Djossè TESSY

Dame de mon âme

La femme est à l’honneur en ce mois de mars. C’est elle qui donne la vie. C’est elle qui fait la vie. A cette vaillante dame, je rends hommage..

 

Dame qui porte dans ses entrailles,

Le terreau de l’âme, le terreau de la vie,

Le terreau du cœur et du squelette,

Dame qui du fin fond de son ventre,

A entendu les premières cadences de mon cœur,

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Réponse en sourdine ©Bruce Clarke

J’ai tété ses seins. Ses seins sains,

J’ai baisé sa poitrine de mes lèvres innocentes,

J’ai palpé de ma langue,

Puisé dans ma petite bouche ,

Son lait. Le lait de la vie.

Dame, sur toi j’ai reposé mes effrois,

Dans ta voix je me réconforte,

Je t’ai donné des frayeurs,

Dans l’effervescence de mes premiers pas,

Dans l’ignorance de mes déboires,

Et tu as eu des sueurs froides.

Je t’ai fait de belles misères,

Qui ont orné tes nuits d’insomnie.

 

Dame, je vois ce que cachent tes rires,

Devant la barbarie de ton homme, mon père,

Un être pas doux et jaloux, mais que tu aimes tant,

Et ton silence silencieux, te rajeunit, me rassure.

Je vis ta hardiesse dans ce purgatoire,

Ta gentillesse dans cette pénitence.

 

Maintenant, je connais le sens de ton combat,

Le sens de ce combat éternel ici bas.

Quand est venu le moment à mon cœur,

De battre pour toi, il n’a battu qu’une seule fois,

Et depuis, il ne s’est pas arrêté !

 


Et si c’était vrai…la machine égyptienne contre le Sida ?

L’annonce par l’armée de la machine « Complete cure » pour guérir du Sida et d’autres maladies, a fait le buzz sur la toile. Entre perplexité et espoir, les internautes ne savent où se placer pour apprécier la nouvelle. Et pourtant, il ne s’agit pas d’une rumeur. C’est un communiqué officiel dans une salle quasi pleine qui a annoncé que l’armée a découvert la solution tant cherchée pour éliminer le Sida et l’hépatite C. Une vidéo diffusée sur Youtube montre la machine et des essais sur quelques personnes.

Complete cure_Sida_hépatite

Pourquoi autant de scepticisme à l’annonce de cette information qui se devrait d’être applaudie à cœur joie ? Est-ce qu’on n’est pas prêt à faire disparaitre le mal du siècle ? Le mal qui fait peur. Le mal qui fait réfléchir par mille fois avant de poser des actes suspects. Le mal qui est l’objet d’un financement xxl, au nom de la recherche de son vaccin ou de la protection des personnes vivant avec le VIH. Le marketing social y trouve son aise, les projets internationaux aussi avec les budgets faramineux qui les accompagnent.

Avec l’amalgame actuel entre une annonce politique qui conforterait la cote du maréchal Al-Sissi et l’invention, moi, je veux bien me placer d’un côté. Je suis de ceux qui croient un instant que cette machine all-in-one du docteur Ibrahim Abdel-Atti est vraiment capable de diagnostiquer et de guérir le Sida, l’Hépatite, les grippes porcines et le H1N1. Donc, il faut simplement applaudir. Je ne veux pas voir les retombés pour le Maréchal Al-Sissi, qui se prépare à prendre les rênes du pouvoir. Même avant cette annonce, sa popularité lui ouvrait déjà grandement les portes pour se hisser au trône. Il est donc clair que cette machine qui, bien évidemment augmente cette notoriété, n’y change pas grand-chose. Sauf à créer une polémique de trop, au regard de la situation politique qui cherche à se stabiliser.

Si cette machine détecte réellement et soigne du Sida, je veux voir déjà les retombés pour l’Egypte. Ce sont d’abord les égyptiens malades qui auront accès aux soins. Certes ils ne sont pas les plus nombreux dans le monde. Aussi, les retombés sont à voir ailleurs.  Avec cette nouvelle machine, je vois les entrées en Egypte augmentées. Parce que le patient qui souffre du Sida, ne cherche que la guérison. Donc, finis les antirétroviraux. Pourquoi ne pas y aller ? Ce sont alors les malades qui espèrent que l’invention de cette machine soit une bonne nouvelle. Il s’agit donc désormais de rassembler un peu de sous pour aller se faire traiter au pays des Pharaons. Une fois guérit, il est possible de profiter d’une belle balade dans les musées, au bord du Nil ou pour contempler les pyramides : la guérison et la distraction ensuite. Le tourisme qui a représenté plus de 10 % du PIB égyptien, en mal à cause de la révolution et de l’instabilité qui en a découlé peut trouver un nouveau souffle. Ainsi, le docteur qui promet ne pas commercialiser sa machine, peut voir inscrire dans son registre, des patients venus des quatre coins du monde. L’Egypte ne sera plus seulement une destination touristique mais aussi une « destination médicale ».

D’ailleurs, avant d’avoir le statut de résident en Egypte, il faut avoir été contrôlé négatif au VIH. Je veux croire qu’avec la nouvelle machine, cette disposition va disparaître, non ? Parce que lorsque quelqu’un est contrôlé positif dans ce pays, il est rapatrié par le premier avion. Si cette disposition ne disparaît pas, ce ne serait que par devoir pour l’humanité et au nom de l’évolution technologique que le service d’immigration égyptien va bien vouloir transférer le dossier du séropositif au ministère de la santé égyptien pour prise en charge. Je veux le croire ainsi. Je reste optimiste que cette machine n’est pas un leurre. Qu’il est véritablement le signe de l’évolution scientifique et technologique sur le continent africain. Je reste persuadé que le « Complete Cure » en abrégé CC (ou sisi en anglais) n’est pas un motif politique mais réellement le résultat de 22 années de recherche. Je veux bien le croire…


Lumière, quand je te perds

Dans la nuit d’Alexandrie, je suis dans mon coin,

Me parviennent les voix rythmées des muezzins,

Ils mettent l’ambiance, ils troublent le silence,

Par la vocifération de ces hauts parleurs à forte audience.

 

Chut ! Je n’entends plus les muezzins et leurs chants, lumière_coupure

J’entends au loin, le piaillement des enfants,

J’entends maintenant les véhicules,

Leurs klaxons, leurs vrombissements quand ils circulent,

 

Je ne vois plus dans mon coin, le moindre reflet,

Même plus celui de mon néon allumé.

J’ouvre ma fenêtre. Je regarde dans la rue.

Les phares cherchent à éclairer l’asphalte sombre et nu.

 

Le noir poussé de la nuit s’impose et prospère

Et le ciel, sans étoiles se confond à l’atmosphère.

Dans mon coin, les machines tournent au ralenti

Et depuis le séjour, me vient la lueur d’une bougie.

 

Une heure, deux heures, noires comme dans un trou,

Me rappellent certaines pires journées à Cotonou.

Où tout tourne au ralenti. Non, plutôt, rien ne bouge !

Où les machinent à plat, sont au repos dans leur loge.

 

Même mieux qu’à Cotonou, l’attente est longue ici.

Enfin. Les enfants exultent de joie et sourient à la vie,

La lumière est là. La vie reprend là où elle s’emblait s’arrêter,

Depuis quelques jours, quand l’heure arrive je vais m’apprêter.


Le pari de la jeunesse

« Etre jeune, c’est être spontané, rester proche des sources de la vie, pouvoir se dresser et secouer les chaînes d’une civilisation périmée, oser ce que d’autres n’ont pas eu le courage d’entreprendre ; en somme, se replonger dans l’élémentaire. » Thomas Mann (Le docteur Faustus)

La jeunesse telle qu’elle se galvanise encore au Bénin, a des jambes ankylosées qui assurent qu’elle soit à la traîne. « Etre jeune, c’est être spontané », être dynamique, être conscient, être concentré devant les tâches qui  paraissent lassantes, voire difficiles ou insurmontables. Si cette jeunesse, la notre, se fourvoie dans le mercantilisme à défaut de rester proche des sources de la vie, c’est son avenir qu’elle compromet. Les défis qui se dressent au quotidien n’exigent aucun mutisme. Si c’est le cas, la jeunesse doit s’activer pour relever les défis qui l’attendent. La travail y a une grande part.

La jeunesse a dans ses entrailles un mal qu’il faut exorciser à coup sûr. Elle cherche à se suffire sans effort. Elle court pour s’élever sans racine. Elle traite de la vie sans algorithme. Et pourtant, sans ces préalables, les fameuses « chaînes de la civilisation » ne sauraient naître, se consolider jusqu’à se rouiller, que dis-je, se « périmer ». La jeunesse porte sa croix. Ceux de l’ancienne civilisation l’on fait sans remords ni peines, si ce n’est de voir la perte de la jeune génération.

Et pourtant, les temps actuels se prêteraient à une quelconque révolution juvénile. Il ne s’agit en aucun cas de descendre dans le tréfonds de la terre pour interroger les dépouilles de ceux-là qui ont vécu avant nous ! il ne s’agit pas de battre le macadam pour exiger de ceux qui nous dirigent du pain et du vin ! Il ne s’agit d’ailleurs point de s’ériger en Hercules avec une puissance surnaturelle ; c’est dire que la jeunesse n’a pas besoin de potion magique. Il suffit juste à cette jeunesse introvertie, de se passer au scanner de la conscience par une introspection. Et la potion magique, c’est elle qui représente le travail personnel des acteurs de cette couche. Le travail. Quoi de plus raisonnable que de demander à un forgeron de battre le fer quand il est chaud. Il suffit pour cette jeunesse de se détourner de ces actes qui avilissent la personne humaine et l’abêtissent. C’est fort heureusement à cette jeunesse que revient la lourde responsabilité de se prendre en charge. Abandonner le gain facile, les mouvements politiques sans idéaux ni motivations qui vaillent, les actes de vandalisme qui détruisent l’environnement devenant peu à peu hostile au développement de l’être.

La jeunesse doit gagner ce pari grâce à sa spontanéité. Elle doit se « dresser » et travailler dur. La jeunesse doit secouer les chaînes de cette civilisation moribonde, « périmée » qu’il faille, non pas changer mais déjà commencer à vernir. La jeunesse doit « oser » avec les moyens de bord, son esprit et le travail de ses mains. Elle doit davantage oser d’entreprendre ce qu’elle juge digne pour changer sa situation qui s’abîme. Elle doit s’élever et se mettre au piédestal des défis du développement. Les défis d’aujourd’hui. Les défis du quotidien. Tel est son pari !


Ressenti

Quand je pense à certaines souffrances, j’ai un ressenti.

Ici, je les sors, je les étale, je les expose pour consoler mon esprit.

 

Je jette par moments,

Le commencement de mes phrases

Pour expulser de mes tripes roses,

De mes cordes vocales aussi noires et moites

Du tréfonds de ma gorge pâteuse et coite

Ces revers du vécu que je rumine tout le temps.

En contemplant le plafond avare,

Dans l’oscillation profonde de mon aigreur,

Les formes de l’imaginaire viennent. Celles de mon humeur,

Comme de l’obscénité. Avec la même peur aux doigts,

Celles de tout ce qui étrange, vient à mon moi,

Et que je dessine dans les formes de l’imaginaire.

 

Je pousse un turbulent silence de mépris,

Pour exhumer de mes vaines lamentations,

Dans ma pénitence interne avec génuflexion,

Celui qui a essayé d’enfouir  mon vécu dans le minuit.

J’ai eu  mes peines, mes torts, mes remords inouïs

Dans ces jours de sclérose, si longs si incompris.

 

Et quand me revient le harassement d’y penser,

J’y pense fermement, les orbites tout mouillés,

Souvenir du temps, pas beau, qui m’a chatouillé,

Et la cadence de l’autre côté de la poitrine,

Reprend sans regard pour mon âme qui chagrine.

Ces regrets ne font que m’épuiser.

 

Je revois dans l’évasion d’esprit,

Cette partie du moi entremêlée à la joie,

A la colère-joie, à la colère-vie, en proie,

A cette courte vie aux espoirs en surnombre,

Et le regard perdu dans les décombres,

Doigte l’amertume de mon mépris.

 

J’ai appris à connaître ces ressentis,

Ces turbulences dans l’introspection,

Ces errements  dans l’insuffisance de ma condition,

De mon être qui dans le mystère de ce monde,

Recherche la portion de son aise profonde

Pour consumer mes envies.


Ces Béninois mal vus sur les réseaux sociaux

L’idée d’écrire ce billet m’est venue des posts sur les réseaux sociaux de mes compatriotes béninois frustrés par le climat de mal être social, politique et économique qu’ils dénoncent aujourd’hui dans mon pays.

reseaux-sociaux
source photo : https://corist-shs.cnrs.fr/sites/default/files/reseaux-sociaux.jpeg

Une collègue, journaliste sur une chaîne de télévision privée, commence sa journée en faisant la réponse à ce message dans sa messagerie Facebook :

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Depuis la répression dans le sang d’une marche pacifique des partenaires sociaux en décembre dernier, le pays tourne au ralenti. C’est l’effet de la grève générale enclenchée par les travailleurs dans les différents secteurs de la vie sociale. Au fil de l’actualité, la situation ne semble pas revenir au calme, tant des propos aussi désolants que vexants pour les uns et les autres abiment le débat.

Il y quelqu’un dont je tiens à vous parler. On m’a toujours dit que si ce que tu veux dire n’est pas plus fort que ton silence, mieux vaut te taire. Je suis sûr qu’il l’a appris à ses dépens. Lui, c’est le « Juda l’Iscariote » béninois, comme ses confrères syndicalistes l’appellent désormais. Ce qu’il a dit et qui fait désormais son malheur est repris dans ce post :

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Les magistrats eux, se sont mis au repos par leur grève. Mais pas seulement, leur conseil supérieur a radié l’ancien procureur de la République ! Dans cette affaire, je retiens juste la finalité de son dévouement à servir son roi. Un journaliste, certainement très proche de l’homme, n’avait pas manqué de plaider pour son cas sur son profil Facebook, pendant qu’il était mis à la quarantaine :

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Mais cet arbre, il y a longtemps que la femme de cuisine l’a séché en attendant d’en faire son feu de bois, ce qui n’a pas tardé à arriver. Plusieurs se sont réjoui de son sort, alors qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle là ! Un internaute sans moque ouvertement et sans pitié :

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Dans sa présentation du journal télévisé de 20 h, un journaliste n’a fait que verser de l’huile sur le feu par ses commentaires sur la situation socio-politique du Bénin. Heureusement qu’il n’a pas manqué d’être repris par l’un de ses confrères, dépassé par ces déboires répétés de l’homme. Son message :

Capture2A vrai dire, ce journaliste est souvent décrié par les téléspectateurs pour ses commentaires tendancieux au journal. Certains osent même penser qu’il est une brebis galeuse de la presse béninoise. Il a cette coutume de s’en remettre souvent trop à la seule expression de sa pensée. A croire même que toute son objectivité a été préalablement compromise par des moyens détournés. Sauf que ces genres d’écarts inutiles ne contribuent qu’à foncer le couteau dans la plaie.

Aussi, dans ce pays, on ne sait plus qui fait quoi. Cette fois-ci, c’est le comble. Pour se mettre plein les poches, des autorités politiques n’ont plus de limites à leur imagination. Les crises sociales n’ont pas encore de solution. Mais les vons, oui. Elles, à défaut d’être entretenues, se trouvent de nouveaux propriétaires :

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Ce n’est pas fini de ces personnes dont on parle si tant et en mal. Je veux rapporter des mots publiés par un grand poète béninois sur son mur Facebook pour qualifier la scène. Ces mots sont crus. Vulgaires et choquants vous me direz peut-être. Pour autant, il n’y a pas plus fort pour caricaturer la situation socio-politique du Bénin d’aujourd’hui. Aux âmes sensibles, retenez-vous !

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En Egypte, l’amour fou pour le général

Les Egyptiens ont accompli leur devoir citoyen. Mardi 14 et mercredi 15 janvier, ils se sont rendus aux urnes pour le référendum  constitutionnel. En lisant l’un de ces nombreux articles publiés dans la presse sur ce scrutin, je n’ai pas manqué de sourire. Selon un article à la place du tampon à apposer sur le bulletin de vote, des électeurs ont juste dessiné un cœur ! Et c’est là tout mon étonnement. Je savais l’attachement de beaucoup d’Egyptiens au général Abdel Fattah Al-Sissi, mais pas à ce point.

© REUTERS

Dans les rues, pas besoin d’efforts pour remarquer les portraits géants de l’homme, imprimés sur des bâches ou tagués sur des murs, même si le temps d’une manifestation, ils ne manquent pas d’être écorchés. Au marché, certains commerçants ne vendent d’autres articles que des objets à l’effigie du général. Ces portraits sont aussi dans les voitures, sur des porte-clés, sans oublier les pages Facebook créées en son nom. Quelques manifestations de soutien à l’homme sont organisées par endroits à grand bruit.

Les « amoureux » du général ne manquent aucune occasion pour lui signifier leur gratitude. Le 6 octobre dernier, jour de la commémoration de la fête des forces armées, toute une foule était en liesse dans les carrefours, brandissant le drapeau rouge-blanc-noir et le portrait du général.

Qu’est-ce qui fascine tant les Egyptiens chez le général ? Est-ce ses interventions aussi sérieuses que concentrées à la télévision devant plus d’une cinquantaine de micros et de caméras ? Sa hardiesse pour avoir évincé le président issu de la confrérie des Frères musulmans ? Ou bien sa façon d’agir pour une sortie de crise ? Ces questions me reviennent souvent, lorsque je me souviens que la révolution avait eu entre autres pour but de mettre fin au pouvoir militaire porté par Hosni Moubarak. Je n’ai pas les éléments pour y répondre, les férus du général étant les mieux indiqués. Mais je permets de penser, et Dieu sait que je ne suis pas le seul, c’est que l’armée n’a donné qu’une petite part de pouvoir aux civils qui sont dans le gouvernement. Et dans cette configuration, ce n’est pas qu’une simple impression, c’est le général qui dirige le pays… c’est un fait. . .Et de plus en plus, les discussions sont réduites aux seules personnes d’Al-Sissi et de Morsi.

Depuis la chute de Morsi le 3 juillet 2013, le général Al-Sissi est devenu l’homme fort du pays. Les jours qui s’égrainent sont à son avantage. Sa popularité s’accroît et surclasse celle des autres membres du gouvernement. C’est son ego qui en est flatté, obligé pour autant de contrecarrer les velléités déstabilisatrices des Frères musulmans par la force qu’a l’armée qu’il dirige. Dans la nouvelle Constitution, l’armée a tout fait pour avoir ses articles. Preuve qu’elle n’aime pas qu’on veuille l’éloigner du pouvoir dont elle connaît les saveurs.

Aujourd’hui, pour nombre d’Egyptiens le général doit se présenter à la présidentielle. Selon lui, c’est le peuple qui l’appelle pour servir la nation. Le peuple sans les Frères musulmans, régulièrement démembrés depuis quelques mois ? Si le général se présente à la magistrature suprême, il a toutes les chances  de passer au nom de cet amour fou.


Le dialogue, mon vœu pour 2014 !

L’année 2013 est maintenant passée emportant dans ses flots une partie de ses peines, pas toutes. Mon Afrique garde encore des plaies béantes, des séquelles profondes au regard des conflits qui continuent d’éclater et dégénèrent. Je n’ai pas la possibilité d’agir, mais je veux dire ce qui me préoccupe. Dire ? Oui ! Parce que pour le moment, ceux qui agissent pour trouver des solutions aux situations les plus complexes en Afrique semblent les envenimer.

https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org/
https://unprintempspourmarnie.mondoblog.org/

En lisant l’intitulé d’une conférence qui a eu lieu cette semaine dans la fameuse Bibliothéca Alexandrina en Egypte, je suis resté silencieux et pensif. L’origine de ce tourment qui agite mes pensées n’est rien d’autre qu’un simple mot. Il signifie un entretien entre deux ou plusieurs personnes : le dialogue. C’est le professeur Charles Saint-Priot, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris qui a fait un brillant exposé sur « la connaissance comme condition du dialogue des civilisations ». J’ai retenu plusieurs phrases. Les unes sont des citations, les autres sont le fruit de sa pensée. Je veux bien laisser par ici, pêle-mêle, quelques-unes de ces pépites, des mots qui font réfléchir. « Le dialogue, c’est l’addition des diversités », « il n’y a pas de solutions toutes faites aux problèmes des uns et des autres », « l’obscurantisme des uns nourrit le fatalisme des autres », « la connaissance, c’est le contraire de l’ignorance », « l’ignorance conduit à l’extrémisme », « le danger qui nous guette, c’est la disparition de nos civilisations », … « le dialogue reste un vœu pieux ». No comment !

Ces mots, ces phrases  sont aujourd’hui encore plus que d’actualité. En Afrique, j’ai comme l’impression qu’aucun pays n’est à l’abri des vicissitudes de son « monarque », de son amour fou de ce pouvoir dans lequel il se mire. Les foyers de tension sont là aussi dangereux qu’un tsunami, s’endorment, se réveillent au gré des intérêts personnels des uns et des autres.

Pour mon cher pays le Bénin, je veux faire le vœu du dialogue. Que le très grand président dans ses excès de colère n’écrase pas le tout petit peuple ! Réprimer dans le sang une marche pacifique des travailleurs n’est pas la meilleure façon pour éviter le trouble à l’ordre public. Je m’empêche de revenir sur cette tentative d’assassinat du président qui a fait perdre au contribuable béninois du temps, de l’argent. Et c’est sans compter avec les déboires d’une classe politique vorace qui s’enrichit au détriment du peuple.

Je pense aux frères de Centrafrique, un pays plongé dans un profond conflit entre intérêts politiques, religieux et économiques. Sur ce sujet, j’ai pu déjà dire que par la force on peut arriver à protéger les populations, désarmer les milices et entamer un dialogue pour aboutir à la paix. Mais la situation s’envenime au quotidien, comme si le pays est en voie de « somalisation » ! Le dialogue entre les belligérants c’est aussi mon vœu pour ce pays.

Je le veux aussi pour le Mali pour lequel l’année 2013 n’a pas été paisible. L’Egypte en a aussi besoin. C’est comme si la révolution est bien loin maintenant. Et pourtant sur les murs dans les rues, les tags rappellent l’ambiance qui a prévalu. Les prochains jours ne seront pas non plus des plus tranquilles.

Dans notre vie, le dialogue doit toujours avoir sa place, c’est pourquoi le vœu de dialogue, même s’il me paraît pieux, j’ose le faire afin de contribuer à l’édification de l’Afrique dont l’avenir prodigieux ne trompe pas, bien que les crises qu’elle traverse m’apeurent !


Pharaons, la peur aux doigts ?

Je me souviens encore de ce match de Kumasi. De l’ambiance morose à Alexandrie aussi. Ce 15 août passé, les Black Stars du Ghana n’ont pas fait les choses à moitié. Les Pharaons ont vu le feu. Au pays, les égyptiens étaient aussi au rendez-vous, devant leurs petits écrans. Avec courage, ils ont compté les buts encaissés, l’un après l’autre, par Sherif Ekramy et les siens. A les voir, vieux et jeunes calés devant la télé c’est comme s’ils découvraient cette équipe ghanéenne pour la première fois. Rodrigue et Dodé, deux amis béninois vivant aussi à Alexandrie ne se font pas conter les matchs. Leur réflexe c’est de s’acheter un drapeau égyptien pour faire croire leur soutien aux Pharaons. Et pourtant, leur cœur battait pour le Ghana et leur minois s’attristait au rythme du match. Solidarité oblige !

équipe_Egypte_Football

Le lendemain, je prends le bus pour me rendre dans un quartier voisin. Je suis assis devant, coincé entre deux égyptiens. Je me concentre sur mon trajet, tentant de donner un air évasif. Le chauffeur me regarde et me lance : « Ghana ? ». Je réponds : « non, Benin ». Son visage se froisse. Certainement qu’il se demande si c’est aussi un pays. Quelques jours plus tard, un ami me raconte sa petite rencontre avec deux jeunes gens qu’il ne connait pas. Ils l’approchent et l’apostrophent : « Ghana ? ». Lui, il accepte. Excités à l’idée d’avoir rencontré un ghanéen, ces jeunes égyptiens lui proposent de prendre une photo à trois, les doigts décomptant le score 6 – 1.

Pendant une de mes randonnées pédestres, la même question m’a été posée. D’un air décomplexé, j’affirme que je suis égyptien. Bien sûr, mon interlocuteur n’a pas cru à ma blague, mais je l’ai rassuré que l’Egypte sera au rendez du Brésil 2014. Leurs pronostics pour le match retour prévu pour le 19 novembre au Caire, sont toujours des scores fleuves en faveur des Pharaons : 7 – 0, 10 – 1, 8- 1. Que pouvais-je dire d’autre ?

Les égyptiens, malgré la déculotté 6 buts à 1 à l’aller, y croient dur comme fer. Ils attendent participer à cette grande messe du football depuis 1990. Ils vont devoir compter sans leur m(M)essi : Aboutrika. Buteur à l’aller sur penalty, et pensant ne pas pouvoir faire un miracle pour son équipe au retour, il a mis un terme à sa carrière. Pour conserver toutes leurs chances, le match va se dérouler en Egypte malgré le scepticisme affiché du côté du Ghana. Dans l’actuel contexte de crise politique, certains égyptiens, non moins supporteurs de leur équipe nationale, souhaitent la défaite. Pour ceux-là, la défaite des Pharaons, c’est la défaite de l’actuel gouvernement et de l’homme fort du pays, le général.

Je ne vais pas être l’oiseau de mauvais augure. Sauf miracle, les chances pour les égyptiens de participer au prochain mondial de football au Brésil sont insignifiantes. Ils le savent certainement aussi, mais refusent de l’admettre. Pour l’heure, le Ghana inspire respect et admiration aux égyptiens même si leur rêve de participer enfin à la coupe du monde est là. Du match retour prévu pour le mardi 19 novembre prochain, les ghanéens ne craignent rien, à part pour leur sécurité. Par contre les égyptiens doivent craindre à nouveau pour leur filet malgré leur détermination.


L’Afrique a son musée d’art contemporain africain à Ouidah

Lundi 11 novembre, le Bénin a fait un pas d’emblée, un grand, dans le monde culturel par l’ambition et le réalisme de ceux qui croient en l’Afrique. Ce n’est un secret pour personne, les artistes plasticiens africains exposent pour la plupart dans les grandes capitales du monde. De Paris à New-York, en passant par Londres, Venise, Bilbao, les échos de ces grandes manifestations nous reviennent constamment par les médias. Sur le continent africain, il est assez rare d’avoir l’occasion de contempler le génie de nos créateurs qui pourtant vivent et travaillent pour la plupart dans nos capitales.

De retour d’un voyage, Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou, réitère à toute son équipe son vœu de voir un musée d’art contemporain africain ouvrir ses portes au Bénin. Objectif : montrer à plein temps la riche collection  de plus de mille œuvres d’artistes africains appartenant à la fondation. Le choix a porté sur Ouidah pour accueillir le musée.

Le Musée de Ouidah

A Ouidah, rien ne se passe. Cette ancienne ouverture sur le monde ne fait pas aujourd’hui l’objet d’un grand intérêt. Il suffit d’un tour dans ses quartiers calmes et peu dynamiques pour s’en rendre compte. C’est comme si elle ne s’est pas remise de ce triste passé que rappelle la route de l’esclave. Ceux qui y vont, c’est pour nourrir leurs yeux, faire en mode touriste, le parcours de ces vaillants hommes déportés vers des plantations ou encore prendre du bon vent dans un maquis, loin du stress de Cotonou. Et pourtant, cette ville côtière a gardé tout son charme et ses belles maisons, avec une population jeune.

Heureusement, il est permis de voir cette ville autrement ; comme la capitale africaine de l’art contemporain africain. Avec ce projet ambitieux et plein d’audace, la Fondation Zinsou peint Ouidah avec un regain d’espoir. Son action reconnaît le mérite des artistes africains sur leur propre continent. Elle prouve que l’Afrique peut valoriser ses créateurs sans se complaire dans les lamentations de certains gouvernants qui laissent penser qu’ils n’ont rien à gagner, ni d’une œuvre d’art, ni d’un musée. Je reste pour autant convaincu qu’un pays ne peut pas se développer uniquement en satisfaisant les besoins fondamentaux de ses citoyens.

La Fondation Zinsou expose ces artistes peu connus sur le continent africain dans un lieu d’exception, la Villa Ajavon. Cette maison de style afro-brésilien a été construite en 1922 par un commerçant béninois à Ouidah. Avec la contribution de plusieurs mécènes qui ont cru au projet, elle a été restaurée et ouverte pour le bonheur des accros de l’art plastique. De quoi inscrire le Bénin sur la carte des grandes destinations artistiques du monde.

Le musée de Ouidah ouvre avec l’exposition « Focus sur la collection  » qui montre le travail de treize artistes dont Romuald Hazoumè, Seni Awa Camara, Georges Lilanga, Chéri Samba, Samuel Fosso.

S’il est autre manière de faire œuvre utile, que le premier venu jette la pierre à la Fondation Zinsou.


Egypte : la tension a monté, Morsi un nouveau voisin d’Alexandrie

Je ne suis pas le seul à m’inquiéter avant ce jour qui entre une fois encore dans l’histoire de l’Egypte. Ce lundi 4 novembre, jour de l’ouverture du procès de Mohamed Morsi, président égyptien déchu, un certain nombre d’entreprises ont pris leurs dispositions pour ne pas ouvrir. Dans les rues de bonne heure, ce n’est pas l’affluence comme d’habitude. Plusieurs personnes ont pris le parti de rester chez eux. Ils ont eu certainement raison. Nous, nous devons quitter l’université à quatorze heures, mais ça s’est passé un peu plus tôt. Et pour cause ?

Aux environs de dix heures trente minutes, quelques collègues suivent depuis la fenêtre le début des échauffourées. Je les ai vite rejoints pour ne pas me faire compter ces événements longuement évoqués par les médias.

© Tyromes

Quelques minutes plus tard, le rassemblement des pro-Morsi s’est intensifié devant la place El Mancheya à Alexandrie. De cinq, dix, ils sont passés à plus d’une centaine de personnes, avec des pierres et divers autres objets à la main. En face d’eux, une trentaine d’hommes en uniforme, armés et regroupés, qui se protègent par leur bouclier Les affrontements qui ont commencé à petits coups ont forcé les commerces encore ouverts dans ce périmètre, à fermer. Des femmes et des hommes apeurés, courent dans tous les sens. La route est coupée dans les deux sens. Elle est même devenue le terrain de l’accrochage entre manifestants et militaires venus pour rétablir l’ordre. Aucun véhicule ne circule. Par d’intenses jets de pierres, ces manifestants ne démordent pas. Les militaires aussi, n’hésitant pas à répliquer fermement à ces agressions. Derrière, ils sont soutenus par des pro-Al Sisi, comme il convient de les appeler désormais, venus aussi en grand nombre. J’ai cru entendre des tirs. Mais de quoi ? Je ne sais. C’est peut-être aussi des pétards, tant ils les adorent ici en toute circonstance. En tout cas, le plus important était de se mettre à l’abri. Trois manifestants tombés dans les mailles des forces de l’ordre sont matraqués puis embarqués dans les véhicules de l’armée. Les militaires maîtrisent la situation et dégagent les protestataires, du moins temporairement…

La foule grandit davantage, spectateurs et manifestants visiblement confondus. Les militaires sont désormais en petit nombre. Après un bref rassemblement, ils montent à bord et quittent les lieux. Repli tactique ? Les manifestants reprennent du poil de la bête, grands d’orgueil et surexcités. Ils tirent une longue barrière pour couper le trafic routier qui semble reprendre timidement et continuent leur mobilisation.

Sur la corniche, les pêcheurs ont encore leurs lignes tendues dans la Méditerranée. Ils n’abandonnent pas leur partie de pêche. Chose étrange ? Ils ne semblent pas perturbés par les échauffourées qui se déroulent à quelques mètres de là. D’autres piétons, peu inquiets ou très courageux, circulent près du lieu de tension comme si de rien n’était.

Quelques heures après, vers douze heures, le calme semble être revenu. Le trafic routier a repris, mais sans engouement. Les bus stationnent de nouveaux pour prendre des passagers. Plus loin dans la ville, la présence des militaires est remarquable, sans doute prêts à intervenir à tout moment. Des véhicules militaires sont garés au bord de la route. L’air pèse par le calme précaire qui y règne.

Au Caire tout comme dans d’autres villes de l’Egypte, il y a eu des affrontements avec des conséquences plus ou moins graves. Les pro-Morsi ont tenu à manifester leur soutien au président Morsi dont le procès a débuté au Caire ce jour même. Ce procès a été ajourné au 8 janvier 2014 et l’homme, transféré à la prison Borg Al Arab à Alexandrie. Il devient ainsi un nouveau locataire, de classe sans doute, de cette ville… un voisin d’Alexandrie comme je peux l’appeler.


Un chrétien à Alexandrie

Samedi 26 octobre. Dix-sept heures dans quelques petites minutes. Le soleil qui éblouit depuis cinq heures les rives de la Méditerranée a amorcé son retrait sur Alexandrie. De l’immeuble de la prestigieuse université, j’aperçois la corniche très animée. Je descends rapidement les marches de l’escalier pour me retrouver au bas de l’université. Je marche un peu. Je regarde ma montre, puis je me mets à courir. Je m’arrête en bas d’une grande bâtisse blanche, un immeuble banal à vue d’œil. J’y suis enfin. Je pousse la porte en fer massif, épaisse et lourde qui fait barrière au bruit qui provient du marché qui s’anime à l’extérieur. Je salue le vigile ; il me répond d’un hochement de la tête puis me gratifie d’un sourire. Dix pas de plus et un quart de tour à droite, je suis dans la chapelle. Pour la première fois à Alexandrie, me voici dans une église catholique après avoir longtemps hésité.

Eglise
Crédit photo : Eugène Aballo

Le décor de la nef me rappelle les églises au Bénin. Deux longues rangées de tables et bancs meublent l’intérieur. Une allée me conduit à mon siège. Dans la rangée où je me suis assis, il y avait déjà une quinzaine de personnes, en réalité des amis de l’université. Quelques cinq personnes éparpillées dans l’autre rangée se concentrent, leur liturgie à la main. Mes compères ont déjà commencé à psalmodier quelques cantiques. Plusieurs sons de cloche et le prêtre fait son entrée, accompagné d’un servent de messe. Commence alors la célébration liturgique. Obséquieux, les fidèles écoutent et méditent. Quand arrive le moment de la proclamation de l’Evangile, tous les fidèles se lèvent. Le célébrant salue le peuple en disant les mains jointes : « Le Seigneur soit avec vous ». Puis quand il dit : « Evangile de Jésus-Christ selon Luc 18, 9-14 », les fidèles se signent le front, la bouche et la poitrine. Le prêtre, la cinquantaine passée, présente la parabole du pharisien et du publicain. De l’homélie de l’homme de Dieu, j’ai retenu qu’il ne faut pas juger les uns et les autres malgré leurs différences et  Dieu ne regarde pas l’apparence, comme font les hommes : il sonde les cœurs. La messe a duré quarante-cinq minutes environ. Quelques chants d’un air calme ponctuent la messe, sans bruit rythmé de tambours, ni pas de danses. Le prêtre vénère l’autel par un baiser et, après l’avoir salué par une inclination profonde, il se retire en renvoyant les fidèles dans la paix du Christ.  La Paix ! Un mot qui sonne fort comme une denrée rare pour les chrétiens d’Orient. A la fin, j’ai été surpris. Ce n’est pas les salutations habituelles entre les fidèles, auxquelles je suis habitué. Personne ne traîne sur le parvis de l’église. Chacun prend sa route. J’ai couru à nouveau… le bus m’attendait déjà.

Durant le culte, j’ai eu la boule au ventre. Les images de ces attaques sanglantes d’églises me revenaient et rien ne m’empêchait de balayer de temps en temps d’un regard furtif, l’entrée de la chapelle. Je me rappelle que les récents soulèvements en Egypte, n’ont pas épargné les églises. Les chrétiens non plus. Plusieurs chapelles ont été pillées, détruites à coups de pierres et même brûlées. Des chrétiens notamment des coptes ont été brutalisés, d’autres tués. Et Dieu seul sait qu’il a pu protéger les siens dans cette période. Le nombre d’églises incendiées frôle la quarantaine. Les chrétiens sont déboussolés. Leur péché, à en croire leurs détracteurs, c’est le soutien du pope Tawadros II d’Alexandrie au général Al Sisi. Il y a quelques jours seulement, des hommes armés sont revenus à la charge en ouvrant le feu, faisant trois morts à la sortie de la célébration d’un mariage copte au Caire. Tout comme ces images me reviennent et me hantent, les chrétiens en Egypte sentiront encore longtemps cette peur de l’ennemi qui peut surgir à tout moment, ce sentiment qu’un danger imminent les guette.

Mais visiblement, ils ne semblent pas abandonner leur foi aux aléas de la démocratie ou à l’intolérance de leurs bourreaux. La communauté chrétienne ne désespère pas et chaque fidèle a sa manière de témoigner sa foi. Dans un marché à Alexandrie, j’ai croisé un jeune vendeur avec un tatouage peu ordinaire au bras. La croix du Christ, indélébile qu’il s’est inscrit sur son bras droit, laisse deviner qu’il est chrétien. Déjà, c’est un luxe de rencontrer des gens comme lui, tellement ils sont rares, effacés par le nombre important de musulmans dans ce pays (environ 90 % de la population). Et ce n’est pas pour rien que les vendredis sont fériés et les dimanches, jour de service. D’autres n’hésitent pas à évangéliser dans les rues les gens de couleur, car ils leur paraissent chrétiens.

Des églises, on en trouve qui ont échappé à la razzia soupçonnée d’être du fait des islamistes. S’il y en a qui sont des édifices sans signalétiques ou autres indications, quelques beaux édifices terminés au sommet par une croix existent dans la ville.

Les chrétiens d’Alexandrie tout comme d’autres villes d’Egypte portent aujourd’hui encore la croix de leur infériorité, recroquevillés sur eux-mêmes par la force du feu qui a brûlé et qui plane telle l’épée de Damoclès. Tout ceci est renforcé par le statut apparent de sous-citoyen que les chrétiens ont depuis très longtemps en Egypte.


Mon coiffeur est un ex-soldat syrien !

Je suis à Alexandrie depuis plus d’un mois. Mes cheveux ont beaucoup poussé. Des amis m’ont aidé à me faire beau, sans faire de ma tête un chef-d’œuvre. Il fallait juste se contenter de ça. Il n’y a pas mieux pour l’instant.

Les coiffeurs dans cette ville, ne connaissent pas la coiffure à ras, telle que nous l’aimons si bien au Sénégal, au Bénin, en Côte-d’Ivoire ou ailleurs en Afrique subsaharienne. Ils ont souvent le choix entre deux techniques de coiffure pour satisfaire leurs clients : tailler ou raser.

Erick, un ami Congolais, m’a rendu visite un jour. Il avait les cheveux soigneusement coupés. Les congolais et la sape, vous en savez quelque chose. Ils sont friands de beau costume, de belle chaussure et du nœud papillon assorti à la pochette. Je me suis demandé comment serait-il aussi beau sans sa nouvelle coiffure ? J’ai donc voulu connaître son coiffeur pour m’attacher ses services. Et j’ai découvert un personnage, Mohammad.

La vingtaine, Mohammad est Syrien. Il est fiancé. Pas très élancé, sa stature ne dégage pas un homme courageux et violent. Son regard est froid ; on peut y lire son passé. Sa mine change et prend un air sérieux quand il parle de lui-même, sinon il est de nature souriant et gentil.

Pendant qu’il me coiffait, nous avons entamé une discussion. J’ai voulu savoir sa nationalité. « Do you know Syria ? »* me lança-t-il dans un anglais arabisé. J’ai répondu que je connais l’actuel président et que je vois tout ce qui se montre sur le pays. Sans détour, il affirme : « Bachar is a killer ! »*. Il me raconte que son président est le bourreau de la population… Bourreau a t-il dit,  et c’est à ce titre que ce chef d’Etat pense qu’il mérite le prix Nobel de la paix 2013 ?

"hairdresser" de Kay Kusanmi - Fotopedia
« hairdresser » de Kay Kusanmi – Fotopedia

Dans son pays, il était soldat dans l’armée de l’actuel homme fort. La guerre qui a pris des tournures alarmantes l’a amené à prendre son destin en main. C’est ainsi qu’il a fui la Syrie laissant son amoureuse et sa famille. Il vient de prendre un grand risque parce qu’il est autant en danger que ses proches : dans l’armée, on ne pardonne pas ces défections. Certains réfugiés comme lui sont allés en Jordanie, au Liban, en Turquie, en Irak ou encore sont venus en Egypte.

« I don’t want to kill people » m’a-t-il signifié, expliquant les raisons de sa désertion. Mais pourquoi t’es-tu fait enrôler alors dans l’armée ? Il n’a pas trop compris ma question en anglais, donc je n’ai pas eu la réponse. J’ai pu comprendre qu’il est profondément touché par cette actualité. En découvrant les affres de la guerre, Mohammad s’est rendu compte qu’il s’est peut être trompé de métier et de passion.

Pour lui, l’armée fait maintenant partie de son passé. Désormais, il vit et travaille à Alexandrie, mais plus comme militaire !

Depuis maintenant treize mois, Mohammad tient un salon de coiffure au cœur de la ville. Sans trop forcer son talent, cet artiste relooke une trentaine de personnes, enfants et grands, par jour. Il estime par contre qu’il n’est pas bien rémunéré, la prestation coûtant environ vingt livres égyptiennes (deux euros) par client. Mais il arrive à joindre les deux bouts.

Mohammad caresse l’espoir que sa promise le rejoigne un jour en Egypte, même si ce ne serait pas de sitôt. Malgré sa nouvelle vie, rien ne l’empêche de penser à ses proches restés au milieu des armes chimiques et des obus en Syrie.

Comme lui, plusieurs sont ces réfugiés syriens vivant à Alexandrie qui ont réussi leur insertion professionnelle. Dans le même quartier, un autre réfugié gère un petit restaurant qui marche plutôt bien. Leur prière à tous : que la guerre cesse en Syrie pour qu’ils retrouvent leurs proches.

* Do you know Syria ? : connais-tu la Syrie ?

* Bachar is a killer ! : Bachar (al-Assad, actuel président de la Syrie) est un tueur !


Une autre Alexandrie !

Quand j’y allais, il était difficile à mon entourage de croire à ma nouvelle « blague » et pourtant je n’ai pas l’habitude de plaisanter. A l’annonce de la nouvelle, on m’appela subitement le « Frère musulman ». Ces mots me rappellent le risque que je prends. Et les médias ne faisaient rien pour changer les choses dans la tête de mes proches. Vingt heures : heure du journal. Mon portable sonne. A l’autre bout de la ligne, ma sœur aînée. Elle me demande d’allumer mon poste téléviseur pour suivre les événements en Egypte. Avec mon nouveau projet d’aller sur la terre des pharaons, son cœur ne cesse de battre pour moi et elle suit de très près les derniers développements de cette actualité.

Depuis quelques jours la situation s’était beaucoup dégradée. Les médias annoncent des chiffres de plus en plus lourds en perte de vies humaines, les martyrs comme certains les appellent. Les analystes du Moyen-Orient, combien ne sont-ils pas à travailler sur cette partie du monde hautement stratégique, mais ils ne pronostiquent pas le bout du tunnel.  Et à chaque semaine suffit sa violence.

Partir ou rester ? L’université Senghor, opérateur direct de l’Organisation internationale de la francophonie m’attendait. Ah ! J’en avais  tellement entendu du bien et voilà que l’opportunité s’offre à moi d’y étudier et de découvrir ailleurs. Pas n’importe où ! Alexandrie.

Dans ma tête, j’ai fini par me résoudre à y aller. J’ai abandonné un projet de création de mini-bibliothèques dans les quartiers populaires de Cotonou qui me tient particulièrement à cœur et mon départ de mon Porto-Novo natal, capitale du Bénin, se faisait de plus en plus imminent. J’allais rejoindre le « pays du vendredi trouble ». Rien de plus inquiétant.

Avec toutes les idées que je me faisais en m’appuyant sur les informations que diffusaient les médias internationaux, je m’attendais à tout sauf à ce que j’ai vu. Surtout, je voulais voir le pays des pharaons tel qu’ « encensé » par les mauvaises langues, où des hommes armés circulent plein temps, et des blindés dans tous les coins de rue. Je peux encore attendre longtemps. Au Caire où j’ai passé ma première nuit égyptienne, les voitures vont et viennent. J’aperçois des couples et leurs enfants qui font les cent pas. Dans un restaurant en plein cœur de la ville, l’ambiance y est et les gens se la coulent douce.

La route pour Alexandrie fut longue. Et au fur et à mesure de ce chemin, je découvre à travers la fenêtre du bus qu’il y a des choses positives que la révolution cache et enterre. Beaucoup le savent certainement.

Alexandrie2 mer
Crédit photo : Roméo Tessy

Alexandrie est là sous mes yeux. L’air frais et chatoyant de la Méditerranée m’accueille dans la ville d’Alexandre le Grand. Sur la carte de l’Afrique, je la situe à un sommet, au nord. Si vous voulez connaître son histoire, elle ne se raconte pas sans le Phare, une merveille du monde antique ou bien sans la célèbre Bibliothéca Alexandrina. Les immeubles, hauts de seize étages, dont certains sont en état de dégradation avancée, foisonnent. Chacun des 4, 5 millions environs d’habitants que compte cette ville doit y trouver un toit.

Le calme des vagues bleutées qui se replient sur la plage témoigne de la beauté et du repos que procure cette ville. Les restaurants sont pleins. Des jeunes gens se promènent bras dessus, bras dessous, le long de la mer. Sur les places publiques, on est loin de s’imaginer un pays en crise, tant l’ambiance est agréable.

Les proches au pays ne manquent pas de s’inquiéter. Les images qui leur parviennent par les médias ne les rassurent guère. Autant qu’ils le peuvent, ils renouvellent dans leur souvenir ma voix. Les autres amis francophones, embarqués dans cette aventure égyptienne connaissent les mêmes affections de leurs parents et amis restés au pays. La réponse qui revient tout le temps c’est qu’ici, on ne sent rien de tout ce qui se montre à la télé. Oui ! Les martyrs de la révolution sont loin de nos préoccupations quotidiennes et même de celles des Alexandrins.

Les Alexandrins, on les voit le matin, pressés de prendre le bus pour se rendre au boulot. Les embouteillages n’en finissent pas et les bus ne désemplissent pas non plus, preuve de l’activité intense dans la ville. Les moins occupés d’entre eux fument une chicha dans les restaurants ; à les voir c’est une partie de plaisir. D’autres font la pêche, assis sur la corniche. Les marchés sont bondés de monde et chacun vaque normalement à ses occupations. Pour nous qui sommes venus d’un pays où la vie coûte cher, c’est un régal de faire des emplettes. Le soir, les feux d’artifice sans cesse retentissants annoncent que de nouveaux liens de mariage ont été scellés. Ah ! Comme ils se marient tous les jours, les jeunes gens d’ici !

Les plus méfiants d’entre les Egyptiens, ne donnent pas leur opinion sur l’actualité politique. Certains sont plus libres. Ceux-là, ils partagent pleinement les actions de l’actuel homme fort du pays et n’hésitent pas à vendre des objets à son effigie.

Dix-neuf heures le vendredi et 23 heures les autres jours de la semaine. Couvre-feu. Et pourtant, ça ne dort pas dans les rues. Les Egyptiens se sont accommodés de cette réalité qu’ils semblent oublier dans les faits. Pour eux, la ville vit ses passions, loin d’une révolution sans fin qui choisit ses sujets et ses lieux. Les mouvements de protestation voilent intégralement la vie calme et paisible qui s’y mène. Le chien aboie ailleurs, et ici la caravane passe.