Raphaël KAFANDO

Buvons à la santé de la mort !

 

Les boissons périmées découvertes au Burkina posent au-delà de l’émotion que cela suscite un sérieux problème. Quelle est la qualité des produits alimentaires consommés au pays des hommes intègres ?

Du fait de l’urbanisation accélérée, qui a bousculé les modes d’alimentation, le contenu de l’assiette burkinabè a profondément changé. On est passé de plats traditionnels composés du riz local, des sauces d’oseille, de gombo, de légumineuses et de légumes frais à une consommation plus fréquente des poulets et poissons importés, de produits laitiers, de sucres et de graisses ajoutées.

Les citadins n’ont plus le temps de consacrer de longues heures à la préparation des repas. Les femmes, longtemps confinées dans la cuisine, sont aujourd’hui plus nombreuses à exercer une activité professionnelle. Une donnée qu’ont bien intégrée l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Plats tout préparés, multiplication des traiteurs, l’offre s’est adaptée aux nouvelles attentes du consommateur.

La classe dite moyenne se plaît désormais à faire ses courses dans les supermarchés pleins de produits venus de l’on est sait où ? Résultats, certaines personnes meurent de maladies incurables sans compter l’obésité et les maladies cardio-vasculaires qui explosent.

A l’intérieur du pays, il suffit de voir comment le maraîchage se fait dans certains milieux pollués pour se rendre compte également que nos fameuses « crudités » et « salades » ne sont pas si indemnes que cela. Et que dire de la viande grillée avec de l’huile cancérigène qui expose fortement la santé. Et que dire, de la mode qui est de manger maintenant du hamburger ou de ces fameux pains anglais dont raffolent une certaine classe de la population. Il faut donc que chacun de nous ait le courage de se regarder en face et de réfléchir de façon objective à ce qu’il mange et boit.

Il est grand temps aussi que l’Etat à travers le laboratoire national de santé publique soit plus rigoureux dans le contrôle des produits alimentaires importés au Burkina. Par ailleurs les populations doivent de plus en plus également apprendre à consommer burkinabè, c’est la seule manière de vivre libre et de vivre longtemps comme pour paraphraser quelqu’un.

Si ceux qui sèment la mort dans les marchés et boutiques persistent et signent, c’est parce qu’ils sont quelque part persuadés d’agir et de continuer à agir impunément. Par ailleurs, il faut également mettre de l’ordre dans l’alimentation de rue et autres « restaurants au bord de la rout e» où divers produits nocifs sont utilisés pour la préparation et dans la conservation des aliments.

R.K.


L’environnement, le parent pauvre des mines

Une mine abandonnée à Poura dans l'Ouest du Burkina
Une mine abandonnée à Poura dans l’Ouest du Burkina

La contribution des sociétés minières au budget de l’Etat burkinabè en 2012 se lève à plus de 189,5 milliards de FCFA contre 127,4 Milliards en 2011, soit une progression de 49%. Ces chiffres à eux seuls montrent à quel point, le métal précieux est devenu très important pour l’économie du « pays des hommes intègres ». Toutefois, comme partout ailleurs, son impact sur l’environnement fait qu’il faut agir avec prudence pour ne pas se retrouver un jour sans or ni ressources forestières, faunique ou halieutique. En effet, l’extraction de l’or implique une série d’impacts environnementaux. Les activités de prospection et d’extraction de minerai dégradent la qualité des sols. Dans les mines artisanales, le souci de l’environnement n’existe pas dans l’esprit des orpailleurs. Tout au plus, l’administration essaie de minimiser quelque peu les effets les plus graves sur la sécurité des exploitants. Mais ces mesures semblent dérisoires face aux conséquences de ces exploitations. En l’absence d’un encadrement des orpailleurs, leurs activités renforcent la destruction anarchique des sols et contribuent au déboisement des zones exploitées.

Dans l’orpaillage artisanal, des centaines de milliers de puits sont souvent abandonnés. Ils offrent ainsi le sol au ravinement et à des processus d’érosion intensive, aboutissant à une destruction totale du couvert végétal. Ce déséquilibre provoque, en plus, un sur-alluvionnement des vallées et leur asphyxie plus ou moins profonde. Ces processus sont quasi irréversibles et peuvent devenir catastrophiques à l’échelle de quelques générations. Ces exploitations anarchiques peuvent provoquer des effets convergents et causer de graves perturbations dans le drainage naturel des cours d’eau. Les roches dont les teneurs en or sont trop faibles pour être exploitées et le minerai stérile sont épandus aux alentours des sites d’extraction, impliquant des pertes pour les activités (élevage, agriculture) exploitant ces zones limitrophes. Par ailleurs, les déchets de l’extraction se répandent également par le biais du vent et de l’érosion et réduisent ainsi la fertilité des terres agricoles voisines. La pollution de l’air (poussières, particules fines) aux alentours des sites d’extraction a un impact sur la qualité de vie et la santé des ménages. Les poussières issues de l’extraction de l’or sont en effet particulièrement nocives pour la santé. Les trous, puits, galeries, monticules détériorent le paysage. Les individus se montrent sensibles à la qualité du milieu naturel les entourant. Le nettoyage du minerai nécessite d’importante quantité d’eau. La mise à disposition de cette dernière implique le détournement de cours d’eau et la création de capacités de retenue. Ces infrastructures peuvent engendrer des effets bénéfiques pour la population voisine (meilleur accès à la ressource « eau »). Toutefois, elles modifient fortement le bilan hydrique des régions et renforcent les conflits d’usage sur la ressource. Certains cours d’eau finissent ainsi asséchés, ce qui engendre une disparition de la faune et de la flore locale et des activités économiques traditionnelles les exploitant. L’eau utilisée pour nettoyer le minerai est rejetée souvent directement dans le milieu naturel sans traitement. L’usage de bassin de décantation n’est pas systématisé au Burkina Faso. Et lorsqu’ils existent, ceux-ci sont généralement sous-dimensionnés. L’eau ainsi rejetée est alors fortement chargée de matières en suspension et augmente la turbidité des cours d’eau. Il en résulte un impact fort sur la santé des travailleurs et la population locale. Dans les mines, l’usage de produits hautement toxiques (mercure, cyanure) pour l’amalgamation et la cyanidation de l’or augmente fortement la pollution des eaux. L’impact est potentiellement dramatique, tant sur la population que la faune locale. L’usage de produits chimiques, tels que les acides ou le mercure, compromet dangereusement la salubrité des eaux et des sols. En effet, ces produits chimiques perdus par amalgamation se retrouvent dans les systèmes de drainage, provoquant ainsi une contamination progressive de la chaîne alimentaire, à travers les poissons. Finalement, l’exploitation des mines comporte tellement de conséquences environnementales néfastes qu’il y a lieu de se demander si les sommes mirobolantes que l’exploitation de l’or apporte à l’économie du pays ne sont pas minimes, au regard de la destruction des ressources naturelles. La durée d’exploitation d’une mine n’excédant généralement pas 10 ans, il appartient à l’Etat de veiller à ce que le « boom minier » ne devienne pas à la longue un goulot d’étranglement pour le développement du Burkina Faso. Les richesses du sous-sol sont épuisables et il faut le savoir pour agir conséquemment.

Raphaël KAFANDO

 


APE : la société civile ouest africaine appelle à sauver l’agriculture de la région

La société civile a souhaité que la Commission de la CEDEAO organise sans tarder, une large concertation, ouverte et inclusive, pour informer tous les acteurs de l’Afrique de l’Ouest des enjeux et défis du TEC, et créer ainsi les conditions permettant de corriger les imperfections et rendre possibles, son appropriation et son application.
La société civile a souhaité que la Commission de la CEDEAO organise sans tarder, une large concertation, ouverte et inclusive, pour informer tous les acteurs de l’Afrique de l’Ouest des enjeux et défis du TEC, et créer ainsi les conditions permettant de corriger les imperfections et rendre possibles, son appropriation et son application.

Dans l’optique du renforcement du processus d’intégration économique en Afrique de l’Ouest, la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie en session extraordinaire à Dakar au Sénégal, le 25 octobre 2013. Aussi, deux importantes décisions ont été prises. Il s’agit de l’adoption du Tarif extérieur commun (TEC) pour l’ensemble des quinze Etats membres de la communauté. Concrètement, cela signifie que dès l’application de ce nouveau dispositif, prévue janvier 2015, lorsque des taxes douanières sont prélevées sur une marchandise à l’entrée d’un des Etats de la sous-région, celle-ci devra pouvoir circuler librement dans tous les autres pays de la zone. Ce qui permet aux partenaires commerciaux étrangers d’avoir accès à un marché de plus 300 millions d’habitants que représente cette communauté. Deuxièmement, les dirigeants des pays membres de la CEDEAO ont réitéré leur attachement à la conclusion d’un APE régional, équitable et axé sur le développement. Le sommet a demandé aux négociateurs en chef de l’Afrique de l’Ouest de reprendre diligemment, les discussions avec la partie européenne dans l’optique de conclure, dans les meilleurs délais, l’accord régional. Le sommet leur demande également de veiller au financement approprié du programme de l’APE pour le développement (PAPED) et des coûts d’ajustement fiscaux, afin d’assurer un équilibre avec l’offre d’accès au marché. Ces décisions jugées positives par certains observateurs ne rassurent pourtant pas la société civile de l’Afrique de l’Ouest qui l’a fait savoir, à travers un mémorandum. Ses inquiétudes concernent surtout le secteur agricole de l’Afrique de l’Ouest.

« Nous sommes conscients que quelles que soient la nature du TEC et la qualité de la politique commerciale régionale sur le papier, elles ne pourront atteindre leur objectif de renforcement des secteurs de production, de la compétitivité de l’économie et du commerce intra-régional que si les Etats de l’Afrique de l’Ouest respectent leurs engagements relatifs à la mise en œuvre des protocoles et décisions sur la libre circulation des biens et des personnes auxquels ils ont librement souscrits », a-t-elle déclaré. La société civile se dit préoccupée par la négociation de l’Accord de partenariat économique (APE) et les défis qu’elle pose à l’Afrique de l’Ouest. Contrairement aux promesses initiales de l’Union européenne faisant de l’APE un instrument pour renforcer l’intégration régionale, c’est bien le contraire qui s’est produit car, l’Afrique de l’Ouest a été fragmentée, balkanisée en cinq régimes commerciaux différents, suite à la signature des APE intérimaires. Pour elle, l’adoption récente par l’UE d’une décision menaçant de retirer les préférences à la Côte d’Ivoire et au Ghana, entre autres pays ACP, à l’horizon du 1er octobre 2014, apparaît comme une pression qui risque d’affaiblir les lignes de résistance de l’Afrique de l’Ouest et la pousser vers un APE « à tout prix ». La société civile ouest-africaine a rappelé que l’APE n’est qu’un accord commercial, de surcroît avec un partenaire dont les parts dans notre commerce, ont chuté de 75% en 1975 à 28% actuellement. « Il ne peut en aucun cas remplacer notre politique commerciale, ni déterminer celle-ci. Sa conclusion ne se justifie que s’il est porteur de progrès et s’il peut contribuer concrètement, à réaliser des objectifs de développement économique et social des pays et de leurs peuples », a-t-elle ajouté. Sur l’offre d’accès au marché, l’Afrique de l’Ouest a consenti les plus importants efforts pour se rapprocher de la position de l’Union européenne. Mais en dépit de ces efforts, l’Union européenne est restée campée sur ses positions, exigeant 80% d’ouverture du marché régional. Par ailleurs, les organisations de la société civile rejettent d’avance la nouvelle offre d’ouverture de 75%, car elle est économiquement insoutenable et socialement, catastrophique pour l’Afrique de l’Ouest. « Des études rigoureuses, jusqu’ici non démenties, ont prouvé son impact négatif, en termes de détournement de commerce, pertes de recettes fiscales, perte de revenus pour les ménages, précarité et menace sur l’emploi et de l’investissement, entre autres », précise le mémorandum. Elles préconisent dans le secteur agricole de prendre des mesures de défense commerciale appropriées et adaptées à la nature particulière de l’Afrique de l’Ouest. Ces mesures de sauvegarde doivent être faciles à mettre en œuvre et strictement, orientées vers les besoins de développement de l’Afrique de l’Ouest et non pas déterminées par des accords internationaux souvent mal négociés que seuls nos pays sont parfois les seuls à appliquer à la lettre. Les organisations signataires de ce mémorandum ont lancé un appel à la CEDEAO pour la mise sur pied d’un Fonds de soutien à l’intégration régionale (FSIR).

Ce fonds qui pourrait être alimenté, entre autres, par le prélèvement communautaire unique de 1.5%, servirait à compenser dégressivement, les pertes que pourraient subir les pays signataires d’APE intérimaires. Pendant ce temps, ces pays, comme l’ensemble de la région, travailleraient à finaliser les politiques sectorielles communes régionales, accroître la compétitivité et approfondir l’intégration économique, en opérationnalisant les mesures sur la libre circulation des biens et des personnes.

La société civile a souhaité que la Commission de la CEDEAO organise sans tarder, une large concertation, ouverte et inclusive, pour informer tous les acteurs de l’Afrique de l’Ouest des enjeux et défis du TEC, et créer ainsi les conditions permettant de corriger les imperfections et rendre possibles, son appropriation et son application.

Les organisations qui ont signé ce mémorandum viennent du Bénin, du Burkina, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Mali, au Niger, du Nigeria, du Sénégal et du Togo. Elles ont tenu, les 23 et 24 octobre 2013, des assises à Dakar qu’ils ont appelé « le sommet des peuples de la CEDEAO ». Le mémorandum a été signé par des organisations comme la Coalition malienne des acteurs non étatiques pour l’Accord de Cotonou (CMANE-AC), le Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), le Secrétariat permanent des ONG du Burkina(SPONG) etc.

Raphaël KAFANDO


2050, rendez vous à risque ?

Les catastrophes climatiques risquent d'augmenter dans les années à venir
Les catastrophes climatiques risquent d’augmenter dans les années à venir

La plupart des scientifiques cite 2050 comme une année critique où les effets des changements climatiques seront catastrophiques pour l’humanité. Jeudi 15 mars 2012, l’OCDE a publié ses perspectives de l’environnement à l’horizon 2050. S’appuyant sur les travaux de modélisation menés conjointement par ses services et l’Agence d’évaluation environnementale des Pays-Bas. Le rapport se projette dans l’année 2050 pour imaginer quelles répercussions les tendances économiques et démographiques pourraient avoir sur l’environnement si le monde n’adopte pas de politiques vertes plus ambitieuses. Le constat dressé est simple : « la taille de l’économie mondiale a plus que triplé depuis 1970, tandis que la population de la planète augmentait de plus de 3 milliards de personnes pour atteindre 7 milliards aujourd’hui ». Or, « cette croissance s’est accompagnée d’une pollution de l’environnement et d’un épuisement des ressources naturelles qui pourraient bien, à terme, compromettre le développement humain ».

 Afin de limiter les dégradations de l’environnement, l’OCDE propose deux mesures. Il s’agit tout d’abord de « la nécessité urgente d’agir dès à présent pour modifier le cours de notre développement futur » car « au-delà de certains « points de basculement », les modifications préjudiciables subies par les systèmes naturels deviennent irréversibles ».

 Le second axe important mis en avant par l’OCDE est la retranscription des dégâts environnementaux dans le prix des biens et services. Il faut « rendre la pollution plus coûteuse que les solutions plus vertes », plaide l’Organisation qui recommande de « veiller à ce que les prix reflètent mieux la véritable valeur du patrimoine naturel et des services écosystémique ».

 En matière de dérèglement climatique, le constat de l’OCDE est particulièrement effrayant, puisqu’aucun élément positif n’est avancé. Premier reproche : les « engagements de Copenhague et Cancún sont insuffisants pour limiter le réchauffement à 2°C de manière efficace par rapport aux coûts ». De même, l’OCDE constate que les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent à progresser et que les preuves de la réalité des changements climatiques s’accumulent. Globalement, l’OCDE conclut que « les perturbations liées au changement climatique vont sans doute s’aggraver et devenir irréversibles, puisqu’on prévoit une augmentation de 50 % des émissions mondiales de GES ».

 S’agissant de la biodiversité l’Organisation formule quatre reproches. Il s’agit de la « perte continue de biodiversité sous l’effet de pressions croissantes » (changements d’utilisation des terres et évolution du climat), de la réduction progressive des forêts vierges, de la « surexploitation ou l’épuisement des stocks halieutiques » et de la propagation des espèces envahissantes.

 En matière de ressources en eau, l’OCDE s’inquiète tout d’abord de voir que « 2,3 milliards de personnes de plus qu’aujourd’hui (plus de 40 % de la population mondiale) sont appelés à vivre dans des bassins hydrographiques soumis à un stress hydrique élevé ».

 Quant à la qualité de l’eau, l’Organisation dénonce l' »aggravation de la pollution et l’épuisement accéléré des ressources en eaux souterraines », la « détérioration de la qualité des eaux de surface dans les pays non membres de l’OCDE », l' »augmentation de la charge d’éléments nutritifs à l’échelle mondiale et des risques d’eutrophisation » et l' »augmentation du volume d’eaux usées non traitées rendues au milieu naturel ».

 Enfin, l’OCDE dresse un tableau déplorable de l’évolution de la qualité de l’air. « La pollution atmosphérique devrait devenir la principale cause environnementale de décès prématurés à l’échelle mondiale », avance l’OCDE qui évalue 3,6 millions le nombre de personnes qui pourraient décéder en 2050 du fait de la pollution atmosphérique, et tout particulièrement à cause des particules fines. Bref, le constat dressé sur l’avenir de la planète est sombre, très sombre. L’histoire a montré que l’homme attend toujours d’être confronté à une catastrophe avant de changer radicalement d’attitude. Face à l’ampleur de la menace, l’humanité doit absolument anticiper une éventuelle catastrophe et poser des limites. Cela implique des choix douloureux et des mesures drastiques. Seulement la question est de savoir si nous sommes prêts à renoncer à certains avantages du confort de la vie moderne ? Quel gouvernement serait assez courageux pour construire son programme sur une réduction massive de la circulation automobile ou de la production énergétique par exemple ?

 

Raphaël KAFANDO

 

 


Tas d’immondices sauvages à Ouagadougou : Un peu de civisme SVP !

Un caniveau utilisé comme poubelle
Un caniveau utilisé comme poubelle

« La ville de Ouagadougou génère, actuellement, environs 300 000t d’ordures ménagères annuellement… ». Ces chiffres donnés par le directeur de la propreté de la mairie de Ouagadougou, Mahamoudou Sidi Cissé, montrent l’ampleur des déchets produits dans la ville de Ouagadougou. A certains coins des rues jouxte des dépotoirs d’ordures fièrement déposées par les habitants et dégageant des odeurs fétides. Même les abords des mairies n’y échappent pas souvent et ce, dans l’indifférence souvent de tous. Cette situation s’explique par plusieurs raisons. Premièrement, la pré-collecte a été confiée à des particuliers. Les ménages n’ayant pas toujours les moyens de payer ces particuliers ou pré-collecteurs d’ordures, leurs ordures leur restent sous les bras et se retrouvent nuitamment (pour les moins courageux et les plus scrupuleux) sur la voie, le trottoir ou dans le caniveau ou encore sur la première aire libre rencontrée. Parfois, ce sont les pré-collecteurs, eux-mêmes, qui à bout de force pour continuer de tirer leur charrette remplie d’ordures, déversent leur cargaison là où la force les a lâchés ! Deuxièmement, l’on a souvent l’impression que le ouagalais a oublié que la place des ordures est dans la poubelle ! Sinon, d’où viennent tous les déchets qui jonchent certains artères de Ouagadougou? En réalité, cela est dû au comportement incivique des populations. Les ouagalais n’éprouvent aucune gêne à jeter sur la chaussée, dans le caniveau, sur la voie publique, le sachet d’eau, la peau de banane, le mouchoir qu’ils viennent d’utiliser. Trop difficile de patienter jusqu’à la prochaine poubelle. Il n’est pas rare de voir des personnes assises dans des véhicules « derniers cris », convenablement habillées, baisser la vitre dudit véhicule et jeter allègrement sur la voie un pot de yaourt, un mouchoir usagé ou un sachet d’eau vide ! Et dire que ces personnes pensent ainsi faire preuve de propreté en ne salissant pas leur voiture. Cela paraît tellement normal que les vendeuses de nourriture aux abords des voies ne prennent même pas la peine de balayer leur espace de travail jonché d’ordures, les ordures issues de leur commerce. Les abords des marchés n’échappent pas à la règle. A coté de certains marchés, il y a une décharge sauvage d’ordures. Autre scène surréaliste, ce sont les personnes qui jettent les ordures à côté souvent des pancartes sur lesquelles il est inscrit « Interdit de jeter des ordures sous peine d’amende ». Cette pancarte est bien visible. Curieusement, c’est au pied de cette pancarte et rien qu’à cet endroit que les riverains viennent vider leurs poubelles ! Ramassées le jour, ces ordures reprennent leur place le lendemain comme pour dire : « Laissez nos ordures là où elles sont. Nous aimons quand la rue est sale ». Et ces sachets plastiques dont on finirai jamais d’en parler. Un tour rapide à quelques arrêts de taxi ou gares de la capitale, ou encore aux abords d’un complexe sportif après une manifestation édifie quant à l’accoutumance à ce type d’emballage prétendument propre, mais ô combien salissant et nocif. Une véritable catastrophe écologique est en train de se dérouler sous nos yeux, par notre propre volonté. Il est vrai qu’en la matière, la commune de Ouagadougou tente de promouvoir les filières de valorisation, rebaptisant le Centre d’enfouissement technique dont la mission principale est l’enfouissement en un centre de traitement et de valorisation des déchets pour intégrer la composante valorisation des déchets. Nonobstant ces efforts de la mairie de faire de Ouagadougou l’une des villes les plus propres de l’Afrique, chaque citoyen doit se sentir concerné par le rayonnement de la capitale burkinabè.

 Raphaël KAFANDO


Orpaillage au Burkina : arrêtons le fatalisme

Le travail des enfants est l'un des fléaux engendrés par l'orpaillage
Le travail des enfants est l’un des fléaux engendrés par l’orpaillage

Des éboulements dans différentes localités du Burkina ! Des situations dramatiques du genre, le Burkina Faso en connait, avec toujours, à la pelle, des morts et des blessés. En plus du drame humain provoqué par ce fléau, il faut ajouter les conséquences environnementales gravissimes entraînées par cette forme de recherche de gain au Burkina. Dans le rapport final du Projet Mercure mondial, l’ONUDI estime que près de 100% du mercure utilisé par le secteur de l’orpaillage est rejeté dans l’environnement, soit sous forme de liquide ou de vapeur. La vapeur de mercure peut être transportée assez loin par les vents. Elles se déposent sur les sols, les végétaux, les plans d’eau et les aliments non protégés ou même être précipitées sous forme de pluie acide, etc. Il faut noter également que l’exploitation minière artisanale contribue également au déboisement et à la déforestation, à la dégradation des sols, à la pollution de l’air par la poussière et le monoxyde de carbone, du sol et de l’eau par les huiles usagées des moteurs et les produits chimiques (les piles usagées abandonnées au fond des puits contenant du manganèse ou plomb), la perte de la biodiversité, la détérioration du paysage etc.

Au plan sanitaire, elle peut engendrer des maladies respiratoires (toux, pneumonie, angine…) du fait de l’inhalation de la poussière et des accidents souvent mortels, compte tenu des techniques d’extraction du minerai qui s’avèrent archaïques.

Au plan social, cette activité entraîne la dépravation des mœurs sur les sites d’exploitation, ce qui peut faire accroître le taux des maladies sexuellement transmissibles. Elle contribue à vider les classes de leurs élèves qui doivent aider leurs parents dans l’extraction, ce qui conduit à une baisse du taux de scolarisation dans les zones d’exploitation.

Le problème est que malgré le fait que les autorités connaissent toutes ces conséquences, l’on a l’impression qu’il existe un certain aveu d’impuissance face à ce fléau. La réalité est que face à une situation de pauvreté souvent très accrue des populations, l’Etat tend à tolérer ou à s’accommoder d’une telle pratique qui occupe des milliers de personnes. En effet, l’activité d’orpaillage au Burkina, se mène sur des centaines de sites et procure des revenus à plus de 200 000 personnes vivant principalement en milieu rural. Pour un pays comme le Burkina Faso, défavorisé par son climat, l’orpaillage est un puissant moyen de lutte contre la pauvreté après l’agriculture et l’élevage, vu le nombre important d’emplois qu’il crée, surtout en période morte ou en période de mauvaise récolte. Toutefois, ces avantages ne doivent pas conduire à perdre de vue les conséquences gravissimes de cette activité sur l’environnement, la sécurité et la santé des Burkinabè.

A cet effet, les décideurs, les techniciens, la société civile, les responsables coutumiers et religieux, ainsi que les orpailleurs doivent œuvrer chacun à une bonne organisation de cette activité porteuse. C’est pourquoi, il convient de mener des campagnes intenses de sensibilisation des orpailleurs aux risques et dangers associés à l’utilisation et à la manipulation sans protection ni précaution du mercure. Il est important de réglementer aussi la vente, l’achat, le transport et l’utilisation du mercure sur l’ensemble des sites d’orpaillage en activité. De plus, il est primordial que tous les sites d’orpaillage importants fassent l’objet d’un recensement, d’une étude de cartographie et de caractérisation physico-chimique dans la perspective d’une meilleure gestion de l’environnement minier.

Raphaël KAFANDO


La disparition progressive des amphibiens pourrait expliquer l’augmentation des cas de paludisme dans certaines régions du Burkina

De tous les vertébrés, les amphibiens constituent le groupe animal avec le plus fort pourcentage d’espèces menacées dans le monde entier. C’est ce que révèle le tome II de « L’atlas de la biodiversité de l’Afrique de l’Ouest ». Selon le Pr Adjima Thiombiano, qui a participé à la réalisation de cet ouvrage, la perte de leur habitat naturel est la principale raison de cette régression. Les espèces d’amphibiens, c’est-à-dire les anoures (grenouilles, crapauds etc.), les cécilies et les urodèles (salamandres, tritons), descendantes des premiers vertébrés qui ont marché sur la terre, sont de très bons indicateurs d’un environnement sain. Près de 200 espèces de 12 familles ont été répertoriées en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, ces espèces sont menacées de disparition, à cause de l’exploitation abusive des ressources naturelles. De nombreuses forêts sont rasées ou transformées en plantations.
L’exploitation forestière sélective à elle seule, peut modifier complètement la composition de la faune amphibienne. Le Pr Adjima Thiombiano de l’Université de Ouagadougou explique que les amphibiens sont en mesure de signaler une détérioration environnementale avec une certaine anticipation par rapport à d’autres groupes d’organismes et même d’avertir sur l’imminence de sérieuses menaces pour l’homme. La survie des amphibiens est fortement liée à l’existence de leur habitat qui est l’eau. « Aujourd’hui, il existe des problèmes énormes au niveau de la disponibilité et de la qualité de l’eau. C’est pourquoi on n’hésite pas à les utiliser comme des indicateurs de la santé de l’écosystème », souligne le Pr Thiombiano. Par exemple, lorsque les mares de savane se dessèchent, les poissons ne peuvent donc pas survivre et ce sont les têtards qui, en consommant une grande quantité d’algues, assurent le bon entretien de la qualité de l’eau pour les animaux et pour l’homme. Les têtards prédateurs réduisent également le nombre de larves de moustiques sur ces eaux et peuvent donc enrayer la propagation de certaines maladies transmises par les moustiques, comme la malaria. Au Burkina Faso notamment dans le Ganzourgo (Mogtédo , Zorgho) ou le Zondoma (Gourcy) et le Bam (Kongoussi) où la consommation des amphibiens (grenouilles et crapauds) est très accrue, on observe dans le même temps, une forte augmentation des cas de paludisme.

 

Les amphibiens importants pour le maintien de l’équilibre écologique

Les scientifiques  font une corrélation entre la quantité d’amphibiens consommée et l’augmentation de ces cas de paludisme. « Ce que les populations oublient est que les amphibiens se nourrissent essentiellement de moustiques. Si le nombre des amphibiens diminue, cela entraine la prolifération des moustiques et donc l’augmentation des cas de paludisme avec son lot de conséquences sociales, économiques et écologiques », affirme-t-il.Par le passé, en Afrique de l’Ouest, les amphibiens étaient attrapés à l’intérieur et aux alentours de certains villages pour la consommation. Très souvent, le seul critère de sélection était la taille et les espèces les plus grosses étaient donc préférées. Comme exemple, dans la province de Gourma aujourd’hui, les grenouilles sont capturés par la population, seulement pour leur propre consommation. Les crapauds et les têtards sont également collectés, préparés et vendus dans différents marchés locaux.

pr ThiombianoPr Adjima Thiombiano: « Une espèce peut être menacée pour plusieurs raisons. La première raison est qu’il n’arrive plus à se régénérer, la seconde peut être le fait qu’il existe une surexploitation et la troisième raison peut être le fait que son habitat soit menacé. Les amphibiens se divisent en trois groupes.Le nom « amphibien » fait référence au mode de vie des espèces désignées comme tel : les amphibiens pondent des œufs en milieu aquatique et les têtards des œufs fraichement éclos ont une phase de vie aquatique jusqu’à leur transformation. Le groupe des amphibiens avec la plus grande diversité d’espèces est celui des amphibiens sans queue ou anoures, plus couramment connus comme les grenouilles et les crapauds« 

Le Pr Adjima Thiombiano prévient que si les amphibiens venaient à disparaître, c’est l’équilibre même de l’écosystème qui serait en jeu. « Quand on parle d’écosystème, tous les êtres se tiennent à travers un équilibre et lorsque de par une action donnée,  un être se soustrait ou  s’ajoute, il y a un déséquilibre. Et qui parle de déséquilibre parle de disparition à court, moyen ou long terme de l’écosystème », souligne-t-il. En plus de leur usage dans l’alimentation, les grenouilles, de l’avis du Pr Thiombiano sont également utilisées à des fins médicales dans les zones sous-équipées en infrastructures médicales par les populations.

Malgré, la menace de disparition des amphibiens, le Pr Thiombiano est convaincu que la conservation des habitats importants dans les zones cruciales, c’est-à-dire là où vivent un grand nombre d’espèces endémiques, le sort des amphibiens et des services qu’ils apportent à la nature et  à l’homme, pourraient perdurer pour les prochaines générations.

Raphaël KAFANDO


Or à Poura: Une dette sociale et écologique difficile à apurer

Le gisement d’or de Poura, situé à 180 km au Sud- Ouest de Ouagadougou, dans la région de la Boucle du Mouhoun, précisément dans la province des Balé, a longtemps fait l’objet d’exploitation, tant artisanale qu’industrielle. Fleuron de l’industrie burkinabè et plus particulièrement de l’économie de la région jusqu’au début des années 1990, la fermeture de la mine, exploitée par la Société de recherche et d’exploitation minières du Burkina (SOREMIB), en 1999, laisse derrière elle des conséquences environnementales, sociales et économiques désastreuses.

Un des bâtiments délaissés de la Mine de Poura
Un des bâtiments délaissés de la Mine de Poura

 

 L’ancienne mine de Poura ! Une équipe de la Compagnie républicaine de Sécurité (CRS) filtre l’accès en cette saison pluvieuse. Un silence, entrecoupé par les cris d’oiseaux règne à l’intérieur. Pas de vrombissement de machines d’extraction d’or. L’environnement semble inerte. Çà et là, des maisons et des magasins abandonnés et défaits de leurs portes et fenêtres, un cimetière de machines, des serpents faufilant entre le matériel délaissé, etc. Les infrastructures donnent l’impression d’une ville abandonnée comme on en voit dans les « films westerns ». A quelques mètres de l’entrée, se trouve l’une des trois carrières abandonnées. « Nous ne connaissons pas la profondeur, mais j’ai bien peur que la nappe phréatique ait été atteinte. Nous avons même des crocodiles qui y logent », indique l’agent de l’Environnement de Poura, Rasmané Bouda. Juste à côté, une montagne artificielle née de l’exploitation minière, se dresse au milieu de la mine. Au loin, des femmes fuient à la vue des agents de sécurité. « C’est toujours le même scénario ; les populations s’infiltrent dans la mine pour ramasser les cailloux. Elles ne savent pas que c’est dangereux pour leur santé », affirme l’un des agents de sécurité. Avec nostalgie, Abou Lassé Nana explique : « J’ai travaillé à la mine depuis 1982 jusqu’à sa fermeture en 1999. Quand on fermait la mine, on nous avait promis la réouverture d’ici à six mois. On avait donc instauré un service minimum dans toutes les sections de la mine. Entre temps, il y a eu un changement de ministre et on n’en a plus parlé ». Il a ajouté que pour cela, une plainte a été déposée à la justice contre l’Etat par les travailleurs. « Le procès a été délibéré le 26 juin 2012 et l’Etat doit nous payer nos droits et reverser nos cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale », dit-il. Il se rappelle que son salaire de cadre moyen à l’époque tournait autour de 230.000 FCFA. « Vous savez, beaucoup de nos camarades sont morts dans l’anonymat après la fermeture de la mine. Certains ont actuellement des problèmes de santé. Par exemple, des anciens travailleurs ont développé la silicose (NDLR : la poussière du quartz entre et perfore les poumons) qui est incurable », révèle M. Nana. C’est le cas aussi de Moussa Traoré, précédemment conducteur polyvalent à la mine de Poura qui dévoile qu’il souffre d’une incapacité de près de 50%, occasionné par un accident de travail à la mine.

Un mal nécessaire

Non loin de l’ancienne mine, une autre carrière est en cours d’utilisation par les orpailleurs artisanaux. L’agent de l’Environnement, Rasmané Bouda, déclare que des personnes entrent dans les interstices de la carrière pour chercher l’or. Ce qui provoque, souvent, des éboulements, avec souvent des pertes en vies humaines. Sur place, des enfants de moins de 17 ans déambulent, et donnent l’impression que tous les enfants de Pourra sont devenus des orpailleurs. « Il y a aussi beaucoup d’autres enfants qui viennent de différentes localités du Burkina », précise M. Bouda. Malgré l’interdiction de l’orpaillage en saison des pluies, quelques orpailleurs sont dans la carrière, à la recherche du métal précieux. Les uns tamisent la terre tandis que d’autres s’occupent d’une machine qui aide à extraire des minerais dans les entrailles du sol. Au loin, le Chef d’équipe se repose au pied d’un arbre. « Nous sommes là, il y a environ un mois. Nous venons juste d’arriver. Nous ne gagnons pas grand-chose, mais il faut bien se nourrir », rétorque ledit chef sous anonymat. Quant au mercure et au cyanure, la manipulation se fait, au vu et au su de tous, comme si c’était des produits sans aucun danger. « Ces substances contaminent l’eau de la carrière qui est en contact avec le fleuve Mouhoun. Les animaux boivent cette eau et meurent souvent. Ce qui n’empêche pas que leur viande se retrouvent sur les marchés. De plus, les berges des carrières abandonnées se dégradent et les eaux coulent vers le fleuve Mouhoun qui s’ensablent de jour en jour », regrette l’agent de l’Environnement. Il confie que c’est dans cette carrière, le 17 août 2006, que « le ciel » s’est refermé sur les orpailleurs à la mine d’or de Poura. Bilan officiel, 11 morts. « Poura est une petite ville avec trois carrières abandonnées à ciel ouvert. Cela provoque même des noyades d’enfants et d’animaux », déplore Rasmané Bouda, assistant des eaux et forêts en service à Poura. Le maire de Poura, François Bognini, reconnaît que l’orpaillage traditionnel, qui a pris le relais de la mine industrielle, entraîne des conséquences négatives et fâcheuses. « C’est un monde difficile à gérer car il ne referme jamais les trous après avoir extrait les minerais. Quelquefois, les orpailleurs ont carrément retiré de force des champs. Les plus chanceux ont pu avoir des compensations, mais d’autres ont vu leur champs dévasté même avec des plantes sans être dédommagés », raconte-t-il. Toutefois, il souligne que cette activité vient faire revivre, un tant soit peu, l’économie de la commune. « La fermeture de la mine a été très durement ressentie. La mine employait au moins plusieurs centaines de personnes et une activité économique s’était développée tout autour. Des activités agricoles comme le maraichage s’étaient développées en priorité pour satisfaire les besoins alimentaires des travailleurs de la mine », témoigne le maire. Il continue en faisant savoir qu’à la fermeture, la ville s’est vidée de plusieurs milliers d’habitants, du jour au lendemain et l’économie est retombée car Poura s’est vue amputer de son poumon économique. C’est pour cela, à son avis, que l’orpaillage traditionnel est toléré, car il admet que la commune en profite, engrangeant des recettes. Au niveau de la population, c’est le même discours qui prévaut. La plupart des personnes concèdent les effets néfastes de l’orpaillage traditionnel, mais ils sont tous d’accord que l’activité a redonné un nouveau souffle à l’économie de la ville. Pour le photographe Emmanuel Yargha, l’orpaillage artisanal fait renaître la ville de ses cendres. « Les orpailleurs investissent beaucoup dans la ville. A Poura, vous allez rencontrez des véhicules et des motos que vous ne pouvez même pas voir à Ouagadougou. Depuis leur arrivée, des immeubles commencent à pousser ». Et son ami, animateur dans une radio locale, Blaise Baky, de renchérir que l’orpaillage traditionnel est un mal nécessaire.

Entre espoir et inquiétudes

Blaise Baky rappelle que l’ancienne mine industrielle n’a pratiquement rien laissé à la ville. Les seules réalisations positives, selon lui, sont le Collège d’enseignement général, le district sanitaire, le centre de loisir et le stade municipal de Pourra. « A part cela, même l’ambulance a été vendue lors de la liquidation », regrette-t-il. Il espère qu’avec l’arrivée du nouvel exploitant, à savoir la société minière américaine, Newmont ventures limited, les mêmes erreurs ne seront plus commises. « Les populations exigent, entre autres, du nouveau exploitant, le bitumage de la voie qui mène à Poura, un soutien pour les groupements de la région et de recruter, en majorité, les enfants de la région et une fermeture des carrières après l’exploitation de l’or », prévient M.Baky. Quant au maire de Poura, François Bognini, il assure que des rencontres ont déjà eu lieu avec les responsables de la société minière américaine et que pour l’instant, la société promet de prendre en compte les préoccupations de la population. « En ce qui nous concerne, nous sommes en train de nous organiser pour mettre en place un comité qui puisse être leur interlocuteur. Dans nos demandes, nous allons souhaiter que la nouvelle mine nous aide à refermer les anciennes carrières, au cas où elles ne seront pas prises en compte dans leur déploiement. En tous les cas, nous avons l’ambition de faire en sorte que ce qui s’est passé autrefois ne se répète plus », conclut-il.

 Raphaël KAFANDO

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Les infrastructures délaissées par la mine se meurent

L’une des conséquences de la fermeture de la mine est l’abandon de la citée qui abritait les travailleurs. Résultat, les bâtiments sont totalement défaits des fenêtres, tôles, portes et autres accessoires. « Les maisons vandalisées datent d’avant la mise en place du Conseil municipal », se défend le maire de Poura, François Bognini. Depuis l’installation du conseil municipal en 2006, le maire s’est arrangé à mettre les maisons relativement en bon état en location à 5000FCFA, par mois dans l’objectif de permettre à la commune d’avoir quelques recettes et de responsabiliser les locataires dans l’entretien des maisons. « Nous aurions bien voulu réhabiliter quelques maisons, mais le ministère en charge des Mines nous a fait savoir que ce patrimoine fait partie des infrastructures pour lesquelles l’Etat chercherait des repreneurs. Nous nous sommes donc abstenus de faire le moindre investissement », indique-t-il. Son souhait est que l’Etat leur lègue ces infrastructures afin que des dispositions soient prises pour les réhabiliter et pouvoir les exploiter au profit des populations. Une autre préoccupation des populations de Poura est l’état défectueux de la route qui mène à l’ancienne mine. Selon le maire Bognini, les embourbements sont légion sur cette voie en saison hivernale. .

R.K.

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Historique de la mine d’Or de Poura

L’exploitation artisanale à Poura, d’après les investigations archéologiques, remonterait à plusieurs siècles et aurait cessé à la fin du 19è siècle avec la pénétration coloniale. L’exploitation industrielle s’est effectuée par intermittence depuis les années 1930 jusqu’à nos jours. Elle aurait débuté avec un certain colonel d’Aubusson qui installa une petite usine dont les ruines sont encore visibles à l’entrée de Poura, pour exploiter les rejets d’orpaillage. Cette activité se poursuivra jusqu’en 1945 à la fin de la deuxième guerre mondiale. De 1960 à 1966, la Société des mines de Poura (SMP) prend le relais et va exploiter le gisement actuel de la mine souterraine à partir de 62 mètres sous terre jusqu’à la profondeur de 227 mètres. La fermeture interviendra brutalement pour des raisons d’ordre technique et financier, mais surtout du fait du refus de l’Etat voltaïque, à l’époque, de renouveler le permis d’exploitation. Dans les années 1980, on assiste à une remontée spectaculaire du cours de l’or (800$ US) par once, et la mine de conception moderne fut réouverte en 1981 après environ quinze (15) années d’interruption. L’exploitation du gisement était assurée par la Société de recherche et d’exploitation minière (SOREMIB), créée en 1973, pour reprendre l’exploitation de la première mine qui avait fonctionné de 1960 à 1966. L’entreprise était initialement une société d’économie mixte au capital de quatre (4) milliards de FCFA associant l’Etat burkinabè (60%), la Compagnie française des mines (COFRAMINES 20%) et la Banque Islamique de développement (BID 20%). Elle est ensuite transformée en Société de recherche et d’exploitation Minières du Burkina (SOREMIB) en 1984 avec le changement du nom du pays. Les réserves, à l’ouverture, ont été estimées à 1 500 000 tonnes d’or commercialisables avec un rythme de production de 2 tonnes d’or par an. La production de l’or a démarré le 18 octobre 1984 et la société a connu une période prospère jusqu’en décembre 1988, avec une production atteignant un pic de 3,5 tonnes d’or métal par an. De 1984 jusqu’à la fermeture en août 1999, l’usine a traité 1 476 000 tonnes de minerai sec à une teneur moyenne de 11,3 g/t et a produit 17,5 tonnes de doré, contenant 14,5 tonnes d’or fin.

R.K.

Source : Organisation pour le Renforcement des Capacités de Développement
(ORCADE)