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Fous d’hyper-connexion

Il est 9h 30, ce lundi matin, et le manager du projet a encore la tête pleine de courriels: ceux qu’il n’a pas eu le temps de traiter durant le week-end, malgré plusieurs heures de connexions à domicile. Surmontant son anxiété causée par les réponses « urgentes » à donner, il entame une réunion, au centre de l’attention d’une demi-douzaine de personnes. Conscient que chaque minute représente autant de nouveaux messages qui s’amassent, il parvient à se concentrer pour aller jusqu’à la dernière slide de son PowerPoint. Soulagé d’avoir réussi à présenter clairement l’état de son projet,il se tourne vers son collègue pour lui demander un commentaire. Attendant la délivrance, il scrute avec angoisse ces lèvres dont ne sortira qu’un simple: « Excuse-moi, tu disais ? Je suis désolé, je « checkais mes mails’ »  pendant que tu parlais… ».

Quel manager n’a pas été confronté à ces problèmes? Le phénomène d’hyperconnexion des collaborateurs ne date pas d’hier et, pourtant, la prise de conscience actuelle des directeurs de ressources humaines (DRH) semble bien tardive.

Selon une enquête Global Human Capital Trends 2014 du cabinet Deloitte, seuls 75% des DRH considèrent la sollicitation excessive des employés comme une tendance  « urgente et importante » à traiter. Avec l’impression de subir ce qui se passe et une impuissance face aux flots arrivant dans la messagerie de chaque collaborateur, le courriel appelle le courriel, et le torrent de messages n’est pas près de tarir : Chacun se met à développer sa technique et ses raisons pour proliférer les courriels, du manager qui multiplie les destinataires, pour être sûr de n’oublier personne, au collaborateur, qui met ses supérieurs en copie afin de se couvrir.

Le résultat? Un stress et une charge de travail supplémentaire pour tout le monde, obligés de consulter leurs courriels sur leur temps libre, une productivité déclinante (si on consulte son smartphone plusieurs fois par jour), et des situations ubuesques, où des voisins de bureau préfèrent communiquer par courrier électronique plutôt que de se lever et de s’adresser la parole. L’hyper-connexion des uns appelle la frustration des autres: témoin ces fréquents conference calls, où l’orateur n’est écouté que d’une oreille, les participants préférant mettre à jour leur messagerie. Sous forme de mimétisme dans certaines entreprises, il suffit que le patron le fasse pour que le phénomène percole vers les collaborateurs.

Mais l’impact des nouvelles technologies n’est parfois que le révélateur des déficiences dans l’organisation de l’entreprise. Si l’hyper-connexion reste une source d’inquiétude, l’omniprésence des tablettes dans la salle de réunion relève d’un mauvais procès. Si personne n’ écoute, qui peut exclure que la réunion ne soit mauvaise? Doit-on blâmer les spectateurs qui baillent quand un film est inintéressant?


La Francophonie, chance pour un partenariat rénové

Dans l’esprit des Français et dans celui des peuples jadis soumis à la domination de la France, colonisation et décolonisation sont généralement considérées comme des phénomènes appartenant au passé. Il n’en resterait – à première vue – que des souvenirs, nostalgiques chez certains, amers chez d’autres. Mais si l’on regarde la réalité plus en profondeur, les choses sont beaucoup moins simples. L’aventure coloniale a laissé une empreinte bien plus forte que l’on ne croit dans l’ esprit des anciens colonisateurs comme dans l’âme des anciens colonisés, de leurs descendants et de leurs successeurs. Cette empreinte se laisse deviner à travers des non-dits qu’un peu de perspicacité permet de déceler aisément dans les rapports entre individus ou entre groupes marqués, d’une manière à l’autre, par le phénomène colonial.

A vrai dire, de tels rapports ne sont presque jamais véritablement limpides. Même quand ils sont francs et cordiaux, on sent toujours un « quelque chose » d’indéfinissable, qui forme comme un brouillard léger empêchant une pleine communion et troublant la communication réciproque. Il arrive cependant que ce brouillard se dissipe : ainsi en est-il lorsque s’effectue, d’un côté ou à l’autre, une prise de conscience permettant de clarifier les malentendus et parfois de les éliminer pour déboucher enfin dans la lumière d’une amitié sans ombres.

C’est à une démarche de ce type que je voudrais me livre ici, non point avec la compétence et les talents d’un historien, d’un anthropologue ou d’un psychanalyste, mais, beaucoup plus modestement, avec la curiosité douloureuse et la volonté constructive de quelqu’un qui tente de comprendre une des aventures les plus ambigües de toute l’histoire humaine, d’un jeune francophone et francophile.

Une sorte d’«esprit de famille» a souvent généré entre les anciens colonisateurs et les anciens colonisés une « communauté » moins facilement explicable qu’on ne le prétend habituellement, car la plupart du temps on ne met en avant, plus ou moins naïvement ou plus ou moins sincèrement, que des souvenirs « historiques », des intérêts « politiques » ou « économiques », et des affinités « culturelles ». Les choses en réalité sont infiniment plus complexes, plus subtiles et plus nuancées. L’ « esprit de famille », par exemple, n’a jamais empêché les « querelles de famille », et l’on sait combien celles-ci peuvent être violentes.

On est certes en droit de se demander si de nos jours il est encore utile d’en parler. Personnellement, je pense que le débat n’a rien perdu de son actualité. D’abord, parce que les querelles d’origine coloniale ou postcoloniale sont loin d’être calmées ; ensuite, parce que, bien au contraire, je suis persuadé que l’écoulement du temps permet enfin de les considérer avec un esprit pacifié, et donc de voir plus clair dans une série d’épisodes fondamentalement importants de l’histoire de l’humanité. Je veux croire que, par là même, on pourrait peut-être parvenir enfin à une pleine réconciliation des esprits et des cœurs permettant une ouverture et une communication sans obstacles entre tous ceux que lie encore l’ancienne participation, heureuse ou malheureuse, à un univers commun basé sur un système de valeurs attirant d’ autres membres de la communauté internationale prêts à adhérer.

L’homogénéisation à la fois partielle et faussée crée par la mondialisation dans sa version néo-libérale n’a pas pu effacer des solidarités objectives antérieures à son avènement.

Il ne m’appartient pas de me prononcer ici sur la manière dont il faudrait concevoir, institutionnellement et pratiquement, ce partenariat rénové.

Je suis certain que cela ne se résoudra pas uniquement par la pratique de la coopération et du partenariat tels qu’on les conçoit encore. Notre siècle ne veut parler que d’économie et de technologie, sans égard pour les aspects humains des relations Nord-Sud. C’est là, à mon avis la raison pour laquelle ces relations demeurent boiteuses.

Dans ces conditions, l’ambigüité persistera aussi longtemps que l’on n’aura pas eu la volonté, le courage  et la franchise de procéder à l’apurement du contentieux psychologique conscient et subconscient. Cela ne peut se faire que par la production, des deux côtés, d’écrits orientés à cette fin, et par l’organisation de rencontres de toute nature au sein desquelles il doit être entendu d’ avance que la confrontation loyale des thèses, quand elles comportent une critique des uns par les autres, doit aboutir, absolument, à leur dépassement. C’est alors que dans les divers pays intéressés, les gouvernements, les administrations, les entreprises et les médias, faisant enfin preuve de bonne foi et de bonne volonté, pourront établir des liens que ne viendront plus entacher des soupçons datant d’une autre époque.

Le Sommet de la Francophonie qui se déroule cette semaine à Dakar au Sénégal doit montrer la volonté et la capacité de faire un pas décisif dans la direction d’une maturité pour parvenir au but de ce partenariat rénové.


Carte postale de Japon: Les estampes kabuki

Le kabuki est une forme de théâtre traditionnel japonais apparue autour de 1600. Il constitue l’une des trois formes dramatiques majeures du Japon avec le nô* et le bunraku**. Il se caractérise par un répertoire dramatique particulier, par de la musique, de la danse et des effets visuels spectaculaires. Ceux-ci jouent beaucoup sur l’exagération, celle des costumes sophistiqués, de maquillages frappants et de perruques extraordinaires. Le jeu des acteurs est emphatique et stylisé, quasi chorégraphique. Les pièces ont pour sujet d’ancien drames ou scandales, placés dans des lieux mythiques ou historiques, et évoquant des conflits moraux, des histoires d’amour, des tragédies ou des événements surnaturels. Le langage employé a des tendances archaïque, dont les subtilités sont parfois intelligibles pour une audience moderne.

Le théâtre kabuki doit une grande partie de sa popularité à la publicité visuelle qui l’accompagne, sous forme d’estampes, parfois de peintures. Ces œuvres appartiennent à la culture qui naît dans la classe moyenne de l’époque Edo***, relative à un univers de loisirs, ukiyo (« monde flottant »). Celui-ci se réfère au mode de vie urbain de la classe moyenne, notamment la recherche des plaisirs dans les quartiers chauds d’Edo et Osaka où se trouvaient les maisons closes et les théâtres kabuki. Les images qui s’y rapportent sont appelées ukiyo-e et incluent des geishas, courtisanes, acteurs de kabuki, samouraï etc. La majorité de ces images sont des xylographies, i.e. des estampes produites à partir de matrices de bois gravé. Elles résultent de la collaboration de plusieurs intervenants : l’éditeur commande une composition à un artiste, qui la dessine sur un papier fin. Celui-ci est transféré par le graveur sur un bloc de bois dur qu’il taille pour ne conserver que le relief des lignes et des zones à imprimer. Enfin, l’imprimeur produit un tirage en appliquant une feuille de papier sur la matrice encrée – contrairement aux Occidentaux, les Japonais n’utilisent pas de presse.

Les premières images de théâtre se limitent à des textes et calligraphies dessinés sur des portes coulissantes. Les premiers « véritables » portraits d’ acteurs apparaissent avec l’ école Katsukawa, notamment de la main de Katsukawa Shonsho (1726-1792), qui produit des effigies « naturalistes », c’est-à-dire reconnaissables. Auparavant, les figures étaient stéréotypées et leurs expressions peu différenciées. L’impression en couleur apparaît aux environ de 1720, d’abord dans les livres illustrés, puis dans les estampes. Elle remplace peu à peu la fastidieuse application des couleurs au pinceau, et constitue une avancée technologique majeure pour les éditeurs d’images commerciales. Les années 1760 sont celles de la maturité de l’impression multicolore à plusieurs matrices (nishiki-e), avec pour conséquence une augmentation considérable de la production et de la diffusion des estampes. Au XIX siècle, la moitié des planches éditées au Japon sont liées au kabuki.

*Théâtre classique d’origine populaire, destiné à l’aristocratie militaire, employant notamment des masques.

**Théâtre de marionnettes né à Osaka.

***Ancien nom de Tokyo, utilisé jusqu’en 1868.


Contre la montre

Née avec la modernité, la haute technologie horlogère a bouleversé notre perception du temps et transformé la pratique du sport en quête de performance.

A l’échelle d’une vie humaine, une seconde ne représente pas grand-chose : un battement de cils, un claquement de doigts. Mais pour certains, c’est énorme : aujourd’hui, sur une piste d’ athlétisme ou dans une piscine, on se bat pour des centièmes de seconde – et même pour des millièmes en patinage de vitesse. Pourtant, comme nous le rappelle la riche exposition présentée au Musée olympique de Lausanne, les athlètes n’ont pas toujours couru après le temps. Pendant l’Antiquité, le temps qui importe est celui qui rythme les saisons et détermine les dates des Jeux Olympiques, grâce notamment à la machine d’Anticythère, mécanisme complexe permettant de calculer les positions astronomiques, dont une reproduction est exposée à Lausanne. Les performances ne sont pas mesurées, le premier arrivé est déclaré vainqueur. Elu de Zeus, il reçoit une couronne de feuillage et acquiert une grande notoriété : il devient un important dignitaire dans sa ville et peut pratiquer la politique.

Les Jeux olympiques modernes sont nés sous d’autres auspices : la technologie est passée par là. En 1872, Jules Verne publie Le Tour du Monde en quatre-vingts jours, roman dans lequel une distance, la plus longue possible, est parcourue en un temps minimum grâce aux nouveaux moyens de transport. Quelques années plus tard, Eadweard Muybridge, Etienne-Jules Marey puis Georges Demeny créent des appareils révolutionnaires, précurseurs des instruments de cinéma, qui permettent de décomposer et rationaliser le mouvement, afin d’ améliorer les performances. Le départ du premier 100 m chronométré est donné en 1864 en Grande-Bretagne. En 1896, même si l’important est de participer, les Jeux olympiques souhaités par le baron Pierre de Coubertin sont donc influencés par ces évolutions.

A part la narration historique, les thématiques plus vastes s’interrogent sur la place du temps dans la performance, dans la vie des sportifs, mais aussi dans la société : on y explore la préparation, l’entraînement, l’effort, l’analyse et l’attente du spectateur, qui espère assister à un moment d’ anthologie. Un parcours passionnant et complet, parfaite illustration de la première partie de la devise des Jeux olympiques modernes : « Plus vite, plus haut, plus fort ».


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