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A Madagascar, l’industrie de la musique tourne à l’autopiratage

L’industrie de la musique est l’une des industries les plus florissantes à Madagascar. Mais cette année, le secteur musical connaît un déclin. Les artistes ont donc changé d’alternative : place à l’autopiratage.

Matraquage et autopiratage à Madagascar

Les artistes de la Grande île rencontrent actuellement de grandes difficultés. C’est ainsi que les amateurs et professionnels du showbiz malagasy ont décidé de faire appel à l’autopiratage. L’autopiratage, qui est l’action de se pirater soi-même, de faire une copie illégale d’une œuvre que l’on a soi-même créée dans le but de se faire de l’argent. En effet, face à la crise économique et sociale qui persiste depuis plusieurs années, se faire de l’argent par le biais du show-business n’est plus aussi facile qu’auparavant. Les artistes déjà connus ont du mal à préserver leur notoriété. Ceux qui veulent faire carrière ont beaucoup de mal à se faire connaître. Le matraquage se fait actuellement à des millions d’Ariary.

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Mamina Rakotondravao, un des lauréats du concours musical télévisé « Feo Tokana Gitara Iray ».

« Le matraquage est l’une des meilleures sources de revenus pour les radios et TV à Madagascar. Cela coûte extrêmement cher, et seuls les artistes qui « en ont les moyens » peuvent s’offrir le luxe de matraquer leur chanson. Les moins fortunés sont moins connus car leurs œuvres ne sont pas « fortement matraquées », a témoigné Mamina Rakotondravao, artiste en herbe, un des lauréats du concours musical télévisé « Feo Tokana Gitara Iray ».

Un concours organisé par la RTA et l’illustre chanteur malagasy Erick Manana. Pour qu’une chanson soit connue, il faut faire passer une chanson une dizaine de fois sur les ondes, et de même pour un clip à la télé. Un investissement qui n’est pas toujours rentable et qui, parfois, conduit même à une perte de plusieurs millions pour un chanteur/musicien.

Autopiratage: une alternative facile et sûre pour les artistes

L’autopiratage est devenu une solution pour de nombreux artistes qui n’ont pas les moyens de se payer – ou ne veulent pas se payer – le matraquage dans les médias. Il suffit de diffuser sa chanson dans les kiosques qui « mampiditra hira », ou littéralement « mettent des chansons » dans les MP3, MP4, téléphones et autres supports électroniques, à 100 ariary par chanson, soit environ 0,02 euros – ça paraît extrêmement accessible mais cela est très difficile à trouver pour les 90% de Malagasy qui vivent en dessous d’un euro par jour.

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Un kiosque »mampiditra hira » à Ambatomaro, un quartier de la Capitale.
cc:Tiasy

Bref, ces kiosques sont présents presque partout dans les rues de la Grande île. Notamment dans les provinces et régions où les gens préfèrent « acheter » les dernières nouveautés musicales sur les trottoirs plutôt que de s’acheter une radio. Il est indiscutable que l’autopiratage est efficace à cent pour cent, économique et facile, comme l’a affirmé un intervenant lors du conférence-débat portant sur le thème « Les médias et leur rôle dans la promotion de la culture », le 20 septembre dernier à l’IKM(1) Antsahavola, à Antananarivo.

Favorisation du piratage : retour en arrière

Cette pratique de l’autopiratage est devenue tellement courante que les artistes en ont oublié leur combat contre le piratage, il y a de cela quelques années. A l’époque, il s’agissait d’un grand fléau de l’industrie musicale. Des artistes ont enregistré des gaps de plusieurs millions dus au piratage et au marché y afférant. Marché qui existe encore aujourd’hui mais semble apprécié par certains. Il s’avèrerait que le piratage ait ses bons côtés. Il permettrait que l’artiste se fasse connaître, ce qui entraîne une plus grande audience lors des concerts, d’où de meilleurs chiffres d’affaires. D’où cette pratique illégale de s’autopirater.

« Il y a des artistes qui font de l’autopiratage leur principal moyen de matraquage« , a témoigné Anjara Rasoanaivo,journaliste culturelle de Midi Madagasikara.

Fait triste mais pourtant réel, cela démontre à quel point l’industrie de la musique est en difficulté dans la Grande île. Pour de nombreux artistes, aujourd’hui, c’est le commerce qui prime. Il n’est plus question de légal ou pas, culturel ou pas, il est question avant tout d’argent. Le Gouvernement et le ministère de la Culture et du patrimoine ne semble nullement s’inquiéter des problèmes rencontrés actuellement par les artistes. Il faut avouer que l’industrie musicale, bien que mise à mal, marche toujours mieux que les autres secteurs économiques. Mais le problème pourrait ne pas se poser maintenant. Il pourrait se poser dans cinq, dix ans. Et c’est là que les conséquences de cet autopiratage si bien pratiqué se verront, tant sur le front musical qu’économique et culturel. Faut-il rappeler qu’une œuvre piratée n’a aucun avenir au niveau international – si cela se sait bien sûr ! De même qu’un artiste piraté puis autopiraté sera tout aussi non crédible.

« Il faut rechercher des solutions, trouver des initiatives. Les bonnes pratiques sont souvent mal exploitées« , continue Anjara Rasoanaivo.

A l’exemple de la radio en ligne paradisagasy.com, qui est le site le plus apprécié par les artistes pour leur notoriété et le matraquage qu’on peut y faire. Il s’agit d’un bon exemple à suivre pour ces artistes qui souhaitent se faire connaître.

 

(1)IKM : acronyme pour « Ivon-toeran’ny kolontsaina malagasy », qui est un centre dédié aux artistes, à l’art et aux œuvres artistiques malagasy

 


A Madagascar, psychose face à une nouvelle épidémie de peste

Une nouvelle épidémie de peste sévit à Madagascar. Aujourd’hui, les Provinces de Toamasina et d’Antananarivo sont classées « zone rouge ». Face à cela, les réactions divergent. Tandis que des individus sont en proie à une psychose insoutenable, certains restent sceptiques et d’autres demeurent complètement passifs devant la situation.

Peste et psychose : port de masques et ingurgitation de « Cotrim »

Hier, de bon matin, de longues files d’attente se sont formés devant les pharmacies. Se procurer un masque et un « Cotrim », comprimé connu pour son efficacité contre la peste, étaient devenus  vitaux pour bon nombre de tananariviens. Dans les rues, de nombreux individus marchaient, un masque sur le visage. La psychose s’installe et continue d’être alimentée. Les masques se sont vendus à une telle vitesse qu’aux environs de quinze heures, la plupart des pharmacies d’Antananarivo étaient en rupture de stock. Des décès ont été enregistrés dans des quartiers de la Capitale, et, vérité ou non, les gens les associaient tous à la peste. Et dans toute cette panique générale, le Gouvernement restait incroyablement silencieux face à la situation qui risquait d’empirer d’une seconde à l’autre. Le Premier ministre, Olivier Mahafaly, s’est contenté de dire qu’ils « maîtrisaient la situation ».  Hier à onze heures du matin, les chiffres s’étaient arrêtés à 25 morts sur 141 cas suspects, selon une  source officielle. Cette psychose est le résultat d’une chaîne de message qui a été diffusée en privé sur les réseaux sociaux, dimanche soir dernier, annonçant que plusieurs malades sont décédés de la peste au centre hospitalier anti-pesteux à Ambohimiandra. Le message disait qu’il faudrait porter des masques à partir du lendemain pour éviter d’être contaminé, – j’avais moi-même reçu le message. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. S’ensuit les nouvelles de lundi matin qui ont annoncé que la Capitale venait d’être classée « zone rouge », après la Province de Toamasina le 29 septembre dernier.

Longue file d’attente devant les pharmacies pour s’acheter un masque et du Cotrim.
cc: Fifamoivoizana Eto Madagasikara

Scepticisme et passivité

Face à la réaction psychotique de certains habitants de la ville d’Antananarivo, certains ont affiché un réel scepticisme. « Cette histoire n’est pas nette. D’abord, pourquoi le message a été diffusé en message privé et non en public ? Et ensuite, pourquoi, comme par hasard, cette peste débarque justement au moment où les magistrats veulent continuer la grève, et où le prix du carburant observe une augmentation ? Pour moi, il ne s’agit que d’une diversion pour cacher les réels problèmes du pays », a témoigné un père de famille, hier. Un scepticisme également affiché sur Facebook, dans les transports en commun, dans les bureaux, dans les écoles, où les débats sont devenus interminables au sujet de la peste depuis hier. D’autres sont complètement passifs devant la situation. « Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, vu l’insalubrité de cette ville », a laissé échapper un bureaucrate. Et tandis que ma mère  faisait tout pour nettoyer et désinfecter la maison, la cour et le périmètre environnant, notre voisin affichait une réelle indifférence et continuait à frire des « menakely » au milieu de sa cour qui n’avait pas été nettoyée depuis des mois, en la regardant faire. Certains malagasy sont devenus totalement fatalistes et indifférents à tout problème social. Malheureuse réalité.

Causes profondes

En tout cas, il faut avouer une chose. Le manque d’hygiène et l’insalubrité des habitants de la ville d’Antananarivo et des environs sont les principales causes de la prolifération des microbes et de la peste dans la Grande île. Depuis une décennie maintenant, l’hygiène et la propreté n’ont cessé de se dégrader, notamment dans la Capitale. Pour ne mentionner que la crise des bacs à ordure, il y a de cela un an et demi, en janvier 2016, où les déchets se sont amassés dans la ville à cause du manque de compétences des autorités étatiques. Les maladies étaient déjà graves à l’époque : asthme, pneumonie, et même tuberculose. Et malgré cela, des individus continuent de jeter leurs déchets partout dans les rues. De belles dames qui jettent l’emballage de leurs biscuits par-dessus la vitre de leur joli Land Rover, et qui se permettent de hausser le ton quand on leur dit que ce n’est ni sain ni poli. Même réaction pour les chauffeurs de bus et receveurs quand on leur dit de nettoyer, tellement leur véhicule s’était transformé en cage à poules au fil des années, en raison du manque d’hygiène et d’entretien. Cafards, araignées, puces, moustiques, on en trouve dans les bus de la Capitale et des Provinces, et cela semble tout-à-fait normal.

 

L’alliance française reprendra ses activités demain, après deux jours de fermeture pour désinfection.
cc:Tiasy

Rappelons que le premier décès de cette nouvelle épidémie de peste a été enregistré le 28 août dernier, quand le malade, qui avait contracté la maladie à Ankazobe, en Hautes-Terres, est décédé à Moramanga, une ville de l’Est, dans un taxi-brousse qui se dirigeait à Toamasina. Sur le chemin, il a contaminé deux passagers, décédés début septembre. Et malgré ce fait flagrant qui démontre que les transports en commun sont un des principaux facteurs de prolifération de toute sorte de microbe, les autorités et les propriétaires des véhicules semblent complètement amorphes face à l’urgence qui s’annonce. A qui profite donc tant de malheur ? Les écoles sont fermées depuis ce jour. Les évènements publics ont été annulés, dont le Madajazzcar, un évènement emblématique culturel et d’envergure internationale. Des instituts publics comme l’Alliance française ont fermé leur porte « jusqu’à nouvel ordre ». Mais ces mesures ne sont pas suffisantes. La plupart de ces mesures sont prises par les particuliers eux-mêmes. Le Gouvernement n’a pas bougé le petit doigt pour ordonner une quelconque mesure préventive à prendre, même pas dans les bus, les gargotes, les restaurants… Ici, c’est chacun pour soi. Tu fais comme bon te semble mais c’est survivre ou mourir.


Mon combat pour la reconnaissance du webjournalisme à Madagascar

Dans mon pays, le webjournalisme est encore loin d’être reconnu. Aujourd’hui, après deux ans d’expérience dans le journalisme, je travaille dans le domaine de la presse en ligne. Mais cela est un véritable parcours du combattant.

Le webjournalisme non reconnu à Madagascar

L’horizon est sombre pour les blogueurs de mon espèce. Un orage semble s’annoncer. Les institutions, tout comme les sociétés privées et autres entités, ont tout simplement du mal à cerner ce qu’est le webjournalisme et le blogging, dans la Grande île. Les blogueurs sont rapidement rayés du carnet d’adresses de ces grandes personnalités qui font tourner cette Grande île… Blogging, webjournalisme. J’ai toujours été fascinée par ces mots. A 12 ans, j’avais créé mon petit blog sur Skyrock. Je ne me souviens même plus du mot de passe aujourd’hui. A l’époque, c’était un petit blog personnel sur le manga et le rock. Actuellement, je reviens vers cette passion, après deux ans d’expérience dans le journalisme. J’envie les grands pays où le webjournalisme est reconnue comme une discipline professionnelle. Lors d’une mission à l’étranger, j’ai pu mesurer à quel point le webjournalisme et le blogging sont incontournables dans le monde de la communication et de l’information. Dans ces pays où le développement numérique est déjà à un

Briser les règles à Madagascar photo
« Il faut briser les règles ».

stade plus qu’avancé, le journalisme 2.0 et le journalisme traditionnel se marient parfaitement. Les journalistes de la presse en ligne sont alignés au même rang que les journalistes de la télévision, de la radio et de la presse écrite. Et d’ailleurs, les journalistes de la presse en ligne constituent la majorité de la communauté médiatique. WordPress, SEO et autres outils sont pour ces individus de la technologie un outil aussi commun que le micro et le dictaphone. Les caméras ont été remplacés par le téléphone et le Facebook Live est devenu une alternative à la transmission en direct. Malheureusement, dans mon pays, le webjournalisme est encore loin d’être reconnu. Le nouveau Code de la communication adopté en 2016 n’a pas reconnu les journalistes 2.0 et les blogueurs, même si des représentants de ce monde digital ont été présents à la consultation publique, comme l’a témoigné un ami blogueur qui a choisi de garder l’anonymat. D’ailleurs, à Madagascar, les journalistes de la presse en ligne n’ont pas le droit d’assister aux conférences de presse et autres évènements médiatiques. Ils constituent une entité à part et un mur s’est dressé entre le webjournalisme et le journalisme traditionnel. Chose bien triste, car les médias « new school » et les médias « old school » sont censés être complémentaires. Après cinq mois à écrire et à insister sur certains problèmes majeurs dans le pays – en restant discrète car seul Facebook permettait mon contact avec le public – j’ai finalement décidé de sortir de mon cocon pour aller confronter ce journalisme virtuel à un journalisme plus réel.

La voie de la reconnaissance

Me présenter comme blogueuse pour diffuser une information à une conférence de presse demeure est toujours difficile. La plupart des blogueurs malagasy se cachent et opèrent vraiment dans l’anonymat. Ils utilisent des pseudonymes, créent des comptes aux noms inconnus sur les réseaux sociaux, et ces individus sont parfois les plus inimaginables : opératrice de saisie, entrepreneur, politicien… Cela semble improbable de voir ces individus sur terrain en plein « bain de journalistes ». Toutefois, cela ne représente pas forcément une fatalité. C’est ainsi que, petit-à-petit, grâce à des travails sur terrain où il m’a fallu un grand travail de « réseautage », une voie s’est ouverte pour permettre que la presse en ligne fasse partie de la grande famille des médias. Mais ce n’est pas encore gagné.

Vers une révolution digitale ?

Jusqu’à présent, le combat continue. Le blogging à Madagascar demeure encore très difficile car la législation ne permet pas encore son exercice total. L’Ordre des journalistes (OJM) malagasy est encore vague sur le sujet. Quant à la question du numérique à Madagascar, le volet connexion est également un sujet à traiter à part – j’en avais déjà parlé dans un billet. Je peux cependant dire qu’évolution il y a dans le secteur du webjournalisme. Actuellement, avec l’expansion des réseaux sociaux, les petits blogueurs sur Facebook et Twitter sont de plus en plus nombreux. De même, les blogs et sites web se multiplient. Ceux-ci sont la plupart à ligne éditoriale politique : contre le régime. Cela, les politiciens commencent à le comprendre et, en vue de l’élection présidentielle de 2018, ils ont adopté une nouvelle stratégie de communication. Actuellement, les journalistes en ligne sont de plus en plus conviés aux évènements médiatiques, qu’ils soient institutionnels ou privés. Vers une révolution digitale et numérique?

 

 

 

 


A Madagascar, la gabegie des taximen et des chauffeurs de bus

Taxis, bus et taxi-brousses sont les seuls moyens de transport en commun des malagasy dans la Grande île, en général. Le train, ça a disparu peu après la Colonisation, après 1960. L’avion, c’est un cas à part. C’est ainsi que les transporteurs font régner la gabégie dans l’île, notamment dans la Capitale…

Taximen et chauffeurs de bus: partisans de la gabégie

Ils représentent environ plus de 75% des voitures qui circulent dans les grandes villes de Madagascar. « Ils », ce sont les taxis et les bus qui servent de transport en commun aux malagasy. Ils font régner la loi de la gabégie, qu’on appelle communément le « gaboraraka », surtout à Antananarivo. Ils sont responsables de la majorité des accidents. Et ils sont contre tout changement positif que toute entité publique ou privée voudra apporter pour améliore le secteur transport dans la Grande île, tout simplement parce qu’ils craignent leur chute face à une meilleure qualité de service. Donc voilà des milliers de chauffeurs – ou chauffards – qui font la grève dès qu’on leur impose la moindre petite mesure pour améliorer la situation. Chauffeur Rakoto se plaint que des taxis clandestins existent, mais Monsieur Rakoto refuse de régulariser ses papiers parce que ça prend du temps et de l’argent. Au final, Rakoto pense que c’est pas si mal, les taxis clandestins. De son côté, des chauffeurs de bus se plaignent de la mauvaise qualité des routes, du manque de « collaboration » des voyageurs face aux mauvaises conditions qu’on leur impose dans les transports en commun, et se moquent de leurs collègues qui font des accidents – « Heureusement que ce n’était pas moi! », pensent certains – mais ils ne feront jamais rien pour améliorer leurs services. Bref, « vaut mieux que les accidents continuent d’avoir lieu parce que franchement, devoir faire une contre-visite tous les six mois, ce n’est pas possible! », pensent la plupart des taximen et chauffeurs de bus. Triste réalité. La gabégie est irréversible à Madagascar, et ceux qui imposent des mesures se feront vite couper la tête. C’est le cas de la Commune urbaine qui a récemment décidé d’imposer une contre-visite aux taxis tous les quatre mois. Mardi dernier, les taximen d’Antananarivo ont fait la grève pour « manifester leur mécontentement », et surtout manifester combien ils refusent toute discipline dans cette ville. Nous sommes loin du développement.

Les taxis-ville d’Antananarivo ont fait la grève pour contester la nouvelle mesure de contre-visite imposée par la Commune, en collaboration avec l’entreprise Omavet.
©Cua serasera

Les simples usagers et voyageurs éternels victimes

Et tandis que nos chers amis taximen, chauffeurs de bus et n’oublions pas, receveurs, font régner le « gaboraraka » et inculquent cette vision à nos enfants, nous souffrons atrocement de tout cela mais osons à peine nous plaindre. Comme mon cas, je refuse de conduire une voiture dans les rues de cette Ville des mille tout simplement parce que je klaxonne à chaque coin de rue, mais finalement c’est moi-même qui me fait du mal car les chauffards n’en ont rien à cirer. D’autre part, les voyageurs des taxis et bus doivent subir toute sorte de traitement: saleté, odeur nauséabonde dans les bus, des volailles, matelas et ivrognes pour compagnons de route, les pannes de voiture où ils vous proposent le service « bluetooth » (transfert d’un bus à un autre), le « mijoro amin’ny lalantsara »(1) et le « seza rivotra »(2), la musique qui vous casse les oreilles, et les insultes, dans le pire des cas… Et malgré tout ce désordre infernal, le Gouvernement doit céder car les transporteurs menacent de cesser toute activité, ce qui pourrait mener à une crise sociale déjà plus ou moins couvée. La situation semble sans issue.

(1) »mijoro amin’ny lalantsara »: tous les passagers du bus assis sur les strapontins doivent se lever pour laisser place à de nouveaux passagers, qui eux aussi devront se lever
(2) »seza rivotra »: les passagers doivent faire semblant de s’asseoir quand on aperçoit un policier de l’autre côté de la rue, ou le véhicule pourrait être arrêté et le chauffeur se verra retirer sans permis pour voir transporté des personnes debout


Les difficultés entre Madagascar et Youtube

La relation Madagascar-Youtube est compliquée. Depuis la création de Youtube il y a plusieurs années maintenant, eh bien la relation reste tendue, et l’accouplement demeure encore difficile.

Malagasy et Youtube : difficultés d’accouplement

Les internautes malagasy ne se sont jamais vraiment retrouvés dans leur relation avec Youtube. Cette plateforme numérique de vidéos ne séduit pas encore dans la Grande île, et l’accouplement demeure encore très difficile pour plusieurs raisons. La principale raison est la difficulté à se connecter. Contrairement à la majorité des pays du monde, notre pays qui se trouve assez loin dans l’Hémisphère Sud n’a pas encore cette connexion rapide et sécurisée que le grands pays développés du monde possèdent. Le Wi-Fi à Madagascar, ce n’est pas à la portée de tout le monde, et les cybercafés sont encore le principal moyen de connexion des malagasy. Et la connexion dans les cybers n’est pas toujours au top…

On a encore du mal à cerner Youtube.

De plus, la connexion mobile, bien qu’à un prix abordable, propose des forfaits limités. C’est ainsi que la plupart des malagasy ne se connecteront jamais à Youtube, parce que ça consommera beaucoup plus de Mégaoctets que Facebook ou encore Gmail et autres… D’ailleurs, tout ce qui est vidéo, à Madagascar, on n’y touche pas. Ça consomme en grande quantité et la ration quotidienne des malagasy en matière de consommation mobile internet est de 10 à 20 Mégaoctets. Avec ça, c’est Facebook illimité grâce aux forfaits proposés par les opérateurs mobiles. Une autre raison : les malagasy n’ont pas vraiment compris le concept Youtube.

En effet, pour la plupart des internautes malagasy, Youtube, se connecter sur le site s’arrête à regarder des vidéos. Pas besoin de se créer un compte ou autres, il suffit de regarder. Peu de malagasy possèdent un compte Youtube. La plupart du temps, ce sont les médias, les maisons de production numérique et les artistes qui possèdent un compte Youtube, mais même s’ils publient leurs clips et leurs vidéos sur leur chaîne, celle-ci enregistre peu de « vues », et compte zéro commentaire. Facebook demeure ainsi plus pratique à la fois pour ces entités qui désirent publier des produits visuels.

Une expérience désagréable

Pour mon cas, j’ai eu la chance de tester Youtube, en tant qu’utilisateur – bien que je ne me souvienne même plus de l’identifiant de mon compte maintenant. Je voulais poster une vidéo sur Youtube, à l’époque. Mais déjà, j’avais du mal avec les fonctionnalités. De plus, je m’étasi connectée dans un cybercafé. Le temps m’était compté, et pourtant la connexion était horrible… Tellement horrible que le compteur affichait deux heures pour que ma vidéo qui durait deux minutes soit chargée… Et puis zut! Cette histoire s’est passée il y a cinq ans de cela… Plus tard, j’ai essayé d’investir sur la plateforme numérique Soundcloud. Mais bon, à Madagascar, ça aussi ça ne le fait pas… donc…

Plateformes numériques : Youtube dans le top 10

Facebook propose une fonctionnalité en langue malagasy, contrairement à Youtube.

A Madagascar, la culture numérique commence tout juste à faire ses premiers pas. Et tandis que des pays passent maintenant le tournant des youtubeurs, des Facebook Live et d’Instagram, Madagascar démarre tout juste avec Facebook qui est devenu le réseau social le plus utilisé dans la Grande île, suivi d’Instagram et de LinkedIn. Whatsapp est également parmi les cinq premiers, devant Twitter et Viber, et Youtube ne serait que le neuvième ou dixième site le plus visité après Gmail ou encore Yahoo. Bien que Youtube ait réussi à séduire la majorité de la planète, il faudra encore quelques années pour que les malagasy en deviennent des adeptes.


Liberté religieuse : Madagascar avance avec 283 groupes religieux officiellement enregistrés

283 groupes religieux ont été officiellement enregistrés par le ministère de l’Intérieur malagasy, au mois d’octobre dernier, selon le rapport international 2016 sur la liberté religieuse à Madagascar.

 283 groupes religieux enregistrés en 2016

Un chiffre considérable. 283 groupes religieux ont été enregistrés par le ministère de l’Intérieur, en octobre 2016, selon le rapport international sur la liberté religieuse à Madagascar. Un chiffre considérable, si l’on établit que chacun de ces groupes dénombre plus de 100 individus, et est constitué d’un conseil d’administration comptant neuf membres nationaux, comme l’exige la loi. En effet, « pour être admissible à l’enregistrement, un groupe doit avoir au moins 100 membres et un conseil d’administration élu ayant neuf membres tout au plus et qui doivent tous être des nationaux. Les groupes ne répondant pas ces conditions d’inscription peuvent se faire enregistrer plutôt comme «de simples associations», apprend-on du rapport international. « En se faisant enregistrer, un groupe religieux reçoit le statut juridique nécessaire pour recevoir des legs et autres dons directs. Une fois enregistré, le groupe peut demander une exemption de taxe à chaque fois qu’ils reçoivent un don de l’étranger ». On sait également que les groupes religieux enregistrés ont le droit d’acquérir des terres auprès des particuliers afin de construire des lieux de culte. Malgré une certaine rigidité de la part de l’Etat, force est de constater que la liberté religieuse est en expansion dans la Grande île.

Une discrimination sociale basée sur la nationalité

Les catholiques font partie des groupes religieux importants à Madagascar. © Tiasy

La Constitution malagasy prévoit la liberté de la pensée religieuse et d’expression et interdit la discrimination religieuse. Des lois protègent également la liberté religieuse individuelle contre les abus par le gouvernement ou des acteurs privés. Toutefois, la liberté de religion n’existe pas toujours, notamment à cause des anciennes lois sur la nationalité. « Selon une étude menée par l’ONG Focus Development et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), de nombreux Musulmans nés au pays n’ont pas pu obtenir des documents pour la citoyenneté à cause des lois sur la nationalité qui limitent la capacité des femmes Malagasy à transmettre la citoyenneté à leurs enfants si le père n’est pas citoyen. Le Ministère de l’Intérieur (MdI) a déporté 10 Imams Pakistanais qui ont dépassé la date d’expiration de leur visa. Ils ont dirigé une mosquée ainsi qu’une école coranique, ce qu’ils ne sont pas autorisés à faire avec un visa touriste », apprend-on du rapport de l’ambassade américaine. « Des membres de la communauté juive de petite taille et nouvellement convertie ainsi que la communauté musulmane ont indiqué que l’accès à des écoles privées leur a été refusé à cause de leur affiliation religieuse. Des membres de la communauté juive ont également signalé ils ont fait l’objet d’une attention malveillante à cause de leurs habits, qui comprennent des couvres-tête pour les femmes ». Ce ne sont que des exemples de discrimination sociale effectuée envers les Musulmans, principales cibles de cette ségrégation. Touefois, d’autres groupes religieux, comme le FJKM ou Fiangonan’i Jesoa Kristy Eto Madagasikara (1), ont été victimes de persécution par la société et les acteurs gouvernementaux. Face à cela, des discussions entre les membres de la société civile et le Gouvernement ont eu lieu dernièrement.

Croyants indigènes

Selon les derniers chiffres officiels, sur un nombre d’habitants estimés à 24,4 millions en 2016, 52% des malagasy adhèrent à des croyances indigènes, 41% au Christianisme et 7% sont des Musulmans, notamment des Sunnites. Toutefois, on hésite sur le dernier pourcentage car l’on sait que de plus en plus de malagasy se sont convertis à l’Islam, notamment ceux des zones côtières du nord-ouest, tandis que les Chrétiens dominent plutôt les Hautes-Terres. Les quatre principaux groupes Chrétiens dans la Grande île sont les Catholiques, les Luthériens, les Anglicans et les FJKM qui composent le Conseil œcuménique des églises chrétiennes de Madagascar ou FFKM.  De plus petits groupes comprennent l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (Mormons), les Témoins de Jéhovah, les Adventistes du Septième Jour, et d’autres dénominations évangéliques locales. En sus, beaucoup de gens détiennent une combinaison de croyances indigènes et Chrétiennes ou musulmanes. Un petit nombre d’hindous et juifs existent également à travers le pays.

 

 (1) FJKM : « Fiangonan’i Jesoa Kristy Eto Madagasikara » ou « Église de Jésus-Christ à Madagascar »

 

 

 

 

 

 

 


A Madagascar, des hôpitaux socialement sélectifs

Serment d’Hippocrate… Serment d’hypocrites ? Ce ne sont pas tous les malades qui reçoivent des soins. Enfin, telle est la philosophie de certains hôpitaux de la Grande île. Si vous n’avez pas quelques millions en poche, si vous n’êtes pas une personne de pouvoir, vous ne recevrez jamais les soins médicaux adéquats. De la pure discrimination !

Des hôpitaux socialement sélectifs

Des hôpitaux qui affirment « rendre service à la population » et « traiter tout patient dans l’égalité ». Mais il s’agit bien là d’hypocrisie… Et pire même : de discrimination. Je ne dis pas n’importe quoi, ce fait à propos duquel les hôpitaux sont socialement sélectifs est véridique. La preuve. Une personne s’était rendue dans un hôpital public de la Capitale. Elle était malade depuis plusieurs jours, parce qu’elle n’avait pas mangé depuis quatre jours, alors qu’on était en plein hiver – oui, parce qu’il se peut que ton voisin, celui qui habite juste à côté de chez toi, ne mange pas, parce qu’il n’arrive déjà presque pas à trouver de

A Madagascar, la communauté internationale est très active dans le domaine santé. Ci-dessus, le prince Albert de Monacoest venu inaugurer la maternité de la cité Akamasoa du Père Pédro, en février dernier. ©Tiasy

l’argent pour son loyer. Elle avait ainsi une grosse fièvre et un mal de tête depuis trois jours. Elle a décidé de venir à l’hôpital pour se faire ausculter, en espérant faire du « trosa » (1) auprès du médecin. Après tout, beaucoup de malades font le « trosa » à l’hôpital. Malheureusement, plus personne n’accepte le « trosa » de nos jours, et cette personne s’est faite littéralement renvoyée de l’hôpital, sans le moindre scrupule, par le personnel hospitalier. Une autre personne s’est rendue dans la même clinique. Il n’a pas demandé à faire du « trosa », il a dit qu’il était le secrétaire d’une certaine entité politique. Les médecins l’ont laissé entrer sans même payer. Puis il y a eu évidemment le cas de Claudine Razaimamonjy, la conseillère de la Présidence, qui était, d’après les sources, atteinte d’une maladie grave, et a été évacuée à l’île Maurice malgré qu’elle était interdite de sortie du territoire.

Frais médicaux priment sur soins médicaux

D’ailleurs, à Madagascar, les frais médicaux priment sur les soins médicaux. C’est un fait depuis plusieurs années maintenant. Pour les médecins comme pour les patients, il importe de payer avant de pouvoir recevoir les soins nécessaires. Si bien que dans certaines cliniques, il faut d’abord payer avant de pouvoir se faire consulter, faire une radiographie, un scanner, ou tout autre examen médical. C’est devenu une règle d’or. Seulement, tout le monde n’a pas les moyens de payer ces frais. Considérant que la somme minimale pour une consultation est actuellement de 10 000 Ariary, on se demande où vont donc se faire soigner les 90% des malagasy qui gagnent moins de 1 Euro, soit même pas 3 000 Ariary, par jour. Il lui faudra déjà travailler quatre à cinq jours pour pouvoir aller chez le médecin. Et si la maladie est grave, d’ici-là, le patient pourrait déjà être mort. N’importe quel patient peut mourir s’il ne peut pas payer. L’argent avant tout : c’est la loi du plus fort dans les hôpitaux, publiques comme privées… Et n’oublions pas le corps médical ! Ces personnes qui sont censées, elles aussi rendre service à la population. Et qui ont prêté serment pardessus le marché. Seulement, ces serments n’ont plus la moindre valeur pour certains. En effet, dans certaines cliniques, publiques comme privées, certains médecins exigent que les patients paient des frais médicaux par rapport à la normale, ou ils refusent tout simplement de procéder à des examens médicaux ou des opérations chirurgicales. D’autres, plus malins, proposent que l’on achète des médicaments au patient pour qu’ils « récupèrent plus vite », et bizarrement, le médicament n’existe que chez le médecin et il est toujours très cher… Puis il y a aussi ces médecins qui, en plus de tout cela, sont désagréables et traitent leur patient comme du bétail. Ils adoptent la même attitude que ces fonctionnaires qui vous reçoivent dans les bureaux, sauf si vous êtes une personne de pouvoir, et qui vaut la peine d’être respectée…

Exigence de réformes palpables

Il faut l’avouer, le fait que le système sanitaire soit aussi précaire à Madagascar est la faute du Gouvernement. Je ne refuse pas que le ministère de la Santé publique fait beaucoup d’efforts pour faire marcher ce système, mais  ce sont des réformes qui apportent des changements minimes sur le système. Ces dotations et donations de matériels aux hôpitaux publics, ces grands mouvements de sensibilisation, ça n’apportera rien tant que les vrais problèmes ne seront pas réglés. Parmi ces problèmes: l’argent pour payer les frais médicaux que le trois-quart de la population n’arrive presque pas à trouver, l’argent pour les « suppléments » (corruption), la dotation d’assurance-maladie et une bonne couverture sociale pour les salariés. En effet,  ….% des salariés malagasy ne sont pas couverts socialement. Quelle famille peut se soigner dans ces conditions? Sachant qu’une famille malagasy est composée en moyenne des deux parents et de trois enfants, frais d’écolage, nourriture et vêtement priment, avec quel argent se soigne en cas de maladie grave? Au pire, bouffer du paracétamol toutes les six heures et prier… Et bien sûr, on s’étonne que le taux de mortalité du à la maladie grimpe à Madagascar, et que la plupart des gens se soignent eux-mêmes à la maison, ou attendent tout simplement de mourir. Ce dernier, qui est devenu le choix ultime pour de nombreux malades.

(1)« trosa » : « dette » en français


Témoignage : « Madagascar ne sera pas un pays de startups »

« Cela va faire deux ans que nous sommes engagés dans l’appui des jeunes entreprises et jeunes entrepreneur(e)s à Madagascar. […] Mais quoiqu’il en soit, le constat est dur et sans appel ». C’est ce que l’incubateur de startups Incubons a posté Dimanche dernier sur sa page Facebook. Un témoignage poignant qui fait prendre conscience d’à quel point les jeunes ont du mal à investir à Madagascar.

Tendance « startups »: trop prétentieux

L’incubateur d’entreprises Incubons, dans un post sur Facebook, Dimanche dernier, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer à quel point l’entrepreneuriat est mal compris à Madagascar. Il a pointé du doigt ceux qui font miroiter un rêve presque impossible à des jeunes gens, en les manipulant sur ce qu’ils doivent ou peuvent faire via de beaux discours et des théories mirobolantes sur combien  devenir un entrepreneur est magique.

« Ce serait bien d’arrêter de faire miroiter à la jeunesse une pseudo réussite instantanée par le biais de l’entrepreneuriat. Beaucoup trop de personnes surfent sur la tendance « startups » et font croire qu’il s’agit de la meilleure (et seule) manière possible de créer son emploi, en créer pour les autres, et faire avancer à son niveau le pays. Sur papier c’est effectivement une très bonne voie, mais ça n’est ni la seule, ni la plus facile, ni la plus réaliste », a souligné Incubons.

En effet, la tendance startups semble trop prétentieux, car avant de réussir en entrepreneuriat, beaucoup de facettes doivent être prises en compte. Et il ne s’agit pas que d’une question d’argent. Malheureusement, c’est la gloutonnerie en argent qui constitue la faille pour les jeunes entrepreneurs malagasy.

De jeunes entrepreneurs se sont réunis au Startup Weekend Antananarivo, les 11, 12 et 12 août derniers. © Startup Weekend Antananarivo

Addiction à l’argent et au financement

« Il faut faire un constat très précis de l’environnement entrepreneurial de la jeunesse à Madagascar », continue Incubons.

 

Le principal problème, évidemment, tourne autour de l’envie de se remplir les poches vite-fait. Cette logique quantitative qui mènera plus de la moitié des entrepreneurs à leur perte, car ils ne calculeront jamais une rentabilité durable et viable, mais plutôt une rentabilité instantanée.

« Il y a beaucoup d’idées, mais beaucoup qui n’aboutiront jamais, beaucoup de copier-coller, peu d’individus sont capables d’avoir une idée qui tienne la route, qui réponde à un besoin, qui peut se rentabiliser et se dupliquer.  Pourquoi ? Parce que l’argent est roi, la majorité sont à la recherche du profit et non du bien commun », martèle Incubons. « Nous avons accompagné 20 entreprises, 7 des 10 de l’an derniers subsistent encore et nous espérons que les 10 de cette année parviendront à changer d’échelle », rapporte-t-il. « Si vous posez la question du frein principal des jeunes entreprises ou nouveaux projets à Madagascar, on vous répondra que c’est le manque de financement. Ceci est faux. Si votre projet ne peut pas démarrer avec le minimum que vous avez en poche (entre 20.000 et 70.000 Ariary), de la conviction, des nuits blanches et une envie folle de réussite, alors c’est un mauvais projet. Cessez de faire miroiter 1000 ou 2000 euros à des personnes qui ne savent même pas gérer 10.000 Ariary. »

Interpellation à certains incubateurs et plateformes entrepreneuriales.

Buzz et culture du paraître

Mais non seulement les incubateurs et plateformes, Incubons pointe aussi du doigt les petits magazines tendances, les évènements entrepreneuriaux en tout genre et les innombrables pages Facebook sponsoriés, qui sont en train de détruire la vision des jeunes concernant la réalité des startups à Madagascar.  D’après l’incubateur, il s’agit de la culture du buzz et du paraître. Une illusion très bien menée, disent-ils.

« Comme si nous étions dans un pays où les « success-stories »   s’enchaînaient … Prenez la peine de creuser un peu et vous verrez que plus de 90% des gros buzz d’il y a deux ans n’existent plus. »

Fait réel et véridique. Bref, il faudra encore bien plus que des publicités et des sensibilisations sur l’entrepreneuriat pour aider les jeunes entrepreneurs. Il faudra d’abord changer leur mentalité avant toute chose. Convaincre que l’argent n’est pas la clé du succès et, comme le dit l’adage, « ne fait pas le bonheur ». Difficile à dire, en ces temps où la mondialisation ne cesse de nous entraîner dans son engrenage, et où, partout dans le monde, l’Euro, le Dollar et l’Ariary parlent avant toute chose. Encore une fois, la jeunesse est condamnée.

 

Quelles solutions si on veut vraiment inspirer la jeunesse malgache à entreprendre ?

– Penser bien commun : l’entrepreneuriat social est un modèle qui sied à la réalité malgache : faire de l’argent un moyen et non une fin, pour atteindre des objectifs sociaux, sociétaux ou environnementau x.
– Laisser le résultat communiquer pour vous : beaucoup trop de  »stars » de l’entrepreneuriat des jeunes à Madagascar ont fait l’erreur d’enchaîner les salons et les interviews, et ont délaissé le coeur même de ce qu’ils font : travailler.
– Faites avec ce qu’il y a : vous pouvez lever 2.000.000 d’euros, mais si vous êtes incapable d’avoir la tête sur les épaules et de savoir qu’il faut commencer avec les moyens du bord, mais que par contre il vous faut déjà la belle voiture et la belle villa, c’est foutu.
« Entreprendre c’est faire le mieux qu’on peut avec le peu qu’on a, pour le bien commun » (Incubons)

 

 

 


Madagascar: des pratiques culturelles pour « se trouver un partenaire »

Le mariage arrangé existe encore dans les contrées les plus profondes de la Grande île. Cette pratique traditionnelle a l’air d’avoir été abandonnée dans les grandes villes. Cependant, les pratiques culturelles pour « se trouver un bon partenaire » ont évolué et continuent.

Mariage arrangé: les parents usent de manipulation psychologique

Au vingt-et-unième siècle, à Madagascar, les enfants n’accepteront plus jamais que leurs parents choisissent leur mari sans leur consentement. Et ça, les parents malagasy l’ont bien compris. Il n’est plus possible d’obliger son fils ou sa fille à se marier avec un tel ou un tel, dans le but de voir prospérer les richesses familiales. D’accord, mais il doit sûrement y avoir un moyen. Rapidement, les esprits des parents ont eux aussi évolués et aujourd’hui, le mariage arrangé a pris une nouvelle forme. Il s’agit de la manipulation psychologique. J’ai été assez étonnée de voir que dès la maternelle, des parents s’immisçaient très tôt dans l’esprit de leur enfant, notamment la mère, pour lui faire comprendre quel genre de beau-fils ou belle-fille elle souhaiterait avoir. « Tu vois la fille là-bas? Quand tu seras grand, tu auras une jolie femme comme elle! », a une fois déclaré une maman à son petit garçon de cinq ans, dans le bus. Elle semblait déjà se faire pousser des ailes en y pensant. La modélisation de ce sujet dans l’esprit de l’enfant conduira certainement cet enfant à n’aimer que les personnes qui correspondront à cette description. Plus tard, vers ses dix-huit ans, la mère lui dira qu’elle a vu une belle jeune fille  qui pourrait « former un beau couple » avec  elle. D’autant plus que leurs familles se connaissent depuis longtemps et que la famille de celle-ci semble « à la hauteur », matériellement parlant.

Matérialisme: motif de pratiques culturelles choquantes

L’amour ne devrait pas être mesuré selon la richesse et la fortune. © Audhray

Ce qui est choquant, ce n’est pas vraiment le mariage arrangé et la manipulation psychologique. C’est le côté matérialiste affiché par certains parents! Je me souviens d’une proche qui parlait ouvertement de sa fille. D’après elle, le meilleur, ce serait que sa fille épouse un homme étranger. Mais par défaut, un garçon malagasy qui aurait les « mêmes qualités » ferait l’affaire. « Oui, parce que ma fille a étudié à l’étranger… » La raison du mariage mixte en elle-même me dépasse. Etudier à l’étranger oblige-t-il également cette logique? Mais pire encore! Dans les grandes villes côtières, comme à Diego par exemple, la culture veut que les jeunes filles se marient avec un « Vazaha »(1). Les objectifs: donner naissance à un joli petit métis et pourquoi pas, partir à l’étranger. Les filles, dès leur plus jeune âge, sont pour la plupart préparées à ça. Elles étudient la langue française, deuxième langue officielle à Madagascar, et une troisième langue: anglais ou allemand la plupart du temps. Après le Baccalauréat, elle pourra conquérir un « Vazaha », à la grande fierté des parents. Cette pratique, elle a existé après la Colonisation. Eh non, ce n’est pas une pratique traditionnellement malagasy. Auparavant, la tradition exigeait que l’on se marie entre « classes sociales »: les « Andriana »(2) entre eux, les « Hova »(2) entre eux et les « Andevo »(4) entre eux. Toujours du matérialisme ! La nouvelle pratique étant aussi choquante que l’ancienne.

« L’idéal »

Dans la Capitale, la pratique est moins visible. Les parents ne poussent pas « visiblement » leurs enfants à se marier à un homme ou une femme riche, mais la psychologie est la même. Au lieu de vous expliquer, je vais vous donner un exemple concret. Dès que l’enfant trouve un partenaire, si celui-ci n’est pas idéal, il passera sous silence dans toute discussion familiale et réunion de famille. Mais si le partenaire est « l’idéal », il fera le sujet de toutes les conversations durant un dîner. Et d’ailleurs, une petite rivalité sur qui a le meilleur gendre s’engagera dans la discussion. On étalera tout le CV de notre nouveau beau-fils ou belle-fille… Au début, je pensais que cela n’était que de simples sujets de conversations. Mais plus j’en vois, plus je me rends compte que c’est un vrai rite, cette vantardise et pratiques pour trouver le mari ou la femme parfaite. Je trouve tout cela bien triste…

(1) »Vazaha »: dénomination malagasy pour nommer les étrangers, notamment les Français
(2) »Andriana »: la classe des nobles, avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar
(3) »Hova »: la classe des roturiers, avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar
(4) »Andevo »: la classe des esclaves , avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar


Chester Bennington: mobilisation hardcore des fans malagasy

Ma page d’accueil Facebook est remplie de photos de fond noir, de photos d’un homme avec plusieurs boucles d’oreille, tatoué, le micro à la main… Je peux voir des « Rest In Peace » défiler sur ma page d’accueil… Ca me prendra trois secondes pour comprendre que Chester Bennington est parti, un jeudi 20  juillet 2017.

Mobilisation hardcore des jeunes fans malagasy

Je n’ai jamais vu ça de ma vie! Ce fut à la fois la chose la plus merveilleuse et triste que je n’ai jamais vu sur Facebook. Pluie de déclarations et d’hommages suite à l’annonce de la mort du chanteur Chester Bennington,  lead vocal du groupe de rock culte Linkin Park. Tous mes amis, qui sont pour la plupart de la génération 90, avec  une minorité moins et plus âgée,  viennent de publier leur tristesse quand à la mort du chanteur. Des amis avec qui je n’étais pas vraiment proches. De même pour mes meilleurs amis. Un sentiment hardcore de lien, de fraternité a émergé alors que je réagissais « triste » à chaque statut. Et d’ailleurs, la réaction « triste » ne suffisait plus. Il me faudrait un nouvel émoticone genre « bouleversé », « meurtrie », « brisée »…  En quelques minutes, ma page d’accueil est submergée de photos de cet illustre chanteur et de « RIP ». Sur la page officielle du groupe, j’ai pu entrevoir les commentaires des fans malagasy entre les commentaires d’utilisateurs Facebook d’autres nationalités. Tous se déclarent meurtris du suicide de Chester Bennington. La peine se fait sentir à un tel point que c’est difficile de contenir mes larmes…

– 🙁 Tu es une fan de LP n’est-ce pas?
– Oui… je suis déja au courant. J’ai le coeur brisé.

 

Hommage et multigénération

Est-ce que Facebook n’a jamais autant affecté auparavant, à Madagascar?… Même la mort de musiciens malagasy n’a été aussi pleurée. En même temps, les anciens « andrarezina » sont morts quand Facebook n’était pas encore assez populaire, et les nouveaux « andrarezina » sont encore tous en vie. Ce qui m’a étonné, c’est que la musique de Linkin Park ait  bercé autant de générations à Madagascar. J’ai ainsi pu lire le statut de mon présentateur TV préféré, Rija Tahiana, qui a annoncé sa grande désolation à la découverte de la nouvelle. Blanc, le batteur du groupe de pop rock malagasy culte Ambondrona, a troqué sa photo contre une photo de Chester sur scène, en osmose avc son public. J’écoutais Linkin Park depuis l’âge de 13 ans. Je faisais partie de cette génération « painky »(1) comme ils disent, mais j’en suis fière.  J’écoutais entre autres Linkin Park, Simple Plan, Avril Lavigne, Hinder, Kyo, et aussi Ambondrona, Michael Jackson, Olombelo Ricky, Mahaleo, Hilary Duff et plusieurs autres groupes d’autres genres. J’aimais le rock mais j’aimais aussi les autres genres. J’étais en classe de quatrième, et le titre « Numb » passait en boucle dans mon MP3.

Une identification à la musique

Chester Bennington était une icone musicale du rock. ©Linkin Park

Je me retrouvais dans la musique de Linkin Park. Car dans un pays meurtri par la haine, la corruption, et où les valeurs culturelles ont été troquées contre l’argent, ce genre de musique me permettait de me sentir comprise et moins seule. Une vision que des milliers de jeunes de l’époque partageaient, et c’est une des raisons pour laquelle l’immobilisation avait pris une telle ampleur. D’ailleurs, des fans s’identifiaient eux-mêmes à la musique et aux paroles. Des paroles qui reflétaient une jeunesse perdue, ici comme dans le monde. Perdu, peut-être à première vue dans un sens affectif, mais aussi émotionnellement, socialement et politiquement. D’ailleurs, les jeunes malagasy ont réagi plus vite à l’annonce du décès du chanteur qu’à tout évènement politique – qui leur désintéresse totalement d’ailleurs! Comme quoi, nous nous identifions plus à une icone musicale qui saura porter nos paroles et nos sentiments qu’à des politiciens qui ne savent même pas ce dont nous avons besoin.  Cela est valable à la fois pour les icônes musicales malagasy qu’étrangères.

(1)painky: surnom péjoratif pour nominer la musique « punk » à Madagascar


Au secours, Madagascar recrute d’urgence un Président !

« Offre d’emploi. Pour redresser son système, Madagascar recrute d’urgence un nouveau Président. Si vous correspondez aux critères énumérés ci-dessous, veuillez envoyer un e-mail à l’adresse « etsionrecrutaitunpresidentpourmadagascar@ironie.com ».

« Avec lui c’était mieux! »

Cette inspiration sur l’offre d’emploi pour recruter d’urgence un Président m’est venue alors que je regardais les infos à la télé, samedi soir. L’ancien Président de la République de Madagascar Président, Marc Ravalomanana, a en effet voulu faire une démonstration de force au pouvoir actuel, qui est sous le contrôle de Hery Rajaonarimampianina. Ravalomanana a ainsi voulu fêter le quinzième anniversaire de son parti politique TIM (Tiako I Madagasikara) dans le grand stade de Mahamasina, mais le pouvoir l’en a empêché et a refusé de lui en donner la permission. D’où une fête qui s’est vite transformée en grande manifestation, car les partisans de Ravalomanana et lui-même ont décidé d’assaillir la Place du 13 mai à Analakely.

Antananarivo, la Capitale de Madagascar, vue panoramique de Faravohitra. © Tiasy

Donc malgré ses nombreuses fraudes durant sa gouvernance au pouvoir, les Malagasy sont prêts à remettre Ravalomanana au pouvoir parce qu' »avec lui c’était mieux ». Tel est le raisonnement de la plupart des Malagasy. Tel est le critère pour qu’un ancien politicien reprenne les rennes du pays, parce qu’avec lui c’était mieux… Ok, et qui nous dit qu’une fois au pouvoir, tout sera tout simplement comme avant il y a 15 ans de cela? Est-on sûrs que reprendre le même cheval qui nous a fait tomber et piétiné durant la course pourra nous reconduire à la victoire, cette fois? Je vous propose un nouveau profil. Nous allons recruter un nouveau Président!

Profil recherché pour le nouveau Président

Attention, ce paragraphe est à prendre au quinzième degré! …

RECRUTEMENT: PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MADAGASCAR

Profil requis:  

– Ayant fait des études politiques, niveau Master ou Doctorat

– Ayant fait de la politique, dans le sens où le candidat / la candidate a manifesté un bon engagement communautaire et humanitaire (genre Père Pédro), une intelligence au-delà de la normale avec un coeur en or (genre le boss dans les séries policières), un amour de la patrie quitte à s’opposer à tous ceux qui veulent juste profiter de cette patrie (genre Donald Trump), un homme dont la femme serait une conseillère, une amie, une dame de coeur (genre Michelle Obama), un homme / une femme encore vierge en matière de corruption (ça existe?!)

– une personne avec des valeurs spirituelles bien fondées

– une personne honnête, intègre, qui respecte sesa compatriotes et sa culture, ainsi que ses aînés et ses ancêtres

– un bon orateur, mais qui réalise ses promesses et tient ses paroles (beau-parleur s’abstenir)

– une personne qui n’a pas encore de sang sur les mains

– une personne qui saurait tenir tête aux étrangers et faire face à la pression

– une personne pour qui le mot « égoïsme » reste un mystère…

– une personne ouverte d’esprit mais dont le cerveau ne s’est pas encore enfui, profitant de cette ouverture

– Avoir du charisme et une « Tête-à-président »

Etc…

 

Missions:

– Assurer la bonne gouvernance, la stabilité politique, la transparence, le respect des Droits de l’Homme…

– Assurer une bonne relation avec les autres pays, sans pour autant accepter de devenir leur « outil »

– Veiller à ce que la loi soit respectée, à ce que tous les criminels soient jugés et condamnés justement par rapport à leur crime

– Assurer une bonne éducation, de bonnes conditions de travail pour les salariés, de bonnes conditions d’investissement pour les opérateurs, éradiquer le chômage, aider les mendiants à vivre dans des conditions moins précaires,

– Evite de se faire prendre au dépourvu par les « dahalo », les anciens politiciens, les politiciens et partenaires étrangers, et j’en passe…

Si vous correspondez au profil requis et si vous pouvez assurer toutes ces missions, envoyez-nous votre CV, lettre de motivation, des centaines de lettre de recommandation et tout autre document susceptible de soutenir votre candidature à l’adresse e-mail « etsionrecrutaitunpresidentpourmadagascar@ironie.com ».

Tourner en bourriques

jeunesse malagasy
Les Malagasy peuvent-ils encore espérer quelque chose des politiciens actuels? © Tiasy

Quoi qu’il en soit, ironie ou pas, la vérité ne peut être nié. Les dirigeants de ce pays, et ceux de la plupart des pays africains, ont colonisé leur propre pays et l’ont échangé pour bien peu. Mais le pire dans tout cela, c’est qu’après quelques années, les populations qu’ils ont eux-mêmes colonisés leur mangent dans la main, à nouveau. Et ça, les politiciens malagasy le savent. Il suffit juste que le Président actuel fasse une faute pire que ce que l’ancien a fait et on repart à la conquête du pouvoir. Après 50 années à tourner en bourrique, les Malagasy continuent encore à élire et réélire les mêmes têtes qui les ont obligé à ramper. Et personne n’est là pour leur rappeler que ce n’est pas bon pour le pays. Ce n’est pas sain pour le pays! Malheureusement, les Malagasy, et les africains, en sont à un point où ils ont complètement perdu de vue ce qu’ils veulent. Nous avons perdu tous nos repères, et c’est bien la raison pour laquelle les politiciens, malagasy comme étrangers, font de nous ce qu’ils veulent. Quand on saura ce que l’on veut vraiment, on pourra peut-être se frayer un passage et avancer. En attendant, on peut toujours lancer des offres…

 


Antananarivo : à la découverte de la récitation des enfants mendiants

J’ai remarqué que depuis deux ou trois ans, une nouvelle pratique s’est installée dans la Capitale de Madagascar. Les enfants mendiants, qui n’auraient même pas osé s’approcher des transports publics auparavant, montent aujourd’hui dans les bus. Ils ne vous demandent pas sèchement de leur donner de l’argent, non ! Ils font des récitations.

La récitation dans les bus

Dans la Capitale de Madagascar, si auparavant les mendiants se contentaient de quémander dans les rues, cela ne leur suffit plus aujourd’hui. Les enfants mendiants ont adopté une nouvelle stratégie pour le moins drôle mais pas toujours plaisante : faire des récitations dans les bus. La première fois, cela a été un choc pour moi. Je venais de monter dans le bus, à 67 hectares – un quartier à l’Ouest du centre-ville. Il était environ 17 heures et le bus n’était pas encore plein. Il n’y avait pas d’autoradio. En revanche, une petite voix aiguë bizarre a commencé à faire une récitation. Je me suis retournée, et j’ai vu un garçon dont les habits étaient de couleur indéfinissable (entre le gris, le marron et le noir). Il était pieds nus, le capuchon sur la tête, les mains derrière le dos. Il faisait le va-et-vient entre la première et la dernière rangée du bus en récitant un texte. Parmi les paroles :

 

« Manao ahoana daholo ‘nareeeeeo                               (Bonjour à touuuuuuuuuuuus)

Za ‘zany dia hanao tsianjery kely ho anareeeeeeo        (Je vais faire une petite récitation pour

                                                                                                                  vouuuuuuuuuuuus)

Jaomampianina o Jaomampianina                                      (En allusion au Président de la

                                                                                               République Hery Rajaonarimampianina)

Ny vahoaka aty efa tsy mihinan-kanina                              (Le peuple ne mange plus)

Aza variana amin’ny Madame Voahangy                         (Ne soyez pas diverti par Madame

                                                                                         Voahangy (en allusion à la Première Dame)

Sao dia avy eo dia mampamangy […]                               (Vous pourriez tout perdre) […]

Sa ve ataoko amin’ny teny malagasy ?                             (Dois-je le formuler en malagasy?)

“Mba omeo vola aho azafady”                                          (“Donnez-moi de l’argent”)

Sa ve ataoko amin’ny teny faran’ny tsy hay(1)?              (Dois-je le formuler en français?)

“Donnez-moi de l’argent”…                                               (“Donnez-moi de l’argent”)

Sa ve ataoko amin’ny teny sinoa                                       (Dois-je le formuler en chinois?)

(Un truc genre di-din-don-di-din-don)(2)»                     (Un truc genre di-din-don-di-din-don) 

La récitation de la réalité

L’Akamasoa, village construit par le Père Pédro, accueille les personnes les plus démunies à Madagascar. Il compte actuellement plus de 25 000 habitants © Tiasy

Ce qui m’a le plus marqué, et qui a aussi marqué tous les voyageurs qui avaient écouté, ce fut entre autres les rimes de la récitation, qui n’étaient, il faut le dire, pas mal du tout. Mais surtout, ce fut les paroles et l’intelligence avec lesquelles l’enfant a exprimé les réalités à Madagascar. Des dirigeants égoïstes, une pauvreté croissante, une population qui vit dans la misère, et même une population multilingue. Car les malagasy, à part leur langue natale, parlent le français, l’anglais, le chinois, l’allemand, l’espagnol… des langues pas forcément toutes maîtrisées mais quand même utilisées. Le « vary amin’anana »(3) étant généralisé dans la vie quotidienne des malagasy. Ces récitations varient, et je l’ai remarqué, en fonction de la saison et de la période de l’année. Au mois de novembre 2016, les enfants mendiants y avaient intégré des lignes sur la Francophonie (4). Au mois de décembre, ils faisaient des récitations sur les difficultés des familles malagasy à fêter Noël, faute d’argent. Des récitations qui sont apprises par cœur. J’ai appris d’un ami que ces enfants apprennent ces récitations chez un tuteur qui se voue exclusivement à inventer et apprendre des récitations à ces mendiants.

Enfants mendiants : un véritable réseau

Ces enfants mendiants sont localisés un peu partout dans la Capitale. Vous ne pourrez pas les rater si vous prenez le bus, notamment ceux du centre-ville. C’est un véritable réseau ! Ils opèrent notamment quand les bus ne sont pas pleins. Ils montent, vous disent « bonjour » et commencent à réciter pendant environ une minute. Puis ils se taisent et tendent leur main en passant près de chaque voyageur. Si certains détournent leur regard et crachent par la fenêtre pour illustrer leur dégoût, d’autres leur donnent de l’argent et parfois, émettent leurs appréciations par rapport à la récitation. Parfois, les receveurs de bus les reconnaissent et leur demandent de descendre dès qu’ils montent le marchepied. Ce qui est un peu triste pour l’enfant… malheureusement, malgré la bonne – ou mauvaise – intention de ces enfants, les bus ne sont pas faits pour mendier. Et encore moins pour faire des récitations…

 

 

(1) « faran’ny tsy hay » : argot des malagasy pour dire « frantsay » qui signifie « français »
(2) Les mendiants parlent en chinois dans leur récitation mais je n’ai pas compris ce qu’ils disaient réellement. Ça ressemblait à « di-din-don »
(3)« vary amin’anana » : littéralement, c’est un plat typique malagasy qui mélange riz et « anana », sorte de salade malagasy utilisé pour les plats de résistance. Mais au sens figuré, parler « vary amin’anana » signifie mélanger des mots issus de langues différentes : malagasy, français, anglais, espagnol, etc
(4) Sommet de la Francophonie : le XVIème Sommet de la Francophonie a eu lieu en Novembre 2016 à Madagascar, dans la Capitale, à Antananarivo. Le Gouvernement a réorganisé la Capitale pour l’occasion. Les avis ont divergé, mais la majorité de la population a émis des critiques par rapport à la volonté du Gouvernement de réorganiser la Capitale durant la Francophonie mais aucune volonté pour lutter contre la pauvreté.


Madagascar: décolonisé sur le papier, mais pas dans la tête

Madagascar. 57 ans d’Indépendance. Dignement fêté hier et ce jour dans la joie et l’allégresse. Seulement, dans mon cher Madagascar, le rêve d’un monde meilleur continue. Des combattants malagasy ont obtenu leur indépendance après une lutte mortelle il y a de cela 57 ans. Mais actuellement, cela ne signifie plus grand-chose.

Les malagasy colonisés dans leur tête

Ça fait 57 ans. 57 ans que Madagascar a été proclamé officiellement comme « indépendant »! D’accord, et qu’est-ce qui a changé depuis? Il faut être réaliste: les malagasy sont décolonisés en théorie, mais dans la pratique, cela reste à prouver. Ma vision ici n’est pas celle de tout le monde. Je parle de ce que je vois et entends chaque jour dans les rues, dans les conversations des gens, aux informations. Nous aimons bien le « mihatsaravelatsihy »(1), c’est tout ce qui nous reste. Nous parlons d' »amour de la langue maternelle », mais déjà, un entretien d’embauche dans une boîte malagasy se fait en français. Pourquoi? Je ne dis pas que la langue française n’est pas importante, seulement les français dans les boîtes françaises ne font pas leurs entretiens en anglais. Les Gouvernements successifs n’ont jamais rien fait pour se démerder tout seul! Ils ont toujours attendu l’aide des Partenaires techniques et financiers, les « subventions », prêts, dons et je-ne-sais-plus-quoi. Mais après, nous devons céder nos terres, nos ressources, etc. Nous ne sommes pas indépendants, nous descendons un peu plus profond chaque jour! Des entités n’affichent même plus « Ariary »(2) quand ils exposent le prix de leurs services ! Ils mettent « Euros » ou « Dollars ». Et d’ailleurs, l’Ariary n’est pas la seule monnaie de change dans ce pays. Je n’invente pas! J’ai vu plein d’affichages de prix de ce genre à Diego, il n’y a même pas un mois!

La vue du Rova Manjakamiadana de Betongolo, un quartier de la Capitale. © Tiasy

Zéro respect

Les malagasy n’éprouvent plus ce que l’on appelle « amour de la patrie » ou « respect des compatriotes ». Quand tu entres dans un bureau administratif, tu dois « payer » pour avoir un service, et c’est le Malagasy en face de toi même qui t’y oblige! Mais il ne fera pas payer un étranger. Pourquoi ne pas mettre les deux sur un même pied d’égalité? Je ne comprendrai jamais sur quoi nous sommes portés. Ou si, en fait. Nous sommes portés sur l’argent, la vanité, la cupidité et la gloire. Mais pire, nous n’avons plus de respect envers les mêmes malagasy que nous, et encore moins envers notre pays. Triste réalité. Nous levons un drapeau déchiré et qui n’a pas été lavé pendant plusieurs siècles un mois avant le 26 juin (3), chaque année. Et encore, il faut se féliciter car au moins, on l’a levé, contrairement à 75% des habitants du quartier où on vit! La majorité des malagasy ne connaissent pas par cœur l’hymne national, petits comme grands. Seulement, on ne l’a jamais dit tout haut. Heureusement, il y a toujours le playback qui passe lors des grandes cérémonies… Seuls les vieux « combattants » qui ont vécu à l’époque de la colonisation savent encore ce que c’est que d’aimer son payer. D’ailleurs, lors d’une discussion avec d’anciens combattants de la grande  du 29 mars 1947, ces certains m’ont dit qu’ils étaient tristes de la situation dans laquelle la population malagasy s’est-elle mise elle-même actuellement. Des dizaines de générations sacrifiées pour rien pour assouvir les nouveaux colons qui sont principalement ceux de même nationalité que nous, mais aussi ceux de nationalités étrangères qui se sont alliés à ces derniers!

(1)« mihatsaravelatsihy » : mot malagasy qui signifie « être hypocrite ». Etymologiquement, « mihatsaravelatsihy » révèle au sens propre la position d’un « tsihy », sorte d’outil malagasy utilisé comme tapis, qui semble propre de l’extérieur mais qui couvre toutes les saletés d’une maison. Le « tsihy » est utilisé par le propriétaire de la maison pour  recouvrir les saletés quand un visiteur vient dans sa maison.
(2) Ariary : Ariary: la devise malagasy
(3) 26 juin: date de proclamation de l’Indépendance de Madagascar, en 1960.

 


Comment Boby Aina, une malagasy, aide des femmes à devenir autonome financièrement

Elle s’appelle Boby Aina. Une malagasy qui a pris l’initiative d’aider ses concitoyennes à sortir de la « prison financière » dans laquelle les enferment leurs conjoints. Pour cela, elle leur a proposé un travail original, créatif et déstressant.

Aide aux femmes victimes de violence conjugale

Boby Aina travaille dans une ONG qui prend en main les femmes malagasy victimes de violence conjugale. Mariées, ces femmes n’ont le droit de sortir de chez elle que pour faire le marché. Eventuellement, elles peuvent aller visiter la famille ou un proche, si leurs conjoints le leur permettent. Elles n’ont pas le droit de travailler ni de contribuer financièrement pour faire tourner le nid familial. Le mari s’occupe de tout. Il travaille, il sort de chez lui de bon matin et il ne rentre que tard dans la nuit. Il lui arrive de ne pas donner de l’argent à sa femme, sous prétexte que c’est lui qui « s’occupe de tout  dans cette maison ». Pour ces femmes, le nid conjugal est devenu une « prison financière ». D’où l’inspiration de Boby Aina de créer une entreprise qui aiderait ces femmes à s’épanouir financièrement sans obligatoirement avoir à « travailler comme tout le monde ».

Travail en freelance et incognito

Désireuse d’aider ces femmes, Boby Aina met en place une société de création d’articles en papiers recyclés : Poti-taratasy création. Le but est à la fois de protéger l’environnement et d’aider les femmes à s’épanouir. « Nous donnons le travail à ces femmes, elles l’emportent chez elles, et elles trient, déchirent  et cousent à leur rythme », continue Boby Aina. Leurs maris ignorent qu’elles font ce travail. Elles gagnent une somme pour réaliser leur petit plaisir à chaque fin du mois. En plus, le travail détend et n’impose pas de pression. En un jour, Poti-taratasy création produit ainsi trois articles fabriqués en papiers recyclés. Des produits réalisés par des femmes qui font le travail chez elles, entre le lavage du linge sale et le repassage.

On peut faire de jolies chose avec du papier recyclé! Les sacs en papiers recyclés produits par la société ressemblent à ceci. © Tiasy

Boby Aina, écologiste et féministe

Boby Aina a créé société originale. Le processus pour la réalisation de sacs, classeurs, bandoulières et trousses en papiers recyclés est assez inventif. « Notre matière première est le vieux papier : papier de magazines, de journaux… ce qui est facile à trouver. Mais c’est le traitement qui est difficile car il faut passer par plusieurs étapes », a expliqué Boby Aina. Jusqu’à 800 morceaux de papier sont utilisés pour réaliser un sac en papier. Les étapes comprennent le nettoyage du papier pour qu’il retrouve son état d’origine, le triage des couleurs, « déchiqueter les papiers en petits morceaux », la couture et la fixation du protège.

 

 


Obtenir la CIN à Madagascar: une aventure déplaisante!

Obtenir sa CIN à Madagascar relève du parcours du combattant. Que dis-je?… Faire ses paperasses à Madagascar relève du parcours du combattant! Pour un jeune qui vient d’avoir ses 18 ans, les premiers pas au sein de l’administration malagasy peuvent être décourageants…


CIN: toute une histoire !

Si l’administration est sensée nous « faciliter » la tâche, c’est bien le contraire à Madagascar. Ils adorent nous la compliquer – bienvenue corruption! Rien que pour les documents à fournir, c’est toute une histoire! Il faut des papiers tels que le certificat de résidence et le bulletin de naissance, entre autres. Le problème, ce n’est pas vraiment les documents en eux-mêmes. C’est le temps et l’argent qu’il faut pour les réunir. Les bureaux administratifs sont éparpillés dans les quatre coins de la ville – et de l’île – selon leurs attributions, et ils n’ouvrent pas toujours aux heures de travail. A part que vous n’obtenez presque jamais vos documents au jour le jour, et parfois avec des fautes d’orthographe. Le problème avec la Carte d’identité nationale, c’est que c’est la première expérience administrative du citoyen qui fait ses premiers pas. La personne – sauf l’adulte qui fait un duplicata – entre dans un bureau administratif pour la première fois et ignore tout des procédures. Maman n’est plus là pour te guider, tu dois faire ta CIN tout seul! C’est qui qui avait hâte d’avoir 18 ans? Bon, après avoir passé une ou quelques jours de galère, voilà presque tous les documents en main… Presque… Il ne reste plus que la fameuse photo!

La fameuse photo

La photo, c’est un volet à part entière hein. Selon les « conseils » de l’administration, il faut que ta face soit bien « visible » et surtout bien moche! Pas de boucles d’oreilles, oreilles bien dégagées, pas de frange, pas de lunettes, pas de rouge-à-lèvres… Ah si, si tu as les lèvres trop rouges naturellement, il te faut un « rose-à-lèvres »! N’oublie pas de mettre un vêtement à manches longues qui t’arrive au ras-de-la-gorge. Et pour les filles, tirez vos cheveux en arrière jusqu’à ce que votre front soit bien visible et remplisse 1/4 de la photo. Ah, vous pouvez mettre des franges et des boucles d’oreille en fait, si vous « payez » gentiment le fonctionnaire

Si ça tourne mal.

Enfin nous voilà. Debout pendant deux heures devant le bureau régional pour entrer dans ce monde des « citoyens malagasy« . Au tableau d’affichage: « Nous ne recevons ceux qui veulent faire leur CIN qu’entre 9 heures et 11 heures 30. Distribution: chaque jour à partir de 13 heures 30 ». D’accord. Je passe une demi-journée ici aujourd’hui et éventuellement une autre dans la semaine, enfin, si tout se passe bien dès le premier entretien avec le fonctionnaire. Généralement ça se déroule comme suit:

Toi: Bonjour Madame / Monsieur!
La / Le fonctionnaire: … (préoccupé (e) dans ses documents et ne te regarde même pas)
Toi: … (tu ne sais pas trop quoi dire ou quoi faire)
La / Le fonctionnaire: Argent! (En tendant la main).

Tu lui donnes l’argent selon le coût fixé pour confectionner une CIN. (Pour info, tu paies entre 200 et 1 000 Ariary).
La / Le fonctionnaire: Documents! (En tendant la main)
Tu donnes les dossiers. Elle ou il y jette un coup d’oeil l’un après l’autre. Puis il regarde la fameuse photo où tu ressembles presque à un cheval. Il te scrute bizzarrement.
La / Le fonctionnaire: C’est toi?
Toi: …Oui.
La / Le fonctionnaire: Tu as mis du rouge-à-lèvres?
Toi: Non!
La / Le fonctionnaire: En plus tu oses me mentir… Tu es bien mal élevé. Tu reprends une photo. Ici, pas de rouge-à-lèvres. Tu reviens quand cette photo sera adéquate.

Les informations sur la CIN peuvent parfois être fausses, faute d’inattention de l’administration. © Tiasy

Si tout va bien.

SI avec un peu de chance tout se déroule sans accroche.
La / Le fonctionnaire: Tu as mis du rouge-à-lèvres?
Toi: Non!
La / Le fonctionnaire: Mmmh… Remplis ceci.
Il te donne une feuille que tu devras remplir scrupuleusement avec des trucs comme le nom de tes parents, ta nationalité, ta date de naissance,… Puis il te demande de te mettre debout devant un mètre-ruban déjà collé au mur pour relever ta taille. Il marmonne des mots inintelligibles et te demandes de te rasseoir. Il note des choses sur une feuille et il te demande de revenir demain, ou après-demain, ou la semaine prochaine, ou dans un mois, ou dans trois mois… Tu lui dis « Au revoir » et il ne te répondra pas.

Le jour où tu reprends ta CIN, tu te sens enfin délivré. Tu as réussi à franchir toutes les étapes et tu vas enfin gagner la « Coupe » tant attendu. Après une petite attente, tu entendras ton nom – ou des mots qui ressemblent à ton nom – épelés par un monsieur ou une dame. Tu prendras la clef qui te permettra de déverrouiller toutes les portes accédant au monde de l’ennui et du désespoir – je plaisante. Ou pas, xD. Et tu découvres qu’en fait tu mesures 1m51 et non 1m57, et que ta mère s’appelle Jules et non Julie…

 

 


Ma première fois à Diego !

J’ai visité la ville de Diego pour la première fois ! 😀 Eh non, il ne s’agit pas d’une « première fois », il s’agit d’une Première expérience ! Je vais vous raconter en détails ma première visite de la ville de Diego-Suarez! Vous allez en voir de toutes les couleurs, du voyage de plus de 1000 kilomètres en taxi-brousse à la visite de la Mer d’Emeraude ! En bonus, un portfolio de la ville et une vidéo de la route qui mène à Ramena !

30 heures de route Tana-Diego !

Une des particularités de cette expérience, je pense, c’est déjà le trajet. En effet, pour la plupart des touristes malagasy, pour visiter la ville de Diego qui se trouve à l’extrême Nord de la Grande île, il faut déjà subir les plus de 24 heures de route ! Non pas que l’avion n’existe pas à Madagascar – bien qu’il n’existe presque pas, lol – mais parce que les frais en taxi-brousse sont plus accessibles au pouvoir d’achat des malagasy. Les frais de voyage coûtent en effet 70 000 Ariary, soit environ  20 Euros. Et croyez-moi, c’est déjà très cher pour une population dont la majorité vit en dessous de 2 Euros par jour. Pour être sûr d’avoir un siège bien confortable – bon confortable, le mot est trop fort, disons un siège qui permettra de ne pas avoir mal aux fesses pendant une semaine – il faudra réserver à l’avance(1). Ce qui est un exercice très difficile ! Puis, le jour du départ, vous devrez arriver une heure avant l’heure fixée pour que tous vos bagages soient installés, mais là encore, vous devrez attendre au moins deux heures avant que l’on n’embarque pour de bon. On appelle ça le « fotoan-gasy »(2) ! Une fois parti, vous pouvez jouir du paysage(3), ce qui est très plaisant ! Par contre, vous devrez vous cramponner à vos sièges car les routes sont assez dangereuses et le chauffeur ne respecte pas forcément la vitesse limite. Pour notre part, nous avons eu droit au deuxième plus lent taxi-brousse de la coopérative que nous avons choisie. Enfin, c’est ce qu’ont raconté les voyageurs « habitués » de cette coopérative. Il roulait environ à 40 kilomètres à l’heure sur une route toute droite et quand il s’arrêtait, le chauffeur prenait au moins une demi-heure de pause. Il était sûrement fatigué, mais tout de même, tous les taxi-brousses nous dépassaient. Si en temps normal, la route Tana-Diego fait environ 24 heures, nous avons mis 30 heures à arriver à Diego. Nous avons quitté Tana à 17 heures si le départ était prévu pour 14 heures, et nous sommes arrivés à minuit le lendemain ! Ce fut horrible, surtout sur la portion de route Ambilobe-Diego qui fait plus de 100 kilomètres mais qui est en très mauvais état. Nous avons mis 5 heures pour faire ce mini-trajet, et mon compagnon de route sautait littéralement d’une place à l’autre à chaque nid de poule. Résultat : mal de fesses pendant une semaine !

J’attendais le départ à l’intérieur du taxi-brousse, de mon siège, je voyais ça! xD
© Tiasy – Mondoblog RFI

Diego : une ville calme, paisible, propre, avec quelques inconvénients.

Ce qui nous a gravement choqués, mon compagnon et moi – à part les 30 heures de voyage – ce fut la « calmeté » (4) de la ville. Et je pense que « calme » n’est même pas le mot ! C’est plus que cela, c’est une ville où, en cas de rupture de couple, tu peux te recueillir et faire une « recollection », comme le disent les religieux. Entre midi et 14 heures, la ville est endormie. Presque tous les restaurants sont fermés, les ruelles sont vides. Tout le monde dort ou prie, car la majorité des habitants de Diego sont musulmans. De même à partir de 18 heures ou c’est le calme plat. Ça fait presque peur ! Sinon, la ville est très propre, bien plus qu’Antananarivo, la Capitale. Toutefois, les gens sont moins sympathiques. En effet, si tu ne parles pas leur dialecte – car il y a différents dialectes pour différentes régions à Madagascar – ils ne te parlent pas, tout simplement. Ils te répondent par un « valy boraingina » (5). Par contre, ils parlent très bien le français et ils apprécient beaucoup les étrangers –pas nous hein, mais ceux des autres pays, xD ! J’en ai fait l’expérience, car nous avions été accompagnés par un ami étranger avec nous là-bas. Ils étaient très sympathiques envers nous quand nous étions avec lui mais quand on n’était que deux Tananariviens à traîner ensemble, les gens étaient moins accueillants. Sinon, l’administration là-bas, c’est mort. Il n’y a rien, ils ne foutent que dalle. Un fonctionnaire a dit que c’était surtout à cause du fait que le Gouvernement se préoccupait moins des Provinces et se centrait sur la Capitale. D’ailleurs, à ce propos, fonctionnaires comme simples citoyens se sentaient « abandonnés ».

Ramena, mon paradis !

Mon séjour à Diego a été illuminé par ma visite de la plage de Ramena. C’est un petit paradis qu’il faut absolument visiter. Enfin, à condition de vouloir parcourir les 15 kilomètres qui séparent la ville de la plage, et de vouloir dépenser 12 000 Ariary dans un seul plat, avec le soleil qui vous brûle, presque littéralement. Pour ma part, toute cette petite aventure ne me déplaît par car je suis une fanatique de la longue distance et du soleil. Je peux bronzer au soleil pendant des heures sans obligatoirement « bronzer », lol, et sans me sentir envahie par cette bouffée de chaleur que tout le monde déteste. D’ailleurs, je suis triste à cahque fois que je quitte la mer. Notamment celle-ci, la Mer d’Emeraude, qui a une couleur « émeraude » qui m’inspirerait d’écrire sur n’importe quoi rien qu’en la regardant, et qui ressemble à un petit paradis grâce à la vue du « Pain de Sucre ».

Le Pain de Sucre de Diego Suarez, vue de la route Ramena. J’ai pris cette photo dans le taxi-brousse, d’où la mauvaise qualité…
La plage de Ramena.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une fois le dialecte Diego bien acquis, je m’installerais volontiers là-bas. Bref, je vous ai partagé cette expérience, premièrement parce que ça me passionne. Deuxièmement, parce que je voulais un peu changer de mes textes pessimistes sur les réalités à Madagascar, et montrer qu’il y a aussi de très belles choses dans ma chère et tendre île. Enfin, c’est pour une petite pub pour les touristes ! A bientôt pour un nouvel édito de Tiasy ! 🙂

 

Bonus: la vidéo de la route vers Ramena!

J’ai pris plaisir à prendre une vidéo d’une portion de la route qui mène vers la plage de Ramena. Vivez l’ambiance du taxi-brousse avec sa musique tropicale et le son d’ambiance unique des chaises et du moteur! 😀

(1) Vous devez vous rendre à la Gare routière des transporteurs nationaux à Ambodivona et trouver une « bonne » coopérative qui vous garantira que vous serez installé assez confortablement sur une rangée de 4 personnes – et non 5 ou 6 – dans un Sprinter qui serait régulièrement entretenu, mécaniquement parlant. Ils vous rembourseront si vous décidez de ne pas partir à la dernière minute. Ils vous garantiront aussi que le taxi-brousse partira bien à l’heure – mais ça n’arrive presque jamais !
(2) « fotoan-gasy » : les malagasy ont la mauvaise manie de toujours être en retard, et cela au moins d’une demi-heure. C’est connu, c’est presque une coutume, et c’est fortement déplaisant.
(3) Madagascar est connu pour son paysage sans pareil, c’est la meilleure destination touristique de l’Océan Indien!
(4): « calmeté »: ce mot n’existe pas
(5) « valy boraingina » : expression malagasy pour décrire une réponse qui est courte, peu claire, dite avec un ton tranchant et énervé.



Madagascar : quand les entretiens d’embauche deviennent une arnaque

Vous avez déjà vécu un ou plusieurs entretiens d’embauches à Madagascar? Quand quelqu’un vient de subir un entretien d’embauche, il a dans la tête une somme colossale après des heures de dur labeur… Toutefois, sachez à quoi vous en tenir après un entretien d’embauche à Madagascar. Essayez de clarifier la théorie ci-dessous avant de vous lancer ! 

 

Entretiens d’embauche : tout est théorie !

Photo prise sur Flickr
Le contrat peut s’avérer être un piège pour le travailleur.

Les discussions dans les entretiens d’embauche semblent parfaites : limitation des travaux à faire, horaires, rémunération… Tout semble tenir debout ! Tu feras huit heures de travail par jour – c’est la loi à Madagascar – et tu gagneras une rémunération équivalente. En cas d’heures supplémentaires, tu te feras payer plus et tu seras « raccompagné par le personnel » en cas de travail de nuit. « Bien sûr, les heures supp, ça n’arrive que deux à trois fois dans le mois ! », rassure le Directeur des ressources humaines (DRH), très gentil et souriant. En cas de déplacements imprévus, tu auras une indemnité conséquente… « Après un an de travail, vous pourrez prendre congé, selon le Code du travail », stipule-t-il en étalant ses connaissances en la matière… La grosse arnaque, c’est le volet qui t’expose ce que tu auras à faire. Par exemple, lors d’un entretien d’embauche de journaliste. « Vous devrez traiter de la rubrique Social exclusivement. Vous écrirez trois articles par jour sur différents sujets du domaine social, en français ». D’accord, cela semble convenir. Puis vient la phrase-clé : « Vous êtes libre de suite pour commencer ? » En tant que candidat qualifié et retenu, qu’y a-t-il de mieux que d’accepter ! « Oui », répondras-tu avec un sourire.

Rien à voir avec cette théorie !

Sauf qu’une fois dans le système, tu découvres que toute cette discussion qui avait duré quinze à vingt minutes dans une salle conviviale et climatisée n’était qu’une arnaque. En un mois, tu deviens le nouvel esclave de ce système qu’on appelle le capitalisme et la société de consommation, qui t’oblige à produire plus pour gagner peu… Le chef/patron/boss ou  je-ne-sais-plus-qui, parfois ton propre collègue qui profite de son « ancienneté », t’obligera à faire TOUT le travail. Et quand je dis TOUT, je n’exagère pas ! Lors de ton entretien d’embauche, on t’avait dit que tu occuperas juste un poste, eh bien non ! Tu occuperas deux à cinq postes. Tu seras à la fois comptable, gestionnaire, agent administratif, consultant juridique, gardien, et parfois encadreur de stagiaire – ça m’est arrivée plusieurs fois ! C’est super, tout ça. Tu auras plus d’expériences que tu n’en auras jamais eues en cinq ans de travail. Mais ta rémunération restera toujours équivalente à une seule fonction. Les heures supp… Apparemment le « deux à trois fois par mois » signifiait « deux à trois fois par semaine ». Le « raccompagnement par le personnel » la nuit, il existe mais seulement ce sera dix personnes dans une voiture pour cinq places, ou tu peux toujours marcher à pieds ou prendre un taxi vers 22 heures… Les indemnités… Elles n’existent pas. Ou si mais elles seront soustraites de tes avantages sociaux ou je-ne-sais-plus-quoi ! … De même pour la rémunération. Donc la belle somme que tu avais en tête, elle sera réduite de 5 à 10%, parfois plus…

Un Code du travail freestyle

Le Code du travail, il existe seulement quand il peut servir d’intérêts. Un exemple facile à comprendre : tu n’auras droit aux congés qu’après deux à trois requêtes auprès de ton patron, mais en cas de démission, tu devras quand même terminer ton préavis et éventuellement, les congés seront payés au solde de tout compte. Tout ça sous-prétexte du manque d’effectif… De plus, à Madagascar, le Code du travail, peu de gens le connaissent. On en entend souvent parler mais on ne sait jamais vraiment ce que cela contient. Puis chacun l’arrange comme il l’entend ! Les inspecteurs de travail, ils descendront sur terrain seulement si tu leur auras donné un petit « pourboire ». Ou pire, ils resteront dans leurs bureaux parce que votre patron lui verse un petit pourboire de temps en temps pour éviter que toutes les fraudes de l’entreprise ne soient révélées au grand jour. Sinon, à l’école, on apprend des tas de choses mais rien sur le Code du travail, ni sur la rédaction d’un contrat, ni rien de ce genre… Donc les jeunes diplômés ils entrent dans le monde du travail avec zéro connaissance sur les paperasses mais une panoplie de diplômes. Triste réalité. Pour les femmes, l’entretien d’embauche n’est pas difficile d’ailleurs. La plupart du temps, ça associe entretien d’embauche et rencart avec le patron https://tiasyraconte.mondoblog.org/2017/06/01/madagascar-corps-monnaie-courante/. Et au diable le Code du travail ! Le corps et l’argent priment, et cela semble tout-à-fait normal. Ça fait même partie des « règles » de la société actuelle… Je ne mentionne plus ici les retards de paiement qui dépassent les 10 du mois et qui accumulent parfois plusieurs « 10 du mois »…