Seydou KONE

Latitudes ivoiriennes : le règne de l’élève-roi se poursuit !

Malheureusement, les années passent et se ressemblent  en matière de mœurs scolaires  ivoiriennes. En dépit du changement de régime et de la volonté de renouveau affiché par les tenants du pouvoir, les élèves  semblent faire la pluie et le beau temps. Entre bravades, diktats, insouciance et violence à l’occasion, ils font et défont allègrement  le calendrier des congés scolaires au gré de leurs caprices du moment. Ainsi  ces congés de noël n’ont pas dérogé à la règle, les élèves ont débraillé plus tôt que prévu. Initialement arrêtés pour le 21 décembre, les élèves ivoiriens se sont mis en congés anticipés depuis ce 12 décembre.  Soit une rallonge indue d’environ 10 jours que dis- je 14 jours puisqu’ils décident  de reprendre plus tard que prévu les cours, soit le 9 janvier au lieu du 5 conformément au calendrier officiel des congés scolaires. Loin d’être confinés à certaines localités, ces troubles scolaires s’étendent à l’échelle nationale comme si  ces élèves d’un nouveau genre s’étaient donnés le mot pour paralyser le système éducatif ivoirien, non sans débordements, violences qui ont conduit à des blessés et à des morts comme à Gagnoa.  Quand on sait la faiblesse du quantum horaire ivoirien, à peine 900 heures de cours sur toute l’année scolaire  (comparativement  à celui de la sous-région qui dépasse les 1000 heures) à laquelle viennent se greffer ces perturbations impromptues  et prolongées, on comprend en partie la médiocrité des résultats scolaires ivoiriens.    Simplement surréaliste et hallucinant que de voir ces pratiques d’incivisme scolaire se banaliser et prospérer sous nos latitudes.   Cette situation de défiance  n’est pas sans rappeler un passé noir récent, celui de la FESCI (fédération estudiantine et scolaire de Cote d’Ivoire) qui avait instauré une véritable culture de l’intimidation et de la violence (viols, rackets, assassinats) aussi bien en milieu scolaire que social en général.   Sa dissolution récente par les pouvoirs publics ivoiriens n’a visiblement  pas conjuré ce règne de l’apprenant-roi.

Cependant, pas besoin de regarder bien loin  pour identifier les causes  de cette attitude de mépris et de bravade à l’égard des règles établies par les apprenants ivoiriens. C’est bien connu, l’école n’est rien d’autre que l’émanation et le reflet de la société. C’est un euphémisme que de dire que l’incivisme est la chose la plus partagée aujourd’hui à l’échelle de la société ivoirienne. Entre dégradation des biens publics, détournement  des deniers publics, non respect du code de la route, incivisme fiscal, environnemental et que sais-je encore, le constat de l’incivisme s’impose avec la force de l’évidence. Alors, rien de plus étonnant que cela déteigne sur le microcosme social qu’est l’école. Aussi faut-il dénoncer cette relation de fusion-confusion aujourd’hui entre apprenants et nombre d’enseignants (copinage, promiscuité, familiarité indiscrète) qui entachent le respect qui entourait le corps enseignant et par delà l’école.

Vivement que tous les acteurs du système éducatif se penchent sur cette triste réalité pour la conjurer, à commencer par le ministère de tutelle qui pour l’instant s’accommode d’un silence assourdissant.  Il y va de la qualité de la formation de la jeunesse et in fine de l’avenir du pays.


ET SI TRUMP ETAIT UNE CHANCE POUR L’AFRIQUE ?

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Au-delà du concert de protestations et d’indignation qui accompagnent  l’arrivée du 45ième  locataire de la maison blanche, en l’occurrence le désormais président Donald Trump, il faut reconnaître que toute situation fut-elle tragique (comme on pourrait le penser avec l’arrivée de Trump au bureau ovale) comporte une fenêtre d’opportunités ou de possibilités qu’il faut savoir exploiter. Il faut bien se l’avouer, Donald Trump n’a pas un tropisme africain et c’est peu que de le dire. Quand on sait que durant la campagne électorale, dans un de ses meetings enflammés, dans un humour noir, il traitait les africains noirs de paresseux, qui ne songent qu’à manger, à boire et à faire l’amour. Voila au moins qui a le mérite d’être clair.  L’Afrique ne devra compter que sur ses propres forces pour asseoir son développement. Ce nouveau changement de locataire à la maison blanche à l’avantage de ne pas faire nourrir de vains espoirs au continent  africain, qui à tort avait prêté des ambitions africanistes à Barack Obama, ce descendant d’immigré kenyan, véritable incarnation du rêve américain et pourquoi pas du rêve de renaissance africaine ?

Hélas, huit années passées après ce formidable enthousiasme des peuples africains qui a accompagné l’arrivée du premier président afro-américain sur le toit du monde, on serait tenté de dire tout  ça  pour ça. On fait vite d’oublier que Barack Obama a été élu par le peuple américain pour résoudre prioritairement les problèmes des américains. Il est avant tout un citoyen américain que dis-je un patriote américain, soucieux de d’entretenir la grandeur des Etats-Unis. Pas plus que Barack Obama ne peut être la planche de salut du continent africain, pas moins que la présidence de Donald Trump ne serait être quelque chose de fondamentalement dramatique pour l’Afrique. Les Etats-Unis ne peuvent pas soulager  ou abriter outre mesure la misère du monde en général et celle de l’Afrique en particulier. Du reste, l’Afrique n’a pas à attendre que son salut vienne de l’extérieur, fut-ce de la première puissance mondiale, elle-même aux prises avec ses propres difficultés.  Comme le faisait remarquer avec raison l’ex-président américain John Kennedy «  ne nous demandons pas ce que l’Amérique peut faire pour nous, mais ce que chacun de nous peut faire pour favoriser son propre bonheur ». Et si une bonne fois pour toutes, l’arrivée de Trump marquait le réveil du continent africain quant à la prise en main effective de son destin ? Et si l’élection de Donald Trump servait d’électrochoc ou de piqûre  de rappel  au continent africain ?

On sait le personnage isolationniste, outrancier et négrophobe, raison de plus pour que l’Afrique se résolve définitivement à sortir de ces rapports empreints de vassalité, de paternalisme et de misérabilisme qu’elle entretient avec les « grands » de ce monde. En tout état de cause, le développement de l’Afrique est appelé à être  selon le mot de l’historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo, «  autocentré, autopropulsé ou endogène ». Le roi du Maroc Mohamed 6 semble avoir pris en particulier la mesure de la  nécessité de promouvoir la coopération sud-sud, d’où sa très belle formule « l’Afrique doit apprendre à faire confiance à l’Afrique ». Il fait figure  de véritable chantre de la coopération intra-africaine ayant réalisé très tôt  que l’Afrique  recèle de nombreux relais de croissance au point d’être aujourd’hui la dernière frontière du développement.


Les oubliés de la croissance ivoirienne !

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que les qualitatifs (voire les superlatifs) ne manquent pas au sujet de la croissance économique ivoirienne. Les chiffres sont flatteurs, la croissance ivoirienne ferait pâlir d’envie bien de pays occidentaux à la croissance en berne pour ne pas dire atone. Crédité d’un taux de croissance à quasiment deux chiffres (neuf pour cent) par les institutions de Brettons Wood, le pays d’Houphouët Boigny fait figure de véritable hub économique dans une sous-région aux performances économiques relativement modestes. Sauf que cette bonne santé macro-économique semble être l’arbre qui cache la forêt des nombreuses difficultés qui assaillent les masses populaires. Il faut bien concéder aux autorités actuelles une politique infrastructurelle volontariste et une certaine orthodoxie financière. Mais cela ne se traduit pas dans l’assiette de l’ivoirien lambda, qui semble se dégarnir jour après jour. C’est comme si l’on constatait deux mouvements inverses.
Le panier de la ménagère, que dis –je, le sachet de la ménagère se réduit comme peau de chagrin dans un fort contexte de chômage et de précarité ambiante. Tout porte à croire que le partage des fruits induits par la croissance économique ne soit pas une réalité tangible pour nombre d’ivoiriens, tant et si bien que les critiques se font de plus en plus virulentes à l’égard de l’élite dirigeante actuelle. A ce titre, la boutade de Kouadio Konan Bertin est édifiante (KKB, ex- frondeur du PDCI, passé aujourd’hui du côté de l’opposition). KKB a déclaré  : « sous Houphouët Boigny, avec une croissance de trois pour cent, les ivoiriens arrivaient à avoir leurs trois repas quotidiens. Comment se fait- il qu’aujourd’hui, avec une croissance de près de deux chiffres, avoir ne serait-ce que deux repas journaliers relève de la croix et la bannière pour de nombreuses familles ? ». Il faut se l’avouer, les nombreux espoirs qu’avait suscité l’arrivée du président Ouattara ont été déçus, du moins en ce qui concernent les mesures sociales.

– La désillusion des masses sociales

Economiste chevronné, ayant fait ses classes comme gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) et plus tard comme directeur adjoint du Fond monétaire international (FMI), le président Ouattara a incarné pendant longtemps au sein de l’opposition les espoirs sociaux des masses laborieuses ivoiriennes. Sauf qu’à l’épreuve du pouvoir, le petit peuple commence à déchanter. Le « système D » (celui de la débrouillardise) semble être la chose la mieux partagée aujourd’hui par l’ivoirien lambda. Les loyers d’habitation s’envolent et le prix des denrées de première nécessité ont également pris l’ascenseur. Ne me parlez même pas des soins de santé ! En plus d’être de piètre qualité, ils sont inaccessibles pour une grande partie de la population abonnée aux médicaments de rue et à la pharmacopée traditionnelle. L’éducation n’est pas logée à meilleure enseigne, la promesse de l’école gratuite a vite fait de tourner à  l’enfumage. A l’université, les frais d’inscription ont été multipliés par dix ou par quinze (passant de 6000 FCFA à 30.000, 60.000 et 100.000 CFA selon qu’on soit respectivement en année de licence, master et doctorat), pourtant chacun sait que les seuls qui s’y trouvent sont les enfants des couches sociales défavorisées.
Le coût du transport pose également problème. En dépit de l’effondrement du prix du baril du pétrole, la baisse du prix de l’essence à la pompe n’a pas connu d’inflexion. Il est pourtant bien connu que dans la fixation du prix des marchandises, la variable du coût du transport est essentielle. Paradoxe typiquement ivoirien. Les opérateurs de ce secteur ne semblent pas connaitre l’expression  « diminution tarifaire » et cela, accompagné d’un silence assourdissant des pouvoirs publics.
La situation sociale en terre ivoirienne est donc loin d’être reluisante, les populations dans leur grande majorité traversent une période de vache maigre voire de vache morte. On peut malheureusement dire, sans risque de se tromper, que la situation sociale ivoirienne fait écho à celle qui est vécue par les populations ouest-africaines en général, et ce, malgré l’arrivée au pouvoir de nouvelles élites dirigeantes.

– Un échec généralisé de la nouvelle élite dirigeante ouest-africaine

Que d’espoirs fondés sur ces nouveaux présidents de l’Afrique de l’ouest ! Parvenus au pouvoir dans des conditions plus ou moins démocratiques, ils symbolisent cette race de nouveaux dirigeants africains, décomplexés et technocrates. Du président ivoirien Ouattara au malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) en passant par le sénégalais Macky Sall, par le nigérien  Mamadou Issoufou, et par le ghanéen  John  Dramani  ou encore par le béninois Yahi Boni (aujourd’hui sur le départ)… tous ont surfé sur la promesse ferme de changer le quotidien de leurs compatriotes. Certains ont même poussé l’audace jusqu’à promettre de réussir ce tour de force en cent jours ! Sauf que la dure réalité du pouvoir semble les avoir rattrapés. Aussi longtemps que nos chefs d’Etats s’enfermeront dans cette politique du chiffre, sans chercher à répercuter la croissance économique dans notre vécu quotidien, en la rendant ainsi inclusive et partagée, les récriminations iront grandissantes, avec à la clé cette boutade « on ne mange pas la croissance ! ».

 

 


PATRICE TALON : L’HOMME DE LA RUPTURE ?

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Désormais à l’épreuve du pouvoir, après avoir réussi le tour de force de battre l’ex-premier ministre Lionel Zinsou  (qui avait pour lui l’appareil d’Etat et le soutien du principal parti d’opposition), Patrice Talon personnifie plus que jamais les nombreuses attentes sociales de la population béninoise à forte majorité déshéritée. Il faut se l’avouer, les deux mandats du président sortant Yayi Boni ont été relativement décevants,  du moins en ce qui concerne les acquis sociaux. Au-delà de la relative embellie  macro-économique (un taux de croissance de 5%), les scandales de corruption, le clientélisme et surtout l’incapacité des pouvoirs publics à tirer les masses sociales des griffes de la pauvreté ont alimenté à juste titre un ressentiment  des masses laborieuses à l’égard de l’élite dirigeante. Du reste, l’élection présidentielle qui a tourné à un référendum pour ou contre la continuité du système Yayi Boni et le vote sanction  des électeurs béninois ont confirmé  le désaveu généralisé des populations. Patrice Talon saurait-il être l’homme du renouveau ? Ce personnage providentiel capable de sortir le Bénin des profondeurs du sous –développement ? Rien n’est moins sur ! Sans vouloir préjuger de l’issue du mandat du président entrant, les mœurs politiques actuelles nous enseignent que sous certaines latitudes, les fruits ne tiennent pas toujours la promesse des fleurs. Du président Hollande, à Yayi Boni, en passant par Macky Sall, Ibrahim Boubacar Keita ou Allassane Ouattara, le constat de la désillusion d’une large partie de leur peuple respectif s’impose avec la force de l’évidence. On serait tenté de dire tout ça pour ça ! Tous portés par une large caution populaire voire un plébiscite au pouvoir sauf que  les attentes sociales liées aux présidents sus –mentionnés ont été en grande partie déçues. Cependant, n’allons pas vite en besogne, les intentions affichées par le nouveau tenant du pouvoir béninois sont aussi autant de motifs d’espoirs. De sa volonté de ne faire qu’un seul mandat ( ce qui serait historique)  à la promesse de moralisation de la vie publique en passant par la mise en place d’un gouvernement de combat et non de remerciements, le nouveau président Patrice Talon veut imprimer ses marques. Les marques d’une nouvelle gouvernance au service du peuple ou le citoyen lambda verra enfin ses conditions existentielles changer qualitativement. Espérons tout simplement que ce catalogue de belles  promesses ne tournent pas une fois de plus à l’enfumage ?


Grand-Bassam : la Côte d’Ivoire à l’épreuve du terrorisme

On savait la menace imminente. Après les attaques de l’hôtel Radisson au Mali, du Splendide hôtel au Burkina-Faso et les menaces proférées par certaines mouvances terroristes contre Abidjan, la Côte d’Ivoire était devenue une cible quasi-naturelle dans la sous-région, désormais gangrenée par le cancer du terrorisme.

Naguère regardée de loin et de haut comme une menace intrinsèquement liée aux pays arabo-musulmans, puis à l’occident et progressivement à la bande sahélo-sahélienne, le terrorisme islamiste semble plus que jamais être dans une phase d’externalisation vers les pays du littoral, avec pour point de mire les deux vitrines de la sous-région que sont la Cote d’Ivoire et le Sénégal. Trois jours après ces attaques inédites, le pays de Félix Houphouët Boigny ploie toujours sous le poids du choc. Entre consternation, incompréhension et révolte, la rue ivoirienne réalise désormais qu’il va falloir dorénavant compter avec cette nouvelle menace transfrontalière.

Si aujourd’hui tous les pays de la sous – région sont a priori concernés par la menace djihadiste, certains pays le sont plus que d’autres. La Côte d’Ivoire fait assurément partie des cibles de prédilection tant par la forte présence de ressortissants occidentaux, notamment français, que par l’engagement du 43ième BIMA (base militaire française) située à Abidjan et active dans l’opération Barkhane (opération menée par l’armée française qui vise à lutter contre les groupes armés djihadistes salafistes dans toute la région du Sahel).

LA LOGIQUE DE LA DOUBLE PUNITION

La logique djihadiste est bien connue : s’en prendre à tout ce qui symbolise l’occident, à commencer par les occidentaux eux-mêmes. Réputé comme le cadre de villégiature par excellence dans les environs d’Abidjan, Grand Bassam attire du beau monde notamment les occidentaux, touristes ou expatriés. Tout ceci a très fortement pesé dans la décision funeste de s’attaquer à cette station balnéaire. De l’attaque de Bamako en passant par celle de Ouagadougou et aujourd’hui Grand Bassam, il s’agit de faire le maximum de morts dans les rangs de ceux qui sont assimilés, dans la surenchère islamiste, aux « impies ». Même si, au final, les principales victimes restent toujours la population locale. Au-delà de la cible occidentale, il s’agit aussi de punir la Côte d’Ivoire à travers la présence sur ses terres d’une base militaire française(le 43ieme BIMA) dédiée entièrement à soutenir aujourd’hui l’opération Barkhane dans sa lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-sahélienne. Il faut bien se l’avouer, face à cette menace nouvelle, les Etats africains semblent être particulièrement démunis.

L’INADAPTATION DE NOS FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE

L’incapacité de notre système sécuritaire à faire face à la gangrène du terrorisme islamique est une vérité qui s’impose avec la force de l’évidence. Fragilisés par la porosité de leurs frontières, les Etats africains font figure de véritables passoires, facilitant ainsi l’entrée et la sortie de potentiels terroristes avec armes et bagages. Le manque de formation des forces de sécurité, le manque de logistique et le manque de veille (en termes de renseignements) face à cette menace diffuse qui est devenue aujourd’hui une véritable guerre, crée une asymétrie qu’il nous faut absolument corriger.
La fusillade de Grand-Bassam  marque et marquera durablement nos comportements individuels et collectifs. Comme le relève avec raison le président malien, Ibrahim Boubacar Keita,  « l’époque de la douce tranquillité semble être révolue ».

 

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DEMISSION DE TAUBIRA : UN CAS D’ECOLE POUR LA CLASSE DIRIGEANTE AFRICAINE

C’est de notoriété publique, le terme démission ne fait quasiment pas partie du lexique de l’élite  dirigeante sous nos latitudes africaines. Et c’est peu que de le dire, en dépit des scandales avérés( actes de concussion et de corruption), de l’incompétence notoire de certains hauts commis de l’Etat ou de la survenance de certains drames qui engagent la responsabilité des départements ministériels concernés, le personnel dirigeant se refuse toujours à toute démission. Tout se passe comme si nos hommes politiques ont été taillés dans un bois différent, avec des tables de valeurs différentes qui occasionnent de tels écarts de comportement d’avec leurs homologues européens, américains ou  asiatiques. La récente démission du ministre français de la justice Christiane Taubira pour désaccord politique majeur  est édifiante, elle pourrait à bien des égards avoir force d’exemple sur un continent rongé par la confiscation du pouvoir ou par le manque de culture de la démission.  Peut-être faut-il se plonger dans la psychologie du pouvoir sous nos tropiques pour espérer comprendre les ressorts de ce paradoxe bien africain. En effet, le pouvoir est  assimilé en général à une immense mangeoire ou l’on se sert au lieu de servir le peuple. Une vision personnelle et patrimoniale des postes à responsabilité qui autorisent tous les reniements et toutes  les compromissions. Cela n’est pas sans rappeler  une histoire qui a cours dans les milieux populaires ivoiriens (avérée ou simplement alléguée) toujours est-il qu’elle est éminemment révélatrice de la vision prédatrice ou enrichissante de la fonction ministérielle. En effet, suite à une nomination ministérielle,  un  nouveau promu à reçu tout son cercle parental, amical et même régional (car sous nos latitudes, la promotion d’un cadre équivaut à la promotion de sa région) qui n’ont pas manqué de lui rappeler cette « vérité fondamentale », un ministère, ça sert rapidement à se remplit les poches, à accorder des prébendes à ses proches et à favoriser sa région. Aujourd’hui, c’est ton tour et par extension notre tour, alors dépêches-toi, on ne s’est pas de quoi demain sera fait (sous-entendu que la longévité à la tête d’un ministère est éphémère). Il n’est pas alors étonnant que l’enrichissement illicite, l’embourgeoisement ou la captation des richesses soit devenue un sport national au sommet de l’Etat. Tout porte à croire que pour   rien au monde, après la dure accession à un poste à responsabilité et notamment ministériel, nos hommes politique soient prêt à lâcher tous leurs avantages matériels et honorifiques d’autant moins pour  une question de «  simple principe ». Ah, si le reniement politique pouvait tuer, surement que la quasi-totalité de notre gotha politique serait passé de vie à trépas. En tout cas vu d’Afrique, la démission de Taubira force le respect et l’admiration car elle personnifie une certaine décence politique, une fidélité avec ses valeurs ou ses convictions politiques. Du reste, la formule est connue, mieux vaut mourir avec ses idées que survivre avec celles des autres, partir, c’est aussi résister…


AU SECOURS : MON ELEVE ME FAIT LA COUR…

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C’est un secret de polichinelle, le constat de la prédation sexuelle à grande échelle s’impose aujourd’hui avec la force de l’évidence dans le milieu scolaire ivoirien. L’imagerie populaire assimile à bien des égards, le corps enseignant au vice, aux mœurs légères. Un corps volage ou les préoccupations du bas de la ceinture l’emportent largement  sur les devoirs d’éducation et de formation des apprenants à eux confiés par l’Etat de Cote d’Ivoire. Il y a lieu de préciser que cet écrit fait écho à un précédent  billet déjà publié,  qui faisait état de ce qu’ils ne sont pas nombreux ces proviseurs, censeurs, professeurs, éducateurs à ne pas manger de ce pain sexuel  immonde et immoral. Hélas, au-delà du concert de critiques qu’on pourrait adresser à ces prédateurs sexuels déguisés en acteurs du système éducatif ivoirien, il demeure que ces coureurs de gamines, à la braguette facile ne sont pas les seuls à être incriminés dans ce vaste phénomène de massification sexuelle. A ce titre, j’en ai fait l’amère expérience, en effet,  affecté en 2012 dans un lycée de la place à Gagnoa en qualité de professeur de philosophie, certaines classes m’avaient été confiées dont une terminale D ou j’avais été retenu comme professeur principal. Une tâche assez fastidieuse et laborieuse qui installe ledit  professeur dans un rôle  d’interface avec l’administration, de conseils et d’encadrement psycho – pédagogique des apprenants dont il a la charge en particulier. Toute chose qui a valu la mise à disposition de mon numéro de portable à l’endroit de l’ensemble des élèves, un geste aussi nourri  par  la perspective d’explication de certains sujets à l’approche de l’examen du baccalauréat. Les cours s’achevant  généralement un mois avant la tenue des examens à grands tirages. Mal m’en à pris, dans la foulée, une apprenante dont je tairais volontairement le nom s’est singulièrement distinguée par ses appels, au départ « innocents »,  qui par la suite se sont mués en messages d’amour et d’harcèlement. Malgré les mises en gardes, les tentatives de rappel à la raison, évoquant mon statut d’homme marié, rien n’y fit. Elle restait droite dans ses bottes dans sa noire volonté de relation sexuelle non sans finalement se faire connaitre par mon épouse à qui j’ai expliqué à mon corps défendant la situation qui prévalait. Son renvoi de l’établissement suite à deux échec consécutifs au baccalauréat m’avait laissé croire qu’enfin l’heure de la délivrance avait sonnée, oh que non ! Ni le départ du lycée ni le silence assourdissant dans lequel je m’étais enfermé à son égard (la non réception de ses appels et ses messages qui restaient sans suite) n’avaient ramolli sa détermination. Pour preuve, la semaine surpassée, je reçois, un appel du Burkina Faso, croyant avoir affaire à un ami burkinabé avec qui j’avais fait le secondaire et qui y réside désormais, grande fut ma surprise, qu’au bout du fil se trouvait « l’inoxydable » ex – apprenante. Au delà de cette expérience personnelle, il faut se l’avouer certaines jeunes apprenantes aujourd’hui sont prêtes à faire feu de tout bois en usant de moyens peu catholiques et peu académiques, qui pour l’obtention de notes, qui pour l’obtention d’avantages financiers, qui pour se faire valoir auprès de leurs camarades, qui finalement par amour ou peut être par passade.

En tout état de cause, le personnel enseignant et le personnel d’encadrement ont le devoir impérieux de prendre de la hauteur face à  ces sollicitations émanant de jeunes filles en pleine  construction intellectuelle, morale et affective. En quête de repères et de référents, elles ne doivent pas servir de proies sexuelles pour garnir le tableau de chasse de certains collègues qui sont passés maitre aujourd’hui dans l’art du multi partenariat sexuel à l’école.


Formation mondoblog Dakar2015: un « gaou » dans l’avion (acte 1)

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Il est dans l’existence d’un homme, des tranches de vie qui restent à jamais marquées d’une pierre blanche. Immanquablement, cette formation mondoblog saison quatre à Dakar en fait partie. Et c’est peu que de le dire d’ailleurs. Si la formation a été  mémorable du point de vue du contenu, elle ne l’est pas moins, coté coulisse, insolite et découverte. En effet, il faut se l’avouer, la quasi-totalité des blogueurs présents à Dakar étaient des gaous c’est-à-dire dans l’imagerie populaire ivoirienne  des bleus, des novices qui n’avaient jamais pris l’avion. Et comme, il fallait s’y attendre, ce premier voyage dans ce gros oiseau métallique n’a pas manqué de charrier son lot de scènes cocasses, d’appréhensions et d’autodérision. Tenez,  ce samedi 28 Novembre 2015, le départ sur Dakar était  prévu pour 11h35 minutes, bien entendu, il fallait se rendre deux heures au moins à l’aéroport à l’effet de remplir les nombreuses formalités  d’usage. Contrairement à mon habitude de grand retardataire, dès 5heures du matin, c’était la veillée d’arme (ranger les affaires personnelles, s’assurer de la présence des documents de voyage et surtout apporter un soin particulier à ma mise vestimentaire du jour). Après tout, j’allais à Dakar par avion, c’était une première,  il fallait marquer le coup en sortant la grande artillerie c’est-à-dire la tenue d’apparat .A en juger par le concert d’exclamations de mes frères et sœurs à la sortie de ma chambre, visiblement, j’étais tiré à quatre peut-être cinq épingles même. Effectivement comme souhaité, mon médecin de frère (lui aussi retenu pour la formation) et moi arrivons à l’aéroport international Félix Houphouët Boigny aux environs de 9heures non sans être admiratif de ce hub aérien de la sous-région. Je n’y avais jamais mis les pieds et pour tout dire j’en étais conquis. De la vaste salle d’attente en passant par les galeries, les agences, la salle d’enregistrement et d’embarquement  assorti d’un escalier roulant, j’en prenais plein la vue. Mais, en bon ivoirien, il ne fallait pas accuser le coup c’est-à-dire ne pas laisser paraitre outre-mesure mon émoi et mon stress liés à ce nouvel environnement. Sauf que mon inexpérience a failli me faire trébucher à la prise de l’escalier roulant, je m’y suis pris par deux fois avant de parvenir à me stabiliser sur ce drôle d’engin. Fort heureusement, je m’y trouvais pratiquement seule, la honte liée au regard extérieur donc s’en trouvait réduite. Je réalisais que prendre un avion relevait d’un ensemble de démarches et de formalités tatillons. Contrairement à nos voyages en car très informels et anarchiques, tout était procédurier et passé au peigne fin. Surement que le contexte sécuritaire anxiogène lié aux récents attentats en rajoutait une couche. Figurez-vous que hormis le contrôle des bagages au scanner, le contrôle d’identité assorti de prise d’empreintes biométriques et de prise de vue par les services de la sécurité intérieure, nous sommes passés par un portique de sécurité avec à la clé une fouille au corps des plus minutieuses.  Aussi, faut-il préciser que nous avons été obligés de nous déchausser, d’ôter nos ceintures et tout ce qui portait une part de métal pour passer le portique de sécurité. Une véritable obsession du tout sécuritaire qui n’a pas manqué de m’agacer et de nourrir ce commentaire à l’endroit d’un agent de contrôle «  vous ne pensez pas que vous en faites trop ! »

Passés cette étape fastidieuse et laborieuse, nous sommes dirigés vers la salle d’embarquement ou nous pouvons enfin profiter de la quiétude et d’un certain confort douillet. Cependant, je reste partagé entre appréhensions et empressement de prendre place à bord de l’avion. Comment le vol se passerait-il ? Tous les cas de figures me taraudaient l’esprit et surtout les plus noirs, d’un acte terroriste à une avarie du moteur mais aussi une interrogation liée au génie humain « comment ce géant des airs arrivait-il à se maintenir surtout que notre vol devait durer environ trois heures ? » bref, pour le moins, mon intérieur bouillonnait et le haut parleur indiquait dans la foulée aux passagers en partance pour Dakar de se rendre à la porte trois pour l’embarquement. Il fallait que je parte non sans avoir battu le rappel de toutes mes forces et formulé une prière de protection. Nous franchissons ladite porte et nous sommes accueillis chaleureusement par de charmantes hôtesses de l’air qui nous invitent à rejoindre nos sièges respectifs. Avant le décollage, j’ai encore le temps d’appeler mon père et d’envoyer des texto à des collègues pour leur signifier ma présence dans l’avion avec une certaine pointe de fierté car sous nos latitudes ivoiriennes voire africaines prendre l’avion est loin d’être un acte banal. Le commandant de bord au nom du personnel navigant nous souhaite la bienvenue et enclenche le décollage progressif, les vrombissements du moteur sont à peine perceptibles, on sent que l’avion prend de plus en plus de la vitesse sur la piste, dans une poussée ultime et de fortes secousses, il s’arrache à la terre. Nous voilà dans les airs, en partance pour le pays du poète-président Léopold Sedar Senghor

 

 


Crise migratoire en Europe : « Il n’y a pas de victimes innocentes! »

 

La formule est de l’écrivain français Jules Romain. Elle pourrait à bien des égards, remarquablement faire écho aux récriminations incessantes d’une partie de l’opinion publique européenne qui se hérisse face à l’afflux massif des migrants sur le vieux continent.

Si l’Europe à beau jeu de claironner qu’elle ne peut abriter toute la misère du monde, il n’en reste pas moins que l’Occident en général est en partie responsable de cette misère insoutenable qui gangrène certains espaces géographiques de la planète. Sans vouloir diminuer la responsabilité des élites dirigeantes afghanes, irakiennes, syriennes ou africaines pour ne citer que celles-là dans ce qu’il est convenu d’appeler «  la migration du désespoir », force est de constater que l’Occident de par ses agissements arrogants et conquérants a fait le lit à certains égards de la déstabilisation de certaines parties du monde.

Hier au nom d’un faux universalisme ou d’un européocentrisme sans limites, le continent africain a été mis en coupe réglée sur le plan économique, ses bras valides déportés et sa culture dévastée.  De la traite négrière à la colonisation en passant par l’actuel néo-colonialisme déguisé (sur le plan économique et politique) que subit l’Afrique, il est clair que ces facteurs structurants ne sauraient être ignorés dans l’état présent de décrépitude du continent africain. Le passé pèse sur le présent même si ce présent a pour vocation à être amélioré à la lumière des erreurs antérieures. L’Europe peut se gargariser d’être opulente, mais cette richesse ne s’est pas construite en dehors du sang, de la sueur et des ressources naturelles africaines. Tant s’en faut d’ailleurs.

Comment passer sous silence encore le rôle déstabilisateur de l’Occident en Libye, en Irak et en Afghanistan. Au nom de la prétendue lutte contre le terrorisme, ces pays gros contributeurs de migrants ont été mis à feu et à sang faisant ainsi indirectement le lit de l’extrémisme et du terrorisme.

L’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique

Comment passer sous silence également les effets ravageurs du réchauffement climatique en grande partie occasionné par la forte industrialisation de l’Occident dont l’Afrique pâtit particulièrement. Plus que jamais la dette écologique ou la justice écologique se pose avec acuité. Quand on sait que les pays développés freinent des quatre fers pour alimenter de cent milliards de dollars le fonds vert destiné à soutenir les pays pauvres dans leur effort écologique, on se surprend dans la foulée à constater un nombre croissant d’Africains candidats à l’émigration. Pour une population à majorité rurale, l’Afrique subit de plein fouet les effets pervers du dérèglement climatique.  Elle est donc est exposée à une plus grande précarisation des masses sociales et à un fort risque pour ses fils de s’expatrier.

En un mot comme en mille, l’Occident ne saurait être indéfiniment un îlot de prospérité dans un océan de misère et d’instabilité. Au-delà du devoir humanitaire, c’est un devoir existentiel pour l’Occident en général de contribuer à l’avènement d’un monde beaucoup plus juste et solidaire. Les tours de vis migratoires ou la volonté de transformer l’Europe en une forteresse n’y feront rien. C’est bien connu : «  On n’arrête pas la mer avec les bras ».


La foire ivoirienne aux charlatans politiques!

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C’est bien connu sous les latitudes ivoiriennes, la campagne liée à la grand-messe électorale que constitue la présidentielle charrie dans son flot d’agitation inhabituelle une bonne part de surenchère et de populisme. Véritable bazar politique à l’ivoirienne, l’élection attire des candidats de tous crins ou de tous acabits. Des politiciens du dimanche (intermittents politiques) à la vieille garde politique en passant par les frondeurs, les sirènes du pouvoir alimentent les promesses électoralistes quitte à tomber dans la démagogie. « Moi président », je promets cinq millions d’emplois, « moi président » j’installerai le métro et le tramway à Abidjan, «  moi président » toutes les populations défavorisées auront droit à des logements sociaux, « moi président », la couverture sociale sera une réalité… Un air de déjà vu, un air de déjà entendu, un flux et un reflux permanent, un catalogue de belles promesses qui à l’épreuve du pouvoir se révèlent chimériques. Tout se passe comme si les différents régimes qui se succèdent depuis deux décennies en terre d’Eburnie sont frappés d’amnésie collective quant à la tenue de leurs engagements de campagne, un véritable hiatus entre les promesses et les actes qui irritent plus que jamais l’électorat ivoirien.

Une population désabusée

Hormis l’exception Felix Houphouët-Boigny (premier président ivoirien) qui a fait de la Côte d’Ivoire un État moderne et modèle à certains égards, les pouvoirs successifs se sont révélés décevants les uns après autres. Pire, ils ont réussi le tour de force de défigurer ce pays autrefois réputé pour être la « petite Suisse » en le plongeant dans les affres de la guerre civile. Du projet de société d’Henri Konan Bédié dénommé «  l’éléphant d’Afrique » (qui a tourné à l’enfumage) en passant par le tour de passe-passe de la « refondation » initié par Laurent Gbagbo et aujourd’hui le concept de « l’émergence » porté par Alassane Ouattara dont les rails se mettent difficilement en place, le mensonge politique semble être la chose la mieux partagée au sein du personnel politique ivoirien. Lassées par les promesses politiques recyclées ou remises chaque fois au goût du jour, certaines voix, de plus en plus, réclament le renouvellement de la classe politique. Selon toute vraisemblance, cette élection présidentielle ne devrait pas drainer les foules tant il est vrai que les promesses politiciennes ne font plus recette au sein des masses sociales aux prises avec les griffes de la précarité ambiante. L’immense espoir social suscité par l’arrivée au pouvoir en 2011 du président Ouattarra cède la place à un certain désenchantement des masses laborieuses. Les fruits n’ont pas tenu totalement la promesse des fleurs sauf que sous les latitudes ivoiriennes, en général, l’obligation de résultat ne pèse pas véritablement dans la balance de la réélection du président. Tant qu’on s’assure le soutien de l’armée, qu’on tient les cordons de la bourse et qu’on active le jeu des alliances politiques comme c’est le cas actuellement à travers le rassemblement des houphouétistes, le tour est joué.

Le président Hollande, un cas d’école pour l’élite africaine

Abstraction faite du record d’impopularité du chef de l’État français dans l’opinion publique française, vu d’Afrique, il personnifie une certaine décence politique. En effet, contrairement à l’élite dirigeante africaine prompte à rempiler indéfiniment au pouvoir, au mépris de leurs promesses sociales, le président Hollande lie son éventuelle candidature à la  présidentielle de 2017 à l’inversion de la courbe du chômage. Hélas, le paradoxe est bien africain, ils sont nombreux ces chefs d’État sous nos tropiques à avoir administré la preuve de leur incapacité notoire à améliorer les conditions existentielles de leurs peuples tout en s’accrochant contre vents et marées aux fastes du pouvoir. On ne le dira jamais assez, il faut déconstruire la vision actuelle du pouvoir d’État en Afrique, un pouvoir perçu généralement sous le prisme déformant de la captation des richesses ou de l’enrichissement illicite. A la veille des joutes électorales qui se tiendront dans plus d’une dizaine de pays africains cette année, on pourrait le dire sans risque de se tromper « démagogues de tous bords, prêts, à vos marques, partez ».


Idriss Déby : « Après moi le déluge ! »

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Malheureusement, ils sont encore nombreux ces chefs d’Etat africains que dis- je ces monarques républicains à nourrir à tort l’idée selon laquelle ils sont porteurs d’un destin messianique ou providentiel. Assis sur la montagne de leurs prétentions nombrilistes, ils agitent à tout va le chiffon rouge du chaos social après leur départ du pouvoir. Tout en perdant de vue que les cimetières ou les poubelles de l’histoire regorgent suffisamment de ces personnages politiques auto-proclamés hier « grands timoniers ou guides suprêmes », dont l’absence aujourd’hui n’affecte pas la marche de leurs pays respectifs. Et c’est peu que de le dire.  A l’instar de ses pairs de l’Afrique centrale (tous portés par cette volonté chevillée au corps de s’éterniser au pouvoir) le président tchadien Idriss Déby lors d’un récent échange avec la presse n’a pas manqué de se fendre de ce propos aussi surréaliste que lamentable « je ne reste pas au pouvoir pour mon bon vouloir, si je sais que quelqu’un d’autre peut assurer la stabilité de ce pays, je céderais la place » . Comme quoi aucun citoyen tchadien autre qu’Idriss Déby n’aurait l’intelligence et la poigne nécessaires pour conduire le pays vers des rivages heureux. Rien moins que l’expression d’un ego surdimensionné nourri par une certaine passivité de la communauté internationale.

Une communauté internationale attentiste, voire complice

Il faut bien se l’avouer, le président tchadien a réussi le tour de force de se refaire une virginité politique à l’international à la faveur de la lutte contre le terrorisme et de la crise centrafricaine. Drapé désormais dans ses habits d’allié incontournable de l’Occident à travers l’opération française Barkhane et les faits d’armes de son armée notamment au Nord-Mali, Déby semble jouir d’un certain blanc-seing de la communauté internationale. Les dérives du régime Déby (elles sont encore légion) et son rappel à l’ordre par les démocraties occidentales semblent bien loin aujourd’hui. Un silence assourdissant qui tranche étrangement d’avec l’activisme dirigé contre Joseph Désiré Kabila porté lui aussi par le désir de jouer les prolongations au terme de son mandat. S’il est vrai que l’environnement international dominé aujourd’hui par des considérations sécuritaires joue en faveur du maintien au pouvoir de l’actuel président, il n’en reste pas moins que des facteurs endogènes y contribuent, dont notamment la désunion de l’opposition.

Une opposition aussi divisée qu’invisible

La balkanisation de l’opposition est incontestablement un obstacle majeur qui retarde l’alternance politique dans maints pays africains. Le Tchad n’échappe pas à cette tendance lourde. Vautrés dans des querelles intestines les différents partis politiques roulent uniquement pour leur petite boutique ou pour leur petite chapelle faisant ainsi le lit  du maintien au pouvoir de Déby. Comment peut- on espérer bouter un régime quasi trentenaire lors d’un scrutin uninominal à un seul tour sans vouloir coaliser l’ensemble des forces de l’opposition ? A l’évidence, chaque acteur de l’opposition nourrit obstinément l’idée d’un destin national sauf que la conquête du pouvoir d’Etat exige de vastes alliances surtout quand le régime a pour lui l’appareil de l’Etat et les cordons de la bourse. A moins que le vent de la révolution populaire ne souffle sous les latitudes tchadiennes, tout porte à croire que la longévité d’Idriss Déby au pouvoir a encore de beaux jours.


Présidentielle ivoirienne; l’heure est à la transhumance

L’ élection présidentielle en terre d’Eburnie se rapproche à très grands pas (octobre 2015) avec son lot de grandes manœuvres, de débauchages et de transhumances politiques. Comme à l’accoutumée des grandes batailles électorales, le marigot politique ivoirien est en pleine effervescence, en pleine recomposition sur fond de calculs électoralistes et surtout de marchandages politiques que dis-je de nomadisme politique.nommadisme_fologo

Aussi inconstants que des girouettes; une partie du personnel politique a fait sien cet adage populaire « je sèche mon habit là ou brille le soleil » comprenez : je me range du côté du pouvoir pour bien entendu bénéficier de ses délices. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les ennemis jugés irréductibles d’hier deviennent de fervents alliés. Les alliances se font et se défont au gré des promesses, les alliances contre nature n’existent plus. Tout se passe comme si les lignes politiques s’étaient évaporées. Seule la politique du ventre semble présider tous les positionnements sur l’échiquier politique ivoirien. Une situation tout à l’avantage du pouvoir. Un pouvoir, qui conscient de la forte sensibilité des hommes aux promotions ministérielles ou aux espèces sonnantes et trébuchantes n’hésite pas à susciter de véritables dissidences au sein des partis d’opposition. « Diviser pour mieux régner », une pratique politique aussi vieille que le monde et plus que jamais usitée par l’équipe dirigeante tant et si bien que tous les partis d’opposition ont actuellement en leur sein des courants « pro-régime ». Loin d’être l’apanage de la Côte d’Ivoire, la versalité politique est un marqueur important des mœurs politiques en Afrique.

Une transhumance aux relents de mort politique

La parade est toute trouvée pour nombre d’acteurs politiques africains « il faut savoir partir » répètent-ils en chœur, ils sont bien nombreux à abandonner leurs camarades de lutte ou à quitter le navire en pleine tempête pour des rivages politiques beaucoup plus confortables. De l’opposant togolais Gilchrist Olympio réduit aujourd’hui au silence par certaines compromissions avec le pouvoir en passant par le Camerounais Bakary Tchiroma  reconverti en fou du roi) ou le célébrissime ivoirien Laurent Dona Fologo (passé maître dans l’art de manger a tous les râteliers), le recyclage politique a le vent en poupe sous les latitudes africaines. Si le ridicule pouvait tuer en politique, pour sûr, ils seraient nombreux ces hommes a passer de vie à trépas tant par l’aspect spectaculaire de leur revirement que par le manque de conviction qui les caractérise. Toute honte bue, ils débarquent avec armes et bagages dans leur nouvelle chapelle politique tout en perdant de vue que le nomadisme au-delà des apparences rime très souvent avec la mort politique.

Au-delà des avantages immédiats liés à la reconversion politique, tout porte à croire que le destin des transhumants est scellé sur le long terme. Perçus comme des judas par leurs ex- camarades et objets de suspicion dans leur nouvelle chapelle, ils sont réduits désormais à faire de la figuration. Peut-on raisonnablement se fier à un personnage politique aussi versatile qu’amoral capable de tourner casaque à la moindre bourrasque ? Assurément non !

 


Ces frondeurs à la sauce ivoirienne !

frondeur_ivoirienA l’instar du pouvoir socialiste français, le paysage politique ivoirien enregistre la présence de frondeurs dans les rangs de la majorité présidentielle. Un aréopage de personnalités déchues et déçues qui portent la contradiction et mènent la rébellion tous azimuts face à ceux qu’ils considèrent comme les dérives de l’actuel régime ivoirien. Anticonformistes, empêcheurs de tourner en rond, adeptes de la provocation et de la liberté de ton, ils ne manquent aucune occasion pour flageller les tenants du pouvoir ivoirien non sans faire le jeu de l’opposition classique qui en sort renforcée. Un fossé d’incompréhensions qui ne cessent de se creuser entre les frondeurs et l’élite dirigeante actuelle tant et si bien que la rupture semble être consommée.

Un divorce consommé

Loin de vouloir constituer un courant réformiste ou une force de propositions au sein de la mouvance présidentielle à l’instar des frondeurs du PS français, les frondeurs ivoiriens semblent avoir franchir le Rubicon en intégrant récemment l’opposition à travers un vaste rassemblement dénommé Coalition nationale pour le changement. Une coalition aussi hétéroclite que déterminée dont le maître mot est l’alternance du pouvoir. Drapés désormais dans leur habit d’opposant, ils passent à l’offensive supérieure en faisant feu de tout bois, un feu roulant de critiques acerbes dont le régime se serait bien passé par ces temps de pré-campagne électorale et de contestation sociale croissante. En effet, les ex-frondeurs aujourd’hui reconvertis en opposants encartés surfent sur un certain malaise social. Au-delà de la bonne santé macro-économique du pays (un taux de croissance avoisinant les deux chiffres), la réalité sociale ivoirienne est tout autre. La cherté de la vie, la précarité et la paupérisation croissantes alimentent à bon droit une certaine stigmatisation des pouvoirs publics ivoiriens sous la boutade populaire suivante « on ne mange pas la croissance ». S’il est vrai que les critiques formulées par les ex-frondeurs ne sont pas dénuées de fondements, il n’en reste pas moins qu’elles ont été nourries essentiellement par un désaccord lié à la répartition des avantages du pouvoir.

Une rupture sur fond de mésentente dans le partage des délices du pouvoir

Contrairement aux députés frondeurs du PS (portés plus par des divergences idéologiques en termes de ligne gouvernementale qu’ils jugent libérale et non socialiste, la rupture des frondeurs ivoiriens d’avec l’actuel régime tient plus a des ressentiments liés a la clé de répartition du pouvoir. Il est bien connu qu’en Afrique, le pouvoir est assimilé à tort à une immense mangeoire ou l’on se sert au lieu de servir le peuple et la fronde dans les rangs de l’actuelle mouvance présidentielle en est la preuve vivante. En effet, certains cadres du parti du PDCI associés a la conquête du pouvoir d’Etat en 2012 sous la forme du rassemblement des houphouétistes (RHDP) estiment avoir été oubliés dans le cadre de la nomination aux postes a responsabilité. Se considérant comme des faiseurs de roi injustement rétribués, ce en dépit du poste de premier ministre et de certains ministères régaliens tombés dans la besace de leur chapelle politique, ils dénoncent vent debout le soutien de leur parti au président Ouattara lors des prochaines élections. Les cadors comme l’ex-premier ministre Konan Banny, l’impétueux ex-président des jeunes Konan Bertin ou encore l’ex-ministre des Affaires étrangères Amara Essy constituent le visage de cette nouvelle vague de frondeurs à l’ivoirienne passés désormais à l’opposition.

SI l’avènement des courants réformistes voire « sécessionnistes » est à saluer dans nos majorités présidentielles très souvent marquées par le règne de la pensée unique ; ce qui l’est moins par contre, c’est les motivations carriéristes ou matérialistes qui les nourrissent. Comme quoi en Afrique, généralement, l’engagement politique relève plus de la politique du ventre que de la politique au service de la polis (la cité).


Obama en Afrique : et après !

obama_deception2Sans vouloir verser dans un anti-américanisme de bas étage ou dans un optimisme béat qui a accompagné l’arrivée au pouvoir du 44e locataire du bureau ovale en l’occurrence Barack Hussein Obama, force est de reconnaître qu’au sortir de son deuxième mandat , le bilan de la politique africaine du 1er président afro-américain est bien maigre, voire famélique. Et pourtant que d’espoirs suscités, que d’enthousiasmes soulevés en 2008 à l’échelle de tout le continent africain lors de sa consécration sur le toit du monde comme le nouveau président des Etats-Unis d’Amérique. La rue africaine s’était mise à rêver en prêtant des ambitions africanistes à ce descendant d’immigré kényan, véritable incarnation du rêve américain et pourquoi pas du rêve de renaissance africaine ?

Hélas, le réveil est douloureux quasiment huit ans après et on serait tenté de dire tout ça pour ça. Aujourd’hui de retour sur la terre de ses ancêtres, tout porte à croire que sa présente tournée ne changera pas grand-chose à cet état de fait. Du reste, c’est un secret de polichinelle, l’Afrique n’a jamais constitué véritablement un enjeu stratégique et économique pour le pays de l’oncle Sam comparé à l’activisme de la Chine, de l’Europe, du Brésil ou de l’Inde. On ne le dira jamais assez, le salut de l’Afrique ne viendra que de l’Afrique notamment à travers une reconversion totale des mentalités dans le sens de l’affranchissement d’une vision exogène du développement.

–Rompre avec la mentalité d’éternels assistés

C’est une vérité banale du jeu des relations internationales, l’état d’indigence de certaines parties du monde profite à la consolidation de l’assise des nations les plus développées. Laquelle assise s’est faite en partie sur le dos du continent noir. Pour rien au monde, ces pays nantis ne voudraient changer l’ordre économique actuel du monde qui confine l’Afrique dans le rôle de simple pourvoyeuse de matières premières et de déversoir des biens manufacturiers occidentaux à forte valeur ajoutée. Alors, au-delà des déclarations de bonnes intentions relatives à l’aide publique au développement qui d’ailleurs depuis des décennies n’a pas réussi à tirer l’Afrique de son marasme, il faut se raviser et se réconcilier avec une vision endogène du développement, autocentrée, autopropulsée. Le souverain chérifien semble l’avoir bien intégré et passe pour être désormais le nouveau chantre de la coopération intra-africaine.

–L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique

En homme revenu du mirage occidental, le roi Mohammed VI du Maroc a compris très vite que l’Afrique est une terre extraordinaire d’opportunités, plus besoin d’aller chercher obligatoirement des relais de croissance sur le vieux continent d’ailleurs aux prises avec les rigueurs de l’austérité, le développement du partenariat intra-africain constitue plus que jamais un levier important de la croissance marocaine. Le volume des investissements du royaume chérifien en Afrique et son expertise avérée dans différents secteurs d’activités (l’hôtellerie, la banque, les télécommunications, le bâtiment, l’offre universitaire et que sais-je encore) font de lui incontestablement un hub continental. Vivement que l’élite dirigeante africaine s’en inspire et que les masses populaires fassent définitivement le deuil de solutions extérieures à leurs difficultés.


Églises de Réveil en Côte d’Ivoire : Au nom de Dieu… et du fric !

La passion pour Dieu n'a pas de prix
La passion pour Dieu n’a pas de prix

Le vieux continent est en proie à une crise de foi notamment à travers une déchristianisation très marquée (un net recul de la chrétienté) ; l’Afrique, a contrario, semble connaitre un véritable âge d’or religieux, du moins pour ce qui est des religions célestes. Tant et si bien que, selon le mot du Pape François, « elle est le poumon spirituel du monde ». A côté de la généralisation de la pauvreté au sein des masses populaires, la foi religieuse est l’une des choses les plus partagées à l’échelle du continent africain. L’Église traditionnelle (catholique et protestante) réputée pour sa grande solennité, son orthodoxie et sa liturgie très strictes se voit de plus en plus damée le pion par les Églises dites de réveil beaucoup plus « transigeantes » et festives. Sans coup férir, elles fleurissent a tous les coins de rue, investissent tous les espaces précédemment dédiés a la culture (salles de cinéma, de spectacle), hangars désaffectés, domiciles privés, stades et écoles à l’occasion, bref un maillage géographique important qui en dit long sur le prosélytisme mis en œuvre par ces activistes religieux d’un nouveau genre.

Bien entendu, ce foisonnement, cette explosion de lieux de cultes informels, car n’ayant pas d’agréments du ministère de l’intérieur pour la quasi-totalité d’entre eux, inquiètent et interpellent. Au delà des déclarations de bonnes intentions, des proclamations publiques d’évangélisation et de conversion des âmes, l’appât du gain et la course aux richesses matérielles contribuent très largement à l’expansion de ces églises de réveil. A ce titre, la presse n’en finit plus de se faire l’écho des déboires ou des arnaques financières dont bien des fidèles sont victimes. Autant la pluie se prépare par l’amoncellement des nuages, autant les portes de la richesse dans ce milieu éminemment concurrentiel s’ouvrent par une très bonne réputation.

Une course à la réputation

A l’instar des shows américains , les Églises de réveil les plus nanties ne lésinent pas sur les moyens pour se singulariser et attirer in fine des personnalités de premier plan : battage médiatique, écrans géants, service d’ordre, orchestre , chorale, salle climatisée , orateurs de talent, en somme de véritables opérations de communications rondement menées avec à la clé « des séances de guérisons et de miracles » qui subjuguent les fidèles et les prédisposent, surtout les plus fortunés, a délier les cordons de la bourse. L’on a encore en mémoire les retentissantes révélations dans la presse ivoirienne d’un ex-initiateur de ces Églises dites de réveil aujourd’hui « repenti » du nom de Béhanzin. Lesquelles révélations ont mis au grand jour la conclusion de pactes de certains gourous religieux avec des forces obscures pour opérer « des prodiges » « lors de ces fameuses séances « de guérisons et de miracles ». Il est établi que celles-ci (avérées ou truquées selon les avis) ont un formidable effet d’entrainement sur les masses sociales participant ainsi de facto à la bonne renommée des Églises de réveil et donc à leur enrichissement.
Une course à l’enrichissement

La frontière entre la supercherie et les pratiques qui ont cours dans ces Églises est si mince qu’on se demande ou sont passés les enseignements de l’Église primitive repris aujourd’hui à juste titre par le Pape François au sens d’une vie de dépouillement, de sobriété et de renoncement. Tout porte à croire que le maitre-mot semble être la recherche des biens matériels tant il est vrai que « ces hommes de Dieu » mènent grand train, ils roulent carrosse non sans créer une véritable disparité matérielle d’avec la majorité de leurs ouailles mis à rude contribution financière. La formule est du reste bien connue sous les latitudes ivoiriennes, par ces temps de difficultés économiques un des filons les plus sûrs pour s’en sortir est de créer tout bonnement son Église fut- ce dans un domicile privé, la crédulité des masses populaires aidant plus un certain talent d’orateur et l’affaire est pliée. Auto-affublés des titres ronronnants de « prophètes », de « pasteurs », « de révérends », « de serviteurs de Dieu », ils monnayent au prix fort leurs prières d’intercession, leurs bénédictions en somme leurs prestations spirituelles. L’opinion publique leur prête cette formule « petit argent, petite bénédiction » comprenez simplement que la modicité du don ou de l’aumône entraine aussi une petite prière.
En tout état de cause, sans vouloir jeter l’opprobre sur l’ensemble des Églises dites de réveil, il faut assainir ce milieu, en revenant à un véritable réarmement spirituel car comme l’énonce avec raison ce verset biblique « on ne peut servir deux maitres à la fois » c’est-a-dire DIEU et la poursuite effrénée du monde matériel.


De la FIFA aux républiques Africaines

Le président démissionnaire de la FIFA: Sepp Blatter.
Le président démissionnaire de la FIFA: Sepp Blatter.

Avec la FIFA, beaucoup de républiques africaines  découvrent ou redécouvrent une institution sœur voire jumelle…

La dernière tempête médiatico-financière qui agite avec rage la puissante FIFA doit rappeler des souvenirs à certains dirigeants africains… Au jeu des comparaisons, tout porte à croire que la puissante instance du football mondial et la majorité des États africains se soient passés le mot pour cultiver ensemble les mêmes pratiques , adopter les mêmes mœurs de gestion et in fine être abonnés aux scandales à répétitions.

Des parallèles troublants…

S’ils se trouvent sous des latitudes différentes, la FIFA et les États africains en général n’en partagent pas moins une corruption endémique. Les dernières révélations du FBI relativement à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le FIFAGATE sont troublantes à ce titre.

De l’achat des voix lors de l’attribution des coupes du monde à l’Afrique du sud, à la Russie et au Qatar en passant par les pots de vins que nombre de membres du comité exécutif ont perçu pendant des décennies, l’élite dirigeante de la FIFA semble avoir institué comme mode de gestion un véritable système de corruption et de concussion .

Que dire de la majorité des États africains ? Rien à envier à la FIFA, tous étant pratiquement logés à la même enseigne. La gouvernance en Afrique se conjugue très souvent avec gabegie, malversations, clientélisme et opacité. Il est bien connu sur le continent africain que les recettes liées aux nombreuses ressources géologiques ne sont pas toutes inscrites au titre du budget, une bonne part non budgétisée prenne le chemin des paradis fiscaux et autres comptes bancaires à l’étranger.

Ces pays immensément riches aux populations immensément pauvres sont victimes surtout de la mauvaise gouvernance ou de la non gouvernance économique. Prises au piège d’une oligarchie financière, la FIFA et nombre de pays africains (surtout ceux de l’Afrique centrale) se singularisent aussi par le refus de l’alternance.

Le refus de l’alternance

Sepp Blatter vient d’entamer son cinquième mandat ? Les autres – Mugabe, Paul Biya, Obiang, Sassou n’Guesso… – en sont à leur septième, huitième, neuvième… et tous ont en commun d’être des personnes du troisième, voire du quatrième, véritables réfractaires au changement générationnel. Ils semblent épouser en chœur l’idée selon laquelle « arrivé au pouvoir, j’y suis, j’y reste ». Il y a lieu de préciser que la démission forcée du président Blatter (très probablement visé incessamment par une information judiciaire) n’enlève en rien son amour dévorant du pouvoir.

Vivement que la FIFA et bien d’Etats africains fassent leur mue, qu’ils se réconcilient avec l’orthodoxie financière et l’alternance générationnelle pour le plus grand bien de la planète foot et des peuples africains en général.


Du patriotisme économique en France au bradage économique en Afrique

Arnaud Montebourg à Emmanuel Macron le patriotisme économique reste de vigueur en France.
Arnaud Montebourg à Emmanuel Macron le patriotisme économique reste de vigueur en France.

Nul besoin de faire de l’intelligence économique ou de sortir de l’école de guerre économique de Paris pour réaliser que les entreprises nationales opérant dans des secteurs dits névralgiques ou les entreprises à forte valeur ajoutée constituent des leviers de la souveraineté d’un État. C’est une question de bon sens et une exigence dans l’air du temps. Comment peut-il en être autrement dans cette mondialisation hautement concurrentielle que le politologue camerounais Jean de Dieu Ayissie qualifie avec raison de « mondialisation des prédations » ; sauf qu’en Afrique, on voit les choses sous le prisme déformant de la privatisation à tout va que dis-je du bradage ou du pillage de nos sociétés nationales et partant de nos intérêts économiques.
-Une véritable OPA sur les ressources économiques africaines !

bolloré: l’orgueil de la France.
Bolloré: l’orgueil de la France.

Là ou la France et au-delà l’Occident mettent un point d’honneur à préserver leurs fleurons économiques pour éviter qu’ils ne tombent sous pavillon étranger ; l’Afrique a contrario constitue le terrain de chasse favori des transnationales ou des multinationales. Une privatisation à marche forcée portée par les institutions de Brettons Wood qui a vu des pans entiers de nos économies englouties par des firmes étrangères. A L’évidence, ce libéralisme débridé fait le jeu des puissances étrangères comme la Chine dont rien n’échappe à l’appétit carnassier. Terres arables, ressources du sous-sol, secteurs névralgiques comme l’eau, l’électricité, les télécommunications, les ports, aéroports… En somme, tout y passe. On ne saurait passer également sous silence la position économique dominante des ex-puissances coloniales européennes en Afrique. Elles considèrent à tort ce continent comme leur pré carré ou leur arrière-cour. A ce titre, le cas de la Côte d’Ivoire est assez édifiant et largement représentatif des pratiques économiques des anciennes métropoles. En effet, de Bouygues à France télécoms en passant par Bolloré, BNP-PARIBAS, la Société générale et autres myriades entreprises, les sociétés françaises semblent faire la pluie et le beau temps en terre d’Eburnie. Elles sont en situation de quasi-monopole et c’est peu que de le dire. Ce monopole de fait agace plus d’un, notamment l’actuel ministre du Commerce Jean-Louis Billon qui a publiquement critiqué la seconde concession du terminal à conteneurs du port autonome d’Abidjan au groupe français Bolloré (déjà détenteur de la première concession). S’il est clair que les multinationales se frottent les mains financièrement parlant en concluant des contrats de dupes et empochant au passage des superprofits ; il est tout aussi clair que les pouvoirs publics africains sont complices de ce bradage économique.
-La complicité de nos pouvoirs publics
Il est sans conteste que les chefs d’État africains et par extension les hauts dignitaires des États africains font le lit de cette politique de captation ou de pillage systématique de nos ressources économiques. Dans cet ordre d’idée, on a en vue la relation incestueuse entre la France et certains chefs d’Etat africains connue sous le vocable pudique de Françafrique, un véritable réseau de collusions financière, économique et politique au service principalement des intérêts français.
Les accords de partenariat économique (APE) en passe d’être signés entre l’Europe et les chefs d’État  africains pourraient en outre aggraver cet état de prédation économique. En fait, un accord de libre- échange, une déréglementation douanière exposerait le continent à une invasion de son marché, elle signifierait l’effondrement de son tissu industriel embryonnaire. Quand on sait le poids financier et la force industrielle des mastodontes ou transnationales européennes et le manque de compétitivité de nos produits à l’international, on n’est pas loin de penser que les APE sont en défaveur du continent africain.
En définitive, à défaut d’une renationalisation de nos entreprises stratégiques, il faut que nos Etats en deviennent des actionnaires majoritaires sans complexe aucun. Si le patriotisme économique est de rigueur en France et sous d’autres latitudes, pourquoi l’Afrique se fera-t-elle hara-kiri en vendangeant ses ressources économiques ? Il y va de notre survie et de notre souveraineté.


L’envoi de 2 100 soldats sénégalais en Arabie saoudite : un parfum de pétrodollars

En dépit des dénégations officielles, la polémique ne semble pas retomber concernant la décision du président Macky Sall de procéder à l’envoi de 2 1OO soldats sénégalais en Arabie saoudite dans le cadre de la guerre que mène ce pays contre les rebelles « houthis »

le président Sénégalais Macky Sall. wikimedia.org
Le président Sénégalais Macky Sall. Wikimedia.org

Une controverse qui enfle à juste titre et qui interroge sur les véritables motivations qui ont présidé à cette mesure assez inhabituelle. En effet, le nombre important de soldats sénégalais en passe d’être engagés dans ce conflit et l’éloignement du théâtre des opérations ( le Sénégal étant à des années-lumière ) nourrissent des doutes raisonnables sur le caractère amical et religieux (la participation à la défense des lieux saints) que défendent les autorités sénégalaises. Sans nier que le Sénégal a une  forte tradition de pays contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Tout porte à croire que pour ce coup là, le pays de la Téranga  va monnayer au prix fort sa participation massive à la coalition militaire contre les « houthis ». Sans parler avec l’assurance d’un prophète, néanmoins se dégage un parfum de pétrodollars de cet envoi extraordinaire de troupes à l’extérieur. Quand on sait que ce conflit à fort relent religieux (sunnites contre chiites) est un conflit lointain, qu’il n’est pas sien et que pour l’heure aucun pays de la coalition n’a décidé de l’envoi de troupes au sol, on est assez intrigué par l’activisme militaire sénégalais. Mais au fond, personne n’est dupe, un accroissement de l’aide économique apportée par Riyad a très certainement pesé dans la balance.

Un paradoxe humanitaire.

les troupe sénégalaises de maintien de la paix.
Les troupe sénégalaises de maintien de la paix.

Sinon, les foyers de tensions ne manquent pas à l’échelle de l’Afrique (l’est de la RDC, le Nord-Mali, le Sud-Soudan, la RCA…), le Sénégal aurait pu y déployer ses troupes ou y renforcer sa présence. Le dicton est connu, on balaie devant sa porte avant d’aller voir ailleurs. Cette attitude de l’exécutif sénégalais pourrait être assimilé à bien des égards à du mercenariat d’État déguisé qui exposerait ses soldats à des risques certains lors d’une confrontation ouverte avec les miliciens houthis. Malheureusement, une partie de l’élite dirigeante africaine continue d’étonner et d’agacer par certaines prises de décisions qui déshonorent tout le continent. Faut-il le rappeler, le continent africain ne saurait s’enfermer indéfiniment dans des rapports de vassalité avec les autres parties du monde fut-ce des puissances financières, car la dignité ne saurait s’accommoder de compromissions financières.