Ephraim

Ma copine me trompe !

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Mon cœur battait à se rompre dans ma poitrine. J’ai dû me faire violence pour trainer lourdement mes pieds engourdis jusqu’à la porte de la chambre. J’ai dévisagé la serrure, figé, incapable de l’ouvrir.

Des images me sont revenues. Je nous revois parler de notre relation. Je revois tes yeux sincères embuées de larmes me jurer fidélité. Tu as pleuré comme une enfant. Et, j’ai laissé tes lèvres chaudes envelopper mes craintes.

Mais c’était erreur que d’ignorer mon flair. Ton visage innocent et ta bouche pulpeuse ne sont pas gages de sincérité. Je l’ai lu dans ton cœur. À ton contact j’ai fleuré qu’une dévotion à un autre te consume… profondément.

J’ai essayé de te quitter. Je me suis insulté, menacé pour à chaque fois noyer mon chagrin dans tes baisers. À cause de toi, maintenant ton autre moitié ne me quitte plus. Je le représente dans notre lit, quand tu te refuses à moi. Je le vois dans tes prunelles qui s’illuminent et dans tes longues absences nocturnes.

Comment dire m’aimer quand tu ne m’appartiens pas?  Mon âme et mon corps ne te suffisent-t-ils donc pas ?

Dans un élan de désespoir, j’ai tourné la clé dans la serrure et ouvert la porte. Je l’ai toujours su. Maintenant je n’ai plus de doute. Te voir à côté du lit dans cette position, à genou, me rappelle mes privations. Te voir me negliger, nous négliger, pour prier Dieu, Jésus ou Allah me contraint à mettre un terme à notre relation.

Adieu bien aimée.


Les sourires de la détresse

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Le bus roulait à vive allure quand notre fenêtre a brusquement cessé de defiler le littoral splendide de la côte sud. On atteignait une zone habitée. En l’espace de quelques secondes, des maisons puis des gens se sont offerts à notre vue de voyageurs fatigués. Le bus a ralenti quand on l’a vu, cet homme, étendu par terre dans le sens de la longueur, gisant dans une mare de sang.

La foule, amassée sur le trottoir, lui a tourné le dos. De l’autre côté de la rue, deux voitures, fracassées l’une contre l’autre restent figées. Comme une pantomime du sinistre. Ça n’a duré que 10 secondes.

– Ma journée est ruinée, as-tu lancé nonchalamment, la mine dégoutée.

Assise juste à côté, tu ne m’as pas parlé depuis le départ et malgré mon envie, je n’ai pas insisté. Tu as préféré coller ton visage angélique et pubère contre la fenêtre en vitre, l’écouteur bien enfoncé dans les oreilles. On s’est dévisagé en secret. Ton regard innocent, vif et doux, se confondant avec les arbres et la mer qui passent.

C’est affreux, ai-je répondu, mine de rien.

Un tantinet surprise, t’as enlevé ton écouteur, pour me demander de me répéter.

C’est affreux que des gens puissent perdre la vie sur un coup de volant mal placé, avais-je ajouté le ton détaché.

Oui, tu as raison, as-tu répliqué en enroulant les oreillettes autour de ton cou.

Le sang chaud du mourant a brisé la glace entre nous. Et on a commencé sur un registre funeste. Tu m’as raconté ta phobie des accidents, tes crises d’angoisses dans les enterrements. Je t’ai expliqué le stoïcisme, Épictète et le détachement. Je t’ai parlé longuement des avantages à ne s’en faire que pour ce qui dépend de nous. Tu as hoché la tête et souri, l’air à l’aise, dévoilant tes dents d’une blancheur immaculée.

– J’ai la chance de voyager avec un mannequin…

– Et moi avec un philosophe, as-tu répliqué amusée.

C’est vrai que ta silhouette est une promesse de volupté. Ta peau d’ébène, tes joues légèrement gonflées, tes seins rebelles dans un t-shirt moulant et tes longues jambes émergeant d’une jupe modeste m’ont fait penser à une de ces égéries de parfum dont les mecs de ma génération sont si friands.

Subitement, tu t’es tournée vers moi tendrement, un profond tristesse tapis au fond du regard.

– Ça va ?

Tu as détourné les yeux. Comme pour cacher ton âme, comme pour retenir des larmes.

Le silence s’est réinstallé jusqu’à ce que tu me parles de ton mari. Devrais-je dire ton futur mari car promesse de mariage ne vaut pas mariage.

Tu m’as raconté sa jalousie, ses scènes, tes privations et parfois ses coups. La fêlure dans ta voix laisse passer l’écho d’une souffrance effroyable et d’une rage apaisée.

C’est alors que je t’ai demandé de me parler de toi. De ton bac passé avec brio. De ton diplôme de secrétariat et de tes rêves de visiter le Japon. Pourquoi tu restes avec lui ?, ai-je risqué. Pourquoi à 25 ans ne pas chercher un travail et voler de tes propres ailes ? Pourquoi s’enchaîner quand la liberté est à portée de volonté, à hauteur de détermination ?

Tu m’as alors expliqué ton désarroi et ta phobie de porter sur ton corps des hommes que ton coeur insupporte. Des hommes qui promettent du travail, qui parfois font travailler et demandent à être compensés, à être dédommagés en nature, dans ta nature et ta dignité. Tu préfères rester sous la responsabilité de ton mari as-tu soupiré, abattue.

En quoi est-ce si différent avais-je pensé demander quand tu as posé délicatement ta main sur ma jambe et penché ta tête sur mon épaule.

Tu es sympathique et à l’écoute, m’as tu soufflé à l’oreille. Je n’ai pas répondu. Je ne savais quoi répondre quand tu m’as dit vouloir quitter ton futur mari si j’acceptais d’être avec toi.