J’ai testé pour vous… tomber amoureuse d’un gigolo du désert (et s’en remettre !)
Une petite bourgade marocaine aux portes du désert. Lieu touristique enchanteresse, propice à l’idylle. Là où le travail des hommes n’est régit par aucun code-rome et se résume en quelques mots : vendre du rêve. Etre gigolo, une profession bien ficelée et parfaitement bien menée au village…
Une destination inconnue.
Novembre 2016, mon 1er vrai voyage au Maroc. Fatiguée d’être la seule fille dans ma bande de potes voyageurs, c’est avec soulagement que je prends mon sac à dos pour visiter seule le désert du Sahara. Direction la région de Zagora. Après avoir trouvé une bonne adresse dans un célèbre guide de voyage, je réserve un trip dans le désert via internet. Au programme : une nuit en bivouac sauvage et une nuit en bivouac fixe près des dunes d’un célèbre erg.
Alors que j’attend le taxi à Zagora, quelqu’un me dit :
« Attention la gazelle, si tu vas là-bas ils vont t’emmener dans le désert, te montrer les étoiles et ils vont vouloir coucher avec toi ».
Un avertissement que j’aurais du prendre en compte. Innocente que je suis, je me dis que ce n’est pas un pauvre type rabatteur dans son genre qui va me faire la leçon.
En arrivant sur place, c’est plutôt soulagée que je rencontre mon guide, jeune marocain d’une vingtaine d’années à la peau sombre et au regard que je pensais innocent. La veille, j’avais déjà remis en place l’employé de l’hôtel. Je n’avais pas vraiment envie de remettre ça. De plus, sortant d’une rupture difficile, je n’étais de toute façon pas là pour ça, et ce n’est pas un gamin de son âge qui allait me faire peur.
Un trip de rêve
La 1ere soirée se passe sans heurt, nous passons la nuit à nous raconter nos vies au bord du feu. Il y a bien quelques questions indiscrètes, mais à quoi bon dialoguer si ce n’est pas pour se poser les vraies questions ?
La deuxième nuit, j’ai le droit aux 1ères avances que je repousse gentiment. Quand même, j’ai des principes dans la vie, moi, monsieur ! Malgré sa déception, il ne perd pas le nord. « Ne dis rien à mon frère ».
De retour du désert, je suis un peu paumée et je décide de rester quelques jours de plus. Puis, les jours qui suivent, le rapprochement se fait. Emmitouflé dans son chèche noir, sa guitare à la main, son regard plongé dans le mien, il finit par me séduire. Et moi, je baisse ma garde. Nous parcourons tous les deux les chemins étroits de l’oasis sur sa moto, cheveux au vent. Je me sens libre et cette nouvelle idylle me met un peu de baume au cœur. Et c’est avec l’idée que je vais galérer à l’oublier que je le laisse entrer dans ma chambre lors de la dernière nuit…
De retour à Fés, une des 1ères choses que je dis à mes potes est que « la vache les gars j’y crois pas, j’ai passé la nuit avec mon guide » ! Et en plus, je lui plais vraiment, il me kiffe ! Les étoiles que nous avions observées les nuits précédentes se retrouvent dans mes yeux.
Depuis que je l’ai quitté, nous sommes en conversation permanente sur Messenger et WhatsApp. Il attend déjà le retour de sa « princesse » française. Il me fait rêver et je voudrais que cela dure toujours.
Un gigo quoi ? Un gigolo.
Notre relation virtuelle dure des mois. Presque tous les jours, nous nous parlons. Messages, vidéos, photos… Tous les moyens sont bons pour ne pas se perdre de vue. Et moi, je vibre, je fonds, je succombe. Badaboum, je lui fais confiance et tombe amoureuse.
Mars 2017. Je décide de débarquer à l’occasion d’un festival organisé dans le village.Comme ça. Pour le revoir. Parce que je pensais que lui aussi voudrait me revoir.
Les retrouvailles sont joyeuses. A la 1ere occasion, nous nous esquivons tous les deux pour avoir un peu d’intimité. Mais très vite après avoir conclu notre affaire, il me confie qu’il doit me dire quelque chose d’important. Il préfère me prévenir qu’Elle sera là, à l’hôtel.
Comment ça, qui sera là ?
Mais siiiiii, ELLE.
« La vieille ».
Et là, c’est le drame, mon sang ne fait qu’un tour. Après quelques brèves explications de sa part, je me rend compte QUE JE SUIS AMOUREUSE D’UN GIGOLO. Il ne l’aime pas dit-il. La différence avec moi, c’est qu’il ne me demande pas d’argent dit-il. Elle est vieille, mais elle l’aide, alors il ne peut pas refuser. Le choc.
C’est elle qui me donne de l’argent et des choses en échange d’un peu d’amour. Elle m’a demandé de passer lui souhaiter bonne nuit dans sa chambre, attends moi je reviens.
La descente aux enfers, entre désespoir et incompréhension.
Je m’en veux. Comment MOI, j’ai pu tomber dans le panneau ? Comment j’ai fait pour croire que je le faisais craquer ? J’ai le cœur en compote et la colère me noue la gorge.
Je lui en veux à lui. Comment est-ce qu’il a pu me faire ça ? Toute la confiance que j’avais placée en lui est définitivement morte. Et avec elle, la confiance que j’aurais pu placer un jour dans un autre homme. Ce qui m’a le plus gêné, c’est son manque d’honnêteté. Il m’a manipulée, disant ce que j’avais envie d’entendre. Il a fait en sorte que je revienne dans son hôtel, où il savait que je consommerais. S’il m’avait dit qu’il procédait de la même façon avec toutes les filles, je ne me serais pas investie sentimentalement. J’aurais pris ce que qu’il y avait à prendre sans m’attacher.
Je lui en veux à Elle ! Parce qu’elle entretient aux yeux de tous cette relation de domination sur lui. Elle est même très futée en ce sens, usant de moyens de pression. Le pouvoir de l’argent et la promesse de le faire réussir. Elle qui n’hésite pas à exiger des choses comme s’il était à son service.
Les explications qu’il me donne me semblent, sur le coup, complètements incompréhensibles. En effet, la justification tient en un mot : la misère. Devenir gigolo, ou comment choisir la solution de facilité pour s’en sortir.
Un rituel bien rôdé et ancré dans l’ordre social
Après avoir observé avec un peu plus d’attention ce qu’il se passait autour de moi, j’ai compris que tous les jeunes qui ne sont pas encore mariés vivent dans cette situation. J’ai en effet vite remarqué lors du festival un grand nombre de femmes matures accompagnées de locaux habillés de gondoras bleues et chèches multicolores. Ils occupent à cette occasion plusieurs fonctions auprès de ces dames, de garde du corps à GO -gentil organisateur- de séjour. Ils en tirent de bons pourboires. Car oui, disons-le, c’est comme ça qu’ils arrivent à obtenir voitures, 4*4 et autres véhicules quasi inaccessibles. Surtout lorsque la relation est poussée jusqu’à l’intimité.
Il y avait aussi des jeunes filles qui rêvent et se laissent charmer. A aucun moment je ne lui ai proposé ou donné de l’argent en échange sa compagnie. Je n’ai jamais considéré qu’il était inclus dans le prix de la chambre. Lui par contre, m’a toujours considérée comme une cliente. Il a parfaitement réussi à me faire revenir plusieurs fois.
Quand j’y repense, je comprends le regard qu’ont les femmes du village sur les européennes. Et la méprise de certains hommes. C’est évident que tout le monde sait ce qu’il se passe. C’est surtout grâce au tourisme que la région survie.
Le plus aberrant pour moi dans tout ça, c’est comment les européennes qui se prennent pour des sauveuses sont actrices de cet ancrage dans la misère. Car donner ce « travail » aux hommes, c’est je trouve les assujettir en leur laissant croire qu’ils sont sur la bonne voie. Qu’ils ont raison de se vendre. N’ont-ils pas d’autres potentiels à exploiter ? N’y a-t-il pas d’autres solutions pour développer la région ?
On s’en remet !
Encore bien des questions qui resteront en suspend, et pour lesquelles je ne préfère même pas avoir une réponse. En tout cas, j’aurais appris quelque chose. Le tourisme sexuel n’existe pas que en Thaïlande et ne concerne pas que les femmes. Ces prostitués masculins ont même un nom : on les appelles des gigolos.
Le temps et la réflexion faisant leurs effets, je me suis remise de cette histoire et j’ai oublié ce petit gars avec qui je n’ai plus de contact. Oui Mesdames, la seule solution pour sortir de ces relations toxiques, c’est de couper les ponts. Définitivement. Ce qui est rassurant, c’est que j’ai encore échappé aux griffes d’un alcoolique notoire. Car oui, ce problème est aussi récurrent que normal dans le village.
Avec le recul, je me dis que je n’ai rien à regretter. J’ai vécu des jours inoubliables. Bien évidemment je m’en veux encore un peu d’être tombée dans le panneau. Mais mon erreur est seulement d’avoir été amoureuse. Pas d’avoir rêvé à une autre vie.
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