Rovaki PIERRE LOUIS

Haïti/Élections : l’ouragan Matthew, l’avant-dernier pion

Iceberg diamant
Crédit photo : Patrik Svoboda

Le week-end dernier, le Conseil électoral provisoire (CEP) s’est une fois de plus prononcé sur le dossier des élections. En effet, 20 novembre et 29 janvier sont respectivement les dates retenues pour l’organisation du premier tour et du second tour des législatives et présidentielles en Haïti.

Le passage de l’ouragan Matthew du 4 au 6 octobre sur le pays n’est pas sans conséquence (désastreuse). Avec grandes violences, il a manifestement semé le deuil et la désolation au sein de plusieurs milliers de familles haïtiennes. Le Grand Sud du pays – département du Sud, de la Grand’Anse, des Nippes – étant le plus touché par ses multiples dégâts. Parallèlement, cette catastrophe naturelle a, semble-t-il, modifié divers agendas dont celui du CEP de reporter un des plus importants rendez-vous de la nation haïtienne cette année : les élections du 9 octobre.

Lorsqu’il ne nous arrive de planifier (créer) nous-mêmes les tenants et les aboutissants de certains événements dans ce pays, des forces naturelles agissent de façon telle à nous donner un (vrai) coup de pouce, dira-t-on. Quand nous savons que depuis les élections contestées du 25 octobre 2015, nous sommes déjà à 365 jours (l’équivalent d’une année) de tentatives infructueuses de l’élection d’un président légitime, élu démocratiquement. Aussi avons-nous connu dans l’intervalle deux conseils électoraux provisoires pour une seule et même mission.

L’ouragan Matthew, un exutoire

Au premier plan, la grande majorité s’accorde sur le fait que le passage de l’ouragan Matthew est à l’origine de la non tenue des élections le 9 octobre passé dans le pays. Puisqu’après son tumultueux passage, les principales voies de communication reliant le département de l’Ouest du reste du pays sont pratiquement coupées; des écoles publiques et/ou non publiques qui abriteraient des CV¹ sont en partie endommagées ou totalement détruites; des BED² et BEC³ se retrouveraient dans le même état. Et de fait, les déclarations et arguments soutenus par des membres du CEP, des autorités du gouvernement en place dans la presse locale semblent concorder sur le fait que le climat n’est pas (vraiment) propice. Pour l’heure, il y a grande nécessité d’assurer le logement des déplacés et sans-abris, l’approvisionnement en eau et en nourriture des sinistrés ; pourvoir à leurs divers besoins en soins sanitaires; contrer la montée recrudescente du choléra (cet héritage funeste de la Minustah). Le moment appellerait donc à l’aide et à la solidarité aux populations locales dépassées par cet événement cataclysmique. En toute évidence, les arguments collent bien. On dirait même la manière élégante de se montrer solidaire et voler au secours du peuple une énième fois. Des applaudissements dignes de vous messieurs les dirigeants!

Les élections haïtiennes dans le viseur de la Communauté internationale

Au second plan, une minorité très consciente de ce qui se trame dans le couloir politique du pays s’accordaient déjà sur l’idée qu’il n’était pas donné pour vrai que les élections aient effectivement lieu à la date prévue, soit le 9 octobre.

Fin août, deux interlocuteurs étrangers avec qui nous échangeons régulièrement sur la conjoncture politique d’Haïti étaient de passage au pays. Toujours prennent-ils le plaisir [à eux] de nous entretenir sur la politique étrangère de leur pays d’origine vis-à-vis de certains « petits » pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe, sur l’influence (que je qualifie moi-même d’ailleurs d’ « ingérence pure ») que le gros bonnet exerce sur eux (dont Haïti) en termes de ‘prises de grandes décisions politiques’. Au cours d’une discussion très animée, l’un deux a relaté, non sans réserve, qu’il sait combien est grande la motivation de la majorité des Haïtiens que les autorités de leur pays organisent les élections à la date prévue, pour crédibiliser l’institution électorale qui en a la [très] très lourde responsabilité mais aussi jeter les bases d’une certaine stabilité politique et sociale. Par contre, en raison justement des intérêts supérieurs […] elles ont très peu de chance de se tenir avant les élections américaines de novembre prochain.

À première vue, il n’était pas question de prendre au sérieux son message. Il sonnait mal. Très mal. Par rapport à une telle déclaration, nous avons surtout insisté sur le fait que, rien que cette fois et au vu de tous, le gouvernement haïtien a, de son côté, consenti d’énormes sacrifices pour créer le cadre général d’organisation des élections à l’haïtienne. Et ce, il a, dans une large mesure, négligé l’aide internationale du financement de celles-ci dans une perspective du rapatriement du processus électoral, dans un souci d’éviter toutes influences présumées. Que nous ne voyons donc pas le rapport entre les joutes électorales du 9 octobre au pays et les élections américaines du 9 novembre.

De cette discussion assez particulière, nous avons compris que ces derniers ne souhaitant seulement donner leur lecture de la conjoncture politique du pays, voulaient surtout partager des informations d’importance capitale. Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les élections haïtiennes sont dans le viseur de la communauté internationale dont un pays comme les États-Unis d’Amérique. Même si par exemple le « cas Haïti » n’est pas traité au premier plan – pour ceux qui suivent de très près les élections américaines – dans les débats présidentiels entre les deux principaux rivaux en lice pour la Maison Blanche. Cependant, dans la région, l’originel Oncle Sam entend par sa politique exercer une suprématie d’ ‘oncle à nièce’ vis-à-vis d’Haïti. Une des raisons qu'[il] ne souhaite aucunement perdre de vue l’organisation de ses élections. Il [lui] faut du temps nécessaire… Aujourd’hui, il n’est un secret pour personne que l’Oncle a fortement influencé les élections de 2010. Car, des e-mails récemment publiés dans un grand quotidien du pays ont révélé l’implication ô combien profonde de hauts fonctionnaires américains dont Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, dans ces élections.

À une telle prédiction, il importait de suivre l’actualité politique dans les moindres faits et tenter de déterminer quel événement politico-social particulier allait se répercuter sur le climat général du pays au point d’occasionner le report de ses élections à une date succédant les joutes électorales américaines de novembre. Parce qu’en réalité, il ne faut jamais nier la grande capacité de nos politiques, planificateurs (créateurs) d’événements et de troubles politiques, lorsque vient le moment de détourner l’attention de la grande majorité sur des événements importants dans ce pays afin de régler leurs petites affaires et avantager certains autres. C’est presqu’évident que ceux-ci disposent d’une imagination assez fertile d’étouffer une affaire par une autre, de boycotter un événement par un autre en un claquement de doigt. Au fait, dans un contexte politique si fragile, l’exercice s’est révélé entraînant durant ces cinq dernières semaines. Comme par pur hasard, l’affaire de la saisie d’armes à feu à Saint-Marc a choqué tout le pays, puis s’est noyée sans laisser de traces dans l’événement MassiMadi qui, pour sa part, a mis en ébullition tout Port-au-Prince au point de faire résonner ses échos dans le Sud-Est du pays avec le transfert du commissaire du gouvernement, Me Jean Danton Léger (bien que rétabli peu après dans ses fonctions). À quelles fins tous ces troublants événements? Et pour couronner le tout, l’ouragan Matthew a frappé à grands coups. Dans le même esprit, il a naturellement fait jeu égal à moins d’une semaine des élections au pays. N’est pas que ce cataclysme a plongé le pays dans une précarité telle que ces élections ne puissent se réaliser sur tout le territoire national le dernier dimanche du mois ni même le premier dimanche courant novembre? Il faut que ce soit justement après les élections américaines. Aucun rapport.

L’indifférence, une crise de confiance

Après évaluation, le 14 octobre passé le Conseil a bel et bien fixé sa position officielle sur le redémarrage de la machine électorale et les diverses activités à entreprendre. Conséquemment, on admettra que la ‘demi-vérité’ de cet interlocuteur avisé s’est convertie en vérité complète (ou totale) aux yeux des incrédules. Une simple coïncidence.

Bien sûr qu’il faut avoir totale confiance dans cette institution électorale dans sa toute volonté d’organiser [sans influence aucune] des élections démocratiques dans ce pays. Telle aurait été sa grande intervention le 9 octobre dernier si l’ouragan Matthew n’en était venu à bout de sa tentative quelques jours plus tôt. Plausible!

Au reste, jamais personne n’a cherché à connaître, à moins de six jours du déroulement du scrutin, le motif de la non-publication des listes des mandataires sur le site officiel de l’institution électorale. Non plus la cause de la non-livraison des cartes d’accréditation des mandataires – ces maillons on ne peut plus importants de la chaine – aux partis et regroupements politiques. Or, celles-ci doivent être délivrées, selon l’article 16 des règlements du Conseil électoral provisoire relatifs aux mandataires, au plus tard huit jours avant la date du scrutin. C’est sûr que de telles remarques ne doivent faire objet de préoccupations!

En somme, des élections doivent se tenir prochainement au pays. À en croire le Conseil électoral provisoire, la reprise de la campagne électorale est prévue pour 7 novembre. En dépit de tout, le peuple haïtien doit s’attendre à des élections crédibles, honnêtes, inclusives et démocratiques où un président légitimement élu sortira des urnes. Bien qu’en ce moment même, de très habiles manoeuvriers poussent à fond leurs pions sur l’échiquier politique. Car la visée est de gagner à tous les coups. Dans cette période électorale si particulière, il faut redoubler de vigilance et de persuasion. Si l’agressivité n’est pas la bonne option, la passivité ne l’est pas non plus.

(R)

  1. Centre de vote.
  2. Bureau électoral départemental.
  3. Bureau électoral communal.
  4. Mission des nations unies pour la stabilisation en Haïti (très confortablement installée depuis 2004).

Note de l’auteur :

 Mes plus sincères condoléances aux compatriotes victimes du passage de l’ouragan Matthew sur le pays. Continuellement, nos autorités de l’État ont l’entière responsabilité des malheurs et déboires des populations locales. Celles-ci font toujours d’elles les premières et seules victimes. En ne prenant des mesures écologiques effectives et en ne responsabilisant les gens à construire selon les normes, à lutter durablement contre la destruction de nos forêts, nos réserves écologiques et la dégradation des sols – barrières environnementales naturelles – dans le but d’en limiter les conséquences néfastes. Au regard de leur inaction, toute la population haïtienne du pays est fortement exposée aux intempéries et catastrophes. Possiblement pour favoriser une gestion rationnelle des largesses et aides humanitaires qui lui sont dédiées.


Le wharf du port de Carries, un danger à ciel ouvert

Port de Carries
Le wharf de Carries gravement endommagé suite au passage de l’ouragan Matthew.           Crédit photo : Tartini Pierre Louis

S’il est bien vrai qu’il existe plusieurs points de passage maritime, de la commune de l’Anse-à-Galets (île de La Gonâve) étant pour se diriger vers la Grande Terre¹, le port de Carries constitue la principale voie d’accès utilisée au quotidien par les voyageurs, Gonâviens pour la plupart, désireux de rentrer à Port-au-Prince ou atteindre d’autres villes et départements du pays. Pour l’heure, le wharf du port de Carries facilitant ce transport est une menace potentielle pour tous ceux qui le côtoient.

Le port de Carries est localisé entre Fonds-Baptiste et Montrouis. Dans la commune de l’Arcahaie. Situé à une heure de voyage en moyenne de l’île de La Gonâve, il se fait le lieu de cabotage privilégié des Gonâviens. Les commerçants par exemple traversent régulièrement le canal à bord de voiliers ou bateaux pour l’approvisionnement en produits de première nécessité ; dans des centres commerciaux ou marchés de l’Arcahaie, de Cabaret, de la capitale ou d’autres endroits du département de l’Artibonite tels que : Saint-Marc, Pont-Sondé, l’Estère… pour ensuite regagner l’île. Une routine qui fait du quai du port de Carries le réceptacle d’activités commerciales et maritimes très denses.

Cette plate-forme en béton, surmontée d’une assez grande structure métallique est supportée par une cinquantaine de piliers quadrangulaires bordant le fond de la mer. Ces grosses colonnes carrées, fissurées de tous les côtés, mettent à nu la charpente métallique rouillée, salpêtrée de ce wharf vieux de plus de trois décennies.

Outre cela, il y a deux semaines environ, l’ouragan dévastateur Matthew emportant vies humaines et biens durant son tumultueux passage sur Haïti, n’a pas manqué de le fragiliser. Force est de constater qu’un énorme trou se forme au beau milieu du quai. À travers lequel s’observe le reflet du ciel bleu qui tapisse le mouvement des vagues. À l’arrivée des bateaux au port, les marins sont obligés d’utiliser du bois 2×4 et de planche servant de passerelle pour leur déchargement. Une situation qui entrave le trafic et, bien sûr, met en péril la vie des gens.

Il est à signaler que ce wharf, construit sous la présidence de Jean-Claude Duvalier, n’était pas destiné à ce grand trafic de cabotage. Il faisait de préférence partie du domaine privé d’un particulier. Cependant, suite au tragique naufrage du bateau « Fierté Gonâvienne », effectuant la traversée Anse-à-Galets – Montrouis, au large du port de Montrouis, ayant occasionné la noyade de plusieurs centaines de personnes le 8 septembre 1997, l’administration du président René G. Préval avait pris peu après la décision de déclarer le port de Carries d’utilisation publique au profit de la population gonâvienne. Sans doute, pour compenser à l’époque un vrai manque de responsabilité de la part des autorités quant à la réalisation du quai du port de Montrouis au service des populations voisines. Dans un port où les activités d’embarcation et de débarquement s’effectuaient de façon anarchique. Le bateau une fois accosté, les passagers ainsi que leurs bagages se faisaient transporter sur le dos de porteurs avant d’atteindre la terre ferme.

Il y a urgence. L’état du wharf du port de Carries est déplorable. C’est le moment d’attirer l’attention des autorités concernées sur la nécessité d’agir sans délai sur cette vieille structure qui peut céder à tout moment. C’est le moment ou jamais d’entamer de sérieux travaux de restauration ou envisager éventuellement sa reconstruction.

S’il est une évidence que le wharf du port de Carries est un danger à ciel ouvert, qu’attendent donc le Semanah³, l’APN et l’État haïtien pour la prise des mesures appropriées? Que cette plate-forme qui se fait vieille s’effondre sous le poids de plusieurs dizaines de gens qui y circulent? Pour qu’après on vienne pleurer leur mort sur fond de discours adapté à la circonstance peut-être! En tout cas, en tout état de conscience, il est préférable de ne jamais l’imaginer.

(R)

  1. Terme évoquant l’idée de la constitution en un seul bloc de terre par rapport à la situation géographique de La Gonâve, une île séparée.
  2. Autorité portuaire nationale.
  3. Service maritime et de navigation haïtienne.

 


GIAP : Faut-il revenir sur le débat présidentiel?

Débat Présidentiel
Candidats au débat présidentiel. © @Anvannvote

Pour une nouvelle fois, dans le cadre des élections présidentielles de 2016, le Groupe d’intervention en affaires publiques (GIAP) a repris rendez-vous au public. Le décor est donc planté dans une grande salle à l’hôtel Karibe. Devant un panel de journalistes du paysage médiatique haïtien triés sur le volet, une modératrice et un auditoire très diversifié, une tribune est donnée aux prétendants à la magistrature suprême de l’État pour débattre des grandes thématiques devant engager la nation durant les cinq (5) prochaines années; un peu comme vendre leur vision politique d’Haïti dans un débat télévisé.

Moi : « Eh! Camarade, as-tu suivi le débat présidentiel du GIAP à la télé? »

Lui : « Quoi te répondre précisément…! On était en fait tous mobilisés à la maison pour le suivre, jusqu’au moment où l’Edh a pris le courant dans la zone après plusieurs coupures d’ailleurs. »

Moi : « Quoi! Tu as raté ce débat? Très entre nous, tu auras aussi manqué ton rendez-vous à l’ambassade, hein : les cinq prochaines années de ton avenir, tu m’as déjà dit.« 

Lui : « Ah, bon! Comment ça? Explique-toi? Tu as grand intérêt, hein. Sinon, … . »

Moi : « Sinon, quoi? … d’accord! »

Depuis le lancement officiel de la campagne par le Conseil électoral provisoire (CEP) le 23 août dernier, je n’avais autant senti ce désir haletant chez nombre de gens de la population de suivre un débat télévisé entre aspirants candidats à la présidence. L’accroche, ils seront réunis sur un même podium. Curiosité. Une mobilisation qui aura marqué les esprits un moment quand bien même. Des six candidats invités, cinq ont pris part au débat. Notamment : Edmonde Supplice Beauzile (Fusion), Jean-Henry Céant (Renmen Ayiti), Jude Célestin (Lapeh), Jean-Charles Moïse (Platfòm Pitit Desalin) et Jovenel Moïse (PHTK). La grande absente, Maryse Narcisse (Fanmi Lavalas).

Ce mardi 20 septembre 2016 annonçait à mes cinq sens un événement particulier sur le pays. Pour des sensations inhabituelles pareilles, je me suis arrangé de façon qu’on m’appelle tôt dans la journée pour les planifications de toutes dernières minutes. Pas après 20:00 heures. 🙁 Négatif. Je ne serai pas disponible. C’est l’heure de la diffusion du débat présidentiel sur plusieurs chaines locales. On l’attendait. Dans mon quartier, nous étions tous déjà réunis entre amis et connaissances devant la télé d’un bon voisin. Dans son petit cybercafé, il utilise de l’énergie propre. C’est réglé! 🙂 Alors aucun souci pour les coupures d’électricité inattendues de l’Edh. Comme pour un match de football, nous avions les yeux rivés sur son petit écran. Chacun de nous devait sans nul doute avoir sa motivation. Entre fanatisme et curiosité (intellectuelle). C’est un fait normal. Très entre nous, c’est humain. 😉 Le débat est donc lancé.

Pour une première impression.

Le terme « débat présidentiel » résonne très fort dans mon tympan, les amis. 🙂 Je-suis-sé-rieux. J’ignore encore pourquoi. Mais, tout ce que je sais, c’est qu’il formel, étoffé, soutenu, instructif, vif, contradictoire. Il n’a rien d’une partie de poker entre vieux copains de classe de rhéto, ajournés aux Examens officiels d’État de la session ordinaire, jouant sur la cour du siège en attendant la reprise. C’est plutôt du solide, du choc idéologiquement entre débatteurs! Le moment idéal de mettre son poids dans la balance. Savoir se distinguer du lot en asseyant ses vraies motivations à travers un discours pouvant rendre confortable la majorité. Pour espérer accéder au portail qui mène au paradis, disais-je une fois à mon camarade, il faut une bonne introduction au gardien qui surveille l’entrée une fois devant. 😉 Sinon, c’est perdre son temps qu’on pourrait bien consacrer à autre chose. Il en est de même dans un débat présidentiel. Du moins, je pense. Accorder par exemple une bonne minute à un candidat pour se présenter convenablement au public qu’il entend courtiser d’ailleurs où il s’offre des détours, laissant le temps d’allocution écoulé sans pouvoir enfin [lui] dresser son parcours est gênant et inquiétant. En de telles circonstances, l’écoute, la précision, la concision auront été sans conteste les prérequis de convenance sociale, bien loin derrière, de raffinement intellectuel.

De la rhétorique à l’académique.

J’ai envie de croire qu’un candidat qui a des aspirations de diriger l’État, homme ou femme, doit être formé et informé. Savoir manipuler les dossiers, les données de façon utile est un détail pour lui. Encore qu’il doit les avoir sur le bout des lèvres dans ses prises de parole. C’est pour cela qu’il a une direction de campagne dynamique. Grâce à ses archivistes, recherchistes qui font un travail technique sérieux, il doit pouvoir se renseigner sur les dernières données statistiques d’instituts spécialisés du pays par exemple, d’études réalisées dans tous les domaines clés susceptibles de l’aider à développer ses arguments, se positionner sur une question, un dossier particulier et, éventuellement, s’opposer à des argumentations fallacieuses de tout concurrent désobligeant.

Dès le départ, pour l’intérêt du débat, si les candidats se prenaient au sérieux, avaient du respect pour les journalistes invités (la presse d’une manière générale) et le [leur] public, c’est presque certain qu’ils se seraient mis à la hauteur. Ils auraient tout tenté pour bien se comporter, empêcher à la population d’être témoin de vaines élucubrations, de propos aberrants lâchés à la télé, qui sont possiblement irrécupérables. À l’heure qu’il est, les réseaux sociaux doivent se faire un plaisir fou du relais. Avec acharnement. Car la nouvelle se répand vite,… très vite ici.

Les grands thèmes ayant fait l’objet du débat étaient connus de tous. Car ils étaient publiés sur le réseau social du Groupe, organisateur de l’événement. Au point qu’une sélection de questions venant directement des internautes était posée aux débatteurs. La formule était connue. Ça a fonctionné pour une part autour des grands thèmes :

GIAP
© @Anvannvote

Franchement, on s’attendait à un débat juteux.

Peu de gens doivent ne pas savoir pourquoi!

En fait, pour me rendre la tâche plutôt facile, avant de me rendre chez le bon voisin, j’ai pris mon bloc-note et mon stylo avec l’idée que je vais profiter des interventions des débatteurs (compétiteurs) pour une bonne prise de notes. Toujours est-il que quand c’est Haïti qui est au cœur du débat, j’éprouve un intérêt bien particulier. Ce n’est pas par simple curiosité intellectuelle que j’y tiens place. Son avenir m’intéresse autant qu’il m’inquiète. Surtout dans une période électorale fragilisée – avec toutes les précarités que l’on connaît – où des candidats à la présidence sont prêts à tout : discours fabriqués, miettes, compromissions pour accéder au pouvoir. C’est décisif alors! Il faut les écouter parler pour tenter de cerner leurs intentions, ce qu’ils peuvent véritablement offrir d’innovant dans leurs offres politiques pouvant sortir le pays de cette misère chronique, ce marasme économique, cette dépendance systématique, ces crises symptomatiques qui caractérisent notre société, défont le tissu social pendant trop longtemps.

Eh bien les amis, c’est avec peine que je vous le dis… Les réponses étaient des plus déconcertantes. Au cours du débat, pas l’ombre d’un vrai meneur pour faire tomber les vieilles barrières et nous montrer la voie, avec une vision claire des solutions envisagées dans un temps défini. Des projets sociaux ambitieux viables. Les débatteurs – des candidats à la présidence aujourd’hui, de futurs président et ministres de demain matin – me laissent encore sur ma plus grande soif! 🙁 Tant d’autres encore.

Coups de gueule aux journalistes panélistes !

Candidat : « J’ai reçu une invitation pour participer au débat du GIAP. Mais, qu’est-ce qu’ils peuvent bien me vouloir ces organisateurs? »

Conseiller : « Oui, Monsieur le Président. C’est vrai! On confirme ou pas? Il faut tout de même répondre dans le plus bref délai. Ça avance, non! »

Candidat : « Franchement, ces genres d’initiatives me dégoûtent. J’ai peur que le grand public voit mes faiblesses. Je me sens vraiment confortable dans les meetings qu’on organise. Selon mon humeur, je dis ce que je veux… Et puis, j’ai horreur de croiser tout le temps le regard des journalistes. Ils ne m’inspirent pas confiance. On peut bien dire aux organiseurs qu’on est en campagne, non! Ils doivent bien le savoir, hein. »

Conseiller : « Non, Monsieur le Président. On doit avoir besoin d’un coup de publicité. Ne vous tracassez surtout pas. Ce n’est pas compliqué. Écoutez! Le registre du débat est simple. Vous aurez au maximum trois (3) minutes pour élaborer sur un thème si jamais au tirage au sort, la modératrice, tombe sur votre nom. Et une seule minute en temps d’interactions. Si vous le trouvez nécessaire à vrai dire. 😀 Donc, quand c’est à votre tour de parler, vous aurez amplement le temps de vous répéter, prendre la tangente rien que pour épuiser le temps. C’est une technique infaillible, oui, Monsieur le Président. »

Candidat : « Aussi simple que ça? »

Conseiller : « Oui, aussi simple que ça. »

Candidat : « O.-K. Mais d’où sortez-vous tout ça? »

Conseiller : « Eh bien, hier soir, j’ai pu regarder l’extrait d’un débat des élections de 2015. On les rediffuse à la télé cette semaine. »

Candidat : « D’accord. Ça me va. Parfait. On va ainsi procéder. Je sais que je peux toujours compter sur mon équipe. 🙂 »

Conseiller : « Je ne fais que mon job. Dernière chose, Monsieur le Président… Vous devez vous assurer de porter ce beau costume et cette cravate-là. Il faut surtout faire bonne impression en présence des journalistes. Nos partisans adorent ça. 😛 »

Très objectivement, je partirai de l’idée qu’un journaliste faisant partie du panel d’un tel débat, est [bien] avisé. Ceci dit, il a une bonne maîtrise des thématiques et thèmes retenus pour faire progresser le débat en le rendant intéressant telle une interview (et de fait, tous les débatteurs sont des interviewés!); tous les dossiers récents ou passés capables de surgir à un moment donné.

Je résume simplement : formulez votre question, je vous dirai s’il faut des précisions ou s’en tenir plutôt à des généralités sans intérêt. Le charisme ou l’audace rendent tellement service en ce sens-là. Car, ils peuvent bien susciter de l’adhésion, de la fascination de la part de l’auditoire (public), et même des journalistes intervieweurs, à un pic du débat.

Cela me fait rapidement penser à un moment précis d’un débat déterminant du GIAP aux élections de 2010. Ça écœure quand même, mais…! 🙁 Un candidat, qui deviendra premier citoyen de la nation peu après, voulant à tout prix répondre aux questions qui lui ont été adressées, n’a pas rechigné à sortir argumentations et chiffres de part et d’autre. Son impertinence, interprétée de « fougue » fit grand froid dans le dos. Les journalistes, tous suspendus à ses lèvres, se sont rendu compte bien après qu’il n’eut l’ombre de vérité dans ce qu’il avança sur un dossier précis et important. C’était déjà trop tard. Dans l’opinion publique, ce dernier aurait établi les faits, classé sa performance en poche au cours du débat. En dupant tout le monde bien entendu! Sa stratégie fut simple : ‘faire bonne impression pour convaincre’. Bref.

Je crois que le journaliste invité a une grande implication : ce devoir noble de mettre les pendules à l’heure à tout moment du débat. Rien que ça. Il doit lui arriver de questionner l’évidence d’un fait avancé de façon à ce qu’il se justifie. C’est-à-dire, mettre tout candidat qui tenterait de manipuler les esprits face à ses propos, ses données. C’est la pertinence qui veut ça. Le grand public a droit à de l’information vérifiée, à  des précisions. La vérité. Pour cela, entendons-nous bien, que les journalistes s’accordent du temps de fouiller les dossiers, se renseigner d’abord avant de s’enfiler leurs beaux costumes d’intervieweurs pour le grand public. Il est clair qu’on ne peut pas rendre la tâche aussi facile à des candidats à la présidence de prétendre induire en erreur la grande majorité. Ce serait du copinage. Un complot contre elle.

Bon… Écoutez! Quelle est cette idée de balancer des questions et qu’un candidat vous bricole des réponses en ‘veux-tu en voilà’? Il faut vraiment élever le niveau du débat. Bien vêtus, avec votre beau micro suspendu à vos lèvres, il faut aussi donner aux gens pour le moins, avisés, l’impression de vrais journalistes qui font un travail professionnel. Ça passe à la télé et tout le monde vous suit. Sachez-le bien! Surtout qu’il est grand bruit qu’on ne veut pas de simples ‘poseurs de questions’. Au passage, n’y aurait-il pas nécessité de promouvoir du ‘journalisme spécialisé’ dans ce verdoyant paysage médiatique?

Classement de performance?

Dans ce format, ce type de débat, il reste que la règle d’or est de pouvoir gagner des cœurs, convaincre le maximum de gens possible si l’on souhaite obtenir le résultat escompté des électeurs le jour du scrutin. Car, personne ne fait de cadeau. Un candidat porteur d’un discours bien articulé – taillé sur mesure – courtise, divise, change l’opinion publique, gagne donc en l’influence. Il est capable de défier les sondages, se faire de nouveaux partisans. Tout l’intérêt aura été sa stratégie de communication qui s’est révélée appropriée, efficace.

Tel un match de foot, au moment du débat, beaucoup s’attendaient à ce qu’un candidat (le leur sans doute!) l’emporte haut la main. Eh, bien non… il n’y avait pas ça. Au contraire. C’était score nul tout court. Figurez-vous que la nation a frôlé de peu le ridicule! Aucun des candidats ne s’était véritablement distingué. De manière très objective, entre amis, on se demande encore et encore si ce débat devait effectivement avoir lieu. Est-ce qu’il n’a pas fait chuter l’estime qu’on a pour un candidat en particulier? Ou du moins, est-ce qu’un candidat ne garde pas que ses anciens partisans sans en convaincre d’autres? Si c’est bien ça, où est donc l’intérêt d’y participer? C’est le grand enjeu à mon avis! Ce serait hypothétiquement donner raison à d’autres candidats absentéistes de penser que ces genres de débats télévisés font diminuer leur vitesse de croisière dans la campagne électorale. 😉

Je crains qu’au plus haut niveau l’on puisse descendre aussi bas. C’est dégradant. On m’a toujours dit que les linges sales se lavaient en famille. Du coup, je me demande si ce n’était pas préférable qu’on débatte à micro fermé. Puis rien. Mais, c’est vrai! Définitivement, tout ce temps d’attention passé devant la télé aura servi à quoi? La page de mon bloc-note est restée blanche, la mine de mon stylo intacte.

Tant d’aspirations… tant d’ambitions… tant de visions… de la part de nos candidats à la présidence pour quelles prises de décisions sérieuses? S’il est vrai qu’ils drainent autant de gens dans leurs meetings à travers les dix départements du pays, qu’est-ce qu’ils peuvent bien véhiculer comme messages pour s’attirer la sympathie? Pourtant, durant la campagne électorale, les images fleurissent les réseaux sociaux.

Bain de lassitude et d’incertitudes.

Après avoir suivi un « débat présidentiel » de cette dimension à la télé, il faut un temps de réflexions profondes sur le devenir de ce pays. C’est crucial. Nos candidats à la présidence envoient, au cas où d’autres n’auraient accordé bien attention ou se seraient laissés autant emporter par le fanatisme, de très mauvais signaux à la nation. J’en arriverai moi-même à la conclusion que : 1°) soit ils ne veulent pas partager leur vraie vision du pays à la jeunesse. Ils font donc de la rétention d’information. À quelles fins?; 2°) soit ils n’ont rien de consistant à lui proposer d’alternatives de changement réel et durable. Or, il faut nécessairement ce transfert; cette volonté (vision) de partage de ces [nos] leaders, penseurs sociaux, vendeurs de rêves. Tout le dilemme.

Pendant un temps, quand des idées pareilles vous travaillent à l’intérieur, ne pas les accoucher sur du support capable de vulgarisation est passible de haute trahison. Ce serait vous faire complice de toutes conceptions rétrogrades de la pensée politique haïtienne. Un comportement suicidaire. … génocidaire.

Une jeunesse encline à toutes formes de bassesses, de facilités, ne mérite qu’on lui offre ce spectacle grand public. Négatif. 🙁 Il faut plus de la responsabilité, je crois. Qu’on lui donne surtout l’envie de faire de la bonne place à la formation, aux études sérieuses pour la pérennisation de vraies valeurs (intellectuelles, morales, politiques, sociales…). Le peu qu’il nous reste en réserve au pays en tout cas! Il faut sérieusement y penser, hein!

Mon rêve le plus cher étant de voir Haïti gagner son pari, connaître des jours nouveaux. Oui, un lendemain meilleur!

Conclusion

J’ignore encore si je dois conclure. Il le faut bien. Je dois à coup sûr ménager mes lecteurs (pour un prochain billet 🙂 ). Mais avant,… une parenthèse.

Pour une question qui tient l’actualité locale (internationale aussi, j’imagine!) en otage pendant un bon temps, on ne saurait la négliger. Haïti ferait face à un phénomène migratoire sans précédent. La cause? Elle doit être de tous ordres. Cependant, un fait est que dans la tête de nombre d’Haïtiens (mes tantes et oncles; cousines et cousins; voisines et voisins; ami(e)s; camarades étudiant(e)s; collègues; connaissances), on peut migrer n’importe où sur la surface du globe pour s’assurer un semblant d’ ‘avenir meilleur’. La quête de l’El dorado. À l’exception d’Haïti. Pour l’heure, ils doivent parcourir – pour la plupart clandestinement – le Brésil, Mexique, Chili, Bahamas. Aux dernières nouvelles, même le Surinam est convoité. Pour eux, le pays n’a plus rien de mieux à leur offrir. Il est grand temps de bouger, passer à autre chose, ailleurs. Haïti connaîtrait trop longtemps déjà l’instabilité. À tous les niveaux. Une situation qui décrirait qu’il y a grand péril dans la demeure, les amis!

Mon camarade-là, même s’il a l’intention de le faire de manière légale, sera un prochain sur cette longue liste d’émigrés. S’il est vrai que, faute d’arguments suffisants, je n’arrive pas à le dissuader d’annuler son rendez-vous à l’ambassade, en quelque sorte ne pas fuir Haïti vers d’autres cieux pour les cinq (5) prochaines années, je voudrais m’assurer, en dépit de ce départ douloureux, qu’il revienne au pays s’installer. Pour autant qu’il manifesterait l’intention une fois en terre étrangère.

En effet, messieurs les aspirants candidats à la magistrature suprême de l’État, en cette période de campagne électorale, je cherche en plein midi à l’aide d’une bougie, à travers vos offres politiques, les grands moyens pouvant arrêter cette fuite surdimensionnée. Elle fait peur. À un moment déterminant de l’histoire où Haïti doit sans doute avoir besoin de toutes les pièces de son puzzle pour un regain d’espérance. Comment y parvenir?

Prévenez-nous dès vous aurez forgé les réponses, trouvé les grands moyens de vos propos. S’il nous est impossible de vous rencontrer sur le chemin de la campagne car votre cortège passe trop vite, nous espérons miser sur un prochain débat présidentiel télévisé (version améliorée). Parenthèse fermée.

(R)


Prétexter l’écriture pour bercer le temps

 

Écriture
© www.netpublic.fr

Qui ne connaît pas ce moyen de communication qui nous aide, autant que faire se peut, à combiner mots et tournures pour décrire notre réalité au quotidien, partager du flux d’idées (parfois encombrantes) qui nous trottent dans la tête toujours en attente d’être extériorisées?

« Écriture » est ce maître-mot. Simplement, l’écriture est ce procédé facilitant la représentation d’un langage à l’aide de symboles ou de lettres. Elle est pour ainsi dire une manifestation de l’esprit humain qui ne s’isole pas. En signes linguistiques, elle nous aide à traduire nos volontés et émotions les plus fugaces. Par là, elle peut être vue comme une expression manifeste de notre perception des choses. Car aussi imparfaite qu’elle se révélerait être, elle transporte d’un sens à l’autre notre pensée, nos idées. Par conséquent, dire qu’écrire, c’est se positionner dans le temps, observer, raconter en raison d’un besoin émotionnel réel et conscient n’a rien d’exagérer.

L’écriture, à mon sens, part d’une dynamique d’ « extériorisation » où les supports qu’on utilise, hormis les ressources personnelles mobilisées, importent peu. Qu’on se sert d’un cailloux ou d’un bout de bois pour former des caractères dans le sable fin aux éclats scintillants sur une plage, un morceau de verre pour laisser une empreinte dans un tronc d’arbre au cours d’une excursion, une bombe aérosol pour inscrire des signes graphiques sur un mur ou plus ordinairement, un crayon, un clavier pour agencer des mots, des phrases sur du papier volant ou un téléphone intelligent, le résultat demeure sans doute le même : c’est l’ingéniosité de vouloir constamment repousser les limites de l’indifférence et l’enfermement pour nous valoriser, nous soulager en partageant (aussi longuement que nos pensées peuvent se formuler) d’infimes parties d’une tonne de souvenirs enfouis en nous en permanence dont on est le seul propriétaire.

Par expérience, je sais que l’écriture est cette clé magique qui, par la volupté de l’inspiration, ouvre les deux mystérieux battants de l’univers des mots – s’agitant toujours parce qu’en quête de liberté – pour laisser des idées nouvelles s’échapper et se récréer. Au regard du temps sans doute, on écrit pour créer, animer, exposer… Pour continuer à donner vie à nos pulsions, garder le rythme de notre respiration et obéir au cycle du temps qui dénote, semble-t-il, une exactitude inflexible. En cela, je décèle en l’écriture une vertu thérapeutique. À croire qu’à chaque début de phrase, d’un battement léger et régulier, le coeur se meut… Au tournant d’une virgule, il trépide et ralentit à tout point-virgule pour ne jamais s’arrêter à un point final. Il faut aller à la ligne. Je suppose même que c’est l’équilibre rythmique de l’écriture en adéquation avec le temps!

Écrire, c’est s’évader, se perdre (parfois) pour se retrouver (toujours) en rendant significatif même chaque espace blanc.

Par le moyen de l’écriture, cette activité intellectuelle sans borne, la connexion qu’on établit, la relation qu’on entend maintenir avec l’autre peut lui donner une compréhension précise de notre manière d’appréhender le temps et les événements. Tout comme l’induire en erreur et complètement. Car orientée, notre vision du monde extérieur au travers de ce symbole d’expression capable de transparence ou d’incongruence reste personnelle.

« L’écriture, nous dit Elsa Triolet, c’est comme les palpitations du coeur, cela se produit. ». « Ce qui est agréable à l’écriture, reprend Dan Chaon, c’est qu’on est en même temps l’acteur, le directeur, l’auteur et même le musicien ». À Nicolas Fargues d’enchérir que : « l’écriture est le seul espace de liberté absolue ». Ce sont toutes des idées bien placées. Souvent mon écriture m’entraîne (comme c’est le cas de ce billet), alors que je pense la canaliser… Elle m’invite de temps en temps à la prendre comme prétexte pour bercer le temps. Sachant ne pas pouvoir l’arrêter, le tuer ni même faire de lui mon allié. Ce faisant, je crains de m’être inscrit dans une espèce d’ ‘illusionnisme envoûtant’.

 

(R)


#JORIO2016 : Le Brésil en finale face à l’Allemagne, Neymar se doit d’assumer

#JORIO2016
© Stations.windguru.cz

Globalement, il faut reconnaître que les Jeux Olympiques ne nous passionnent pas tant en Haïti. On ignore en toute vraisemblance pourquoi. Ce que l’on sait, on n’est pas à l’heure d’un Mondial, d’une Copa américa, d’une Coupe des confédérations ou même une Coupe d’Europe des nations où la fièvre médiatique et la vive ambiance dans les coins et recoins du pays nous gonflent le tympan et le cerveau et font couler beaucoup de salive tant les gens se passionnent à discuter à longueur de journée du destin des équipes en compétition.
Aux JO, il n’y a pas que le football. C’est dommage pour nous autres! Sans doute, la pluralité des sports est la singularité de cet événement majeur. On pourrait augurer que ces kyrielles de disciplines sportives réunies nous font perdre notre temps… Dans cette olympiade, il doit y avoir tellement d’épreuves à regarder que cela nous fatigue la vue et nous détourne de l’essentiel. Cependant, notre affinité pour cette discipline qu’est le football – le sport roi dit-on – est si grande que nous éprouvons le peu d’intérêt qui soit. Surtout lorsqu’on sait que l’équipe masculine du Brésil se hisse en finale avec brio à Rio.
Cette formation brésilienne se réveillant brusquement du cauchemar de la Copa américa centenario ne manque pas d’attirer les projecteurs sur elle. Tite, un nouveau sélectionneur brésilien pour une équipe brésilienne nouvellement remaniée. Pour 5 matchs disputés (2 nuls contre 3 victoires) avec 12 buts au compteur sans en encaisser un seul, la Seleçao ne fait que briller par ses prestations. Avec une ligne défensive très soudée, une pointe d’attaque qui n’arrête pas de questionner les équipes adverses. Sans confession, je n’étais pas forcément pour cette avalanche de buts contre le Honduras (6-0) la hissant tout droit en finale. À mon avis, il faut ménager à chacune des rencontres! Du beau spectacle enchaîné par un ou deux buts, le tour est joué, et tous les fans en sortent satisfaits. C’est l’essentiel!
En réalité, les JO, ce n’est pas la meilleure des compétitions, on le sait probablement tous, mais par contre sa coupe est l’une des rares, si ce n’est pas la seule, que le quintuple champion du monde n’a pas encore classé dans son palmarès de grand gagnant. À Rio, les dés sont déjà jetés… C’est donc le moment ou à très longtemps encore pour l’armada auriverde de garder la mise en gagnant la finale . Car cette coupe, trois fois glissée sous nos mains en phase finale de ces tournois olympiques, il nous le faut!
Nous? Qui ne sait pas que les Haïtiens sont en majeure partie fans du Brésil? Ce qui fait d’eux des brésilistes. Sans faire des jaloux, on avancerait même qu’ils sont davantage fans de la Seleçao que leur propre sélection nationale. Plausible! Je me rappelle clairement, Haïti après sa défaite sans ménagement de (7-1) contre la sélection brésilienne à la Copa américa centenario, des Haïtiens, brésilistes invétérés, ont gagné les rues de la Capitale avec des bandes de rara pour savourer cette victoire du Brésil. Plus que de la passion, c’est une incroyable folie. Si seulement cette anecdote pouvait traduire comment les brésilistes d’Haïti attendent tant de cette formation brésilienne à la finale des JO. Bien plus que les Brésiliens eux-mêmes, j’imagine. Insoutenable.
À ce stade-là et sans exagération aucune, je me demanderais personnellement si Neymar Junior a la toute conscience du poids qu’il a sur le dos pour cette finale tant attendue. À un moment où beaucoup se montrent un peu sceptiques en ce qui concerne la maturité de la star dans son jeu. En tant que maître d’orchestre (patron) du jeu brésilien sur le champ de jeu.

Il serait impératif que Neymar donne au peuple brésilien, aux brésilistes d’Haïti et du monde entier ce que des footballeurs légendaires comme le roi Pelé, Garrincha, Romário, Ronaldo, Ronaldinho et tant d’autres n’ont pas pu leur offrir en dépit de leurs grands exploits dans ce jeu passionnant. S’il y parviendrait, la fierté sera dignement partagée. Que Neymar assume pour nous prouver à tous qu’il cesse d’être junior pour devenir sénior. Il est donc face à son destin. On sait tous combien la responsabilité est immense. Il revient à lui de deviner s’il veut devenir mythique ou (quasiment) rien du tout à nos yeux.

Cette finale de Jeux Olympiques entre le Brésil et l’Allemagne est historique. C’est ce que j’aurais pu rêver de plus rocambolesque dans mon sommeil de passionné de foot et de brésiliste avisé. Pourquoi? Ma réponse est toute simple… J’ai encore fraîchement en mémoire ce souvenir douloureux du 8 juillet 2014. Où la Mannschaft de Joachim Löw n’avait pas manqué de rabaisser la Seleçao en demi-finale de la Coupe du monde. Ce score fleuve de 7 buts à 1 ne m’écarte toujours pas.

S’il m’est impossible d’effacer par IRM (image par résonance magnétique) cette image torturante de mon esprit, je souhaite vivement la remplacer cette fois-ci, en direct de la finale des JO ce samedi 20 août 2016, par un nouveau et beau souvenir d’une victoire très classe d’une équipe brésilienne imparablement triomphante. Cette fois, Neymar sera de la partie!
(R)


Haïti : temps forts de la saga électorale (première partie)

CEP HAITI
Logo officiel du Conseil électoral provisoire            Source : @Cep_haiti

À un tournant décisif de l’histoire électorale d’un pays comme Haïti, où normalement le verdict des urnes devrait constituer la toile de fond du grand jeu d’alternance politique, l’organisation des élections des 9 août et 25 octobre de l’an dernier illustrent une fois de plus la plus grosse énigme pour nos dirigeants haïtiens de renouveler le personnel politique dans le strict respect des règles du jeu démocratique. En effet, ce qui nous conduit aujourd’hui à une présidence provisoire.

Dans l’intention d’harmoniser le temps constitutionnel, il était convenu que l’ex-président, M. Joseph Michel Martelly, laisse le pouvoir le 7 février 2016 à un président légitimement élu. Qu’on sache qu’il a pris officiellement ses fonctions le 14 mai 2011. Son quinquennat s’est bel et bien épuisé.

Dans l’intervalle, l’organisation d’élections pour le renouvellement d’un tiers du Sénat, des élections au bénéfice des collectivités territoriales sont entre autres échéances constitutionnelles qui n’ont pas été respectées. De fait, fautes graves qui ont entraîné principalement l’invalidité de la 49e législature, le pullulement d’agents exécutifs intérimaires dans les communes contribuant à la dilapidation des fonds communaux… Des trois Pouvoirs de l’État, tenant compte du Judiciaire qui est à la merci de la Présidence, l’Exécutif, maître d’ouvrage de toutes ses velléités, fonce à vive allure sans le moindre contrôle du pouvoir Législatif.

Voilà qu’en fin de mandat vient le temps impératif d’organiser des élections générales (présidentielles, législatives et municipales) pour le renforcement des institutions étatiques.

Dans un premier temps, des négociations entre l’Exécutif, l’Église et les partis politiques ont accouché un accord favorable à l’organisation le 9 août 2015 d’une première partie des élections : les législatives. Pour donner suite concordante à ces échanges politiques plutôt fructueux, un décret présidentiel a favorisé la création d’un Conseil électoral provisoire (CEP) de neuf membres, tous issus des secteurs clés de la vie nationale, chargé de monter et gérer le processus électoral. Les élections ont effectivement eu lieu. Et de ces élections, le PHTK, parti de l’ex-président, et des plateformes alliées ont obtenu la majorité des sièges à la 50e législature. Fort contestées pour des cas de fraudes avérées, beaucoup exigeaient mais en vain l’annulation de celles-ci.

Une responsabilité partagée

Le CEP alors reconnu que le scrutin était émaillé d’irrégularités, a prévu de prendre toutes les dispositions nécessaires d’apporter les correctifs souhaités – si possible d’écarter les fraudeurs – et a rassuré les partis politiques, la société d’une manière générale, que tout sera mis en oeuvre afin d’éviter que de tels actes se reproduisent aux prochaines joutes électorales. Il s’en était bien tiré cette fois!

Dans un second temps, l’élite intellectuelle du pays, les syndicats d’enseignants et de travailleurs (de chômeurs aussi!), des partis politiques notamment conscients de la nécessité de renouveler le personnel politique dans le strict respect des règles du jeu démocratique pour une bonne gouvernance, mais aussi de pouvoir faire échec au plan macabre de l’ex-président de céder le pouvoir à son poulain du PHTK, ont en dépit de tout accepté d’emboiter le pas le 25 octobre 2015 à la deuxième partie des élections incluant les présidentielles, les municipales et éventuellement les législatives partielles.

Spécieux mais pas sérieux

Au lendemain même de la tenue du scrutin, le Conseil électoral provisoire d’Opont s’est félicité d’avoir réussi le pari en comparaison au 9 août. Des experts et observateurs internationaux affirment de leur côté qu’il y a eu de bonnes élections en Haïti. Au contraire de ces déclarations et manoeuvres qui ont retenti dans les médias locaux dans les premiers moments et qui étaient d’une grande délicatesse politique puisque bien orientées dans l’intérêt précis d’un clan qui veut à tout prix ne pas perdre, quelque trois semaines après, à mesure qu’on fait la saisie des données électorales des dix départements au Centre de tabulation de votes, on a enregistré des cas de fraudes massives.

L’Opposition dite plurielle, des organismes de droits humains et d’autres franges de la vie nationale crient au scandale et qualifient les élections de « Coup d’État électoral », de « crime électorale » en faveur des candidats proches du pouvoir. Des 54 candidats dans la course présidentielle, Jovenel Moïse du PHTK est placé en tête des résultats définitifs avec 32,76% des voix et 25,29% pour son poursuivant immédiat Jude Célestin de LAPEH.

Soupçonnant la partialité du Conseil, des partis requièrent au plus vite qu’une commission indépendante vienne établir la sincérité du scrutin pour la continuité du processus. Sinon, la démission sans condition du président de ce Conseil. L’on se souvient bien de l’implication combien imposante du ‘Groupe des huit’ communément appelé G-8 (front commun formé principalement de huit candidats aux Présidencielles les mieux classés suivant les résultats définitifs du CEP dont Jude Célestin (LAPEH), Jean-Charles Moïse (PLATFÒM PITIT DESSALINES), Eric Jean-Baptiste (MAS)).

Pour tenter de calmer les nerfs, le 22 décembre 2015, après plusieurs autres tentatives de monter des commissions vouées à l’échec, la Commission indépendante d’évaluation électorale (CIEE) a été créée par arrêté présidentiel avec pour mission d’ « évaluer le processus électoral et de faire des recommandations au gouvernement et au Conseil électoral provisoire ».
Les recommandations faites par la CIEE [CEEI] dans son rapport n’ont pas été réellement prises en compte par les deux entités pour le dénouement effectif de la crise.

Malgré les vagues de manifestations et protestations venant de partout où des groupes populaires préconisaient à cor et à cri l’épuration du processus, le Conseil électoral ne voulant certainement pas entendre raison, a décidé de planifier envers ou contre tous un second tour présidentiel.

Sur fond de crise électorale persistante, le 22 janvier, le CEP a reporté sine die le second tour présidentiel prévu pour le 24 janvier entre les deux candidats mieux classés « face à la détérioration de l’environnement sécuritaire et les menaces qui pèsent sur le processus ». Le 28 janvier, le président du Conseil électoral provisoire, Pierre-Louis Opont, a remis sa démission.

Parallèlement, la rue exige le départ de l’ex-président Martelly du pouvoir car son administration, durant cinq années, n’a pas su organiser d’élections crédibles.

Nécessité d’éviter le pire au pays

Dans cet imbroglio, afin d’éviter une vacance présidentielle gratuite au pays ou même pire encore, l’Exécutif a dû in extremis signer un accord de sortie de crise avec les honorables parlementaires Jocelerme Privert et Cholzer Chancy, respectivement président et vice-président de l’assemblée nationale, tous deux signataires du fameux accord du 6 février, donnant mandat à un président provisoire d’organiser des élections honnêtes devant conduire à un nouveau chef d’État au Palais national dans un délai ne dépassant pas 120 jours, soit le 14 mai 2016. Après avoir établi bien entendu la vérité vraie sur les innommables échecs des 9 août et 25 octobre 2015.

Une semaine plus tard, soit le 14 février 2016, M. Jocelerme Privert, alors président du Grand corps, est élu Président provisoire de la république par ses collègues parlementaires dans une élection au second degré à l’assemblée nationale. Avec quel esprit, Son Excellence, brigue-t-il cette nouvelle fonction?

 

(R)

 


Port-au-Prince : une belle longueur d’avance pour les fatras et autres détritus !

Fatras : c’est bon pour le référencement
À la 5e Avenue, à Martissant, piles d’immondices oubliées sur les côtés de la route. © Rovaki Pierre Louis

Plus les jours passent plus on se sent dans la tourmente à Port-au-Prince. On ne vit pas réellement. L’odeur pestilentielle des fatras en décomposition qui jonchent les coins de rue pollue l’atmosphère au quotidien. Ce paysage immonde au coeur de la capitale et ses environs doit nécessairement faire l’objet de vives préoccupations. C’est un problème de santé publique majeur.

Quel que soit le mot qu’on emploie : ‘ordures’, ‘immondices’, ‘détritus’ ou même ‘saletés’… il faut que vous sachiez qu’ici, on traite toujours de la même chose, le fatras. Les tournures linguistiques changent, on passe d’un vocabulaire à un autre, mais cela ne change en rien sa vraie nature. Bref.

Il est alarmant de voir que presque tous les coins de rue de Port-au-Prince se transforment en décharge publique. Les gens vident leurs poubelles dans les rues de leur quartier sans éprouver la moindre gêne, de jour comme de nuit. Cela à l’air normal ! Le pire, c’est que ce phénomène est courant. Mais, plus que jamais, je me demande s’il n’y a pas un endroit approprié autre que les rues pour jeter ces déchets.

Monsieur Costume s’achète un plat de fruits délicieux, savoure son contenu et abandonne l’emballage en plastique dans un coin de rue. Madame Blouse qui passe bien vêtue au volant de sa Range Rover de couleur beige, ralentit un instant, descend fièrement la vitre de sa portière et balance le reste de sa canette de soda sur la voie publique. Un élève qui rentre de l’école vide son sac à dos et décharge toutes les épluchures d’oranges et de canne à sucre dans la rue avant de monter dans l’autobus. Pire encore, certaines personnes, après avoir fini leur plat, défèquent dans l’emballage et l’abandonnent sur la chaussée. On dirait que c’est tout à fait normal ! Au cours d’une journée, les cas peuvent se multiplier par centaines, et personne ne bronche !

C’est ainsi que j’ai récemment été témoin d’une scène étonnante à Lafleur Ducheine, une rue passante de la capitale.
Au cours de laquelle une phrase qui en ressortait a failli me mettre K-O. Elle m’a soudainement plongé dans une très profonde réflexion, dois-je avouer.
Un jeune homme tient fermement les mains d’une dame et l’oblige avec insistance à ramasser un sac rempli à ras bord de ‘je-ne-sais-quoi’ qu’elle tentait d’abandonner sur le trottoir alors qu’elle s’apprêtait à partir. Elle est vendeuse de café, de pain et d’acassan dans le coin. Refusant d’obéir au jeune homme, elle menace de crier si ce dernier ne la libère pas sur-le-champ. Elle lâche avec témérité et sans détours : « étant donné qu’il ne va pas tarder à pleuvoir, la pluie l’emportera tôt ou tard. » Finalement elle réussit à quitter les lieux. Sans nul doute, ce sac-là contenait les déchets de tout ce qu’elle avait pu utiliser durant la mi-journée pour la préparation de ses repas.
La phrase qu’elle avait prononcée failli me mettre K-O, j’avoue que cela m’avait plongé dans une profonde réflexion, j’étais abasourdi, j’ai failli lui demander en partant : « … l’emporter pour aller où ?  » Pauvre passant, je n’étais qu’un simple spectateur dans ce décor. Alors qu’ils sont laissés sur les trottoirs dans les rues, où atterrissent ces fatras lorsqu’ils sont emporter par les eaux des pluies ?

 

 

Fatras : c’est bon pour le référencement
Sur le boulevard H. Truman, des piétons tentent de se frayer un passage après la pluie. © Tartini Pierre Louis

 

Le constat est flagrant et les résultats sont catastrophiques. Durant la période des pluies (comme ce mois-ci) les eaux transportent tous les débris qu’elles croisent sur leur passage pour les conduire au plus bas niveau de la ville c’est à dire dans des quartiers voisins ou à la mer. Pour bien de gens c’est le moment propice (on croirait même que c’est un réflexe chez eux), ils en profitent pour se débarrasser de leurs tonnes de fatras. Ces ordures s’arrêtent où bon leur semble, et, de fait, les égouts et les canaux sont débordés, des eaux boueuses dégorgent sur la chaussée ; les ordures s’y installent et s’entassent en formant des piles d’immondices.

Il arrive que dans certaines rues de Port-au-Prince, à force que des chaussures, des sabots, des brouettes, des pneus de voitures … affrontent les fatras sur le macadam, il se forme alors une masse très épaisse de boue noirâtre qui constitue une seconde couche d’asphalte sur la chaussée.

Chez nous en Haïti, une vieille sentence populaire dit que : « la rue, c’est le salon du peuple. » Généralement, si j’observe bien, un salon est un espace  propre où on expose ses plus beaux objets à l’appréciation de tous les amis et visiteurs. Le salon est le lieu de réception par excellence !
Mon père, qui est sexagénaire, m’a appris que du temps des Duvalier les rues de la capitale étaient bien entretenues et très propres. Et ce n’était pas juste occasionnel ! A cette époque on disposait  d’engins pour nettoyer régulièrement les rues. Jeune, il se rendait au Champs-de-Mars pour se divertir, il aimait s’acheter de la crème glacée. Il aurait pu ramasser sa crème et la manger si elle était venue à tomber sur la chaussée par inattention ! Bien sûr, il aurait évité de laisser le cornet par terre ! Il l’aurait déposé dans une benne à ordures sur l’une des places. C’est juste un devoir civique et de l’égard vis à vis la propreté, m’a-t-il dit. Il fut un temps…

C’est bien dommage ! Cela fait très longtemps que les citadins de tous horizons à Port-au-Prince font un usage abusif et désobligeant du salon, au point de transformer les coins de rue de la capitale en gigantesques décharges publiques.

 

(R)


Notre première rencontre

À la rue Dufort, vendredi 4 heures de l’après-midi. Alors que je laissais ma faculté pour filer à une rencontre, j’ai arrêté le premier taxi qui passait par là. J’ai glissé doucement sur le siège arrière qui comptait déjà un passager de bord. Une charmante et jeune demoiselle bien vêtue ayant l’air très sûre d’elle. Salutation d’usage à tout le monde et le chauffeur roulait.

Voulant me sentir plus à l’aise vu le poids de mon sac à dos sur les jambes, j’ai demandé gentiment à celle-ci d’avancer un peu sur sa gauche. Ce qu’elle ne m’a pas refusé. Geste que j’ai apprécié et félicité. La glace alors brisée, on a entamé une belle conversation. Elle s’appelle Médjine, vit à Delmas et est étudiante en deuxième année de Gestion des affaires.

Le chauffeur s’arrête un instant. Un passager du siège avant, arrivé à destination, descend du véhicule, paie et s’en va. Il continue de rouler… Entre temps, Médjine et moi sommes bien accrochés à nos propos émaillés de grâce. Pourtant, je dois descendre à deux pâtés de maisons devant l’immeuble Châtelain pour mon rendez-vous. J’arrête le taxi. Juste le temps d’échanger volontiers nos coordonnées, j’ouvre la portière et descends. Elle semble suivre mes pas et sort aussi après moi. L’air souriant, elle m’apprend qu’elle doit participer à une rencontre du lancement d’un programme de vente en ligne 5Linx au même endroit. Coïncidence! C’est bien là que je m’y rends. Je referme la portière. J’avance vers le taximan, je paie le tarif pour deux et il redémarre. Nous franchissons le portail de Châtelain et prenons l’escalier.

Une fois à l’étage, avec l’aide d’un concierge, nous nous dirigions exactement à la salle 5 où a lieu la rencontre. Les intervenants sont confortablemet installés. Nous sommes arrivés à l’heure. Après avoir salué quelques camarades à moi que j’ai remarqués dans l’assistance, elle et moi avons suivi ensemble et avec grand intérêt toute la séance. Elle a duré deux heures environ. Comme il était prévu de laisser la salle à un prochain groupe, nous n’avions pas tardé à repartir. En descendant l’escalier, nous partagions entre autres choses nos impressions sur les opportunités qu’offre ce nouveau programme. Atteignant le trottoir, j’ai proposé à Médjine d’aller prendre un verre ensemble, si cela lui plairait bien, à l’Invité; un bar très coté du coin. Elle me dit ne pas voir d’inconvenient sauf qu’elle ne compte pas rester assez longtemps. Il fait déjà nuit.

Longeant la rue Capois à une dizaine de mètres, nous y sommes déjà. Menu revu, notre commande passée, nous voilà nous attabler à parler un peu de tout : notre enfance, nos parents et surtout notre avenir dans ce tout nouveau business. C’est là aussi que j’ai appris qu’elle est Jacmélienne de souche. Elle est venue poursuivre ces études universitaires à Port-au-Prince, la capitale.

Fini de déguster nos plats, sous l’influence du compas, nous sommes allés sur la piste d’à côté danser un très court instant. Pour le piètre danseur de mon genre, elle a su très bien manier et garder l’équilibre de ses pas. L’occasion était on ne peut plus tentante!

Une heure plus tard, je la raccompagne en empruntant à pied la rue Capois pour atteindre le Champ-de-Mars où elle doit prendre l’autobus pour rentrer. À mi chemin, la pluie se mêle de la fête sans qu’on n’ait à l’inviter. Sous la pluie, le temps de lui trouver un truc dans mon sac pour protéger son portable, elle s’accroche à mes bras l’air très heureuse.

À la station, elle me regarde droit dans les yeux un moment, monte dans le bus et part quelque peu insatisfaite. Quelques minutes après, la pluie cesse de tomber. Je reprends la route pour rentrer à la maison, à Martissant.

À mon arrivée, il était 10 heures passées. Je me douche. En me séchant le corps, mon téléphone sonne… Je décroche et c’est Médjine à l’appareil. Elle m’informe être bel et bien chez elle; m’avoue être très contente de lui avoir permis de passer une si formidable soirée en ma bonne compagnie et me reproche aussi de ne l’avoir pas embrassée avant son départ. Qu’elle ne pense pas me le pardonner si vite. J’en ai profité pour lui raconter à quel point sa présence a ébloui ma soirée; combien je compte revivre cela avec elle. Car elle compte déjà beaucoup à mes yeux.

Me souhaitant une bonne nuit, elle raccroche l’air relâchée.

Sincèrement, ce n’était pas tant l’envie de l’embrasser qui manquait. Je ne devais tout simplement pas et c’est étroitement lié à notre culture : il s’agissait bien de notre première rencontre!

(R)