Seydou KONE

Violences au Capitole : qui a dit que l’Afrique a le monopole de la bêtise politique ?

Les images sont surréalistes, hallucinantes, ébouriffantes. Le cœur battant de la démocratie américaine, le saint des saints, le Capitole, en proie à l’assaut des partisans de Donald Trump. Des scènes aussi incroyables que déstabilisantes. Vues d’Afrique, on se perd en conjectures. Et l’on se gargarise en partie à bon droit des déboires de la démocratie américaine.



Rentrée scolaire ivoirienne : sous le sceau de la double appréhension

La présente rentrée scolaire annoncée pour la mi- septembre 2020 en terre ivoirienne, sonne comme un moment particulièrement anxiogène pour les masses sociales. Aux motifs de stress traditionnel liés à cette conjoncture – achat de tenues et de fournitures scolaires, frais d’écolage…-, se greffe cette année, la hantise des élections présidentielles, qui se tiennent pratiquement dans la même foulée que la rentrée scolaire.


LATITUDES IVOIRIENNES : VIVEMENT UN ‘’SMIG‘’ POLITIQUE !

Les élections présidentielles de 2020 approchent à grands pas, et avec, son lot de discours politiques anxiogènes, incendiaires et haineux. C’est peu que de le dire, le marigot politique ivoirien est en pleine ébullition, soumis qu’il est, au tumulte et à l’agitation des manœuvres préélectorales. Les lignes politiques ou idéologiques s’évaporent, se redéfinissent, s’ajustent au gré des intérêts et des ambitions politiques du moment. L’éclatement de l’alliance des houphouétistes, qui avait permis l’accession de l’actuel président Ouattara à la magistrature suprême en 2011 et sa réélection en 2015 ouvre la porte à une véritable  reconfiguration de l’échiquier politique ivoirien. Quand les alliés d’hier- Ouattara, Bédié, Soro- se transforment en véritables adversaires voire en ennemis politiques déclarés, toutes les digues de la convenance, de l’élégance politique éclatent. Les ex-alliés-un aéropage de personnalités déchues et déçues de la mouvance présidentielle- désormais opposants encartés, portés par un ressentiment tenace, semblent être nourris par une seule obsession aujourd’hui : faire payer le prix fort au chef de l’Etat pour sa ‘’trahison’’. Une situation politique, que dis-je un psychodrame politique à l’ivoirienne qui donne lieu à de véritables passes d’armes, à des diatribes entre tenants du pouvoir et ex-alliés reconvertis en opposants purs et durs. On se rue dans les brancards, on fait feu de tout bois, au mépris de tout fair-play républicain. Les échanges feutrés, à fleuret mouchetés qui prévalaient du temps de l’alliance des houphouétistes,  sont désormais un vieux souvenir, ils laissent place à la rhétorique guerrière et à l’outrance.  Tout se passe comme si les acteurs politiques ivoiriens,  obnubilés par la seule logique de conquête ou de conservation du pouvoir d’Etat avaient perdu tout sens de la tenue, de la retenue. La surenchère langagière, les dérapages, les invectives sont désormais les choses les plus partagées au sein de la classe politique ivoirienne.  Tout porte à croire que les enseignements de la crise politico-militaire, qui a plongé le pays dans les abîmes de la guerre pendant une décennie n’ont pas été tirés par la classe politique.

-UNE CLASSE POLITIQUE OUBLIEUSE DE SES ERREURS D’ANTAN

C’est bien connu, les mêmes causes produisent les mêmes effets. La stigmatisation, les discours politiques haineux et incendiaires, qui avaient constitué un terreau fertile à l’éclatement et à l’emballement de la guerre en Côte-d’Ivoire semblent se profiler à l’horizon. Les acteurs politiques, autant qu’ils sont, responsables de cette tragédie, qui a valu au pays plus de 3000 morts et une récession économique sans précédent, font preuve d’une amnésie et d’une cécité intolérables, en soufflant à nouveau sur les braises de la division, de la surenchère et des dérives langagières. Plus soucieux de leurs intérêts que des malheurs du peuple, la classe politique ivoirienne ne semble pas avoir pris la mesure de la responsabilité qui est la sienne dans la crise militaro-politique qui a ébranlé fortement le pays. Une crise qui a laissé des plaies béantes qui n’ont pas été jusqu’à ce jour complètement cicatrisées, et qui on l’espérait servirait de piqûre de rappel aux hommes politiques quant à la nécessité de la tempérance dans leur agir.

-LA NECESSITE D’UN FAIR PLAY POLITIQUE

Il faut se le dire franchement, l’échiquier politique n’est pas une jungle où on peut tout faire et tout dire au mépris de toute convenance républicaine. Il est certes une arène, mais une arène régie par un minimum de consensus républicain, qui exige de la courtoisie, de la retenue ou ‘’du bon ton’’ comme on le dit prosaïquement en terre ivoirienne. La stature d’hommes d’Etat dont tous les acteurs politiques ivoiriens se prévalent, prescrit de la hauteur, de la décence dans l’agir politique. On ne le dira jamais assez, la Côte-d’Ivoire est notre bien commun le plus cher, rien ne peut justifier, qu’on veuille l’embraser à coups de déclarations incendiaires, elle prime sur tout. Sur tous les égos surdimensionnés, les luttes et les intrigues de pouvoirs, et sur toutes les ambitions personnelles, fussent-elles les plus légitimes.


Mali : les leaders religieux, premiers opposants politiques ?

Le cherif de Nioro et Mahmoud Dicko font stade comble à Bamako – Nord Sud Journal/Le grognon

La question est loin d’être superflue ou anecdotique, tant il est vrai que les leaders musulmans maliens ont aujourd’hui investi sans réserve le champ politique. Tout porte à croire que le pas a été franchi par les acteurs religieux dans le sens d’une plus grande implication dans le débat politique. Un changement de paradigme qui en dit long sur leur pouvoir croissant dans l’espace public malien, et qui vient de se confirmer avec la démission forcée du désormais ex-premier ministre Souleymou Boubeye Maïga dont la tête avait été réclamée le 4 avril dernier lors d’un meeting organisé par leurs soins, et qui avait réuni des dizaines de milliers de maliens. Un meeting aux accents de véritable démonstration de force opéré par le président du haut conseil islamique et du chérif de Nioro, qui avait de quoi faire pâlir d’envie l’opposition politique classique tant la mobilisation citoyenne était record. Une mobilisation populaire exceptionnelle ce jour-là, assortie de sévères mises en garde à l’endroit du chef de l’Etat malien quant à la prise en compte de leurs desiderata, dont principalement la révocation du premier ministre. Sans vouloir minimiser la menace de motion de censure au parlement dont ce dernier faisait l’objet, il reste que l’hostilité des religieux a été la lame de fond qui a scellé son sort. Cette intrusion du religieux dans l’arène politique ne manque pas d’interpeller et d’inquiéter quant au risque accru d’une théocratisation du champ politique malien.

-Une menace sur la laïcité

Qu’adviendrait- il si les guides religieux maliens se transformaient de manière permanente en faiseurs de roi, qui font et défont l’exécutif au gré de leurs intérêts ? Assurément que le jeu politique s’en trouverait affecté, voire faussé. Le caractère laïc de toute société impose une séparation nette entre le spirituel et le temporel, la non confusion entre le pouvoir d’Etat et la chose religieuse, qui permet à chaque pouvoir en fonction de sa nature (spirituelle ou politique) de jouer sur ses terres. Quand on sait que le Mali est un pays à prédominance islamique (plus de 90℅ de la population) et que l’Islam y est pour une bonne part confrérique, ce qui sous-entend la subordination des fidèles aux chefs religieux, on est en droit de s’inquiéter de cet activisme politique déployé par ces acteurs religieux d’un nouveau genre, qui nourrissent de plus en plus des ambitions politiques. Pour rappel, les leaders religieux ne sont pas à leur premier « fait d’arme ». Hormis la récente obtention de la démission du premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, ils avaient déjà fait reculer le gouvernement sur le projet de loi relatif au nouveau code de la famille. La formule est bien connue, chaque victoire fait appel à une autre victoire. Jusqu’où iront les leaders religieux ? Autant le dire, ils semblent s’être installés durablement dans l’espace politique malien, non sans contrevenir ou aller à rebours du rôle de formation religieuse, mais aussi d’entremetteur, de bons offices ou de médiation qui a toujours été le leur dans la résolution des conflits sociaux. Il faut aussi se l’avouer, cette immixtion du religieux dans le champ politique a été favorisée par les leaders politiques maliens eux-mêmes.

-L’intrusion du religieux dans le champ politique : une conséquence des mœurs politiques maliennes

C’est un secret de polichinelle, les acteurs politiques sous nos latitudes africaines ont toujours voulu se servir des leaders religieux à des fins électoralistes. Le Mali ne déroge à cette tendance lourde. Cependant bien plus qu’ailleurs-hormis le Sénégal-, le phénomène est beaucoup plus marqué sous les tropiques maliens. L’actuel président Ibrahim Boubacar Keita avait bénéficié en son temps- lors de sa première mandature- des appels au vote de certains leaders religieux, toute chose qui avait grandement favorisé son accession au pouvoir d’Etat. L’opposition politique n’est pas en reste, dans cette entreprise d’adoubement par les guides religieux. La récente présidentielle malienne vient d’en administrer la preuve avec la consigne de vote donnée par le chérif de Nioro-haut dignitaire musulman- en faveur d’un candidat de l’opposition, qui lui a valu la troisième place, ce qui n’est pas rien vu que ce dernier était jusqu’à récemment un illustre inconnu de la scène politique malienne. Il ne faut pas se méprendre, ce sont les acteurs politiques qui par leurs différents appels du pied, leurs sollicitations assidues, ont poussé les leaders religieux à sortir de leurs mosquées ou de leurs lieux de retraite pour en faire ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire des activistes politiques. Si aujourd’hui l’opposition politique malienne semble se réjouir et applaudir l’arrivée de ses alliés inattendus que sont les religieux, il n’en reste pas moins qu’elle doit sûrement s’attendre demain à un retour de bâton quand elle sera aux commandes.


Latitudes ivoiriennes : quand la corruption nous gouverne !

S’il est un phénomène sur lequel tous les ivoiriens s’accordent aujourd’hui, c’est incontestablement celui de l’explosion de la corruption, de la course à l’enrichissement illicite. Un véritable sport national qui gangrène toutes les strates de notre société. Aucun secteur d’activité n’est épargné par ce fléau qui étend irrésistiblement ses tentacules sur l’ensemble du corps social… Du corps judiciaire, en passant par celui des régies financières (qui détient le Graal en…


GRЀVES Á RÉPÉTITION : OÙ VA L’ÉCOLE IVOIRIENNE ?

C’est un euphémisme que de le dire, l’école ivoirienne se porte mal. Elle est malade des effets cumulatifs d’une décennie de crise militaro-politique, qui a nourri de manière abyssale le déficit chronique d’enseignants et conduit à un manque d’investissements infrastructurels dans le secteur éducation-formation. Ce que certains analystes sociopolitiques ivoiriens appellent la décennie perdue- la période de crise de 2000 à 2010- aura laissé certainement de graves séquelles sur le système éducatif ivoirien. Une école ivoirienne aussi gangrenée par des pratiques comme la tricherie, la consommation de drogue, l’incivilité, la culture de la violence, la tontine sexuelle- qui fait rage dans certains établissements- etc. Á cette longue liste de maux, s’ajoutent aujourd’hui les grèves à répétition, qui ont pris un relief bien particulier vu leur prolongement dans le temps, tant et si bien que le spectre d’une année blanche n’est plus à écarter. Figurez-vous que depuis le 10 décembre 2018, jour à partir duquel les élèves ont débrayé les salles de classe dans la localité de Gagnoa où j’officie comme enseignant, les écoles publiques sont depuis lors restées portes closes. Du débrayage des élèves le 10 décembre  2018 aux différents mots d’ordre de grèves des enseignants relatifs principalement à la revalorisation des indemnités de logements, cela fait plus de deux mois que l’école est à l’arrêt. Les autres localités du pays ne sont pas épargnées par ce mouvement de grèves prolongées, non sans nourrir l’inquiétude grandissante des parents d’élèves qui s’interrogent légitimement sur l’avenir de leurs enfants. Mais cette situation de blocage, de crise de l’école ivoirienne pose aussi avec acuité la question de la responsabilité des différents acteurs.

-Une crise aux responsabilités partagées

On ne le dira jamais assez, gouverner, c’est prévoir, c’est anticiper la survenue des conflits sociaux ou à tout le moins les circonscrire assez rapidement lorsqu’ils éclatent. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Etat ivoirien a manqué d’anticipation, de tact et de communication dans la gestion de cette situation de blocage de l’école ivoirienne. Comment comprendre qu’un cadre de discussions n’ait pas été crée dès le dépôt du premier préavis de grève, qui remonte au mois de décembre, à l’effet de recevoir les syndicats enseignants pour aplanir les différents ? Rien moins que l’expression d’un certain mépris de la part du ministère de tutelle, qui n’hésite pas à emboucher l’ »argument » de la politisation de la grève. Qu’à cela ne tienne ! Il reste, qu’il est toujours du devoir des pouvoirs publics de discuter pour arrondir les angles, rassurer et assurer in fine la sérénité de l’école ivoirienne, gage de bonnes performances scolaires. Sans vouloir être nihiliste ou négateurs des efforts consentis par le gouvernement actuel en faveur de l’école- déblocage des salaires, reprise des avancements salariaux, recrutement assez important d’enseignants, effort infrastructurel…-, les pouvoirs publics doivent néanmoins sortir de cette logique de mépris des plates formes syndicales qui sont ne sont rien d’autres que le creuset du corps enseignant et du personnel d’encadrement ivoiriens. Autant le dénoncer avec force, la trêve sociale à laquelle le gouvernement est parvenue avec certains syndicats l’année passée, qui court sur cinq ans n’est pas synonyme de mise en cage de l’ensemble des syndicats ou de mise en veilleuse de toute revendication d’ordre corporatiste. Si l’Etat est incriminé dans le pourrissement de cette crise aux effets désastreux sur l’école ivoirienne, il n’en reste pas moins que les enseignants ont aussi leur part de responsabilité.

Les syndicats ivoiriens : la logique de l’intransigeance

À la décharge de l’Etat, on pourrait noter le jusqu’au boutisme de certains syndicats enseignants, englués dans une logique du tout ou rien. On le relevait tantôt les pouvoirs publics actuels ont consenti un effort financier non négligeable dans le sens de l’amélioration des conditions existentielles des enseignants en termes notamment du déblocage indiciaire des salaires et de la reprise des avancements salariaux. Toutes choses qui valent aujourd’hui un quasi dédoublement du salaire de base. Cette revalorisation salariale nourrit au sein de l’opinion populaire à tort ou à raison l’idée que les enseignants sont les « enfants choyés » de la République. Les populations s’expliquent difficilement ces grèves à répétition et expriment de plus en plus un sentiment de lassitude et de ressentiment face à ce qu’elles considèrent comme une prise en otage de l’école ivoirienne par certains acteurs syndicaux. Les langues se délient de plus en plus au sein de la société civile – parents d’élèves, élèves, guides religieux, chefferie traditionnelle- pour en appeler à une certaine retenue, une certaine pondération de l’action syndicale.

En tout état de cause,  l’Etat a à charge de nouer ou de renouer le fil du dialogue avec les partenaires de l’école dont notamment les plates formes syndicales pour conjurer  cette crise qui n’a que trop durer. Aussi, les syndicats doivent-ils s’inscrire dans une logique d’apaisement pour donner une chance aux négociations car aucun sacrifice n’est de trop de part et d’autre pour ramener la tranquillité au sein de nos établissements, et sauver in fine l’école ivoirienne.


OPPOSITION POLITIQUE AFRICAINE : LE SYNDROME DE LA DÉSUNION !

On ne le dira jamais assez, l’opposition politique africaine est rongée par la même gangrène congénitale, par le même mal rédhibitoire, celui de la désunion, de la balkanisation. Comment l’opposition sous nos tropiques africains pense-t- elle raisonnablement venir à bout des régimes auxquels elle a,  à faire face, vieux pour certains de 20 ans, 30 ans ou plus, sans créer un front uni ? La question s’impose avec la force de l’évidence tant il est vrai que les élections présidentielles se succèdent sous nos latitudes, sans que les oppositions politiques africaines n’arrivent à relever le défi de la candidature unique. Engluées qu’elles sont dans les luttes intestines, dans une guerre de clochers, de positionnement où  chaque opposant roule pour sa petite boutique, pour sa petite chapelle sans entrevoir l’exigence d’une union sacrée pour assurer le changement tant attendu. Pas besoin de se creuser longtemps les méninges pour réaliser que cet émiettement de l’opposition politique africaine se nourrit principalement de l’éternel bataille de leadership entre factions rivales. Une lutte d’influence intra muros qui tourne au choc des égos.

Une opposition en proie à la guerre des égos

Assis sur la montagne de leurs certitudes, les opposants politiques africains nourrissent tous à tort l’ambition d’un destin messianique ou présidentiel. Rien moins que l’expression d’un égo surdimensionné, qui n’a d’égal que leur incapacité notoire à se réunir sous une bannière unique. C’est un paradoxe bien africain, une gageure que les opposants politiques africains se croient individuellement capables de terrasser ces régimes autocratiques à l’échelle du continent, sans se coaliser sous une étiquette commune. Le dernier épisode en date, est ce qu’il est convenu d’appeler le psychodrame de Genève, qui a vu l’accord des têtes d’affiche de l’opposition congolaise sur le choix de Martin Fayulu, avant que ledit choix ne soit dénoncé à peine 24 heures plus tard. Le ticket vital Kamehre Etienne Tshisékedy qui a vu le ralliement du premier au second, même s’il est à saluer, reste insuffisant pour battre le candidat unique de la mouvance présidentielle. Il y a lieu de préciser que nous sommes dans un mode de scrutin à un tour, qui se révèle à l’analyse comme une sanction de l’émiettement politique. Une opposition en rang dispersée face à un pouvoir resserré autour d’un candidat unique, qui a pour lui les cordons de la bourse et l’appareil d’Etat, part largement favorisé d’autant plus que l’élection présidentielle se tiendra vraisemblablement à huis clos -sans observateurs étrangers-. Le cas congolais est loin d’être isolé, il n’est pas sans rappeler celui de l’opposition malienne, camerounaise, togolaise…qui n’arrivent pas à vaincre le signe indien de la division.

Un autre facteur non moins important du délitement de l’opposition politique sous nos latitudes africaines est sa vénalité.

Une opposition politique en butte à la vénalité

Il  n’est pas rare de voir certains opposants politiques céder aux avances du pouvoir en place, en acceptant des promotions ministérielles, des avantages pécuniaires et matériels. Une transhumance avec armes et bagages qui en dit long sur leur incapacité de résilience face aux sirènes de l’argent. Il faut se l’avouer sous nos tropiques africains, certains partis politiques n’ont de nom que leur appellation, de véritables ‘’partis alimentaires’’ qui sont aussi inconstants que des girouettes, prenant le soin toujours de « sécher leurs habits là où le soleil brille » selon le mot d’une figure politique ivoirienne,- comprenez par là : se ranger du côté du pouvoir pour profiter de ses délices-. Une versatilité qui agace les masses sociales et qui participe aujourd’hui d’une désaffection du citoyen lambda d’avec la chose politique.

En tout état de cause, plus qu’une option, l’unité des partis d’opposition sous une candidature unique  dans nos Etats africains fait figure d’exigence. L’accession au pouvoir d’État est à ce prix.


ÉCOLE IVOIRIENNE : L’ЀRE DE L’ÉLЀVE- ROI SE POURSUIT !

Malheureusement, les années passent et se ressemblent sous les latitudes ivoiriennes en matière de mœurs scolaires. Au-delà des tares structurelles qui gangrènent le milieu scolaire ivoirien- phénomène de massification, de la violence, de la tricherie, des grossesses… -, une autre pratique non moins désastreuse fleurit de plus en plus à l’approche de chaque congé scolaire. En effet, ce qu’il est convenu d’appeler le « phénomène des congés indus » se généralise à l’échelle de tout le pays. Les élèves ivoiriens s’illustrent de plus en plus  dans l’art de faire et de défaire le calendrier officiel des congés scolaires au gré de leurs caprices du moment. Tout se passe comme s’ils étaient passés le mot pour perturber et débrayer collégialement les écoles publiques et privées. Ainsi, comme à l’accoutumée, en prélude à ces congés de nouvel an, ils n’ont pas dérogé à cette pratique, qui se mue progressivement en habitude viscérale. Pour le coup, ce lundi 10 décembre, me rendant au lycée 3 de Gagnoa où j’officie en qualité de professeur de philosophie, j’aperçois aux abords de l’école un regroupement inhabituel d’élèves, doublé de clameurs incessantes, qui témoignent à l’évidence d’une atmosphère surchauffée au sein du lycée. Sur le moment, je nourris une certaine appréhension à franchir le portail du lycée pour rejoindre la salle des professeurs, d’autant plus que l’entrée est obstruée par la présence des élèves et je suis conscient également de l’extrême violence dont ils peuvent faire preuve- notre lycée ayant subi leur furie destructrice deux ans auparavant, un véritable saccage en règle, avec en prime la bastonnade d’un officier de police-. Néanmoins, je décide de passer outre cette peur, et j’arrive à me faufiler pour accéder à l’enceinte de l’établissement déjà noire d’élèves. Renseignements pris auprès de certains collègues, les élèves ont décidé de débrayer et de prendre ipso facto leurs congés de Noël prévus le 21 décembre soit dans deux semaines.

A la vérité, « ce coup de force » des élèves n’est nullement une surprise. Depuis plusieurs jours déjà, il bruissait qu’ils s’étaient accordés sur la date de ce lundi 10 décembre pour rentrer en congés, au mépris du calendrier officiel. Sauf, qu’aucune mesure préventive et dissuasive n’a été prise par les autorités pour conjurer cette situation. Il faut bien se l’avouer, aussi bien les autorités en charge de l’éducation nationale que le personnel enseignant et d’encadrement semblent être démunis face à cette gangrène.

-Une communauté éducative impuissante

Que faire face à ces perturbations intempestives de cours qui affectent la qualité de l’enseignement ivoirien ? La question est lancinante et semble pour le moment sans issue. De la prise de sanctions  contre les élèves perturbateurs qui vont jusqu’au renvoi de certains, en passant par le déploiement des forces de l’ordre (que les élèves n’hésitent aujourd’hui pas à pourchasser et à bastonner) et les campagnes de sensibilisation, rien n’y fait jusqu’à présent. Et tout porte à croire que la pratique prospère d’année en année au point d’avoir une dimension nationale.  C’est bien connu, le système éducatif ivoirien est déjà en piteux état, ces déperditions de cours viennent se rajouter à une longue liste de maux, qui immanquablement constituent un obstacle aux nombreux efforts consentis par les pouvoirs publics- effort infrastructurel et effort de recrutement- pour redonner à l’école ivoirienne son lustre d’antan.

Cependant, l’école n’est rien d’autre que le reflet de la société ivoirienne, une société malade, gangrénée par de nombreux maux.

Une école ivoirienne malade à l’instar du corps social

C’est une évidence, l’école est le microcosme du macrocosme social, elle est l’émanation et le creuset des réalités sociales. L’état comateux de l’école ivoirienne est donc symptomatique des maux qui minent notre société, qui ont pour noms violence, laxisme, incivisme, corruption, concussion, tricherie, dissolution des mœurs… et que sais-je encore. En un mot comme en mille, la société ivoirienne se porte mal, et c’est un euphémisme que de le dire. Ce « phénomène des congés indus » est juste un indicateur de contre-performances, une piqûre de rappel sur l’énormité du chemin à parcourir pour sortir de l’ornière. Au-delà du taux de croissance ivoirien qui frise les deux chiffres, et qui pourrait faire pâlir d’envie bien de pays occidentaux à la croissance en berne, les pouvoirs publics et tout le corps social ivoirien gagneraient à revenir à l’essentiel c’est-à-dire le réarmement moral, la reconversion des mentalités dans le sens d’une culture du civisme, de la discipline et du travail, seuls gages d’un développement véritable.


Le mouvement des « gilets jaunes » vu d’Afrique

Hallucinantes, surréalistes, invraisemblables, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire les scènes de violence orchestrées sur les Champs Elysées et la place de l’arc de triomphe, elles sont « dignes » de certaines de nos « républiques bananières », où l’incivisme se double d’une interprétation permissive de la démocratie. Sauf que là, ne nous méprenons pas, nous ne sommes pas sous les tropiques africains, mais plutôt sous les latitudes françaises. Une éruption, une explosion de violence qui n’a d’égale que l’incompréhension qu’elle suscite vue d’Afrique. La rue africaine s’interroge et se perd en conjectures, « mais où va la France ? », dit-on.

Une France méconnaissable

Il faut se l’avouer, les scènes de guérilla urbaine, les saccages, le vandalisme, les batailles rangées entre policiers et manifestants -que dis-je émeutiers-, le nombre important de victimes, d’interpellés… ont fait l’effet d’un choc sous les tropiques africains. Comment la France en est-elle arrivée là ? La belle France, celle des « pratiques policées », « des mœurs raffinées » en est là aujourd’hui, défigurée, souillée par tant de violences et d’incivisme. Un déchaînement d’une rare violence dirigée en grande partie contre les symboles de l’Etat et de la finance, qui dénote à l’évidence que les pays en voie de développement, et en particulier les pays africains n’ont pas le monopole de la culture de la violence ou de la « bêtise ». Oui, il ne serait pas excessif de qualifier cette furie destructrice de véritable bêtise car rien ne peut justifier un tel niveau de violence et de destructions. C’est bien connu, la démocratie réside non pas dans l’argument de la force, mais dans la force de l’argumentation, les protestations ne peuvent se faire que dans les limites du respect de la chose publique, et du respect des autres. Hélas, la France vient d’administrer la preuve que l’exemplarité des mœurs républicaines n’est pas toujours du côté de ceux qu’on croît porter l’étendard du civisme-le respect de la chose publique-.

En outre, la rue africaine s’interroge : comment le président Macron va-t-il sortir ce cette mauvaise passe ? C’est sans conteste la pire tempête à laquelle il a à faire face depuis le début de son quinquennat, après le feuilleton Benallard. Tout porte à croire que le président jupitérien, le maître des horloges comme il aime à se qualifier, laissera des plumes dans cette fronde sociale protéiforme. Les dernières propositions de mesures de sortie de crise du premier ministre, Edouard Philipe, laissent entrevoir une inflexion de la part de l’exécutif, sinon un rétropédalage, qui du reste est jugé tardif et insuffisant.

Un président français qui a perdu de sa superbe.

Pour le moins, le capital sympathie du président Macron s’est fortement effrité à l’échelle du continent africain. Un style de gouvernance jugé froissant, voire condescendant par moments. Certains propos du jeune président français Macron sont heurtants et agaçants à plus d’un titre. On se souvient qu’il reprochait à Hollande un manque d’autorité, de fermeté dans l’action publique, mais sous son magistère, on n’est pas loin de penser qu’on glisse vers l’autoritarisme et l’arrogance. Du recadrage public de l’ex-chef d’État major des forces  françaises qui a précipité la démission de celui-ci, à la sortie froissante du président français faisant état de ce que le sous-développement en Afrique est d’ordre civilisationnel, son dérapage en Pologne sur les travailleurs détachés, ou encore ses propos peu amènes à l’endroit du président Roch Marc Kaboré lors de l’étape burkinabé de son périple africain, qu’il a vite fait de mettre sur le compte de la plaisanterie… le président  Macron irrite de plus en plus. Et justement, c’est l’un des éléments favorisant cette crise sociale. Le manque de véritable concertation, la volonté d’embarquer les français dans un train de réformes sans leur adhésion préalable, le manque d’empathie, le mépris, l’indifférence, le manque de compréhension des souffrances du petit peuple, la chute du pouvoir d’achat faute d’accompagnement suffisant pour les plus pauvres, qui constituent la lame de fond de cette contestation sociale sans précédent.

En tout état de cause, cette forte période d’agitation sociale constituera un tournant décisif de sa mandature, il y aura vraisemblablement pour l’exécutif français un avant et un après « gilets jaunes ». Peut-être que cette fronde sociale inédite aura le mérite de rappeler au président Macron que l’urgence des reformes sociales requiert un minimum de consensus national, un minimum d’adhésion préalable des Français.

 

 


Les cinq péchés capitaux de la société ivoirienne

   En dépit des belles performances macro-économiques enregistrées par la Côte d’Ivoire (au moins 8% de taux de croissance depuis 2012), elle reste laminée par des tares structurelles d’une gravité inouïe, que je qualifie de péchés capitaux ou de menaces existentielles car elles doivent être conjurés, sous peine de faire chavirer le navire Ivoire.

Aux  premières loges de ce ‘’top 5’’ des péchés capitaux, figure le déficit d’unité nationale. S’il est un chantier sur lequel le régime du président Ouattara a avancé le moins durant ses deux mandatures, c’est incontestablement celui de la réconciliation nationale. Les effets cumulatifs de plus d’une décennie de crise militaro-politique ont déstructuré le tissu social. Ce dernier a tellement été abîmé que certains ivoiriens nourrissent encore l’idée d’un match retour – entendez une seconde confrontation armée – entre partisans de Laurent Gbagbo (dont beaucoup n’ont pas digéré la perte du pouvoir d’État) et affiliés de l’actuel camp présidentiel. Les récriminations, les rancœurs, les ressentiments liés à la crise post-électorale sont encore présentes, les plaies béantes liées à cet épisode tragique de notre pays ont été cautérisées, mais pas cicatrisées. Les actions initiées par les pouvoirs publics pour l’instant ne sont pas à la hauteur des attentes liées à ce vaste chantier qu’est la réconciliation nationale, préalable à tout véritable développement.

Le corollaire de ce déficit d’unité nationale nous renvoie à la seconde gangrène de la société ivoirienne, que j’appelle la forte ethnicisation du jeu électoral. En effet, sous les latitudes ivoiriennes, chaque leader politique à ses ‘’électeurs naturels’’, son ‘’bétail électoral’’, selon qu’il soit originaire de telle ou telle ethnie. Une forte tribalisation du jeu électoral qui dénote à l’évidence d’un manque de maturité démocratique sous nos tropiques ivoiriens. Ainsi le président Ouattara recrute-t-il massivement ses électeurs dans la partie Nord du pays, d’où il est originaire. Cela vaut aussi pour Bedié, qui s’adjuge les voix du centre, Gbagbo Laurent, celles du centre-ouest ou encore Mabri Toikeuse qui rafle celles de l’ouest. Au-delà de la présence marginale de militants de différents bords ethniques dans certains partis politiques, le vote comme le jeu politique en général reste largement tributaire de la carte ethnique ou communautaire en terre ivoirienne. Tout porte à croire que la présidentielle à venir ne dérogera pas à cette triste réalité. Au niveau du gros de la troupe (les masses sociales ivoiriennes), cette problématique pourrait se résumer en ces termes : dis-moi ton ethnie, je te donnerai le nom de ta chapelle politique.

A côté de ces deux écueils qui fragilisent la société ivoirienne, un autre, non moins important, est celui de la violence. Le constat s’impose aujourd’hui avec la force de l’évidence : la violence se banalise en terre ivoirienne. Abstraction faite des pires atrocités liées à la crise post-électorale en 2010 (avec à la clé plus de 3000 morts), la violence s’instille, se distille durablement dans toutes les strates de la société ivoirienne, au point de devenir un véritable référent. Jamais dans l’histoire de notre pays, la violence n’a été aussi prisée pour résoudre les conflits sociaux. Tout se passe comme si la violence était instituée par les membres du corps social comme l’unique mode d’expression face aux tensions sociales. C’est un secret de polichinelle, en terre ivoirienne : quand on n’est pas content, on casse, on saccage, on brûle, on s’en prend aux symboles de l’État, et comme on le dit de manière triviale à Abidjan « ça ne va pas à quelque part », comprenez qu’il n’aura aucune sanction ou suite judiciaire liée à ces actes. Une véritable culture de la violence qui déteint jusqu’en milieu scolaire.

A ce sombre tableau s’ajoute malheureusement la course à l’enrichissement illicite. Malheureusement, le changement de régime en 2011 n’y aura rien fait. Pire, le phénomène de corruption, de concussion ou de prévarication fait aujourd’hui figure de véritable fléau national. Nos ministères et nos administrations se sont transformés en véritables nids de la corruption. Entre pots de vins liés à la passation des marchés, détournements de fonds publics, abus de biens sociaux, vente des concours d’entrée à la fonction publique et rackets des forces de l’ordre… chacun veut prendre « sa part du gâteau », et c’est peu que de le dire. Tous ceux qui possèdent une parcelle de pouvoir,  y compris les « sans grades », veulent s’en mettre plein les poches. L’enrichissement illicite semble être le maître mot, un véritable sport national. Signe des temps, la classe des nouveaux riches compte de nombreux pontes du régime, à la tête des institutions, des ministères, des régies financières… Ceux-là font du pouvoir une véritable mangeoire. Et le plus dramatique est l’inaction du chef de l’Etat. L’incurie est aussi assourdissante que révoltante. En dépit des nombreux scandales financiers qui entachent l’exercice de son pouvoir, aucun baron du régime ne s’est pas encore retrouvé derrière les barreaux. Dieu seul sait s’il devait s’y trouver par dizaines, tant il est vrai qu’aujourd’hui l’enrichissement illicite s’est érigé en mode de fonctionnement dans de nombreux départements ministériels.

Enfin, nous ne saurons clore ce ‘’top cinq’’ des péchés capitaux qui gangrènent la société ivoirienne sans relever l’incivisme ambiant qui prévaut aujourd’hui en terre ivoirienne. Le constat est sans appel, l’incivisme est présentement un marqueur important de la société ivoirienne. L’ivoirien en général a peu ou pas d’intérêt pour la chose publique, pour les règles qui président l’espace public. Du mépris des règles de circulation routière en passant  par l’inobservation des règles d’urbanisme ou encore la transformation de nos rues en poubelles et l’occupation anarchique de l’espace public, on est en droit de se demander si la notion de chose publique a encore un sens. L’une des conséquences les plus dramatiques de cet incivisme notoire a été la survenue des dernières inondations à Abidjan. En effet, les constructions anarchiques sont légion au mépris des règles les plus élémentaires de construction et d’urbanisme. On édifie des constructions sur les ouvrages d’assainissements qui doivent servir justement à réguler et évacuer l’eau de ruissellement de pluie. Les servitudes, les emprises sont occupées systématiquement, tant et si bien que la ville d’Abidjan s’est transformée aujourd’hui en véritable espace immobilier et marchand où le plus petit mètre carré est âprement discuté. Les populations sont passées maîtresses dans l’art de transformer les caniveaux en dépotoirs, avec pour conséquence d’empêcher le passage des eaux qui, en cas de forte pluie, dévalent inévitablement dans les habitations et sur les routes.

En un mot comme en mille, il urge de solutionner ces maux précités afin que la Côte-d’Ivoire puisse se diriger vers des rivages beaucoup plus heureux.


VICTOIRE DES BLEUS : « L’AUTRE NOM DE LA FRANCE, C’EST LA DIVERSITÉ ! »

La formule est de l’historien français Fernand Braudel. Elle cristallise à elle seule l’identité réelle de la France c’est-a-dire un pays d’immigration profondément pluriel ou composite… Très certainement l’épopée de la France durant ce mondial 2018, non sans l’apport éminemment important de ses cadors d’origine africaine (M’bappé, Umtiti, Pogba, N’Golo Kanté, Matuidi, N’zonzi, Dembelé, Sidibé pour ne citer que cela) est un pied de nez à cette partie de la France raciste, sectaire et réactionnaire. Une partie de la France qui a cédé aux sirènes du populisme, du repli identitaire, que dis-je du nationalisme de bas étage, qui considère à tort les migrants comme des ennemis de l’intérieur.

Et pourtant, ce sont ces ‘’nègres’’, enfants, petits enfants d’immigrés et banlieusards qui ont porté essentiellement la France, lui permettant pour la seconde fois d’être sur le toit du monde. Pour le coup, la sélection française présente en Russie a comporté 14 noirs et deux maghrébins, autant le dire une équipe africaine. Une présence massive de joueurs de couleurs pour ce mondial, qui loin d’être un cas isolé, est une tendance lourde dans les sélections françaises (athlétisme, handball, basket, judo…), mais pas seulement ! La musique, le théâtre, le cinéma, la littérature que sais-je encore regorgent de ces français de couleurs qui porte fièrement et brillamment l’étendard de la France sous toutes les latitudes.

Il faut se le dire clairement, la France doit rompre avec cette logique opportuniste de’’ l’immigration choisie’’ au sens de profiter uniquement des talents de couleurs, tout en peinant à accorder la pleine reconnaissance et la pleine citoyenneté à ces millions de français d’origine africaine, qui pour le gros de la troupe appartiennent à la France invisible, à la France de l’ombre.

On ne dira jamais assez, la France intrinsèquement, c’est la mixité raciale, sociale, c’est le multiculturalisme. Elle n’est belle que lorsqu’elle est parée de toutes ses couleurs black, blanc, beur. Comme le rappelle avec raison Amadou Hampaté Ba « la beauté du tapis tient à la diversité de ses couleurs ».


SYSTEME EDUCATIF IVOIRIEN : LE FLEAU DE LA POLITIQUE DU CHIFFRE !

 

C’est un secret de polichinelle sous les latitudes ivoiriennes, l’actuel chef d’Etat Alassane Ouattara (économiste de son état, ancien gouverneur de la BCEAO et ancien DGA du FMI) éprouve une vive inclination voire une fascination pour les chiffres. Tant et si bien que tout son gouvernement s’est jeté à corps perdu dans cette course effrénée de résultats statistiques pour satisfaire « le grand manitou », quitte à tronquer la réalité. La critique est déjà acerbe concernant l’économie ivoirienne qui culmine à environ 9% de taux de croissance depuis 2012 (de quoi faire pâlir d’envie de nombreux pays européens à la croissance en berne), sauf qu’à l’épreuve des réalités concrètes, cette croissance semble être un simple agrégat de chiffres, elle semble être l’arbre qui cache la forêt des difficultés existentielles qui assaillent les masses laborieuses ivoiriennes. Entre inflation galopante, difficultés énormes à se nourrir, à se loger, à se soigner… en somme à couvrir ses besoins basiques, le citoyen lambda ivoirien  ne s’est plus ou donner de la tête. Les récriminations sociales se multiplient avec à la clé cette boutade populaire « on ne mange pas la croissance ! ».

Malheureusement, cette politique à outrance du chiffre s’étend aussi à un domaine aussi sensible que celui de l’éducation nationale. Sans vouloir être négateur de  l’effort infrastructurel et de l’effort de recrutement en personnels consentis par les pouvoirs publics actuels, il reste que le niveau de l’école ivoirienne en termes de qualité de la formation n’a jamais été aussi bas. Le constat est sans appel, le niveau des apprenants ivoiriens est incroyablement bas. Comme si tous les enseignants s’étaient passés le mot pour reprendre en chœur cette tragique réalité, et tout porte à croire que le ministère de l’éducation nationale soit pour beaucoup dans cette formation au rabais, dans ce nivellement vers le bas que connaît le système éducatif ivoirien. En effet, mû par la volonté incompressible de faire du chiffre pour s’assurer la confiance du président de la République, le ministre de l’éducation nationale s’est lancé tout azimut dans une politique que je qualifierais » d’ouverture des vannes » pour avoir les « meilleurs résultats scolaires » possibles, ainsi, les redoublements et les exclusions d’élèves sont de moins en moins tolérés par les directeurs régionaux de l’éducation nationale. A ce titre, la consigne est stricte, faire passer le maximum d’élèves en classe supérieure (abstraction faite du niveau réel des apprenants),  de sorte que les conditions d’admission à l’entrée en 6ième ont été quasiment supprimées, des milliers d’élèves se retrouvent au collège sans véritables fondamentaux ou pré requis. Cela vaut aussi pour le BEPC (examen d’entrée au secondaire) qui faire figure de passoire aujourd’hui, tous les coefficients des matières ont été ramenés à un, de sorte que de nombreux apprenants décrochent ce diplôme sans acquis véritables. Durant cette session du BEPC 2018, le ministère a même poussé l’audace jusqu’à reprendre les délibérations en l’absence  des professeurs- du moins dans la zone de Gagnoa ou j’officie- en abaissant le nombre de points requis au départ à l’effet d’atteindre les 60% de taux de réussite nationale fièrement proclamés par ses soins. Ce constat de la poursuite effrénée des chiffres est encore plus vrai à l’aune de la politique d’ACP (approche par compétence) introduite par le ministère, qui consiste en une ultra simplification  des contenus scolaires, avec à la clé des évaluations très transparentes en formes de questions réponses, de questions à choix multiples… qui n’incitent pas réellement les apprenants à cultiver le goût de l’effort. La ‘’qualité’’ des sujets aux différents examens témoigne également de cette volonté manifeste de faire du chiffre. Tenez, pour la session du baccalauréat 2017 série A2, à la lecture des différents sujets proposés en philosophie, notamment en dissertation, nous sommes restés sans voix (mes collègues de philosophie et moi) face à ces sujets très transparents ou linéaires qui n’appelaient qu’une simple récitation du cours de la part des apprenants. Sur le moment, je n’ai pas manqué d’exprimer mon indignation en affirmant que même en devoir de classe, il ne m’arrivera jamais à l’esprit de proposer une telle évaluation. Ou va l’école ivoirienne avec de tels procédés ? Ce constat amer vaut aussi pour le supérieur. A juste titre d’ailleurs, l’école ivoirienne s’est transformée en une immense fabrique à chômeurs, des milliers étudiants bardés de diplômes mais sans qualification réelle. Loin de moi, la volonté de vouloir militer pour une hyper complexification des contenus scolaires et des différents examens, mais de là à poursuivre frénétiquement des résultats statistiques à travers une politique du chiffre qui met dangereusement en péril l’école ivoirienne, mon opinion est toute faite : mettre des tours de vis, revenir à la rigueur, à la sélection, à la qualité de l’enseignement et du niveau des examens d’antan. Voilà une des conditions essentielles  que les pouvoirs publics ivoiriens doivent intégrer pour renouer avec le fil de l’excellence scolaire.


INONDATIONS MEURTRIЀRES À ABIDJAN : J’ACCUSE !

Les images sont renversantes, à la limite de l’apocalypse : jusqu’à 2,5 m d’eau par endroits, des immeubles effondrés, une vingtaine de personnes emportées, des dizaines de voitures charriées par la puissance des flots, des dégâts matériels à perte de vue, un amoncellement indescriptible de gravats et de détritus… Bref, c’est une scène de désolation qu’Abidjan a présentée au lendemain de la pire inondation qu’elle ait connue. Une semaine après, l’émotion n’est toujours pas retombée, la population ivoirienne est toujours sous le choc, partagée entre consternation et colère. On s’explique difficilement que sous d’autres latitudes, on puisse enregistrer de tels niveaux de pluviométrie sans avoir à la clé un tel décompte macabre -20 morts- et un tel niveau de destructions matérielles. Notons à ce titre qu’un immeuble à plusieurs étages s’est effondré. Au delà du concert d’émotions (pleurs, douleurs) et d’indignation que ce drame  suscite, il faut aujourd’hui situer les responsabilités, à commencer par celle de l’Etat.

-UNE INACTION COUPABLE

Ce drame vient une fois de plus jeter une lumière crue sur le laxisme coupable, que dis-je, la corruption qui gangrène l’administration ivoirienne. C’est un secret de polichinelle, nos ministères se sont transformés en véritables nids de prédation financière. Et le ministère de tutelle, en l’occurrence celui de la construction et du logement, n’y échappe pas. Des permis de construire sont délivrés de manière indue, bien entendu contre forte rémunération, au mépris des règles d’urbanisme. Les agents du ministère ferment les yeux sur certaines constructions  établies sur des ouvrages d’assainissement (bouches d’égouts, caniveaux), alors qu’elles obstruent considérablement le passage des eaux de ruissellement et entraînent d’importantes remontées d’eau dans les habitations. C’est sans compter encore les zones à risques (bassins orageux, flancs de collines…) qui font l’objet de constructions dans l’incurie la plus assourdissante du ministère de la construction. Ce manque d’actions préventives de la part des pouvoirs publics a contribué à la survenue d’un si lourd bilan macabre.

La formule est bien connue : gouverner c’est prévoir, c’est anticiper, c’est planifier, mais cela a terriblement manqué aux autorités ivoiriennes. Même le niveau de riposte, l’organisation des secours et la prise en charge des victimes ont connu des insuffisances. Les deux milliards de FCFA déboursés sur instruction du président Ouattara pour aider les victimes et le fait d’écourter sa visite en France pour se rendre sur les lieux du sinistre ne pèsent pas grand-chose dans la balance de l’énorme responsabilité qui est la sienne.

Cependant, l’incivisme des populations n’est pas non plus étrangère à la survenue de cette tragédie.

-UN INCIVISME NOTOIRE DES POPULATIONS

Le constat est sans appel, l’incivisme est aujourd’hui un marqueur de la société ivoirienne. L’ivoirien en général a peu ou pas d’intérêt pour la chose publique, pour les règles qui président l’espace public. Les constructions anarchiques sont légion, au mépris des règles les plus élémentaires de construction et d’urbanisme. On édifie des constructions sur les ouvrages d’assainissements qui doivent servir justement à réguler et évacuer l’eau de pluie. Les servitudes, les emprises sont occupées systématiquement, tant et si bien que la ville d’Abidjan s’est transformée aujourd’hui en véritable espace immobilier et marchand, où le plus petit mètre carré est âprement discuté. Les populations sont passées maîtresses dans l’art de transformer les caniveaux en dépotoirs. Cela empêche le passage des eaux, qui, en cas de forte pluie, dévalent inévitablement dans les habitations privées et sur les routes. A ce titre, l’exemple le plus patent est le carrefour de l’Indenié – à l’intersection du quartier du Plateau, d’Adjamé et de Cocody- qui se retrouve sous les eaux à chaque orage. Tous les régimes successifs ivoiriens ont échoué à trouver des solutions durables à cette ‘’énigme’’, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Les pouvoirs publics actuels ont investi des milliards dans des infrastructures en amont – construction de barrages érecteurs, de bassins d’écoulement des eaux…-, mais rien n’y fait. La cause essentielle étant le déversage des déchets solides de la part des populations riveraines dans ces infrastructures d’évacuation d’eaux, qui favorisent la remontée des eaux à chaque forte pluie à la surface du bitume.

Cette tragédie commande des pouvoirs publics des mesures vigoureuses et courageuses dans le sens d’une meilleure application des règles de construction et d’urbanisme. Un épineux chantier qui commence d’abord par la démolition sans état d’âme des habitations, des commerces et autres édifices qui empêchent le ruissellement des eaux de pluie. Mais aussi par la destruction des constructions anarchiques, à flancs de colline, dans des bassins orageux ou autres habitations situées dans des zones à risques. Les populations ont aussi leur partition à jouer, elles doivent procéder à un changement radical de comportements en se pliant aux règles de construction et en adoptant des gestes éco-citoyens. C’est à ce prix que pareille tragédie pourrait être conjurée à l’avenir.


Personnel de santé : serment d’Hippocrate ou d’hypocrite ?

Sans vouloir jeter l’anathème sur l’ensemble du personnel de santé ivoirien, il n’en reste pas moins que ce corps d’activité reste profondément gangrené par de nombreuses pratiques corruptrices ou prédatrices. On est à mille lieux de l’humanité et du souci du patient qui devrait être son apanage, tant ce milieu s’est transformé en repère d’affairistes, en véritable nid de corruption.

Abstraction faite des réseaux de détournements des médicaments, des réactifs en laboratoire et de la vente du matériel médical à l’occasion, je voudrais m’appesantir sur ce qu’il est convenu d’appeler ‘’le phénomène d’extorsion d’argent aux patients et aux parents de patients’’. Une pratique qui a atteint des sommets inimaginables et qui se banalise sous nos latitudes, avec pour conséquence majeure d’entraîner la désaffection des masses sociales de nos centres de santé. Car c’est une vérité qui s’impose avec la force de l’évidence : avoir un malade interné dans une structure sanitaire ivoirienne, surtout celles d’Abidjan, c’est la porte ouverte à la saignée financière. Entre ordonnances fantaisistes, analyses médicales très souvent majorées, coûts surfacturés des opérations chirurgicales et pots de vin à donner pour être sûr que son malade bénéficie d’une certaine ‘’qualité’’ de soins, des parents de patients à bout de souffle financier en viennent à soustraire leur malade de nuit de l’hôpital, quitte à ce que dernier passe de vie à trépas à la maison. Des parents et patients rendus exsangues financièrement par tant de pratiques non orthodoxes. Déjà rongés par l’anxiété liée à l’état de santé de leurs malades, ces proches doivent encore faire face à l’affairisme ambiant qui prévaut dans nos structures sanitaires. Une situation qui s’apparente à une double peine.

-LA DOUBLE PEINE

Un ami me confiait récemment que suite à l’hospitalisation de son père au CHR de Gagnoa (au centre ouest de la Côte-D’Ivoire) et son admission au service de réanimation, les médecins avaient exigé 100.000 FCFA pour acheter les médicaments nécessaires au traitement du patient. Lorsqu’il a pu accéder à la salle de réanimation, il a constaté qu’en tout et pour tout, seule une perfusion avait été administrée à son père. D’ailleurs, ce dernier a succombé à son mal quelques jours après. Ayant réalisé la supercherie, il s’est plaint auprès du médecin traitant, mais en vain….

Loin d’être isolée, cette pratique d’extorsion de fonds est largement répandue. Elle n’est pas sans rappeler en 2015 l’affaire Awa Fadiga, du nom de cet ex-mannequin ivoirien, agressée grièvement et admise aux urgences du CHR de Cocody. Elle y avait succombé à ses blessures faute de soins, ou plus précisément faute d’argent. En effet, très généralement la célérité de la prise en charge dans les structures de santé est fonction du pouvoir financier du patient (sa capacité à payer rubis sur ongle ce que le corps médical exige) ou de sa connaissance d’un membre du personnel de santé qui peut jouer de son statut pour trouver rapidement un lit d’hospitalisation au patient et ramener avec diligence au chevet de celui un infirmier ou un médecin. Malheureusement, Awa Fadiga n’avait ni l’un ni l’autre, et ce qui devait advenir se produisit : la mort. Le scandale a été si retentissant qu’il a valu son poste au directeur général du CHR de Cocody. Malheureusement, trois ans après cet épisode dramatique, les choses n’ont pas véritablement changé. C’est en tout cas le ressenti populaire. Pour preuve, le vigile de notre établissement m’a relaté comment, dans la foulée des fêtes de fin d’année, il avait piqué une crise en pleine nuit et avait fait le tour de son quartier à la recherche d’une clinique. Étonné par cette attitude, je lui demandais pourquoi il n’avait pas pris simplement le chemin de l’hôpital public, a priori beaucoup plus sûr en termes de qualité de soins que ces cliniques de bas étage de quartier. Sa réponse fut sans appel : « j’étais sans le sou et je savais qu’au moins, je serai pris en charge à la clinique d’abord, et je m’acquitterai des frais médicaux ensuite, ce qui n’est pas le cas dans les hôpitaux publics où il faut commencer par payer ».

Ajoutées à la précarité financière ambiante, ces pratiques répréhensibles du corps médical entraînent une certaine désaffection des masses sociales d’avec les structures sanitaires. La rupture est telle que les masses laborieuses se tournent prioritairement vers les naturothérapeutes (les guérisseurs traditionnels), faisant ainsi de l’hôpital un choix par défaut. Cependant, loin d’être l’apanage du seul corps sanitaire, la corruption est aujourd’hui une des choses les mieux partagées au sein de la société ivoirienne.

-LA CORRUPTION : UN SPORT NATIONAL

Malheureusement, le changement de régime advenu en 2011 n’y a rien fait. Pire, le phénomène de corruption, de concussion ou de prévarication fait figure aujourd’hui de véritable fléau national. Nos ministères, et en général nos administrations se sont transformés en nids de la corruption. Entre pots de vins liés à la passation des marchés, détournements de fonds publics, abus de biens sociaux, vente des concours d’entrée à la fonction publique et rackets des forces de l’ordre… Chacun veut « sa part du gâteau », et c’est peu de le dire. Tous ceux qui possèdent une parcelle de pouvoir,  y compris les « sans grades « , veulent s’en mettre plein les poches. L’enrichissement illicite semble être le maître mot, un véritable sport national. Signe des temps, la classe des nouveaux riches compte de nombreux pontes du régime, à la tête des institutions, des ministères, des régies financières… faisant du pouvoir une véritable mangeoire. Le plus dramatique, dans tout ça, est l’inaction du chef de l’Etat. Une incurie aussi assourdissante que révoltante. En dépit des nombreux scandales financiers qui entachent l’exercice de son pouvoir, aucun baron du régime ne s’est encore retrouvé derrière les barreaux. Et Dieu seul sait qu’ils devraient s’y trouver par dizaines, tant il est vrai qu’aujourd’hui l’enrichissement illicite s’est érigé en mode de fonctionnement dans de nombreux départements ministériels. Le chef de l’Etat semble en tout cas avoir trouvé la parade : en guise de mesure en cas de détournements de fonds, il procède à de simples remplacements des mis en cause, sans suites judiciaires (ou avec des suites qui de toute manière n’aboutissent jamais).

Ainsi va la vie sous les latitudes ivoiriennes, entre petite corruption et enrichissement illicite au sommet de l’Etat.

 


BRASSERIES IVOIRIENNES : LA GUERRE DE LA BIÈRE EST ENGAGÉE, LA JEUNESSE PRISE EN OTAGE !

C’est un euphémisme de le dire, les brasseries ivoiriennes se livrent aujourd’hui une véritable guerre sans merci, avec pour cœur de cible la jeunesse. A coups de lynchages médiatiques (spots télé, radio, gadgets, affiches géantes, encarts publicitaires, panneaux publicitaires, animations publiques….), les acteurs du secteur de la bière ivoirienne ne ménagent aucun effort pour conquérir des parts de marché, pour ravir le cœur des consommateurs, surtout des plus jeunes.

En effet, l’arrivée d’un nouvel acteur de la bière en l’occurrence, la société brassivoire a ouvert les hostilités avec le leader traditionnel du marché ivoirien c’est-à-dire Solibra, filiale du groupe Castel, qui est aussi aux prises avec le géant néerlandais Heineken, qui se trouve actuellement dans une stratégie d’implantation dans la sous-région avec pour porte d’entrée la Côte-D’ivoire. En un mot comme en mille, le secteur de la bière sous les latitudes ivoiriennes attisent les convoitises, et c’est peu de le dire puisque d’autres groupes d’envergure mondiale seraient dans les rangs pour profiter de la manne liée à l’or gris. Au-delà du bouillonnement perceptible dans le secteur de la bière, c’est surtout les pratiques qui flirtent souvent avec le  racolage des jeunes, une politique agressive d’incitation à la consommation de l’alcool  qui interpelle à plus d’un titre.

LA JEUNESSE : LE RISQUE DE DÉPENDANCE A L’ALCOOL

C’est bien connu, la jeunesse a toujours constitué le cœur de cible de l’industrie en général. De l’industrie du tabac à celle de l’automobile…, les arguments de vente ont été de tout temps dirigés principalement vers la jeunesse. L’industrie de la bière ne déroge donc pas à la règle. Cependant, cela est encore plus vrai sous les tropiques ivoiriens ou les acteurs du secteur de la bière  semblent s’être lancés dans une véritable campagne séduction tous azimuts pour développer une culture de la consommation de l’alcool au sein de la jeunesse, non sans créer le risque d’une addiction au terrible impact social et sanitaire. Au-delà de la guerre des prix, celle des images fait rage, chaque acteur voulant s’identifier à la jeunesse ivoirienne use de publicités aguichantes ou de jeunes filles et garçons sont mis en scène avec emphase en train de picoler avec délectation, des publicités qui passent en boucle sur la chaîne nationale, mais aussi qui inondent les rues abidjanaises. Même la super star ivoirienne de football Didier Drogba a été mis à contribution, un important acteur de la bière s’est payé ses services pour qu’il mette son image au profit de la promotion de sa gamme de produits. Ainsi d’énormes affiches à l’effigie de l’international ivoirien fleurissent à Abidjan, avec à la clé le slogan suivant : «  ma bière, c’est bock ! » en référence au nom de la bière dont il défend « les couleurs ».  Ces brasseries ont reçu un maillage publicitaire si impressionnant de la capitale qu’on ne peut faire 100 mètres aujourd’hui sans croiser une affiche géante invitant à la consommation de leurs produits, qu’elles présentent comme l’expression de la classe, de l’élégance, de la joie de vivre…., très certainement un appel du pied à l’endroit de la jeunesse ivoirienne.

Il y a fort à parier qu’il existe une corrélation entre ce battage médiatique, cette forte sollicitation médiatique de la jeunesse à consommer de l’alcool et le phénomène de l’alcoolisme qui prend de plus en plus d’ampleur dans les rangs de la société ivoirienne. C’est une image banale aujourd’hui de retrouver de nombreux jeunes ivoiriens attablés autour de nombreuses bouteilles de bière, aussi bien durant les jours ouvrables que les week-ends.  Á titre d’exemple de cette déferlante de la bière dans les habitudes de consommation des ivoiriens, deux expressions sont passées dans le langage familier ivoirien, ‘’aller prendre une bière’’ ou ‘’donner l’argent de la bière’’ suite a un service rendu. Des expressions consacrées qui fleurissent en permanence sur les lèvres des ivoiriens  et surtout des plus jeunes et qui en disent long sur l’ampleur de ce phénomène des temps nouveaux. Le risque est bien réel, une addiction massive de la jeunesse ivoirienne à l’alcool.

Sans vouloir jeter l’anathème sur les maquis (argot ivoirien pour désigner les cabarets),  il reste qu’ils constituent aujourd’hui de véritables lieux de beuverie et les points de ralliement d’une bonne partie de la jeunesse ivoirienne, avec le risque d’avoir des ivoiriens de plus en plus noceurs que bosseurs, englutinés dans les liens de la dépendance à l’alcool. Le phénomène est si prégnant que la musique urbaine ivoirienne(Zouglou) s’en est saisie à travers une chanson devenue culte du groupe « révolution » intitulée : « je ne bois plus ! » comprenez je ne consomme plus l’alcool, histoire de mettre sous les projecteurs, l’explosion de l’alcoolisme en terre ivoirienne et de sensibiliser sur les graves conséquences liées à l’état d’ébriété. On serait tenté de se demander que fait l’État face à cette campagne agressive d’incitation de la jeunesse ivoirienne à la consommation de l’alcool : rien ou presque !

UN SILENCE ASSOURDISSANT DES POUVOIRS PUBLICS

Tout porte à croire que l’État ivoirien se soucie plus de ses rentrées financières auprès des brasseries que de leurs pratiques d’implantation ou d’expansion, fussent-elles dangereuses pour la jeunesse. D’ailleurs, il vient dans la nouvelle annexe fiscale de relever le taux d’imposition sur les produits alcoolisés à environ 20%.

L’une des preuves les plus édifiantes de ce désintérêt des pouvoirs publics pour les pratiques peu orthodoxes des acteurs de la bière réside en la transformation de la RTI (radio télévision ivoirienne, qui est un média d’État), en plateforme de promotion incessante à la consommation de l’alcool. Quand on sait que ces brasseries installées en terre ivoirienne sont de calibre mondial et qu’elles ne lésinent pas sur les moyens financiers pour polir leur image et aguicher la jeunesse, on comprend que la RTI s’assure des revenus importants grâce aux passages en boucle de leurs spots publicitaires – que dis-je, de leur déferlante publicitaire ! -, quitte à mettre en partie au placard sa mission d’éducation des populations ivoiriennes.

L’intention, ici, n’est pas que ce média d’État devienne puritain ou ultra rigoriste, mais qu’il fasse preuve de retenue face à l’agenda médiatique des brasseries. En tant que média public de grande audience, la télévision ivoirienne ne peut pas se laisser guider uniquement par l’appât du gain, et laisser prospérer ce lynchage publicitaire sur nos écrans. Après tout, les adolescents, qui sont en phase de construction psychique et qui constituent une bonne frange de la population, pourraient facilement se laisser convaincre par le discours racoleur de ces campagnes incessantes. Malheureusement, de plus en plus d’entre eux franchissent le pas de la consommation de l’alcool. Signe des temps, la gente féminine n’est pas en reste de ce phénomène de consommation massive de l’alcool. Il semble révolu le temps où  les jeunes filles se contentaient de prendre de la sucrerie lorsqu’elles étaient invitées à prendre un pot, aujourd’hui elles lèvent le coude (picolent) aussi bien que les hommes, sinon mieux souvent. Pour s’en convaincre, il suffit juste de faire un tour au niveau des maquis et des boîtes  de nuits situés dans les quartiers chauds d’Abidjan comme Yopougon, Adjamé, Abobo… Indistinctement, hommes et femmes s’y adonnent  à de véritables beuveries.

Vivement que l’Etat mette la pédale douce aux opérations médiatiques qui ont cours, aussi bien dans nos médias publics que dans les rues abidjanaises. Il en va de sa responsabilité et de l’avenir de notre jeunesse.


CALENDRIER SCOLAIRE IVOIRIEN : QUAND LES ÉLЀVES FONT LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS !

C’est de notoriété publique, l’école ivoirienne est profondément malade, malade de l’incivisme de ses apprenants,  du manque de matériels didactiques, de l’insuffisance du personnel enseignant…. A ce sombre tableau, s’ajoute aujourd’hui une pratique qui fleurit de plus en plus à l’approche de chaque congé scolaire, en l’occurrence les « congés anticipés’’. En effet, les apprenants ivoiriens s’accordent une rallonge indue de plusieurs jours de congé, voire plusieurs semaines, en complète violation du calendrier officiel. Pour le coup, à la faveur des congés de noël prévus pour le 21 décembre2017, ces apprenants d’un nouveau genre ont décidé de débrayer depuis le 10 décembre, soit 11 jours avant la date officielle des congés du nouvel an et pire, ont décidé selon les indiscrétions qui nous reviennent de reprendre les cours le 8 janvier 2018, soit une semaine après la date officielle. Une perte sèche incompréhensible de trois semaines de cours,  quand on sait que la Cote d’Ivoire possède l’un des quantums horaires(le volume total d’heures dispensées sur l’année) les plus faibles d’Afrique de l’ouest, soit à peine 990 heures de cours, on est en droit de se demander : à quoi peut-on raisonnablement s’attendre en termes de qualité du système éducatif ?

Pas grand-chose ! D’autant plus qu’à ces déperditions d’heures vont s’ajouter celles des congés de février, de Pâques et que sais-je encore. Le phénomène est si  ancré dans les mœurs scolaires qu’il a pris une tonalité nationale, du sud à l’est en passant par le centre, le nord et l’ouest, les apprenants font et défont le calendrier scolaire allègrement, au gré de leurs caprices du moment dans une impunité totale. Une situation qui agace et interpelle à plus d’un titre sur ce qu’il est convenu d’appeler « le phénomène de l’apprenant-roi ».

-UNE ÉCOLE IVOIRIENNE Á L’IMAGE DE LA SOCIÉTÉ IVOIRIENNE

C’est une évidence fondamentale, l’école n’est rien d’autre que le microcosme du macrocosme social, un fidèle miroir  de la société ivoirienne,  aujourd’hui gangrenée par une crise morale sans précédent. En effet, l’incivisme, la culture de la violence, la défiance vis-à-vis de l’autorité, la perte du sens de l’intérêt général… ont incrusté toutes les strates de notre société, non sans enlaidir naturellement l’école. J’ai encore en mémoire ce triste mois de juin 2016 ou l’établissement dans lequel j’officie( le lycée moderne3 de Gagnoa) a subi la furie destructrice de nos apprenants, rien n’a échappé au saccage en règle de notre établissement, de la salle des professeurs aux bureaux administratifs, en passant par le véhicule du proviseur, même les policiers présents sur les lieux n’ont eu la vie sauve que grâce à la célérité de leurs jambes. Comment des élèves peuvent en venir à de telles extrémités ? Avec du recul, force est de constater que les adultes ne font pas mieux, la violence et l’incivisme se banalisent tant et si bien qu’au moindre conflit avec l’autorité, on n’hésite pas à saccager des postes de police comme le mois dernier ou des chauffeurs  de taxi de la ville de Gagnoa ont mis à sac un commissariat pour réclamer la libération d’un des leurs.  Il faut se l’avouer aujourd’hui tous les conflits sociaux quasiment sous les latitudes ivoiriennes se règlent à coups de violences, de surenchère et d’intimidations. Et c’est peu que de le dire ! Comment nos apprenants pourraient-ils rester en marge de cette banalisation de l’incivisme et de la violence ? Aussi faut-il en appeler à un véritable réarmement moral.

-L’URGENCE D’UN RÉARMEMENT MORAL

Aux grands maux les grands remèdes. Au-delà des sanctions que le ministère doit prendre pour mettre fin à l’impunité assourdissante qui entoure ce phénomène des congés anticipés, il faut en venir à une véritable reconversion des mentalités, un réarmement moral dans le sens « d’un ivoirien nouveau », attaché à la chose publique, au civisme, à la non violence et au vivre ensemble. C’est seulement à ce prix qu’on pourra conjurer cette pratique préjudiciable à la bonne marche de l’école ivoirienne et partant redonner à la société ivoirienne la stabilité d’antan.


« CHAMPIONNE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE…TERREAU DE LA MISЀRE SOCIALE ! »

L’Afrique de l’ouest, comparativement aux autres régions du monde connaît une embellie économique sans précédent. Créditée d’un taux de croissance économique de 6%  par la banque mondiale, la zone ouest-africaine détone par sa bonne santé macro-économique, de quoi faire pâlir d’envie de nombreux États, dont les puissances européennes à la croissance en berne, voire atone. Cependant, ce tableau économique flatteur, cet agrégat de chiffres macro-économiques  semble être l’arbre qui cache la forêt des difficultés existentielles qui assaillent les masses populaires au quotidien.

Aux premières loges de ces pays ouest-africains à forte croissance économique figure incontestablement la Côte  d’Ivoire, avec ses 9% de croissance annuelle depuis 2013. Et pourtant, la précarité sociale n’a jamais été aussi forte sous les latitudes ivoiriennes. Hormis l’élite dirigeante et la classe de nouveaux riches qu’elle a suscitée, le petit peuple se meurt, incapable qu’il est d’assurer ses besoins les plus basiques. Entre cherté de la vie, inflation galopante et chômage de masse, le citoyen lambda ne sait plus à quel saint se vouer tant il est vrai que la conjoncture sociale est de plus en plus insupportable. Pour preuve, les nombreux remous sociaux(les grèves à répétition et les mutineries) qui agitent le front social, et surtout l’exode important des ivoiriens sur le chemin de l’immigration clandestine que le politologue camerounais Achille M’Bembe qualifie à bon droit « d’immigration du désespoir ». Dans un passé récent, les ivoiriens n’avaient pas cette inclination à s’expatrier, surtout pas par le chemin combien difficile voire périlleux de l’immigration clandestine vers l’Europe. Les choses ont bien changé, signe des temps, des milliers de jeunes ivoiriens sont de plus en plus candidats à ce voyage périlleux, au point d’être aujourd’hui le gros de la troupe de la zone ouest-africaine selon les derniers chiffres de l’organisation internationale de la migration. Les ivoiriens de plus en plus n’hésitent plus à franchir le pas, au mépris de leur vie, réduits qu’ils sont à un manque de perspectives sociales. Une absence de ressenti social en termes d’amélioration substantielle des conditions existentielles qui  accrédite la thèse de l’économiste ghanéen George Ayiteh qui parle « de croissance sans développement » ou encore cette charge virulente de l’opposant ivoirien Pascal Affi N’Guessan, qui ironise en dénonçant ces ‘’performances macroéconomiques’’ de : « croissances appauvrissantes ».

C’est un paradoxe bien ivoirien que dis-je ouest africain que d’afficher des taux de croissance records et d’avoir une population qui végète dans une misère criante. Malheureusement, c’est une tendance lourde à l’échelle de la zone ouest-africaine. Du Burkina-Faso, en passant par le Niger, le Benin, le Togo, le Sénégal, le Ghana….les récriminations sont les mêmes. Les performances macro-économiques n’ont pas un réel impact social sur le vécu des populations. La croissance économique, loin d’être inclusive semble réserver ses fruits à une certaine élite : le cercle très fermé de la classe dirigeante et de leurs proches. Il faut bien se l’avouer, l’actuelle classe dirigeante ouest africaine a déçu à bien des égards en matière d’attentes sociales. Réputés pour être des technocrates de haut vol et porteurs d’immenses espoirs sociaux, nos chefs d’État à l’épreuve du pouvoir se sont révélés fort décevants, du moins en ce qui concerne les acquis sociaux. De l’ivoirien Alassane Ouattara, au malien Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par le sénégalais Macky Sall ou encore le béninois  Patrice Talon pour ne citer que ceux là, ils brillent par leur absence de résultats sociaux. C’est peu que de le dire, les fruits n’ont pas véritablement tenu la promesse des fleurs.

Plus que jamais, il importe que  la forte croissance économique enregistrée dans nos États ait un effet d’entraînement  sur l’ensemble de la société, dans le sens d’une meilleure inclusivité ou d’un partage équitable de ses fruits. D’ici là, pour les masses sociales, la même boutade fleurit sous toutes les langues : « on ne mange pas la croissance ! »