Léon DJOGBENOU

Tirailleurs sénégalais. 70 ans après le « débarquement » du camp de Thiaroye

Le 15 août 2014 a marqué la célébration du 70ème anniversaire de l’héroïque débarquement de Provence en 1944. Ce 1er décembre 2014 marque aussi l’an 70 d’une autre opération militaire qu’on pourrait bien qualifier également de « débarquement » tristement célèbre. Il s’agit du « massacre » à coup d’artillerie militaire, de soldats africains dans le camp de Thiaroye. L’occasion de se souvenir de la mémoire de valeureux combattants ayant payé de leur vie la réclamation de ce qui leur revenait pourtant de plein droit. 

Tirailleurs sénégalais
Image de Tirailleurs sénégalais tirée du film « Camp de Thiaroye » de Ousmane Sembene. Crédit photo : johnvirtue.net.

« Sénégal : le camp de Thiaroye, part d’ombre de notre histoire », c’est le titre d’une tribune publiée par le journal français « Libération » et signée par l’historienne française Armelle MABON. En employant le terme la « part d’ombre de notre histoire », Armelle MABON n’a fait que l’emprunter à François Hollande, président de la République française. Car ce dernier a, au cours d’un discours prononcé le 12 octobre 2012 à Dakar au Sénégal, déclaré ce qui suit : « La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante qui en 1944 au camp de Thiaroye provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient pourtant battus pour la France. J’ai donc décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame afin qu’elles puissent être exposées au musée du mémorial. » Une position que François Hollande a réaffirmée à Dakar ce 1er décembre 2014 lors d’un discours d’hommage officiel aux soldats africains morts au cours de ce drame il y a 70 ans.

Les faits :

Nous étions le 1er décembre 1944, soit un peu plus de trois mois après l’héroïque débarquement de Provence qui finit d’affaiblir la redouble armée hitlérienne et qui contribua largement à la libération de la France du joug allemand. Nous sommes à Dakar au Sénégal, plus précisément dans le camp militaire de Thiaroye. Là étaient cantonnés des Noirs, soldats ayant combattu dans les rangs des armées françaises mais faits prisonniers entre temps par l’Allemagne. Libérés, ils étaient démobilisés et devaient rejoindre leur pays respectif. Car comme le terme générique de « Tirailleurs sénégalais » ne l’indique pas, les soldats désignés sous ce vocable n’étaient pas tous des Sénégalais. Ils venaient de presque tous les pays de l’Afrique occidentale française (AOF). Mais ils devaient tous passer par Dakar avant de rejoindre leurs familles dans leurs différents pays. La raison principale de ce transit était le paiement de la solde due à chacun de ces soldats.

 Dans sa tribune citée plus haut, Armelle MABON rapporte que des « notes officielles notamment une circulaire datée du 21 octobre 1944, précise que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre «indigènes» doit être entièrement liquidée, un quart du paiement devant intervenir en métropole et les trois-quarts au débarquement, afin d’éviter les vols durant la traversée. » Or, ces soldats qui devaient être renvoyés dans leur colonie d’origine ne perçurent pas la somme prévue avant  leur convoyage à Dakar. Ils s’étaient simplement contentés, avant leur embarquement sur Dakar, de promesses fermes de la hiérarchie militaire qui les a rassurés de ce que toutes les dettes à leur égard seraient  réglées une fois arrivés à leur lieu de transit. Mais, « les officiers stationnés à Dakar n’ont pas appliqué la réglementation, ce qui est contraire au principe de neutralité attendue dans l’armée et qui peut constituer un abus de pouvoir et un refus d’obéissance aux ordres de la direction des troupes coloniales », poursuit Armelle MABON qui a eu accès à différents fonds d’archives, en l’occurrence le rapport du général Dagnan faisant partie à l’époque de la hiérarchie militaire en charge des Tirailleurs sénégalais. Ces derniers « connaissant leurs droits, ont exigé le paiement de leur rappel de solde à Thiaroye » alors qu’on voulait les faire partir dans leurs pays sans leur avoir donné satisfaction. Erreur fatale de leur part. Des dizaines d’entre eux perdirent la vie et plusieurs autres furent blessés pour avoir réclamé leur droit. Dans son film bien documenté, « Camp de Thiaroye », sorti en 1988 et censuré pendant dix ans en France, Ousmane Sembène, par ailleurs ancien Tirailleur lui-même, montre comment le 1er décembre 1944 au petit matin à 3H, l’assaut fut donné sur le camp de Thiaroye où étaient regroupés les soldats mécontents. Le contingent militaire chargé de la sale besogne était composé de « gendarmes, renforcés de soldats et d’artillerie, appuyés par un char et des automitrailleuses et un half-track6 ». Le bilan effroyable de cette tuerie de soldats ayant combattu pour défendre la France est à mettre à l’actif ou au passif (c’est selon) d’officiers français ayant donné l’ordre de tirer dans le tas.

Devoir de mémoire.

Dans son « discours de Dakar » du 12 octobre 2012 , le président français François Hollande rappelle le « bilan officiel » qui est de 35 Tirailleurs tués. Or, dans son rapport du 5 décembre 1944, le général Dagnan, rapporté par Armelle MABON indique : « 24 tués et 46 blessés transportés à l’hôpital et décédés par la suite» ; « ce qui fait 70 morts soit une dissimulation de la moitié des décès, au moins ».

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Le président français, François Hollande en compagnie de son homologue sénégalais Macky Sall, lors de sa visite à Dakar en 2012. Crédit photo ; lemonde.fr.

Toujours à Dakar en 2012, François Hollande avait promis de donner au Sénégal les documents d’archives liés à cette « tragédie ». Il vient d’honorer sa promesse en remettant au « président sénégalais Macky Sall les archives françaises qui permettront d’établir toute la vérité sur ce massacre. » Elles permettront certainement de connaître beaucoup d’autres vérités restées cachées jusqu’ici. Mais au-delà de cette facette de l’histoire des anciens combattants africains ayant servi sous le drapeau français, c’est toutes les archives liées à la participation des Tirailleurs sénégalais aux deux guerres mondiales qui méritent d’être données aux pays africains d’où ils étaient originaires. Cela devrait aussi faire partie des « réparations » auxquelles François Hollande a fait allusion à juste titre dans son discours commémoratif du 70ème anniversaire du débarquement de Provence. A ce sujet, concluons notre propos comme nous l’avons introduit par une citation de l’historienne française Armelle MABON : « Je souscris à la volonté du président de la République de donner les archives au Sénégal mais pour que ce geste fort ait du sens et permette une réconciliation après tant de malentendus et de mensonges, il faut impérativement : restituer tous les documents officiels dans les archives ; donner le bilan sincère du nombre de morts ; révéler le lieu de leur sépulture ; nommer ces hommes qui ont été tués ; amnistier ceux qui ont été condamnés, la grâce ne suffisant pas ; reconnaître la spoliation du rappel de solde et la responsabilité de l’armée ; réhabiliter ces tirailleurs en leur rendant un hommage solennel. »


Bénin. Vote de la loi sur un nouveau découpage administratif : quelle place pour les archives nationales?

En février 2013, les parlementaires béninois ont voté la loi « portant création, organisation, attribution et fonctionnement des Unités Administratives locales en République du Bénin. » Si les dispositions de cette loi venaient à être appliquées, c’est non seulement l’administration territoriale nationale qui en sera modifiée, mais c’est aussi le quotidien des citoyens qui en sera affecté. L’entreprise appelait par conséquent du législateur de s’entourer de toutes les garanties pour sa réussite et surtout d’éviter toute tentative opportuniste. En cela, s’inspirer de la mémoire nationale consignée dans les archives en matière de gestion administrative n’aurait-il pas été salutaire? 

Siège de l'Assemblée nationale du Bénin
Siège de l’Assemblée nationale du Bénin à Porto Novo.
Crédit Photo : levenementprecis.com

Le projet des parlementaires béninois était d’autant plus noble que, à en croire les propos du M. Mathurin Nago, président de l’Assemblée nationale, c’est malheureusement pour « la première fois, depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale (c’est-à-dire en plus d’un demi-siècle d’indépendance) que le législateur s’intéresse à cette question qui relève pourtant du domaine de la loi…». Après avoir mis autant de temps pour s’y atteler, l’entreprise méritait alors que les honorables députés, chargés de légiférer sur la nouvelle carte administrative nationale, s’entourent de toutes les garanties pour sa réussite. On est alors en droit de s’interroger : ont-ils pris le recul indispensable pour s’inspirer du passé du Bénin en cette matière ? Quelle place ont-ils accordé aux archives nationales qui sont les seuls témoins infaillibles de ce qui s’est fait en matière de gestion de l’administration territoriale depuis la période coloniale ?

Disons tout de suite qu’il serait regrettable que cette montagne qui a poussé du côté de Porto Novo accouche d’une souris ou pire, que la montagne accouche d’un monstre. Le monstre serait alors que la loi votée par les députés, soit in fine, inapplicable, comme c’est le cas de celle ayant doté le Bénin de douze départements dont six le sont seulement de nom depuis qu’ils ont été créés, faute de structures administratives adéquates mais aussi à cause de dissensions socio-politiques. Il faut donc éviter un fiasco au bout du rouleau qui donnerait raisons aux Béninois déjà dubitatifs au sujet de l’applicabilité de la loi.  Des doutes, il y en a en effet, fondés ou non, sur la période choisie pour conduire le projet, période qui serait plus favorable à des visées politiciennes qu’à de réelles ambitions de développement pour le Bénin. En effet, trois élections nationales majeures se profilent à l’horizon : une cette année, si tout va bien (les Municipales), une en 2015 (les Législatives) et une également en 2016 (les Présidentielles). Certains soupçonnent ainsi des combinent politiciennes pour assouvir des desseins électoralistes. Ceux qui doutent de l’intention des dirigeants se fondent sur les maintes reports qui ont précédé l’examen de la loi avant son adoption ; reports dus aux profonds désaccords qui sont apparus entre les différents bords politiques à l’hémicycle. Mais sachant que les désaccords trouvent aussi leur origine dans la méfiance que les uns ont pour les autres, les archives auraient pu aider les députés à se doter d’une base de travail objective.

Les archives nationales constituent une source d’inspiration collective et permettent d’éviter les échecs du passé.

La méthodologie de travail des parlementaires pour élaborer la loi en question a surtout consisté en l’organisation de missions parlementaires à travers tout le pays pour « échanger avec les élus locaux et les populations de la nécessité de la création ou non de nouvelles unités administratives dans leurs entités territoriales et de les identifier le cas échéant », dixit Maturin Nago, président du parlement. On le voit bien, les sources documentaires traitant de l’administration territoriale au Bénin n’auraient pas été utilisées. Or, il est évident que tout comportement tendant à faire comme si l’administration territoriale au Bénin a commencé à partir de 1960, année de l’indépendance du pays, et comme si le recueil d’informations sur le terrain auprès des élus locaux, quel qu’ils soient, était suffisant pour avoir une loi satisfaisante, sera une garantie d’échec à ce projet de réforme administrative pourtant louable et salutaire. Plus que jamais, l’adage populaire qui veut qu’on tisse la nouvelle corde au bout de l’ancienne devait servir. Et pour cela, rien de telles que les archives nationales du Bénin, gardiennes impartiales du passé, pour renseigner sur ce qu’a été l’administration territoriale au Dahomey avec le colon, puis au Bénin.

Des travaux de recherche portant sur les actes législatifs et réglementaires en administration territoriale au Dahomey colonial entre 1890 et 1960, m’ont permis de me rendre compte que le colonisateur a laissé au Bénin un héritage précieux en termes d’archives liées à l’administration territoriale. Et ce serait très regrettable pour le Bénin de ne pas tirer parti des immenses documents d’archives conservés aux Archives nationales du Bénin sur ce sujet. Légiférer aujourd’hui sans tenir compte de ce passé serait faire preuve d’une myopie coupable et préjudiciable aux intérêts nationaux comme c’est déjà arrivé dans des situations où on a appris à regrets que le recours aux archives aurait pu préserver des patrimoines à jamais perdus. De cela, il en sera question dans un autre article consacré au même sujet.


Actualité africaine sur RFI. Les bonnes nouvelles sont-elles aussi rares sur le continent ?

Lundi 1er septembre 2014 sur RFI, dans l’édition du journal de 13 h 30 consacrée à l’Afrique. A la Une, six grands titres. Mais rien de réjouissant en termes de nouvelles. Le champ lexical  de la demi-heure d’information peut se résumer en un seul mot : crise. A se demander si le quotidien en Afrique est si sombre. 

Des scènes de combats armés dans un quartier général de de Tripoli en Libye.
Des scènes de combats armés dans un quartier de Tripoli en Libye.
RFI.

Comme à mon habitude, quand j’en ai le temps, j’allume mon poste récepteur à la fréquence de Radio France Internationale (RFI) à Cotonou, 90 FM, pour écouter les derniers développements de l’actualité africaine.  Le moins qu’on puisse dire, c’est que selon les informations données, il ne fait pas bon vivre sur le continent africain actuellement. En effet, sur trente minutes d’information, plus des deux tiers sont consacrés à des faits purement pessimistes.

Les six principaux titres développés n’ont rien de réjouissant

Pour commencer, crise au Lesotho parce que Thomas Thabane, le premier ministre du pays a pris la fuite et s’est réfugié en Afrique du Sud pour échapper à ce qu’il qualifie lui-même de tentative de coup d’Etat contre sa personne. Les ministres des Affaires étrangères de certains pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) se seraient réunis d’urgence à Pretoria pour se pencher sur l’affaire.

Ensuite, crise au Mali avec les revendications indépendantistes de groupes communautaires dans le nord du pays. Des pourparlers difficiles seraient en cours dans la capitale algérienne en vue de renouer avec la paix.

Mais aussi, crise en République démocratique du Congo, notamment au Nord-Kivu avec la mort, dans des conditions douteuses, du général Lucien Bahuma qualifié de « héros » de l’armée régulière qui lutte contre les groupes armés. Alors « les femmes de militaires ont organisé une marche de colère dans la ville de Goma. »

Egalement crise en Libye où divers groupes armés  font régner le chaos dans la capitale. A Tripolide violents combats seraient en cours pour le contrôle de l’aéroport et de l’ambassade des Etats-Unis.

Double crise, en République centrafricaine toujours en butte à des luttes fratricides. D’une part la Seleka, le groupe rebelle à l’origine des problèmes actuels du pays, aurait exclu ses membres ayant accepté de participer au dernier gouvernement formé pour tenter de sortir de la crise politique. D’autre part, Dieudonné Kombo-Yaya, le président de l’Autorité nationale des élections (ANE), déclare que la date butoir de février 2015 pour organiser de nouvelles élections et mettre fin à la transition est intenable ; en cause, l’argent qui manquerait.

Même le Sénégal n’échappe pas à cette avalanche de crises sur le continent. Là, il est encore question dans le journal de RFI de Karim Wade, célèbre prisonnier. L’ancien ministre et  fils de l’ex-président Abdoulaye Wade est poursuivi pour « enrichissement illicite et corruption passive ». Certains de ses partisans rassemblés devant la Cour de justice pour protester contre sa détention en ont profité pour lui souhaiter bon anniversaire à l’occasion de ses quarante-six ans.

Même si les faits évoqués dans le journal de RFI sont vrais, on peut néanmoins s’interroger sur leur choix.  Plus de vingt minutes sur trente au total, consacrées à des informations qui sont de nature à abattre le moral des auditeurs et à s’interroger sur la vie quotidienne en Afrique. Même la chronique de Mamane n’avait rien de son humour habituel. Car, pour Mamane qui était en vacances, l’actualité elle, ne l’était pas a-t-il dit. Il n’a pas manqué alors de nous rappeler que pendant qu’il était absent, Ebola faisait des ravages sans oublier d’autres événements tristes sur le continent dont Mamane a le secret d’en faire rire.

En Afrique, n’y a-t-il que ces genres d’événements pour occuper presque une demi-heure d’information à en parler ?


Bénin. Opération « port de casque obligatoire » : protéger la vie des citoyens ou leur extorquer de l’argent ?

L’opération « port de casque obligatoire » décrétée au Bénin est entrée en vigueur depuis le 02 août 2014. S’il est incontestable que la décision est salutaire pour la vie des citoyens motocyclistes, sa mise en oeuvre pose néanmoins problème. Des comportements émanant de certains éléments des forces de police dans les départements de l’Atlantique et du Littoral, laisse un goût très amer. On se demande alors si le but poursuivi est uniquement d’amener les citoyens à porter de casque ou plutôt de profiter de l’opération pour remplir les caisses de l’Etat. Témoignages.

Le port de casque par les motocyclistes à Cotonou
Le port de casque est désormais rentré dans les habitudes à Cotonou, capitale économique du Bénin.
Photo : lanationbenin.bj

C’est en janvier 2014 que le Gouvernement béninois a lancé une campagne de sensibilisation au port de casque par le biais du Centre national de sécurité routière (CNSR). Intitulée « Vive la vie, dehors la mort sans casque », la campagne visait à « alerter la population sur les dangers de rouler à moto sans protection. » Les citoyens concernés avaient alors jusqu’au 02 août 2014 pour se mettre en règle, après quoi la phase dite « répressive » devrait commencer.

Mais en amont se trouve un arrêté préfectoral pris en 2011 par le préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, Placide AZANDE. Ce dernier avait été très rapidement suivi par ses pairs des autres départements, notamment par le préfet des départements de l’Ouémé et du Plateau d’alors, M. François Houessou. Celui-ci est l’actuel ministre de l’intérieur, de la sécurité publique et des cultes. Devant la résistance des populations en 2011, les autorités préfectorales avaient été amenées à renoncer à mettre en application leur décision de faire porter obligatoirement des casques aux citoyens motocyclistes. Pourquoi alors ce réveil, en 2014, de l’opération « port de casque obligatoire » ? La nomination de M. François Houessou, grand défenseur de la décision mise en veilleuse depuis 2011, à la tête du ministère de l’intérieur, de la sécurité publique et des cultes, en est-il pour quelque chose? On le voit très actif depuis le 02 août, date de l’entrée en vigueur de « la phase répressive », pour défendre ardemment cette mesure qu’il entend faire étendre à toutes les localités du Bénin. C’est à tel point qu’il a organisé le 04 août passé une concertation des acteurs impliqués et préconise même la constitution d’un « comité de coordination » pour superviser l’opération à l’échelle nationale.

Nul ne peut aller contre la volonté du gouvernement ayant rendu obligatoire le port du casque. La décision doit d’ailleurs être saluée, d’autant plus que son respect est de nature à limiter les dégâts qui surviennent à l’occasion d’accidents de la circulation. Cependant, nombre de comportements de la part d’une frange d’éléments de la police nationale, laissent plus d’un interrogateurs sur l’intention réelle qui sous-tend cette opération.

Deux poids deux mesures : une application à géométrie variable sur le territoire national.

D’abord l’aire géographique de l’application de la mesure : deux départements sur douze. Il semble paradoxale que la décision qui devait avoir une portée nationale n’est appliquée principalement que dans deux départements (Atlantique et Littoral) sur les douze que compte le pays. Et en plus, dans ces deux départements minoritaires, seulement deux villes requièrent l’attention, Cotonou et Calavi. Pourquoi donc n’avoir focalisé l’attention que sur les seuls citoyens de ces villes ? En effet, dès le premier jour après l’expiration du délai accordé aux citoyens pour se mettre en règle vis-à-vis de la décision gouvernementale, les policiers ont envahi les principaux carrefours et artères des villes de Cotonou et Calavi. Des milliers de motos arraisonnées et emportées dans les différents commissariats de police de ces deux villes. Le nombre de motos concernées dans la seule ville de Cotonou est révélateur du chiffre total.

Ensuite une situation disparate à l’intérieur même des deux villes, Calavi et Cotonou, en ce qui concerne le statut des personnes dont les motos sont saisies. A ce propos, l’on note qu’à Cotonou, ce sont seulement les conducteurs de motos sans casque qui se voient confisquer leur moyen de déplacement. A Calavi par contre, même les conducteurs ayant porté de casque mais transportant de passager n’en n’ayant pas porté, tombent dans les mailles de la police. Une situation d’injustice qui a été à l’origine de nombreuses échauffourées à divers endroits. Or, aux dires de Messieurs Louis Tokpanou et Sylvain Zohoun, respectivement directeur central de la sécurité publique et directeur du Centre national de la sécurité routière, intervenus dans les médias et cités par le quotidien national « La Nouvelle Tribune » dans son édition du 06 août 2014, « la mesure ne concerne pas pour l’instant les passagers, ces derniers devant simplement être descendus des motos. »

Fiche de mise en fourrière

Une fiche de mise en fourrière de moto délivrée par la police à Calavi. Mention de l’infraction relevée : « Défaut de port de casque par son passager ». Une infraction qui ne devrait pourtant pas faire l’objet de saisie de moto selon les déclarations officielles.

Un excès de zèle manifeste de la part des forces de police dans certains cas.

Des scènes rapportées par des motocyclistes et certifiées par des témoins fondent davantage les interrogations sur les objectifs inavoués de cette opération. Morceaux choisis parmi les actes d’abus racontés par les victimes elles-mêmes :

  1. « Moi j’avais porté de casque mais j’avais transporté un ami qui n’en n’avait pas porté. Au moment où cet ami descendait à l’endroit où il devait s’arrêter, un policier nous a vu de loin. Quand je suis arrivé au niveau de ce dernier, il a saisi ma moto sous prétexte que j’ai transporté un passager n’ayant pas porté de casque. Même l’intervention de mon ami en question ne changea rien. »
  2. « On a saisi ma moto parce que j’ai porté un chapeau en dessous du casque. »
  3. « Dans la circulation mon téléphone portable a sonné. J’ai alors enlevé le casque pour prendre l’appel. Un policier qui m’a vu avec mon casque dans la main a saisi ma moto pour défaut de port de casque. »
  4. « Moi je n’avais pas porté de casque, mais à la vue des policiers, j’ai voulu déjouer leur vigilance. J’ai alors garé ma moto au bord de la voie; je l’ai fermée et je me suis éloigné. L’un des policiers qui m’avait aperçu est venu forcer le système de blocage de ma moto et l’a cassé. »

La hiérarchie policière et les autorités gouvernementales ne sont certainement pas ignorantes de ces cas d’abus sur le terrain. On comprend pourquoi le ministre de l’intérieur devait déclarer : « Il n’est pas question de brimer les populations. Il nous faut développer une nouvelle forme de communication pour expliquer le bien fondé du port de casque et ses avantages. »

Une question de cas de conscience : l’opération a-t-elle uniquement pour but d’amener les citoyens à porter de casque ou plutôt d’en profiter pour leur extorquer de l’argent ?

L’arrêté préfectoral servant de base réglementaire à l’opération, prévoit en son article 4 le paiement d’une amende en cas d’infraction. Une disposition imprécise ouvrant la voie à une amende fixée à 10.000FCFA jugée exorbitante au vue du pouvoir d’achat de la plupart des Béninois. Or, l’arrêté préfectoral a visé un décret vieux de 42 ans (Décret n°72-113 du 27 avril 1972, prescrivant le port obligatoire du casque pour les conducteurs et les passagers des engins à deux roues et assimilés munis d’un moteur thermique) qui a fixé l’amende, en cas d’infraction au port de casque, à 200FCFA. Les citoyens se demandent alors sur quelle base légale a été fixée l’amende de 10.000FCFA qu’ils sont obligés de payer avant de rentrer en possession de leurs motos illégalement saisies ? Les ressentiments se font encore plus forts dans le rang des motocyclistes qui sont contraints de payer, non pas parce qu’ils n’avaient pas porté de casque, mais parce qu’ils ont eu à transporter des passagers qui n’en n’avaient pas porté.

Amende payée au trésor
Reçu de l’amende de 10.000FCFA payée au trésor national par un motocycliste pour avoir transporté un passager sans casque; ce qui ne devrait pas être le cas selon les déclarations officielles.

L’opération « port de casque obligatoire » vise-t-elle seulement à protéger la vie des citoyens ou plutôt à leur extorquer de l’argent ? La question se justifie dans la mesure où en dehors de la lourde amende fixée à 10.000FCFA, les concernés doivent débourser, en sus, des frais de fourrière et d’autres frais dits de « frais de casse auto » fixés à la convenance des responsables des commissariats de police.

Frais de fourrièreFrais de fourrière
Un reçu de frais de fourrière payés dans les commissariats de police par toute personne dont la moto a été saisie.

Au commissariat de police de Calavi par exemple, ceux qui ont eu la chance de retirer leur moto dès les premiers jours ont dû payer 14.000FCFA ou 15.000FCFA selon la taille de la cylindrée de leur moto. Sachant qu’un casque au Bénin coûte entre 10.000FCFA et 15.000FCFA, si le but de l’opération était uniquement d’amener les citoyens à porter de casque, ne devrait-on pas les encourager à aller l’acheter simplement et revenir retirer leur moto au lieu de les taxer aussi lourdement ? Question légitime car, ceux qui s’étaient rendus dans les commissariats présenter leur casque et qui n’avaient pas de quoi payer l’amende, les frais de fourrière et de « casse auto », n’avaient pu retirer leur moto. Dans le même temps, ceux qui avaient pu s’acquitter de cette exorbitante somme d’argent avaient tout bonnement repris leur moto sans avoir forcément besoin de présenter de casque !

Frais de casse auto
Un reçu de frais de « casse-auto » payés dans le commissariat de police de Calavi par toute personne dont la moto a été saisie.

Des mesures appropriées attendues des autorités à divers niveaux.

Pendant ce temps, on note un silence incompréhensible de la part des autorités gouvernementales et de la hiérarchie de la police nationale qui, une fois encore, ne sont pas sans être au courant de ce traitement de la croix et de la bannière réservé à ceux qui se rendent dans les commissariats de police pour retirer leurs motos mises en fourrière. Alors que l’opération se poursuit et est censée s’étendre au reste des régions du pays, ces autorités sont attendues pour faire cesser les abus et, pourquoi pas, faire rembourser ceux à qui de l’argent a été pris indûment.


Le calvaire des Béninois pour régler leurs factures d’électricité et d’eau

Au Bénin, régler ses factures d’électricité et d’eau relève d’une véritable gageure pour les citoyens. Chaque jour, ce sont de longues files d’attente qui se forment devant les agences de la Société béninoise d’énergie électrique (SBEE) et de la Société nationale des eaux du Bénin (SONEB). Une situation qui n’est pas sans conséquences néfastes, tant pour les citoyens que pour l’Etat béninois.

Logos de la SBEE et de la SONEB
Logos de la SBEE et de la SONEB.
Crédit photos : Sites internet SBEE et SONEB

Jeudi 7 août 2014 au petit matin à l’agence de la Société béninoise d’énergie électrique (SBEE) de l’arrondissement de Calavi, département de l’Atlantique. Tenant à régler mes factures d’électricité ce jour et surtout voulant éviter cette fois-ci de me retrouver loin dans les interminables files d’attente qui se forment, je me levai tôt le matin. C’est la troisième fois que je me rends à cette agence pour tenter de régler mes factures d’électricité.

En effet, les deux premières fois où je m’y suis rendu, ce fut en vain. Et à chaque fois, ce fut le même constat qui m’amena à rebrousser chemin : une marée humaine massée dans l’enceinte ainsi qu’à l’extérieur de l’agence, chacun attendant son tour pour payer sa consommation de courant électrique. Cette troisième fois, Dieu merci, la situation est meilleure, mais non sans sacrifice de ma part : arrivé sur les lieux à 6 h 11 de bonne heure, j’étais le onzième client à prendre place dans le rang qui avait commencé à s’allonger au fil des minutes.

Une situation récurrente aux conséquences économiques énormes.

Alors que l’ouverture à la clientèle est prévue pour 7 h 30, chacun se voit dans l’obligation de se sauver du lit à une heure  » tôtive » pour espérer faire partie des premiers qui seront servis. Pire, il faut laisser ses activités professionnelles et passer une bonne partie de sa journée à attendre debout dans les rangs. Le constat est le même tant à Calavi qu’ailleurs au Bénin.

A l’échelle nationale, les citoyens, pour éviter de se voir priver du courant électrique nécessaire pour leur ménage et leurs activités génératrices de revenus, sont contraints de patienter, car la sanction de coupure du courant ne tarde pas à tomber après une facture non payée. Or, ce qui est vrai pour la SBEE, l’est également pour la SONEB.

On peut imaginer facilement le manque à gagner qu’une telle situation entraîne à tous les niveaux, pour les clients et pour l’Etat. Pour les clients de la SBEE et de la SONEB qui subissent un tel calvaire à chaque fin du mois, les heures, voire les jours passés pour le paiement de leurs factures d’électricité et d’eau doivent leur revenir très chers. Le temps n’est-il pas de l’argent selon l’adage populaire ? En vertu de cette vérité cardinale, il est évident que les Béninois font ainsi des pertes énormes sur leurs activités, le temps du règlement de leurs factures. Il en est de même de l’Etat quand ses agents doivent déserter les bureaux pour la même cause.

Multiplier les guichets de paiement pour décongestionner les agences.

Les autorités de ses deux sociétés d’Etat sont conscientes de cette situation préjudiciable pour tous. Pour y remédier, diverses solutions de paiement des factures ont été préconisées. Ainsi, nul besoin de se rendre nécessairement à la SBEE ou à la SONEB pour régler. Cependant, les habitudes ont la vie dure et beaucoup de Béninois ne semblent pas faire confiance aux moyens alternatifs de paiement, qui, il faut le reconnaître, posent quelques difficultés à de nombreux citoyens. Dans ce cas, il apparaît alors nécessaire d’étendre le réseau des deux sociétés en ouvrant d’autres guichets ou agences. Il en va de l’intérêt du Bénin, car le développement du pays en dépend dans une certaine mesure.


Smarty rejoint le groupe des musiciens chanteurs mis sur orbite par le Prix Découvertes RFI depuis 1981

C’est connu depuis hier soir. Le jury du « Prix Découvertes RFI 2013 » a rendu son verdict en faveur du Burkinabé Smarty. Sur douze finalistes venus d’autant de pays, c’est ce rappeur « atypique » qui a eu la préférence du public ainsi que du panel de spécialistes présidé par Asalfo du groupe Magic System. Smarty devient ainsi le trente-troisième gagnant du prestigieux Prix créé en 1981.

Smarty Prix Découvertes RFI 2013
Le chanteur Smarty, lauréat du Prix Découvertes RFI 2013
Crédit Photo: Site RFI

Ils étaient douze finalistes à concourir pour le Prix Découvertes RFI pour le compte de cette année. Depuis un mois environ et ce jusqu’au 20 octobre passé, les internautes devaient écouter des extraits de musiques des douze finalistes et voter pour le chanteur de leur choix. En fin de compte, c’est l’ancien membre du groupe « Yelen » qui a obtenu plus de voix que les onze autres concurrents. En effet, Smarty a largement remporté le vote des internautes en obtenant sept mille voix sur les quinze mille qui se sont exprimées. Le jury présidé par A’Salfo du groupe ivoirien Magic System a visiblement aussi été séduit par les talents du jeune chanteur venu du pays des « hommes intègres » et n’a fait qu’entériné le choix du public. Amobé Mévégué, un fin connaisseur des musiques africaines et membre du jury, en parlant du lauréat à la suite de sa désignation, a salué l’auteur « d’un rap authentique ancré en Afrique qui n’essaie pas de copier ce qui se fait ailleurs ».

Smarty joint au téléphone par RFI s’est dit très heureux et estime que « c’est l’un des jours les plus heureux de sa vie ». Jeune talent, Smarty n’a qu’un seul album à son actif (Afrikan Kouleurs) et n’est pas encore très connu du grand public. Ça tombe bien car justement le Prix Découvertes RFI est fait pour des artistes de cette trempe, c’est-à-dire un Prix destiné à « mettre en avant les nouveaux talents musicaux du continent africain ».

Smarty vient de rejoindre la liste privilégiée d’une trentaine d’autres musiciens chanteurs récompensés depuis la création du Prix en 1981.

Le Prix Découvertes RFI a été instauré en 1981. Ce fut à Dakar, capitale du Sénégal qu’il a été décerné pour la toute première fois. L’heureux élu ayant ouvert le bal des nominés est le Gabonais Jean Ondeno Rebiéno. D’ailleurs, c’est pour rendre hommage, tant à ce premier gagnant qu’à son pays d’origine le Gabon, que la cérémonie de remise du trentième Prix a été organisée dans ce pays-là en 2010. Parmi les lauréats du Prix, certains ont réussi à trouver leur chemin et à s’engager dans une carrière internationale. C’est le cas entre autres de  Tiken Jah Fakoly, Didier Awadi, Bélo ou encore le couple Amadou et Mariam.

Les pays francophones règnent en maîtres sur ce Prix car la majorité des gagnants depuis 1981 proviennent de ces pays-là.

Chaque année, l’organisation du Prix Découvertes RFI est une fête continentale. Le multilinguisme et la diversité musicale du continent africain y sont fortement représentés. Les gagnants proviennent tant des pays francophones qu’anglophones en passant par ceux lusophones. Cependant, on note une dominance des chanteurs francophones.

Le couple Amadou et Mariam
Le couple Amadou et Mariam originaire du Mali fait partie des artistes ou groupes d’artistes ayant remporté le Prix Découvertes RFI.
Crédit Photo: (Flick/CC)

Ainsi, sur trente-trois gagnants  depuis la création du Prix en 1981 à cette date, la majorité écrasante vient des pays francophones.  En effet, la répartition des gagnants  suivant les années (mises à part celles dont nous n’avons pu trouver les gagnants) et les pays se présente comme suit :

1981: Jean Ondeno Rebiéno (Gabon) ; 1982 Ottou Marcelin (Cameroun) ; 1983: Mamy Ralaivita (Madgascar) ; 1986: Lalatiana (Madagascar) ; 1990:Régis Gizavo (Madagascar) ; 1992: Le groupe Njava  (Madagascar) ; 1995: Maalesh (Comores) ; 1996: Coco m’bassi (Cameroun); 1997: Sally nyolo (Cameroun); 1997: Rokia traoré (Mali); 1999: Senge (Madagascar); 2004: Idrissa Soumaoro (Mali); 2003: Didier awadi (Sénégal); 2002: Rajery (Madagascar); 2001: Macase (Cameroun); 2000: Tiken jah fakoly (Côte d’ivoire); 2000: Wock (Sénégal); 2006: Bélo (haïti); 2007: Mounira mitchala (tchad); 2008: Mikea (Madagascar); 2009: Naby (Sénégal); 2011: Sia Tolno (Guinée).

Les non-francophones ayant remporté le Prix sont bien minoritaires. On peut en citer :

1999 : Mikidache (Comores); 1998: Mangu (République dominicaine); 1998: Chiwoniso (Zimbabwe); 2005: Tcheka (Capvert); 2010: Maurice Kirya, (Uganda); 2012: Elemotho, (Namibie).

Pour rappel, le Prix Découvertes RFI est ouvert aux artistes musiciens de l’Afrique, des Caraïbes et de l’Océan Indien. Chaque année, le gagnant du Prix reçoit 10.000 Euro et fait une tournée en Afrique et un concert à Paris.


Et si les pays africains privilégiaient les contributions de leurs diasporas aux programmes d’aide au développement ?

Cette interrogation pourrait paraître frivole ou même désinvolte pour certains. Mais c’est patent que dans le processus de développement des pays africains, leurs ressortissants expatriés prennent une part non négligeable. La forme la plus connue de leurs apports est l’envoi de l’argent aux membres de leurs familles respectives. Mais en dehors de ces contributions individuelles et isolées qui profitent seulement à quelques franges de la population, on voit de plus en plus une volonté affichée des Africains de l’extérieur à prendre part au développement de leur pays d’origine à travers des regroupements et des actions plus structurées. Une tendance qui se confirme d’année en année; de quoi réfléchir sur la place qu’il convient aux pays africains d’accorder aux apports de leurs diasporas par rapport aux programmes d’aide au développement.

Marché de fruits en Afrique
Marché de fruits en Afrique
Crédit photo : (Pixabay/CC)

Les Africains vivant en dehors de l’Afrique sont présents sur tous les autres continents, principalement en Europe et en Amérique (États-Unis, Canada, etc.). Les raisons de leur émigration sont multiples et varient d’un pays à un autre. Chaque pays africain compte des millions de ses citoyens à travers le monde. Le cas des Béninois qui ne sont pas des champions africains en matière d’émigration permet de prendre la mesure du phénomène à l’échelle continentale.  En effet, selon les statistiques de la Direction des relations avec les Béninois de l’extérieur (Drbe) du ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine, de la Francophonie et des Béninois de l’extérieur (MAEIAFBE), « l’effectif des Béninois de l’extérieur est estimé en 2009 à plus de 4 millions de personnes, soit environ la moitié de la population totale du Bénin », en cette année-là.

Quels apports des diasporas africaines pour le développement du continent ?

La crainte majeure que fait naître l’émigration massive des Africains vers d’autres cieux est sans doute la fuite des cerveaux qui ferait partir les bras valides et les esprits créatifs dont la synergie devrait contribuer au développement de l’Afrique. Mais à y voir de près, cette situation pourrait bien tourner à l’avantage du continent ; car tout porte à croire que les Africains expatriés sont de plus en plus déterminés à s’impliquer dans l’émergence du continent. Seulement, sur plusieurs années, ils se sont contentés, pour beaucoup d’entre eux, d’envoyer de l’argent à leurs familles restées au pays. Ces fonds servent essentiellement à faire face aux dépenses quotidiennes de ceux qui les reçoivent. Dans ce sens, la Banque mondiale estime que les « transferts représentent annuellement 300 milliards de dollars US, mais l’essentiel des montants envoyés par la diaspora dans les pays d’origine concerne une assistance à court terme  pour subvenir aux besoins familiaux en matière d’alimentation, de santé et d’éducation. Une part minoritaire de ces fonds contribue directement au développement de l’activité économique. »

La tendance change cependant depuis quelque temps et de nombreux experts internationaux sont unanimes pour reconnaître le rôle éminent de ces Africains quant à l’impact de leurs transferts de fonds sur le développement structurel de l’Afrique.  Selon Jonathan Howard du Business Council for Africa (BCA), une organisation pour les entreprises et les entrepreneurs qui font des affaires en Afrique subsaharienne, « personne ne sait vraiment à quel point la diaspora africaine est grande. Ce qui est certain c’est que la diaspora africaine joue un grand rôle dans la croissance du continent. Car la diaspora est plus que jamais déterminée à s’impliquer en Afrique. La dégradation de la situation européenne y est sûrement pour quelque chose et il existe tellement plus d’opportunités en Afrique. »

Dans ce même registre, un rapport commandité par le gouvernement béninois sur « l’impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social du Bénin » permet de noter que « les envois de fonds en provenance de la diaspora tournent en moyenne autour de 100 milliards F Cfa par an sur la période de 2004 à 2008, soit à peu près le double des recettes d’exportation du coton et 3 % du produit intérieur brut environ. » Les auteurs de ce rapport estiment que ces envois de fonds peuvent « contribuer significativement au développement national et local et peuvent jouer un rôle important dans la réduction de la pauvreté. » A l’échelle continentale, dans leur rapport intitulé « Démultiplier l’impact des migrations pour l’Afrique : envois de fonds, renforcement des compétences et investissements », la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) estiment à 40 milliards de dollars US, le montant des transferts reçus par les pays les moins avancés en 2010.

Face à cet afflux important d’argent vers le continent en provenance des diasporas africaines, ces dernières de même que les États africains sentent la nécessité d’organiser cet élan afin qu’il profite davantage à un développement pérenne du continent et touche le plus grand nombre des citoyens.

Des initiatives des diasporas par pays d’origine et à l’échelle continentale se mettent en place.

Les expatriés de chaque pays africain se mettent ensemble dans des organisations pour mieux participer au développement de leur nation d’origine. Des associations sont alors créées et servent de tremplin à la réalisation de projets sur place en Afrique. C’est le cas du « Collectif des Élus Français d’origine Congo-Kinshasa » dont le rôle est, selon Grégoire Mukendi, adjoint au maire d’Aulnay-sous-Bois en France et président dudit collectif de « Faire connaître le Congo en France et vice versa, promouvoir la coopération décentralisée ». Ce creuset prend en compte une dizaine d’élus congolais en France qui visent le développement de leur pays d’origine à travers des projets novateurs et l’apport d’expertises en matière de décentralisation.

Infrastructures portuaires
Pour se doter d’infrastructures modernes capables d’impulser leur développement, les pays africains doivent compter plus sur les capitaux en provenance de leurs diasporas.
Crédit photo : (Pixabay/CC)

C’est aussi le cas au Bénin du « Haut conseil des Béninois de l’extérieur » à travers lequel des partenariats décentralisés sont noués avec des élus locaux afin que ces Béninois formés pour la plupart en Occident apportent leur savoir-faire et aussi des capitaux. L’État béninois a vite compris l’importance d’un tel créneau en créant « l’Agence nationale des Béninois de l’extérieur » devenue « l’Agence Nationale de Migrations et des Béninois de l’Extérieur » (ANMBE). Cette agence est surtout chargée, entre autres, de créer les conditions optimales à l’investissement des Béninois de l’extérieur au Bénin. En dehors des cas de la République démocratique du Congo et du Bénin, la plupart des diasporas africaines ont des organisations analogues qui sont pour eux des cadres de participation à l’émergence de leur pays d’origine.

Par ailleurs, les diasporas africaines s’organisent également à l’échelle continentale. Des regroupements prenant en compte tous les expatriés africains naissent. Les plus connues de ces organisations sont, l’African Business Club (ABC) qui fédère les énergies de toutes les diasporas africaines et mène des actions en direction de toute l’Afrique. Il y a également « l’Observatoire international des transferts de fonds des migrants des pays les moins avancés » (OITFM) créé en 2006, lors d’un sommet ayant regroupé plusieurs chefs d’État africains « en réponse à l’importance croissante des transferts de fonds des migrants et de leur potentiel de développement pour les pays les moins avancés. »

Eu égard à cet élan de générosité de leurs diasporas qui sont déterminées à mettre la main à la pâte pour le développement du continent, les pays africains n’ont-ils pas intérêt à privilégier leurs contributions (tant financières, matérielles et en ressources humaines) aux programmes « d’aide au développement » mis en place par les institutions financières internationales et les pays occidentaux, sachant que cette « aide au développement » composée essentiellement de prêts dans bien de cas, plombe dans une large mesure l’économie des pays africains et handicape leur émergence ?


Thomas Sankara et les bâtisseurs de l’Afrique : un chemin d’espoir pour tout un continent

Cette semaine est marquée par le souvenir d’un digne fils de l’Afrique. Thomas Sankara. En effet, cela fait vingt-six ans qu’est assassiné l’ancien président du Burkina-Faso. Trois décennies environ après sa mort, les idéaux qu’il défendait sont toujours intacts. L’occasion de se rappeler d’autres anciens leaders dont la lutte pour une Afrique épanouie mérite d’être saluée.

Photo de Thomas Sankara
Crédit Photo: (flickr/Romano Martino CC)

Difficile de ne pas commencer cet hommage à Thomas Sankara par cette citation de Martin Luther King tirée d’un discours légendaire qu’il a prononcé le 23 août 1963 devant le Lincoln Memorial, à Washington, D.C. « I have a dream » ; « J’ai fait un rêve… » Le rêve de la liberté des Noirs Américains entièrement partagé par leurs frères du continent africain. Martin Luther King  disparu le 04 avril 1968, assassiné par des extrémistes opposés à la cause de liberté, de justice et de dignité de son peuple qu’il portait.

Impossible de parler de Thomas Sankara sans lier aussi son sort à celui de Patrice Lumumba assassiné le 17 janvier 1961 du fait de sa témérité exceptionnelle à tenir tête à l’envahisseur et à réclamer pour lui-même et pour ses compatriotes ce qui leur appartient et qui leur a été ravi.

Impensable d’évoquer la vie de Thomas Sankara sans penser également à l’ancien président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela. Lui qui, dans sa juste lutte pour l’abolition de l’inhumaine politique de l’apartheid, a eu un sort, il est vrai, un peu moins tragique que celui de Martin Luther King, Patrice Lumumba ou Thomas Sankara. Cependant, bien que n’ayant heureusement pas connu la mort physique effroyable de ceux-là, il fit injustement la prison pendant plus d’un quart de siècle et souffre encore jusqu’à ce jour de maux contractés dans sa geôle, maux dont il mourra certainement.

En dehors de ces cas cités, ils sont légion, les leaders Africains, à avoir payé de leur vie, leur tentative de prendre des initiatives pour l’émancipation de leur peuple. Ces dirigeants Africains assassinés, torturés ou réduits au silence étaient tous porteurs d’un rêve pour leur peuple respectif, tout comme Martin Luther King en a porté pour les Noirs Américains.

Le 15 octobre passé, l’Afrique s’est encore souvenu de l’un d’eux, Thomas Sankara.

Né le 21 décembre 1949 à Yako en Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Thomas Sankara fut un militaire accompli et talentueux, entré dans l’armée à seulement 19 ans. Son désir de changement des choses l’amena à s’intéresser à la politique. C’est ainsi qu’il fut ministre dans différents gouvernements de son pays avant d’accéder à la magistrature suprême le 04 août 1983 à la faveur d’un coup d’État dont il n’était pas l’initiateur.

 « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! » Pour Thomas Sankara, la liberté des citoyens passe avant tout.

Thomas Sankara était connu pour son franc-parler qui lui permettait de dénoncer les dérives autoritaires des pouvoirs politiques dans son pays et ailleurs en Afrique. Cette franchise était aimée de la majorité de ses compatriotes et appréciée au-delà des frontières burkinabés. Mais cela ne lui avait pas attiré que des amis. Qu’à cela ne tienne. Thomas Sankara mit en place dès son accession au pouvoir, une politique d’émancipation de son pays à l’égard de toutes puissances étrangères. L’acte symbolique le plus fort qu’il posa en cette matière fut le changement au pays. De la « Haute Volta » qu’il était, « nom issu de la colonisation », ce dernier devint en 1984 et ce jusqu’à ce jour, « Burkina-Faso », « qui est un mélange de moré et de dioula et signifie pays des hommes intègres »[1]. Pour lui, il ne faut pas « tenir le peuple en respect mais réserver tout le respect pour le peuple ». En cela, il se voulait exemplaire par son train de vie et celui qu’il avait imposé à tous les membres de son gouvernement. Les ressources du Burkina-Faso devaient servir exclusivement, selon lui, au développement de la nation et au bien-être des couches déshéritées.

Appel à une prise de conscience de la génération actuelle pour relever les défis du continent noir. La voix des héros nous parle.

En bon panafricaniste convaincu qu’il fut, l’exemple de Thomas Sankara est à propos pour éclairer les générations actuelles et futures de l’Afrique. Les défis qu’il voulut relever et dont il a été empêché sont toujours d’actualité et les traces de ses pas sont encore visibles sur des sentiers certes douloureux à emprunter mais qui méritent d’être suivis ; peut-être autrement. Refusons les voies de la fatalité, de la facilité et de la lâcheté. Tel est le cri de cœur de Thomas Sankara qui résonne encore fortement et qui dit : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte, ne mérite pas que l’on s’apitoie sur sort. Seule la lutte libère ».

Logo  de l'Union africaine
Crédit Photo: (Union africaine)
Logo de l’organisation de l’Union africaine. Invite à l’union des Africains pour relever ensemble les défis du continent.

Patrice Lumumba hier ne disait pas autrement ; y compris Nelson Mandela aujourd’hui. Sachons que par les luttes de ces derniers, des parcelles ont été conquises ; mais « nous ne sommes pas encore libres. Nous avons [seulement] atteint la liberté d’être libres ».

Thomas Sankara est mort, assassiné, comme tous les autres. Mais les idéaux qu’il portait ne sont pas assassinés.

Donc la voix de ces héros doit continuer de se faire entendre dans le cœur des Africains, particulièrement des jeunes à qui revient la responsabilité de l’avenir de l’Afrique. Cet avenir commun ne doit point être trahi et vendu pour des intérêts partisans et égoïstes.

Sankara est mort laissant des idéaux qui ne peuvent mourir !

Le rêve de Martin Luther King se réalisa, du moins en grande partie, les Noirs Américains pouvant jouir aujourd’hui d’une plus grande liberté grâce aux luttes d’antan. Le rêve de Thomas Sankara, celui de Patrice Lumumba, Nelson Mandela et d’autres encore, pour une Afrique débarrassée des préjugés et des liens qui la retiennent captive doit aussi se réaliser. Cela est possible grâce aux jeunes générations ; grâce à chacun de nous. Car demain l’Afrique, une autre Afrique est possible !


[1] Thomas Sankara , [En ligne]. https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Sankara (Page consultée le 11 octobre 2013).


Actualité africaine : les faux descripteurs de l’Afrique

L’Afrique est trop souvent traitée dans les médias internationaux sous un angle qui lui est très défavorable. L’image qui est projetée d’elle est celle d’un continent arriéré dont les habitants vivraient dans des souffrances atroces. Or des réalités profondes de l’Afrique et le quotidien de ses habitants prouvent tout le contraire. L’afro-pessimisme est une fabrication de gens qui s’en servent pour leur propre satisfaction.      

Fausse image de l'Afrique
Crédit Photo: (Pixabay/CC)
Symbole d’une Afrique mal comprise et mal caricaturée. 

Si je vous dis « Afrique », à quoi pensez-vous immédiatement ?

Sans doute à : des guerres – la famine  – la malnutrition  – la pauvreté – des maladies rares ou négligées  – l’immigration clandestine – des élections tripatouillées ou contestées  – des chefs d’États s’accrochant au pouvoir à vie  – des révisions opportunistes de constitutions  – des routes inexistantes ou dégradées  – des écoles et universités insuffisantes ou inadaptées  – l’informel prédominant dans pratiquement tous les secteurs  – la corruption endémique ou encore à une administration favorisant la léthargie du continent etc.

Voilà en quelque sorte le champ lexical qui décrit l’Afrique par défaut dans l’imagination collective. Un champ lexical de chaos, de désespoir et de misère injustement façonné et amplifié principalement par les médias (radios, télévisions, presse écrite …) à l’interne comme à l’externe du continent, à coup de mots et d’images dégradants pour évoquer l’actualité sur le continent. Si des faits hélas réels, forcent à cette triste représentation, savez-vous cependant qu’heureusement ces faits ne sont que la face émergée de l’iceberg, c’est-à-dire l’infirme partie des réalités profondes de l’Afrique  et de ses habitants ? En effet :

– Pendant qu’on décrit l’Afrique comme étant très pauvre, très endettée et à la traîne des autres continents, c’est elle qui fournit pourtant une grande partie des matières premières qui assurent encore le développement et la survie de nombre de pays de ces continents à cause des richesses de ses sous-sols en divers minerais et ressources ;

– Pendant qu’on braque les caméras de l’actualité sur les quelques milliers d’immigrants clandestins Africains vers l’Occident pour témoigner de la misère qui prévaudrait sur le continent noir, là pourtant de multitude autres millions de jeunes refusent la fatalité et s’investissent pour développer l’Afrique à partir de l’intérieur ;

– Pendant que l’économie et les finances des pays occidentaux sont dans la récession chronique depuis plusieurs années sans que les dirigeants de ces pays ne sachent à quel saint se vouer, l’Afrique affiche une santé économique et financière reconnue robuste par les experts internationaux et enviée par bon nombre de pays en dehors du continent ; or

– Pendant qu’on amplifie dans les médias l’immigration économique de quelques milliers de jeunes Africains vers l’Occident pour mettre en avant la misère du continent, on parle à peine des milliers de jeunes occidentaux qui font le chemin inverse, en raison même des crises à répétition dans leurs pays d’origine, à la recherche d’un mieux-être et d’un refuge en Afrique ;

– etc.

Ces réalités patentes dont on ne parlent pas souvent méritent d’être relevées pour être connues de tous.

Certes l’Afrique souffre de maux sans doute plus exacerbés qu’ailleurs à cause de l’inconscience et de l’égoïsme de certains. Mais l’Afrique ne se résume pas à des maux sans remède et à la souffrance persistante comme le laissent croire de nombreux personnages aux intentions inavouables et des médias à la quête du sensationnel. Il existe en Afrique des réalités très peu connues parce que très peu médiatisées et qui font d’elle le « continent d’avenir »[1] ; des réalités qui font la joie et le bonheur de ses habitants. Des réalités qui sont autant de raisons d’espérer en l’Afrique.

Vallée en Afrisue
Crédit Photo: (Pixabay/CC)
L’Afrique dispose de vastes terres et vallées cultivables, regorgeant de multiples ressources.

« Demain l’Afrique, une autre Afrique est possible« , le présent blog, se destine de faire échos à cette face cachée de l’Afrique très peu connue.  Au lieu de l’afro-pessimisme ambiant, nous voudrions donner à lire, voir et entendre quelques unes des innombrables raisons de joie et de bonheur sur le continent noir.  En lieu et place des raisons légitimes de désespoir qui poussent les jeunes Africains à émigrer vers un hypothétique eldorado, nous voudrions mettre en avant des initiatives, projets et réalités qui sont autant de raisons qui doivent amener ces jeunes à rester et participer au développement du continent.  Vous êtes invités à contribuer à la réalisation de ce projet à travers vos critiques et suggestions, contributions et commentaires dans ce blog. Car demain, l’Afrique : une autre Afrique est possible.


[1] – Blake, Aurore, Roisine, Alexane. Afrique, le continent d’avenir, [En ligne]. https://www.economiematin.fr/les-experts/item/5994-afrique-developpement-emploi (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Braw , Elisabeth. L’Afrique 2.0, le continent de toutes les réussites, [En ligne]. https://journalmetro.com/monde/191713/lafrique-2-0-le-continent-de-toutes-les-reussites (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Fondation Dauphine. L’Afrique: le continent d’avenir? , [En ligne]. https://www.fondation.dauphine.fr/la-fondation/nos-actualites/nos-actualites-vue-detaillee/article/lafrique-le-continent-davenir-1 (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Attali, Jacques. L’Afrique, notre avenir, [En ligne]. https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/l-afrique-notre-avenir_829344.html (Page consultée le 11 octobre 2013)

 


Immigration clandestine : Lampedusa m’a fait changer d’avis

Les résultats de la saison 2013 – 2014 du concours Mondoblog auquel j’ai participé ont été donnés aux lendemains du énième drame qui a frappé l’Afrique à la porte de l’Europe. Une fois retenu j’ai la charge d’animer un blog sur un thème de mon choix. Alors que mon idée de départ était de traiter des réalités de l’Afrique qui justifient des drames qui frappent le contient, celui qui eut lieu à Lampedusa, propre à me conforter dans mon choix de départ, m’a amené plutôt à changer d’option.

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Crédit Photo: (Pixabay/(CC)
Des bateaux de fortune transportant des migrants Africains font fréquemment naufrage au large des cotes européennes

Parlant de drame de Lampedusa, je suis certain que je n’ai pas besoin de donner de précisions ; tant la seule évocation de ce lieu désormais tristement célèbre fait automatiquement penser à l’immigration clandestine d’Africains. Ces derniers dont des milliers perdent la vie dans les mers et océans privant leurs pays d’origine d’autant de bras valides et d’esprits créatifs. Ce triste événement était encore à la une de l’actualité quand les résultats de la saison 2013 – 2014 du concours Mondoblog auquel j’ai pris part sont donnés.

Je fus naturellement ravi d’apprendre que j’ai été retenu pour faire partir désormais de l’aventure Mondoblog dont plusieurs blogueurs sont en Afrique et parlent de l’Afrique. Comme bon nombre de médias (radios, télévisions, presse écrite …), plusieurs blogueurs Africains font échos aux maux dont souffre l’Afrique avec des mots souvent dégradants : malnutrition, famine, pauvreté, guerres, dictature, privation de libertés etc. Ce sont des réalités certes indéniables qui prévalent dans une grande partie de l’Afrique et je dois avouer que je m’étais moi aussi préparé à emboucher la trompette de la litanie des problèmes de l’Afrique. En réfléchissant au premier billet que j’allais écrire sur mon blog qui devait s’appeler « Les paradoxes de chez moi », Lampedusa me vint naturellement à l’esprit.

Mondoblog
Crédit Photo: (Mondoblog)
Mondoblog, pour la promotion de l’expression francophone sur le web. 

Je dénoncerais alors dans ce billet-là les politiques suicidaires des décideurs élus ou nommés en Afrique, lesquelles politiques engendrent l’immigration clandestine des habitants de ce continent vers l’Occident ; j’y mettrais en avant l’inexistence d’infrastructures et d’opportunités pour les jeunes, ce qui les pousserait, à raison diraient certains, à tenter l’aventure téméraire et autodestructrice du voyage dans des embarcations de fortune sur des mers et océans agités ou sur des voies arides et désertiques ; je n’aurais certainement pas manquer  dans ce premier article de mettre en cause les pays d’Europe et l’Union européenne qui se montreraient indifférents au sort des immigrants clandestins Africains qui meurent par milliers en mer et dans le désert au nez et à la barbe des Européens etc. Bref, j’aurais dénoncé ce qui, en Afrique comme en Europe, encouragerait l’immigration clandestine et causerait la mort de ces aventuriers tentés par le « rêve occidental ». Mais en un instant, je me suis ravisé.

Faut-il noircir davantage le tableau qui l’est déjà suffisamment, pour ne pas dire exagérément ? J’ai alors délibéré et répondu par non ! D’ailleurs je ne peux le faire mieux que les chantres de la misère de l’Afrique déjà nombreux. En ne mettant en exergue que ce qui ne va pas au point parfois d’exagérer les problèmes ou les maux de l’Afrique, n’est-ce pas précisément contribuer soi-même, d’une certaine manière, à exciter les jeunes Africains à « fuir » le continent ? Alors, au lieu de montrer que ça ne va pas en Afrique et justifier pourquoi les jeunes désertent le continent, je veux plutôt montrer ce qui va bien sur le continent et  expliquer pourquoi ses fils et filles devraient y rester et en être fiers.

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Crédit Photo: (Pixabay/CC)
Symbole d’une Afrique fière, gagnante et portée vers l’avenir

En un instant donc Lampedusa m’a fait changer d’avis et transforma « Les paradoxes de l’Afrique » en « Demain, l’Afrique : une autre Afrique est possible », le titre du présent blog, un blog où vous êtes invités à revenir souvent et que vous êtes invités à soutenir par vos critiques et suggestions, vos contributions et commentaires. Parlez-en autour de vous. Au lieu du « rêve européen » ou « rêve américain » (si ces rêves existent), contribuez avec moi à en construire un qui soit africain. Luttons ensemble contre l’afro-pessimisme ambiant et avilissant.

Les opportunités à cet effet sont nombreuses ; elles commencent par le capital humain considérable de l’Afrique. Face aux nombreuses crises de divers ordres qui frappent d’autres parties de la planète terre, l’unanimité est faite pour reconnaître que l’Afrique est « le continent d’avenir »[1]. Il y a des raisons profondes d’espérer pour l’Afrique, des raisons qui doivent fonder les jeunes à rester plutôt qu’à partir de la terre qui les a vus naître. Contribuons-y. Car, Demain, l’Afrique : une autre Afrique est possible.


[1] – Blake, Aurore, Roisine, Alexane. Afrique, le continent d’avenir, [En ligne]. https://www.economiematin.fr/les-experts/item/5994-afrique-developpement-emploi (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Braw , Elisabeth. L’Afrique 2.0, le continent de toutes les réussites, [En ligne]. https://journalmetro.com/monde/191713/lafrique-2-0-le-continent-de-toutes-les-reussites (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Fondation Dauphine. L’Afrique: le continent d’avenir? , [En ligne]. https://www.fondation.dauphine.fr/la-fondation/nos-actualites/nos-actualites-vue-detaillee/article/lafrique-le-continent-davenir-1 (Page consultée le 11 octobre 2013)

– Attali, Jacques. L’Afrique, notre avenir, [En ligne]. https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/l-afrique-notre-avenir_829344.html (Page consultée le 11 octobre 2013)