Solo NIARE

#365JoursDéjà : la Toile investie par les femmes pour la libération des lycéennes de Chibok

Déjà 365 jours et les 276 lycéennes de Chibok enlevées au Nigéria par la secte terroriste Boko Haram manquent toujours à l’appel. Un triste anniversaire. Jusqu’à cette date, aucune information n’est disponible sur leur sort, malgré la condamnation unanime de la communauté internationale de ce rapt d’un autre temps.

Mobilisation des femmes pour la libération des lycéennes de Chibok
Mobilisation des femmes pour la libération des lycéennes de Chibok

Initiée par les femmes, une action de solidarité d’envergure vient d’être lancée sur les réseaux sociaux et dans les médias pour réclamer haut et fort leur libération. Les femmes d’Afrique et du monde ont massivement répondu à cet appel en se prenant en photo avec le mot d’ordre du mouvement «#365JoursDéjà #BringbackOurGirls Now ! » imprimé sur leur écran d’ordinateur ou de tablette.

Depuis ce matin, un flot ininterrompu d’images déferle de Ndjamena, Douala, Dakar, Bamako, Conakry, Abidjan, Lagos, Libreville, Niamey, Nairobi, Kampala, Johannesburg, Brazzaville…

365-Jours-GIF_end_Wonk4D’illustres personnalités féminines, comme d’innombrables anonymes, femmes en milieu rural, femmes citadines, collégiennes, étudiantes, coiffeuses, marchandes, infirmières… se sont déjà prêtées au jeu. Leurs photos ont fait l’objet d’une grande mosaïque et d’un GIF animé de 170 secondes repris par plusieurs médias, dont RFI.

« Il est trop tôt pour faire le deuil de ces innocentes jeunes filles, mais il n’est pas trop tard pour les sauver. », soutient fermement Félicité Doubangar, africaniste très célèbre, à l’initiative de cette chaîne de solidarité. Une récente élection présidentielle réussie au Nigeria couronnée par une alternance paisible du pouvoir ne devrait en aucun cas essouffler la mobilisation autour de ce drame humain. Cette action autour des femmes d’Afrique devient salutaire surtout au moment où plusieurs médias ont déjà commencé à se faire l’écho de la mort de ces jeunes lycéennes et autres adolescentes de Chibok.

Badge #365JoursDejaLes réseaux sociaux sont un relais important où le partage par chaque internaute du mot hashtag #365JoursDéjà compte pour porter cette chaîne de solidarité le temps qu’il faudra pour que chacune de ces jeunes filles retrouve sa famille. Un lien permet également d’accéder à une application de personnalisation des profils à partir de Facebook : https://www.picbadges.com/community/55290a6a844a9d651bd1f537

 

Mosaïque des femmes pour la libération des lycéennes de Chibok.

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Souvenir d’une vaccination à l’ancienne

A l’époque, tout ce qui émanait de l’administration ou des instituteurs d’école était parole d’évangile. Le libre arbitre n’était pas si libre qu’aujourd’hui et s’effaçait devant les injonctions des pouvoirs politiques. Sur les ondes de la radio nationale, l’unique station de l’époque, le journaliste vedette en langue nationale distillait, entre deux plages de spots publicitaires dans lesquelles il épatait ses auditeurs, un appel pressant à tous les parents d’élève d’amener leur garnement pour la campagne de vaccination en cours.

Les habitants d'un village font la queue pour se faire vacciner dans une consultation en plein air. Côte d'Ivoire, 1970. (source : Organisation Mondiale de la Santé)
Les habitants d’un village font la queue pour se faire vacciner dans une consultation en plein air. Côte d’Ivoire, 1970. (source : Organisation Mondiale de la Santé)

La veille, effarouché par les récits des ainés qui étaient passés par la même épreuve, j’appréhendai déjà cet instant et passai une nuit entière sans retrouver le sommeil. C’est ce jour que je découvris que, en fait, le matin de bonne heure, le coq n’est pas le premier à chanter, mais plutôt la poule, dans un caquètement moins audible que le roi de la basse cour lorsqu’elle invite les poussins à picorer. Il n’y avait pas école, mais nous étions obligés d’y aller après le petit déjeuner comme tout le monde pour se faire injecter. C’était jour de vaccination.

Par centaines, nous nous suivions à la queue leu leu, attendant chacun son tour de passer devant l’infirmier en blouse blanche. Tenant en main une espèce de pistolet et son gros flacon de soluté, à chaque tir, l’agent de santé faisait mouche sur nos frêles muscles du bras avec la même et unique aiguille. Le rythme était si accéléré qu’en une demie journée il avait fini par nous faire tous détester cette campagne que l’on disait « salutaire » pour nous.

Le Ped-o-Jet, un pistolet de vaccination automatique. 1970 (source : Organisation Mondiale de la Santé)
Le Ped-o-Jet, un pistolet de vaccination automatique. 1970 (source : Organisation Mondiale de la Santé)

La réaction était toujours la même chez chacun d’entre nous : deux jours de fièvres et le bras douloureux et engourdi par la piqûre. La vie reprenait après son cours normal, ponctuée par les mêmes maladies infantiles de notre époque : paludisme, rougeole, varicelle, dysenterie, fièvre jaune et la plus redoutable tueuse d’entre elles, l’hépatite A, B ou C ou « sayi », son nom en Bambara, le dialecte local. Elle faisait un ravage, cette sale maladie, mais, à force, on s’en était accoutumé, immunisés pour les plus résistants. Certaines personnes disaient à l’époque que c’était une complication du paludisme là où les grand-mères l’attribuaient à la main maléfique d’un sombre sorcier.

Le plus curieux était la classification chromatique qu’on faisait localement de ses variantes. En effet, en fonction de la coloration des yeux du malade, blanche ou jaune, on pouvait alors évaluer la gravité d’une couleur à l’autre.

Quelques années plus tard, lorsque j’eus suffisamment d’informations pour évaluer à quel point nous étions tous livrés à une effroyable chaine de contamination due à ce pistolet à aiguille unique, je compris alors que je pouvais remercier le ciel d’être parmi les miraculés. On était livré à la mort là où nos parents pensaient nous trouver un moyen de protection. L’hépatite, le tueur silencieux, comme plein d’autres maladies dites péjorativement propre à l’Afrique, devinrent ainsi endémiques par la bénédiction de cette médecine de masse de l’époque.

Les miraculés que nous sommes arborons aujourd’hui une cicatrice anodine à l’épaule, témoin d’une inadvertance qui aurait pu nous emporter tous si la létalité des maladies de l’époque égalait les tristement célèbres VIH et Ebola.

Solo Niaré


08 mars : Faut-il naître femme pour naître esclave ?

Réveillée à 6H du matin par des coups de fouets en rafales avec ces phrases :

– Qui est le salopard qui t’a déchiré avant moi, sale pute sans dignité… ?

Elle eut à peine le temps d’apercevoir celui qui lui a passé la bague au doigt, 14h plus tôt, celui-là même qui a prononcé avec joie « Je promets de te prendre pour épouse pour le meilleur et pour le pire… de te chérir, de t’aimer… » la battre comme un sac. Le sang ! Oui, le sang avait teint ce boubou blanc, traditionnel habit de la nouvelle mariée. Elle perdit connaissance. Ce furent, alors, les voisins, alertés par les cris qui affluèrent pour arrêter les coups qui pleuvaient encore sur une femme inerte, saignant, puis la transportèrent aux urgences médicales.

Elle y restera trois jours, dont 6h de coma. A son réveil effectif, une seule question la taraudait :

– Qu’est-il arrivé à Diakité ? Se précipita-elle de prendre des nouvelles de son époux.

Anna, la seule tante qui accepta de rester à son chevet, essaya de lui donner quelques explications :

– Tu n’étais pas vierge… ! Comment t’as pu nous faire ça ? 

Pas vierge ! Battue par son mari, un gendarme, pour n’avoir pas été vierge ; rejetée par sa famille, pour n’avoir pas gardé son hymen intact pour le rendez-vous de la chambre nuptiale. Quand elle raconte n’avoir pas perdu que connaissance, mais aussi sa dignité, son honneur, le respect de la communauté ; elle est convaincue d’avoir raté l’éducation des futurs enfants qu’elle aurait voulu avoir, mettant son désir de maternité à l’eau.

Dans cette tragédie sanglante, à qui faut-il en vouloir ? Le bourreau de mari, cet individu inconscient de s’être humilié en humiliant son épouse ? Où est-ce la famille de la victime qui, depuis les premières heures du drame, tenter d’étouffer l’affaire en suppliant le conjoint de reprendre « son dû », sa toute fraîche épouse répudiée ?

Elle n’eut pourtant pas gain de cause, la pauvre. Trois jours plus tard, après une série de reproches des siens, elle fut ramenée dans son foyer conjugal pour y être de nouveau admise, après s’être couchée à même le sol afin de recevoir le pardon de cet homme, son mari, celui-là même qui avait le devoir de la protéger.

@SoloNiare


Et au bout, tu seras une femme

Campagne de lutte contre l'excision en Guinée
Campagne de lutte contre l’excision en Guinée

Ma mère m’aidait à faire mon dernier bagage, mon sac à dos. Elle était très émue de voir partir sa fille unique : moi­.

– Tu vas adorer ton séjour, Assyni. Me dit-elle.

Assyni, c’est le petit nom qu’elle m’a donné. Après de longues plaintes en vain pour lui faire oublier ce que j’ai nommé un « baby name », j’ai finalement accepté. Elle continua avec un ton nostalgique :

– Tu as des tantes géniales et des grands parents très affectueux. Ils te réclament tous. Tu vas tellement t’y plaire que je craigne que tu ne veuilles plus revenir. De plus, tu vivras au cœur de cette belle chaleur humaine, la solidarité, la cohésion sociale, l’entraide. Je suis ravie que tu aies accepté d’y aller.

Mais M’man, tout le monde dit que tu es un modèle social, ici. Je vis déjà au milieu de ces mêmes valeurs humaines depuis ma naissance grâce à toi, lui répondis-je les yeux remplis de larmes.

Depuis un an que ce voyage se prépare. La famille, au pays, ne cessait de me réclamer. Mes parents n’y ont vu aucun inconvénient. D’ailleurs, ils étaient ravis que j’adhère à l’idée d’effectuer un retour aux sources.

Le voyage fut paisible et l’accueil chaleureux. Mon oncle Kaly était venu me chercher avec sept autres membres de la famille. Les traditionnelles salutations ont fait que je ne vis pas passer le trajet de l’aéroport à la maison.

Une semaine avait passé depuis mon arrivée. J’étais parfaitement intégrée. Les tantes avaient déjà débuté mon initiation dans le clan des épouses parfaites, avec des révélations passionnantes. Même s’il est vrai que je ne suis pas de leur avis selon lequel : le foyer conjugal tient uniquement entre les mains de la femme. Je me prêtais au jeu. Ici, la société est divisée selon le genre. Pendant que les femmes sont préparées pour leur future vie de famille, les hommes sont entraînés à gouverner. Cela n’était pas mes convictions, mais je décidais de m’en tenir aux leçons reçues, sans vouloir perturber ce qui doit être une tradition ancrée depuis des siècles. Surtout pour suivre les conseils de Papa :

Sois sage et respectueuse des valeurs, s’il te plaît. Evite de te plaindre trop souvent. Tu y vas juste pour trente jours.

Un matin, ma cousine Yaye, vint me réveiller, toute excitée :

Assana, tu dors encore ? Vociféra-t-elle presque.

Je ne comprenais pas le motif de cette joie, mais je lui souris, encore endormie, tout en essayant de marmonner une phrase cohérente.

– Qu’y a-t-il, s’il te plaît ?

– C’est ton jour aujourd’hui et toi tu es au lit, comme si de rien n’était ! Continua elle avec des grands gestes de la main.

– Mon jour ? Répondis-je avec méfiance

– Ouiiiiii, tu seras sacrée femme tout à l’heure. Allez, lève-toi et prépare toi. Je reviens tout de suite. Récria-t-elle

Le temps de la rattraper pour une ample explication, elle avait filé comme une ombre. Je suivis donc ses conseils en quittant aussitôt le lit.

– Ainsi, une fête se prépare en mon honneur. Marmonnais-je debout face à mon image dans le miroir.

Jeunes écolières en Guinée. Crédit photo : Unicef
Jeunes écolières en Guinée. Crédit photo : Page Facebook Unicef Guinée

Au bout d’une demi-heure, je sortis dans la grande cour et trouvais, à ma grande surprise, qu’elle était vide, plus personne. Même sur la grande terrasse surmontée d’un toit, il n’y avait qu’une simple natte étalée. Une sensation de mal-être m’envahit. Tout à coup, un groupe de femmes franchit le portail, elles se dirigeaient vers moi. Je reconnus quatre de mes tantes : Alima, Anna, Koudejja et Sirantou. Les cinq autres m’étaient inconnues. Leur vue au lieu de m’apaiser, amplifia ma peur. J’eus cette sensation étrange qu’un malheur était en chemin.

Je les saluai en affichant un sourire figé. Elles me souriaient toutes et, arrivées à moi, Tante Koudejja, la grande sœur de mon Papa, me prit la main en m’entrainant sur la terrasse.

Elle commença, ce qui allait être mon calvaire.

– Assana, aujourd’hui, c’est ton jour.

Je restais coincée dans un bloc invisible, à l’écouter, et je ne puis placer un mot. Elle continua sans trop prêter attention à la statuette que j’étais devenue. Au cours de son « devil speech », elle regarda plus ses consœurs.

– Nous avons insisté pour ton retour au pays, car il est temps de faire de toi, une femme complète. Qui sera acceptée par un homme. Rappelle-toi, depuis le début, les leçons qui te sont inculquées ici, chaque femme est conçue pour un homme. Même s’il est vrai que tu es née et que tu as grandi en France, cela ne fait pas de toi une blanche. Le séjour d’un tronc d’arbre dans la mare n’en fera pas un caïman. Donc, après consultation, les cauris ont révélé que ce jour est le bon pour t’exciser.

Pour toute réaction, j’eus le réflexe de m’enfuir. A partir de cet instant tout alla très vite. Je fus rattrapée par deux des femmes inconnues et toutes s’y sont mises pour m’étaler de force sur la natte. Il faut reconnaitre que mon faible poids me faisait passer pour un gibier facile à bloquer. Mes jambes furent écartées et maintenues dans cette position par quatre d’entre elles et mon pagne détaché par la plus vieille des femmes. Je criai, appelai au secours. Ma bouche fut fermée par une main puissante. Mes larmes coulaient, mes pensées allaient à ma mère, mon père, mes frères : je me sentais trahie. Mon cœur fut sur le point de rompre lorsque mon regard croisa le couteau de l’exciseuse. Ce couteau qui coupa mon slip et qui allait m’enlever ma féminité. Je souhaitai à cet instant que la vie me quitte avec mon clitoris.

Est-ce cela la gentillesse familiale dont s’enorgueillissait ma mère, la fraternité que prônait mon père ?

Finalement, elle le saisit, mon organe érectile. Je sentis le fer sur ma chair….

– Assyni, Assyni réveille-toi ! M’appela une voix.

Je sursautai aussitôt du lit et mon regard tomba sur mes deux bagages posés à côté de l’armoire. Je continuai l’inspection de la chambre, sous le regard ébahi de mon père. Je vis mon billet d’avion rangé dans mon passeport. Instinctivement mes doigts glissèrent sous mon pyjama pour y chercher ce qui me fut coupé. A mon grand soulagement, tout y était, intact. Intacte. Je me jetai alors dans les bras de mon père pour y pleurer. Il me calma juste avec ces mots.

– Le voyage est annulé, je l’ai compris avec ton cauchemar.

Solo Niaré


Bossou, un exemple d’écolo village à l’ancienne

Le village de Bossou en Guinée forestière. Crédit photo : Solo
Le village de Bossou en Guinée forestière. Crédit photo : Solo

A 18 km de Lola dans la région de N’Zérékoré, un groupe d’étudiants japonais se fraie un chemin entre les venelles sillonnant entre les cases en banco de Bossou, une petite bourgade de la Guinée forestière au pied du Mont Nimba, qui suscite une curiosité à l’échelle mondiale, mon village. Je les croise non loin de « Wawi », un bar local où le « Yi poulou », le vin blanc, une décoction fermentée tirée de l’arbre à raphia très appréciée dans la communauté, est sirotée au quotidien par les habitués de ce bar rural. Les jeunes ressortissants du pays du soleil levant donnent l’impression d’être chez eux dans mon village. Je vois cela dans les salutations qu’ils ont avec les miens, les « Manon » qui les interpellent pour certains en « Maawe », le dialecte local, et pour d’autres en japonais approximatifs suivi d’un échange d’éclats de rire. Lorsque j’arrive à leur niveau, à mon tour, ils me gratifient d’un « I tchiowaaaa ! », ça va ? dans notre dialecte et de ce petit geste d’amabilité qui leur est familier, les deux mains collées sous le menton suivi de quelques hochements de la tête.

 

Taxi brousse en stationnement entre les allées du village de Bossou. Vincent Verroust
Taxi brousse en stationnement entre les allées du village de Bossou. Vincent Verroust

Ils sont là dans le cadre d’études spécifiques sur des primates vivant dans la forêt jouxtant le village. En effet, un petit groupe de chimpanzés vit depuis plusieurs siècles en symbiose sociale et spirituelle avec les populations de la contrée, qui trouvent en ces animaux un relais vers les esprits des ancêtres et leur vouent, de ce fait, une admirable vénération. Nous tirons, dans notre village, d’utiles présages dans chaque comportement de ces animaux. Ainsi, de leurs excitations bruyantes, il nous est possible régulièrement d’y saisir des signes annonciateurs de grands événements, comme la naissance d’un enfant prodige, le décès d’un grand notable, un grand conflit qui se profile, ou une sècheresse qui s’annonce, etc… Et en retour, en compensation de ce service rendu, nous leur attribuons des offrandes sous plusieurs configurations, individuellement ou tous ensembles lors de cérémonies annuelles, saisonnières ou de circonstance.

 

chimpanzé de Bossou, rencontré dans une friche agricole à proximité du village - Vincent Verroust
chimpanzé de Bossou, rencontré dans une friche agricole à proximité du village – Vincent Verroust

Cette adoration coutumière a contribué, à la fois, à la protection de l’espèce durant des siècles,  et a permis d’en faire un important relais pour un sujet d’étude scientifique. Et un sujet d’étude on ne peut plus sérieux, car les scientifiques japonais ont tout simplement implanté dans mon village une annexe de la faculté de primatologie de l’Université de Kyoto. Ce qui impose à ces étudiants un long séjour au contact des chimpanzés pour apprendre à bien les connaître et donc, par extension, les habitants de Bossou et leur mode de vie. Il n’est alors pas surprenant de les voir régulièrement, suivis de jeunes guides choisis dans le village, arpentant les collines ou assis à l’orée des broussailles, à l’affût d’informations sur l’objet de leurs études : les primates de Bossou.

 

 

Le marché hebdomadaire

La place du marché de Bossou. Crédit Photo : Vincent Verroust
La place du marché de Bossou. En arrière plan, la forêt jouxtant le village. Crédit Photo : Vincent Verroust

Alors qu’en milieu urbain, certains se hâtent de l’arrivée du week-end pour faire leurs emplettes, pour moi, durant mes séjours dans ce coin perdu au fond de la Guinée forestière, seul le mercredi m’offre cette opportunité. C’est le jour du marché hebdomadaire, il a lieu sur la grande place publique. C’est le jour où, à cause de l’affluence, on a de la peine à traverser le village d’un bout à l’autre. Des commerçants venant de plusieurs endroits viennent proposer leurs marchandises et s’installent sur les artères principales. Une occasion pour les villageois de se ravitailler en plus des ressources qu’ils tirent de leurs activités agricoles, maraichères et fermières. Le troc est courant pendant ces jours de négoces, il m’est arrivé d’échanger une torche électrique à pile contre un régime de bananes plantain dont je raffole. Ce marché est une véritable ambiance de fête. Il m’est arrivé quelques fois de voir la population du village passer du simple au triple.

 

Fête traditionnelle

J’emprunte le taxi brousse à partir de Lola, la dernière grande ville avant Bossou. Dix-huit kilomètres pénibles et lancinants d’une piste en latérite rouge et parsemée de nids de poule séparent les deux bourgades. Ces taxis-brousse, toujours bondés de monde, sont les seuls moyens de transports de la région. J’essaie de cacher mon embarras, due à la promiscuité provoquée par le confinement dans lequel je me trouve avec les huit autres passagers du véhicule, une très ancienne Renault 18 de fabrication française. J’ai à chaque fois le sentiment de ne pas être crédible quand je raconte la scène qui se joue dans le huis-clos de ces vieux véhicules de transport : quatre passagers à l’arrière et quatre autres devant, est déjà en soi un acte de bravoure, mais la scène la plus incongrue, si tant est que l’on me croit, reste celle du chauffeur actionnant régulièrement le levier de vitesse qui passe entre les cuisses d’un des trois passagers assis sur la même rangée que lui. Je pouffe un très discret rire en pensant au fait qu’un jour, ce passager pourrait être une respectable dame pudique. L’offense serait juste à portée de levier.

Janvier est la période où je m’organise pour ne rien rater de la grande curiosité de Bossou qui est sa rencontre annuelle dénommée la fête des montagnes, d’inspiration animiste. Un événement qui regroupe toute la communauté Manoh du pays et celle résidant en Côte d’Ivoire et au Libéria, pour dire que le tracé des frontières des pays africains a été d’une absurdité jusqu’ici incompréhensible pour nous.

Masque sacré de Bossou. Crédit photo : DR
Masque sacré de Bossou. Crédit photo : DR

Cette fête coutumière est un rendez-vous de renommée mondiale au cours de laquelle le village devient une destination touristique très demandée. Je tire une certaine fierté de la capacité d’accueil du village qui se voit durement mise à l’épreuve sous l’effet de l’affluence des curieux et fidèles habitués. Le rituel précédant la sortie des masques sacrés est un spectacle d’une impressionnante mise en scène. Avec pour thématique centrale la relation séculaire entre les Manoh et les Chimpanzés, il n’est plus alors à rappeler que la pérennité de ce grand événement dépend principalement de ces primates. Le type de protection dont mon village a, de ce fait, entouré ces primates depuis toujours en les sacralisant, peut être considéré comme salutaire au regard de leur grand nombre, contrairement à d’autres régions où la chasse pour la viande de brousse et le braconnage ont fini par décimer l’espèce. L’inscription des collines de Bossou dans l’aire centrale de la réserve de biosphère des monts Nimba peut donc être perçue comme une aubaine supplémentaire dans la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.

Les villageois, les invités et tous les autres visiteurs sont friands de toute la partie rituélique de la rencontre. Elle s’annonce par un long et lointain entonnement de chants polyphoniques venant de la forêt où résident les primates, soutenus par de virtuoses percussionnistes et flutistes. Le grand prêtre de la forêt sacrée fait ainsi son entrée spectaculaire pour conduire la cérémonie des offrandes aux esprits des ancêtres. Plusieurs notables du village et des troubadours, qui esquissent de virevoltants pas de danses, l’accompagnent sur une plateforme dressée au milieu du village faisant office de temple. Les masques sacrés sortent aussi à cette occasion et demeurent une des attractions les plus appréciées et commentées par la foule de badauds venue d’un peu partout.

L’imposant Mont Nimba, culminant à 2500m d’altitude, surplombe tout ce panorama. A la voir, je la regarde toujours comme une sentinelle prenant avec le plus grand des sérieux son travail de perpétuation de cette belle tradition qui assure la survie d’une espèce animale en danger d’extinction.

Solo


Marseille : Rififi au sommet de l’Olympe, le PSG chante sa marseillaise

On assiste à un véritable coup de tonnerre dans la cité phocéenne suite à plusieurs interpellations de dirigeants de l’Olympique de Marseille. La justice française s’intéresserait à un certain nombre d’irrégularités relevées dans le transfert de l’attaquant André Pierre Gignac en 2011 de Toulouse à Marseille. Des rétrocommissions occultes auraient été distribuées à plusieurs intermédiaires poussant les enquêteurs à placer en garde à vue tout le staff dirigeant de l’OM avec son président Vincent Labrune et ses deux prédécesseurs, Jean Claude Dassier et Pape Diouf. Un coup de filet à l’OM qui est rapidement devenu une foire aux vannes à Paris

Le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Cette crise a aussitôt fait surgir toutes les composantes de la grande passion qui entoure souvent le classico OM-PSG et, forcément, ne pouvait pas mieux tomber pour des supporteurs parisiens qui avaient du mal à accepter cette première place de ligue 1 que l’OM truste depuis un moment. Cerise sur le gâteau pour les Parisiens, au centre de cette crise, le transfert de Gignac, l’homme fort de la ligne offensive de l’OM, dont l’efficacité a permis ce bon début de saison de son club avec 10 buts en 11 matchs.

Après le tapis vert, la rivalité qui anime les deux clubs, montée de toute pièce par Canal plus dans son besoin d’audience dans les années Bernard Tapie, depuis l’avènement de l’ère du numérique, a investi les réseaux sociaux sur lesquels les Parisiens se régalent depuis l’annonce de la garde à vue des dirigeants phocéens.

La preuve en tweets.

La réplique d’un supporteur de l’OM ne s’est pas faite attendre :


D’où vient cet étrange appel à crucifier les touristes ?

Wa bamban ! Le type auquel s’adresse cette injonction d’une bande de bambins hyper excités est tout de suite reconnaissable. En plus de son aspect caucasien et de son bermuda à six poches, venu d’occident, il affiche toujours ce même inaltérable regard, curieux et émerveillé de tout et de rien. Il tient en général, lors de son bref séjour de touriste dans ces villes, une bouteille d’eau minérale qu’il boit au goulot après chaque gros coups de chaleur et, autour du cou en bandoulière, un Canon D500 qu’il ajuste à chaque nouvel élément que son petit guide du routard n’a pas répertorié dans ses pages. De son numérique, ce chasseur de souvenirs fige les moments en déambulant, chaussé indifféremment de confortables spartiates, fameuses sandales tressées qui lui voueront un intérêt des plus étranges dans ces rues.

Une caliga romaine (Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Caligae)
Une caliga romaine (Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Caligae)

Wa bamban ! Ces fougueuses clameurs des marmots à son passage lui font comme un boum au coeur, et en retour, tellement ravit de l’atypique marque d’hospitalité, il leur dégaine son sourire figé de commerciaux de Darty, ignorant tout de la sentence derrière cette expression locale. S’il savait ?

A chaque « Wa bamban ! », les gamins se bidonnent, sautent de joie, montrant de leurs petits doigts aux uns et aux autres ce touriste qui, au final, commence à se demander la cause de tant d’allégresse. Il s’arrête, face à ces espiègles garnements devenus un peu moqueurs à son goût et, des deux mains ouvertes, mi étonné, mi excédé, il cherche à leur demander par ce geste universel ce qui ne vas pas. Ce réflexe semblant faire partie du jeu provoque une réaction inattendue, les rendant encore plus hilares.

–       Jésus, Wa bamban ! scandent en groupe tous les enfants en indexant les chaussures du touriste.

Face ces scènes devenues familières dans ces rues, certains adultes se laissent également emporter par le comique de la situation et s’esclaffent devant le regard médusé du touriste. Dans ces rues où tout le monde a encore en mémoire ces projections de films en plein air de protestants évangélistes en version Soussou, le dialecte local. Des « wa bamban » (crucifiez-le) accompagnant la scène de crucification de Jésus Christ et ses apôtres, chaussés en tropéziennes ou en caliga romaine comme le touriste moqué dans la rue, sont à l’origine de cette situation un peu cocasse dont ces rues raffolent.

Le jour qu’il vous prendra de fouler les rues de Boulbinet ou de Matoto à Conakry, chaussé de ses sandales tressées jusqu’au mollet, ne vous étonnez pas des « Wa bamban », ces quolibets que les mômes ne manqueront pas de vous gratifier. Il n’y aura pas mort d’homme de toutes les façons.

@SoloNiare


Tabaski : L’enfant et le mouton, cruel festin

De Bamako à Islamabade et d’Istambul à Boulbinet, il n’y a pas un seul individu, de tout âge et de tout obédience religieuse confondue, pour qui la Tabaski, fête qui commémore le sacrifice d’Abraham où les fidèles musulmans sont appelés à sacrifier un mouton, n’est pas un grand rendez-vous de réjouissance collective. Et derrière chaque « Aid Moubarak », « Sambé Sambé », « Deweneti », « Salimafo » qui signifient bonne fête de Tabaski dans plusieurs langues, revient toujours la fierté de montrer son appartenance à une communauté et, surtout, le bonheur de partager avec les siens son incontournable festin de viande de mouton, en barbecue pour les uns ou en recette locale pour les autres.

Devenant ainsi le symbole de cet événement annuel, celui qui trinque le plus aux premières heures de la fête après la mosquée, c’est bien le mouton. A chaque énonciation de la tabaski, me vient ce souvenir atroce de ces scènes d’une extrême cruauté qu’on affligeait au gamin que j’étais. Pouvaient-ils à l’époque savoir qu’en m’amenant sur le marché des moutons, me laisser faire le choix du bélier de la famille ou, du moins, en me le faisant croire, me confier le soin de lui mettre la corde au cou et le traîner, docile, jusqu’à la maison, il créait un lien très fort entre le gamin et l’animal au destin scellé ?

L'enfant et le mouton de Tabaski. (Crédit Photo : Solo Niaré)
L’enfant et le mouton de Tabaski. (Crédit Photo : @mnabe)

Fier avec le bélier entre les venelles du quartier, durant une semaine avant la fête, mon entente avec cet animal très sympathique était connue de tous. Je n’avais plus qu’un seul passe-temps : bichonner, nourrir, câliner, laver, nettoyer, brosser, le promener tel un chien domestique une fois le matin, une fois le soir, abandonnant mes copains dans leur parti de foot. Il me le rendait bien, ce grand bélier, d’un blanc immaculé, dodu avec ces deux cornes qui se tordaient en s’étirant sur sa tête telle des défenses d’éléphant, en me suivant partout dans ma fanfaronnade devant les voisins. Sept jours durant, ce lien était si fort que, finalement, je n’avais plus besoin de corde comme laisse pour trainer ce bel animal dans nos deux promenades quotidiennes. Il était désormais mon meilleur copain et moi le sien.

– Non, pas les moutons dans ta chambre.

Un refus illogique ! C’est bien le seul truc qu’un enfant peut comprendre d’une telle phrase lorsqu’il décide d’inviter son meilleur pote dans son chez lui, sa chambre. J’ai perlé ma petite larme de tristesse ce jour, le soir de la veille de la Tabaski et, en ramenant mon ami sous le manguier qui lui avait été destiné comme abri, je lui dis :

– Personne ne peut nous séparer, hein ! Tu es mon meilleur ami.

De la tête, il me fit une sympathique gratouille sur le flanc et fouetta l’air de sa queue, comme réponse, à croire qu’il comprenait ma peine. Je remplis un bol d’eau que je lui glissai avant de prendre congé de lui. Le savoir seul dans la nuit noire, livré aux moustiques, aux « Tokloto » et aux « wôklôni », nos croque-mitaines locaux, me fendit le coeur et me priva de sommeil jusqu’aux premières lueurs du jour.

Tôt le matin, pendant que les uns et les autres s’affairaient pour se vêtir de leurs beaux boubous en bazin incroyablement gominé et brodé, je courus rejoindre la blancheur du duvet de mon pote. Une très longue séance de toilettage s’en suivit jusqu’à la fin de la prière du matin.

Soudain, je vis s’introduire dans notre cour à la suite des gens qui revenaient de la mosquée, une vielle connaissance du quartier : le dibitier (boucher) du coin de la rue. Il vint et, comme tout le monde, commença à se débarrasser de son habit de fête et sortit un couteau d’un fourreau attaché à sa ceinture.

– Amenez le mouton, aussitôt l’exigea-t-il.

Deux de mes grands cousins vinrent précipitamment vers moi.

– Bouge de là, gamin, me dirent-ils et se mirent très rapidement à vouloir détacher le mouton, sans ménagement.

L’animal, qui était habitué à la douceur, surpris par cette désinvolture soudaine, fut un long bêlement, essaya de leur résister en secouant la tête dans tous les sens et recula vers moi. Face à cette réaction, mes cousins, deux brutes d’une hardiesse totalement inconvenante que j’ai encore en mémoire, s’en agrippèrent et le traîna dans la boue jusqu’au dibitier, tachant son beau pelage que j’avais mis une semaine à rendre plus blanc que blanc.

– Laissez mon copain, leur criai-je en les suppliant et en les tapant de mes petits poings en vain.

Tous les hommes de la famille firent un groupe autour du dibitier et du mouton, mon copain cloué au sol par d’énormes bras musclés et, en choeur, ils répondaient « amina » aux versets qu’un d’entre eux récitait avec véhémence. Mes pleurs se firent encore plus fort pour les implorer de me rendre mon copain, car je venais de comprendre l’issu de leur subit intérêt pour lui.

Pendant ce temps, psalmodiant d’autres versets, le dibitier accroupi, une main sur le cou du mouton et sans prêter attention à mes douleurs infantiles, il passa la lame tranchante de son couteau sur la gorge de cet être qui était le mien. Je vis plusieurs jets de sang giclés dans un débit tellement fort qu’ils laissaient des traces profondes dans le sol. Les bêlements de douleur de l’animal s’étouffèrent dans un râle intenable.

Le mouton venait de quitter la vie, ceci je l’avais bien compris, rien qu’avec ce vent glacial tel un adieu qui me secoua et me foudroya le coeur à jamais.

Tabaski, jour de fête ! … Pas pour tout le monde. Snif !

@SoloNiare


L’épopée de Soundjata Keïta : une imposture historique montée de toutes pièces

Un griot à Diffa – Niger / Source : Wikipédia Commons

Je me rappelle encore, comme si c’était hier, d’une de ces nuits de pleine lune d’Afrique où nous étions bercés dans un litanique chant de grillons et la mélopée stridente des moustiques. Nous trépignions d’impatience tout en grattant insouciamment de nos petits doigts de gamins nos corps meurtris de piqûres devant le perron de la chambre du griot Bandiougou, grand conteur à ses heures perdues. Pour le motiver à nous plonger, encore une énième fois, dans ces univers qu’il a l’art de rendre plus que vrais dans nos imaginaires, comme l’histoire de Soundjata, nous entonnions en chœur :

« Bandiougou, une histoire ! Bandiougou, une histoire !!! »

Devant notre insistance, il se décide enfin de sortir de sa minuscule chambre avec son « djéli n’goni », le célèbre luth traditionnel à 4 cordes des griots et une natte qu’il déroule aussitôt. Sans attendre qu’il nous invite à nous y installer, nous nous précipitons pour avoir la meilleure place, en formant un demi-cercle autour de ce conteur de talent qui ne se lasse pas de nous chanter et nous déclamer, comme ses ascendants avant lui le faisaient avec les nôtres, l’empire du Mali et ses grandes « figures historiques », Soundiata et compagnie. Bandiougou est Kouyaté, il est de la lignée des griots d’Afrique au sud du Sahara, la mémoire d’une tradition séculaire orale qui se transmet depuis des siècles de génération en génération.

A l’époque, nos postures et celles des adultes restaient toujours religieuses, tout comme maintenant, durant les veillées nocturnes, devant la télé ou toutes les autres sources qui véhiculent avec grandiloquence cette épopée mandingue présentée comme sève de l’identité culturelle de toute l’Afrique de l’Ouest. Scientifiques, chercheurs et intellectuels africains s’investissent dans des thèses, des essais, des colloques ou des conférences et se penchent avec voracité sur cette tranche d’histoire dont on découvre de plus en plus les faiblesses.

L’origine du canular

Soumangourou Kanté, appelé « Roi de la forge » du fait de la maîtrise de cet art par son royaume, le Sosso, vit en parfaite harmonie avec son voisin de l’empire du Mali et son souverain, Naré Famagan Konaté (père de Soundjata), avant que celui-ci n’agisse en connivence avec des enturbannés porteurs d’une nouvelle idéologie venant du sable. Le royaume Sosso avait toujours été, avant cette nouvelle donne, le principal fournisseur du Mandingue en outils agricoles (daba, pioches) et militaires (flèches, machettes et boucliers).

Irrité par l’ampleur d’une traite négrière sans précédent entreprise par ce voisin indélicat, avec les Almoravides (Arabes), Soumangourou et son peuple de forgerons déclarent la guerre au Mandingue qui, malgré l’entente séculaire existante, venait se ravitailler en marchandises humaines dans les retraites initiatiques animistes du Sud. Soumangurou bénéficiera du soutien des griots et assimilés dans cette entreprise de défense de l’intégrité des Noirs en Afrique subsaharienne.

Suite à cette guerre entre voisins, l’enfant miraculé d’une poliomyélite, Soundjata, que les voyants de l’époque annonçaient comme futur empereur, se réfugie dans une ville fortement islamisée du Nord, Koumbi Saley, capitale des Soninké, dans l’actuelle Mauritanie. Les Almoravides se saisirent de l’annonce divinatoire et apportèrent une aide conséquente à Soundjata pour mettre fin à la résistance anti-esclavagiste mise en place par Soumangourou Kanté. Après l’éviction du roi du Sosso, Soundjata instaurera avec ses alliés affairistes, lors d’une grande rencontre appelée « Kouroukan Fouka », une nouvelle spiritualité dominante et une Constitution inspirée de la charia islamique. Ce nouveau texte remaniera en profondeur l’organisation sociale de l’Afrique au sud du Sahara, qui passera d’une structure linéaire à une structure hiérarchique basée sur la domination des nobles, les maîtres sur les hommes de castes.

A partir de cette date, on assiste alors à une remise en cause totale des us et coutumes existants et à la généralisation de l’attribution des prénoms arabisés en lieu et place de ceux issus de la culture locale du moment et de ceux qui ont existé par le passé. Le cas le plus illustre est celui donné au premier Noir, le roi Khary (dimanche ou le jour du marché en bambara), qui a monté une expédition maritime pour atteindre l’autre extrémité de l’océan Atlantique, l’Amérique pour être précis. Aboubakr 2 fut le nom qu’on lui aurait attribué, car conforme à la vision arabo-musulmane du paysage africain.

En représailles aux soutiens apportés à Soumangourou, les griots et assimilés seront classés comme des sous-hommes ou hommes de caste face aux nobles et seront définitivement mis à l’écart de toute implication dans la gestion de la citée. Une version de l’histoire du Mandingue, celle des vainqueurs, leur sera imposée de ce fait, en leur qualité de détenteurs de la tradition orale, pour être transmise à jamais à la postérité. Une partie des Soninké, réfractaires à la nouvelle doctrine à la mode, sera classée comme paria et sera bannie de cet espace géographique. Ils iront former plus loin, dans le Sud, la communauté des « Ban mana» (Ban : refus, mana : maître ou dogme) ou Bambaras, groupe ethnique de l’actuel Mali, littéralement « ceux qui ont refusé le dogme», sauvegardant ainsi leur culture et leur spiritualité d’origine. Aujourd’hui, au Mali, on retrouve encore des Bambaras authentiques qui clament cette origine et utilisent le même slogan d’appartenance de l’époque : « ni Allah sôna, a ma son » « Que Allah le veille ou pas ! ».

A partir de cette date, le négoce d’esclaves entre le Sud et les Almoravides prendra une ampleur extraordinaire, vidant cette région de ses bras valides, 200.000 têtes par an selon les statistiques.

Classifications des sources

La diversité des sources a apporté d’innombrables contradictions, non les moindres, entre la plupart des versions selon qu’elles viennent d’une lignée spécifique de griots, d’une chronique rédigée par les explorateurs arabes limités à Tombouctou entre le 12e et le 15e siècle, des œuvres romanesques contemporaines, théâtrales et scientifiques. Toutes les informations collectées à ce jour viennent de ces sources : proches dans l’espace géographique (griots) ou proches dans le temps (explorateurs arabes). A signaler que les intellectuels dans leur ensemble s’inspirent toujours de ces deux principales sources (griots et explorateurs arabes) et le restituent au gré de leur affinité ethnique, culturelle et religieuse.

Pour des gens moins aveuglés par leur proximité directe avec le sujet, ces séries d’approximations substantielles relevées de part et d’autre devraient forcément éveiller un doute certain. Mais tel est rarement le cas pour des raisons multiples et diverses.

C’est un peu comme l’histoire d’un petit garçon qui écoute en boucle le récit épique du vaillant prince auquel il s’identifie jusqu’au jour où il tombe sur la même histoire avec son héros dans la peau d’un moins que rien. Indescriptible peut être le choc qu’il subit. Certaines personnes, dans ces conditions, adoptent une posture légitime de déni total, un refus catégorique de voir leur rêve s’écrouler comme un château de cartes.

Assemblée constitutive de l'empire du Mali dirigée par Soundjata. Sur le banc des accusés, griots, forgeron, fins, garanké sont réduits en hommes de caste ou esclave à vie. Source Wikipédia Commons
Assemblée constitutive de l’empire du Mali dirigée par Soundjata. Sur le banc des accusés, griots, forgeron, fins, garanké sont réduits en hommes de caste ou esclave à vie. Source Wikipédia Commons

Le Kouroukan Fouga ou le banc des accusés

La charte du Kouroukan fouga, comparée, à tort, par certains à la Déclaration universelle des droits de l’homme, cache en vérité une des plus effroyables tragédies de l’histoire de l’Afrique noire. Elle pose les bases d’une société ségrégationniste lancée dans une vendetta contre une partie des peuples qui la constitue.

Fin 1236, un an après la bataille de Kirina qui marqua la fuite de Soumangourou, le puissant Roi thamaturge, dans une grotte, les nouveaux maîtres de l’empire du Mali font face à une forte contestation de l’autorité de Soundiata. N’ayant aucune preuve matérielle de la mort de Soumangourou, les habitants de son royaume gardaient toujours l’espoir de son retour imminent. Le Mandingue se voit ainsi partager entre inféodés à l’islam et anti-esclavagistes pour finalement tomber dans une espèce de léthargie. Durant un an, tout le monde se regarde en chiens de faïence. Les prémices d’une instabilité, qui serait catastrophique au nouveau pouvoir en quête de légitimité, sont flagrante. Le jeune Soundjata doit réagir, trouver une sortie de crise rapide qui le légitimerait devant son peuple divisé. C’est à partir de là qu’entre en jeu le génie que l’histoire lui attribue. Il orchestre alors une rencontre à grande ampleur à Kouroukan Fouga, dans les environs de Kangaba dans l’actuelle République du Mali, au cours de laquelle il pose, avec le concours de tous les adeptes du dogme des sables, les jalons d’une société nouvelle, conforme aux aspirations de ses partenaires enturbannés. Une effroyable et ingénieuse inquisition va alors être mise en place.

Coiffure bambara (source : Wikipédia Commons)
Coiffure bambara (source : Wikipédia Commons)

Soundjata décide, avec ses alliés, de réduire en hommes de castes inférieures toutes les entités ayant apporté un soutien quelconque à Soumangourou Kanté, à défaut de les exclure définitivement de l’empire. Beaucoup d’entre eux n’attendront pas l’annonce de cette terrible sentence et prendront le large vers le Sud et l’Ouest dans les régions de Koundara en Guinée et chez les Mandingo de la SénéGambie. C’est chez ces derniers que l’on peut trouver aujourd’hui les versions de l’histoire du Mandingue dans laquelle Soumangourou est hissé sur un piédestal digne de son rang.

Ce système instituera le plus long apartheid que l’humanité ait jamais connu, réduisant les griots et assimilés dans un semi-esclavage et une discrimination épouvantable qui est encore d’actualité. Les griots, les Niamakalas, les Founé, les forgerons et assimilés peuvent témoigner de cette ségrégation institutionnalisée qu’ils subissent encore en Afrique noire.

Au détour d’une lecture d’une transcription d’un illustre griot, Wa Kamissoko, qui accepta de livrer ses archives orales à son ami, Youssouf Tata Cissé, dans une des œuvres écrites, reconnue comme référence incontournable, le célèbre griot dit dans un passage évoquant l’investiture de Soundjata, peut-être anodin, mais lourd de sens : « Je ne peux pas tout dire, sinon… ». Wa Kamissoko n’est-il pas en train de dire par là qu’aucun pouvoir ne repose sur une légitimité absolue

Le déni

Toutes ces informations détaillées ici sont loin de sortir du néant, car elles ne sont, au contraire, pas inconnues des gens avertis. Les griots de tout bord, ceux se réclamant de la lignée de Balla Fassakè Kouyaté et ceux qui descendent des exclus du Mandé, distillent dans leurs différentes sagas orales des indices qui mettent la puce à l’oreille sur le mensonge qu’on leur intime de transmettre depuis neuf siècles.

Le déni de la réalité et  » le politiquement correct  » aidant, l’Afrique subsaharienne s’est accoutumée de manière stupéfiante à cette histoire déformée, épousant de ce fait une culture qui lui a été imposée dans le seul but de l’asservir.

C’est une institution qui est certes attaquée à travers ce texte, mais un besoin d’éclaircissement s’impose tant le mensonge à son origine est abject.

Le déclin de l’empire Sosso a ouvert les vannes du plus grand négoce d’esclaves noirs entre le Sud et les Almoravides du Nord et a conduit à neuf siècles d’égarements culturels de l’Afrique subsaharienne au profit d’une outrancière arabo-islamisation des us et coutumes.

Quid du maintien de la notion de sous-hommes entre Maghreb et Afrique noire, serait-elle à l’origine du racisme ? Cette question me revient chaque fois que je relis cette citation d’Ibn Kaldoum (1332 – 1406), historien médiéval et philosophe social musulman : « Les nations nègres sont en règle générale dociles à l’esclavage, parce qu’ils  (Nègres) ont des attributs tout à fait voisins à ceux d’animaux stupides. »

Des siècles d’impostures soutenues par une version formatée de l’histoire et acheminées, contre leur gré, par une partie des griots, ont fini par escamoter la vérité. Mais si vous écoutez bien certains de nos griots vous pourrez deviner dans leurs contes, dissimulé par des images et des ellipses le récit du roi Forgeron, voilà ce qui reste malgré tout de la mémoire d’une culture en perdition.

Solo Niaré


Entre le tutoiement et le vouvoiement à la française

Quand faut- il utiliser le « tu » ou le « vous » pour être conforme aux règles de la bienséance française ? A cette question, le LA Times apporte une réponse des plus ludiques dans une infographie à découvrir ci-après.

Brush up on your French with this Bastille Day flowchart  Source : https://www.latimes.com/opinion/op-ed/la-og-bastile-vous-tu-20140711-htmlstory.html
Brush up on your French with this Bastille Day flowchart
Source : https://www.latimes.com/opinion/op-ed/la-og-bastile-vous-tu-20140711-htmlstory.html


Dis-moi de quelle finale tu rêves et le sorcier te dira qui tu es !

Il vous avait prédit que Ronaldo passerait à côté de son Mondial. Puis que les Bleus devraient se méfier des crêpages de chignons entre leurs épouses. Le sorcier de Solo Niaré est de retour. Et il a son petit avis sur les demi-finales qui débutent mardi 8 juillet.

Allemagne-Brésil

Pour être honnête, ça ne se présente pas bien pour le pays organisateur. Perdre son meilleur atout offensif en ce moment, cela ressemble à un coup du sort cruel et peut-être annonciateur d’une fin malheureuse.

Les chamans auriverde n’ont pas vu celui-là venir, ces bonimenteurs. N’est pas sorcier le premier Carioca qui se lève comme ça par ce que son pays reçoit la Coupe du monde et le désire. Perdre Silva… Pas si grave pour moi, car avec Dante, il y a du répondant et il jouera avec des coéquipiers qu’il connaît bien déjà. C’est peut-être un avantage dont le Brésil pourrait tirer profit pour contrer quelqu’un d’aussi imprévisible que Müller.

Face à la Colombie, on a vu un Brésil poussant pour ouvrir la marque et contrôler au mieux le match et un Brésil poussif avant le second but, doutant par moment, accrocheur sur la fin, surtout après la réduction du score par James. Les 10 dernières minutes ont été plus que pénibles.

Rééditer l’exploit de la finale 2002 ? Possible, mais il faudra se battre sur chaque ballon et invoquer mon sorcier tout au long du match, car en face, c’est une Mannschaft revigorée, craignant la faute professionnelle contre la France, qui fera face demain. « Le foot c’est un sport qui se joue à onze et à la fin et c’est l’Allemagne qui gagne ! » Non, ce n’est pas de Lineker mais d’un sorcier.

Argentine-Pays-Bas

Le coup de poker psychologique a payé, faire croire aux jeunes Costaricains que le gardien rentrant – Krul – troisième gardien en Angleterre, était un super spécialiste des penaltys, fallait le tenter, et quand ça marche, que dire, sinon bravo !

La chance dit-on sourit aux audacieux, et ils peuvent s’estimer heureux d’avoir échappé au piège tactique ces Bataves, car le Costa Rica, sur un coup, aurait pu réaliser le casse du siècle.  Attention, à trop gâcher les occases, on finit par le regretter. Toujours placés, jamais gagnants, sur les impressions, ils devraient passer sur le corps des Allemands pour soulever le trophée le 13 juillet. Mais  avec une Argentine qui sort ses griffes et perd Di Maria, retrouve Higuain  entre -temps, en espérant Aguero, il y aura le missionnaire Messi (e), il faudra donc s’en méfier, parole de sorcier !

Brésil, Argentine ? Allemagne, Pays-Bas ? Brésil, Pays-Bas ? Ou Allemagne, Argentine ? Boule de cristal, boule de cristal, les cauris tournent, tournent et… voient.

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L’Hôtel de ville de Paris tout en Bleu pour France-Nigeria

La France s’est qualifiée hier en battant le Nigeria 2 à 0 et accède aux quarts de finale de la Coupe du monde. A Paris, Solo Niaré a assisté au match devant l’écran géant installé pour la première fois depuis le début de la compétition par la ville. Ambiance.

On s’attendait à une foule devant l’écran géant installé sur l’esplanade de l’Hôtel de ville, lundi 30 juin 2014, mais pas à un tel raz de marée humain pour suivre le match redouté des Bleus contre les Super Eagles du Nigeria. C’était la première fois qu’un écran géant avait été installé à Paris pour le Mondial. La ville avait dans un premier temps annoncé qu’aucun match ne serait diffusé sur des écrans géants pour éviter de nouveaux débordements après ceux de mai dernier lors du titre du Paris-Saint Germain.

Les Parisiens, munis de milliers de drapeaux tricolores et arborant leurs maillots de supporteurs de toutes les versions, ont convergé vers le 1er arrondissement de leur ville pour montrer leur amour aux Bleus, version Didier Deschamps. La foule a entonné avec ferveur La Marseillaise pour pousser les Bleus vers une victoire très laborieuse contre de vaillants Nigérians.

Ambiance Hymne national écran géant, Match France – Nigeria à l’Hôtel de ville, Paris / Vidéo Solo Niaré

Les Parisiens affluent sur l’Hôtel de ville pour vivre ensemble l’extraordinaire ambiance de Coupe du monde. Devant l’écran géant installé par la mairie de Paris pour l’occasion, ils étaient devant le match France Nigeria comme dans les gradins du Stade national de Brasilia.

Pour être honnête, j’ai eu beau arriver tôt, j’étais très loin de l’écran ! J’ai vu des gens monter sur les fenêtres, se mettre en hauteur pour pouvoir suivre le match. Malgré la ferveur, j’ai décidé de changer de crémerie et de suivre la deuxième mi-temps dans un endroit plus confiné où j’ai assisté à la victoire française.

 

 

Revivez cette marée humaine dans le centre de Paris en photos !

Solo Niaré, Mondoblogueur à Paris, France

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Mondial 2014 : Dans la bulle d’un sorcier comme si vous y étiez

Il remet ça ! Après avoir sollicité son sorcier préféré avant le début du Mondial, le blogueur Solo Niaré a décidé de refaire appel à ses prédictions. Où il est question de Boko Haram, de manifestations, du Docteur Fuentes et aussi, un peu, de football. (Crédit photo : Dominik Schwarz, Wikimedia Commons).

Jamais l’adage « Qui veut aller loin ménage sa monture » n’a été aussi bien confirmé jusqu’ici.

Si au moins les 16 équipes qui ont passé le fatidique cap du premier tour avaient l’honnêteté de reconnaître l’ampleur des recours aux forces mystiques, ce serait un triomphe romain pour les armées de sorciers, de shamans, de féticheurs et de marabouts sollicitées à travers le monde.

Nouvelles prédictions pour la suite de la compétition

Les matchs qui se gagnaient uniquement sur tapis vert, ça c’était avant. Parole de sorcier. Ce n’est pas le Brésil qui se tire d’affaire sans mérite qui le contredirait. Mon sorcier remet ça et dit encore :

  • Que le déballage de Douala n’aura pas lieu, et cela ne fera pas d’Eto’o un adulte confirmé.
  • Que les Bleus devraient sérieusement flipper car, pour son collègue sorcier Yoruba d’ Ogbomosho au Sud-Ouest du Nigéria, les dernières victimes de Boko Haram ne resteront pas vaines.
  • Que le Brésil tombera en quart de finale, le stade sera envahi, les manif reprendront de plus belle.
  • Que Maradona sera expulsé du Mondial avant la finale.
  • Que la France devrait s’attendre à du crêpage de chignons entre les Wags (épouses et petites amies des joueurs).
  • Que Boko Haram ne ratera pas une mi-temps du match du Nigeria contre la France.
  • Que si Suarez doit être banni, tous les joueurs qui font des signes religieux sur le terrain devraient aussi faire leur valise. Mordre étant pour lui une pratique religieuse, il applique les consignes d’un shaman indien qui lui a indiqué que pour avoir la peau de ces adversaires, mordre est la seule manière de leur pomper leur énergie vitale.
  • Que vu l’hécatombe au sein des équipes européennes, il est temps de réduire leur nombre pour les prochaines éditions de Coupes du monde.
  • Que personne ne bronchera durant les 90 minutes de France-Nigeria que Benzema chante ou pas la Marseillaise. En revanche après la défaite…
  • Que les Hollandais ont plusieurs années d’avance sur le Docteur Fuentes.
  • Enfin qu’il est désolé pour Mamadou Sakho car l’effet de ses élixirs sont incontrôlables.

A ses pourfendeurs, mon sorcier leur demande de ne plus se référer à ses prophéties, puisqu’il leur suffit de faire le contraire de ce qu’il prédit.

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Les femmes des Bleus : stéréotypes et ballon rond

Les footballeurs tricolores ne sont pas seuls au Brésil : leurs compagnes les ont rejoint à l’issue du match face à l’Equateur et la qualification pour les huitièmes de finale. Mais le métissage des joueurs ne se retrouvent pas chez leurs amies et épouses. (Crédits photos : @ludivine kadri sagna)

Sur le macadam, dans les alentours du stade du Maracana, une bonne douzaine de très belles bimbos – certaines derrière des poussettes, d’autres tenant en main des enfants, tous de très beaux petits métis – se fraye pompeusement un chemin au milieu d’une foule de badauds émerveillés par cette concentration soudaine de glamours, de belles brunes et de blondes fatales.

Elles affichent une réussite sociale à rendre envieux ce public qui les suit à une bonne distance imposée par un service d’ordre très alerte, des gardes du corps. Elles ont l’air d’être des habituées à ces moments. Elles n’ont pas l’air impressionnées. Au contraire, elles savourent ces instants. Chacun de leur mouvement, de leur pas ou de leur regard dans la chaleur moite qui sévit donnent l’impression d’avoir été préparé pour ces moments que le public cherche à figer avec les appareils photos des Smartphones.

Un signe distinctif permet de lever le voile sur l’origine de ces dames qui fait toute la curiosité des groupies autour : elles arborent en plus des compensés, des sacs Celine et Louis Vuitton et des lunettes de soleil Ray-Ban, un mélange de maillots bleus et de la marinière caractéristique de l’équipe de France floqués de nom de joueur et de numéro correspondant à son poste. Elles profitent du Brésil, les Wags – contraction de Wives and Girlfriends – les femmes et petites amies des Pogba, Mavuba, Sagna, Evra, Giroud, Benzema, Matudi…, annoncées pour venir à la rescousse à Rio en prévision du dernier match de poule des bleus contre l’Equateur.

Les footballeurs au temps des colonies

Le monde entier découvre alors au Brésil l’ampleur de la prédominance blanche au sein de cet étrange harem footballistique. La surprise venant d’une équipe de France encensée par les critiques pour son jeu mais aussi parce qu’elle montre le visage d’une France multiculturelle.

Pas la moindre représentante d’Afrique noire. Le constat est frappant et pousse à se poser des questions. Dans un pays comme le Brésil où les inégalités sociales trouvent leurs origines en partie dans la grande valorisation du blanc dans la mentalité collective et surtout dans la déqualification du noir, cette particularité des épouses des footballeurs ne pouvait pas ne pas faire l’objet du mini-séisme qui a suivi sur les réseaux sociaux. Les remarques et les quolibets sur cette tendance ne se sont pas fait attendre, chacun y est allé de sa petite vanne pour expliquer ce penchant caucasien de nos footeux à la coiffure de Baracuda.

Avec ce statut qui fait des Wags des stars à part entière, les représentantes d’Afrique noire ne font peut être pas bonne figure pour les footballeurs dans ce milieu. Elles sont aux abonnés absents sur la liste. Faudrait il prendre cela pour un nouveau type de racisme ou ce sont plutôt les blanches qui se battent le plus pour mettre le grappin sur les footeux ?

Femme blanche, objet de fantasme des footballeurs noirs

Il est quand même curieux de constater que même les footballeurs d’origine africaine en soient aussi des adeptes inconditionnels. Issus de milieu ou la déconstructions des stéréotypes raciaux peinent à se concrétiser, ces footballeurs noirs, dans le sillage du rêve qu’ils offrent durant ce Mondial, ne font que conforter le cliché qui place chez les femmes la peau blanche au sommet des canons de beauté. Mais, plusieurs faits divers dans lesquels se sont illustrées nos stars nationales montrent que pour eux comme dans l’inconscient issue de l’époque coloniale, la femme noire est réduite à un corps, objet de fantasmes.

Mondialement, la tendance est la même comme le prouve la vidéo ci après.

https://www.youtube.com/watch?v=ijBbZH9FZCk

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Avec la Goal Line Technology, la FIFA dessine le football du futur

Une victoire… et une innovation technologique. L’équipe de France a battu dimanche le Honduras 3-0, avec une deuxième but validé suite à une nouvelle innovation récemment adoptée par la FIFA : la Goal Line Technology (GLT). Explications. (Crédit photo : Marcello Casal Jr, Wikimedia Commons)

Les Bleus ont démarré la Coupe du monde de la plus belle des manières en s’imposant dimanche  3-0 contre de rudes Honduriens. Une grosse bouffée d’air pour aborder sereinement leur deuxième match à venir contre une équipe Suisse qui a perdu beaucoup d’énergie à se défaire de l’Équateur.

Mais ce qui restera l’événement marquant de ce match, c’est la mise en application d’une nouvelle technologie, la Goal Line Technology, qui vient suppléer l’arbitrage sur des actions litigieuses sur la ligne de but. Le tout fonctionne grâce à une montre bracelet portée par l’arbitre, et connectée à un dispositif qui lui indique si le but est valable ou pas.

La France, férue des innovations de la FIFA

La France revêt encore l’habit du pionnier d’un nouveau dispositif de la FIFA, comme par le passé pour la règle cruelle du but en or, qui avait permis aux Bleus de se qualifier pour les huitièmes de finale  de la Coupe du monde 1998 contre le Paraguay – victoire 1-0 en prolongations grâce à une réalisation de Laurent Blanc – et d’accéder à la finale puis de remporter l’Euro 2000, d’abord en battant le Portugal (2-1 a.p.), puis l’Italie (2-1 a.p.).

La Goal Line Technology, annoncée comme parade à l’arbitrage vidéo retoqué par l’instance mondiale du football, fait de plus ses grands débuts dans un contexte particulier : celui de lutte pour la présidence de la FIFA.

La guerre Blatter/Platini

Sepp Blatter, 78 ans, actuel président de l’instance suprême du football mondial, a en effet annoncé qu’il briguerait un cinquième mandat malgré les soupçons de corruption qui visent l’attribution du tournoi 2022 au Qatar et les prochaines élections. Or avec ce nouveau juge des lignes de but, le Suisse prend une longueur d’avance sur Michel Platini, favorable à l’ajout d’un cinquième arbitre, et qui lui avait retiré officiellement son soutien, le 12 juin dernier.

« Je pense que la Fifa a besoin d’un souffle nouveau (…) Et à l’avenir, Blatter, je ne le soutiendrai plus », avait déclaré Platini dans une interview.

Cette petite guéguerre entre Blatter et Platini n’a pas échappé aux internautes qui ont aussitôt saisi dans l’insolite «No goal » et « goal » un atermoiement qui préluderait une organisation de logistique de fraudes aux bénéfices du Qatar pour l’édition du mondial de 2022

https://twitter.com/Maelgar/status/478268666501685248

Une innovation déjà menacée ?

La Goal Line technology, malgré ce ptit couac de départ dont la France a encore su tirer les ficelles, fait un début retentissant transformant ce match du groupe E une rencontre complètement historique qui fera date.

Son destin dépendra forcément de la composition de la future direction de la FIFA. Et au regard des nouvelles rivalités qui s’annoncent entre détracteurs de Blatter et de l’arbitrage vidéo, la vie de ce dispositif ne tiendrait plus qu’à une ligne.


SUR LE NET : La toile se déchaîne sur Marcelo et l’arbitre japonais !

Le premier match Brésil-Croatie a été une rencontre pleine de suspense et de polémique. Une fois le match terminé, le net s’est fendu de tweets et de photomontages d’un humour dont lui seul a le secret. Leurs cibles : Marcelo, le latéral brésilien auteur d’un but contre son camp, et l’arbitre du match, le japonais Yuichi Nishimura.

Le premier à en prendre pour son grade, c’est le latéral brésilien Marcelo. Toujours prêt à faire le pitre quand il faut, Marcelo vient de se faire remarquer dans un exercice où personne ne s’est encore illustré en 20 éditions de la Coupe du monde : Ce but contre son camp ne fera pas seulement date comme premier dans le genre dans toute l’histoire du football, mais c’est surtout le Marcelo bashing qu’il a provoqué sur les réseaux sociaux qui a beaucoup marqué les esprits… et en a amusé plus d’un.

« On a gagné de quatre buts, et moi j’en ai mis un« 

Qui d’autre que le facétieux latéral droit du Real de Madrid pouvait jouer ce rôle pendant un match si important mais très moyen de la Seleçao ?

D’entrée de jeu, la Croatie a faussé toutes les prévisions en tenant tête aux Auriverdes, et à force, leur a mis une pression qui a abouti à ce geste malencontreux de Marcelo, le premier but contre son camp au cours d’un premier match de Coupe du monde devant toute la nation brésilienne médusée.

Séisme à Rio, haro sur Marcelo

Le Brésil mené au score chez lui en ouverture de sa Coupe du monde à 11 minutes de l’entame du jeu, une catastrophe dans le pays de Pelé déjà confronté à des remous sociaux liés à l’organisation de ce même événement. Aucun chaman du Brésil n’aurait pu imaginer un tel scénario avec à la baguette un traitre interne, Marcelo.

Haro sur le baudet, le parfait expiatoire le temps des 18 minutes avant l’égalisation de Neymar. Un homonyme de l’auteur de la boulette en fera les frais, certains se disant ne pas être surpris qu’il fasse une telle boulette car il tweete pendant un match si important.

Le profil Twitter de ce mannequin britannique devient un défouloir durant plusieurs minutes avant qu’il ne se décide dans un tweet d’orienter les mécontents internautes vers le VRAI Marcelo.

Le dieu à la crête, Neymar, le sauveur

Le prodige du Barça, sorti d’une saison moyenne avec son club, décide alors de prendre ses responsabilités. D’un tir écrasé, il égalise à la 29e minute avant de planterun deuxième but suite à un penaltydouteux.

Une délivrance pour toute une nation, mais surtout pour Marcelo qui avait déjà sa tête mise à prix sur les réseaux sociaux.

Le pied de Marcelo

Le Brésil gagnera finalement son premier match par 3 – 1 contre une équipe Croate qui s’en voudra de l’avoir perdu. Au regard de sa réputation de clown des vestiaires, Marcelo et sa bouille de marmot attrapé la main dans le pot de Nutella peut laisser penser qu’il ne regrette en rien d’avoir planté un but dans les cages de Júlio César.

Marcelo s’est régalé comme un gosse, mais il devrait une fière chandelle à Neymar qui vient certainement de lui éviter le même sort que Escobar, le Colombien : le joueur, auteur d’un but contre son camp  qui a éliminé la Colombie en 1994, avait été assassiné.

Yuichi Nishimura, arbitre japonais devenu brésilien

Autre cible des moqueries, l’arbitre japonais Yuichi  Nishimura, accusé d’avoir sifflé un pénalty imaginaire pour une faute du défenseur croate Lovren sur l’attaquant brésilien Fred, alors que les deux équipes étaient au coude à coude (1-1).

Le Japonais est, pour les internautes, devenu un joueur à part entière de l’équipe brésilienne, et même une star pour tous les supporters de la Selaçao, lui valant une statue…

Solo NIARE, Mondoblogueur à Paris


Mondial 2014 : Mon sorcier a dit…

Rien n’est jamais le fait du hasard en Afrique. Cette logique s’étalant sur tous les domaines, le sport se plie à son tour à cette règle de la main invisible qui guide tous les faits de ce monde. Et parfois, le résultat d’une rencontre est plus à chercher dans les mystères de la sorcellerie que sur un terrain de football.

La semaine dernière, j’ai suivi le Sénégal en entier vibrer face à la confrontation au sommet de la lutte traditionnelle entre Bombardier et son rival de toujours, Balla Gaye 2.

Les deux champions avaient, certes, bien préparé physiquement cette grande finale, mais vue l’armada de gris-gris et de fétiches qu’ils arboraient, c’était évident que ce combat devrait être gagné sur un autre terrain plus mystique que sportif : celui des sorciers d’Afrique, ces féticheurs aux innombrables pouvoirs.

La sensation iranienne, l’ado Eto’o et #BrésilByNight

Le mien dans ce domaine est une perle rare. Le type qui te fait d’une évidence une prophétie que lui seul peut lire dans les cauris, les coquillages de crustacés m’en seront témoin. Ce type de sorcier, le mensonge n’est pas dans son vocabulaire. C’est conscient de son super pouvoir que je l’ai sollicité pour qu’il me fasse quelques prédictions sur l’événement mondial des 30 jours à venir de l’autre côté de l’Atlantique au Brésil, la coupe du monde de football 2014

Mon sorcier m’a donc prédit : 

  • Que le mondial jouera sur la natalité en France. Décalage horaire oblige,
  • Que le chômage explosera de nouveau. Pour cause, beaucoup de licenciements du aux retards les lendemains de match,
  • Que les grèves au Brésil donneront un air de France à ce Mondial,
  • Qu’après le concours des écoles de samba au carnaval de Rio, le Mondial sera une compétition entre salons de coiffure,
  • Que chaque Patrice Evra cité par Lizarazu fera l’objet d’un décompte en France,
  • Que les Bleus croiront vite avoir fini avec les vieux démons de Knysna,
  • Que Ronaldo passera à côté de son Mondial,
  • Que l’Iran fera la sensation,
  • Qu’un mouvement insolite de femmes naitra pour s’opposer à l’annexion de la télécommande par les hommes,
  • Qu’un grand nombre de joueur sera impliqué dans des histoires de moeurs #BrésilByNight,
  • Que le bal des égos fera rage au sein des éléphants de Côte d’Ivoire,
  • Que des joueurs Ivoiriens et Camerounais feront des sorties nocturnes malgré les restrictions,
  • Que Samuel E’too sera habité par un ado,
  • Que ce sera à coup de prime que les Lions feront mieux que rugir, ça leur donnera des ailes #BringBackOurPrimes,
  • Que Nabila… non, mais allo quoi ! Que vient elle faire au Brésil ?
  • Que jusqu’ici, tous les joueurs de l’EDF sont français. Les origines viendront de la presse,
  • Que le Ghana ne doit jamais laisser Asamoah Gyan tirer un penalty au Brésil,
  • Que Docteur Fuentes sera souvent à la une des journaux,
  • Qu’il y aura plusieurs fausses alertes de pantalons sautés,
  • Que les marabouts du Sénégal seront sollicités par la France comme en 98,
  • Et que selfie seule sortira unique grande vedette de ce Mondial…

@SoloNiare, Mondoblogueur à Paris


J’ai couché avec le Maure de mon enfance

A l’époque, haut comme trois pommes, pieds nus, ventrus et systématiquement morveux comme des limaces, mes copains d’enfance et moi, avions souvent comme réponse au « Dégagez, petits noirs » que nous lançait sans cesse le commerçant maure du coin de la rue, une sympathique chansonnette qu’on poussait en chœur.
Souraka Mahamet, a tè kouloushi don, a té diloki don.
(Mahamet, le maure, toujours nu sous son habit.)

Car, nous croyions tous alors, ainsi que se le disait tout le monde dans les rues d’Afrique au Sud du Sahara, que le maure ne porte jamais rien sous son boubou, comme les écossais sous leur kilt.

Drapé dans un magnifique boubou du Sahara d’un éclatant bleu azur, il feignait alors de nous prendre en chasse mais n’osait jamais quitter son échoppe. Mais comme le pot de miel et son insatiable mouche, nous revenions toujours vers l’enturbanné échanger notre argent de poche de la semaine contre les friandises que lui seul vendait dans la rue. A force de nous pincer atrocement et régulièrement les oreilles comme punition à notre petit refrain contre son hypothétique nudité, nous nous sommes finalement habitués à la douleur et n’avions de cesse à venir l’importuner toujours et toujours. Un jeu.

Boubou traditionnel en Mauritanie. Source : https://partiefaire1tour.net/article.php3?id_article=69
Boubou traditionnel en Mauritanie.
Source : https://partiefaire1tour.net/article.php3?id_article=69

De l’autre coté de son arrière cour, sa femme, Fatma, bien enveloppée comme le dirait une expression grossophobe, s’occupait tranquillement dans un transvasement habile et régulier du thé à la menthe sucrée, de la théière au verre et du verre à la théière. Nous venions quelques fois vers elle lui demander si Amza, le petit noir de notre âge qu’on croyait être leur fils, pouvait venir jouer avec nous. Une fois sur cinq, nous trouvions notre copain d’âge soit entrain de laver plusieurs ustensiles de cuisine, soit occuper à masser les pieds pleins de cellulites de cette maman qui le soumettait à des corvées d’adultes. La réponse était invariablement, « non », des fois suivi de : « djakalmé », (Bâtard), ouste, Amza travaille !

Nous prenions alors nos jambes à notre cou, mais revenions toujours voir si Amza avait un peu de répit pour venir s’écorcher le pieds avec nous sur les pavées rocailleux de la rue.
Mais le petit Amza n’était en fait pour cette marâtre, que le nègre du Maure, et comme le veut leur « tradition », encrée dans leur culture et quasi institutionnalisée en Mauritanie, « Le maure a toujours besoin de son nègre ». Ce besoin étant quotidien et permanent notre ami Amza avait bien du mal à se joindre à nos jeux d’enfants.

Plusieurs années après, à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, je tombe sur une réincarnation très insolite de mon maure en la personne d’un blogueur parmi la soixantaine invitée par Mondoblog pour dix jours de formation. J’apprends à mon arrivée à 23h que je partage la même chambre d’hôtel que lui. La 201, une des rares face à la brise marine où je le rejoins aussitôt. Il faut dire qu’il a du goût, mon Othello. Je tombe sous le charme du lieu. J’entre. Accueil très froid, ponctué par quelques semblants d’amabilités dont le caractère forcé ne m’échappe pas. Je mets cela sur la fatigue du long voyage qu’il a dû effectuer. J’installe ma valise au pied d’un immense lit, presque un terrain de foot, l’unique de la chambre.

Mon boutiquier dans mon lit, la nuit sera inédite. Le film de mon enfance me revient suivi de plusieurs questions auxquelles, je me disais, qu’il apporterait des réponses. Pour l’instant, je ne craignais pas de me faire pincer les oreilles par ce partenaire d’une nuit et des neuf autres à venir, lui qui, à présent, semblait avoir fait vœux de silence depuis quelques minutes en me tournant le dos dans le lit. Sur les trois mètres de largeur du lit, 2m50 nous séparent. Une timidité d’adolescente pudique qui aurait raison du plus entreprenant des amants. Et bien quoi, décèle t-il en moi quelque bouillonnant Eros dépêché par RFI pour  lui faire découvrir les secrets de l’amour pour tous. Raté.

Au petit matin, je suis le premier debout, mon pacsé gît à sa même place, effarouché recroquevillé sur lui même. Nul besoin d’un psy pour diagnostiquer les stigmates d’une nuit que la morale ne m’autorise pas à dévoiler. Je n’ai pas de problème de conscience, mon consentement et le sien ont été donnés en amont à RFI avant le voyage. Je le laisse dans sa méditation et pars m’enivrer de l’air pur océanique. L’appel de la plage est irrésistible. Je m’élance pour quelques foulées sur le sable qui s’étale à perte de vue.

Au retour, une heure après, du nouveau dans notre gîte, un deuxième matelas siège en biais au pied de l’énorme lit.
Bonjour ! Une nouvelle couchette, on reçoit un troisième ? lui dis-je en pensant en même temps qu’après la nuit passée mon Maure va littéralement se congeler sous mes yeux.
T’inquiète. Je l’ai fait venir pour moi, me dit-il avec un sourire cette fois-ci réussi sûrement l’effet de l’exceptionnelle nuit que je lui ai offerte.
C’est moi qui vous ai trouvé ici, dis-je. Dans ces conditions, c’est vous le propriétaire de la chambre, je prends le matelas.
Vous savez, nous les maures, traditionnellement (Ah la tradition !) nous sommes des nomades, on peut dormir partout.

Il orienta complètement vers lui la petite télé qui siégeait sur la commode en face du grand lit et, après avoir saisi la télécommande, pianota sur les touches des chaines et du volume. Je trouvais meilleurs programmes télé dehors : le complexe qui nous accueille, ces cocotiers, à un jet de pierre cet océan bleu azur qui rivalise avec le boubou du maure, ces formations en data journalisme et ce cosmopolitisme unique apporté par ces dizaines de blogueurs. Le Paradis.

Je me suis fondu dans ce décor de rêve faisant de lui mon principal lieu de glandouille après le travail, donnant ainsi toute la latitude à mon voisin de bien profiter seule de sa chambre. Unique, le plaisir à devenir l’homme poisson de Grand-Bassam, à se laisser emporter pas la force de ces vagues de trois mètres de haut et du ressac qui te donne l’impression de voguer vers le Brésil en face.

Le troisième jour, j’apprends le dernier que mon maure se barre. On aurait quand même pu en parler entre « copains », moi sur mon gigantesque terrain de foot et, lui, plus bas, sur sa natte de bédouin entrain de zapper entre TVivoire et France24.
– Mince, il n’est pas satisfait du nègre qu’on lui a fourni ?
Mais lui m’apportera une autre raison à ce départ précipité.
– Il y a un gros imprévu qui me fait partir au plus vite.

Je n’ai pas sauté au plafond comme certains pourront le penser parce qu’il me laisse seul dans notre chambre nuptiale. Rien de tout ça. Le paradis était dehors, rien qu’à moi tout seul. J’y tenais. J’étais attristé de le voir partir le seul qui pouvait me délivrer de cette incessante question : « Les Maures, ils sont vraiment nus sous leur boubou ? ». Mais mon nomade reprenait sa route, comme sa tradition, que dis-je son instinct, le lui commandait.

Deux semaines après Bassam, en consultant mes mails, je tombe sur un Google alerte qui me signale un billet de blog me citant. Curieux, je traque le lien et tombe sur un blog, c’est celui de mon maure. Je suis content d’avoir des nouvelles de lui et de découvrir ses écrits. Il est d’une reconnaissance qui me ravit. Il garde même une excellente impression de nos trois jours de flirt. Parmi près de 80 personnes, je suis « le copain Solo » de Bassam, l’unique, mais celui qui a eu la maladresse, l’incorrection, de ne pas avoir voulu être le nègre à sa solde, comme le réclame la grande tradition de sa tribu, et la tradition c’est important. Moi, le béninois, oups, une erreur de frappe, les suggestions automatiques de nos claviers savent nous jouer des tours. Mais ça se corrige ça.

Au jeu des consentements violés, il me répond en mettant ma photo comme illustration de son billet d’humeur. Un très « beau » texte qui nous apprend qu’ils ont eu dans l’avion l’outrecuidance de transmettre les consignes de sécurité en anglais à lui, le francophone. Un texte qui se bat comme un beau diable pour faire comprendre la nécessité de la prise en compte de la culture des autres surtout la question du partage du lit, fut-il aux dimensions de terrain de foot, avec un copain noir béninois de Grand-Bassam.

Un texte qui n’est autre qu’un plaidoyer pour imposer,  sans contradicteur car les commentaires son systématiquement effacées, sa « tradition », et derrière ça hypocritement caché la justification de l’existence d’une suprématie du maure sur le nègre « Le Maure a besoin de son nègre ». Et faute d’avoir pu me pincer les oreilles, moi le noir ramené au même pied d’égalité que lui grâce au partage d’un lit, le voilà déversant sa rancœur dans un blog douteux qui restera malgré sa suppression pour longtemps sur la toile grâce au très indiscret cache de Google.

@SoloNiare

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Pour info, ce billet est la réponse que j’apporte à un texte qui me cite nommément et qui m’a profondément choqué. Pour le lire, ici –> https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:sDfdUQcY9g0J:dabdat.mondoblog.org/voir-grand-bassam-revenir/-/1132+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a