seydounacro

Niessan/ Posséder la terre : une affaire d’hommes mais aussi de femmes

Au début, réticents à octroyer de grandes superficies aux femmes pour cultiver, les hommes, à Niessan, dans la commune rurale de Cassou, revoient leur position. Ce changement, en partie, est suscité par l’engagement des femmes elles-mêmes avec à leur tête Kantié Ido.

Se rendre à Niessan en saison pluvieuse s’apparente à une expédition. Le trajet est parsemé de découvertes : forêts touffues, chants des oiseaux, sentiers glissants, cris de joie des enfants au bord des routes, troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres en promenade. Le village est accessible au prix de la patience. 90 km de goudron au Sud de Ouagadougou et 70 km de voie non bitumée. Situé à 40 km de la commune rurale de Cassou, dans la province du Ziro, il ouvre ses portes à tout le monde. Arrivé au centre, après avoir traversé des champs et des habitations, un manguier majestueux, l’arbre à palabre, vous accueille. Pas besoin de se protéger du soleil, son feuillage est un parapluie. Sous son ombre reposante, hommes et femmes, jeunes et vieux se rassemblent. Là sont discutées généralement les questions importantes. C’est l’assemblée villageoise.

Depuis deux ans précisément, la terre est inscrite à l’ordre du jour des débats : loi n°034 du 16 juin 2009 portant régime foncier rural, vente de la terre, attestation de possession foncière rurale, sécurisation foncière des femmes. A Niessan, l’agriculture est l’activité principale. Les hommes tout comme les femmes vivent de la terre. Mais très peu de femmes avaient bénéficié jusque-là de grandes superficies pour cultiver. Elles sont dépendantes des hommes. Certaines cultivent dans les allées des champs de leur époux et d’autres disposent seulement de moins de 0,5 ha. « La femme n’a pas droit à un champ. Tu lui donnes une petite superficie tout juste pour la cuisine. Si tu lui donnes une grande superficie, et qu’elle n’arrive pas à cultiver, elle va t’accuser en disant que tu veux la rendre esclave, surtout si ses parents ont su », affirme David Tamain Nignan, un vieux du village. Malgré les réticences de certains hommes, les femmes demandent de grandes superficies pour cultiver. Elles font un plaidoyer auprès de leurs époux.

Ido Kantié, la voix des femmes

Les femmes de Niessan sont conscientes de leur valeur. Elles veulent jouer un plus grand rôle auprès des hommes. Et cela passe selon elles par l’obtention de grandes superficies de terres pour cultiver. Avec l’aide du projet porté par le Groupe de Recherche et d’Action sur le Foncier (GRAF) depuis 2011 sur la sécurisation foncière des femmes, elles ont donné de la voix. Leur porte-parole, Kantié Ido, reconnaît qu’elles sont en mesure d’aider mieux les hommes si elles possèdent de vastes superficies pour cultiver. « Le monde a changé. Tu dois inscrire ton enfant à l’école si tu veux qu’il soit quelqu’un demain. Nous sommes en train de vieillir. Et aujourd’hui, les petites superficies ne suffisent plus aux femmes. En ayant leurs propres terres, les femmes pourront aider les hommes dans les dépenses familiales, dans la scolarité des enfants. C’est pour cela que mon mari m’a donné 2 ha. Depuis ce jour, il y a une amélioration dans mes activités car j’arrive à avoir mes propres récoltes », soutient-elle.

Un champ qui fait la joie des propriétaires
Un champ qui fait la joie des propriétaires

Elle ne tarit pas de sérénité. Souriante et combattante, Kantié Ido est l’image de la femme de Niessan. Cette femme de taille moyenne mais fort dynamique a fait de la question de la femme son sacerdoce. A presque 50 ans, Kantié Ido ne veut point se taire. Elle se bat certes pour la prise en compte des femmes mais aussi pour leur responsabilisation. Selon elle, « dans ma mission, je ne fais pas de différence entre les femmes autochtones et les femmes venant d’ailleurs. Je m’engage pour la cause de toutes. Je travaille à l’information des unes et des autres. Je leur explique ce qu’il y a pour qu’elles comprennent car je suis leur représentante. J’essaie alors de les unir. »

Seydou NACRO


Voyage en taxi brousse : « entrez, entrez, serrez-vous ! »

L'essentiel pour certains c'est d'arriver à bon port. Crédit photo : indian-ocean-times.com
L’essentiel pour certains c’est d’arriver à bon port.

Le voyage en taxi-brousse relève d’un véritable marathon. Pour les non habitués, ils auront l’impression de vivre un calvaire.

 

« Vous allez où ? Venez, on va démarrer tout de suite. Donnez l’argent pour qu’on vous cherche le ticket ». Chaque voyageur est ainsi accueilli à la gare de l’Est, à Ouagadougou.
Aussitôt arrivé, des dizaines de convoyeurs vous assaillent pour choisir leur compagnie, avec en prime la classe affaires, c’est-à-dire à côté du chauffeur pour le prix de la classe économique.

A bon port, à coup sûr, vous y arriverez. Mais à quel prix ? L’attente, la patience, parfois la colère, vous passez par tous les sentiments. Et pour cause, vous voyagez en minibus. Pardon, en « taxi-brousse ». L’appel se fait à n’importe quel moment. Vous n’avez pas besoin d’être là deux heures avant le départ. Si vous êtes en retard, vous n’avez pas de soucis à vous faire. Car les minibus ne connaissent pas le retard. Un conseil : faites tout pour ne pas être à l’heure.


Voyager en minibus, c’est attendre les autres. Voyager en minibus, c’est s’asseoir dans telle position et reprendre telle autre. Voyager en minibus, c’est se plaindre, demander pourquoi on ne démarre pas. C’est aussi voir défiler plusieurs personnes faisant semblant d’être les chauffeurs. Ne soyez pas dupe ! C’est une stratégie pour réduire la tension en vous donnant l’espoir que le départ est imminent.

J’en ai fait les frais en me rendant à Zorgho, ville située à environ 110 km, à l’Est de Ouagadougou. Tiré à quatre épingles, j’ai été accueilli avec toute la considération due à mon rang. Pour une fois on m’offrait la classe affaires sans que j’en fasse la demande ou que j’y mette le prix. Ma valise a été prise et ma moto rangée dans la « soute ».

 

Pour se rendre à Zorgho, impossible d’éviter les minibus. Toujours présents sur votre chemin. Avec ces minibus, il y a de la place pour tout le monde. Et c’est ça le hic. Le chauffeur n’est jamais pressé. Et vous ne pouvez même pas lui faire la remarque parce que vous ne savez pas là où le trouver.

Ayant à peine quitté Ouagadougou, vous vous arrêtez. A peine au péage, vous vous arrêtez. Vous pouvez vous arrêtez une, deux, dix fois peut-être. Ni pour prendre du carburant à la station ni pour raison de panne mais pour prendre quelqu’un sur la route.
La voiture ne désemplit point. Il y a toujours de la place. Pour tout le monde, pour toutes les corpulences. Que l’on soit homme ou femme, vieux, jeune ou enfant. La place ne manque point. Il y a surcharge jusqu’à destination. On entre, on entre et on se serre. C’est la devise des « taxi-brousse ».

 

Seydou NACRO