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Intrigues de femme

Intrigues de femme

 Un jeune homme tomba amoureux d’une jeune fille. Il lui fit la cour avec assiduité, demanda sa main en mariage, et l’épousa en grandes  pompes. Les deux époux s’aimaient mutuellement. Le jeune marié aimait sa femme et lui vouait une confiance aveugle. Il avait une telle confiance en elle qu’il l’avait surnommée « confiance ». Il l’appelait « confiance » au point d’oublier son prénom. Les parents du jeune homme mis au courant de cette situation inattendue voulurent le dissuader  de donner un tel sobriquet à sa femme. Le jeune homme restait sourd à toutes ces recommandations et continuait  à appeler sa femme « confiance ». Les amis de l’époux voulurent lui faire comprendre en vain que l’on ne doit pas donner un tel surnom à une femme. Ce fut peine perdue. La  vie continua ainsi jusqu’à ce naquirent trois enfants dans leur foyer. Et la jeune femme  commençait  déjà à se lasser de cet époux encombrant. Pour trahir son mari et rompre définitivement avec lui, elle mit au point un stratagème : elle résolu de mourir de sa belle mort. Ses funérailles selon ses prévisions se dérouleraient sous le grand Baobab se dressant à l’Est du village et son corps serait enseveli  dans le creux de ce  grand arbre. C’est après son enterrement et comme prévu que son amant viendrait à sa rescousse,  l’enlèverait du  tronc d’arbre où elle était enseveli, l’habillerait de son linceul, et retournerait  dans son village avec elle, convolerait en juste noces avec elle. Tout se déroula selon ses prévisions  et elle suivit ainsi son nouveau mari dans un village lointain où ils résidaient.

Ainsi, cette jeune femme à qui le mari vouait une confiance si  aveugle, trahit ce dernier  et épousa un autre homme par le truchement de  la mort, un jeu de la mort. Elle recommença alors  une nouvelle vie avec son nouveau mari dans un village éloigné,  bien que tout le monde fût convaincu qu’elle avait cessé de vivre. Un jour le hasard amena l’ancien mari dans le village où se trouvait sa femme censée décédée dans le village de son nouveau mari. Quand l’homme vu son ancienne femme, il l’avait reconnu d’emblée. Il l’a reconnu et il brava le danger de passer pour un menteur en disant que c’était là sa femme. C’était au temps du règne du HOGON où le mensonge était considéré  comme un crime et tout menteur était puni de mort. Il prit son courage à deux mains et avoua qu’il venait de rencontrer son ancienne femme. Il reconnu sa  femme qui marchait sur un chemin, un canari d’eau sur la tête. Il l’a suivit jusqu’à son domicile et dit aux gens  qui s’y trouvait qu’il venait de retrouver sa femme. Tous les habitants témoins  de cette scène dirent qu’il fallait condamner  ce menteur à mort,  car la femme que cet inconnu réclamait comme étant la sienne était belle et bien une femme du village et son mari était connu de tout le monde. Mais en définitive on se résolu à le présenter au HOGON le Chef Suprême, car dans ce pays,  le mensonge était un crime et puni sérieusement comme tel.

Quand il fut reçut par le HOGON, l’étranger répéta au Chef :

« « Cette femme est la  mienne. Nous étions ensemble jusqu’à ce que la mort l’arrache à notre affection. Elle eût droit à des funérailles grandioses et fut enseveli dans le creux du tronc  du Baobab géant qui se trouve à l’Est du village » ».

Ces paroles incongrues déchaînèrent les hostilités de ceux qui y  étaient présents.

« Un mort peut-il se ressusciter ? » demandèrent les assesseurs du HOGON, tandis que tout le monde réclamait la tête de l’étranger. Mais le HOGON Chef Suprême de pays, toujours fidèle à sa sagesse s’opposa à cette alternative et dit : « donnez-lui le temps de se justifier. Il faudrait qu’il apporte la preuve de ce qu’il dit ». L’étranger persista dans ses déclarations. Il répéta au HOGON que la femme qu’il venait  de retrouver était sa propre  femme, qu’ils ont eu ensemble trois enfants vivants restés au village. Il aimerait que le HOGON pour vérifier ce qu’il venait de dire, lui fasse  accompagner dans son village par ses émissaires.

Le HOGON fit suivre l’étranger par deux de ses émissaires à fin de vérifier la véracité de ce que cet homme venait de dire. Une fois retourné dans  son village avec les envoyés du Hogon ,   l’homme dit à ses parents qu’il vient de retrouver sa femme dans un autre village. Ses parents réagirent violemment en disant qu’il est devenu fou et qu’il fallait nécessairement le ligoter et le mettre hors d’état de nuire .Ainsi, avant toute chose on le prit et on le ligota pour qu’il ne puisse pas faire du mal aux autres. Au départ  on s’opposa à toute idée de sa libération mais, L’homme persista en disant qu’il n’avait pas menti  et que d’ailleurs les deux émissaires  qui le suivaient étaient ceux envoyés  par le HOGON pour vérifier si effectivement sa femme avait  eu trois enfants avec lui. Les parents le libérèrent. En plus des trois enfants et les deux émissaires du HOGON il retourna au village où il avait retrouvé sa femme.

Au retour de l’étranger, le HOGON s’entoura de ses conseillers, de ses assesseurs, et du bourreau chargé de l’exécution des condamnés.

Pour provoquer les réactions de la femme face à ses enfants qui seraient en danger, le HOGON ordonna qu’on prit un de ses derniers pour le faire exécuter par le bourreau .Même quand le bourreau se saisit d’un de ses  enfants  pour le  mener à l’exécution , celle là ne réagit pas . Elle continuait à dire que ce  n’étaient pas là ses enfants. Mais quand le bourreau voulu passer à l’acte, la femme se redressa sur ses céans et commença à supplier le HOGON pour qu’il ne fasse pas  tuer son fils et elle se mit à gémir et  à pleurer. Elle eut  le même geste pour les deux autres enfants que tour à tour le bourreau voulait exécuter. Elle fit savoir que les deux enfants aussi étaient les siens et ne devaient aucunement être amenés au supplice. L’instinct maternel avait triomphé des mensonges et des calomnies.

Le HOGON ordonna à ce que l’ancien mari retourne à la maison avec sa femme et ses enfants tout en s’adressant à l’assistance :

« Méfiez-vous des intrigues d’une femme » !

Hogon : chef suprême des Dogon

NB: C’est histoire est un des contes que les sages dogon racontent aux jeunes hommes en âge de se marier sous l’arbre à palabre.