Will Cleas

RDC : En attendant les résultats du vote, place aux rumeurs

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Emmanuel Ramazani Shadary, trois challengers à la succession de Joseph Kabila, retiennent leur souffle après les élections du 30 décembre dernier en République démocratique du Congo. En attendant la proclamation du vainqueur par la Commission électorale (CENI), des spéculations se multiplient sur la suite de ce processus électoral qui retient l’attention du monde entier.

A Kinshasa, notamment, chacun essaie d’imaginer, de sa manière, le scénario qui pourrait se produire après que la CENI aura annoncé les résultats de la présidentielle. Focus sur quelques-unes des rumeurs les plus folles qui se répandent comme une traînée de poudre dans différentes rues de la capitale congolaise.

Un complot en gestation

D’après certaines « bouches autorisées », le Front Commun pour le Congo (FCC), coalition électorale du pouvoir, a entamé des tractations avec le Cap pour le Changement (CACH), l’une de deux puissantes plateformes électorales de l’opposition. Le but serait de convaincre Félix Tshisekedi, candidat du CACH, de « vendre » ses voix obtenues au candidat du pouvoir, Ramazani Shadary, pour que ce dernier soit proclamé vainqueur de la présidentielle par la CENI. Ceci aurait pour objectif d’étouffer la percée fulgurante de Martin Fayulu, candidat de Lamuka, autre plateforme électorale de l’opposition hostile à Joseph Kabila.  Et en guise de récompense, Félix Tshisekedi occupera le poste de Premier ministre dans le nouveau gouvernement. Ensuite Fayulu, déjà soupçonné d’avoir commandité l’incendie de l’entrepôt de la Commission électorale à Kinshasa, juste une semaine avant la tenue des élections, serait incarcéré ou forcé à s’exiler.

« Vers un bain de sang »

D’autres rumeurs accusent le président sortant, Joseph Kabila, de préparer des assassinats ciblés dans le but de revenir aux affaires le plus rapidement possible. La première victime serait Martin Fayulu, l’opposant pressenti vainqueur de dernières élections, d’après les tendances.  Les rumeurs racontent que le meurtre de Fayulu va provoquer des émeutes qui seraient réprimées dans le sang par les forces de l’ordre. Corneille Nangaa, président de la Commission électorale, avec un couteau sous la gorge, serait obligé de proclamer Ramazani Shadary, candidat du pouvoir,  vainqueur de la présidentielle. Celui-ci, ne fera qu’une courte durée à la tête du pays, avant de se faire tuer à son tour par son prédécesseur. Ce qui va permettre à Joseph Kabila de reprendre les commandes de l’État pour un intérim qui n’aura jamais de fin proche.

Scénario à l’ivoirienne…

Il y a aussi des voix qui imaginent l’issue du processus électoral en RDC à peu près de la même façon telle que cela s’est produit en Côte d’Ivoire en 2010 avec le président sortant, Laurent Gbagbo et son rival, Alassan Ouattara. D’après les rumeurs, Corneille Nangaa, président de la Commission électorale (CENI), sous la protection des puissances occidentales, va proclamer l’opposant Martin Fayulu vainqueur de la présidentielle.  La Cour constitutionnelle, réputée proche de Joseph Kabila, va invalider les résultats provisoires de la CENI et va confirmer Ramazani Shadary, candidat du pouvoir, président élu de dernières élections. Il y aurait ensuite un affrontement armé entre les rebelles, soutenus par l’occident, et les troupes de Joseph Kabila. Celui-ci sera finalement capturé et envoyé à la Cour pénale internationale pour être jugé.


Une campagne électorale sanglante pour des élections qui n’auront pas lieu

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Clôturée le 21 décembre dernier, la campagne électorale en République démocratique du Congo a causé la mort de dix personnes, d’après le bilan fourni par une ONG locale de protection des droits humains. Des personnes tuées pendant des échauffourées qui ont jalonné la tournée, dans plusieurs villes du pays, de Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Ramazani Shadary, trois principaux candidats à la présidentielle.

Les trois challengers à la succession du président sortant, Joseph Kabila, ont péniblement parcouru l’étendue du pays dans le cadre de la campagne électorale pour des élections qui n’ont finalement pas eu lieu le 23 décembre dernier tel qu’attendu.

A deux jours de la date du vote, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé le report des élections au 30 décembre 2018. Soit une semaine après la date prévue par le calendrier électoral. La CENI s’est appuyée entre autres sur l’incendie, qui a ravagé son entrepôt la semaine dernière, pour justifier le report. D’après Corneille Nangaa, président de la commission électorale, le feu aurait détruit un important nombre de matériels électoraux destinés notamment à la ville de Kinshasa. Un nouvel alibi qui remet en cause la volonté du gouvernement congolais, à travers la CENI, d’organiser les élections crédibles afin de permettre une pacifique passation du pouvoir à la tête du pays.

Calendrier obtenu sous pression

Il s’agit d’un troisième report des élections qui devaient, en principe, avoir lieu en 2016. Pour comprendre les vraies raisons qui ont conduit au nouveau retard, il faut analyser le contexte dans lequel le calendrier électoral a été obtenu.

En 2017 pendant que les forces réprimaient, dans le sang, différentes manifestations qui appelaient à la tenue des élections la même année conformément à l’accord du 31 décembre 2016, Corneille Nangaa, président de la commission électorale, réclamait par contre 504 jours, après la fin de l’enrôlement, pour pouvoir organiser les scrutins. La fin de l’enrôlement des électeurs étant intervenue en janvier 2018, ce délai de 504 jours devrait obliger les Congolais à attendre le mois de juin 2019 pour élire un nouveau président. Ce sursis de trop pour Joseph Kabila, dont le mandat a pris fin depuis septembre 2016, avait attisé la tension.

Il fallait l’intervention des Etats-Unis pour calmer les esprits. Dépêchée de façon imminente en RDC, l’ex-ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, avait dû obliger la CENI à publier un calendrier électoral fixant la tenue des élections en 2018. Un mois plus tard, la CENI, sous pression, s’exécute. Elle sort un calendrier, le 5 novembre 2017, qui fixe l’ensemble des scrutins au 23 décembre 2018.

En attendant la dernière goutte…

Le nouveau report des élections a ravivé la tension dans le pays. Au lieu de se révolter, l’opposition a su mettre de l’eau dans son vin, bien que frustrée. C’est avec raison. Car reporter les élections semble être la dernière stratégie du pouvoir face à une opposition déterminée à prendre part aux scrutins en dépit d’un processus électoral bâclé. Ces élections permettraient de tourner la page Kabila pour laquelle de nombreux Congolais ont sacrifié leurs vies.

Mais vu la faible mobilisation de la part de la CENI côté logistique, rien n’assure que les élections auront bien lieu le 30 décembre prochain, telles que reportées. Clairement, la commission électorale pourrait négocier une nouvelle prolongation sous prétexte de permettre à ce que tout soit finalement en ordre. Cet éventuel énième report sera sans doute la dernière goutte qui fera déborder le vase.


Opposition congolaise, des loups qui se mangent entre eux

Caricature d’une opposition divisée face à un candidat commun du pouvoir/ Par Kash pour Actualite.cd

A 12 jours de la tenue des élections, l’opposition se retrouve divisée. Orgueil, trahison et exclusion ont attisé les conflits internes, jusqu’à fragiliser une certaine coalition formée dans l’objectif de vaincre le camp du pouvoir à la prochaine présidentielle.

Une opposition plurielle pour un objectif commun : déboulonner le régime de Kabila à travers les élections du 23 décembre.

Mais dans la mesure où l’opposition est plus divisée que jamais, vaincre le camp du pouvoir aux prochains scrutins parait finalement une mission impossible. Car en face d’elle, il y a un bloc. Les partis au pouvoir se sont tous alignés derrière Ramazani Shadary. Celui-ci est choisi par Joseph Kabila pour porter, à la présidentielle, les couleurs du Front commun pour le Congo (FCC). Plateforme électorale créée par le président sortant dans le but de maintenir la main sur la gestion du pays, en dépit de son exclusion du processus électoral.

Pour mener un combat équilibré, l’opposition devrait également soutenir une candidature commune. « L’union fait la force », dit-on. Une stratégie dont la tentative s’est avérée plutôt suicidaire pour les opposants.

Opposition contre opposition

Réunie à Genève pour désigner un candidat commun, l’opposition congolaise s’est retrouvée fatalement en ordre dispersé. Le choix de Martin Fayulu comme candidat unique n’a pas fait d’unanimité. Le malaise était perceptible après le vote. Aucun mot sur les comptes Twitter de Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, deux grandes figures de l’opposition pressenties comme favoris pour porter le flambeau de l’opposition à la prochaine présidentielle.

Moins de  24 heures après le choix de Fayulu comme candidat unique de l’opposition, Tshisekedi et Kamerhe, frustrés, ont fait volte-face. Ils ont annoncé leur retrait de Lamuka, la coalition de l’opposition à peine créée pour battre celle du pouvoir aux prochaines élections. Tshisekedi et Kamerhe prétendent avoir obéi à leurs bases. Celles-ci auraient désapprouvé le choix de Fayulu comme porteur des couleurs de l’opposition à la prochaine présidentielle.

Mais l’histoire en est une autre, visiblement. Les deux leaders de l’opposition ne pouvaient en aucun cas accepter un choix en dehors de l’un de deux. Ils s’estiment populaires et compétents pour conduire l’opposition aux élections. L’orgueil a primé sur l’intérêt commun. Et leur désolidarisation, après la désignation de Fayulu, a dynamité l’union de l’opposition.

Actuellement Tshisekedi et Kamerhe ont formé une alliance parallèle à celle de Genève conduite par Marytin Fayulu. Les deux coalitions de l’opposition s’affrontent sur fond d’une campagne électorale sans pareil. Cette rivalité des opposants profite largement à Ramazani Shadary qui jouit de la confiance et loyauté de tous les partis réunis au sein de la plateforme dont il est l’unique candidat.


RDC : l’inquiétante implication de l’armée dans le processus électoral

Des militaires habillés en chasuble des agents électoraux avec des camions de l’armée devant le siège de la CENI à Kinshasa
Photo: Ley Uwera

Pour un processus électoral qui peine à convaincre, l’intervention de l’armée ne fait que renforcer les doutes quant à la crédibilité des élections. L’opinion s’interroge notamment sur l’indépendance de la Commission électorale (CENI) quand celle-ci implique les forces armées dans l’organisation des élections.

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Le matin du lundi 29 octobre, la ville de Kinshasa se réveille de bon air. Mais très vite, la population qui fréquente le boulevard du 30 juin, l’une de grandes artères de la capitale congolaise, remarque quelque chose d’inhabituel. Une centaine de camions militaires et des motos de la police s’alignent devant le siège national de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans une période électorale tendue que traverse le RDC, une telle scène ne passe pas inaperçue. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce que peuvent bien faire ces engins de l’armée devant les locaux de la CENI. «C’est juste pour aider à appuyer l’opération de déploiement des matériels électoraux sur l’étendue du territoire national », dit Henri Mova, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, pour tenter de rassurer l’opinion.

L’inquiétude grandit dans la population

Bien que le gouvernement avance des justifications, l’inquiétude au sein de la population ne se dissipe pas. Et c’est avec raison. Dans la mesure où le processus électoral demeure au cœur d’un rapport de force entre la CENI et la population, le coup de main de l’armée dans l’organisation des élections est vu d’un mauvais œil. Ça rappelle la terrible date du 19 septembre 2016, quand le ciel s’était assombri à Kinshasa. L’une des villes où, la police, mal équipée, peinait à maîtriser des manifestants descendus dans la rue pour protester contre le report des élections. Dans cette situation, l’armée avait été le meilleur allié pour sauver la commission électorale et ses installations menacées d’être incendiées par la foule en colère. Appelés en renfort, les militaires avaient réussi à repousser les émeutiers avec des tirs à balle réelle… Bilan : une vingtaine de morts et quelques sièges de partis politiques incendiés.

Élections contestées avant le vote

Près de deux ans après ce drame, l’angoisse refait surface. La collaboration entre l’armée et la commission électorale suscite des interrogations. Les résultats de ces élections sont déjà contestés par une grande partie de la population avant même le vote. Au cœur de la controverse, le maintien de la machine à voter imposée par la commission électorale pour le prochain vote. Un outil contesté par la majorité de Congolais qui y voient un moyen, pour la CENI, de publier les résultats truqués en faveur du pouvoir en place. Personne ne sait encore ce qui va se passer. Mais le fait de voir l’implication de l’armée dans le processus électoral inquiète. Ajouter à cela, le soutien de plusieurs dignitaires de l’armée, notamment celui de l’ancien chef d’État major, Didier Etumba, au candidat président de la coalition au pouvoir. Tout cela rassure de moins en moins sur l’impartialité et la crédibilité des scrutins. Et nombreux sont ceux qui sont persuadés que les résultats de ces élections sortiront du bout du fusil au lieu des urnes.


RDC : cap vers une présidentielle « sur mesure »

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Dans le cadre de la publication des listes provisoires des candidats aux élections, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a rejeté 6 candidatures sur les 25 réceptionnées pour la prochaine présidentielle. Bien qu’intervenue en retard par rapport aux dates prévues dans le calendrier électoral, cette opération traduit tout de même la «volonté» du gouvernement congolais de conduire le pays vers la présidentielle… mais pas n’importe quelle présidentielle.

Joseph Kabila ne prendra pas part au scrutin présidentiel, censé avoir lieu dans quatre mois (le 23 décembre 2018). Après avoir subi une forte pression, au niveau régional, national et international, le président congolais a fini par renoncer à son intention «inavouée» de briguer un troisième mandat (anticonstitutionnel). A sa place, Kabila désigne Emmanuel Ramazani Shadary, l’un de ses fidèles, comme candidat à la présidentielle pour le Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme électorale du pouvoir.

Conscient de l’impopularité et de l’inexpérience de celui qui est considéré comme son dauphin, Joseph Kabila, grâce à la complicité de la CENI, balise le chemin pour une élection présidentielle à la «taille» de son potentiel successeur. Pour cela, en plus de la machine à voter et d’un fichier électoral corrompu, Kabila choisit pour son candidat les challengers qu’il devra affronter dans les bureaux de vote.

Exclusion des poids lourds

Déterminé à revenir déposer sa candidature, Moise Katumbi, l’un des favoris pour la prochaine présidentielle, a été empêché par le gouvernement de regagner son pays. Les autorités congolaises ont réussi à écarter cet opposant exilé de la course à la magistrature suprême, notamment grâce à plusieurs faux procès amorcés à son encontre.

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Moise Katumbi n’est pourtant pas l’unique danger pour le pouvoir. L’ex-détenu de la Cour pénale internationale (CPI), Jean-Pierre Bemba, un autre poids lourd de l’opposition congolaise, a vu lui aussi sa candidature être rejetée par la Commission électorale. Idem pour Antoine Gizenga, autre adversaire de taille pour le dauphin de Kabila, dont la candidature n’a pas été prise en compte par l’organe chargé d’organiser les élections.

Bien qu’ils s’inscrivent dans la logique du processus électoral, les contentieux des candidatures, en cours de traitement à la cour constitutionnelle, sont sans doute une occasion pour Kabila d’éliminer les opposants qui menacent l’élection de son successeur à l’issue de la prochaine présidentielle.

Kabila et la théorie de «reculer pour mieux sauter»

Joseph Kabila sait que la victoire de son regroupement politique à la présidentielle lui profiterait autant qu’à son dauphin. Contraint de renoncer à briguer un nouveau et troisième mandat, Kabila prend du recul en désignant un successeur, ceci, après s’être accroché au fauteuil présidentiel pendant près de deux ans (la fin de son deuxième et dernier mandat date du 19 décembre 2016). Cette longue période d’attente avant d’obtenir (enfin) une date officielle pour l’organisation d’une élection présidentielle est à l’origine d’une énième crise politique et sociétale. Cela s’est soldé par de nombreuses victimes. Certaines d’entre elles ont été tuées lors des marches contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir.

En désignant un successeur, Kabila a réussi à faire baisser la tension et a marqué une pause dans le long bras de fer qui l’opposait à la communauté internationale. Mais rien ne garantit encore son départ. Son dauphin pourrait lui servir de tremplin pour revenir aux affaires dans les prochains jours. C’est ce qu’atteste son attitude lors de ce qui devait être son discours d’adieu au dernier sommet la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Kabila a terminé son discours avec une petite phrase qui en dit sans doute long : «Je ne vous dis pas au revoir, mais à bientôt », voilà ce qu’a déclaré Joseph Kabila à ses homologues de la SADC le 17 août dernier. Une façon énigmatique de dire qu’il n’est pas encore parti. Il a plutôt reculé… pour mieux sauter.


Comment Kabila se transforme en candidat pour sa propre succession

Le président congolais Joseph Kabila en 2014
Photo: Wikimedia Commons

A cinq mois de la tenue de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), la Majorité présidentielle peine à se choisir un dauphin pour succéder à Joseph Kabila. Ce dernier, conformément à la constitution, n’a plus le droit de briguer un nouveau mandat. Mais, en dépit de tout, le président congolais affûte ses armes, dans son coin, en prélude à la prochaine présidentielle à laquelle il n’est pas censé prendre part.

A l’instar d’autres acteurs politiques congolais, Joseph Kabila se prépare en vue des élections qui auront lieu au mois de décembre 2018. Maintenu jusque-là au fauteuil présidentiel grâce à l’accord de la Saint-Sylvestre, Joseph Kabila continue à entretenir le flou sur son avenir politique.

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Alors que l’opposition congolaise attend de lui la désignation d’un «dauphin» susceptible de porter la candidature de la MP à la présidentielle, Joseph Kabila choisit de nager à contre courant. Début Juin, il a ainsi mis en place le Front Commun pour le Congo (FCC), une gigantesque plateforme électorale qui réunit ses poulains et les opposants prenant part à l’actuel gouvernement de transition autour de lui. Pour celui qui n’est pas censé se représenter à la présidentielle à venir, créer une plateforme électorale, c’est faire comme un boxeur qui garde les poings serrés alors qu’il est exclu de la compétition. Reste à voir si et comment le président congolais arrivera à se glisser dans le ring sous l’œil observateur international.

Kabila, le juge suprême

Conscient qu’il ne pourra pas se maintenir au pouvoir seul, Joseph Kabila prépare, entre autres, l’appareil judiciaire congolais. Celui-ci devra lui servir de contrepoids face à la pression internationale qui menace son règne. Pour ce rôle, la cour constitutionnelle s’avère être le meilleur allié. En effet, déjà en 2016, cet organe chargé d’assurer la primauté effective de la constitution avait autorisé le président congolais de rester au pouvoir au delà de la limite accordée par la Constitution. Composée, cette fois, de cinq fidèles du président congolais, la nouvelle configuration de la cour constitutionnelle, qui s’est réunit au mois de mai dernier, inquiète l’opinion qui s’oppose au troisième mandat de Kabila. Nombreux sont ceux qui redoutent que le président congolais recourt une nouvelle fois à cette cour afin de légitimer sa candidature pour une troisième réélection.

Kabila, l’insaisissable

Face à la communauté internationale qui le presse de plier bagage au terme de la transition en cours, Joseph Kabila joue à la souris. Sachant que l’élection présidentielle arrive à grands pas, le président congolais snobe les diplomates internationaux qui l’appellent à respecter la Constitution et l’accord qui le maintient au pouvoir. La rencontre qui devrait avoir lieu cette semaine entre Joseph Kabila, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Moussa Faki, président de la commission de l’Union africaine, a été brusquement annulée par Kinshasa. Il s’agit du troisième rendez-vous manqué après le report du premier, fixé en avril dernier, et celui du deuxième qui était prévu le mois passé. Le président de l’Angola João Lourenço et la diplomate américaine Nikki Haley ont également tenté en vain de rencontrer Joseph Kabila ces derniers jours. A travers cette indisponibilité face à la communauté internationale, le message du président congolais est clair : il n’est pas prêt à céder son trône, quoi qu’on lui dise.

«Kabila hier, aujourd’hui et demain»

Joseph Kabila s’appuie en même temps sur son parti pour préparer l’opinion en vue de son éventuel troisième quinquennat. «Nous étions avec Kabila hier, nous sommes avec lui aujourd’hui et nous serons avec lui demain», s’amusait à dire Ramazani Shadary, secrétaire permanent  du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) dans chaque meeting qu’il tenait lors de sa dernière tournée à travers le pays. Bien qu’ambiguës, ces déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur traduisent les intentions de son chef, celles de se maintenir au pouvoir encore un peu plus longtemps. Clairement, au-delà des élections prévues en décembre prochain. Certes, des interrogations persistent. Mais le suspense va être levé dans deux semaines et demi lors de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle.


Libération de Bemba, une inquiétante «bonne nouvelle» pour la RDC

L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba à la CPI, ici en juin 2016.
Photo: REUTERS/Michael Kooren via RFI

Poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) a été libéré mardi dernier, quatre jours après son acquittement en appel. Des doutes et des inquiétudes surgissent sur fond des scènes de liesse qui ont eu lieu après la libération de Bemba.

Des questions se posent, essentiellement en ce qui concerne l’impact du retour de Jean-Pierre Bemba sur la situation politique en RDC.

Dans une période où la classe politique s’apprête à prendre part aux élections prévues en décembre prochain, la libération de Jean-Pierre Bemba remet les pendules à l’heure. Président du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), deuxième parti de l’opposition en termes d’influence, Jean-Pierre Bemba constitue à lui-seul un important poids politique capable de faire bouger les lignes.

Dans l’opposition politique congolaise, nombreux sont ceux qui souhaitent profiter de l’expérience et de la popularité du président du MLC pour faire face au pouvoir en place. Dans les rues de Kinshasa, une grande partie de la population congolaise, épuisée par les 17 ans de règne de Kabila, attend également l’arrivée de Bemba comme le retour d’un Messie.

Mais derrière l’image de cet homme qui incarne «la libération» se cache un passé politique assez sulfureux.

Bemba, chef de guerre

Au-delà de l’enthousiasme qu’elle a suscité, la libération de Jean-Pierre Bemba rappelle également les sombres pages de l’histoire politique du pays. Et l’ancien vice-président en partage la responsabilité.

En 1998, lors de la deuxième guerre du Congo, Jean-Pierre Bemba contrôlait le nord de la RDC. Avec la rébellion du MLC, soutenue par l’Ouganda, l’ancien chef de guerre a activement participé au conflit armé. Or celui-ci aurait fait plus 183 000 morts, d’après un bilan établi par la communauté internationale.

En 2002, Jean-Pierre Bemba a prêté main forte au président de la République centrafricaine Ange-Félix Patassé, contre l’avancée du putschiste François Bozizé. Les hommes de Bemba ont ensuite été accusés de vols, de viols et d’autres exactions lors de leur intervention en Centrafrique.

En 2006, des affrontements violents éclatent à Kinshasa à l’issue des premières élections présidentielles. La milice de Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux au premier tour des scrutins, fait alors face aux troupes de son rival Joseph Kabila. Cette guerre de trois jours s’est soldée par la mort d’une vingtaine de personnes et une quarantaine de blessés, d’après le gouvernement de l’époque.

Avec un tel passé sanglant, le retour de Jean-Pierre Bemba sur la scène politique congolaise enchante certes ceux qui souhaitent à tout prix le départ de Joseph Kabila. Mais elle n’augure rien de bon. Que Bemba ou Kabila soit au pouvoir, la stabilité du pays demeure incertaine.


Vers les élections à haut risque en RDC

Une urne après décompte des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

A sept mois de la tenue des élections, le terrain n’est toujours pas déblayé pour garantir des scrutins transparents et apaisés en République démocratique du Congo (RDC). Plusieurs questions divisent encore et le débat s’éternise, notamment, entre les acteurs politiques.

Censées se tenir en novembre 2016, les élections, devant permettre l’alternance pacifique entre Joseph Kabila et son potentiel successeur, peinent à s’organiser. Cette situation est à la base du regain de tension en RDC. Et la sortie du calendrier électoral, le 5 novembre dernier, qui a finalement fixé l’organisation des élections au mois de décembre 2018, est loin de calmer les esprits.

L’opposition politique n’arrête pas d’accuser la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de brouiller la tenue des élections transparentes en faveur du pouvoir. Dans ce contexte de tension politique, les mesures et innovations imposées par la CENI pour les élections prévues en décembre prochain ne font qu’attiser le feu.

Loi électorale

Fortement contestée par une grande partie de l’opposition, la loi électorale a malgré tout été promulguée, le 26 décembre dernier, par le président sortant Joseph Kabila. Parmi les dispositions qui font grincer des dents, il y a la révision à la hausse de la caution électorale. Il s’agit des frais que chaque candidat doit payer pour son admission sur les listes. Avec un montant de 1.600.000 Francs congolais pour postuler à la députation nationale et 160.000.000 de Francs congolais pour une candidature à la présidentielle, la caution électorale actuelle est presque le triple de ce qui a été payé pour les scrutins de 2006 et de 2011. Certains acteurs politiques de l’opposition dénoncent donc «une démocratie de barons». D’après eux, cela exprime la volonté de la Ceni d’exclure les plus démunis des échéances électorales.

La question du seuil de représentativité accentue également la tension pour la période électorale en cours. Cette théorie, qui figure sur l’article 118/2 de la loi électorale, veut que  les partis puissent recueillir au moins 1% des suffrages au niveau national pour être autorisés à siéger. Une aubaine pour la coalition autour de Joseph Kabila, car elle est constituée de différents poids lourds politiques capables d’atteindre le chiffre requis. L’opposition, par contre, juge cette loi discriminatoire. D’après elle, ça ne favorise pas l’éligibilité des candidats indépendants.

Machine à voter

La machine à voter permet à l’électeur de se choisir un candidat à travers un moniteur tactile muni d’une petite imprimante. Cette dernière imprime, après le choix de l’électeur sur l’écran, le bulletin coché à placer ensuite dans l’urne. Cette méthode de vote n’est pas prévue par la loi électorale, ni par le calendrier électoral. Elle est imposée par la Ceni qui justifie son usage par le souci de réduire le coût des opérations électorales. Mais l’opposition soupçonne la Ceni de préparer une fraude massive à travers cet appareil qu’elle qualifie de  «machine à voler ». La Corée du Sud, où cette machine est fabriquée, avait d’ailleurs  mis en garde contre l’usage de cet outil. D’après Séoul, cette machine à voter pourrait mettre en danger la tenue pacifique et ordonnée des élections en RDC. En dépit de tout, la machine à voter est maintenue par la Commission électorale.

Confusion autour des partis et regroupements politiques

La non-prise en compte par le ministère de l’Intérieur de certains partis et regroupements politiques censés concourir aux élections prochaines en RDC envenime la tension. Dans la liste des partis et regroupements politiques autorisés à fonctionner, certaines formations se retrouvent avec des doublons qui portent les mêmes insignes. A l’origine de cet imbroglio, l’allégeance au pouvoir de certains opposants et vice-versa. Notamment à l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), principal parti de l’opposition, certains cadres, exclus pour avoir tendu la main à Joseph Kabila, ont créé leurs partis sous la même dénomination et les mêmes symboles que l’UDPS mais avec des idéologies politiques proches du pouvoir. Cette situation profite à Joseph Kabila dans la mesure où le meilleur moyen d’avoir les mains libres pour gouverner, c’est de semer la discorde parmi ses opposants.

Avec un tel climat de frustrations qui accompagne l’organisation des élections, la RDC encourt le risque d’une crise post-électorale tel que cela a été le cas en 2006 et en 2011.

 


Crise en RDC : la déception de la SADC au sommet de l’Angola

Arrestation brutale en marge d’une manifestation à Kinshasa contre le pouvoir de Joseph Kabila (Photo d’illustration). © AA/Pascla Mulegwa

Les chefs d’États et des gouvernements de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) s’étaient réunis le mardi dernier à Luanda, capitale de l’Angola, notamment pour trouver des solutions sur la crise que traverse la République démocratique du Congo (RDC). Une réunion dont les résolutions n’ont pas correspondu aux attentes de nombreux Congolais.

A l’issue de cette réunion à Luanda, la SADC s’est montrée beaucoup trop complaisante à l’égard de Kinshasa. Notamment en parlant des avancées significatives quant à la résolution de la crise en RDC. Ce qui l’a conduit à renoncer à sa décision de dépêcher un envoyé spécial à Kinshasa pour suivre de près l’évolution de la situation politique qui y prévaut.

Le point de vue de la SADC contraste avec la réalité sur terrain. L’évolution de la situation sociopolitique en RDC va de mal en pis. Malgré la publication du calendrier électoral qui fixe la tenue des élections en décembre prochain, les querelles politiques ne se dissipent pas. Le processus électoral est jalonné de nombreuses irrégularités qui hypothèquent la tenue des élections à la date fixée. L’opposition accuse la Commission électorale (Ceni) de jouer le jeu du pouvoir, notamment en repoussant la tenue des élections censées permettre l’alternance pacifique entre le président sortant Joseph Kabila et son successeur. Sur fond de ce bat : la machine à voter. Outil imposé par la Ceni pour des élections à venir, mais fortement contesté par l’opposition et la communauté internationale. Celles-ci y dénoncent un moyen de truquer les résultats du vote. Entre temps le président Kabila, assis confortablement sur son fauteuil présidentiel, ne manifeste toujours pas la volonté de quitter le pouvoir à l’issue de ces probables élections auxquelles il n’a pas droit de se représenter, tel que la  constitution dispose.

Déception de la SADC

Dans cette spirale de la crise qui secoue le pays, les Congolais et certaines organisations d’appui à la bonne gouvernance espéraient de la SADC une position ferme susceptible de favoriser un dénouement pacifique de la situation politique que traverse la RDC.

«La SADC doit faire preuve de la volonté politique nécessaire pour prendre à bras-le-corps la situation déplorable des droits humains en RDC et appeler les autorités à respecter et à protéger les droits fondamentaux de tous et à faire respecter la Constitution (…)», avait déclaré Amnesty international une semaine avant la réunion de la SADC à Luanda sur la crise en RDC.

Cette déclaration d’Amnesty International est un cri d’alarme face à la dégradation humanitaire et aux nombreuses atteintes aux droits humains consécutives à l’instabilité politique dans le pays. Et la SADC devrait se montrer responsable en optant pour des décisions fermes susceptibles de faire évoluer positivement la situation politique. Contrairement à ce qu’espérait une grande partie de l’opinion tant nationale qu’international, la position de la SADC a malheureusement été un coup de pouce au pouvoir en place qui profite de l’instabilité pour régner aussi longtemps qu’il pourrait.


Conférence des donateurs à Genève : Kinshasa et son honteux boycott

 

Lusenda, territoire de Fizi, Sud-Kivu, RDC: Une femme et son enfant dans le camp des réfugiés burundais de Lusenda.
Photo MONUSCO/Abel Kavanagh, depuis Flickr

La conférence des donateurs pour la République Démocratique du Congo s’est déroulée jeudi 12 avril à Genève en l’absence des autorités congolaises. Celles-ci ont maintenu leur décision de déserter cette messe de levée des fonds en faveur des victimes de la crise humanitaire en RDC. Un boycott teinté d’irrationalité vu que le gouvernement congolais a, finalement, exprimé son souhait de participer à la gestion de la somme collectée à l’issue de cette rencontre dans la capitale de la Suisse.

528 millions de dollars américains. Tel est le montant que l’ONU a réussi à mobiliser pour faire face à la crise humanitaire que traverse la République démocratique du Congo. Soit un tiers seulement de la somme (1,7 milliard) que la communauté internationale espérait collecter pour assister environ 13 millions des Congolais touchés par la crise.

L’échec de cette levée de fonds s’explique généralement par le refus du gouvernement congolais d’y prendre part. Malgré de nombreuses tentatives des diplomates étrangers pour convaincre Kinshasa de participer à cette conférence des donateurs, les autorités congolaises ont décliné l’invitation, accusant l’ONU de dramatiser la situation humanitaire que traverse le pays. Pire, elles ont battu campagne pour influencer d’autres États à boycotter à leur tour la conférence des donateurs à Genève.

Étonnant revirement du gouvernement congolais

A l’issue de la conférence humanitaire en faveur de la RDC, le gouvernement congolais, contre toute attente, n’a pas hésité à retourner sa veste. Par le biais du ministre des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, l’État congolais a exprimé son souhait d’être associé à la gestion de ces fonds issus de la conférence qu’il a pourtant boudée.

Face à cette situation, l’opinion s’interroge : pour valoriser son ego, un gouvernement devrait-il mettre en péril la survie de sa population en quête d’une assistance humanitaire ? Pourquoi avoir rejeté la conférence des donateurs à Genève pour ensuite accepter de participer à la gestion des fonds qui y ont été collectés malgré tout ?

Quoi qu’on dise, la réaction de l’État congolais traduit une attitude irresponsable de ses dirigeants face à la détresse de ceux qu’ils gouvernent.


Étienne Tshisekedi: chronique d’une dépouille en quête d’inhumation

Le cercueil d’Étienne Tshisekedi lors des obsèques qui lui ont été organisées à Bruxelles près d’une semaine après sa mort.
© REUTERS/François Lenoir

Un an et deux mois depuis son décès, le corps d’Étienne Tshisekedi, croupit toujours dans un funérarium. Ayant combattu, de son vivant, tous les régimes qui se sont succédés à la tête de la RDC, le vieil opposant politique congolais voit sa dépouille payer le frais de sa lutte contre la dictature qu’il a menée depuis plus de quarante ans.

La mort d’Étienne Tshisekedi est intervenue à un moment crucial quant à la crise politique que traverse la République démocratique du Congo. Juste un mois après la difficile signature de l’accord de la Saint-Sylvestre. Ce compromis politique censé sortir la RDC de la crise causée par le refus de Joseph Kabila de quitter le pouvoir au terme de son dernier mandat. Et Tshisekedi, un des négociateurs de cet accord, devrait en assurer la mise en œuvre effective.

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Décédé brusquement des suites d’une embolie pulmonaire à Bruxelles, capitale du royaume de Belgique, la disparition d’Étienne Tshisekedi va vite céder la place à une joute politique essentiellement axée sur le rapatriement de son corps et de son inhumation dans la terre de ses ancêtres. Pendant que l’opposition pleure son leader, le régime en place se frotte les mains. Car celui qui inquiétait Joseph Kabila n’est plus.

Sous le coup de l’émotion, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti que le défunt dirigeait, et sa famille biologique commencent à se mobiliser pour lui organiser des hommages mérités. Leurs démarches vont être vite entravées par le gouvernement congolais. Ce dernier ne veut pas que les proches du défunt organisent les funérailles de manière unilatérale. Sans doute par crainte d’une éventuelle émeute. Sachant que le pays baigne encore dans la crise. Et les funérailles de celui qui se présentait comme un danger pour le pouvoir en place pourrait emmener ses sympathisants à une révolte susceptible de pousser Joseph Kabila à la sortie.

Pour garantir des funérailles sans risque, le gouvernement décide d’entamer des discussions avec la famille politique et biologique du disparu. Question d’harmoniser les vues afin d’organiser ensemble des hommages nationaux, sans risque de débordement.

« Accord avant désaccord »

Après des échanges formels entre les deux parties, le gouvernement annonce le début des procédures pour rapatrier la dépouille de son ennemi politique. De cette concertation, sortira également la décision d’exposer le corps de celui qu’on appelait le “Sphinx de Limete” au Palais du Peuple. Lieu prisé à Kinshasa pour le recueillement et des hommages populaires aux grandes figures du pays qui ont disparu.

Au-delà de ce premier compromis, un autre débat persiste : le lieu d’enterrement de l’opposant historique. Les familles biologique et politique du défunt proposent la construction d’un mausolée pour honorer la mémoire de ce grand homme d’État. Une exigence de trop pour le gouvernement congolais. Ce dernier souhaite plutôt que Tshisekedi soit enterré dans un cimetière commun en qualité de Premier ministre honoraire. Cette divergence d’approches va établir un climat de méfiance entre les deux parties. Mais il a plutôt fallu la sortie médiatique du porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, pour envenimer la situation qui était déjà assez tendue.

Le 8 février 2017, Le porte-parole du gouvernement publie un communiqué dans lequel il annonce la décision du gouvernement de prendre totalement en charge l’organisation des obsèques d’Étienne Tshisekedi. Lambert Mende déclare que sur demande de la famille du disparu, le gouvernement prévoit des titres de voyage pour l’ensemble des membres de la famille biologique qui devrait se rendre à Bruxelles pour la levée du corps du président de l’UDPS.

Preuve de bonne foi pour le pouvoir, humiliation pour la famille du défunt, cette annonce mettra de l’huile sur le feu. Le lendemain, les deux familles (biologique et politique) de Tshisekedi démentent le communiqué du gouvernement. Elles décident, par conséquent, de mettre fin aux discussions avec le pouvoir. Ce sera alors le début d’un long bras de fer qui va opposer le gouvernement avec l’UDPS, en première ligne. Cela, accentué par les sympathisants de Tshisekedi qui se montraient, déjà dès le départ, hostiles à l’idée d’organiser les obsèques de leur leader avec l’appui d’un gouvernement qu’ils qualifient de “corrompus”.

Dès lors, plusieurs tentatives de rapatriement du corps de Tshisekedi amorcées unilatéralement par son parti et sa famille biologique connaissent une opposition de la part des autorités congolaises.

Le débat autour de l’enterrement de Tshisekedi continue à faire la Une des médias tant nationaux qu’internationaux. Le gouvernement congolais et l’UDPS se renvoient la balle quant au blocage autour de l’inhumation du défunt opposant historique. Sur fond de cette lutte politique sans issue, la dépouille d’Étienne Tshisekedi, l’opposant historique, traîne toujours dans un funérarium à Bruxelles.


Présidentielle en RDC : Moise Katumbi sur les peaux de banane

Moise Katumbi, ancien gouverneur du Katanga et candidat déclaré à la prochaine présidentielle en RDC/ Photo: Flickr

Favori à la présidentielle prévue en décembre 2018 par le calendrier électoral, Moise Katumbi fait face à des entraves visant à l’écarter de la course pour le fauteuil présidentiel en République démocratique du Congo.

Ancien pilier du régime du président Joseph Kabila, Moise Katumbi, avait déserté en 2015 son poste de gouverneur du Katanga, province la plus riche de la RDC en minerais. Se désolidarisant du président sortant, Katumbi avait trainé avec lui un nombre important de poids lourds politiques pour préparer son accession au pouvoir et succéder à son mentor à l’issue des élections qui devraient se tenir en 2016, selon la constitution.

Mais la route vers le Palais de la Nation (Maison présidentielle en RDC) ne sera jamais simple pour l’ancien gouverneur du Katanga. Bien qu’il jouisse d’une popularité qui pourrait sans doute le propulser à la tête du pays en cas de la tenue des élections, Moise Katumbi fait face à des embûches notamment de la part de la Majorité présidentielle (MP), son ancien camp. Ce dernier ne souhaite pas le voir devenir président de la République. Pour cela, il lui met des bâtons dans les roues en vue de le disqualifier de la course pour la magistrature suprême. Car, vu sa notoriété au sein de la société congolaise, Katumbi se présente comme un concurrent de taille susceptible de succéder à Joseph Kabila. Alors que le président congolais en exercice ne manifeste encore aucune intention de quitter le pouvoir à l’issue de prochaines élections.

Le dernier coup dont Katumbi est victime pourrait lui rendre la tâche encore beaucoup plus inextricable que cela ne paraisse déjà. D’après certains documents, relayés notamment par son ancienne famille politique la (MP), Katumbi aurait détenu la nationalité italienne depuis 2000 avant d’y renoncer en 2017. Cette révélation pourrait coûter à l’ancien gouverneur du Katanga son rêve de devenir président de la RDC. D’autant que la constitution congolaise, dans son article 10, défend la détention de double nationalité pour un candidat présidentiel.

En dépit des entraves, Moise Katumbi tente de garder la tête haute. Notamment à travers « Ensemble », sa nouvelle plateforme électorale qu’il a récemment lancée dans la perspective de remporter la prochaine présidentielle. L’affaire de double nationalité reste néanmoins un coup de pouce pour la classe dirigeante qui ne cesse de multiplie des stratégies dans le but d’effacer Katumbi de la course à la présidence. A cela s’ajoutent les démêlés judiciaires dont l’ancien gouverneur fait l’objet. Cela l’a contraint en exil forcé depuis mais 2016 jusqu’à aujourd’hui. Bien qu’il ait annoncé pour une énième fois, son retour dans le pays demeure incertain.


Comprendre l’hostilité de l’Église catholique face à Kabila

Paroisse Saint-Pie X dans la ville de Kinshasa pendant la messe du 25 février 2018/ Photo: Stanys Bujakera Tshiamala

Dans la lutte pour l’alternance à la tête de la RDC, l’Église catholique s’est invitée comme une troisième actrice. Depuis le 31 décembre 2017, elle a entamé une série de marches pacifiques contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila. Cette démarche traduit une frustration longtemps inavouée des prêtres vis-à-vis de la classe dirigeante.

Au départ arbitre dans la joute politique qui oppose Joseph Kabila et ses détracteurs, l’Église catholique décide cette fois de militer, sans se voiler la face, en faveur de l’alternance pacifique. Cause longtemps défendue par l’opposition politique congolaise.

Le troisième round de son face-à-face avec le pouvoir a donc eu lieu le dimanche 25 février 2018. Il s’est soldé par la mort de trois personnes tuées par balle. En dépit de la sanglante répression que ses manifestations connaissent, l’Église catholique reste décidée à poursuivre sa mobilisation exigeant le départ de Joseph Kabila du pouvoir. Une détermination motivée par le non-respect de l’accord dont elle est la génitrice grâce à l’implication d’un groupe d’évêques dans la crise politique que traverse le pays.

Cet accord signé le 31 décembre 2016 prévoit le partage du pouvoir entre le régime en place et son opposition pour une transition d’un an. Ceci pour permettre la préparation d’élections à l’issue desquelles Joseph Kabila devrait sortir par la grande porte, laissant la place à un nouveau président constitutionnellement établi.

Mais depuis sa signature, cet accord souffre de l’absence d’une mise en œuvre sincère de la part des autorités congolaises qui détiennent le monopole de son application. Celles-ci en ont foulé aux pieds certaines dispositions, attisant ainsi la colère de l’Église catholique qui déplore «des entorses» dont son œuvre est victime.

Dès lors, l’Église catholique monte au créneau pour dénoncer ce qu’elle qualifie de «pouvoir illégitime qui ne respecte aucun engagement et qui se maintien par la force contre la volonté du peuple».


Les quatre plus gros mensonges de Kabila dans son message de vœux à la nation

Le 30 décembre dernier, le très controversé chef d’État congolais Joseph Kabila a tenu quand-même à présenté ses vœux à la nation congolaise à l’occasion des festivités de la fin de l’année 2017 et du début de l’année 2018.

Ce discours de vœux, intervenu le soir de la marche anti-pouvoir violemment réprimée par l’armée, a sûrement été une manière, pour l’homme fort du Congo, de défier ceux qui veulent obtenir imminemment son départ. Mais aussi de prouver au monde entier qu’il jouit encore de la confiance d’une poignée de Congolais. Seul couac : tout au long de son discours, Kabila a multiplié des faussetés à travers des déclarations assez cyniques. Nombreux sont ceux qui estiment qu’au lieu de se prononcer, le président congolais aurait dû se taire, exactement comme il l’avait fait en 2016.

Passons aux quatre grosses contre-vérités qu’on a pu entendre dans le énième message de vœux de Joseph Kabila aux Congolais. Prière de vous abstenir, si vous êtes allergiques aux mensonges 🙂

  1. Stabilité économique

«Malgré les défis et les accueils rencontrés, l’année qui s’achève a connu des avancées significatives tant sur le plan économique que sécuritaire si bien que, globalement, le pays jouit d’une stabilité appréciable », a soutenu Joseph Kabila dans son discours de vœux à la nation. Une déclaration contraire à la réalité sur terrain.

Tout le monde sait qu’actuellement l’économie de la RDC est sous perfusion.  Depuis juillet 2016, la monnaie nationale connait une dépréciation vertigineuse. Les indicateurs économiques sont au rouge. Les prix des produits dans le marché, ayant doublé en l’espace de quelques mois seulement, continuent à grimper. Et Bruno Tshibala, Premier ministre de l’actuel gouvernement de transition, peine jusque-là à stabiliser cette hémorragie économique, contrairement à ce qu’il l’a promis après sa nomination.

  1. Stabilité sécuritaire

Sur le plan sécuritaire, Kabila a encore pris de la distance avec les faits en parlant d’une « situation appréciable». Une énorme distance à tel point qu’on penserait que «JKK», comme l’appellent ses adulateurs, aurait peut-être recours aux antiphrases pour mieux expliquer le chaos dans lequel le pays se trouve.

En effet, la situation sécuritaire est critique dans l’ensemble du pays. Preuve en est qu’au début du mois de décembre dernier, le Human Right Watch (HRW), ONG internationale des droits de l’homme, avec le Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York avaient publié un inquiétant baromètre de la situation sécuritaire qui prévaut dans les deux provinces du Nord et Sud-Kivu. Le baromètre a démontré que ces deux provinces, situées dans l’est de la RDC, abritent en elles-seules au moins 120 groupes armés actifs, responsables des tueries et d’autres exactions à répétition. Cela n’est qu’une pointe de l’iceberg quant à l’instabilité sécuritaire qui sévit en RDC. Particulièrement, dans cette partie du pays, théâtre des conflits armés depuis plus de 20 ans déjà.

  1. La mise en œuvre de l’accord du 31 décembre

Joseph Kabila dit que l’année 2017 a été celle de la mise en œuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre. Une déclaration contraire aux faits. Vu que ce compromis politique, signé à l’issue du dialogue modéré par l’église catholique, a été victime d’entorses, tel que les évêques (qui en sont les géniteurs) l’ont reconnu. Ayant garanti les mesures de décrispation politique et l’élection du nouveau président au plus tard le 31 décembre 2017, cet accord a été court-circuité par le pouvoir afin de permettre à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir.

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  1. La prise en charge du processus électoral

Dans son allocution à la nation, Kabila se félicite de la promulgation de la loi électorale, prévue par le calendrier électoral, publié en novembre dernier après la pression de la communauté internationale. A ce sujet, le président congolais invite les Congolais à s’impliquer dans ce processus électoral qui, d’après lui, serait entièrement financé par le gouvernement. Une déclaration contraire à la position de la Commission électorale nationale et indépendante (CENI). Dans le calendrier électorale, la CENI dit compter entre autres sur des partenaires internationaux pour pallier aux contraintes financières susceptibles de retarder la tenue des élections en décembre 2018, telle que prévue.


En RDC, les contours d’un troisième dialogue se profilent

Le président congolais Joseph Kabila en 2014
Photo: Wikimedia Commons

Aux yeux de la plupart des acteurs politiques congolais, déçus par l’échec de l’application de l’accord du 31 décembre, l’idée d’un troisième dialogue devrait être une question à ranger dans le tiroir. Car les deux derniers dialogues, celui de l’Union africaine sous la médiation d’Edem Kodjo et celui du centre inter-diocésain modéré par l’église catholique, n’auraient servi que de tremplin au président Joseph Kabila afin de prolonger son règne à la tête du pays, estiment-ils.

« Kabila utilise les dialogues pour demeurer au pouvoir. Cette fois pas de troisième dialogue », avait tranché un cadre de l’Union pour la Nation congolaise (UNC), troisième force politique de l’opposition, lors d’une interview, le mardi 26 septembre dernier, au média en ligne Actualite.cd.

La réaction de cet opposant politique a été sans doute une réponse à Germain Kambinga. Ce dernier, après avoir occupé le portefeuille de l’Industrie durant la transition issue du premier dialogue, n’a pas été reconduit à l’actuel gouvernement qui repose sur l’accord engendré par le second dialogue. Pour ne pas s’effacer de la scène politique, Kambinga a créé “Le Centre”, une plateforme politique qui s’érige en défenseur d’un troisième dialogue en vue d’une sortie de crise imminente. Posture également adoptée par Samy Badibanga. Celui-ci, après avoir été éjecté de la primature qu’il dirigeait dans le cadre des compromis issus du premier dialogue, a fondé lui aussi son regroupement politique, “Les Progressistes”, pour prôner de nouvelles assises, cette fois sous l’égide des Nations Unies.

Dialoguer pour une transition sans Kabila

Ces propositions appelant à un troisième dialogue pour remédier à la crise ont été jusque-là balayées d’un revers de la main par une grande partie de l’opposition politique congolaise. Mais depuis la visite de l’émissaire de la Maison blanche Nikki Haley en République démocratique du Congo la semaine dernière, les doutes semblent se dissiper quant à la tenue de possibles nouvelles discussions politiques.

Dans une conférence de presse qu’il a tenue le mardi 31 octobre 2017, Félix Tshisekedi, responsable du Rassemblement, la principale plateforme politique de l’opposition, s’est enfin montré, bien qu’à juste mesure, favorable à un probable troisième dialogue pour palier à la crise.

« Nous ne sommes pas concernés par un autre dialogue. Mais si jamais un autre dialogue se tenait, cela ne devrait concerner que les conditions de départ de Joseph Kabila du pouvoir », a-t-il déclaré devant la presse nationale et internationale.

En tant que président du Rassemblement, principale force de l’opposition congolaise en terme d’influence, cette déclaration de Félix Tshisekedi aura sans doute un écho positif pouvant entraîner les autres regroupements politiques, plus ou moins radicaux, sur la voie de nouveaux pourparlers afin de réajuster ce qui ne va pas jusque-là.

En outre, ces déclarations de Félix Tshisekedi, bien qu’elles laissent des interrogations quant à leur applicabilité, donnent tout de même des signaux d’un éventuel nouveau dialogue. D’autant plus que lors de son passage en RDC durant lequel elle a suggéré la tenue des élections au plus tard en 2018, l’ambassadrice américaine à l’ONU semble avoir réussi à dissuader l’opposition de sa décision de recourir à la révolte pour chasser Kabila en cas de non-élection avant le 31 décembre prochain, telle que prévue par les conclusions du dernier dialogue. Cela semble laisser place à une seule option sur laquelle différentes structures de l’opposition devront se mettre d’accord : dialoguer une nouvelle fois avec le pouvoir, cette fois peut-être dans l’objectif d’obtenir une transition sans le président Kabila à la tête du pays.


La RDC, un État tortionnaire sur le banc… des juges

Arrestation brutale en marge d’une manifestation à Kinshasa contre le pouvoir de Joseph Kabila (Photo d’illustration). © AA/Pascla Mulegwa

La République démocratique du Congo (RDC) élue membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Cette nouvelle a eu l’effet d’une rafale de tonnerres annonçant la tombée imminente de la pluie diluvienne. Entre la joie immense du parti au pouvoir et la frustration des défenseurs des droits humains, une seule question se pose : Comment un État de non-droit peut-il siéger comme donneur des leçons en matière du respect des droits de l’homme alors qu’il est lui-même dans le collimateur de la justice internationale suite aux nombreux abus, notamment des tortures, des arrestations arbitraires sans oublier des assassinats ciblés qui s’y déroulent en toute impunité?

Actuellement la RDC est en effet l’un de pires élèves en matière du respect des droits de l’homme. Depuis le refus de Joseph Kabila de quitter le pouvoir au terme de son dernier mandat constitutionnel ayant expiré depuis septembre 2016, la violence, marquée par des séries de répression sanglantes généralement contre ceux qui s’opposent au maintient du pouvoir en place, s’accentue dans l’ensemble du territoire congolais. On dénombre déjà 90 fosses communes à travers le pays contenant entre autres les corps des victimes de la dernière manifestation contre le pouvoir. Au moins une vingtaine de prisonniers politiques sont incarcérés dans différents centres pénitenciers du pays. Sans oublier la censure que subissent des médias réputés proches de l’opposition politique. Avec un tel tableau sombre de la situation sociopolitique, la République démocratique du Congo ne devrait en aucun cas mériter une place dans l’organe intergouvernemental principal des Nations unies qui traite les questions relatives aux droits de l’homme dans le monde.

Les victimes se retournent dans leur tombe commune

Contre toute rationalité, la République démocratique du Congo, en dépit de ses mains sales, siégera bel et bien au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Malgré des appels à l’annulation de sa candidature, la RDC a réussi à se faire élire avec 151 voix sur 193 votants. Cela grâce au soutien dont elle jouit de la part des États africains où, à son instar, le régime dictatorial fait également rage. « Les loups ne se mangent pas entre eux », dit-on.

La RDC sera désormais parmi les membres qui serviront de chiens de garde contre toute atteint aux droits humains dans le monde entier. Alors qu’elle-même en a commis et continue à en commettre autant jusqu’à aujourd’hui. Pour preuve, elle fait actuellement l’objet d’une enquête judiciaire sous l’observation de la communauté internationale. Ceci après le meurtre des experts de l’ONU en mars dernier et la découverte des plusieurs charniers contenant pour la plupart les corps des civils tombés sous les balles de la répression. Des victimes qui se retournent sûrement dans leur tombe commune en apprenant que leur bourreau siégera en tant que juge pendant que sa place est logiquement dans le box des accusés.

Comme l’ont dit plusieurs organisations des droits humains, l’élection de la République démocratique du Congo au Conseil des droits de l’homme de l’ONU est une insulte à la mémoire des victimes ayant payé de leurs vies pour l’instauration d’un état de droit dans le pays. C’est également une invitation à son régime tortionnaire à continuer à étouffer la voix de la démocratie en toute impunité. Mais ce qui reste du moins sûr c’est que tôt ou tard, la vraie justice finira par trancher en faveur des opprimés.


Pourquoi la Cour suprême Kenyane fait parler les Congolais

La Cour suprême du Kenya/ Photo depuis www.rfi.fr

La décision de la Cour suprême kenyane d’annuler la présidentielle fait couler beaucoup d’encre dans beaucoup de pays en Afrique. Notamment en République démocratique du Congo, les avis divergent sur cette décision assez originale dans un continent où les instances judiciaires sont souvent accusées d’être à la solde du plus fort. Et la Cour constitutionnelle congolaise en fait l’objet en ce moment-même, d’ailleurs.

En effet, dans la crise politique que traverse la République démocratique du Congo, la Cour constitutionnelle assume une part de responsabilité. Alors que le président Kabila devrait quitter le pouvoir au terme de son dernier mandat constitutionnel en septembre dernier, cet organe chargé d’assurer la primauté effective de la constitution congolaise a autorisé en mai 2016 le président congolais de rester au pouvoir au de-là de la limite qui lui est accordée par la constitution. Et cela jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu. Pendant que les élections présidentielles, censées se tenir la même année, peinent à s’organiser jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, la décision de la Cour constitutionnelle congolaise n’a fait qu’envenimer la situation qui était déjà tendue. Jusqu’à ce jour, des effets se font sentir. Vu que l’opposition politique continue à réclamer le départ de Joseph Kabila. Parfois au prix du sang, à travers des manifestations plus ou moins pacifiques mais violemment réprimées par les forces de l’ordre.

La Cour suprême Kenyane, un modèle de la justice

Beaucoup de Congolais saluent la décision de la Cour suprême du Kenya. Ils en saisissent l’opportunité pour rappeler la Cour constitutionnelle congolaise à l’ordre. Sachant que la Cour Kenyane a fait preuve de courage et de justice visant à préserver la paix et la démocratie dans le pays. Contrairement à sa paire, la Cour constitutionnelle congolaise qui, au lieu de lutter contre la fraude et d’autres abus, elle se soumet plutôt aux ordres du plus fort. Et cela au détriment des principes démocratiques dans un pays en proie à la corruption déjà depuis pas mal d’années. Un pays actuellement déchiré par une crise multisectorielle et où la violation des droits de l’homme devient un fait banal.

C’est vrai que la loyauté de la Cour suprême kenyane ne changera peut-être pas grand-chose sur la situation politique de la République démocratique du Congo. Mais ça reste une leçon non pas seulement pour la RDC mais aussi pour l’Afrique entière. Laissant place à une lueur d’espoir de voir le vieux  continent, réputé pour ses innombrables crises institutionnelles dans la plus part de ses pays, entreprendre petit-à-petit la bonne pratique de la démocratie.


UA : Union africaine ou « Union pour l’instabilité en Afrique » ?

Photo de famille des Chefs D’États et de Gouvernement de l’Union Africaine
Image depuis Flickr

Longtemps soupçonnée d’œuvrer pour l’essor de la dictature en Afrique, l’Union africaine se trouve une nouvelle fois dans la polémique quant à son rôle dans la gestion des crises politiques qui sévissent dans la plupart des pays des Grands-Lacs, notamment en République démocratique du Congo.

Ça fait déjà plusieurs mois que la République démocratique du Congo est ébranlée par une grave crise engendrée par le refus du président Kabila de quitter le pouvoir au terme de son mandat constitutionnel.

Alors que l’Union européenne exerce la pression sur le gouvernement congolais pour une sortie de crise imminente notamment en prônant la tenue des élections dans le délai prévu par l’accord issu du dialogue de la CENCO, l’Union africaine semble avoir choisi de nager à contre-courant : elle  apporte un soutien au président Joseph Kabila. Sachant que ce dernier s’est accroché au pouvoir en violation de la Constitution. Pire, Joseph Kabila se montre plutôt méprisant à l’égard de l’accord de la Saint-Sylvestre. Signé le 31 décembre 2016, cet accord lui a donné un sursis pour préparer son alternance afin de remettre l’ordre dans les Institutions nationales.

Le 29 mai dernier, l’Union européenne a sanctionné neuf officiels congolais qu’elle accuse, généralement, de défavoriser le climat de paix dans le pays. Bien qu’une grande partie de la population congolaise s’en soit félicitée, cette énième série de sanctions européennes contre les proches du président Kabila n’a pas été du goût de l’Union africaine.

Par le biais de Georges Chicoti, ministre angolais des Affaires étrangères, l’organisation panafricaine conduite par le président guinéen Alpha Condé s’est farouchement opposée à ces mesures restrictives individuelles de l’Europe contre les neuf autorités congolaises. L’Union africaine promet une réponse, à l’issue de sa prochaine réunion, pour dénoncer ces sanctions et apporter son appui au gouvernement congolais.

Union pour l’instabilité en Afrique ?

La prompte réaction de l’Union africaine contre les sanctions européennes n’a pas laissé l’opinion nationale et internationale indifférente. La majorité des Congolais remet le vieux débat sur la table, accusant cette organisation d’États africains de favoriser la prospérité de la dictature dans les États membres, cela au détriment de la démocratie dont l’une des valeurs est l’alternance pacifique issue des élections crédibles et transparentes.

Rappelons que, déjà lors du premier dialogue en septembre dernier qui visait à apaiser la tension politique due au refus de Joseph Kabila de quitter le pouvoir au terme de son dernier mandat, l’Union africaine dans son rôle de médiatrice à travers Edem Kodjo s’était montrée beaucoup trop complaisante à l’égard du pouvoir. Alors que c’est le régime en place qui est source d’instabilité. Ajouter à cela, l’étonnant appui – récemment – de la même Union africaine au nouveau gouvernement de transition en RDC. Un gouvernement pourtant contesté par la CENCO, génératrice de l’accord exigeant le partage équitable de pouvoir entre Joseph Kabila et on opposition politique.

A ce sujet, le Réseau européen pour l’Afrique centrale (Eurac), dans son dernier rapport sur la situation politico-sécuritaire dans la région des Grands-Lacs, a également souligné « l’incapacité » de l’Union africaine de jouer, de manière impartiale, un rôle prépondérant pour une rapide sortie de crise lors d’une impasse politique.

«Les interventions de l’Union africaine dans la crise au Burundi et en RDC ont davantage attisé les tensions et divisions qu’elles n’ont permis d’apporter des solutions viables et acceptables par tous », a déclaré Eurac dans son rapport de juin 2017.

Suite à ses interventions, dans les impasses politiques, qui se révèlent des échecs cuisants, l’Union africaine ne jouit plus d’un large soutien de la population africaine. Comme l’avait expliqué l’ancienne ministre italienne de l’intégration Cécile Kyenge, le seul moyen pour l’Union africaine de rétablir sa crédibilité, c’est de ratifier le protocole afin que le parlement panafricain devienne opératif. Ceci permettra aux élus de l’Union africaine de prendre des décisions au nom du peuple. Car tant que la direction de cette organisation restera entre les mains des chefs d’États, la population africaine continuera à voir cette union d’un mauvais œil.