini en fait ce livre… Qu’on me le dise, et je prendrai toute de suite un aller simple pour cette destination magique. Je fais partie de cette génération « crise » qui n’a connu que ce mot et sa faculté à occulter l’horizon de quiconque s’aventurerait à s’y projeter. Crise du logement, crise des subprimes, crise des banques, crise de l’Etat providence, crise de la solidarité, crise du vivre-ensemble, crise du civisme, crise sociale, crise cardiaque, crise d’identité, crise d’angoisse, crise de nerfs, crise tout court.

Je fais partie d’une génération devenue poétesse de la galère, qui cherche, coûte que coûte à trouver du sens à tout ça, et surtout, qui veux croire à tout prix qu’il existe une bonne étoile au-dessus de nos têtes en laquelle nous pouvons croire. Pourtant, ne vous y méprenez pas, malgré mes petites manières et ma tête dans la lune, la réalité du quotidien vient régulièrement me sortir de ma torpeur. Nous sommes nombreux, je crois, dans ce cas…

Je fais partie d’une génération qui a découvert le monde a portée de clic, mais à qui l’on explique sans cesse que cette liberté, cet absence de frontières, de limites, cette facilité à communiquer avec n’importe qui n’importe quand, cette horizontalité qui replace chacun de nous dans sa condition d’être humain sans se soucier de qui il est, d’où il vient, de qui est son père, quelle est sa religion, de combien il a dans son porte-monnaie…que tout cela n’est qu’utopie, et que le monde réel, lui est beaucoup plus cruel et tient compte de tous ces paramètres là. Que ce sont même ceux-là qui font tourner le monde…

Alors hier soir, je me suis autorisé à rêver. Pas de célébrité, de gloire ou d’argent par millions comme on nous le vend dans les pochettes surprises de la Française des jeux. Pas non plus de jeunesse éternelle qu’on nous promet sur les pots de crème anti-rides ou de potion magique vendue chez Go sport. Je n’ai pas rêvée d’une beauté irréelle ajustée à coup de Photoshop que l’on voit sur les affiches du métro et les abris-bus. Je n’ai pas rêvéde voyages au bout du monde dans des complexes hôteliers immenses, exploitants les habitants locaux, et pillant la nature environnante au nom du profit économique.

J’ai juste rêvée d’un petit job, qui me donnerais un peu de liberté pour pouvoir m’en extraire et découvrir le monde à ma manière; d’un « chez-moi » où je pourrais ranger tous mes cartons, mes fringues et surtout mes paires de chaussures, pendant que je voyage; d’un tout petit peu de stabilité qui me permettrait de savoir où je serais dans quelques mois; de projets qui m’ouvriraient un peu plus au monde et contribueraient à apporter mon petit grain de sable pour changer les choses; et de mon amoureux à mes côtés pour pouvoir rêver à deux.

Permettez- moi de rêver. Car ce sont ces rêves qui construiront le monde de demain. Car sans rêve, Martin Luther King ou encore Jiro Horikoshi  n’auraient rien accompli. L’un est mort avant d’avoir vu le sien se réaliser. L’autre a laissé échapper le sien, comme nous l’a conté Miazaki dans « Le vent se lève ».

Car sans rêve, il n’y aurait pas d’artiste, de culture ou de création. Pas de nouveauté, de changement, d’accomplissement. Car sans rêve, il n’y aurait pas ces délicieux réveils où vous avez la certitude que votre journée sera belle et pleine de promesses.

Et vous, à quoi rêvez-vous ?

Je vous propose ici de nous dévoiler vos rêves, qui seront compilés dans un prochain billet si vous êtes d’accord, et… inspirés!

 


De Marseille à Paris : Les gens ordinaires sont exceptionnels

 

Crédit image: Marine Fargetton https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org/
Crédit image: Marine Fargetton https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org/

 Il y a longtemps que je voulais vous décrire mon univers… Il y a des jours, lorsque je me balade dans mon quartier, je me dis que l’on pourrait en faire un livre ou un film tant il y a des scènes déjà cultes, des personnages que l’on ne voit nulle part ailleurs, et qui sont pourtant ici tellement réels. Ils sont exceptionnels. Je me dis alors que si les autres mondoblogueurs arrivent à nous conter leur quotidien avec malice et humour, il doit bien y avoir quelque chose à tirer de cet univers. Je me suis donc jeté donc à l’eau.

Mais lorsque j’ai fais lire mon « chef-d’œuvre » autobiographique à Marnie la dessinatrice, elle a reconnu dans mon extravagante médina (centre-ville) provinciale, sa sweet banlieue pourrie parisienne. Vous aurez donc le privilège (que dis-je l’immense honneur!) de pouvoir admirer ses illustrations et de vous délecter de ses tranches de vie à la suite des miennes.

 

Une journée ordinaire dans mon quartier

Par Pascaline

 

La gare

Gare Saint-Charles de Marseille (crédit photo:Robert Valette)
Gare Saint-Charles de Marseille (crédit photo:Robert Valette)

Surplombant le centre ville, en face de la « Bonne Mère », l’immense cathédrale qui symbolise Marseille, la gare est située sur une colline, entourée par ponts et tunnels qui laissent passer un flux incessant de voitures entrant ou sortant de la ville dans un bourdonnement continu.

Le bâtiment de la gare est voisin de l’université des Sciences et de la cité universitaire. Derrière, on peut voir une série de petites rues parallèles qui descendent vers le boulevard National, une des « grandes artères » de Marseille, commerçante et populaire. Dans ces rues en pente encombrées par les voitures mal garées, se trouve un collège, quelques snacks, beaucoup d’immeubles anciens un peu défraîchis et quelques uns plus récents et « standardisés », des logements sociaux aux résidences étudiantes en passant par un foyer pour femmes. Il y a aussi la résidence sociale, où je demeure.

On dit souvent que les quartiers autour des gares concentrent les différences et les extrêmes d’une ville. Marseille ne déroge sans doute pas à la règle. Je passe au moins deux fois par jour au milieu du grand hall de la gare Saint Charles et je ne me lasse pas d’observer les gens. Des riches, des pauvres, des rebelles, des sages, des beaux, des laids, des gentils, des méchants, des mal-aimés, des mal-baisés, des serviables, des revêches… la liste pourrait continuer à l’infini tant cette gare peut nous surprendre.

Lorsqu’on traverse une gare, on a toujours l’impression de partir en voyage. Tout à l’heure, en montant les escaliers de Saint-Charles, je me suis amusée à deviner ceux qui partaient et ceux qui restaient. C’était l’heure de fin de journée pour les travailleurs et travailleuses : chignons ou brushing, talons et trench pour les dames, mallettes en cuir, manteau noir et souliers vernis pour les messieurs. D’autres sont plus casual, mais tous se reconnaissent par leurs pas pressés pour ne pas manquer leur train, parfois un sandwich à la main.

 

Les passants

En fin de journée, lorsque les travailleurs extérieurs sont partis, restent les Marseillais. Les mères de famille débordées qui n’ont pas toujours eu le temps de s’habiller le matin, les étudiants un peu bobo qui ont toujours l’espoir de changer le monde, les SDF un peu crasseux qui viennent trouver refuge dans ce bâtiment ouvert à tous, ou encore les militaires, qui règnent en maîtres sur la terrasse de la gare, leur arme à la main.

Dans mon quartier, les horaires de travail n’ont pas tellement d’importance, car quelque soit le jour et l’heure, les petits commerces du boulevard National sont ouverts et les habitants discutent au coin d’une rue, se disputent par la fenêtre, chantent parfois, rient, pleurent… Bref, ils vivent, à haute voix et sans fard (aucun).

Parfois, la paranoïa des médias m’envahit et je crois voir en chaque passant à une heure un peu tardive, un tueur potentiel qui cache sa kalach(nikov) dans sa sacoche ou dans les poches de son jean, n’étant pas vraiment au courant des dernières nouveautés en matière d’armement. Parfois j’ai l’impression que mon quartier est sous surveillance, non pas des vidéos de la Police Nationale, mais des miradors qui se cachent derrière les rideaux de chaque maison, et qui au moindre souci, interviennent. Ces femmes feront leur compte-rendu le lendemain, au croisement de la rue, que je pourrais toutefois entendre sans trop prêter l’oreille, depuis ma fenêtre du sixième. Ce doit être la version locale de Radio Galère, la radio marseillaise au nom unique en son genre.

On dit que chaque quartier de Marseille est comme un village avec son esprit et sa personnalité. J’ai habité de nombreux quartiers touristiques , du vieux port à la plaine plus « bobo », en passant par le 13ème, plus populaire. J’y ai vu des différences à bien des égards mais celui là, je ne saurais comment le définir ou même le classer. Il est peut-être un mélange de tout ça. Je pense que l’on pourrait en faire un roman avec tous ses personnages.

 

Les commerçants

Les commerçants? On pourrait en faire une dissertation. Il y a le papy libanais qui tient le cyber-café, mais qui n’y connaît rien en informatique. On dirait toujours qu’il est là par hasard, « j’ai un scanner, si vous savez vous en servir, dites-moi ». Mais on ne peut que lui pardonner, vu sa gentillesse. En fait, sa vraie compétence réside dans le service de renseignements. Personne ne sait mieux que lui si la Poste est ouverte aujourd’hui, si le cyber d’en bas fait les impressions couleurs ou si l’on trouve d’autres épiceries dans le quartier.

Ensuite, il y a le boulanger, qui me sert aussi de relais d’information en cas d’événement dans le quartier: « oui il était là jusqu’à minuit hier, non il n’a rien entendu ». Je vous l’accorde, on a vu mieux comme indication, mais sa présence me rassure parce que je sais qu’il me reconnaît, et il a des pizzas pas chères quand je n’ai plus rien à manger. Il a aussi de très bonnes pâtisseries orientales dégoulinantes de miel.

Ensuite, à côté de la boulangerie ,et en face du discount alimentaire il y a un « bric à brac » dont je ne connais pas le nom officiel (on l’appelle le magasin bleu ou le Lycamobile). Son propriétaire répare les portables, vend des chargeurs et des accessoires, répare aussi des ordinateurs. Mais il fait également des numérisations ou des impressions, lorsque les autres magasins sont fermés. Il faudra donc passer derrière le comptoir, enjamber quelques lignes de fils emmêlés, et s’installer à sa place derrière son ordinateur poussiéreux. Après ça, je renonce à me demander si ses prix sont officiels !

 

Les petits jeunes

Sinon, dans mon roman, il y aurait aussi les petits jeunes du bas de l’immeuble, les « cailleras » comme on dit, garçons et filles agglutinés sur les marches des entrées d’immeubles, ils écoutent la musique sur leurs smartphones et papotent en buvant des sodas. J’ai beau essayer de capter leurs conversations à chaque fois que je passe devant, je ne sais pas de quoi ils parlent, de quoi ils rêvent. On dirait qu’ils ne sont là que pour rendre le tableau plus complet. Parfois, quand je rentre un peu tard, j’en vois un ou deux qui me demandent si j’ai une clope, un 06 ou si je veux du shit :

– « non merci »

– « ok, bonne soirée »

– « à vous aussi »

Je crois que ce sont eux la nuit dernière, que j’ai entendu courir pour faire fuir un clochard éméché qui réveillait tout le quartier. Il insultait de tous les noms d’oiseaux quelqu’un qui, visiblement n’était pas là du tout. Dans ces moments là, je me dis que la misère humaine s’est donnée rendez-vous à Marseille, dans mon quartier. Quand je croise ces âmes un peu paumées, qui avancent l’air hagard et qui parlent parfois toutes seules pour cracher leur haine d’une société qui les a laissé sur le bas côté.

 

Les voisins

Dans mon foyer, il n’y a que des jeunes. De toutes origines. Ils sont sans doute comme moi ici surtout pour le prix du loyer plutôt que pour la vue sur le upper-east Saint-Charles. Parfois, ils me prennent pour une des travailleuses sociales du rez-de-chaussée et me demandent si j’habite ici. D’autres m’indiquent la laverie, on se salue. Pas plus, ici c’est chacun pour soi et Dieu pour tous.

Les garçons du foyer se retrouvent souvent au rez-de-chaussée pour regarder les matchs de foot et les commenter, comme le font les autres habitants du quartier dans les bars du coin qui sentent encore l’odeur du tabac froid datant de l’ère d’avant la loi Evin. Il n’y a alors pas besoin d’avoir de téléviseur pour connaître les résultats. C’est comme ce jour des matchs qualificatifs de la coupe du monde, quand j’ai entendu crier dans la rue, j’ai pensé que la France s’était qualifiée, puis tout à coup, après les klaxons et les youyous, j’ai pu distinguer « one, two, three, viva l’Algérie!». Ce n’était donc pas la France. Pourtant, quelques minutes plus tard, nouveaux coups de klaxons pour me signaler la qualification. Toutes les occasions sont bonnes pour célébrer le Dieu football. Cette nuit là a été un concert de klaxons, me faisant remarquer qu’à Marseille, si vous n’allez pas au football, c’est le football qui vient à vous, que vous le vouliez, ou non.

Donc je crois qu’il y aurait aussi du football si je devais écrire un roman sur mon quartier. Curieusement, il n’y aurait pas de morts sur fond de trafic de drogue, ou de caïds en Mercedes « benz-benz-benz » qui viendraient jouer les durs au bar du coin. J’ai vérifié le lendemain dans la Provence à chaque fois que j’ai vu ou entendu des bruits insolites mais je n’ai pas vu tout cela. Parfois, je me demande si c’est le journal TV, les livres ou les films de Scorcese qui me donnent ces idées là. Ma pratique de terrain me laisse penser que l’on est sans doute plus près des petits trafics des crapules du film « Comme un aimant » que l’on trouve presque sympathiques avec leur côté « loosers » que des gros caïds à la Scarface. Où alors, je n’ai encore rien compris ?!

 

Une journée ordinaire dans un (lointain) faubourg de la capitale

Par Marine Fargetton

 

En tant que dessinatrice improvisée qui s’invente chroniqueuse d’un jour, je vous préviens d’avance que le texte qui suit n’est pas des plus déliés. J’ose quand même espérer que les as de la plume auront un regard bienveillant envers mon stylo hésitant et sauront s’amuser du style bancalo-précaire qui sera le mien pour l’occasion.

Voici donc un aperçu personnel de mon bled, suivez-moi, je vous emmène !

 

Plantons le décor… 

Je vous écris donc du fin fond d’une banlieue parisienne, de celles que l’on qualifie allègrement de dortoir car si ce n’est contempler béatement leurs caractéristiques alignements de béton en barres, on n’y peut faire que dormir. Pas de centre-ville vivant comme décrit par Pascaline, non.

Cela dit j’exagère, car je vis tout de même pour ma part dans un chef-lieu*, avec sa préfecture et son centre commercial. Comme les pôles négatifs et positifs d’un aimant, voilà les deux parties essentielles d’un bon chef-lieu qui se respecte! Il semble en effet que tant que les papiers sont bien faits et l’argent bien dépensé, tout le monde peut dormir sur ses deux oreilles dans sa banlieue dortoir.

Je vous épargnerai pour ma part le récit du foyer pour jeunes, de ces cailleras qui s’improvisent concierges du soir, bonsoir, et du Dieu foot qui vient jusqu’à tes oreilles quoi qu’il arrive même quand tu te calfeutres (comme ma personne) sous ta couette devant un film… Enfin dans mon cas, le foot est déjà chez moi et le mal (le mâle !) est fait ! Si ça braille, c’est à la maison, et j’ai les résultats en direct (chez moi) et en différé (à ma fenêtre).

Oui, je disais, je vous l’épargnerai car cela a été décrit si bien par Pascaline que l’on aurait dit ma propre vie !

 

Donc son centre commercial…

Un lieu des plus animés du dimanche au samedi, bourdonnant telle une ruche où chacun sait ce qu’il doit acheter, où les djeuns s’agglutinent, où les vigiles des magasins s’entraînent au sprint derrière des lièvres faucheurs plus rapides qu’eux, où les demoiselles pavoisent, les autres regardent, les enfants courent et les parents crient !

La routine habituelle d’un de ces centres, où la vie commence à 10 heures et s’arrête à 19, construits pour parer à des rues commerçantes inexistantes dans ces villes pourtant devenues chefs-lieux, avec leur tribunal, leur préfecture.

 

Et puis sa préfecture…

Austère bâtiment ou chacun passe pour immatriculer sa voiture, régler d’obscurs tracas administratifs et aussi renouveler ses papiers. On y va beaucoup pour ça.

Dernièrement ils étaient encore là. Bien après la nuit tombée et la fermeture des commerces dont je parlais, ceux-ci ayant laissé place à un tout autre spectacle nocturne.

Alignés en rangs d’oignon, à même le sol froid de l’hiver (ou sur des chaises pliantes pour les habitués), ils forment leur file d’attente pour faire partie des cent premiers numéros à avoir la grâce d’être reçus le lendemain matin à la préfecture.

La file est organisée, chacun sa place. Qui s’improvisant chef de rang, s’arrangeant pour se faire garder sa chaise, pour aller manger ou se réchauffer… Hommes, femmes, vieux, jeunes sans distinction aucune, si ce n’est l’urgence commune de mettre en ordre ses papiers, de maintenir sa situation « régulière ». La routine habituelle pour ces pauvres âmes refoulées par le ressac administratif.

C’était un dimanche soir en direct de ma sweet banlieue pourrie** , mais chez moi, ce n’est pas Cergy !

* une ville qui est administrativement prééminente dans une division territoriale ou administrative

** Anis, La Chance


Cinéma : Dans l’univers des femmes de Lidoubé

J’avais prévu une autre introduction. Et puis j’ai eu cette discussion avec des amies. Celle où l’on se demande si l’on doit adapter notre tenue vestimentaire à notre quartier, ou si c’est notre quartier (ou plutôt ses hommes) qui doivent s’adapter à notre tenue vestimentaire. Une histoire de femmes, en sommes, qui se posent des questions sur leurs conditions dans  la société où elles vivent. Le  jeune réalisateur sénégalais que je vais vous présenter parle aussi de femmes, qui se posent d’autres questions, dans un autre contexte, mais pour qui, comme pour nous, « la vie n’est pas immobile », du nom de son deuxième film que je viens de voir et que je vous invite à découvrir. 

Le premier long métrage d’Alassane Diago, je l’ai découvert il y a plus de deux ans, lors d’un festival de cinéma africain au musée de l’histoire de l’immigration, à Paris. J’ai retenu son nom et suivi depuis lors ses projets, car ce film m’a profondément touché, dans sa temporalité pourtant inhabituel. En effet, ce n’est pas un film que l’on a l’habitude de voir avec «de longs plans fixes, une bande son très pré­sente[…]de longs silen­ces ».

Pourtant, ce cadre très épuré du film laisse transparaître une émotion particulière. Cette émotion, c’est celle qu’il y a entre une mère et son fils, qui l’interroge sur sa vie et son passé dans une société où la pudeur est très forte et où «  les enfants ne deman­dent pas de comp­tes à leurs parents ».

« Les Larmes de l’émigration c’est l’histoire de ma mère qui attend mon père, parti il y a plus de 20 ans. C’est aussi l’histoire de ma sœur qui, aujourd’hui, attend son mari parti il y a cinq ans et celle de ma nièce qui elle non plus ne connaît pas son père.Avec ma caméra, je repars après deux ans d’absence dans ma communauté à Agnam Lidoubé, un village du Fouta sénégalais, pour comprendre comment et pourquoi ma mère a passé toutes ces longues années à attendre.»

Avec le recul, ce film me fait un peu penser au livre de Fatou Diome « Celles qui attendent », une autre histoire émouvante de femme et d’émigration, parmi celles dont je vous ai parlé. Mais l’originalité du film d’Alassane Diago est de nous montrer l’autre côté du miroir, d’un point de vu familial et affectif très fort, sans aucune intransigeance envers son père absent, qui n’a aucun droit de réponse puisque son silence l’en a privé.

J’ai longtemps cherché à connaître les nouveaux projets mis en œuvre par le réalisateur, curieuse de l’orientation qu’il leur donnerait, après un premier film ou il s’est finalement tant livré, ou peut-être pour y trouver la  happy end  a laquelle je n’avais pas eu droit. J’ai suivi les début d’un projet de film d’abord intitulé « les femmes de Liboubé », qui s’appellera finalement « La vie n’est pas immobile ». Malheureusement pour moi, ce film était jusqu’à présent uniquement diffusé lors de festivals et je n’avais donc pas eu l’occasion de le voir.

Mais alors que j’en avais presque oublié l’existence, je suis tombée dessus par hasard sur internet. Et alors que je m’apprêtais enfin à écrire cet article qui aurait dû être fait depuis longtemps, toute trace du-dit réalisateur avait disparu de Facebook. Plus de page, plus de mur, et toujours pas de site internet.
Je m’interrogeais… Comment se fait-il que dans ce monde, je puisse en un seul clic, retracer les dernières 24h de ma voisine du dessus, ou pire encore, de celle de tous les chats de mes anciens colocs, mais que je n’ai pas une seule info un peu fraîche sur réalisateur dont j’ai apprécié les films. Certe, ce n’est pas Spielberg, mais tout de même ! Il n’avait finalement peut-être pas tout dit dans son film. D’où l’intérêt d’en faire un deuxième, et rien de mieux pour que l’on parle de votre travail, que l’on n’ai rien d’autre à raconter.

Son deuxième film, donc, « La vie n’est pas immobile », nous ramène dans son village du Fouta au Sénégal, comme s’il reprenait la vie là ou le premier film l’avait laissé. Pourtant, le ton n’est pas le même, un brin plus joyeux et revendicatif. On apprend que les femmes du village ont créée une association, pour répondre collectivement à leurs besoins, amplifié par le manque à gagner des hommes qui sont partis. Elles ont planté un jardin pour subvenir aux besoins du village, et de ses hommes. Mais ces derniers ne leurs facilitent pas la tâche, à en croire leur discours. « Les temps ont changés » nous disent elles en revendiquant leurs droits. A travers la caméra, le réalisateur devient le confident des femmes du village, mais aussi le médium qui leur permettra de porter leurs revendications  jusque devant le chef du village. Le narrateur devient tantôt acteur de ce nouveau documentaire, légitimé par son premier film et surtout par son histoire d’enfant du village. C’est comme si ce père absent lui donnait le droit de libérer la parole de ces femmes. Et il le fera avec brio. Je ne vous en dirait pas plus, pour vous laisser savourer la suite.

Vous pouvez regarder le film en entier sur le site de TV5 Monde :


TV5 Monde Diago film


Le marathon des expressions illustrées par Marnie

Le 22 décembre dernier, Marine Fargetton alias Marnie, notre mondoblogueuse dessinatrice lançait le « marathon des expressions illustrées » sur son blog « Un printemps pour Marnie ». Si le marathon n’est pas ma grande spécialité, je me suis prêtée au jeu avec plaisir pour cette seconde étape. En proposant une citation fétiche, j’ai mis au défis Marine de l’illustrer… Je reprend ici son dessin pour vous donner envie d’aller en voir plus, et aussi parce qu’il illustre parfaitement le nom de mon blog.

 

Dessin de Marine Fargetton https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org
Dessin de Marine Fargetton https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org

« Il leva les yeux au ciel et vit les étoiles qui veillaient, immobiles en apparence, car rien dans l’univers n’était vraiment figé. Il se dit que Dieu avait créé les belles étoiles pour nous forcer à lever notre regard. Mais un jour elles se pencheront sur la terre et ne trouveront aucune trace de nous. Le véritable sens de notre existence ne s’incarne que par la sueur et le sang »

 

Lever les yeux et regarder les étoiles. Voilà une image bien poétique sous forme d’invitation, dans cette citation. Prendre du recul, sortir la tête du guidon, ne plus regarder uniquement notre nombril, pourrait être d’autres manières de le formuler.

Le personnage de « Son excellence » dans un cynisme chronique, a sacrifié sa vie pour atteindre une position sociale et professionnelle à laquelle il ne parviendra finalement jamais.

Il vient nous rappeler, par son échec et son non-héroïsme, que la vie est éphémère et que nous sommes finalement insignifiant face à l’immensité de ce monde. Implicitement, cela signifie pour moi ne pas en perdre une miette. La sueur et le sang pourraient être une métaphore, marquant avec force qu’il nous faut toujours faire de notre mieux pour ne laisser aucune place au regret.

Retrouver la suite de ses aventures sur le blog de Marnie!


Un chocolat chaud avec…« Sinath l’africaine »

Sinath à Grenoble. Crédit photo : Pascaline
Sinath à Grenoble. Crédit photo : Pascaline

Pendant les périodes de fêtes, on nous parle souvent de traditions : la tradition du sapin, la tradition de la bûche (celle que l’on mange et non celle que l’on brûle), la tradition du nouvel an… C’est donc la période idéal pour perpétuer une autre tradition de Mondoblog, les interviews de Mondoblogueurs-ses. Et comme c’est la fin de l’année, j’en profite pour remettre les compteurs à zéro, et tenter tant bien que mal d’achever l’inachevé, de me mettre à jour après une année de procrastination, pour en recommencer une nouvelle ! Il me tenait donc à cœur de vous présenter le parcours, les rêves et les projets d’une jeune mondoblogueuse, qui a croisé plusieurs fois ma route depuis Dakar, et qui m’a permis de la découvrir un peu plus lors d’un passage à Grenoble, où elle m’a ouvert les portes de sa nouvelle maison. C’est la petite gourmandise de fin d’année que je vous offre.

 Femme geek

Si j’avais du résumer ce que je connaissais de Sinath en un seul mot à la sortie de la formation à Dakar, j’aurais sans doute dit « GEEK », en l’imaginant, chétive et silencieuse, scotchée derrière son ordinateur aux couleurs d’Hello Kitty. Mais aujourd’hui, je crois que je suis en mesure d’aller au delà de cette image, et de vous en dire un peu plus… 

Sinath à Dakar qui regarde discrètement son smartphone! Crédit photo : Serge Katembera
Sinath à Dakar qui regarde discrètement son smartphone! Crédit photo : Serge Katembera

De son vrai nom Sinatou Saka est depuis cette année, étudiante à Grenoble en Master recherche « Etudes information et communication » dont l’objectif est d’étudier les enjeux de l’information aujourd’hui, dans un monde numérique et de prendre beaucoup de distance par rapport au journalisme, à l’information qui circule, à internet. Elle se définit elle-même comme une « passionnée de journalisme depuis toujours » au cas ou vous ne le saviez pas encore !

 Femme engagée

Mais Sinath a aussi plusieurs cordes à son arc, et son activité Facebook intense masque en faite une participation à de nombreux projets dédiés notamment à l’Afrique en général, et aux femmes africaines en particulier. C’est cet engagement qui m’a particulièrement touché, et son regard sur le monde qui l’entoure, criant de lucidité mais, toujours à la recherche d’explications.

Sinath est membre de plusieurs communautés sur internet et active dans divers projets, dont voici quelques exemples :

Global voice, qui est « un peu le courrier international des réseaux sociaux »

Women and africa, la plateforme positive pour les femmes et l’Afrique

Afrikarchi, qui est le magazine en ligne de l’association du même nom, qui promeut une architecture réalisée avec des matériaux africains, notamment auprès des jeunes architectes.

Maïsha TV, qui est une chaîne de télévision dédiée à la femme africaine

Young beninese leader, qui sensibilise les jeunes filles aux questions de santé reproductive et qui organise la Journée mondiale de la jeune fille.

Avenue 229, une plateforme de blogueurs dont l’objectif est d’initier des personnes à l’informatique et les amener à faire du journalisme citoyen qui n’est pas forcement revendicateur, mais de donner la parole à des « sans voix ».

En 2013, elle a été sélectionné par l’Organisation Internationale de la Francophonie avec 9 autres femmes leaders pour participer à l’exposition francophonie au féminin inaugurée le 20 mars par Abdou Diouf et faisant le tour du monde aujourd’hui.

Sinath à Dakar. Crédit photo : Serge Katembera
Sinath à Dakar. Crédit photo : Serge Katembera

 Femme studieuse

L’envie d’apprendre d’avantage l’a amenée jusqu’en France, où elle a réalisé la différence de moyens mis en œuvre dans l’éducation, par rapport à un système qui tente de se construire au Bénin. Elle y déplore un manque d’accompagnement dans l’orientation des lycéens, des amphi des universités pleins à craquer et des écoles privées qui font ce qu’elles peuvent. Mais aussi et surtout des moyens et un environnement qui rendent les études plus difficiles : la bibliothèque, la quantité et la disponibilité des livres, leur qualité… Ces problématiques, elle les explique peut-être par le fait, qu’à côté du problème crucial que représente l’éducation, il y a aussi le problème de la pauvreté, de la santé… « donc on ne peux pas tout faire ! »

 Femme pragmatique

Sinath est reconnaissante des soutiens dont elle a bénéficié ici de près ou de loin, indispensables selon elle, dans un environnement à cent à l’heure. Être accompagné par des personnes présentes dans la découverte d’un nouveau pays, lorsque l’on doit prendre ses marques, est important selon elle.

On discutera longuement, sur les différences entre le Bénin et la France, les conditions de vie, le niveau de vie, les infrastructures, l’environnement. On débattra sur le prix de la pizza, comme indicateur du niveau de vie d’un pays ou d’une population. Ainsi, une pizza à 10 euros me dit Sinath, « ça fait 6000 Francs chez moi, c’est énorme alors que ce n’est pas cher pour toi ! » Pourtant, je réfute son argument en lui disant que dans ma ville, Marseille, on trouve des pizzas à 5 euros, donc 10 euros pour moi c’est cher !

Ce débat illustre parfaitement la différence de perception que l’on peut avoir d’un endroit à l’autre, sur le coût de la vie, en fonction de notre niveau de vie et de notre pouvoir d’achat, qui sont fluctuants.

Femme charismatique

Au fil de l’interview, nous arrivons vers des questions qui m’interpellent autant qu’elle, et nous cheminons vers une réflexion commune sur le « vivre ensemble », pour reprendre cette expression four-tout qui fût l’alibi de mesures politiques discutables et discutées.

Lorsque j’interroge mon amie sur les points négatifs de son séjour en France, elle me répond :

 «De la même façon qu’il y a des gens super ici, il y a aussi des gens pas très cordiaux ; des gens qui te regardent de haut, par exemple, c’est peut être ma qualité d’étrangère. C’est peut être dans ma tête aussi ! Mais des regards qui te déplaisent un tout petit peu, qui disent : nous on est les plus forts, vous vous êtes des noirs. Je ne sais pas si c’est le fait que je sois noire mais je sais qu’il y a des gens qui me regardent bizarrement ! Je n’ai pas pris longtemps pour m’imposer, mais je pense que plusieurs personnes n’ont pas ce charisme pour le faire. »

 Pourtant, loin de se laisser impressionner, Sinath fait confiance à son charisme pour dépasser ces difficultés : « Je suis consciente de ce que je suis, et le reste je m’en contrefous ! » me dit-elle avec aplomb ! Avant d’ajouter « Je suis tellement de forte personnalité que je doute que quelqu’un ose s’acharner sur moi ! »

Sinath refuse toutefois de mettre tout le monde dans le même panier, et cherche des explications aux comportements qu’elle a pu rencontrer depuis son arrivée en France, qui l’ont questionnée, dérangée, voir indignée. « j’essaie de justifier l’injustifiable ! » me dit-elle. Le sentiment d’être souvent considérée en premier lieu comme une personne étrangère revient dans le discours de Sinath, voire comme une personne noire, masquant ou ignorant tous les autres aspects de son identité, de son parcours, de son « moi », provoquant à la fois réflexion et interrogation, circonspection et indignation…

 Femme africaine

Ainsi, à la difficulté de communication entre « étrangers » et « français » mon amie trouve une explication dans l’ignorance et la méconnaissance mutuelle.

« On a, l’habitude de rester entre nous, nous aussi on a peur d’aller vers les autres : je pense qu’il y a des personnes qui ne connaissent pas l’Afrique et qui aimeraient venir vers nous mais qui ont peur, comme on a autant de réticence à aller vers elles, du coup chacun est de son coté. Une fille m’a raconté qu’elle était curieuse de découvrir ce qu’on vivait en réalité, qu’elle ne croit pas ce que les médias diffusent et c’est son objectif de le découvrir car elle pense que forcément je me balade avec un peu d’Afrique en moi. »

Cette idée est intéressante, mais elle fait surgir une nouvelle question que je pose à Sinath : « Est ce que pour aller vers toi on est obligé d’être passionnée ou même intéressée par l’Afrique ? »

« Non car avant d’être africaine je suis une personne ! Ce n’est pas ça être ouvert, c’est être intéressé, mais c’est une démarche à encourager. »

 Dans le cheminement de notre pensée, nous arrivons toutes deux progressivement à la question de l’intégration.

« Je pense que je me suis progressivement imposée» me dit Sinath, « Je ne me suis pas intégrée, et je ne pense pas que je vais m’intégrer : comme j’aime le dire, ce n’est pas à moi de m’intégrer, c’est à la France de m’accepter comme je suis ! »

Faire ses preuves, préjugés, racisme, les mots sont lancés. Devenus incontournables lorsque l’on évoque les difficultés en arrivant en France, fatigants, vexants, honteux, mais pourtant redondants.

Notre jeune blogueuse pense que tous les étrangers, spécialement les africains, qui viennent en France s’attendent inconsciemment à être considéré différemment voire inférieurs car ils savent ce que diffusent les médias de l’Afrique. « Inconsciemment on a tous des préjugés sur telle ou telle communauté ». Elle croit que lorsque l’on travaille avec les gens, que l’on a un projet en commun et que l’on est mis à égalité, il n’y a pas de problème, car on sait ce que vaut la personne en face de nous.

Et si Sinath me dit qu’elle doit souvent faire ses preuves pour dépasser les idées reçues, je suis persuadée que moi aussi je dois faire cet effort de déconstruire ces images. Nous en concluons donc sur le fait que chacun à son rôle à jouer. Et nous terminons de siroter notre chocolat, heureuses d’avoir pu trouver une issue à notre discussion.

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Le long chemin des harragas vers la « liberté »

19216345Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des migrants. Aujourd’hui, c’est aussi le jour de sortie en France du film adapté de la biographie de Mandela « Un long chemin vers la liberté ». Aujourd’hui, c’est enfin le jour que j’ai choisi pour vous parler d’un film qui m’a marqué, lors des rencontres « Nouvelle jeunesse algérienne » organisées les 22 et 23 novembre par la ville du Kremlin-Bicêtre. Était alors diffusé Harragas  (les brûleurs en arabe), de Merzak Allouache.

Ce titre est volontairement ironique quant au sujet qui suit. Vous allez me dire, on ne rigole pas lorsque l’on parle d’immigration clandestine, car souvent il y a derrière ce terme des histoires de vie douloureuses. Pourtant le réalisateur a réussi à nous faire sourire souvent, rire parfois. Je vous livre ici mes impressions, notées à la sortie de la salle, il y a quelques semaines de cela…

Des films sur les « boat people » il y en a eu d’autres… Mais je ne les ai pas vus. « Trop durs, trop violents » pour la petite nature que je suis, qui ne supporte aucune forme de violence trop « vraisemblable » et sans effets spéciaux au cinéma. Syndrome d’un malaise qui frappe toute la société vis-à-vis d’un phénomène qui ne peut être expliqué par ce terme de « boat people », trop romancé, qui donne l’illusion que l’on parle de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. La découverte d’un « Nouveau Monde » est peut-être le seul point commun avec l’histoire que je vais vous conter.

Je l’ai vu malgré moi. Ou plutôt, je ne savais pas vraiment a quoi m’attendre quand je me suis assise devant l’écran. La première scène où l’on voit les pieds d’un pendu se balancer au-dessus du vide nous laisse deviner la gravité des propos qui vont suivre. Mais il est trop tard, impossible de reculer. Il va bien falloir les affronter, comme il faudra à ma société affronter la question de l’immigration clandestine.

Harragas n’est pourtant pas uniquement un film dramatique qui dépeint une réalité qui l’est plus encore. C’est avant cela un film qui nous fait rire, qui nous transporte avec ses personnages dans leur aventure à la conquête de leur vie et de leur liberté. Liberté vis-à-vis d’une société algérienne qui semble ne pas les comprendre, ou ne pas les entendre. Une société malade qu’ils veulent quitter quel qu’en soit le prix à payer, par ce que « rester serait mourir », alors il y en a qui meurent et d’autres qui partent.

Pour aller retrouver quoi ? On se pose la question tout au long du film, mais eux, Rachid, Nasser dit le beau gosse et sa bien-aimée Imène, mais aussi les bédouins, le barbu et le flic déserteur, ils ne se la posent qu’en voyant arriver les côtes espagnoles, l’Eldorado, la terre promise. Certains n’iront pas jusque-là. Mais tous essayeront jusqu’au bout, jusqu’au prix de leur vie. Tous ces personnages motivés par différentes raisons, plus ou moins sombres, mais qui se retrouvent, comme ils le disent, « les ploucs et les fils à papa » dans la même galère sur le bateau qui les mènera en Espagne, inchallah. Une fois embarqués, ils ne peuvent que s’en remettre à Dieu, car il leur est impossible de faire demi-tour.

Harragas c’est un portait (subjectif) d’une jeunesse algérienne téméraire et inventive, décalée par rapport à son pays en pleine contradiction. Ce pays que je ne connais qu’à travers les récits de ceux qui sont passés de l’autre côté du miroir. Un regard inévitablement biaisé, car lorsque l’on regarde d’une rive à l’autre, on n’aperçoit pas la même côte. Et lorsque l’entre-deux qu’est la mer Méditerranée devient de plus en plus infranchissable, les regards vers l’autre rive sont sans doute encore plus fantasmés.

Mais l’important n’est-il pas de chercher à faire tomber ces mythes comme l’on voudrait faire tomber ces barrières invisibles, mais pas invincibles, insidieuses et humiliantes ?

C’est ici, à mes yeux que les artistes, écrivains, citoyens, ont les moyens d’agir. D’investir tous les espaces de liberté, aussi minimes soient-ils pour venir inviter leurs lecteurs, spectateurs ou auditeurs à s’interroger, et à venir questionner avec eux la réalité qui est la leur, à un moment donné.

Merzak Allouache nous l’a dit au début du film, les retours qu’il a eus de ce film et les problèmes qui s’en sont suivi ont totalement changé sa manière de faire du cinéma depuis  Harragas . C’est pour moi le signe qu’il a pleinement investi son rôle d’artiste, qu’il a défendu un point de vue, contestable et contesté, mais c’est ce qui lui donne toute sa valeur. Il a interrogé  la société algérienne sur les raisons pour lesquelles les jeunes voulaient la quitter, comme il a interrogé la société « Schengen » sur les raisons de son rejet et sa violence infligés à ces jeunes alors qu’ils n’avaient pas encore mis un pied sur son sol. Et il nous a interrogés nous, spectateurs, sur notre position, sur nos émotions et sur nos perceptions de l’immigration.

Et c’est à mes yeux le plus important afin que l’on demeure « des Hommes qui interrogent » comme le disait Frantz Fanon. Car c’est peut-être ici notre quête de liberté….

 


Semaine de la solidarité internationale : quand la jeunesse algérienne se dessine

Vendredi 22 et samedi 23 novembre, à l’occasion de la Semaine de la solidarité internationale, la ville du Kremlin-Bicêtre organisait deux journées consacrées à la « Nouvelle jeunesse algérienne » à la médiathèque l’Echo. Je foulais pour la seconde fois le sol du Kremlin-Bicêtre et partais en « mission » à la rencontre de cette jeunesse afin de la percer à jour.

Crédit image : l'Andalou https://www.andaloussy.com/
Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com

De l’Algérie imaginaire…

Pousser les portes de la médiathèque, c’était un peu comme ouvrir un album de bande dessinée, partir à la rencontre d’une Algérie imaginaire. Une Algérie qui est présente dans nos esprits, mais que l’on connaît finalement si peu. Avant d’entrer, ma connaissance du pays se résumait à peu de choses : son aéroport international, que j’ai exploré dans les moindres détails lors d’une interminable escale en partance pour Dakar, sa compagnie aérienne qui m’a plongée un peu dans l’ambiance du « bled » dès l’arrivée au comptoir, où les vieux « chibanis » tentaient de se frayer un chemin dans la file d’attente approximative, et culinairement parlant, sa chorba et ses galettes Kesra du marché de Noailles à Marseille, la ville surnommée aussi « le petit Alger ». J’allais oublier l’écrivain Yasmina Khadra qui a récemment fait parler de lui pour sa candidature à la présidentielle prochaine et Idir, le chanteur kabyle qui collabore avec les chanteurs marseillais. J’en ai conscience, tout cela est un peu réducteur et très caricatural, mais après tout, rien de mieux qu’une caricature pour introduire un article sur les dessinateurs et artistes algériens en tous genres.

Il était donc grand temps pour moi d’aller rencontrer ceux qui font l’Algérie d’aujourd’hui pour m’en faire une idée plus précise. Et les rencontrer, c’était d’abord rencontrer leurs œuvres, pour s’inviter un peu dans leur monde, qui nous en dit un peu plus sur leur pays…

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Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

…Aux pays imaginaires

 Je me suis donc d’abord immiscée dans le monde d’Ifaz Matoub, réalisateur et producteur de films d’animation qui est aussi le directeur artistique du Festival international de la bande dessinée d’Alger (FIBDA). Il se définit lui même comme un autodidacte, qui dessinait à l’école pendant que les profs parlaient ! Ce qui lui a plutôt bien réussi. Pour lui, le plus important est que « ses courts métrages vivent et soient diffusés », qu’ils se confrontent au public. C’était donc ici une belle occasion, et pour voir si la confrontation était réussie, je suis allée interviewer la jeune Rania, 10 ans, qui était dans la salle avec un ami lors de la projection des trois courts métrages « Trésors d’une autre planète », « Zim et Zam » et « Soussou ». Rania a bien aimé les films, car « ils ne sont pas comme les dessins animés français, avec un seul personnage, ils changent, il y a des extra-terrestres, des humains, des animaux… »

Le monde d’Ifaz Matoub est donc composé de multiples espèces qui cohabitent, se découvrent et se confrontent. Il est aussi composé de langues multiples : arabe littéraire, dialecte algérien et kabyle sont autant de moyens de faire parler ses personnages. Mais que ce soit par les expressions des personnages, les sous-titres ou encore des notions d’arabe, le public aux origines diverses aura compris l’essentiel de l’histoire. Ainsi, comme Rania me l’explique, elle est « moitié algérienne, moitié marocaine » et parle donc arabe avec la famille de sa mère et comprend mieux que moi les joutes verbales des personnages. Ma3lesh ! C’est peut-être une occasion de nous montrer à tous, que le multilinguisme est un atout trop peu souvent valorisé en France.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/

Du monde des dessins animés qui ont pris une dimension supplémentaire depuis le temps (pas si lointain!) où je les regardais, je suis revenue dans la deuxième dimension avec la bande dessinée et le dessin de presse.

Jeunesse marquée, jeunesse douée

J’entrais alors dans les univers de Nawel Louerrad et de l’Andalou, deux jeunes dessinateurs et auteurs de BD qui sont venus nous parler « des cases et des bulles, quand l’Algérie se dessine ». Une jeunesse qui n’a pas sa langue dans sa poche, comme nous l’a expliqué Dalila Nadjmen, commissaire du FIBDA et éditrice (édition Dalimen), qui pense qu’il est « temps pour les jeunes qu’ils s’expriment ». Le FIBDA leur donne cette opportunité en les invitant à venir exercer leur art ou s’y initier. J’ai ainsi appris avec leurs dessins que la BD pouvait être une manière ludique de revisiter les manuels d’histoire poussiéreux et souvent incomplets.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com/

J’ai remarqué un rapport à l’histoire (récente ou plus ancienne) présent dans les travaux de ces artistes, celle de l’indépendance, mais aussi celle de l’Andalousie berbéro-arabo-musulmane, à l’époque de la renaissance de l’Occident en 1492 à laquelle fait référence l’Andalou. Alors que cette histoire algérienne et l’histoire européenne sont inéluctablement liées, tant par l’immigration que par les conquêtes coloniales, je perçois ici encore l’intérêt de se pencher sur ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée, ce qui se crée, ce qui se vit, ce qui se rêve aussi.

Car, ne vous y méprenez pas, les rêves des jeunes algériens ne se limitent pas à la France. Ainsi, l’Andalou base son art sur le côté burlesque des Algériens qu’il met en scène avec humour. Il veut montrer une autre Algérie, celle d’une jeunesse qui n’a pas vécu la guerre d’Algérie et qui est passée à autre chose, depuis cette guerre commune qu’il a dépeinte une fois pour toutes et à sa façon dans le « Burnous de David ». Une Algérie où les élites intellectuelles du pays parlent et s’intéressent plus au français qu’à l’arabe, mais aussi où l’anglais  est en passe de détrôner le français. Un signe des temps ?

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Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

L’année 2012 marquait le cinquantenaire de l’indépendance, et Nawel Louerrad nous explique qu’elle a engendré une « obsession identitaire » qui selon elle est un danger, alors que l’on peut vivre sans s’en inquiéter et dans d’autres bulles. A ces propos, je m’interroge, cet anniversaire a-t’il soulevé autant de questions dans mon pays ? Avons-nous profité de cette date pour nous interroger sur notre histoire, nos identités (fussent-elles meurtrières) ?

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

J’ai parlé plus haut de la richesse de la diversité linguistique, si en France, nous n’en avons pas encore pris conscience, nos invités en mesurent eux, toute la richesse dans leur pays. On le remarque dans les œuvres de ces jeunes artistes qui alternent aisément entre français, arabe littéraire et arabe dialectal en fonction du public qu’ils veulent toucher.

C’est dans ce souci d‘enrichissement culturel et linguistique que la médiathèque l’Echo à inauguré un fond de littérature jeunesse en langue arabe.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

« Si celui dont j’étudie la langue ne respecte pas la mienne, parler sa langue cesse d’être un geste d’ouverture, il devient un acte d’allégeance et de soumission » Amin Maalouf, Les identités meurtrières, 1998.

L’histoire et l’héritage linguistique de cette jeunesse algérienne ont ainsi façonné son nouveau visage, et sa créativité. Mais les nouvelles technologies lui ont permis de l’exprimer, la rendre visible et/ou de la libérer.

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Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

Jeunesse connectée, jeunesse engagée

La table ronde sur « l’E-jeunesse un autre visage de l ‘Algérie » et l’enregistrement de l’émission l’Atelier des médias de RFI, m’a donné a voir une jeunesse algérienne connectée, qui utilise internet comme une porte ouverte. Une ouverture sur un monde où la censure est plus difficile, où le poids des traditions comme les regards se font moins pesants, où des espaces de débat sont ouverts, des espaces de mixité aussi. Pour le blogueur et activiste Abdou Bendjoudi, les nouveaux médias sociaux sont un moyen d’investir de nouvelles formes d’engagement politique, sur lesquels les politiciens n’auraient pas d’emprise. Selon lui, Facebook remplace en Algérie des espaces publics qui sont physiquement inaccessibles.

Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com
Crédit image : Nawel Louerrad https://nawel-louerrad.blogspot.com

Internet créé des espaces de dialogues virtuels auxquels la jeunesse n’a pas accès autrement. Pour Yasmine Bouchène, entrepreneuse créatrice des sites Vinyculture et Jam-Mag, l’objectif est de faire sortir les gens de chez eux et de parler des événements culturels qui se passent à Alger, et des jeunes artistes algériens. Elle insiste sur le fait que la jeunesse algérienne est présente sur Internet mais pas seulement, ceci n’est qu’un support pour investir la rue, faire émerger des initiatives. Cette capacité à toucher les jeunes et à les impliquer dans des échanges qui vont au-delà de ce qui s’apparente à de la drague sur Internet, est soulignée par Adlène Meddi, le rédacteur en chef d’El Watan Week-end. Pourtant, selon lui, la presse écrite a encore une place importante dans la société algérienne, car moins instrumentalisée par la propagande étatique que la TV et la radio et moins soumise aux aléas de la connexion internet.

Lorsque l’on parle de réseaux sociaux et de leur usage politique, on ne peut toutefois éviter la comparaison avec les « printemps arabes » qui ont touché les pays « voisins » en 2011.

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Crédit image : l’Andalou https://www.andaloussy.com/

Adlène Meddi se prête au jeu pour la millième fois, comme il me le dit avec le sourire. Car il trouve que la question de cette non-révolution est normale, puisque des émeutes avaient éclaté avant février 2011 et qu’il y a eu un certain nombre de  personnes qui se sont immolées par le feu. Pour lui, la réponse se trouve dans l’identification de « l’ennemi à abattre » qui est très difficile en Algérie. Il m’explique que la corruption rend les contours du tableau flous, entre pouvoir et société civile, puisqu’une partie de celle-ci a été « achetée » par le pouvoir. Par ailleurs le contexte historique qui a instauré la lutte antiterroriste a donné des moyens importants à l’armée et aux services secrets, alors que le régime révolutionnaire est aussi très difficile à contester.

Après ce tour d’horizon, j’ai donc perçu une Algérie d’aujourd’hui pas totalement détachée de l’Algérie d’hier, et les remous de son histoire récente se font encore sentir dans le discours et les actions d’une jeunesse qui n’aspire qu’à s’exprimer, par tous les moyens possibles. Une jeunesse qui use et abuse de sa créativité pour « créer de l’empathie avec un personnage ou une situation pour faire comprendre des choses ». Une jeunesse aussi consciente de la censure et des grands tabous religieux et qui a appris à jouer avec.

La jeunesse algérienne que j’ai rencontrée m’a donné à voir un autre visage de l’Algérie que cette caricature que je vous ai d’abord dépeinte. Une vision faite de gros traits sans aucun doute, mais qui m’a surtout donné envie d’aller creuser plus loin, de l’autre côté de cette Méditerranée mère de bien des maux, pour venir les affiner.

Dans le prochain article, je vous inviterai donc à la traverser…

 

 


Regards croisés sur l’immigration

Le drame de Lampedusa en a beaucoup interpellé  à travers le monde notamment les mondoblogueuses qui ont ainsi décidé de mettre en commun les expériences et les plumes pour parler de cette « immigration » sur plusieurs angles, vue de leurs pays :  avec Marine Fargetton, bloggeuse dessinatrice et Pascaline de France, Faty du Mali (pas Fatou la malienne, ce film que je n’ai pas aimé du tout !) et Danielle Ibohn et Josiane Kouagheu pour le Cameroun.

  1. Marine Forgetton illustre tout l’éventail d’émotions qu’éprouvent les parents des immigrés
    L'immigration vue d'Afrique.
    L’immigration vue d’Afrique.

  2. L’immigration ne serait-elle pas une histoire sans fin ? question introductive de Pascaline Breuil, mondoblogueuse de la 2e saison qui était ancienne expatriée en Egypte.Telle est ma question lorsque je regarde mon pays, et ma ville, Marseille dont on dit un temps qu’elle fût porte de l’Afrique, construite par l’immigration. La porte semble aujourd’hui fermée, ou à sens unique. Et comment peut-on, dans ce contexte, imaginer une mer Méditerranée qui serait « notre mer » (mare nostrum) à tous ? Une mère est-elle capable de laisser mourir ses enfants ?…Du côté de cette mer où je vis désormais, l’immigration, c’est l’immigration choisie dont parle Fatou Diome, dans son livre Celles qui attendent (Flammarion, 2010) :«Qui choisit ? Comment ? Et pourquoi faire ? Répondre à ces questions […] c’est jeter une lumière crue sur les rapports Nord/Sud de notre époque. »Mon expérience de l’immigration, c’est cette mère de famille malade et menacée d’expulsion que j’ai rencontrée . Il y a deux ans de cela. Un groupe de soutien s’était  formé, épaulé par le Réseau éducation sans frontières, qui se bat pour la régularisation des enfants sans papiers scolarisés et de leurs familles, et qui lutte contre les lois « injustes et intolérables ».L’immigration pour moi, c’est aussi cette étudiante chinoise, que j’ai connue un peu plus tard. Elle venait d’obtenir son diplôme, mais continuait de s’inscrire à l’université pour pouvoir rester en France, travailler pour une entreprise dans un stage qui n’avait que le nom et le «tarif». Elle vivait à Paris, mais avait fait sa demande de renouvellement à Marseille car les délais d’attente étaient moins longs et son dernier visa d’étude allait expirer. C’était à l’époque où le changement de statut entre visa étudiant et visa de travail avait été rendu plus difficile par la circulaire Guéant, du nom du ministre de l’Intérieur de cette époque peu glorieuse.

    L’immigration pour moi, c’est aussi cette homme arménien, qui au travail m’avait appelée paniqué, car on lui demandait 200 euros de timbres fiscaux pour renouveler sa carte de séjour. « Vous devez faire erreur sur la somme Monsieur ce n’est pas possible !» lui avais-je répondue, naïvement, avant de constater que c’était effectivement la somme demandée pour une demande de carte de séjour de 10 ans et de me raviser.

    L’immigration pour moi, c’est enfin cette amie d’origine algérienne, pourtant française à qui l’on demande régulièrement d’où elle vient, comme si elle descendait de l’avion à chaque instant. C’est cette autre amie américaine, sans statut et donc sans droit de travail en France, car  il y a 7 ans son dossier de demande de visa a été « égaré ». Aujourd’hui, rien ne prouve cette demande et son séjour en France depuis cette date. Mes exemples sont si nombreux. Car l’immigration ce n’est pas ma vie et ce n’est pas mon expérience, pourtant c’est celle de mes proches, mes copains, mes voisins aussi. Comment pourrais-je ne pas m’y intéresser ?

    L’immigration à Marseille, je la croise tous les jours dans mon immeuble, qu’elle soit de première, deuxième ou troisième génération. Qu’elle soit ici pour étudier ou pour travailler. Qu’elle soit algérienne, tunisienne, comorienne ou encore camerounaise. Elle a plusieurs visages et recouvre de multiples réalités. La cohabitation n’est pas toujours facile ; ainsi j’entends parfois au détour d’un couloir que ce sont les nouveaux arrivés qui profitent des aides sociales et ne veulent pas travailler. Les comparaisons faciles : « Ma mère est algérienne, pourtant elle a toujours travaillé quand nous étions petits ». Alors quand je dit qu’il ne faut pas généraliser, que la réalité est bien plus compliquée que cela, on me répond que je suis jeune et naïve.

    Pourtant, ce que nous avons en commun, ma voisine et moi, c’est justement cette jeunesse de moins en moins naïve quant-à notre réalité, et la précarité de notre situation.

    « Blanche neige » et « Shéhérazade » ont toutes deux troqué leur palais contre un logement social.

    Alors si moi aussi je pensais à émigrer…  où l’herbe serait plus verte et l’économie plus florissante pour rêver de meilleurs lendemains… qui viendrait me le reprocher ?….

    3. Faty, le  Mali et l’immigration

    Les statistiques sur l’immigration  au Mali peuvent paraître déroutantes, mais elles sont loin d’être exhaustives si nous tenons compte de cette immigration clandestine qui déverse, chaque jour des nouveaux candidats au départ pour l’ Europe.

    Au début, les Maliens partaient plutôt vers la Côte d’ivoire, le Ghana, le Gabon… les pays africains plus développés qui offraient une meilleure alternative que la migration des ruraux vers les centres urbains. Le gain est beaucoup plus important, même  s’il faut mettre plusieurs années pour revenir – si jamais retour il y a !-

    C’est avec la participation  des « tirailleurs sénégalais » – qui n’étaient pas que des Sénégalais-  aux guerres mondiales que les frontières du monde se sont ouverts aux Maliens. Ils découvrent un monde grand et les devises étrangères – qui donnent tellement de francs maliens une fois convertis-, notamment  le dollar, les monnaies des pays arabes et c’est parti pour une ruée vers l’or.

    Une ruée bien légitime quand on se permet de jeter un coup d’œil sur les indices de développement du pays qui n’arrive pas à  prendre son envol malgré les efforts– si minces qu’ils en sont devenus invisibles- de l’armée qui s’est installée au pouvoir après avoir mis, Modibo Keita , son panafricanisme et ses idées teintées – d’autres diront noircies- de socialisme rêveur, au cageot.

    Beaucoup de Maliens sont partis vers d’autres cieux et une culture de l’immigré est même née chez certaines ethnies comme les Sarakolés (également appelés Markas au Mali qui ont une prédilection pour les USA, l’Europe), les Songhoïs  (Niger, Côte d’Ivoire, Ghana)… Ces départs vers l’Eldorado saignent des zones entières du Mali. La région de Kayes en est l’exemple palpant : toute la société est axée autour de cette immigration qui la dépouille de ses bras valides, mais heureusement que les partants gardent un lien fort avec leurs familles qu’ils continuent à entretenir par des envois d’argent incessants.

    Ces immigrés gardent un lien fort avec racines et ils reviennent d’habitude prendre femme au village. Des femmes dont la vie est peu enviable. Peut-on être heureuse de construire toute une vie autour d’envois d’argent et de coups de fil ?

    Certaines femmes ne voient « les élus de leur cœur » (si nous nous permettions d’effacer de nos mémoires les rôles joués par les familles dans ces mariages arrangés où des femmes n’ont aucun mot à placer.) que par intermittence, le temps d’une visite quand ils arrivent à se faire régulariser. Sinon, la séparation peut durer plusieurs années. Cela n’empêche pas certains de ces immigrés de se marier à plusieurs femmes au pays et d’en avoir une dans le pays d’accueil . C’est le cas de ceux, évolués –je veux dire instruits, je ne fais jamais dans le racisme moi !-qui ont compris qu’ils pouvaient avoir des papiers plus facilement en s’entichant au mieux avec une africaine régularisée, au pire avec « une blanche »). Sinon, les Sarakolés – qu’ils ne le prennent pas mal- peuvent rester en France longtemps en vivant au foyer et en économisant tout ce qu’ils gagnent pour envoyer à  père, mère, femmes, frères, sœurs restés au Mali, ne pensant qu’au bonheur qu’ils éprouveront pendant les séjours au pays.  Ils trouvent parfois les femmes mères de plusieurs enfants, qui bizarrement ne leur ressemblent, mais ne disent mot.  Je me rappelle de ce gag que j’ai entendu à la radio :

    Un jeune Sarakolé qui appelle son père pour se révolter «  mais papa comment pourrais-je être le père de cet enfant, je n’ai jamais vu ma femme ? » et le père de lui répondre : «  Mon fils, quand tu naissais, je ne connaissais pas ta mère aussi ! » alors envoie l’argent du mouton et tais-toi.

    Ils Acceptent avec humilité la situation et repartent le cœur plein de souvenirs qui leur permettront de tenir face aux durs hivers et travail qui les attendent quand ce n’est pas le racisme.

    Oui, le racisme est l’un des problèmes que rencontrent les immigrés. Il est partout présent de Paris à Los Angeles en passant par tripoli ou Rabat.  Ce n’est pas facile d’être noir  dans un pays où la majorité des habitants sont plutôt pales de teint. Serge Katembera a bien eu un coup de gueule face à l’assassinat d’un jeune congolais au Brésil en envoyant une émouvante lettre à la présidente à Dilma Rousseff, mais Mamady Keita aussi parle de ce racisme si présent en Ukraine, Limoune en Tunisie,  Jean-Michel Hauteville en France, Salma Amadore au Cameroun, Boubacar Sangaré du Mali… et aussi ces jeunes maliens qui ont traversé le désert pour l’Algérie frontalière du Mali en ayant d’abord opté pour une immigration clandestine vers l’Europe par les eaux tueuses de l’océan avant de trouver du travail plutôt bien rémunéré –quand ils comparent au Mali où ils n’avaient rien- et d’y rester.

    Ils sont au nombre de 6 et ont emprunté le même car que moi, pour Bamako. Ils sont venus d’Algérie par Tamanrasset (ville frontalière algérienne). Ils sont emplis d’amertumes. Ils ne savent pas que j’ai déjà commencé la rédaction de ma contribution à ce billet commun. La ligne de mon article en a été transformée car je me voyais juste surveiller le racisme.

    « Ces souraka (arabes) ne sont pas des humains, non, en fait c’est nous qui ne sommes pas des humains pour eux. Ils  prennent les noirs pour des ânes. Pas parce qu’ils pensent que nous ne sommes pas intelligents (même cette hypothèse aussi est possible) mais surtout parce que nous eux, nous sommes des animaux qui ont la peau très dur et endurent tout. Quand ils te donnent un travail qu’un homme normal fait en 3h, ils veulent que tu le fasses en 1h et les voilà qui te crient dessus  « yalla !yalla ! ». »  Me confie celui qui a été un voisin si serviable pendant les 30 h qu’ont duré notre voyage de 1200 Km entre Gao et Bamako, Moussa.

    Voyant l’un d’entre eux trainer la patte –je veux dire le pied, oubliez le bourricot !- je me suis empressée de lui demandé si c’était parce que son pantalon – Adidas, s’il vous plait – tombait trop  et laissait voir un caleçon d’une couleur orangée.

    –          non, grande sœur – ce nom me colle presque à la peau- ce sont les arabes qui nous ont bastonnés là-bas

    –          pourquoi ?

    –           oh juste parce qu’ils ne nous aiment pas et n’acceptent pas que nous puissions gagner de l’argent chez eux, pourtant eux préfèrent ne pas travailler et  crier contre leur gouvernement.  Ils sont entrés dans notre dortoir la nuit vers 2h du matin pour nous battre et prendre tout ce que nous avions. Beaucoup ont fini à l’hôpital, nous avons choisi de revenir au Mali avec ce que nous avions caché ailleurs. Sinon ils nous ont tout pris, télé, téléphone, vêtements de marque…

    –          Vous êtes rentré sans problème ?

    –          Non, cela décourage de voir la conduite des hommes de tenue sur les route au Mali, de l’Algérie à ici, j’ai pratiquement perdu tout ce qui me restait. il faut arranger tous les postes. J’ai une télé écran- plat que j’ai eu envie de jeter dans le désert tellement ils m’ont fatigués. Si je savais j’allais garder l’argent pour l’acheter au Mali.

    –          Tu y retourneras ?

    –          Oui dès que ça se calme. Je vais prendre le temps de manger -dépenser- ce que j’ai-

    –          Malgré tout ca ?pourquoi ?

    –          Parce que je n’ai pas étudié et que je ne trouverai pas de travail aussi bien payé que là-bas à Bamako. Je n’ai pas de choix, sauf si je fais comme les amis, je me contente des miettes que mes frères me donneront et que passerai mon temps à faire du thé devant notre concession. Je n’ai pas le choix ! IL faut que je reparte.

    Comme ce jeune Abdoul, beaucoup de jeunes maliens se retrouvent sur les routes de l’immigration clandestine pour échapper au chômage, par fierté. Chaque jour. Combien meurent dans le désert du Niger en cherchant à rejoindre la Lybie, l’Algérie ou la Tunisie ?

    4.  « Douala, cet autre eldorado » par Josiane Kouagheu

    Deux chèvres broutent. Un coq picore. Une poule, accompagnée de ses poussins, va à la quête des graines à picorer. Des oiseaux gazouillent. Je regarde tout ce spectacle de la gare routière de mon village. De ce qui tient lieu de gare ici. Un banc couvert de poussière, deux régimes de plantains, juste à côté. Mais ce qui m’intéressait n’était pas ce spectacle. C’était ce que je lisais dans le regard de ces jeunes qui nous observaient. Ils savaient que nous allions à Douala. Ils étaient venus nous dire au revoir. Comme toujours, ils étaient surtout venus nous entendre leur raconter nos derniers souvenirs.

    Douala, cette belle ville, pensaient-ils. Pour eux, j’allais où il y avait de l’avenir. Chacun d’eux rêvait de Douala comme nous, habitants de Douala, rêvions de découvrir Paris, New-York, Berlin, Rome, Londres, Barcelone… Leurs regards sont pleins d’étoiles. Pour eux, Douala était où ils pouvaient avoir un bon boulot, un peu d’argent, une vie en rose quoi. Au village, le jeune cultivateurs « Man », par exemple, allait au champ le matin, buvait du vin de palme le soir avec ses amis au club « matango », cet espèce de bar villageois. Il regardait la télévision de temps en temps chez le grand boutiquier du village. « Monotone, moche… cette vie », disait-il dans son cœur. Il n’y avait même pas d’électricité par ici.

    Et Douala devenait leur eldorado

    Je l’ai lu dans leurs regards. Lors de nos discussions, ils m’observaient toujours, comme si j’étais une certaine « idole », un peu comme nous, devant les « mbenguistes », ces camerounais qui vivent en occident. Je viens de Douala, voilà ce qui les intéresse. Je peux les aider à y arriver. Ils me disent alors qu’à Douala, ils trouveront un emploi, n’importe lequel. Ils pourront tout faire. Ils me disaient avec assurance, qu’il y avait du travail pour tout le monde. Et au fil des années, certains ont réalisé ce rêve.

    Ils sont arrivés à Douala. Plusieurs sont devenus des voleurs. Ils ont été tués dans « leur » Douala. D’autres sont des enfants de la rue, des prostituées. Certains ont réussis. Mais au finish, la majorité a su que Douala n’était pas cet eldorado dont ils rêvaient. Ils ont déserté leur village, cet espace plein de terres vierges, qui appellent des cultures. On peut le transformer en richesse. Mais, Douala attire. Douala, c’est leur eldorado.

    Entre l’exode rural et l’immigration, le Cameroun perd ses fils

    5. Danielle Cynthe Ibohn ou l’immigration culturelle

    Je suis censée écrire sur l’immigration depuis une semaine. Mes copines mondoblogueuses étions biaisées par ce qui se passaient à Lampedusa. Alors nous décidâmes d’en faire un billet. Ceux qui partent et ceux qui restent. Je vais être sincère. Mon point de vue sur ce thème ne sera pas objectif. Je suis issue d’une tribu qu’on appelle les « Sawa » au Cameroun. Nous sommes le peuple de l’eau. Nous y vivons, nous nous nourrissons. Chez nous, l’ascension sociale se définit par le nombre d’immigration que fait votre famille en Europe. Je suis sûre que si vous recensez le canton « sawa » 70 % ont immigré et 30% restant cherche à y aller. Alors lorsqu’on parle d’immigration, je ne sais pas comment trop réagir.  Cependant, une chose mets tout le monde d’accord ; C’est une question culturelle l’immigration. Si pour bon nombre, elle est liée à des difficultés financières. Chez nous, ça n’y est pas forcément. Le fait d’y être est un exploit, une ascension dans la société « sawa »

    Je parlerais  comme une anthropologue en immersion dont le sens de l’objectif ne peut être présent car en immersion depuis 25 ans. Pendant des années, une jeune sawa peut économiser juste pour avoir son ticket pour « mbeng » la plupart du temps, la famille ne sait ce qui se passe là-bas. Mais une chose doit être certaine. Il faut au moins un Western union par mois. Aucune fête de fin d’années ne se passe sans eux. J’aime ma tribu, mais bon. Je ne comprends cet engouement pou l’Europe. Ce n’est pas impossible pour eux de braver Lampedusa. Mais ça c’est tabou. Comment on y va, comment on y vit. Tout ce qui compte c’est l’apparence. L’arrivée est majorée par un coup de fil dont on informe le voisinage à tue tête en y répondant. Plus moderne, aujourd’hui il se traduit par les réseaux sociaux et facebook où sont affichées les photos de l’arrivée.

    Na mala o Franci , j’irai  en France

    Na mala o Europa, j’irai  en Europe

    J’épouserai  un blanc et j’aurai  des métis

    Qui sait ? Ils disent tous que c’est dans nos gènes l’immigration

    Allez Son’aponda !


Marseille: IAM ou les papas du rap français à la maison

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Crédit photo : Kelly Julio

Il  y a des rendez-vous que l’on ne peut pas manquer. Celui-là était l’un d’eux. Même après un avion raté, une fête de Tabaski passée et une folle envie de rester à Dakar, je l’ai honoré.Trois ans que j’attendais ça. IAM – en concert – à Marseille –  vendredi dernier. Sans doute le dernier…

La citée phocéenne devait encore être ma ville ce jour là, comme elle était encore la leur, pour un Dernier coup d’éclat.

Pour cet art brut fils des bas fonds, poésie de ces temps, résistant aux vents violents, martelant mes tempes de ces tas de phrases torturées, ces feuilles raturées (« Dernier coup d’éclat »).

Le destin en a voulu ainsi. J’ai finalement réussie à prendre un autre avion pour arriver en temps et en heure jusqu’au Dock des Suds de Marseille où avait lieu le concert.

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Crédit photo : Kelly Julio

Étrangement, je n’étais pas la seule ce soir là. A croire que le tout-Marseille s’était donné rendez-vous, tant la salle était bondée. Je ne m’étais pas préparée à un tel bain de foule à l’accent chantant. Le temps de réaliser où j’étais et je me suis laissée embarquer par le flow

Car ils nous l’ont prouvés, ceux qui dansaient le MIA au début des années 80 en survêtement Tacchini et Mocassin Nebuloni n’ont rien perdu de leur classe et de leur verve. Si leur dégaine de Bad Boy de Marseille s’est faite plus sage, c’est peut-être que les papas du rap français ont depuis roulés leur bosse à L’école du Micro d’argent, comme l’indique le nom de leur troisième album, et à l’école de la vie.

La bande passante – 20/04/2013 – 1ère partie

(19:29)

Ils ont commencé à rapper en 1988, soit très peu de temps après ma naissance, en y réfléchissant bien. Pourtant, lorsque j’écoute leurs premiers titres,  Je danse le MIA, Red Black and Green, Planète Mars, Nés sous la même étoile… c’est comme si j’avais l’impression qu’ils incarnaient parfaitement ma génération.

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Crédit photo : Kelly Julio

Et j’ai aussi eu cette impression vendredi soir en les écoutant en live, comme s’ils représentaient exactement ce que le rap français est à mes yeux… Loin, très loin de ce que j’entends parfois aujourd’hui à la radio. Choc générationnel, On y est. C’est avec ce genre de constat que l’on se rend compte que l’on vieillit, que l’on n’est plus à l’âge des jeux de bille et des goûters aux pains au chocolat. Comme en regardant nos idoles d’hier nous parler des problèmes d’aujourd’hui.

« Désintégration » le mot est lâché par Akhenaton, lors de la présentation de leur album sur RFI, en parlant de la phrase qui a inspiré le titre de la chanson Pain au chocolat. Elle était de Jean-François Copé, mais il y en a eu tant d’autres, de ces phrases assassines de nos politiciens, venant pointer du doigt les français d’origine coupable, pour un coup médiatique destiné à relancer leur place dans les sondages ou a capter les voix de leur électorat le plus à droite. Les conséquences sont désastreuses et c’est ce qu’a voulu expliquer IAM avec ce morceau.

La bande passante – 20/04/2013 – 2ème partie

(26:30)

Dénoncer, ils essaient de le faire sans trop d’amertume pour ne pas devenir aigri, par les histoires de vie, le contexte de Marseille des années 80 dans lequel ils ont grandi, les contextes familiaux et les parcours de certains parfois difficiles… autant d’éléments qui les ont poussé à écrire. Ainsi, ils n’ont pas hésité à monter au créneau pour dénoncer les dérives d’une ville qui s’est notamment fait connaître grâce à la culture du Hip-Hop mais qui l’a oublié dans sa programmation de capitale européenne de la culture 2013.

Un ville dont ils sont fiers d’être les enfants, souvent stigmatisée et qui s’enferme parfois elle-même dans une image de mauvaise-fille, par la rumeur et la désinformation. Une ville où assis sur les terrasses on cherche les yeux dans les étoiles où est la foi pour ne pas mettre les voiles (« Notre Dame veille »).

Si parfois leur encre se fait amère, ils essaient de l’adoucir avec des notes d’espoir ou de dérision. C’est un peu l’équilibre que j’essaie de trouver dans mes textes. Le parallèle est facile, je vous l’accorde, car ils jouent avec les mots comme j’aimerais pouvoir le faire et ils demeurent toujours un exemple à suivre, par leur parcours mais aussi par leur intégrité et leur engagement.

La bande passante 3 – 20/04/2013 – 3ème partie

(19:30)

Cet album « Arts martiens », avant le dernier qu’ils sont venus nous présenter à la maison, est comme le signe de nouveaux combats pour lesquels ils ont repris le mike, « par devoirs envers leurs enfants ». Comme si leur dernier retour signifiait qu’il y a encore des choses à dénoncer. Trop peut-être.

L’inspiration, ils la trouve dans l’injustice, le racisme, la corruption, les malversations… Tristes réalités toujours d’actualité vingt cinq ans plus tard, pour eux ou pour leurs petits frères.

La bande passante 4 – 20/04/2013 – 4

(26:31)


A Marseille et ailleurs, on est encore aujourd’hui loin de l’idéal de la France Black-Blanc-Beurre de France 98, lorsque Zizou était notre héros national et que son portrait trônait encore sur la façade de l’immeuble de la corniche. Parce que depuis, il a été recouvert, et dans le même temps s’est enfoui le mythe d’un pays qui n’aurait pas de couleurs. Si ce changement de cap, comme un changement de siècle, on le ressent dans les textes d’IAM, c’est aussi ce que l’on perçoit dans le regard des gens, lorsque l’on s’éloigne un peu de l’hexagone.

Loin de jouer les moralisateurs, les rappeurs d’IAM aux noms de pharaons viennent nous conter leurs expériences, poser leurs questionnements et nous expliquer les raisons de la colère. 

Parceque peace love et having fun (paix, amour et plaisirs) sont devenus bitch, drogues et heavy guns (chiennes, drogues et armes lourdes). Rares sont ceux ceux qui ont des roses à offrir. Bienvenue[…] où le sens de la vie s’est égaré dans la brume, où les petits ne savent pas poser un nom sur un légume. (« Les raisons de la colère »)

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Crédit photo : Kelly Julio

Alors lorsque nous aussi nous cherchons des réponses, il est bon d’écouter leurs textes et d’y puiser les ressources pour avancer. Et à mon sens, c’est ici que l’on reconnaît les grands artistes des modestes chanteurs, lorsque leur art est non seulement beau et puissant, mais surtout lorsqu’il agit sur le spectateur qui ne se contente pas de l’écouter, mais plutôt de le vivre.

Les lumières se sont éteintes sur le Dock des Suds, mais les artistes nous ont laissé avec leurs textes, pour aller y puiser l’inspiration et exorciser notre nostalgie d’une époque révolue… Alors qu’une autre est encore à construire.

On pense plus à demain qu’hier. En quête du bonheur suprême, chacun se bat pour lui. Certains l’espèrent du fond de leurs prières. Un beau jour il débarque évident comme l’évidence et devenu tellement rare. (« Après la fête »)

Le dernier album d’IAM sortira le 18 novembre 2013  et leur premier extrait « Si j’avais 20 ans » sera disponible ce 25 octobre ici.


Staff (é) Benda Bilili… Très très fort !

Crédit image : www.staffbendabilili.com
Crédit image : www.staffbendabilili.com

Samedi soir, à l’usine, à Istres, j’ai assisté à un concert. Un concert époustouflant. Un concert d’un groupe hors du commun. Ceci pourrait être la phrase d’accroche, pour vous conter ma soirée. Mais pour vraiment que vous compreniez le sens de celle-ci, il me faudra remonter bien plus loin pour dérouler le fil de l’histoire.

Cette histoire-là va vous emmener très très loin et fera très très fort. On s’envole pour Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, ou ex-Zaïre, comme certains l’appellent encore aujourd’hui. On entend peut-être trop peu parler de ce pays, mis à part pour parler du conflit au Nord-Kivu, ou plus récemment, des athlètes volatilisés lors des derniers jeux de la Francophonie. Ce n’est pas ce genre d’histoire que je m’en vais vous conter.

Laissez vous porter par l’ambiance… On est dans les rues de Kinshasa, en 2005, et l’on rencontre Papa Ricky, Coco, Théo, Roger et tous les autres. Ceux-là font de la musique dans la rue, avec des « instruments rafistolés » (cf. RFI) et ils le font bien. Malgré la galère, malgré le handicap. Car, on l’oublie très vite en les voyant jouer, mais la moitié des membres du groupe est handicapée, des suites de la polio, maladie qui les a forgés, et qui a aussi inspiré les paroles de leurs premières chansons.

La suite de l’histoire est assez inattendue. Certains médias la qualifient de « conte de fées » mais comme cela fait longtemps que je ne crois plus aux fées, je préférerais l’expression du journal l’Humanité :

«Staff Benda Bilili incarne une résilience tissée de combativité »

La résilience, en écho au terme popularisé par Boris Cyrulnic, le « pape »  de tous les travailleurs sociaux, qui signifie « La capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress. […] La résilience entraîne : la défense-protection, l’équilibre face aux tensions, l’engagement-défi, la relance, l’évaluation, la signification-évaluation, la positivité de soi, et la création. » Enfin, on y est.

 En 2009, les musiciens de Kinshasa sortent leur premier album « Très très fort », enregistré dans le parc zoologique de leur ville. Ils font un premier concert la même année aux Eurockéennes de Belfort puis tout s’enchaîne très vite. Le documentaire, réalisé par Florent de la Tullaye et Renaud Barret, qui les avaient découverts 5 ans plus tôt, sort en 2010 et est projeté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Il leur fera véritablement une place sous les projecteurs. Emissions télé, radio, articles dans les journaux, la machine médiatique s’emballe. Leur talent fera le reste et les emmènera jouer sur toutes les scènes du monde, loin, très loin des rues de Kinshasa. La sortie de leur deuxième album, en 2012, vient confirmer leur statut de « stars » et leur reconnaissance dans le monde de la musique.

Le chemin parcouru, on le voit aux poils de barbe de Roger, la mascotte du groupe, qui ont poussé depuis les débuts du groupe. Car le petit garçon timide que l’on voyait dans le documentaire a bien changé, alors que ses « papas » n’ont eux, pas l’air d’avoir pris une ride de plus. Son instrument, le satongue, fabriqué avec une boîte de conserve et un bout de bois, qui donne toute la personnalité à la musique du Staff, est même devenu électrique, en même temps que cette musique  s’est faite, elle, plus éclectique.

Alors bien sûr, l’histoire n’est pas toute rose : le groupe a traversé des tempêtes, comme le décès de Nzale, membre originel du groupe et compositeur de la chanson « polio », en novembre 2012. Il y a aussi eu vent de séparation, des tournées annulées pour cause de mésentente, mais le staff est toujours là, pour notre plus grand plaisir, et nous espérons qu’il continuera longtemps à faire danser les foules du monde entier. Nous leur souhaitons toute la réussite du Buena Vista Social Club, le fameux orchestre cubain à qui souvent on les compare et à qui ils doivent même le nom de « Kinshasa Social Club » (cf.Times).

Mais je préfère encore celui de Benda Bilili, qui signifie littéralement « regarder au- delà des apparences ». Et c’est ce qu’ils nous ont invités à faire, samedi, après trois heures de fête et de danse. Car la musique de cette joyeuse équipe de « bras cassés », emprunte à la rumba congolaise, est communicative, et leur joie de vivre aussi, à en croire l’euphorie qui a gagné peu à peu l’audience, et ce drôle de bonhomme à côté de nous en chemise africaine, qui gesticulait dans tous les sens, en imitant les paroles du Staff. Un pur bonheur !

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline.

Et comme les vraies stars ne le sont jamais sans groupies, nous nous sommes prêtées au jeu pour l’occasion, pour aller saluer ces artistes qui, nul ne saurait en douter, savent apprécier pleinement cette partie de leur métier ! Ma seule recommandation, chers lecteurs, pour retrouver un brin de joie à la sortie de l’été, allez voir et écoutez le Staff Benda Bilili, l’effet sera garanti et sans autre forme de contrainte.


Epopée fantastique en terre kremlinoise

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Qu’est-ce que Mondoblog ? Qu’est-ce qu’un mondoblogueur ? Qu’est-ce que 150 mondoblogueurs ? Voici quelques unes des questions auxquelles j’ai dû répondre ce samedi 7 septembre, lorsque je foulais pour la première fois le sol du Kremlin-Bicêtre, à l’occasion de la fête de la ville : une commune de la région Île-de-France.

Je retrouvais alors Marie et Julie, que nous avions laissées en avril dernier. Elles avaient alors formé la première délégation kremlinoise en sol sénégalais, entourées d’une horde de blogueurs, à l’occasion de la formation Mondoblog à Dakar.

La pression était grande pour moi, car je devais trouver des réponses à ces questions, alors que je me trouvais déconcertée, dépourvue cette fois, de mes collègues mondoblogueurs. Car un mondoblogueur et 60 mondoblogueurs, ce n’est pas du tout la même chose !

J’ai donc chiné, enquêté, exploré, parmi tous les stands associatifs installés pour cette occasion annuelle de rencontre et de partage, et parmi les acteurs que j’ai croisés sur ma route… des liens, des passions, des engagements qui évoqueraient les mondoblogueurs, pour tenter de donner une vision de notre « monde de blogueurs » la plus juste et la plus complète possible. Cette quête avait bel et bien des allures de voyage…

Je me suis d’abord retrouvée immergée dans le monde des geeks, un monde où l’on commente des parties de jeux vidéo comme des matchs de football, à l’instar de Pierrick, Faty, Serges, René et tous les autres, qui nous abreuvent de leurs pronostics, et de leurs commentaires : « La fin de la carrière internationale d’Eto’o », « le meilleur but de Pelé », « la défaite du PSG… ». Je me demandais si les joueurs de jeux vidéo avaient ce genre de discussions.

J’ai aussi entendu parler, dans l’incubateur de start-up de Creative Valley, de lunettes dignes du film Matrix, qui donnent en temps réel, les informations sur ce que l’on a sous les yeux : la taille de la médiathèque 2.0, le coût du café au bistrot du coin, l’origine du nom de la ville du Kremlin-Bicêtre… Plus besoin alors de sortir son iPhone ou son Wiko pour aller chercher tout cela sur Google ou Wikipédia. Mais au-delà de ces gadgets qui auraient fasciné Sinath, ce qui a retenu mon attention, dans les explications de Yann Gozlan, président de Creative Valley, c’est la révolution sociale que les innovations technologiques pouvaient engendrer.

Et cette idée à été illustrée par le concept de la Web Academy, initiée par Epitech, école partenaire de Creative Valley, très similaire à l’école 42 de Niel. Des jeunes n’ayant aucune formation initiale en informatique peuvent s’engager et développer de nouvelles compétences. Yann met l’accent sur les opportunités qu’il existe dans les métiers du numérique, et rendre leur accès à toutes les classes sociales est important pour leur permettre de saisir ce virage numérique, qui construira sans aucun doute le monde de demain.

Encouragée par ce constat, j’ai poursuivi ma route, dans d’autres univers de l’engagement social. Je me suis retrouvée en Palestine, sur les traces de Limoune et du Berliniquais, attirée par les motifs familiers des keffiers. L’association Couleurs Palestine propose des voyages à la découverte de la culture, de l’histoire et du patrimoine de cette région du monde où la durée et la profondeur du conflit rendent toute objectivité impossible. Les vives discussions devant le stand m’en ont apporté la preuve.

J’ai continué ma route, vers le pays de Lalah et Rija, qui fût aussi un temps celui de Stéphane : Madagascar. L’association Génération Massoala Madagascar propose un reboisement et des projets de formation sur la presqu’île de Massoala.

J’ai aussi été visité, au détour d’une tente, le pays de Nora et d’Aphtal avec la rencontre d’un étonnant duo qui écoute RFI et qui avait entendu le nom de leur ville du Kremlin-Bicêtre sur les ondes. Le partenariat initié cette année avec Mondoblog avait donc été entendu par quelques habitants.

Rose Claire De Souza et René Hauvier, respectivement présidente et trésorier de l’association ACSED ont des raisons bien précises à leur engagement au Togo. Parce qu’ils sont Franco-Togolais d’abord, et que c’est un moyen d’apporter leur petit grain de sable auprès de ces enfants déshérités de leur « mère Afrique ». Rose Claire nous explique qu’elle était assistante maternelle, et qu’elle prenait soin des enfants français, elle a donc voulu aussi s’engager pour les enfants togolais.

Les liens entre le Togo, la France, sont donc perceptibles dans les actions de l’association qui vise ici à sensibiliser les gens aux problématiques togolaises, instaurer des parrainages d’enfants victimes de violence, soutenir les enfants de la diasporas ; et là-bas à « Contribuer par ACSED à l’amélioration des conditions de vie des enfants et des jeunes défavorisés en particulier du Togo et en général d’Afrique », procurer aux enfants parrainés une aide  à l’éducation, à la santé et à la formation professionnelle pour leur permettre de générer des revenus et faire primer ces activités sur la violence.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Après ces intenses palabres, le point d’orge de mon périple a été le Sénégal, pays de la terranga et des pastels. Rien de surprenant à cela.

J’y ai rencontré Fatoumata Thiam, présidente de l’association Fraternité africaine et jeune Kremlinoise engagée, en France, au Sénégal et en Afrique.

En France d’abord, car issue de la diaspora, Fatou m’explique que cette association c’est pour amener les gens à aller voir comment ça se passe « là-bas », pour « soutenir l’action culturelle via des échanges avec l’Afrique et sensibiliser les pouvoirs publics sur les enjeux de la solidarité internationale en France ». Mais c’est aussi pour montrer qu’en étant issue de la diaspora, on peut agir ici, où on lui demande de « faire ses preuves » peut-être plus qu’à nous.

Au Sénégal, en montant des projets avec « l’Empire des enfants », association dédiée aux enfants, le plus souvent sortant de la rue (talibés). Mais aussi en faisant connaître aux voyageurs la culture, la vie sociale et l’histoire du pays, au-delà des simples logiques marchandes du tourisme de masse. Le voyageur n’est pas ici envisagé comme un simple spectateur, mais plutôt comme un acteur, pour donner du sens à sa présence dans le pays, sur place et à son retour.

En Afrique aussi car le Sénégal n’est qu’un point de départ. Les membres de l’association connaissent le pays, et il est donc plus facile dans un premier temps de commencer par là, mais ils envisagent de faire découvrir d’autres pays africains. Enfin, par un soutien informel auprès des diasporas africaines vivant au Kremlin-Bicêtre, d’entraide et de partage.

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

Au terme de mon « voyage » exploratoire, je n’ai finalement trouver qu’une certitude. Mondoblog ressemblait un peu à la fête de la ville du Kremlin-Bicêtre, car on y retrouve des gens qui ont des choses à dire, des combats à mener, et qui adorent vous les conter. J’ai aussi pensé que l’on soit d’ici ou d’ailleurs, c’est souvent cet « ailleurs » qui nous pousse à questionner ces différentes réalités et à nous engager pour amener les autres à en faire autant, dans notre communauté, dans notre ville ou dans notre pays.


Journée Mondiale du blog : que représente le blogging pour les Mondoblogueurs ?

Crédit photo : Mondoblog
Crédit photo : Mondoblog

Le 31 août 2013 marque la Journée Mondiale du blog. Depuis quelques années, des personnes de toutes les sphères font appel à ce moyen de communication, devenu incontournable pour communiquer, dialoguer, présenter leurs produits,… Les Mondoblogueurs ont décidé d’immortaliser cette journée de la manière la plus simple possible : répondre à la question suivante : que représente le blogging pour vous ? Ce billet qui a vu la contribution de plus d’une dizaine de Mondoblogueurs donne les points de vue de ceux qui ont participé à l’édition de cet article.

1-Limoune, Tunisie
Dernièrement, j’entendais un étudiant de l’école nationale de journalisme de Tunis s’insurger de l’inutilité du blog après la révolution. Un futur journaliste contre le blogging. Contre la diversité des points de vue rendue possible par Internet et la levée de la censure. Le blogging pour moi, c’est le bouleversement du schéma traditionnel de l’information, la fin du monopole des médias, la possibilité donnée à chaque citoyen d’avoir son mot à dire dans l’espace public.
 2-Salma Amadore, Cameroun
Le blogging pour moi représente une activité qui me permet d’exercer le journalisme que j’ai toujours voulu, celui qui part des faits et des expériences des gens pour parler d’un sujet. Tenir un blog me permets de m’exprimer comme je veux, sans trop de sévérité. Pour moi qui a l’expérience des rédactions, j’ai été très frustrée des fois, de devoir réécrire ou mettre aux oubliettes un article à cause « de la ligne éditoriale » du journal. En bloguant, je suis libre, je suis moi, je suis l’autre qui me lis et veut aussi me dire sa part de réalité. Loin de la routine des autres canaux d’information qui nous plongent dans la routine avec des mêmes personnalités, les mêmes stars, le blog est proche de l’homme ordinaire, c’est l’homme ordinaire qui est au centre du blog, celui qui veut s’exprimer et ne le peut pas dans les chaines officielles, trouve dans le blogging, le moyen de s’exprimer, d’échanger et de s’enrichir de nouvelles connaissances.
3-Baba Mahamat, Centrafrique
Il ne fait aucun doute, le blogging a inévitablement changé la face du monde. Le blogging est devenu une forme d’expression très prisée par des personnes et structures dans divers domaines. Il permet d’échanger avec les lecteurs qui participent à son animation. Il y a dans le blogging, l’esprit de mettre les lecteurs au centre en interagissant avec eux grâce à des commentaires et d’autres formes de partage. Ce qui le rend différent du média traditionnel est le fait que n’importe qui peut tenir un blog et ce, sans une formation préalable contrairement au journalisme par exemple. Une manière de communiquer est née grâce au blog, le journalisme-citoyen. En Centrafrique où les événements ont complètement  bouleversé la vie de paisibles citoyens, bloguer me permet de brosser la situation extrêmement difficile que vivent mes concitoyens et en profiter pour dénoncer une tragédie oubliée par la communauté internationale, qui aurait pu être évité si l’intérêt du peuple était au centre des préoccupations, au détriment des considérations personnelles.
4-Josiane Kouagheu, Cameroun
Bloguer pour moi, c’est tout simplement être moi. Ecrire pour dénoncer et interpeller, sans mensonge et sans maquillage.
5-Osman Jérôme, Haïti
Sans trop de crânerie, je dirais que, le blogging est pour moi, ce que la raison est pour le philosophe. Car cela me permet de pénétrer  la profondeur de la réalité quotidienne de mon paysRéalité dont j’essaie de parler sur mes blogs avec un ton un peu différent des médias classiques.
Depuis le jour où j’ai commencé à bloguer pour de vrai, je ressens  que, quelque chose a changé en moi en tant que citoyen. Après plus de deux ans de d’activité, désormais, je me sens plus engagé, plus concerné dans la lutte de la nouvelle Haïti, dont je suis un fanatique.
6-Mylène Colmar, Guadeloupe
Lancer un blog, écrire un billet, puis un autre, et encore un autre, en veillant à se renouveler, à livrer des informations (de son point de vue) intéressantes, à garder un œil critique. Animer un blog, lire les commentaires des lecteurs, se réjouir des compliments, répondre aux questions, défendre son point de vue et faire entendre sa voix. Tenir un blog, avec difficulté, parfois, avec plaisir, souvent, avec sincérité, toujours.
7-Pascaline, France
Deux ans. Voilà deux ans que j’écris et que le blogging à pris une place de plus en plus importante dans ma vie. C’était d’abord une distraction, un moyen pour moi de prolonger mes écrits universitaires d’une manière beaucoup plus ludique, en racontant et en vivant de belles sorties culturelles. Puis, c’est aussi devenu un moyen de compter ma vision du monde, mes voyages, mes passions tout en réfléchissant au regard que je portais dessus, en le déconstruisant. Aujourd’hui, c’est devenu un biais indispensable par lequel je développe ma pensée, mes idées, en les confrontant aux lecteurs. Leurs réactions me font avancer, réfléchir, remettre en question dans mon écriture mais aussi dans cette vision du monde. Indispensable donc, pour demeurer une « femme qui interroge ».
8-Aurore, Allemagne
Le blogging ou la valise 2.0.
Bloguer, c’est plier, empiler et ordonner au fond d’une valise virtuelle et planétaire des souvenirs, des avis, des incertitudes, des débats, des rencontres, des tous et des riens, des pleins et des vides, du futile, du sérieux, des histoires, de la poésie, des coups de gueule, des coups de joie, des injustices, des dénonciations, des déceptions, des messes basses, des combats, des confidences, des incertitudes, des Révolutions…
9-Serge de Suza, Benin
Blogueur par passion
C’est à la faveur d’un stage en médias et démocratie à Copenhague au Danemark en octobre-novembre 2010 que je me suis essayé au bloging. Ma passion pour le web journalisme me  permettra plus tard d’intégrer la deuxième édition de Mondoblog où, grâce à un encadrement judicieux, j’ai pu véritablement apprendre le b, a, ba, les contraintes et les exigences du blogging et de la publication en ligne.
Après la formation MondoblogDakar 2013, je revisite régulièrement mes connaissances à l’aune des innovations majeures, des mutations et des nouveaux développements du secteur médiatique, au jour le jour en tant que blogueur.
Aussi, pour moi, le blogging est une manière d’être, une forme d’expression parmi tant d’autres et pourquoi pas, un formidable espace d’échange, de partage.
10-Ladji Sirabada, Côte d’Ivoire
Mon blog, mes amis, le monde, la chaleur…
Parce que je blogue, j’appartiens à une communauté qui écrit et qui crie, qui saupoudre et qui fustige; une communauté qui arrange et souvent dérange, qui chante tout en interpellant, qui enseigne et renseigne, qui appelle et interpelle, qui éduque, distrait, et s’occupe…
Parce que je blogue, je convoque bon gré, mal gré une communauté qui se renseigne ou enseigne, qui partage ou s’enferme, qui se satisfait ou se plaint de, qui encourage ou insulte, qui consomme sans ou avec modération, qui dit merci ou merde, qui félicite ou blâme…
D’un coté ou d’un autre, en bloguant, je me mets à la croisée de plusieurs chemins. Chemins de confrères. Chemins de lecteurs. En bloguant, je partage mon monde ou ce qu’il y a à partager pour ne point me sentir seul.
Mon histoire du blog, commence avec la neige. Le blanc qui tombe et qui plonge le noir dans le lointain souvenir de la chaleur des terres ancestrales  et des miens.
En tombant, en m’enfermant dans un univers que je qualifiais  »aussi d’exotique », le blanc, m’a offert des pages blanches à remplir, m’invitant à me soustraire de la solitude, du dépaysement, d’un monde dans lequel, je me suis retrouvé, par concours de circonstance divine.
Mon blog fut, mon bois de chauffe. Il fut la vitrine de présentation de mon nouveau monde…
A chacun, je souhaite une expérience de blogging… Pour un monde plus ouvert, sans barrière et avec beaucoup de chaleur…
Je blogue; bloguons donc, puisque c’est la ten-dance.
11-Nelson Deshomme, Haïti
C’est une phrase magique qui a ouvert mes yeux sur le monde du blogging: « La beauté de l’internet c’est qu’on apprend en marchant ». Et dépuis lors, je fais de ce slogan ma principale source de motivation. En effet, le blogging est pour moi un centre d’apprentissage. Il m’est aussi un moyen de peaufiner mon écriture, et surtout d’apporter ma contribution dans la présentation d’une autre Haïti aux yeux du monde. Dorénavant, un blog est un instrument de communication où chacun peut placer son mot sur le dévenir de notre planète. Maintenant avec un blog, n’importe qui peut marquer d’une autre manière et de façon indélébile son passage dans ce monde.
12. Berliniquais, Martinique 
Pour moi, le blogging, c’est ma deuxième grande passion. Comme chacun sait, ce que j’adore par-dessus tout, c’est de chanter sous la douche. Mais malheureusement, quand je chante sous la douche, il n’y a personne pour m’écouter. C’est triste à mourir. En revanche, lorsque j’écris dans mon blog, le monde entier peut lire mes humeurs. Donc pour moi, écrire un blog, c’est un peu comme chanter sous la douche devant un large public ébahi d’admiration. Quel bonheur!
Parlons du blogging mais pas pour y consacrer un billet qui appelle, comme chacun le sait, chaque fois un sérieux et une application énormes. Il est tout simplement question de livrer son point de vue sur ce phénomène dont la fièvre a saisi le monde, singulièrement dans sa composante jeune.
Alors, c’est un avis très personnel que je vais livrer. Quand on me parle du blogging, je ne peux pas ne pas penser à dire que, dans un monde qui se débat dans l’entonnoir des crises politiques, économiques voire sociales, tenir un blog ne peut qu’offrir une possibilité de calmer la soif de s’exprimer qu’éprouvent des millions de femmes et d’hommes repartis dans tous les pays. Et surtout à un moment où les idées sont l’arme privilégiée dans la « guerre des places » qui oppose d’abord les grandes puissances, et accessoirement toutes les nations. Ainsi, le blog, en tant que site personnel, donne l’opportunité de prendre part à ce concert des idées qui animent le monde.
Pour le petit et modeste journaliste que je suis, qui tient un blog depuis bientôt une année, le blogging a été un espace où il défend ses convictions, sa position sur un sujet qui fait ou non la Une de l’actualité locale ou d’ailleurs. Et ce qui a le plus éveillé mon intérêt pour cette activité, c’est le droit à la subjectivité dont jouit le blogueur. Le droit de dire son ressenti du moment et ses impressions propres. Ecrire à la première personne du singulier (je) une analyse dans laquelle se retrouveront beaucoup de lecteurs, me parait plus responsable  que l’emploi du « Nous » que le journalisme trouve objectif, mais qui me semble manquer de sérieux. C’est aussi indiquer que le blogging est un espace, aussi grand que le rêve. C’est, bref, un déversoir !


Campagne pour inviter les égyptiens à Mondoblog

Crédit photo : Pascaline
Crédit photo : Pascaline

A la manière de Stéphane, de Mylène, et d’Axelle, il est grand temps pour moi de partir en campagne. Je m’adresse ici plus particulièrement aux égyptiens d’Egypte et du monde. Il est temps pour vous (et pour nous tous) de rectifier une grosse injustice : il n’y a pas un seul égyptien au sein de la plateforme Mondoblog : cette plateforme de blogueurs francophones qui nous permet de partager nos quotidiens, nos coups de cœur et nos coups de gueule ou simplement notre culture, d’origine ou d’adoption. A l’heure ou tous les regards sont tournés vers l’Egypte, j’en profite pour faire campagne, dans un tout autre registre.

Parce qu’il y a un vivier de jeunes francophones talentueux en Egypte qui ont des choses à dire, sur leur pays, sur leur culture, et sur le monde dans lequel ils vivent. Peu d’entre nous le savent, pourtant, l’Egypte fait partie de l’Organisation internationale de la Francophonie, et Alexandrie, la deuxième ville du pays, héberge notamment l’Université Senghor, bastion isolé de la francophonie.

Parce que nous avons constaté qu’il y a une guerre d’information qui se joue en Egypte et à l’extérieur, que les informations qui nous parviennent du pays de ne sont que partielles et subjectives, parce que les médias indépendants ont du mal à se faire entendre au delà des frontières.

Parce que nous, qui sommes à l’extérieur du pays, sommes mal placés pour avancer des analyses politiques improvisées qui seront automatiquement biaisées par l’informations que l’on reçoit. Parce que ces derniers temps, on parle beaucoup des égyptiens, voir « au nom des égyptiens » sans finalement trop leur demander leur avis.

Parce que nous aimons l’Egypte et sa culture, et que nous voulons la voir briller au delà des conflits politiques, au delà des révolutions, et aussi au delà des stéréotypes sur les papyrus et les pharaons. Ce n’est pas que ça l’Egypte, venez nous le prouver.

Parce que nous devons faire des ponts entre nos mondes, pour une meilleure connaissance mutuelle, qui sera la clé pour déconstruire nos préjugés : « monde-arabe », « monde-francophone », « monde-musulman », « monde-occidental », « monde  noir-africain », tous ceci ne sont que des mots, mais qu’y a -t’il vraiment derrière? 

Parce que Mondoblog est une aventure humaine, qui vous permettra d’échanger, de lire et même de rencontrer des blogueurs, 250 en tout, sans parler de toute la bande qui va nous rejoindre en septembre (et font déjà peur à René Jackson), originaire d’une trentaine de pays différents. C’est aussi la chronique « génération causante » tous les lundis dans Couleurs tropical, sur RFI.

Parce qu’un monde-o-blog sans égyptiens, est un peu comme l’Egypte sans les pyramides, un café sans chicha ou encore un marché conclu sans discussions.

Vous avez jusqu’au 7 septembre 2013 pour participer au concours.

 Yallah! Nous vous attendons avec impatience!

السلام عليكم

mondoblog


Mon top 10 des plus belles chansons égyptiennes

Crédit image : Ghassen  Mtimet https://www.ghassenmtimet.com/
Crédit image : Ghassen Mtimet https://www.ghassenmtimet.com/

Un top 10 est forcément subjectif et incomplet. Aussi, aurais-je dû préciser, cet article vous présentera les 10 chansons égyptiennes les plus belles à mes yeux, connues où non, et dont je ne vous ai pas encore parlé. Il n’est qu’une excuse pour vous amener sur le vaste chemin de la musique égyptienne, que j’ai pu emprunter il y a quelques temps et dont je n’ai pu me détourner depuis.

C’est aussi un moyen, en cette période difficile dans ce pays, de vous renvoyer une autre image de ce berceau de la culture, où devrais-je dire, des cultures du monde. La musique n’échappe pas a la règle et il fût une époque où les grandes chanteuses arabes comme Warda l’algérienne, partaient en Egypte pour rencontrer le succès. Si j’avais intitulé cette liste « les plus grandes divas de la chanson arabe », elle y trônerait en bonne place, aux côtés de Fairuz la libanaise, puisqu’elles sont considérées ainsi, au même titre qu’Oum Kalthoum l’égyptienne. Mais ne nous écartons pas trop du sujet ! Voici donc ma sélection, pour vous emporter dans l’ambiance égyptienne, des salons feutrés des grands hôtels de luxe de l’époque, pour les chansons classiques, aux taxis bondés de l’Egypte d’aujourd’hui pour les chansons plus populaires.

La quatrième pyramide

Il est impensable d’écrire ce top 10 sans mentionner celle qui fût et qui restera sans doute encore très longtemps la chanteuse égyptienne la plus célèbre, la plus impressionnante et la plus énigmatique de tous les temps. On dit d’elle qu’elle est comme « La quatrième pyramide » en Egypte, et elle a même un musée à son effigie au Caire, qui expose ses tenues de scènes, ses célèbres lunettes, ou encore ses premiers phonographes. Je l’ai déjà nommée, Oum Kalthoum prend en toute logique la tête de ce classement, par son ancienneté, par sa renommée et surtout pas son talent. J’ajouterais que sa musique n’a pas pris une ride, et que si la chanteuse est décédée en 1975, sa musique continue de vivre, en Egypte mais aussi bien au delà. Ainsi, quand j’ai la nostalgie de l’Egypte, je vais m’asseoir dans ce petit bar a chicha de la plaine, à Marseille, pour écouter Oum Kalthoum. Si j’ai dû choisir une chanson pour ce classement, j’aurais tout aussi bien y mettre son répertoire tout entier ; chansons qui duraient en moyenne 55 minutes et qu’elle ponctuait toujours de longues improvisations lorsqu’elle les interprétait sur scène, un mouchoir de soie à la main.

https://www.youtube.com/watch?v=8viyFkMnEhQ#at=104

Le cosmopolitisme de la société alexandrine des années 70

La chanson qui suit à une histoire mal connue, mais reste pour autant un classique de la chanson égyptienne, bien que ses paroles soient en arabe, mais aussi en français et en italien. Elle représente très bien le cosmopolitisme de la société alexandrine des années 70, où les communautés italiennes, grècques, françaises côtoyaient les communautés coptes, juives et musulmanes de l’Egypte. L’histoire qu’elle raconte se déroule dans cette ville, dans le quartier Attarine, aujourd’hui surnommé le « quartier des antiquités », où l’on peut trouver tout à tas de bric-à-brac et même entrer dans un grand magasin ayant presque conservé tout son décor de l’époque. Mais il y eu beaucoup d’autres versions, dans d’autres films égyptiens, mais pas seulement. Des chanteurs espagnols, français, grecs, serbo-croates, ou encore cypriotes-truques l’interprétèrent dans différents styles musicaux. Plus récemment, il y eu même Jimmy Page, le guitariste du groupe Led Zeppelin qui en fit sa propre version, ou encore le compositeur  Nadeem-Shravan dans le film indien Aatish.

https://www.youtube.com/watch?v=cI_W_r-m8_4

Influences traditionnelles et modernes

Fathy Salama à puisé ses influence dans les musiques d’Oum Kalthoum, de Farid El Atrache et de Mohamed Abdel Wahab, les grands musiciens orientaux du 20ème siècle. Il s’est ensuite inspiré de grands musiciens de jazz lors de ses visites à New York et en Europe, pour créer une musique mêlant influences traditionnelles et modernes, Orient et Europe. L’une de ses plus grandes oeuvres est l’album Egypte, où il a collaboré avec le chanteur sénégalais Youssou Ndour. Album qui eut un grand succès dans le monde mais qui avait fait polémique au moment de sa sortie au Sénégal, une polémique expliquée dans le film « Youssou Ndour : I bring what I love ». La question qui se posait alors était de savoir si un chanteur populaire comme Youssou Ndour avait la légitimité de chanter Dieu et les grands marabouts. La réponse se trouve sans doute dans la beauté de cet album…

Une des plus grandes voix du répertoire traditionnel et sacré de la Haute-Égypte

Continuons dans le répertoire des chants sacrés. Cheikh Zein vit actuellement à Marseille. C’est ici que je l’ai connu. Je n’ai pourtant pris conscience de sa renommée et de la multitude de ses projets qu’une fois arrivée en Egypte, redécouvrant l’artiste sous un jour nouveau. D’une famille soufis de de père en fils, il est « une des plus grandes voix du répertoire traditionnel et sacré de la Haute-Égypte » comme le qualifie le site de Marseille-Provence 2013. Ses spectacles s’accompagnent parfois des danses des derviches-tourneurs, dont les tournoiement évoquent la course des astres autour du soleil. Il a également composé de nombreuses chansons avec le groupe Zarman fabriq.

Une voix en or

Donia Masoud est Alexandrine, l’une des raisons de mon choix, et aussi sa voix en or, trop peu connue. Elle n’a peut être pas eu le succès qu’elle mérite, dit on dans la cité d’Alexandre où elle est née. Elle partira ensuite pour la capitale, pour chanter, jouer la comédie, et étudier la musique folklorique et la poésie arabe. Elle collaborera notamment avec la compagnie de Fathy Salama, qui aura une grande influence sur son art.

La scène indépendante égyptienne

Dans la même veine, Dina el wedidi est une chanteuse égyptienne contemporaine, devenue célèbre sur la scène indépendante, dans un mélange des genres accompagné par du violon irlandais, de la trompette ou encore de l’accordéon. La longue partie d’instrumental de cette chanson nous donne une petite idée de ce qu’elle doit dégager sur scène.

 Un amour pour son pays

Aida El ayoubi est une chanteuse égyptienne qui débuta sa carrière dans les années 90, mais qui fût une longue pause avant de revenir sur le devant de la scène, notamment grâce ses collaborations avec le groupe cairote Cairokee et leur « hymne à la révolution » « Ya el midan ». Elle a également réalisée un album de chants religieux «  Tawasul wa Ragaa’ bi Jah Sidna ». La chanson « A’ala Baly » est la plus connue de son premier album, très patriote, où l’artiste chante son amour pour son pays.

https://www.youtube.com/watch?v=jvIgqZnSBB8

Instruments, chants traditionnels égyptiens et musiques électroniques

Egyptian project est un projet musical issu d’une collaboration entre le  Nantais Jérôme Ettinger et le maître Mostafa Abdel Aziz qui participa à un autre projet connu, « Mozart l’égyptien ». Leur travail mêlent instruments et chants traditionnels égyptiens avec des musiques électroniques modernes. Le résultat sur scène est fabuleux.

Chanteur le plus populaire de la pop égyptienne

Dans un tout autre style, parmi les chanteurs les plus populaires de la pop égyptienne d’aujourd’hui, il y a Amr Diab et Mohamed Mounir. Amr Diab fut consacré par plusieurs chaînes de télévision arabes comme le meilleur chanteur arabe des années 1990. Il a également joué dans plusieurs films égyptiens, dont « Ice cream » d’où cette chanson est tirée.

https://www.youtube.com/watch?v=Z09fuhDrUz4

 Musique égyptienne contemporaine

Enfin, je ne pouvais clôturer cette liste sans mentionner le nom de Mohamed Mounir. Sa musique est très populaire en Egypte. Et je n’en connais sans doute qu’une infime partie, car il chante depuis fort longtemps et à traversé tous les styles musicaux, de la musique nubienne traditionnelle de sa région d’origine (la Nubie, au sud de l’Egypte) en passant par la pop, le jazz et le reggae. Je vous présenterais donc ici une chanson où il chante en duo avec The wailers et vous laisserais la possibilité de découvrir le reste de son œuvre qui, quoi que l’on en pense, mérite d’être connue si l’on veut avoir une idée de ce qu’est la musique égyptienne contemporaine. Car si l’on rêve encore de l’Egypte de la grande époque, où elle fût un centre culturel dans tout le Moyen Orient, on ne doit pas oublier que ce qui fait sa culture aujourd’hui mérite aussi que l’on s’y attarde…

https://www.youtube.com/watch?v=USof6piiMf0

Alors bonne écoute à tous !

 


Bon baisers de France

Auray, Bretagne, France. Crédit photo : Pascaline
Auray, Bretagne, France. Crédit photo : Pascaline

A l’heure ou le chassé croisé entre juillettistes et aoûtiens est la préoccupation essentielle de nos médias nationaux, je me suis demandées, justement ce qu’ils allaient chercher, tous ces touristes, dans notre beau pays, et surtout, ce qu’ils ne verraient jamais. Pour les novices, ceux qui partent en vacances en juillet sont appelés juillettistes, ceux qui partent en août, aoûtiens. Quant-à ceux qui ne partent pas, ils sont sans doute appelés pauvres et on ne parle pas d’eux à cette époque de l’année. Voici ma carte postale, un peu différente.

J’ai longtemps hésité avant de faire ce billet, et puis je suis tombée sur un article de notre madame Caraïbes de Mondoblog, sur le musée de l’histoire de l’immigration, à Paris. Dans les commentaires, Mylène posait la question suivante : « depuis quand ne peut-on pas critiquer le pays d’où l’on vient parce que l’on n’y habite pas ou plus, ou encore parce que l’autre veut nous dénier le droit de nous exprimer sur le sujet ? ». J’ai répondue à Mylène que cette critique était essentielle, parce que constructive, mais aussi très difficile lorsque l’on vit en France. Je pense qu’il est temps pour moi de m’essayer à cet exercice, en toute subjectivité.

 Car si l’on dit souvent que le choc culturel lorsque l’on voyage est aussi grand au retour qu’au départ, je dois vous avouer que je suis encore en plein choc culturel. Mais celui-ci est particulier car on parle ici de ma propre culture. Drôle de sensation que de se sentir comme un étranger dans son propre pays. Je ne pensais pas qu’un voyage de sept mois pouvait m’apporter autant de recul sur mon pays. Pourtant, j’ai rencontré il y a peu, une amie française ayant quitté la France plus longtemps, et nos constats étaient proches. Je me suis donc dit qu’ils méritaient peut-être d’être dit. Je vais donc essayer de retracer mon parcours pour vous en donner un aperçu.

Jour 1 ou l’impasse logistique

On remonte donc trois mois en arrière, à ma déscentes de l’avion en provenance de Dakar, lorsque je rentre en France, éloignée depuis sept mois. Je recherche dans l’aéroport, une carte SIM pour mon téléphone Wiko flambant neuf (merci Mondoblog). Je demande à tous les bureaux de tabac de l’aéroport, sans succès. Il n’y a pas de carte SIM dans l’aéroport le plus grand de France ! Alors qu’il y en à sur tous les trottoirs de Dakar, dans toutes les boutiques d’Alexandrie, mais ici, rien ! Je finirais, bien plus tard, pas dénicher une carte prépayée à côté de la gare de Lyon, dans un taxiphone dont le gérant m’expliquera que, soit il y a ces cartes prépayées, à 10 euros, soit les cartes classiques Orange (et autres) à 20 euros, mais qu’il faut activer la ligne en appelant un numéro. Enfin, pour les cartes avec abonnements, il faut les commander par internet, et trouver un autre moyen de communication en attendant qu’elles arrivent.

Je m’installe donc au Mc Do de l’aéroport, où l’on peut trouver trouver le wifi pour le prix d’un Coca, pour entrer en contact avec mes proches. Je remettrais mes idéaux altermondialistes à plus tard. Puis vient le temps de les rejoindre. Je prendrais d’abord le métro parisien, je passerais tant bien que mal, avec ma grosses valise, les portiques installés pour éviter les fraudeurs qui, parfois, empêchent aussi de passer ceux qui ont payés (ou les assomment malencontreusement). J’irais donc chercher mon tickets dans une machine, et me rappellerais avec nostalgie les comptoirs des bus dakarois, ou l’on paie directement son trajet à l’intérieur.

Enfin il y aura le train, où je me suis dit que ça ne pouvait pas être plus compliqué qu’en Egypte. J’avais en effet dû passer par le marché noir pour dégoter des billets Louxor-Le Caire et les payer presque deux fois le prix normal. Ici, pour acheter un ticket, le plus simple est aussi de passer par une machine, ou par internet pour acheter son billet avec sa carte bancaire. Encore faut-il que celle-ci n’ai pas disparu dans une sombre histoire de sac volé… Sinon on fait la queue au guichet, et on attend que le panneau lumineux nous indique que c’est à notre tour. Mais si l’on veut bénéficier du meilleur tarif, on doit acheter une carte de réduction, si on y à droit, ou bénéficier de tarifs préférentiels en payant nos billets par internet. Autant vous dire que si l’on n’a pas accès à internet, on est sacrément embêté. Où bon pour aller à Mc do avec notre Wiko…

Paris, France. Crédit photo : Pascaline
Paris, France. Crédit photo : Pascaline

Mois 1 ou l’impasse administrative

Il y a aussi eu le parcours administratif que j’ai traversée. Il y a eu d’abord la cacophonie des assurances, car en France, si l’on n’est pas assuré, on doit sentir une épée de Damoclès au dessus de notre tête : assurance sociale, assurance responsabilité civile pour les plus indispensables qui nous prémuniront des sommes à payer en cas de maladie, ou de dommages causés à autrui. Comme si je pouvais faire du mal à une mouche… Mais on doit avoir une assurance maladie (obligatoire) et une mutuelle (facultative) pour payer les sommes liées à notre santé que la première ne remboursera pas. Cependant, on ne peut pas prétendre à cette mutuelle, si la première assurance n’est pas en règle. Si l’on est sans logement et sans voiture, cela nous épargne au moins l’assurance voiture et l’assurance habitation.

Comment alors faire comprendre à mes interlocuteurs que je n’ai pas vraiment d’adresse fixe, car pas de travail mais qu’il me faut quand même une couverture sociale car justement je ne suis pas riche et donc pas en mesure de payer les frais d’hôpital en cas de problème. Peu importe, ceux qui sont déjà venues en France où qui y vivent doivent le savoir, la procédure est la procédure, et on peut difficilement y déroger, même à Marseille, ville réputée pour son système D et son économie parallèle. On prend son ticket, on attends pendant des heures. Les vigiles à la sortie, veillent à ce que personne ne s’énervent, ne « pète un câble » dans ce labyrinthe administratif où la situation de certains est parfois bien plus grave que la mienne. Triste rendez-vous citoyen. Au guichet, on me demande de prendre un autre ticket pour une autre file d’attente, et j’attends encore… pour finalement voir quelqu’un m’expliquer que je dois envoyer un dossier complet par la poste, et qu’ensuite, il sera traité, dans un délais d’environ un mois.

Il y a aussi l’inscription au chômage, qui doit se faire par téléphone. Donc si vous vous présentez en personne, pour savoir comment procéder, la personne au guichet de Pôle emploi, vous indiquera le téléphone au fond de la salle pour « prendre votre premier rendez-vous », ce qui signifie tout simplement que vous devrez repasser plus tard, lorsque vous aurez reçu la convocation à l’entretien-pris-par-téléphone. Vous me suivez ?! Et si, par malheur, une fois inscrits,  vous repasser demander un conseil,vous vous entendrez dire que vous êtes trop qualifiée pour bénéficier d’un contrat aidé, et pas assez précaire pour avoir une aide à la recherche d’emploi. Pourtant, lorsque je cherche justement un emploi, on me dit souvent que je ne suis pas assez expérimentée, ou trop jeune… Je ne comprend donc plus trop ce que je suis de trop ou de pas assez… !?!

Trimestre 1 ou l’impasse économique

Autre caractéristique de mon cher pays et de ma ville si l’on n’a pas d’argent : les moultes attraits de la vieille France et de Marseille, ses visites de monuments, ses ballades en bateaux, ses sardines et sa bouillabaisse, s’avèrent hors de prix et réservés aux touristes aisés qui débarquent en ce moment sur le vieux port, à l’heure de la Capitale Européenne de la culture. Pour ceux, qui vivent hors du tableau idyllique dressé pour l’occasion, il ne reste plus beaucoup d’options pour remplir les journées, en ce mois d’août ou même les chômeurs doivent prendre des vacances, contrains et forcés : aller à la plage, car elle est encore gratuite, au parc ou chez des amis. Les jolis cafés et restaurants français, que l’on en retrouve dans les films de Woody Allen, tellement charmants-et clichés- sont hors de portée. Les bancs publics, où l’on voit parfois l’héroïne s’asseoir un livre à la main, ont presque tous disparus. L’heure est à la marchandisation, et chaque espace de nos charmantes villes doit être rentabilisé par des activités génératrices de revenus. Et, si la misère est moins pénible au soleil, c’est quand même mieux si elle est le plus loin possible de nos yeux sensibles. Marseille à longtemps fait exception à la règle, populaire, inclassable, ingérable et insoumise, mais elle se fait rattraper doucement par la dure lois de l’investissement économique et nous avec.

Marseille, France. Crédit photo : Pascaline
Marseille, France. Crédit photo : Pascaline

Je me suis alors demandée, que diraient nos grand-parents, dans ce monde où je me sens déjà dépassée du haut de mes 25 ans…

Bon été au pays ou loin…


Quand le jazz s’invite à ma porte

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Lorsque je m’éloigne de la mer, c’est le plus souvent pour un retour aux sources, dans ma région d’origine. Et je ne manquerai pour rien au monde le festival de Jazz où j’ai passé mes premiers concerts, il y a quelques années de ça, dans le théâtre antique de Vienne. Non, ce n’est pas de la capitale autrichienne dont je parle, mais une charmante petite bourgade entre Lyon et Valence, en France, qui organise chaque année un festival de Jazz désormais reconnu mondialement.

 Ainsi, j’ai appris que le grand Miles Davis avait foulé la scène du théâtre antique en 1991, à ma grande surprise : Miles Davis chez moi ? Je n’en croyait pas mes oreilles ! Et l’édition de cette année nous promettait bien des surprises, avec des grands noms tels que Santana, Chucho Valdes et Buika ou encore Ben Harper. Il y avait même comme surprise, la venue de Rodriguez, ce chanteur de Détroit (USA) devenu symbole de toute une génération anti-apartheid en Afrique du Sud alors qu’il ne le savait même pas. Il est depuis devenu septuagénaire, héros d’un film, « Sugarman » et a fait de nombreuses tournées notamment en Afrique du Sud.

Je me suis donc laissée embarquer dans le swing du jazz à Vienne du 28 juin au 13 juillet. Imaginez un peu mon étonnement, lorsque j’ai entendu le jazzman reconnu Marcus Miller, qui a justement longtemps collaboré avec Miles Davis et depuis à fait son bout de chemin, me parler de Gorée et de la maison des esclaves où j’étais il y a quelques mois, avec mes camarades de Mondoblog. Pour la petite histoire, Barack Obama y était aussi il y a quelques temps.

Marcus Miller « petit génie de Brooklyn », à dédié une chanson à l’Ile de Gorée, pour y exprimer la tristesse et le malaise qu’il à ressenti dans cette « maison », devant la porte du voyage sans retour. Mais cette chanson, disait-il, voulait aussi exprimer la capacité des hommes à transformer quelque chose d’incroyablement triste et horrible, en une chose aussi magnifique que le jazz ! Il disait que cette porte symbolise la fin du voyage pour tous ces africains qui y sont passés, esclaves emmenés de force vers les Amériques, et le début d’un autre voyage pour tous les afro-américains, dont il fait parti. Je n’avais jamais vu les choses de cette façon. Je suis donc allé me pencher sur l’histoire du jazz pour comprendre tout le sens de son propos, et je n’ai pu m’empêcher de me demander si Barack Obama avait eu le même sentiment en passant cette porte.

L’histoire nous ramène à La Nouvelle Orléans, dans l’état américain de la Louisiane, dont je sais peu de choses sinon qu’il fut autrefois francophone et que ses maisons coloniales blanches aux hautes colonnes ornent les rues. Dans cet Etat du Sud, un événement marqua l’histoire de cette musique : l’adoption et le durcissement dans les années 1890 des lois ségrégationnistes, séparant les noirs des blancs, et interdisant aux musiciens noirs de jouer aux côtés des blancs. Les professionnels jouèrent alors dans des fanfares et orchestres noirs, comme si la musique avait une seule couleur et le passé une seule douleur… Mais Marcus Miller l’a bien dit, il est ressorti de ces périodes sombres de notre histoire, une chose positive. Le jazz à été influencé par cette histoire, de la période de l’esclavage, des champs de coton, et leurs chants de travail, à celle de l’exode rurale de ces populations noires fin 19 ème siècle, qui fera évoluer le blues et avec ça le jazz qui y tire son essence.

J’ai continué mon périple à travers la musique, à la manière de Soro et Vladimir dans l’Afrique enchantée. Je me suis donc arrêté en Californie, avec Marcus Miller qui m’a fait découvrir le jazz et a redonné à la basse ses lettres de noblesse. Puis j’ai voyagé entre Los Angeles, l’Espagne (Denia) et Lagos, avec Keziah Jones. J’ai aussi traversé un pont entre la France et le Liban, avec le trompettiste Ibrahim Maalouf, connu pour son mélange des genres entre Jazz, musique traditionnelle, rock, slam, funk et même métal. Il nous a offert ici une prestation plus classique, en écho à son album Wind, conçu comme une œuvre cinématographique. Il est aussi venu nous prouver par A+B sa profonde admiration pour Miles Davis et pour le film dramatique dont il a composé la musique, « Assenseur pour l’échafaud » de Louis Malle. Pari réussi, on a eu envie d’aller voir le film.

Enfin, dans mon voyage vers les Amériques, je suis allée jusqu’à Cuba pour écouter les mélodies chantantes de l’orchestre du Buena Vista Social Club. J’y ai ressenti l’ambiance des clubs de la Havane des années 40, où le chant, la danse, et la sensualité sont les maîtres mots, où tout le monde se laisse emporter par les rythmiques endiablées, et où la beauté n’a pas d’âge. Ainsi, mon regard s’est arrêté sur Omara Portuondo, 83 printemps cette année et qui à fait de cette soirée, un moment de grâce.

 Le jazz à Vienne aura été cette année remplie de belle histoires, derrière ses talentueux musiciens, et m’aura rendu fière de ma région, pouvant accueillir les plus grands spécialistes d’une musique centenaire.

Duo Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo, accompagnés au piano par Roberto Fonseca