Lagrenouille


Si seulement j’avais connu Stephen Hawking plus tôt…

Si mes profs de secondaire m’avaient mis entre les mains Une brève histoire du temps de Hawking, ma vie aurait peut-être été différente

La physique en secondaire m’a fait souffrir au point de me faire dire, trop jeune, que ce domaine des sciences n’était pas fait pour moi. Avec le recul, je me demande si la physique n’était vraiment pas faite pour moi ou alors si ce sont mes profs qui ont réussi à m’en détourner. Oui, c’est peut-être facile de jeter (une fois de plus) la pierre aux profs, (je suis prof de sciences hein !), mais vous allez peut-être me comprendre en lisant mes expériences en pédagogie de la physique en secondaire, à Schaerbeek, au tout début des années ’90.

Le prof de physique qui s’en fout

Alors voilà. En première ou deuxième secondaire, je ne sais plus trop (mais c’était avant le suicide de Kurt Cobain et après la chute du mur de Berlin) j’ai eu la joie d’avoir un tout jeune prof qui passait ses cours à nous raconter des blagues, à nous expliquer pourquoi une trompette émettait des sons différents du saxophone. Il nous demandait aussi si on savait pourquoi, en tapant sur un tapis sale, la poussière se contentait de tomber ou lieu d’être propulsée horizontalement. Tout cela était réalisé à l’aide de dessins à la craie sur un tableau noir, sans jamais aucunes couleurs. Le prof s’était un jour moqué de moi devant la classe quand j’avais réalisé, pour une interro, le schéma d’une trompette avec des cordes à l’intérieur… Je pensais que c’était l’origine des sons de la trompette. Mais non. Je n’avais rien compris à son cours, alors, j’inventais des instruments de musiques incohérents. Mais les sons qui en sortaient étaient tellement beaux…

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La prof de physique alcolo

En troisième secondaire, ma prof de physique était alcoolique. Elle nous a expliqué le fonctionnement du thermomètre. Merci, on ne savait pas ce que c’était. Et des trucs sur la pression aussi, du style « Blaise Pascal » mais on pensait « Blaise qui baise et bande à l’aise ». La prof arrivait en général saoule pour notre seule heure de physique de l’après-midi. Elle devait avoir la quarantaine à l’époque. Toujours en mini-jupe, les cheveux blonds, longs qu’elle avait gras. Elle était une fois tombée en classe, on avait vu sa culotte, horrible spectacle que cette déchéance humaine. Cette prof faisait des crises d’angoisse dans le noir et donc, on n’hésitait pas, en hiver, alors qu’elle menait notre rang en classe, à éteindre les lumières du couloir. Et elle se mettait à gueuler, ça faisait bien rire mes camarades de classe. Pas elle. Elle se remettait de ses émotions avec une lampée de mauvais whisky et nous racontait ensuite une partie de sa misérable vie. Moi, je ne rigolais pas toujours, je pensais à des trucs… Des machins abstraits, je ne sais plus trop quoi.

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La prof de physique par défaut

En cinquième secondaire, on a eu droit à « Stripe », la chef des Gremlins : c’était une vieille grosse et moche qui se déplaçait à l’aide d’une béquille et qui avait une mèche blanche en plein milieu de sa tignasse noire tirée en queue de cheval. Devant un tel phénomène, on s’était inventé l’histoire que notre vieille prof de physique s’était faite virer de sa centrale nucléaire après s’être irradiée elle-même et la moitié du personnel de la centrale. Une histoire digne de la série animée « Les Simpson ». Ou alors, que quelqu’un lui avait donné à manger après minuit (pour ceux qui connaissent les Gremlins) :

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En fait, la pauvre dame avait probablement été relocalisée dans l’enseignement après avoir été victime d’une restructuration au sein de sa boîte. Elle a alors tiré ses dernières années à donner des cours de physique avant la quille. C’est nous qui avons payé le prix de sa frustration : Mouvement Rectiligne Uniforme, Accéléré, ou pas. Et des virages aussi, avec des histoires de tangentes.  Elle gribouillait des équations qu’elle estimait « simples » au tableau. Celui qui osait dire qu’il ne comprenait pas ses « explications » se faisait traiter d’imbécile. « Tu es sensé savoir ça » nous enchaînait-elle. Elle était donc vieille prof. Dans ma tête, j’imaginais que je lançais des craies s’écrasaient sur son tableau, ça faisait des constellations sur un fond noir infini.

Une brève histoire du temps :

« Du big-bang aux trous noirs », l’œuvre majeure de vulgarisation de Hawking a été traduite en 35 langues ! C’est aussi 10 millions d’exemplaires qui se sont vendus depuis sa parution ! Et même pas un exemplaire de l’œuvre de Stephen Hawking n’a jamais atterri dans mes mains d’adolescent curieux : quel mystère de l’Univers ! Que nous serait-il arrivé si l’un de nos profs, au lieu de s’en foutre, au lieu de boire sa bibine ou au lieu de ruminer sa putain de vie, nous avait mis entre les mains « Une brève histoire du temps » ? On est d’accord, je le répète, c’est facile de jeter la pierre aux profs. Mais quand-même : qui à part eux auraient pu m’initier à temps à Hawking ? Oui, c’est vrai, j’aurais pu être curieux, chercher et tout ça, mais voilà, avec ces profs, la physique, c’était chiant. Pour mes potes, la physique c’était chiant. Pour mes parents, le mot « physique » voulait dire cours de gymnastique.

Et donc voilà. J’ai découvert Hawking trop tard. Et il est mort trop tôt, l’histoire de son temps a été (trop) brève.

S. Hawking, « Star Child » Crédit : NASA (Domaine public)

Quand on interrogeait Hawking pour savoir quelles personnes l’avaient inspiré, il parlait de Dikran Tahta, modeste prof de math. Oui rien que ça, un prof, mais qui aimait son métier. Parce qu’au fond, c’est de ça qu’on parle ici : de passion. On l’a ou on ne l’a pas. Si on ne l’a pas, eh bien, il faut changer de vie car si le dégoût est contagieux, la passion se communique.

Qui d’autre peut communiquer une passion mieux qu’un prof ou un vulgarisateur ? Car Hawking était le père des vulgarisateurs modernes : pas de prise de tête, il expliquait simplement son job, communiquait ses découvertes importantes, sans condescendance. Hawking, en plus d’être un grand cerveau, un chercheur hors-pair était un passeur de sciences. Nous, profs, nous devons être le relais de ces personnages d’exception puisque nous sommes en contact, tous les jours, avec des gamins en quête de sens, avides de savoir ! Nous devons communiquer, transmettre une passion.

En fait la vie, c’est vivre une passion. Sans passion à vivre et à transmettre, il n’y a pas de vie. C’est d’une certaine manière le dernier enseignement de Stephen Hawking qui, dans un Univers ou il n’y pas la place pour dieu, s’en est retourné à ses poussières d’étoiles.






Je vais me lancer des petites feuilles de papier autoadhésives amovibles

Les élèves ont eu l’idée de venir coller des petits mots à l’attention de leurs profs sur la porte de leurs locaux. L’occasion de me jeter quelques fleurs. Petites feuilles de papier autoadhésives amovibles ? Oui bon, des Post-it quoi… Mais je ne tiens pas à faire de la pub même si je considère ces petits papiers autoadhésifs amovibles comme une révolution en termes d’organisation (depuis 1977 quand-même !) Donc,…


Est-ce que gagner beaucoup d’argent fait vraiment le bonheur ? Une étude s’est penchée sur la question

Bingo ! Trente quatre millions d’euros sont arrivés dans votre poche alors que vous avez eu la bonne idée de tenter votre chance à l’ « euromillions » la semaine passée. Alors, le bonheur est atteint ?

Les scientifiques se sont sérieusement penchés sur la question et sont arrivés à la conclusion qu’on est le moins heureux quand on a du mal à boucler ses fins de mois… Mouais, jusque là, rien d’exceptionnel. Cependant, l’étude réalisée par D.Kahneman et A Deaton de (Université de Princeton aux États-Unis) « High income improves evaluation of life but not emotional well-being » montre que les personnes ayant des revenus supérieurs à nonante mille dollars ne sont pas plus heureuses que celles qui ont des revenus de vingt mille dollars par an.

Comment évaluer son bonheur ?

Dead-Kennedys-Punk
Dead Kennedy’s. Source : deadkennedys.com

Les personnes interrogées lors de l’étude s’estiment globalement heureuses dans la vie. Mais lorsqu’on s’attache à des aspects plus particuliers de la vie, les réponses sont plus nuancées, pourquoi ? Car on ne sait pas évaluer objectivement le bonheur. L’étude démontre qu’un événement sans importance peut nous faire voir la vie en noir ; un mauvais horoscope le matin par exemple peut nous faire oublier qu’on avait été content la veille… Aussi, nos images du bonheur sont des stéréotypes de notre société : voiture rutilante, portable qui tient dans la poche, télévision à écran plat 45365 pouces, etc. et sont globalement des objectifs pas toujours réalisables et donc, sources de frustrations.

Un salaire élevé procure tout au plus de la satisfaction. De quoi avoir l’occasion de se livrer plus souvent aux joies du shopping, pour ceux qui aiment ça. Mais aussi, un revenu élevé rime avec stress et anxiété. Sans faire l’éloge de la paresse, l’étude met également en évidence que l’illusion du salaire élevé comme gage de bonheur incite trop de personnes à se sacrifier au travail et ça, c’est moins bon ! On passe à côté de choses essentielles, on…

…perd sa vie à la gagner

Tenter de gagner plus d’argent impose de nombreux sacrifices, le temps que l’on passe avec ses amis ou sa famille ainsi que les loisirs ne sont plus des priorités, alors que ce sont là les réels moments de bonheur dans la vie ! N’allez pas me dire le contraire 😉

Profitez de la vie, c’est MAINTENANT !

Alors, le morceau de musique recommandé pour la lecture de cet article : Yuppie Cadillac, des Melvins et Jello Biafra au micro ! (Ce qui fait les Jelvins, en fait…)


Il tue un chat, le transforme en drone, remet en cause le sens de la vie et trouve des réponses en allant manger une brochette de bœuf

Et comme promis, un jour, sur ce blog (sans garantir que j’avais toute ma tête au moment de cette promesse), je vais vous parler d’aérobic.

https://littleanimalgifs.tumblr.com

Quand je pense qu’il y a des personnes qui ont cliqué sur ce post en pensant que j’allais réellement parler du type qui adapte des cadavres de chats sur des drones. Bon, si ça vous intéresse quand même, vous pouvez aller voir ici, c’est super glauque. Je pense même qu’il a été condamné…

Mais voilà, comme je tiens parole et que lors d’une fin de billet houleuse je vous avais promis de parler d’aérobic, j’ai bossé et vous ai préparé un petit sujet léger.

Alors voilà.

Vous vous dites « holala ! Lagrenouille qui va nous parler d’aérobic, ça va sûrement donner ça :

https://thedailywhat.cheezburger.com

ou ça :

https://raffaroffa.tumblr.com/

ou encore ça :

https://jalopnik.com/

 

Non, je vais vous parler de la vraie aérobic

Oui, c’est un nom féminin. On parle donc d’aérobic américaine. De la VRAIE aérobic comme je vous disais au début de cette phrase avec ses vrais champions, ses vrais acharnés du déhanchement et de la sueur sous short synthétique moulant :

https://giphy.com

L’aérobic, comme toute grande invention du vingt-et-unième siècle est apparue aux Etats-Unis en 1968 et dérive du terme « aerobic », (aérobie en anglais) et est l’invention du bon Docteur Kenneth H. Cooper.

 

L’aérobic comporte de nombreux bienfaits pour la santé :

  • Renforcement du tonus musculaire
Gym Muscles GIF
https://giphy.com/channel/gifscience
  • Renforcement du tonus cardiaque
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  • Souplesse
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  • Bienfaits psychologiques grâce au plaisir de l’expression corporelle, ce qui n’est pas le moindre effet de l’aérobic.
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  • L’aérobic est aussi un moyen de socialiser sur un banc solaire et peut favoriser les rencontres interculturelles
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https://giphy.com/channel/gifscience

L’aérobic comporte certains dangers

Il est cependant dangereux de faire de l’aérobic:

  • Avec des béquilles
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  • Accompagné de son chien (pour des raisons d’hygiène)
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  • Sur un tapis roulant
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  • Sans procédure claire
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  • N’oubliez pas de vous ménager des pauses entre les efforts, veillez à bien vous hydrater et faites attention à l’hypoglycémie :
https://giphy.com

L’aérobic débarque en France

Il faudra attendre 1979 pour que l’aérobic arrive en France et soit médiatisée à la télé dans l’émission de Véronique et Davina : Gym-Tonic à partir de 1980

Bon allez, moi je vous laisse, j’ai des exercices à faire, je dois tenir ma ligne.

https://giphy.com

Vous voulez en savoir plus sur l’aérobic ? Il y a une page wikipedia sur le sujet !

Et vous ? C’est quoi votre exercice préféré en aérobic ?

 


Des traces sur la plage révèlent qu’une chose terrible est en train de se passer

[Cliché en Nouvelle Pangée] Sur la plage, des traces, des grandes des petites, et des traces de pneus. L’Humain est là, en nouvelle Pangée.

traces plage
Pieds et pneus, traces d’Humains. CC E. Leeuwerck

En Nouvelle Pangée, sur une plage au Kenya à quelques heures en voiture au nord de Mombassa, un matin de janvier 2019, des traces : pneus de motocyclette et pieds humanoïdes.

Et même jusqu’à l’horizon des traces de pneus. Quelque chose de terrible est en train de se passer…

Traces sur la plage
CC. E. Leeuwerck

Il y a de cela plusieurs millions d’années, 3,5 millions environs pour être plus précis, les traces de trois supposés Australopithèques ont été laissées à un endroit que l’on appelle aujourd’hui Laetoli, dans le nord de la Tanzanie. Ce sont en tous les cas des traces bipèdes et ce qu’elles ont de remarquable, c’est que leur datation les fait remonter aux prémices de la bipédie chez nos ancêtres. Ils étaient trois, deux grands et un petit, probablement deux adultes et un enfant, ils marchaient certainement en groupe et le deuxième adulte essayait visiblement de marcher dans les traces du premier. Était-ce une famille ? Avaient-ils peurs ? L’enfant tenait-il la main d’un des adultes ? Est-ce que ça rassurait le deuxième adulte de marcher dans les traces de son compagnon ? Ou était-ce sa compagne ?

Ces anciennes marques de pied ont été laissées dans de la cendre volcanique humide. Les dangers étaient multiples pour cette petite troupe, des empreintes d’autres animaux ont été retrouvées tels que hyènes, lions, rhinos, dinofelis (un genre de tigre aux dents de sabre). En Nouvelle Pangée, les touristes viennent voir ces traces au milieu d’une plaine herbeuse où l’on a empoisonné les arbres dont les racines menaçaient de détruire les empreintes fossilisées, minéralisées. Mais à l’époque où les traces ont été laissées par trois individus supposés Australopithèques, on était loin de toute Pangée. Après leur passage, les marques ont été recouvertes à nouveau de cendres volcaniques, une couche de 30 centimètres qui a permis leur conservation, leur minéralisation et leur voyage dans le temps jusqu’à nos jours. Ces traces laissées par les contemporains de Lucy entre deux couches de cendres nous laissent supposer qu’ils fuyaient les fureurs de la nature. Sadiman, le volcan actuellement éteint au cœur du massif du Ngorongoro toise aujourd’hui les humains à 20 kilomètres de Laetoli ; c’est lui qui, il y a 3,5 millions d’années a craché sa rage géologique à la face des novateurs de la bipédie.

traces laetoli
Traces d’Anstrolpithèque à Laetoli, Tanzanie. CC Tim Evanson CC BY-SA (Flickr)

Et les traces, nos traces dans le sable, seront emportées à la prochaine marée dans les limbes de l’histoire de la vie sur terre. Les impressions de pneus ont été laissées par une mobylette, passée en trombe en transportant une jeune dame assise en amazone, au pagne chatoyant, hilare, agrippée à son compagnon au guidon, l’air heureux aussi ; ils étaient beaux de bonheur.

Ces empreintes éphémères sont témoins de deux choses terribles : que le bonheur est tout aussi éphémère que les traces sur le sable et de notre fuite face au danger, notre fuite en avant à l’apogée de l’anthropocène. Anthropocène ? L’Ère de l’Humain, un terme proposé pour caractériser l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre.

Nouvelle Pangée. Il y a 250 millions d’années, les surfaces immergées de la planète étaient réunies en un supercontinent, la Pangée. La tectonique des plaques a fracturé et séparé la Pangée en continents. Les segments à la dérive ont lentement développé des écosystèmes uniques avec leur propre biodiversité. Et puis, les humains ont commencé à se déplacer sur la planète. Les continents qui avaient été écologiquement isolés pendant des millions d’années sont reconnectés par les mouvements physiques des humains et ce qu’ils transportent : tout et rien. Le monde n’allait plus jamais être le même, connecté et affreusement uniforme. Bienvenus en Nouvelle Pangée.


Fabrique une chauve-souris à la maison !

Une expérience, toute simple, pour faire voler ta propre chauve-souris à la maison.

(Comme promis ;-))

Pour faire voler ta chauve-souris à la maison, tu as besoin :

  • d’une feuille de papier A4
  • d’un pic à brochette
  • d’une paire de ciseaux
  • d’un carton
  • d’un crayon ordinaire
  • de la colle à papier (facultatif)

Prend ta feuille A4 et réalise un premier pli de 2,5 cm de large. Répète le pli 7 fois et tu obtiendras une sorte d’ourlet de plis de papiers : c’est un profil d’aile.

CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck

Plie le papier, l’ourlet vers le bas. Ensuite, plie tes ailes à environ 1 cm du pli du milieu de la feuille : oui, ce n’est pas facile à expliquer… Mais voici des photos :

CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck

Après les pliages, tu dois avoir quelque chose qui ressemble à ça :
Sur l’une des ailes, place un carton découpé aux formes d’une aile de chauve-souris. Pour la découpe, tu peux t’inspirer du modèle ci-dessous :

CC : E. Leeuwerck

Les chauves-souris ont leurs ailes tendues par leurs 5 doigts. Le pouce est pointé vers l’avant et possède une griffe qui permet à l’animal de s’agripper. Les autres doigts allongés tendent la membrane de leur aile. Mais attention, leur index et leur majeur sont très proches lorsque l’aile est tendue, ce qui donne l’impression que l’aile n’est tendue que par 3 doigts au lieu de 4. La membrane est ensuite prolongée entre l’auriculaire (5ème doigt) et les jambes.

CC : aurythmedelavie.com

Histoire de faire le parallèle avec nos membres antérieurs à nous et mieux comprendre l’anatomie d’une aile de chauve-souris, voici le comparatif entre le bras étendu d’un primate bien connu (H. spaiens) et d’une chauve-souris :

CC : Arizona State University – Ask A Biologist

Trace le contour des ailes et découpe-les. Coupe les deux ailes en même temps, c’est mieux si c’est symétrique.

CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck

Place, à l’intérieur des plis de l’avant de l’aile, une partie de pic à brochette. Tu pourras éventuellement le fixer avec de la colle à papier. Ce bout de bois pourra jouer le rôle de l’os du bras de la chauve-souris. Aussi, ça permettra de donner une belle forme profilée à ton mammifère volant en papier :

CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck
CC : E. Leeuwerck

Il ne reste plus qu’à décorer si tu veux. Attention, la peinture et le liquide des feutres risquent de déformer les ailes ! Personnellement, je trouve qu’elles volent beaucoup mieux sans peinture. Si tu as le souci du réalisme, tu peux toujours faire une chauve-souris avec du papier brun ou noir sans devoir passer à la peinture après.

CC : E. Leeuwerck

Maintenant, tu peux passer aux tests !

Bon vol ! Et ne faites pas trop peur aux voisins avec ça…

 


On va sauver la planète. La preuve par l’absurde et en images (1)

[Clichés en Nouvelle Pangée] En Nouvelle Pangée, Homo sapiens rigole et échange des images sur Internet, plein d’images, avec ses collègues H. sapiens. Il se met en scène, lui-même et son environnement, il témoigne de l’absurdité de la situation dans laquelle il se trouve. En réalité, je ne sais pas si il en témoigne toujours car pour témoigner, il faut être conscient.  Ou alors, H. sapiens trouve tout ça drôle, tout simplement, en toute innocence puisqu’il croit être éternel, comme les dieux qu’il a inventé.

Je ne sais pas.

Je doute, je doute. 

Dans le scénario du pire.

La catastrophe est (parfois) niée.

Mais pas toujours.

 

Campagne « Save the Arctic » à Brno, République Tchèque. CC Greenpeace.

Source des images : partout et nulle part sur Internet : Pinterest, Team Jimmy Joe, Mueum of Internet, Bored Panda (…) Internet quoi.

Nouvelle Pangée. Il y a 250 millions d’années, les surfaces immergées de la planète étaient réunies en un supercontinent, la Pangée.  La tectonique des plaques a fracturé et séparé la Pangée en continents. Les segments à la dérive ont lentement développé des écosystèmes uniques avec leur propre biodiversité. Et puis, les humains ont commencé à se déplacer sur la planète. Les continents qui avaient été écologiquement isolés pendant des millions d’années sont reconnectés par les mouvements physiques des humains et ce qu’ils transportent : tout et rien. Le monde n’allait plus jamais être le même, connecté et affreusement uniforme. Bienvenus en Nouvelle Pangée.

Et pour accompagner tout ça :

https://www.youtube.com/watch?v=_tcW-j7KFgY


Le premier avion de l’histoire a été inspiré par l’aile de la chauve-souris

L’aile de la chauve-souris a été une grande source d’inspiration pour la conception d’objets volants, de Léonard de Vinci en passant par Clément Ader. Quelques explications.

Dessins originaux d’Ader pour le dépôt de son brevet d’invention de l’avion. Domaine public, https://commons.wikimedia.org

C’était en 1890 que Clément Ader faisait décoller le premier avion à moteur de l’histoire, « Eole », marquant ainsi, le début de l’aviation. Mais avant de concevoir son avion, Ader s’était procuré des Roussettes des Indes : d’énormes chauve-souris dépassant les 1,10 mètres d’envergure ; il les a observées voler dans une volière qu’il avait construite dans son jardin à Paris. Suite à ses observations, Ader conçoit le premier modèle d’Eole et tente un premier essai le 9 octobre 1890. Grâce à ses ailes et un moteur 4 cylindres à vapeur à brûleur à alcool, le premier avion à motorisé s’élève à une hauteur de 20 cm sur une longueur de 50 mètres ! Ce mini-vol se fait sans véritable contrôle de l’appareil, il faut dire. Des copies ultérieures d’Eole ont cependant réussi à voler plus efficacement.

Eole en vol, (avion III, 1897) le premier avion à moteur avec ses allures de chauve-souris. CC : Wikimedia Commons

Plus étonnant encore, selon moi (car plus ancien), ce sont les modèles d’ailes qui ont été imaginés par Léonard de Vinci pour voler !

Alors oui, d’accord, on pourrait me reprocher mon manque d’objectivité, dire que je vois des ailes de chauve-souris dans toutes les inventions planantes de l’Humanité mais Léonard de Vinci a réalisé les croquis de plus de 400 machines volantes dont quelques-unes à ailes battantes. Et là, avec les ailes battantes, il s’est retrouvé face à un problème : le poids des ailes était trop important pour être supporté par des bras humains et pour effectuer des mouvements de battements en même temps. La solution ? S’inspirer de la voilure légère des chauve-souris.

Dessins réalisés par Léonard de Vinci dans le but de concevoir une machine à voler. Drawingsofleaonardo.org
La nature, le vivant, est une grande source d’inspiration pour la technologie d’Homo sapiens. Imiter la nature pour le développement de technologies, c’est le biomimétisme. A ce sujet, on attribue l’un des premiers vols réussi à l’Ottoman Hezârfen Ahmed Çelebi en 1632 après s’être élancé de la tour Galata à Istambul et aurait parcouru une distance de plus de 3500 mètres ! Je me demande bien à quoi pouvait ressembler les ailes de son appareil… oiseau ou chauve-souris ?

En bon prof de bio, je ne résiste pas à l’envie de te faire réaliser une chauve-souris en papier, du biomimétisme pratique mais ça, ça sera pour la semaine prochaine !

Mais histoire de te faire patienter, voici une expérience de bionique : un avion en papier qui reproduit des mouvement d’être vivant, en l’occurrence, les battements d’ailes d’oiseau, ou de chauve-souris, c’est selon :

Merci de m’avoir lu, et parle des chauve-souris autour de toi !


Le racisme est une pseudo-science d’origine européenne

Suite à la publication de mon billet L’image du racisme et de sa diffusion sur l’agrégateur d’infos News Republic (si vous voulez me suivre sur News Republic, il faut télécharger l’appli, c’est par –> ici <– ) une foule de commentaires ont été postés, des gentils et des moins gentils, c’est intéressant. Mais que les commentaires soient gentils (merci pour le soutien ;-)) ou pas gentils (voire haineux), ils ne sont pas argumentés par des faits ou des références et sont souvent basés sur des opinions donc, forcément subjectives.

Human skin and hair. CC :Scan made by Olahus – Berghaus’ Physikalischer Atlas. Wiki Commons

Mais je le réaffirme : le racisme en tant que pseudo-science est une initiative d’origine européenne et le blanc y est placé au sommet d’une hiérarchie raciale, toute aussi subjective. Aussi, nous payons toujours le prix haineux de cette idéologie. Voici de quoi argumenter mes propos.

Pour commencer, si on parle de racisme, il faut bien le définir et pour cela, je reprendrai la définition du Réseau Canopé qui a réalisé tout un dossier sur le racisme et la xénophobie : Le racisme désigne communément une attitude d’hostilité, allant du mépris à la haine, à l’égard d’un groupe humain défini sur la base d’une identité raciale ou ethnique. Clairement, selon cette définition, le racisme n’est pas l’apanage des humains à peau claire mais de tout le monde et a été présent à toutes les époques historiques, on peut évoquer l’esclavage imposé par les Égyptiens, les Grecs antiques qualifiant de « barbares » les non-grecs par exemple comme étant des actes racistes. Et pour reprendre à nouveau le Réseau Canopé, Le phénomène se laisse assez facilement cerner dans ses manifestations idéologiques les plus explicites, liées à des contextes historiques précis (esclavagisme, essor des nationalismes, nazisme, ségrégation…).

Pourquoi alors – et c’est ce qui m’a valu autant de réactions dans mon précédent post – est-ce que j’évoque le racisme en tant que théorie d’origine blanche ? Pour les raisons suivantes : c’est en 1902 que le mot racisme a été utilisé pour la première fois en France et en Angleterre pour qualifier l’idéologie et l’action de groupuscules d’extrême droite. L’attitude d’hostilité, de mépris et de haine entre certains peuples existaient bien avant cela mais n’avait jamais été théorisée de manière aussi systématique que lors de l’invention du racisme en tant que théorie. La notion de race en tant que telle, pour tenter de classer les humains, apparaît beaucoup plus tôt avec des théoriciens tels qu’Emmanuel Kant par exemple (mais il y en a plein d’autres) et son ouvrage « Des différentes races humaines » , publié en 1775. Arthur de Gobineau a publié en plusieurs tomes de 1853 à 1855 son « Essai sur les inégalités des races humaines » et prône déjà la supériorité de la « race blanche » sur les autres. Un manuel d’histoire (Histoire de France, conforme aux programmes officiels du 18 janvier 1887 par C.S. Viator.) précise ceci :

« On distingue trois races humaines :

  • la race noire (descendants de Cham) peupla l’Afrique, où elle végète encore ;
  • la race jaune (descendants de Sem) se développa dans l’Asie orientale, et les Chinois, ses plus nombreux représentants, gens d’esprit positif, adonnés aux arts utiles, mais peu soucieux d’idéal, ont atteint une civilisation relative où ils se sont depuis longtemps immobilisés ;
  • la race blanche qu’il nous importe spécialement de connaître, a dominé et domine encore le monde. »

Ces tentatives de classification et de hiérarchisation se font en parallèle avec les développements de la systématique, la classification à visée scientifique du vivant en différents groupes initiée par le suédois Carl von Linné qui, dans sa première édition du Systema Naturae de 1735, divise H.sapiens (dénommé H. diurnus à ce moment, il sera renommé H. sapiens dans la deuxième version de Systema naturae de 1758) en cinq « variétés » ou « espèces » ; on peut de ce fait considérer Linné comme un précurseur du « racisme scientifique » .

Le réseau Canopé explique très bien la notion de race selon des critères biologiques : « À l’origine, le racisme a d’abord une assise biologique. Présupposant l’existence de groupes humains nommés « races », il postule que les membres de chaque « race » ont en commun un patrimoine génétique qui détermine leurs aptitudes intellectuelles et leurs qualités morales. Savants et littérateurs expliquent que ces « races » seraient hiérarchisables en fonction de la qualité de ce patrimoine, qui conférerait à certaines d’entre elles le droit, sinon le devoir, de dominer les autres. »

Le débat sur la hiérarchisation est populaire au début du vingtième siècle lorsque les puissances coloniales européennes se posent la question de savoir si le métissage serait un facteur de dégénérescence des races supérieures si les colons blancs ont des enfants avec les colonisés de races inférieures. Frédéric Régent reprend dans son ouvrage Esclavage, métissage, liberté le schéma simplifié appliqué à la taxonomie de la population de Guadeloupe au dix-huitième siècle :

Nègre et blanc donne un mulâtre ; nègre et mulâtre donne un câpre ; mulâtre et blanc donne un métis ; métis et blanc donne un quarteron, quarteron et blanc donne un mamelouk.

Assumani Budagwa dans son excellent livre Noirs, blancs, métis explique que le mot « Mulâtre » par exemple, dérive de l’espagnol « mulato », mulet, qui est le résultat du croisement entre un âne et une jument et qui se caractérise par l’infécondité. « Le débat sur la fécondité des métis a mobilisé tout un temps l’attention coloniale » explique A. Budagwa. A tel point, d’ailleurs, que des Congrès Coloniaux et des Congrès Universels des races ont été organisés dans plusieurs grandes villes européennes dans les années 1910 et 1920, la question du mélange de la race y était une obsession jusqu’à développer une véritable mixophobie – selon les propos de Pierre André Taguieff – qui systématise six présuppositions à la doctrine de cette peur du mélange des races :

  1. Chaque race correspond à un type humain qu’on présume stable.
  2. Il y a des types humains supérieurs et des types humains inférieurs.
  3. A chaque type correspond une qualité spécifique de « sang ».
  4. La valeur d’une race réside dans la pureté de son sang, la valeur raciale d’une population mélangée réside dans la proportion de sang de race supérieure qu’elle contient.
  5. Le métissage ou croisement entre races est un mélange de sangs. La procréation s’opère comme une « transfusion sanguine » censée transmettre aptitudes et inaptitudes. L’immigration elle-même conçue comme une « transfusion sanguine massive » autant que « comme greffe interraciale ».
  6. Le mélange détruit irréversiblement la qualité différentielle des « sangs », donc les valeurs spécifiques des races mélangées. Le métissage tend inévitablement à profiter à la race « inférieure » : il « médiocrise ».

Et, comme l’explique A. Budagwa au sujet des cette doctrine de la mixophobie, « le Congrès Colonial International et le Congrès Universel des Races en ont tiré des enseignements ou des arguments qu’ils utiliseront pour influencer les politiques coloniales en la matière. »

Je pourrais encore écrire longtemps sur ce qui a été dit et affirmé lors de ces congrès mais une chose essentielle est à retenir : d’un point de vue historique, la ségrégation entre les peuples et leurs origines n’a jamais aussi été affirmée qu’après sa théorisation raciste par les puissances coloniales européennes.

Cette tentative de théoriser le concept de race sera un échec puisque les développements modernes de la génétique ont déterminé que nous sommes une seule espèce, H. sapiens, et qu’il n’existe pas de groupes biologiques significativement différents au sein de notre espèce pour conclure à une quelconque validation du concept de races. Je vous propose de consulter l’article scientifique de Pigliucci, On the Concept of Biological Race and Its Applicability to Humans (2003) à ce sujet que je mets à disposition ici.

Malheureusement, le concept n’est pas mort pour autant et à muté en une sorte de « racisme culturel », préconisant une inégalité culturelle des peuples, parfois aussi associé à des concepts biologiques jamais démontrés. Bref, le concept de race est une chose très vague, que Monsieur et Madame tout-le-monde  semblent comprendre mais totalement incapable d’expliquer rationnellement. C’est sur cette ignorance et la peur des autres que surfent les discours haineux des extrêmes droites, avec ou sans cravates.

Pour illustrer cette confusion et la haine qu’elle suscite, je voudrais reprendre les points 5 et 6 de la doctrine mixophobe qui me font rappeler la base théorique du supposé Grand-remplacement,  théorie raciste développés par les intellectuels de l’extrême droite moderne. Le Grand remplacement ne vous dit probablement rien de grave mais vous en pensez quoi si on vous dit que le « Grand remplacement » est le titre du manifeste publié par le terroriste de Christchurch dans la matinée du vendredi 15 mars sur son compte Twitter, juste avant son passage à l’acte pour justifier le massacre de 50 personnes dans deux mosquées ? Le « Grand remplacement » est une référence à un ouvrage de 2011 de l’écrivain français Renaud Camus qui y développe la thèse du même nom. Il y dénonce un prétendu remplacement en cours des populations blanches européennes – ou occidentales– par des immigrés de couleur et en grande partie musulmans.
A oublier l’historique du concept de race et ses conséquences, à faire revenir ces théories maquillés par les cravates de l’extrême droite, on est en train d’accepter un terrible retour en arrière idéologique très dangereux. Accepter ces théories c’est remettre des barrières supplémentaires entre les peuples, discriminer, séparer. La ségrégation est le terreau de la haine. Et plus que jamais, il ne faut pas banaliser les propos de l’extrême droite, il faut les combattre par la raison.

Sur ce, je vous laisse avec l’atomique Sophia Urista dans le projet Brass Against et sa reprise de « Know your enemy » de Rage Against the Machine :

Lâchez-vous dans les commentaires !

J’adore débattre.

Pour en savoir plus sur le racisme et la xénophobie, voici quelques sites et lectures recommandées + références pour la rédaction de cet article :

Noirs, blancs, Métis, Assumani Budagwa, La Belgique et la ségrégation des métis du Congo belge et du Ruanda-Urundi (1908-1960), 2014

Esclavage métisasge liberté, Frédéric Régent. Ed Grasset 2005. (Lu dans A. Budagwa)

La force du préjugé, Pierre André Taguieff. Paris, La découverte 1988. (Lu dans A. Budagwa)

Le Réseau Canopé et son dossier pédagogique pour éduquer contre le racisme et l’antisémitisme.

L’histoire du racisme sur Vikidia pour trouver des moyens simples d’expliquer l’origine du racisme aux plus petits.

Aux origines du racisme, un dossier de la revue Sciences Humaines.

Une interview de Toni Morrison, une militante américaine, suite à sa série de 6 conférences « L’origine des autres ».

Les identités meurtrières, la fameux livre d’Amin Maalouf.

Résistances.be, le site belge de l’observatoire de l’extrême droite.

Le site du MRAX, Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

[Comment l’expliquer à mes enfants ?] Je cherche un moyen d’expliquer l’inexplicable à mes enfants : pourquoi des frères et des sœurs décident de tuer leurs propres frères et leurs propres sœurs pour une idéologie, pour un dogme, pour rien d’objectif, en fait ?


Première rencontre avec des roussettes

C’était difficile pour moi, à ce moment là, de savoir que j’allais les fréquenter et les suivre pendant quelques années, après en être presque tombé amoureux, un début de soirée d’octobre 2009. Vous comprendrez le coup de foudre après avoir vu une vidéo d’elles.

Premières rencontres

C’était un peu par hasard, en 2009 à la tombée de la nuit à Kigali au Rwanda, en plein cœur de l’Afrique que je les ai vues. Ce n’était pas facile à voir et donc, je n’étais pas sûr de ce que je voyais.

roussettes kiyovu
Roussettes paillées en plein vol, Kigali, Rwanda. Eric Leeuwerck CC-BY-NC

A une centaine de mètres de hauteur, des volatiles se déplaçaient en groupe et en ligne droite. Ça me faisait penser au vol des corbeaux mais ce n’étaient pas des corbeaux. La lune déjà placée dans le ciel rajoutait du mystère à la scène. En essayant de suivre le vol d’un volatile en particulier je me suis rendu compte que ça n’avait pas l’allure d’oiseaux, mais de chauve-souris. Pour les voir à une telle distance, elles devaient être sacrément grandes ! Je n’avais pas fait tout de suite le lien entre ces observations à la tombée de la nuit et les drôles de cris qu’on pouvait entendre certains soirs dans les arbres de mon jardin : c’étaient ces mêmes chauve-souris qui venaient manger des fruits dans les arbres, voici une vidéo d’elles tournée en décembre 2016 :

Fin septembre 2011, j’avais pu observer un groupe de chauve souris ; elles devaient être plusieurs centaines voire un millier à tourner au-dessus de Kiyovu, mon ancien quartier, une colline de Kigali. C’était spectaculaire, j’ai pu observer une extraordinaire maîtrise du vol : leurs ailes ont une envergure d’au moins cinquante centimètres pour les plus grandes et leur tête est loin d’être rebutante. J’ai aussi été étonné de constater que leur vol est semblable à celui des oiseaux, elles volent à vue et c’est pour cette raison qu’elles ont de gros yeux.

Cette grosse espèce de chauve-souris frugivore s’appelle la Roussette paillée africaine, Eidolon helvum : les individus ressemblent à de petits renards volants, sauf pour le teint de leur pelage, plus prononcé pour les mâles, jaune-doré. Et ça faisait du bruit, beaucoup de bruit, en pleine journée de cours. Je pensais que ces déplacements étaient normaux pour l’espèce, j’en ai donc profité pour aller les observer avec mes élèves. Je ne savais pas en fait qu’elles étaient en train de se faire chasser. Elles ont tournoyé deux jours et ensuite, ont disparu.

Un peu plus tard à l’école où j’enseigne, une élève m’a signalé une chauve-souris malade dans une rigole. Je l’ai récupérée mais je ne savais pas trop quoi faire. Elle était très faible. Elle rampait au sol, les membranes entre ses doigts étaient encombrantes au sol et son allure était beaucoup moins gracieuse que ses congénères que j’avais vu voler. Muni de gants, je l’ai prise, elle essayait de grimper sur mes bras mais n’a jamais essayé de me mordre. Elle semblait toussoter, sa respiration était sifflante.

A la fin des cours, je l’ai placée sur une branche d’un arbuste de l’Ecole, tête en bas, bien sûr. La roussette me suivait du regard. J’ai essayé de lui donner de l’eau, elle a refusé. Je n’ai pas su quoi lui donner à manger, je ne savais pas encore qu’elle était frugivore.
Je pensais que durant la nuit, elle allait se laisser tomber de sa branche pour reprendre son envol car, à la différence des oiseaux, les chauve-souris ne peuvent pas se donner d’impulsion depuis le sol pour prendre les airs : elles doivent atteindre un point élevé, en grimpant sur une arbre par exemple, en s’agrippant avec les griffes de leurs pouces et de leurs pieds, et ensuite se laisser tomber d’assez haut pour déployer leurs ailes et voler activement. Mais elle ne s’est pas envolée.

Le lendemain matin, elle était toujours là, morte, la tête tendue vers le sol, les yeux entrouverts et la langue sortie. Sa bouche entrouverte laissait apercevoir ses dents, ressemblant à celles d’un chiot. Avec ses ailes repliées autour d’elle, ses poignets de part et d’autre de sa poitrine, elle semblait dormir, comme un vampire dans son cercueil.

(Depuis, je vous rassure, j’ai réussi à en sauver quelques-unes ;-))

Je n’ai pas pu m’empêcher de saisir une aile de la Roussette et de l’étendre, c’était magnifique à voir, ses doigts fins, grêles qui tendaient cette membrane permettant un vol remarquable, un bijou de l’évolution.

Si vous voulez en savoir plus sur l’aile de la chauve-souris, j’ai fait un article sur Kidi’Sciences à ce sujet… Ça va de Léonard de Vinci en passant par Ader qui, pour construire le premier modèle d’avion de l’histoire a choisi le design des ailes de chauves-souris, des Roussettes des Indes. 

Eole en vol, (avion III, 1897) le premier avion à moteur avec ses allures de chauve-souris. Wikimedia Commons
Eole en vol, (avion III, 1897) le premier avion à moteur avec ses allures de chauve-souris. Wikimedia Commons

Bon allez, je partagerai avec vous un article sur l’aile de la chauve-souris la semaine prochaine sur ce blog et dans deux semaines, je vous expliquerai comment faire votre propre chauve-souris à la maison  😉


« Ne prenez pas ce que vous avez ici comme un acquis, il y a du sang derrière » [Comment l’expliquer à mes enfants ?]

Mardi trente avril nous avons organisé à l’école une journée de réflexion et de commémoration sur le génocide qui a eu lieu ici, au Rwanda, il y a 25 ans contre les Tutsis. Différents intervenants sont venus témoigner… Des récits poignants, vécus en chair propre.

Nos élèves sont très jeunes, ils ont entendu parler du génocide, dans les familles, parfois. On reste souvent souvent discret à ce sujet. Des personnes ont survécu et partagent parfois leurs récits. On en parle au cours, ils ont visionné des documentaires ou des films, mais on ne retire pas à nos ados leur belle jeunesse et leur innocence.

Mais la mémoire doit être transmise.

« Ne prenez pas ce que vous avez ici comme un acquis, il y a du sang derrière »

J’ai rarement vu mes élèves de quatrième secondaire aussi attentifs. Le militaire qui est venu témoigner dans notre groupe avait à peine 19 ans quand il a décidé de prendre les armes. Il était réfugié au Burundi en cette année 1989.

Novembre 1989… Ce mois-là, pour moi, c’est le souvenir de mon prof qui s’est mis à pleurer après la chute du mur de Berlin. Je finissais mes années de primaire, et un cycle de l’Histoire se clôturait, j’avais du mal à comprendre l’émotion des adultes, de mon grand-père aussi qui, lui, avait fait la guerre et passé quatre ans emprisonné en Allemagne ; il avait dépouillé le libraire du coin de la rue de toutes ses éditions spéciales de magazines et quotidiens du 9 et 10 novembre. Ce que je comprenais c’est que le monde n’était plus divisé en deux, qu’on allait arrêter de parler de bombes nucléaires et que l’humanité allait reprendre un visage humain. Douce innocence, belle jeunesse.

Au Rwanda, un jeune homme décidait de prendre les armes en 1989. « On avait 19 ans, on regardait Rambo, on croyait que c’était comme ça qu’on allait revenir au Rwanda. » Je dois avouer que j’imaginais qu’un militaire qui allait témoigner ça allait être un discours, sur la nation, l’amour de la patrie, le sacrifice. Il a évoqué l’amour de la patrie, certes, mais quand il arrivé dans son uniforme bleu de la force aérienne, il a regardé nos jeunes ados de classe moyenne, privilégiés, oui, il faut quand-même le dire, et on aurait dit qu’il s’était revu lui, à leur âge. « Vous savez, dit-il, j’étais un des meilleurs élèves de mon école, mais j’étais en marge de la société. Je n’avais pas d’avenir au Burundi comme réfugié et si je revenais au Rwanda, je n’avais pas d’avenir non-plus. Je n’avais pas d’autre choix. » La réalité était évidemment loin d’être comme dans un film. Ça a été dur de trouver les militants armés du Front Patriotique Rwandais dans la forêt qui de plus, était en déroute… Les pires ennemis des quelques militants de la guérilla étaient la faim et les maladies. Toutefois, la lutte devait continuer.

Au Rwanda, la société avait d’abord été classée entre Hutus, Tutsis et Twas par les colons. Ensuite, les Tutsis avaient été symbolisés par une allure, une taille et un nez ce qui les mènera à être discriminés aux sein de leur propre société, à ne plus avoir les mêmes droits que les autres. Ils ont très vite perdu leur humanité, et sont devenus des cafards, inyenzis ou encore des serpents, inzoka. Et les serpents, on les tue. Certains prétendaient même que les rebelles Tutsis armés avaient des cornes sur leur tête et une queue dans le bas du dos. La société s’est alors vite divisée, polarisée et des « hutus modérés », opposés aux plans futurs d’extermination, commençaient à être assassinés. Les humains d’un côté et le reste devait attendre son sort. Et en 1989, le sort des serpents et des cafards, était en train de se préparer. Les persécutions se répétaient, cependant les massacres qui allaient avoir lieu seront d’une ampleur horrifiante pour viser l’extermination des Tutsis.

Statuettes en bois
Statuettes en bois, Bujumbura. CC E. Leeuwerck

Évidemment qu’on a tous vu un uniforme rentrer, moi, mes collègues et nos élèves. Mais quand les yeux du militaire ont cligné, qu’il se retenait de pleurer, on a juste revu un gamin de 19 ans, un humain. « En 1993, nous explique-t-il, lors des accords de paix, lorsque nous nous sommes retrouvés face à face, les soldats des Forces Armées Rwandaises venaient voir derrière nous si on avait une queue et des cornes sur la tête comme on leur avait dit, mais ils étaient surpris de ne pas voir tout ça. Il y a eu de l’espoir à ce moment, on pensait qu’on allait rentrer au pays sans devoir nous battre. Mais ça n’allait pas se passer comme ça. »

Un élève demande : « Vous avez eu peur au front ? ».  « Oui, bien sûr. » L’homme devant nous, derrière son pupitre dans son uniforme bleu est toujours aussi ému. « On a tous peur, c’est ça qui nous tenait. J’avais l’espoir que mes enfants puissent vivre dans une société sans connaître la peur. Et puis, on survit un jour. Et puis, un autre. Et finalement on a l’espoir qu’on va terminer cette guerre vivant. Quand on est arrivés à Kigali, il y avait des morts, des morts partout. Et puis, on nous annonce qu’on a gagné. Les politiciens ont alors commencé à travailler et moi, je suis parti à la recherche de mes parents… » Il n’avait plus revu ses parents depuis son exil au Burundi, il retrouvera leurs dépouilles au milieu des cadavres amoncelés dans l’église de la Sainte Famille à Kigali.

« Vous avez tué ?« , demande un élève. « C’était la guerre », répond le militaire. Et ses yeux sont à nouveau humides. Et à ce moment, l’homme sort probablement l’une des phrases les plus importante de tout son témoignage : « Ne prenez pas ce que vous avez ici comme un acquis, il y a du sang derrière. » Je ne sais pas quel impact aura cette phrase sur nos élèves ados de la classe moyenne aisée du pays… »Il ne faut pas l’oublier. »

La mécanique génocidaire est cyclique. Ça commence par une classification, « eux » et « nous » et la fin du cycle est pire qu’un massacre, c’est le déni, on minimise les intentions, on minimise l’ampleur de la violence, on efface la mémoire de ce qui s’est passé. Et puis, ça risque de recommencer. Nous pouvons, nous devons casser le cycle génocidaire, nous avons le devoir de mémoire, nous ne pouvons pas oublier.

 [Comment l’expliquer à mes enfants ?] Je cherche un moyen d’expliquer l’inexplicable à mes enfants : pourquoi des frères et des sœurs décident de tuer leurs propres frères et leurs propres sœurs pour une idéologie, pour un dogme, pour rien d’objectif, en fait ? Je vous propose de m’accompagner dans ma réflexion afin de trouver une manière d’expliquer à mes enfants l’inexplicable.

Remarque : Un génocide, selon le « Genocide Watch » évolue en 10 étapes :

  1. La classification qui est la division des personnes entre « nous » et « eux » par des groupes en position d’autorité, selon l’origine ethnique, la race, la religion ou la nationalité.
  2. La symbolisation où l’on identifie des gens en tant que Juifs, Roms, Tutsis, etc. en les distinguant par des couleurs ou des vêtements symboliques (ou des cartes d’identité « ethniques » dans le cas du Rwanda)
  3. La discrimination lorsque le groupe dominant utilise la loi, les coutumes et le pouvoir politique afin de nier les droits d’autres groupes.
  4. La déshumanisation qui affirme par propagande la valeur moindre du groupe victime par rapport au groupe majoritaire, ils sont assimilés à des animaux, des insectes ou des maladies.
  5. L’organisation par la conception de plans de meurtres génocidaires, en général par l’État, son armée ou des milices.
  6. La polarisation, qui est l’amplification des différences entre les groupes par la propagande, l’interdiction d’interactions entre les groupes, les meurtres des membres modérés du groupe oppresseur.
  7. La préparation avec l’identification et la séparation des groupes victimes. Obligation de porter des symboles ; déportation, isolement et famine planifiée. Préparation de listes de mise à mort.
  8. Les persécutions lorsque les victimes sont identifiées et isolées en raison de leur ethnicité ou de leur identité religieuse. Au sein de l’État génocidaire, les membres des groupes discriminés vont parfois être obligés de porter des symboles les identifiant et biens et les propriétés sont souvent expropriées.
  9. L’extermination, début des massacres, perçus par les tueurs comme des actes « d’extermination » car ils croient que leurs victimes ne sont pas pleinement humaines.
  10. Le déni, la négation par les auteurs d’un génocide d’avoir commis des crimes. Le blâme est souvent rejeté sur les victimes et les preuves sont dissimulées, les témoins sont intimidés.

Sources :

Genocidewatch

Musée de l’Holocauste de Montréal

Une dernière remarque :

Ça me fait froid dans le dos de constater qu’en Europe, par exemple, le discours haineux de l’extrême droite (qui revêt une cravate et des allures tout à fait respectables quand il communique à la télé, à la radio…) arrive aisément à l’étape 4 par ses discours imagés concernant la partie de la population qui n’a pas, selon eux, assez de « racines » européennes ou à l’égard des migrants « envahisseurs », vecteurs de maladies telles que drépanocytose ou qui seraient des violeurs compulsifs. Dans certains cas, on en arrive à l’étape 5 lorsque des groupes violents s’organisent en sortes de milices « d’autodéfense » et s’en prennent directement à des personnes considérées comme « étrangères » à leur territoire. Peut-on même penser que l’on arrive à l’étape 6 si des militants anti-racistes se font menacer, tabasser, tuer ?


L’île aux chauves-souris, des roussettes paillées africaines au milieu du lac Kivu au Rwanda

Visite filmée d’une île au milieu du lac Kivu au Rwanda qui ressemble de loin au chapeau de Napoléon. Cette île est le refuge de milliers de roussettes paillées africaines, une espèce de chauve-souris quasi-menacée.

Roussettes paillées en plein vol. Eric Leeuwerck CC-BY-NC
Roussette paillée en plein vol. Eric Leeuwerck CC-BY-NC

A une heure en bateau à moteur depuis Kibuye, sur les rives du Lac Kivu au Rwanda se trouve l’île Tembabagoyi aussi connue sous le nom laissé par les colons d’île « Napoléon », pour sa forme. Mais ce n’est pas pour son aspect que je me suis rendu sur cette île en avril 2017, c’est pour sa population de grosses chauves-souris frugivores, des roussettes paillées africaines, Eidolon helvum. L’île est le refuge de plusieurs milliers d’individus de cette espèce au statut de quasi-menacée. Leur rôle est crucial pour les écosystèmes grâce à la pollinisation et la dissémination de graines d’arbres endémiques, j’en parle ici sur ce même blog.

Mais bon, assez parlé, voici la vidéo :

Les séquences de ma première visite sont complétées par les prises de vue de Bérénice Winderickx des chauves-souris sur l’île en décembre 2017.

L’agitation des roussettes sur l’île est inquiétante. Même avant notre arrivée, elles étaient déjà en l’air. Comme ce sont des bestioles nocturnes, elles sont sensées se reposer en journée or, ce n’est pas ce qui a été observé. Pourquoi elles ne se reposent pas ? J’ai quelques réponses. Même si l’île est en théorie un refuge pour Eidolon helvum, elle est régulièrement visitée par des troupeaux de vaches. Ça peut paraître étonnant, mais les vaches passent d’une île à l’autre à la nage, accompagnées par leur vacher en pirogue à côté du troupeau à l’eau. Les paysans profitent aussi de l’île pour s’approvisionner en goyaves, l’île en est bourrée (c’est pas pour rien que les chauves-souris frugivores adorent cet endroit) et en bâtons arrachés aux arbustes pour soutenir certaines de leurs cultures dans leurs champs.

Et puis, il y a les touristes qui souvent, acceptent que leur guide lance des pierres sur les arbres dans lesquels les roussettes s’abritent ou claquent des mains et sifflent pour effrayer les chauve-souris pour les voir en vol. En voici un exemple avec une vidéo tournée par des touriste sur l’île Tembabagoyi, tout le monde à l’air de se mettre à applaudir sous des « oh my god » et  « waw » :

Il n’y pas encore de véritable études d’impact de ces activités sur la population des roussettes paillées. Mais étant donné leur rôle important et leur statut, il est plus que temps de considérer cette île comme étant plus qu’un refuge à visiter téléphone à la main, mais comme un sanctuaire, une véritable réserve de biodiversité.

La semaine prochaine, je vous raconte ma première rencontre avec elles 😉


Comment l’expliquer à mes enfants ? L’image du racisme

Je cherche un moyen d’expliquer l’inexplicable à mes enfants : pourquoi des frères et des sœurs décident de tuer leurs propres frères et leurs propres sœurs pour une idéologie, pour un dogme, pour rien d’objectif, en fait ? Je vous propose de m’accompagner dans ma réflexion afin de trouver une manière d’expliquer à mes enfants l’inexplicable.

J’ai essayé, dans mon post précédent, de remonter le plus loin possible, selon moi, à l’origine de ce qui a pu être l’obsession des belges pour l’identité, leur identité, et leurs ambitions « civilisatrices »… Mais je ne sais pas dans quelle mesure ça pourrait parler à mes enfants. Je pense plutôt que je devrais commencer par un texte que j’avais publié sur ce blog en février 2015 dans lequel j’explique de quelle manière j’introduis mon cours sur le racisme à mes élèves de sixième secondaire :

Une image pour mieux comprendre le racisme

C’est pas facile de commencer un cours sur le racisme, on l’introduit par quoi ? Par un « bonjour, aujourd’hui je vais vous parler du racisme, alors, qui peut me dire ce que c’est qu’un raciste ? Hein alors ? Oui ? Toi ? Non ? Tu ne levais pas le doigt ? Non ? Tu te grattais l’aisselle gauche ? D’accord. » Ou alors, commencer par une image de « boneheads » (eh oui, on ne dit plus « skinhead » parce qu’il y a des skins militants antiracistes) égosillant leur haine les veines dilatées avec comme slogan sous l’image la phrase de Léopold Sédar Senghor : « Les racistes sont des gens qui se trompent de colère. » Très cliché tout ça.

Une fois, suite à mon intro sur le racisme, je me suis farci un « oh non, on va pas encore parler du racisme, on connaît ! » Je me suis senti bête devant ces ados blasés.

Suite à tout cela, j’ai opté pour une image d’intro. La voici :

Gabon - Chasse à l'éléphant
Gabon – Chasse à l’éléphant

Ensuite, je demande d’analyser la photo : qu’est-ce qu’on voit en premier, qu’est-ce qu’il y a au premier plan, en arrière-plan, etc.

Et qu’est-ce qu’on voit en premier ? Un homme, blanc, à la moustache rigolote, sur un éléphant visiblement mort. La photo en noir et blanc est ancienne et évoque la colonisation. Une dame aussi, toute guillerette est visible à côté du monsieur blanc. En arrière plan, une sorte de masse informe d’Africains en apparence, vu la teinte de leur peau, le regard hagard, pauvrement vêtus.

Voilà voilà.

En ce qui concerne l’évocation de la photo par les élèves, eh bien, on retrouve « la colonisation », « un braconnier avec sa femme », un « chasseur d’éléphant », etc.

Pour moi, cette image évoque le racisme, ni plus ni moins. Je m’explique. Le racisme est une philosophie, une conception qui vise à classer le vivant et qui dit qu’il y a un niveau de classification au sein des espèces : la race. Homo sapiens pour notre cas, selon les théories racistes est divisée en plusieurs races qui ont chacune leurs spécificités et qui ne sont pas égales. Ils faut donc les classer selon une hiérarchie toute subjective : la pensée raciste étant d’origine européenne « blanche », ce sont les blancs qui sont au sommet de la hiérarchie raciale (voir le commentaire et mise à jour en bas de l’article à ce sujet). Les races supérieures se distinguent des autres par leur intelligence, leur capacité à contrôler la nature et ses ressources. Les races inférieures, pour la plupart encore à l’état « sauvage », sont toujours intégrantes de la nature. Le monde « sauvage » s’oppose au monde dit « civilisé ».

On retrouve tout ces concepts racistes dans cette photo qui date des années 1930, prise au Gabon dans une mission évangélique.

En voyant la photo, l’œil est tout de suite attiré par la singularité, la hauteur et la lumière de l’homme blanc. Il domine la nature, il a tué un éléphant, un symbole de puissance de la nature. La femme est légèrement en dessous du monsieur, la pensée raciste impose le patriarcat (on ne parle pas de l’Humanité mais de l’Homme). Enfin, en arrière-plan, une masse de gens presque intégrée dans le décor naturel, peau foncée, hagards, chichement vêtus, étonnés devant l’appareil photo, la technologie, la magie de l’Homme blanc.

J’insiste bien sur le fait que le racisme n’est pas une théorie scientifique. Le projet scientifique raciste a été un échec, aucun gène particulier des races n’a été mis en évidence mais surtout, les critères physiques pris en compte pour la classification des races ne sont pas significatifs pour réaliser une discrimination (le terme est super bien choisi) au niveau génétique.

T’as pas compris ? Alors, ré-écoute « l’Oeuf » de Lofofora ! Album Lofofora, 1994 (Quelle année ! J’ai perdu plusieurs années d’acuité auditive à écouter ce morceau. Je ne regrette rien. Rock.)

« (…)
Nous sommes une seule race pour plusieurs couleurs.
Nous sommes tous sortis du même moule, du même oeuf,
Du sein de notre mère la Terre,
Au Sud comme au Nord toujours rien de neuf,
Tu le sais les terriens sont les seuls habitants
(…) »

Et le clip :


Pour le clip, je ne sais pas dans quelle mesure ça pourrait passer avec mes gosses… Mais le message, une seule race pour plusieurs couleurs, il est bon, surtout sur du Lofofora ! Cependant, en ce qui concerne mes enfants, vu qu’ils ont passé toute leur jeune vie au cœur de l’Afrique, c’est évident pour eux qu’il existe une grande diversité en ce qui concerne les tonalités de bruns chez les humains et ça ne fait pas vraiment de différence à leurs yeux, entre les humains. Le défi, dans ce cas, est de leur expliquer pourquoi certains s’obstinent à vouloir classer, séparer, haïr, détruire. Je pense que cette image du racisme est un bon début…

A bientôt sur ce blog.

N’hésitez pas à partager vos impressions, ça peut toujours aider.

REMARQUE (Mise à jour du 5 mai 2019) :

Suite à la publication de ce billet et sa diffusion sur l’agrégateur d’infos News Republic (si vous voulez me suivre sur News Republic, il faut télécharger l’appli, c’est par –> ici <– ) une foule de commentaires ont été postés. Suite à ces quelques commentaires, je pense qu’une mise à jour et des explications sur le contenu de l’article sont nécessaires…

Quelle est la définition du racisme ? « Le racisme désigne communément une attitude d’hostilité, allant du mépris à la haine, à l’égard d’un groupe humain défini sur la base d’une identité raciale ou ethnique. » On peut donc faire remonter les origines du racismes à loin, très loin historiquement et évoquer l’esclavage imposé par les Égyptiens, les Grecs antiques qualifiant de « barbares » les non-grecs par exemple comme étant des actes racistes, et ils le sont, sans aucun doute : « Le phénomène se laisse assez facilement cerner dans ses manifestations idéologiques les plus explicites, liées à des contextes historiques précis (esclavagisme, essor des nationalismes, nazisme, ségrégation…). » Le racisme n’est donc pas un fait exclusivement « blanc » comme je le ferais comprendre dans mon article.

Cependant, dans mon billet, j’évoque le racisme en tant que théorie (pseudo-scientifique), c’est-à-dire la tentative d’ériger le concept de race en notion scientifique ; c’est en 1902 que le mot « racisme » est utilisé pour la première fois en France et en Angleterre pour qualifier l’idéologie et l’action de groupuscules d’extrême droite alors que la notion de race en tant que telle, pour tenter de classer les humains, apparaît beaucoup plus tôt avec des théoriciens tels qu’Emmanuel Kant par exemple (mais il y en a plein d’autres) et son ouvrage « Des différentes races humaines« , publié en 1775. Arthur de Gobineau a publié en plusieurs tomes de 1853 à 1855 son « Essai sur les inégalités des races humaines » et prône déjà la supériorité de la « race blanche » sur les autres. Un manuel d’histoire (Histoire de France, conforme aux programmes officiels du 18 janvier 1887 par C.S. Viator.) précise ceci :

« On distingue trois races humaines :

  • la race noire (descendants de Cham) peupla l’Afrique, où elle végète encore ;
  • la race jaune (descendants de Sem) se développa dans l’Asie orientale, et les Chinois, ses plus nombreux représentants, gens d’esprit positif, adonnés aux arts utiles, mais peu soucieux d’idéal, ont atteint une civilisation relative où ils se sont depuis longtemps immobilisés ;
  • la race blanche qu’il nous importe spécialement de connaître, a dominé et domine encore le monde. »

Ces tentatives de classification et de hiérarchisation se font en parallèle avec les développements de la systématique, la classification à visée scientifique du vivant en différents groupes initiée par le suédois Carl von Linné qui, dans sa première édition du Systema Naturae de 1735, divise H.sapiens (dénommé H. diurnus à ce moment, il sera renommé H. sapiens dans la deuxième version de Systema naturae de 1758) en cinq « variétés » ou « espèces » ; on peut de ce fait considérer Linné comme un précurseur du « racisme scientifique« .

Le réseau Canopé explique très bien la notion de « race » selon les critères biologiques : « À l’origine, le racisme a d’abord une assise biologique. Présupposant l’existence de groupes humains nommés « races », il postule que les membres de chaque « race » ont en commun un patrimoine génétique qui détermine leurs aptitudes intellectuelles et leurs qualités morales. Savants et littérateurs expliquent que ces « races » seraient hiérarchisables en fonction de la qualité de ce patrimoine, qui conférerait à certaines d’entre elles le droit, sinon le devoir, de dominer les autres. »

Lorsque, dans mon billet, je parle de « la pensée raciste étant d’origine européenne « blanche »« , je place bien sûr cette phrase dans le contexte du développement du racisme en tant que théorie pseudo-scientifique où effectivement la race « caucasienne » (avec la peau blanche) avait été déterminée comme la race supérieure en termes biologiques.

Mais cette tentative de théoriser le concept de « race » sera un échec puisque les développements modernes de la génétique ont déterminé que nous sommes une seule espèce, H. sapiens, et qu’il n’existe pas de groupes biologiques significativement différents au sein de notre espèce pour conclure à une quelconque validation du concept de « races ».

(Je me parle à moi-même hein, mais je pense que cette mise à jour pourrait faire l’objet d’un billet sur le racisme… Rendez-vous la semaine prochaine alors !)

Pour en savoir plus sur le racisme et la xénophobie, voici quelques sites et lectures recommandées :

Le Réseau Canopé et son dossier pédagogique pour éduquer contre le racisme et l’antisémitisme.

L’histoire du racisme sur Vikidia pour trouver des moyens simples d’expliquer l’origine du racisme aux plus petits.

Aux origines du racisme, un dossier de la revue Sciences Humaines.

Une interview de Toni Morrison, une militante américaine, suite à sa série de 6 conférences « L’origine des autres ».

Les identités meurtrières, la fameux livre d’Amin Maalouf.

Résistances.be, le site belge de l’observatoire de l’extrême droite.

Le site du MRAX, Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.