AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.

Afrique: A quand le Cfaxit ou exit franc CFA

 

En Afrique francophone, le franc CFA fait polémique. Entre ceux qui prônent la fin de l’arrimage du CFA à l’euro et ceux qui alertent sur les difficultés post CFA, les instances techniques et les décideurs politiques, affichent un silence déconcertant. Avantage ou handicap pour les économies africaines, quel avenir pour le franc CFA ?

Créé le 25 décembre 1945, le franc CFA a cours dans au moins 14 pays francophones et lusophones d’Afrique de l’ouest et centrale. La signification du franc CFA a évolué avec le temps, en fonction des contextes politiques. A sa création en 1945, la signification du franc CFA était alors Franc des Colonies Françaises d’Afrique, puis de  1958 aux indépendances, sa dénomination est : franc de la Communauté Française d’Afrique. Aujourd’hui franc CFA signifie franc de la Communauté Financière d’Afrique dans les pays de l’Afrique de l’ouest et  franc de la Coopération Financière d’Afrique centrale en Afrique centrale. Initialement arrimé au franc français, le franc CFA a une parité fixe avec l’euro depuis 1999, ce qui lui confère une forte stabilité (1 € = 655,957 F CFA). Mais depuis quelques temps, plusieurs voix, et non des moindres, s’élèvent sur le continent pour dénoncer cette parité fixe avec l’euro qui serait plus un carcan qu’un avantage. A l’instar du Brexit, ces derniers réclament un Cfaxit pour une gouvernance monétaire souveraine et à leur avis plus avantageuse pour l’économie des pays de la zone franc CFA.

Ce samedi 7 janvier 2017, les panafricains anti-CFA organisent pour la première fois, concomitamment dans 12 capitales en Europe, en Afrique et à Haïti, une conférence sur le thème du franc CFA et de la nécessité de l’éradiquer de l’Afrique définitivement. Pour les organisateurs de cette mobilisation, il s’agit d’apporter leur contribution au débat sur cette devise et sur les moyens de sortir de la servitude monétaire. L’occasion pour moi de revisiter les nombreuses paradoxes et  ambiguïtés liées au franc CFA.

 

Y a-t-il véritablement un problème CFA ?

Incontestablement oui, le franc CFA pose problème à plus d’un titre. Il est censé être une monnaie africaine,   mais il n’est pas contrôlé par les instances monétaires africaines. Loin de là. Ceci engendre une série de distorsions conséquentes.

Le franc CFA est la devise officielle de huit États d’Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo  formant l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont l’institut d’émission est la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et  de six États d’Afrique centrale  le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad, formant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), dont l’institut d’émission est la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Il a une parité fixe à l’euro ce qui lui confère une grande stabilité.

Toutefois, les deux banques centrales des zones CFA n’assument pas elles-mêmes la parité de leur monnaie avec l’euro, c’est le Trésor français, c’est-à-dire le budget de l’État (et non pas la Banque de France), qui en a la charge ».  En contrepartie de cette convertibilité, les pays de la zone franc ont l’obligation de centraliser et de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français sur un compte d’opérations ouvert au nom de chacune des banques centrales. Du coup, aucune décision de la CEMAC, de l’UEMOA et de leurs banques centrales ne peuvent être prises sans l’accord de la Banque de France.

Ainsi, les pays de la zone franc ont une monnaie physiquement fabriquée en France et les réserves de change de leur banques centrales sont déposées auprès du Trésor public français ce qui pose la question de la souveraineté de ces pays  africains sur leur monnaie et que dénonce plusieurs économistes africains. Par ailleurs la garantie de convertibilité assurée par le trésor français implique que la valeur externe du CFA est ainsi déléguée à une entité extérieure, le Trésor français, qui bénéficie de ces devises pour son propre financement. De la découle la grosse critique de Frein au développement des pays africains formulée par les pourfendeurs de l’arrimage du CFA  à l’euro.

Ce model de fonctionnement est d’autant plus ambigu qu’il est une exception dans toute l’Afrique. Autrement dit tous les autre pays ont leur propre devise, leur propre banque centrale, gèrent eux même leur réserve de change et ils s’en sortent avec plus de bonheur que de malheur.

 

Arrimage CFA- Euro, attelage carrosse locomotive

La monnaie est un instrument d’échange économique, c’est l’ensemble des moyens de paiement que les individus et les Etats utilisent pour acheter des bien et services à d’autres individus ou à d’autres Etats. Moyen d’échange, mais aussi et surtout unité comptable utilisé pour établir les prix des bien et de comptabiliser les crédits et les dettes, la monnaie est le nerf de la guerre de la croissance économique et du développement. Pour jouer pleinement son rôle, la monnaie doit assurer à l’économie, les crédits nécessaires à son développement, un objectif que l’arrimage du franc CFA à l’euro ne facilite pas.

Dans un ouvrage paru en octobre 2016 aux éditions La Dispute, “ Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. À qui profite le franc CFA ?“, un collectif d’économistes mené par le Togolais Kako Nubukpo, le Sénégalais Demba Moussa Dembélé et le Camerounais Martial Ze Belinga au nom de revendications souverainistes, qualifient le franc CFA de relique coloniale et remettent en question son régime de change fixe.

Pour Kako Nubukpo, économiste de renom, ancien chef de service au siège de la BCEAO à Dakar entre 2000 et 2003, ancien ministre togolais de la prospective et opposant actif au franc CFA, le ratio crédit à l’économie sur PIB dans les pays de la zone franc est de 23 % quand il est de plus de 100 % dans la zone euro. Ceci fait qu’il est quasiment impossible aux pays de la zone CFA de rattraper les économies émergentes si le franc CFA reste arrimé à l’euro.

«Le franc CFA, accroché à l’Euro par une parité fixe, est une monnaie qui donne l’impression d’être riche» explique l’ancien ministre du Plan du Togo Kako Nubukpo. «Cela fait baisser le coût des importations mais plutôt que produire par vous-même, vous avez alors tendance à importer ce que les autres produisent», précise l’économiste togolais. Toujours selon lui, « Les économies de l’UEMOA souffrent d’un problème de compétitivité-prix à l’export, du fait de l’arrimage du franc CFA à l’euro, monnaie forte s’il en est. Or, une monnaie forte agit comme une taxe sur les exportations et une subvention sur les importations, rendant difficile l’obtention de l’équilibre de la balance commerciale ».

En effet, le franc CFA est une monnaie qui faciliter l’extraction de surplus économique de l’Afrique vers l’étranger sans risque de change, or sans le CFA, l’importation en Afrique des marchandises seraient hors de prix, ce qui n’est pas le cas actuellement.  Ainsi le franc CFA facilite l’exportation des capitaux et freine l’exportation des marchandise
Vu sous cet angle, l’arrimage du franc CFA à l’euro est comparable à un carrosse attelé à une locomotive. C’est une liaison dangereuse qui engendre des ajustements très difficiles à soutenir pour les économies africaines.  Pour Kako Nubukpo,  » Aujourd’hui, le franc CFA via son rattachement à l’euro est beaucoup plus déterminé par les événements au sein de la zone euro que par la conjoncture au sein de la zone franc, c’est une hérésie !“

 

Quel avenir pour le CFA

La grande erreur à ne pas commettre est de jeter le bébé avec l’eau du bain. De toute évidence, tout n’est pas mauvais dans le système franc CFA tel qu’il existe à l’heure actuelle. Il présente quelques atouts non négligeables.

Le franc CFA fonctionnant comme un pot commun de devises, la zone permet un équilibre global des réserves monétaires. Toutefois, bien que portant  le même nom de franc CFA et ayant (actuellement) la même parité avec l’euro le franc CFA de la BCEAO (XOF) et le franc CFA de la BEAC (XAF) ne sont ni interchangeables ni convertibles entre elles. L’UEMOA et la CEMAC ne forment donc pas une zone monétaire commune mais deux zones juxtaposées. Mais du fait de la mise en commun des réserves de change au niveau de ces deux zones, il est possible d’envisager un protocole d’unification des deux francs CFA pour créer une zone monétaire unique forte et solidaire. Chaque zone peut tout aussi s’individualiser et s’émanciper du giron du trésor français

Enfin l‘hypothèse la plus  plausible  est celle de voir le CFA de la zone UEMOA s’arrimer au projet de monnaie unique de la CEDEAO sous le leadership du Nigeria. Lors de la 49eme session ordinaire tenue à Dakar le 4 juin 2016, le projet est renouvelé et le président Maky Sall a suggéré la mise en place d’un institut monétaire et d’un banque centrale communautaire. Un mécanisme similaire devra être trouvé pour la zone CEMAC.

Vivement que la campagne de mobilisation contre le CFA en cours contraigne les dirigeants africains  à ouvrir le débat sur la gestion monétaire et la pertinence du CFA pour le développement en Afrique.


Et si Yaya Jammeh jouait au poker menteur ?

Le président gambien sortant, Yaya Jammeh, a annoncé vendredi 9 décembre qu’il rejette les résultats de l’élection présidentielle du 1er décembre. Une élection  pour laquelle il avait, une semaine auparavant, dans une déclaration télévisée, reconnu sa défaite face à l’opposant Adama Barrow. La question se pose désormais de savoir quel avenir pour l’alternance démocratique en Gambie. Plus globalement, à quelle crédibilité s’attendre pour les systèmes démocratiques africains ?

Avec Yaya Jammeh, une surprise peut en cacher une autre

L’information est tombée vendredi 9 décembre au soir. Ce que tout le monde redoutait depuis le début arriva. Le président sortant de la Gambie, Yahya Jammeh, rejette les résultats de la dernière présidentielle, qui le créditaient de 36 % des voix contre 45,5 % pour l’opposant  Adama Barrow et 17,8% pour le 3e candidat, Mama Kandeh. On se souvient, à l’annonce des résultats, au lendemain du scrutin, il avait contre toute attente reconnu sa défaite. Dans une opération de charme, il a appelé son challenger et l’a félicité de sa victoire.

Ce vendredi 9 décembre au soir, ce fut plutôt une opération de rectification. Dans une allocution diffusée à la télévision et la radio nationale, il déclare que l’élection a été truquée, notamment par la commission électorale : « Autant j’ai accepté les résultats car j’ai cru que la commission était indépendante et honnête, désormais je rejette les résultats dans leur totalité. Laissez-moi répéter : je n’accepterai pas les résultats ».

Concrètement, Yahya Jammeh accuse le président de la commission Alieu Momar Njie d’avoir truqué la compilation des résultats, mais ne demande  pas un nouveau comptage des voix. Il a plutôt appelé à de nouvelles élections présidées « par des gens craignant dieu ».

Après un tel revirement, que va t-il se passer à présent ? Quel avenir pour l’alternance démocratique en Gambie ?

Certes, dans une allocution claire et ferme, Adama Barrow a dans une allocution claire et ferme, par média interposé :  « Yahya Jammeh n’a pas l’autorité constitutionnelle pour invalider les résultats ni pour convoquer un nouveau scrutin (…) La Commission électorale est la seule autorité compétente pour annoncer le résultat des élections et pour en déclarer le vainqueur (…) Nous appelons Yahya Jammeh à respecter le processus de transition et à léguer le pouvoir à la fin de son mandat en janvier. J’exhorte Yahya Jammeh à respecter la volonté du peuple ».

Certes, Adama Barrow a le soutien inconditionnel de la communauté internationale, notamment de l’Union Africaine, des USA, de l’Union Européenne et surtout du Sénégal, le grand voisin de la petite Gambie.

Mais, malgré toutes ces considérations, force est de reconnaître que la question est pourtant loin d’être réglée. Si victoire il y a, il reste la gestion du pouvoir : elle doit passer par une passation de charge entre le sortant Yaya Jammeh et l’entrant Barrow, et là réside le nœud de la crise actuelle en Gambie. Après l’épreuve des urnes, faut-il se résoudre à l’épreuve des armes ou à la résignation ?

A mon avis, une lecture minutieuse de l’évolution de la situation post-électorale en Gambie fournit quelques pistes pour cerner les raisons du revirement pathétique de Yaya Jammeh et peut être aussi quelques clés pour une sortie de crise en Gambie.

Le poker menteur de Yaya Jammeh

Après 22 ans de pouvoir sans partage, Yaya Jammeh est conscient de son discrédit, aussi bien aux yeux de ses concitoyens que de ceux de la communauté internationale.  Il est conscient des abus et exactions commis sous sa responsabilité, et des représailles possibles à son encontre, s’il n’a plus la protection du pouvoir. Son geste inattendu de reconnaissance de sa défaite à l’élection présidentiel apparait donc comme un acte de repentance et de rachat de ses fautes et abus. Il espérait en retour une reconnaissance et une admiration unanime, gage pour lui d’une retraite honorable.  Mais en une semaine, qu’a-t-il observé ?

Certes, quelques éloges, mais pour la première fois, de nombreux Gambiens ne se cachent plus pour critiquer Jammeh et déclarent ouvertement leur soif de changement et de justice.  Mais il y a plus.

Le souhait de le voir traduit devant la justice nationale ou internationale est largement partagé et le comble pour un dictateur sortant, le président entrant a, lui-même, réitéré qu’il n’a jamais dit que Yaya jammeh ne serait pas poursuivi par la justice. Il voulait une porte de sortie honorable, mais tout lui indique la CPI. Dans une telle perspective, que gagne t-il à quitter le pouvoir ? Il considère qu’il vaut mieux rester au pouvoir vaille que vaille que de quitter le pouvoir et se voir traquer. Ainsi, le geste de reconnaissance de sa défaite fait penser à un jeu comparable au poker menteur qui lui a permis de vendre le pouvoir sans le céder. Si la contre partie obtenue est jugée satisfaisante, il le cède, sinon il le garde et fait monter les enchères.

 A mon avis  la peur et la crainte de se voir traquer et traîner devant les juridictions ont pesé dans le brusque revirement de Yaya Jammeh  plus qu’une réelle volonté de retourner aux urnes. Dans un tel contexte, il importe que les instances de décision et d’influence trouvent des stratégies pour apporter quelques garanties à Yaya Jammeh pour une passation pacifique de charges en Gambie.

Dans tous les cas, un compromis qui permet de sauvegarder la démocratie et permet au pays de faire un bond en avant sera préférable à une intransigeance qui peut faire sombrer le pays dans la violence.

Quoi qu’il en soit, Yaya Jammeh, un jour ou l’autre, directement ou indirectement, devra répondre de ses actes, mais il faut savoir raison garder et donner le temps au temps.


Le jour où Papa Wemba m’a fait pleurer de rire

Papa Wemba sur scène au FEMUA

Le chanteur congolais Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, plus connu sous le nom de Papa Wemba, est décédé dimanche 24 avril à Abidjan, en plein concert, alors qu’il se produisait sur la scène du festival Femua. Depuis lors, sur le continent et hors du continent, Officiels, membres de famille, fans, et anonymes rendent, chacun à sa manière, hommage à l’icône de la rumba congolaise

Le chanteur congolais Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, dit Papa Wemba, est décédé dimanche 24 avril à Abidjan, en plein concert. Invité du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), fondé par le groupe ivoirien Magic System, Papa Wemba était à Abidjan pour deux prestations. La première qu’il n’achèvera jamais à Abidjan et la seconde à Korhogo (nord du pays), une étape annulée par les organisateurs.

Quatre jours après sa mort, sa dépouille est arrivée ce jeudi 28 avril à Kinshasa, la capitale de son pays, la RD Congo. Un hommage populaire est prévu pour le lundi 02 mai 2016. L’inhumation aura lieu le lendemain mardi 03 mai près de Kinshasa.

Père de six enfants, Papa Wemba est reconnu comme l’une des plus grandes divas de la musique congolaise et africaine. Il a influencé des générations entières de musiciens africains, et surtout a semé la joie et l’amour dans les cœurs de tous les africains au-delà des frontières et des âges.

Pour ma part, dans mes souvenirs, Papa Wemba est resté lié à un événement professionnel qui a eu lieu il y a une dizaine d’années. Je venais d’être nouvellement affecté au Lycée Paul Indjendjet Gondjout de Libreville et en ce premier jour de classe, j’avais cours dans une classe de troisième. Premier jour de cours pour moi dans le lycée et premier contact avec les élèves, autant dire que j’étais aussi stressé que les  élèves qui étaient devant moi.

Après les formalités d’usage, le cours à démarré. La leçon du jour avait pour titre : caractère spécifique, caractère individuel, caractère héréditaire.

Pour illustrer la leçon j’avais opté pour des activités vivantes. Ainsi pour asseoir la notion de caractère spécifique, j’ai invité devant la classe un garçon et une fille, désigné au hasard parmi les élèves. A partir du questionnaire préparé par moi, les élèves ont pu, à ma satisfaction, conclure que les caractères spécifiques sont les particularités (morphologiques, physiologiques ou comportementales) communes à tous les membres d’une espèce. Exemple chez l’homme : Avoir une tête, avoir deux mains, deux yeux,  dix doigts ou un nez.

Après les  caractères spécifiques, nous en sommes venus au aux caractères individuels. Pour clarifier ce nouveau concept, j’ai demandé à un élève de la classe de citer un caractère spécifique et son choix se porta sur le caractère : avoir un nez. Sur la base de ce choix, j’ai repéré et désigné un élève métis qui avait un nez aquilin évident puis je recherchais des yeux un autre élève avec un nez plus ou moins épaté. Aussitôt les élèves ayant compris ma démarche se mirent à m’indiquer du doigt un de leur camarade au fond de la classe. Le camarade indiqué plaqua sa tête contre le mur en agitant la main en signe de non ! Non ! Plus par curiosité que par nécessité, je m’approchai de lui et l’encourageai à répondre à la sollicitation de ses camarades. Il obtempéra de bonne foi et retourna sa tête vers moi.

J’ai pu alors constaté qu’il avait, en effet, un nez assez généreux et très épaté. Toutefois en le dévisageant, je ne sais trop pourquoi, mais quelque chose en lui m’a fait pensé à Papa Wemba, la star africaine de la chanson que j’affectionne particulièrement. Aussitôt, les bribes de Maria valencia, mon tube fétiche, commençaient par chanter dans ma tête. Sans rien laisser transparaître de mes émotions et en restant très professionnel, je l’ai invité à passer devant la classe pour la suite de la leçon.

Pour faciliter la communication, je lui ai tout naturellement posé la question :

– Comment on vous appelle?

Mais, il n’a pas eu le temps de répondre à ma question puisque la classe a répondu en chœur à sa place :

– Papa Wemba.

Ses dénégations m’ont aussitôt fait comprendre que ce n’était pas son nom mais assurément le surnom a lui donné par ses camarades.  Du coup, la coïncidence des idées ajoutée à la moue caricaturale qu’affichait l’élève et le sourire amusé de ses camarades ont déclenché chez moi un fou rire que malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pas pu maîtriser. Mon rire contamina l’élève lui-même, puis toute la classe…

Combien de temps cela a duré, je ne saurais trop le dire, mais quand j’ai pu enfin maîtriser mes émotions, je vis une jeune élève de la classe qui me tendait un mouchoir jetable en murmurant :

– Monsieur, vous avez coulé des larmes.

– C’est Papa Wemba qui m’a fait pleurer de rire, ai-je marmonné en la remerciant.

Le calme revenu, nous avons pu établir aisément que les caractères individuels sont les multiples variations d’un caractère spécifique donné. Exemple : la forme du nez, la couleur de la peau, la forme des cheveux, etc.

Ainsi contre toute attente, Papa Wemba s’est invité à mon cours et a réconcilié science et culture, prof et élève. Dans la joie et la gaieté le cours pris fin à la satisfaction de tous.

Chapeau bas l’artiste.


Haïti vu d’Afrique : Le défi d’un nouveau régime d’historicité

Monsieur Victor Gnassounou
Monsieur Victor Gnassounou

Haïti est en pleine crise  politique depuis la démission du président Michel Martely en février 2016. Le parlement haïtien a rejeté, dimanche 20 mars, le gouvernement du premier ministre Fritz Alphonse Jean, nommé par le président intérimaire de Haïti Jocelerme Privert. Ce dernier doit organiser le 24 avril  le second tour de l’élection présidentielles interrompue et des législatives partielles et remettre le pouvoir le 14 mai à un président élu par le peuple. Dans cet imbroglio politico-économique, quelles solutions à cette crise interminable ?

A la faveur d’une rencontre avec Monsieur Victor Gnassounou, Professeur de philosophie politique à Libreville et surtout auteur d’un article intitulé : « Haïti : Le défi d’un nouveau régime d’historicité », publié chez Présence Africaine dans la revue culturelle du monde noir : «  Haïti et l’Afrique » N° 169, Paris, 2004, pp. 41-56, j’ai  eu l’opportunité de confronter mes interrogations sur Haïti avec la pensée du philosophe.

Dans l’entretien qu’il m’a aimablement accordé et que je publie ici in extenso, Monsieur Victor Gnassounou, fait un décryptage du passé et du présent d’Haiti et à travers la dialectique du passé et du présent, attire l’attention sur l’urgence pour les Haïtiens d’être à la fois des peuples du temps et de l’espace, pour rompre, comme le dit plus clairement S. Huntington, leur double isolement : culturel et géographique

Monsieur Victor Gnassounou, merci pour cet entretien exclusif que vous avez bien voulu m’accorder.

Monsieur Victor Gnassounou, dans votre article : « Haïti : Le défi d’un nouveau régime d’historicité », vous avez, rappelé la pensée d’Aimé Césaire dans le Cahier d’un retour au pays natal: « Haïti » « Terre des montagnes » Ou « La négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité ». Mais depuis ce glorieux événement, Haïti est plus à genou que debout. Quelle appréciation du philosophe sur cette douloureuse trajectoire ?

Par association d’idées, l’évocation de la douloureuse trajectoire d’Haïti m’a fait penser à Hegel.  Lire Hegel, c’est comprendre que l’Histoire ne met en scène que des tragédies ! Il parle de calvaire de l’histoire et ose la métaphore lugubre de  « vallée d’ossements » pour donner une intuition de la réalité historique. Le bonheur est l’apanage des peuples sans histoire. Donc, cette douloureuse trajectoire fournit une indication irrécusable : quelque chose s’est passé en ce lieu, un petit point à l’échelle du globe terrestre, mais quelque chose  digne d’intérêt pour l’Histoire du monde, au-delà de la singularité du destin tragique de ces enfants d’Afrique, déportés, esclavagisés, qui ont farouchement refusé leur condition et leur avenir de parias, d’êtres  « ensauvagés », exclus de la grande famille des humains. L’ironie de l’histoire dans le cas d’espèce, c’est de faire voir, par ses effets grossissants dont seule l’histoire a le secret, la bêtise et l’égarement des maîtres d’œuvre de cette tragédie : esclavagistes, coloniaux, impérialistes de tout poil etc. Enfin, douloureuse trajectoire, parce qu’après quelques batailles engrangées, la lutte continue. L’ennemi est une hydre, un mal qui se reproduit à mesure qu’on l’éradique.

« A genou »/ « debout », ces postures au sens propre du terme, appliquées ou non à Haïti,  doivent être perçues à la fois comme des phases et le moteur interne, la dynamique de l’histoire, qui enveloppe ce que font les hommes mais aussi ce qui arrivent aux hommes, en dépit de leur volonté. Ce qui reste prégnant à mon esprit,  c’est la Révolution Haïtienne et son impact mondial. Un exemple : l’abolition du système esclavagiste. Les Haïtiens, en 1804, ont donné corps à l’espérance d’une société sans hiérarchie raciale. Je ne peux pas ne pas continuer à voir les Haïtiens comme un peuple historique,  debout,  face aux autres peuples du monde, en dépit de tous les épisodes plutôt désespérants de leur  histoire et  plus singulièrement poignants au regard leur actualité politique.

Un jeune poète et ami haïtien Eliphen Jean parlant de son pays a écrit : « Quand on parle d’accord diplomatique entre Haïti et d’autres pays, j’entends surtout des accords complomatiques ». A votre avis, toute l’histoire d’Haïti ne serait que complot ?:

Je salue la  justesse du néologisme. Mais, la connotation conspirationniste du terme ne correspond pas à ma lecture des accords diplomatiques. Ainsi, pour ma part, je parlerai de jeu de dupes, et pour me faire mieux comprendre, de marché de dupes. Le dupé, celui qui est abusé, c’est bien entendu et invariablement le plus faible. Nous sommes dans un monde où tout se vend ou s’achète, y compris les vertus, intellectuelles morales, spirituelles, les biens symboliques …. L’efficacité diplomatique est évaluée en fonction de sa valeur marchande (on parle même sans gêne de diplomatie économique). On a beau baptiser une initiative d’historique, derrière, comme son ombre portée,  suit le profit qu’on peut en tirer.

Je comprends l’exaspération qui a inspiré cette trouvaille, mais c’est la chose la mieux partagée dans les pays du Sud, dans les pays qui subissent la mondialisation. Les accords de Paris sur le climat est une autre déclinaison de cette complomatique. D’un mot, reconnaissons les rapports de pouvoir  et la déloyauté dans la rhétorique diplomatique. Inscrivons ce  néologisme, dans la longue tradition de résistance aux négriers esclavagistes ; il est la métaphore de ce qu’on n’acceptera jamais de revivre, sous n’importe quelle forme, quoi qu’il arrive ; parce que les peuples ne sont pas dupes! En tout état de cause, les Etats n’ont d’initiatives qu’à proportion de leur taille et de leur poids à l’échelle internationale.

Certes, il y a les complots, les dictateurs, mais il y a  aussi eu le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Il y a désormais un avant le tremblement et un après le tremblement. On a le sentiment que même la nature aussi s’y est mise.

Ce partage entre « un avant le tremblement et un après le tremblement » me semble imprudent. La césure n’est pas absolue loin s’en faut. Il faut rendre à l’avenir son incertitude! Je crois qu’on a imprudemment baptisé la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre. Comment qualifier alors, en comparaison, la Seconde Guerre mondiale? La nature a beau s’y mettre comme vous le suggérez,  force est de reconnaître qu’il n’y a pas d’histoire de la nature. Ce sont les hommes qui ont et qui font l’histoire. C’est ce qu’il faut retenir de la sémantique du terme «  d’historicité » : il n’y a d’histoire qu’humaine, que pour une conscience temporelle, tiraillée entre le passé et l’avenir. Il y a un  paradoxe de l’histoire. Les hommes font bien l’histoire ; mais ils  ne sont pas moins déterminés par l’histoire qu’ils font (Cf. C. Marx). En revenant à votre question, je vais élargir le champ de l’histoire en me tournant vers un référent incontournable pour le coup : Marx.  L’histoire a-t-il régulièrement affirmé,   est déterminée par l’activité matérielle des hommes, par les contradictions sociales, politiques (la lutte des classes) et aussi par les aléas naturels où elle s’inscrit. Haïti n’est pas, si j’ose dire, spécialement dans le collimateur de la Nature et ses furies. Evoquons  par exemple le phénomène « El Niño » et son cortège funeste de catastrophes climatiques qui affectent les écosystèmes marins et terrestres. Son impact est mondial : les moussons dans les pays d’Asie du Sud-est, les cyclones violents en Californie, le triste tableau du ciel indonésien, ou du Nordeste brésilien, la liste est ouverte.  Nous ne sommes pas maîtres et possesseurs de la nature ; Par les  séismes, couplés ou non avec des tsunamis, la nature le rappelle souvent au souvenir des Japonais.  Nous avons une forte propension à  l’oublier dans nos accès de griseries scientistes et technologiques. En substance, je vais vous faire une réponse d‘inspiration existentialiste (Sartre),  à l’opposé de toute logique victimaire ou fataliste: l’important, ce ne sont pas les contrariétés que nous oppose la nature, mais notre ingéniosité et nos prises d’initiative pour les rendre compatibles avec la vie sur terre. Faute de quoi, l’aventure humaine sur terre n’aurait plus de sens. Une vision déterministe ou fataliste de la nature ruinerait tout espoir de garder ou de prendre des initiatives historiques, de continuer à croire et à vouloir un avenir meilleur.

Les Haïtiens, vous l’avez aussi rappelé dans votre article, sont des descendants d’africains (Ibos Yoroubas, Fons, Bambaras Wolofs, Mandingues,…). Je rappelle que nous sommes ici à Libreville en terre africaine, que vous êtes de nationalité togolaise et moi de nationalité béninoise. Alors, Haïti et l’Afrique ? Je t’aime, moi non plus ?

Ce que je retiens en tant qu’Africain, Quand il s’agit d’Haïti, ce n’est pas la nostalgie qui bercerait les diasporas noires vis-à-vis de l’Afrique la mère-patrie. L’Afrique après laquelle soupire Carl Brouard, en 1958, c’est l’Afrique  «  des baobabs » » ; c’est Tombouctou, Abomey, Gao, l’empire Manding . En écho, J.  Roumain dit qu’il porte en lui l’Afrique « comme un fétiche au centre du village » (Bois d’Ebène). Je suis pour ma part interpellé par l’expérience de la terreur coextensive à  la déportation et qui  se partage entre nostalgie et affects négatifs, ressentiments, sentiments d’abandon. Importe peu le besoin de se remémorer une généalogie commune, une ascendance commune. Haïti m’a toujours inspiré  une légitime fierté. Haïti,  c’est une saisissante séquence d’une leçon d’histoire mondiale : des Noirs, esclaves, ont appris « aux races exploitantes la passion de la liberté » ( J.-F. Brière, Black Soul) ; l’étonnant, c’est de comprendre,  comment Blancs et Noirs, peuvent se retrouver en lice, pour la conquête des mêmes droits de l’homme ;  pourquoi, les héritiers de Toussaint Louverture, même en exil, n’ont pas renoncé d’«écrire dans toutes les langues,/ aux pages claires de tous les ciels/la déclaration de tes droits méconnus/depuis plus de cinq siècles/en Guinée,/au Maroc,/au Congo,/partout enfin où vos mains noires/ont laissé aux murs de la Civilisation/des empreintes d’amour, de grâce et de lumière… » (ibid). Ce sont des vers haïtiens. C’est tout simplement merveilleux.

L’expérience traumatisante de la déportation et de l’esclavage s’est cristallisée de façon emblématique dans le vaudou, mais aussi dans les domaines de la création (l’art la littérature). Le vodou a largement  inspiré la peinture naïve haïtienne, mondialement reconnue. La spiritualité haïtienne, à travers les rites vodou nous offre un bel exemple de syncrétisme religieux,  irréductible à sa souche béninoise. Le mouvement indigéniste haïtien exalte à partir de 1927 une Afrique mythique, c’est-à-dire précoloniale, aujourd’hui en agonie prolongée, celle avec laquelle  le discours ethnologique a fait ses choux gras ; le malentendu a persisté, jusqu’aux années des indépendances africaines. Il faut bien intégrer que le destin d’Haïti se joue aujourd’hui singulièrement dans les caraïbes, et symboliquement avec l’Afrique.

L’élection en 2010 de l’ex président Martely a suscité en Haïti comme partout ailleurs un grand vent d’espoir. Mais hélas, l’aventure s’est terminée en queue de poisson. C’est le serpent qui se mord la queue ?

En effet, en écrivant « des Soulouqueries[i] aux Tontons Macoutes[ii], c’est l’expérience singulière de l’intermittence du malheur qui semble définir le régime d’historicité d’Haïti », j’avais en vue Ouroboros, le nom grec du serpent qui se mord la queue.

A propos de l’ex président Martely, je dirai qu’une hirondelle ne fait pas le printemps ; non plus que les soubresauts politiques du moment, les tribulations d’un mandat présidentiel ne sont pas rédhibitoires. L’échec ou non de Martely ne scelle pas l’avenir d’Haïti. « La démocratie ne consiste pas à s’unir mais à savoir se diviser. L’unanimité, le plein accord, est un mauvais signe. » Alfred Sauvy – La Tragédie du pouvoir (1978). Un peu de la même veine ; « Toute démocratie est un désordre raisonnable » Dominique Shnapper (membre du Conseil Constitutionnel de 2001 à 2010). Ces deux citations, mis en regard, illustrent la dynamique propre des   démocraties contemporaines. Elles sont, au dire de l’essayiste français Pascal Bruckner plus source de mélancolie que de bonheur.

Pour faire court, je dirai que l’actualité politique haïtienne ne peut se passer de l’éclairage du passé. On peut dire que le solde net positif de la Révolution haïtienne est  l’abolition de l’esclavage. Mais, cette révolution n’a pas pour autant réussi à instaurer une société post-raciale. Pour une bonne part, cela est imputable au communautarisme colonial blanc. Comme l’écrit Françoise Vergès, « Les Blancs ne se mélangeaient pas ». Toussaint Louverture est l’emblème politique des Noirs, exclusivement. Les sang-mêlés ont aussi leur emblème, c’est Rigaud, grand rival de Toussaint Louverture. Cette double mémoire antagonique de l’esclavage et de cette expérience singulière de l’affranchissement est encore vivante, et irrigue l’imaginaire social, politique, artistique du peuple haïtien ; ce qui explique l’indocilité, la turbulence endémique des Haïtiens. On ne peut occulter les enjeux de la mémoire quand on analyse les inégalités économiques et sociales qui gangrènent la République d’Haïti. Les relations délicates par exemple d’Haïti avec la République dominicaine révèlent des traces résiduelles d’un lourd passé, configuré par le système esclavagiste, les projets coloniaux et impériaux, la proclamation de la première République noire du monde ; manifestement, entre toutes ces strates du passé haïtien, la greffe n’a pas pris.  Idem pour les relations difficiles d’Haïti avec la France, les Etats-Unis que nous avons évoquées sous le prisme de la complomatie.

Faut-il pour autant désespérer d’Haïti ?

Vu sous un angle, on peut désespérer d’Haïti. Des signes récurrents et implacables du Destin sont irrécusables. Sous un autre angle, c’est tout simplement pas juste. Haïti, c’est aussi Toussaint Louverture. C‘est aussi pour les peuples encore aujourd’hui dominés, je pense aux Africains,  une leçon d’histoire : la réappropriation  de soi, de  sa dignité humaine est une tâche, un combat infini. L’enchevêtrement des mémoires des malheurs du Noir est inextricable ; l’une remonte à un épisode biblique : la malédiction de Cham. D’où le dilemme : mémoire ou oubli ? Les deux termes de l’alternative n’offrent aucune identité apaisée, confiante.

C’est un fait que l’histoire est tragique. Elle ne justifie pas pour autant le quiétisme, et ne doit nullement se lire comme la chronique d’une défaite annoncée. Il faut faire jouer, jusqu’au bout, si tant qu’on puisse parler d’un bout, la dialectique de l’histoire, c’est-à-dire, l’antagonisme de la « force des choses » et la volonté humaine d’en triompher. Dans les pires moments de son existence, un peuple peut se répandre en complaintes. Mais, le chant du cygne, c’est pour les cygnes, pas pour les peuples !

Irez-vous jusqu’à penser comme  Thélyson Orélien, poète et auteur haïtien qui, dans son dernier livre : « Le temps qui reste » publié aux Editions des Marges en 2015, estime que dans le temps qui reste à Haïti, il y a de la place pour l’humanité et pour l’amour.

Le titre du livre de Thélyson Orélien, sans une idée précise du contenu,  suggère l’idée d’un compte à rebours avec la nécessité d’un bon usage du peu de temps qui reste, même si dans la réalité, il reste une éternité. L’humanité commence pour les Grecs avec la philia, « l’amour-amitié », le lien social. Aristote définit l’homme comme un être vivant, doté du logos, raison-langage, et ayant vocation à vivre parmi ses semblables.  Le pari du livre de Thélyson Orélien, l’humanité et l’amour,  que je n’ai pas lu, l’inscrit dans un registre politique au sens étymologique du terme. Je remarques aussi qu’il est en résonance avec  les vers de Black Soul de J.F. Brière que j’ai déjà cités : «   écrire dans toutes les langues, / aux pages claires de tous les ciels/la déclaration de tes droits méconnus/depuis plus de cinq siècles/en Guinée,/au Maroc,/au Congo,/partout enfin où vos mains noires/ont laissé aux murs de la Civilisation/des empreintes d’amour, de grâce et de lumière… »

Quelles conjectures sur l’avenir pour les élites politiques haïtiennes, mais aussi pour le peuple haïtien tout entier afin de lever le défi d’un nouveau régime d’historicité pour Haïti ?

Certes, Haïti a déjà relevé un défi, un ce premier jour du premier mois de l’An 1804, en proclamant la République. Il incarna ainsi une nouvelle figure de la liberté, c’est-à-dire la  définition d’une humanité élargie, non restreintes aux limites géographiques et culturelles de l’Occident, et non indexée sur la notion de race. Comme le dit Césaire, il a enseigné au monde, un humanisme à la mesure du monde. De 1804 à 2016, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, avec des fortunes diverses. C’est l’actualité politique d’Haïti qui justifie la pertinence d’une interrogation sur la nécessité d’un nouveau régime d’historicité pour Haïti. De façon abrupte, je veux dire qu’il est urgent, pour la classe politique et le peuple haïtien de  porter la promesse d’une autre expression d’un destin commun. Sinon, 1804 rétrospectivement s’inscrira comme une victoire à la Pyrrhus. Le défi haïtien, c’est son isolement géographique et culturel. Diagnostic d’un esprit affûte, S. Huntington : «  Les élites d’Haïti étaient traditionnellement liées à la France, mais la langue créole, la religion vaudou ainsi que ses origines dans les révoltes d’esclaves et son  histoire agitée font de cette île un pays isolé…. En Amérique latine, disait le président du Panama, Haïti n’est pas reconnu comme un pays d’Amérique latine. Les Haïtiens parlent une langue différente. Ils ont des racines ethniques  différentes, une culture différente. Ils sont en tout point différents » Haïti est tout aussi isolé des pays noirs anglophones des Caraïbes…Haïti, « voisin dont personne ne veut », est véritablement un pays seul [iii]». Je pense que les Haïtiens, en 2016, ne doivent pas être dans la nostalgie des temps glorieux d’un passé héroïque. Regardez l’exemple de la France. Elle s’est assignée à demeure, en Europe, dans son interminable rêve d’Empire. Elle continue à se voir grande, dans le déni de sa situation économique actuelle. 9e rang selon le FMI. Il n’y a donc pas une rente de situation liée au statut de peuple du temps[iv]. L’imaginaire social des peuples du temps est orienté vers le passé. Celui des peuples de l’espace, comme l’Amérique, se tourne vers l’avenir, vers ce qu’il y a à conquérir (Nouvelles frontières de l’Amérique sous la présidence de Kennedy). L’enjeu d’un nouveau régime d’historicité, c’est de réussir à dialectiser  l’imaginaire social pour qu’il se déploie en fonction des trois dimensions du temps : passé-présent-avenir et en rapport avec l’espace (Chronotope selon Bakhtine).

Les Haïtiens ont à être à la fois des peuples du temps et de l’espace, pour rompre, comme le dit plus clairement S. Huntington, son double isolement : culturel et géographique.

Une fois encore, merci Monsieur Victor Gnassounou pour cette  contribution  remarquable à la compréhension d’Haïti. Votre mot de la fin.

Je pense, fort à propos, au titre du livre  autobiographique du philosophe Louis Althusser, abstraction faite de son contenu : L’avenir dure longtemps, Paris, édition Stock, 2007. Ceci nous autorise à croire qu’il y a du temps pour les haïtiens pour  réinventer une citoyenneté conviviale, aux ancrages multiples, ouvertes à toutes les mémoires, à toutes les histoires,  à toutes les intrigues qui se sont nouées sur cette terre des montagnes.

Note

I Soulouque ( Faustin) . Homme politique haïtien ( 1782 -1867 ) Elu président en 1847, auto-proclamé empereur en 1849 sous  le nom de Faustin 1er . L’expression désigne la corruption et la  terreur qui ont marqué son règne
II Les Tontons Macoutes, milice créée par le didacteur François Duvalier qui prend le pouvoir en 1957 ;  cette milice fut dissoute en 1986 après la chute de son fils Jean-Claude Duvalier.
[iii] S. Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, O. Jacob, 2000, p. 195.
[iv] C’est Armand Hoog, dans sa chronique du Figaro en date du 4 mai 1977 qui fait cette distinction entre les peuples du temps et les peuples de l’espace. Il écrit : «  La France politique déjeune et dîne de son histoire ancienne. Elle s’y cramponne ».


Il était une fois, Boni Yayi, président du Bénin

Boni Yayi

Le 06 avril 2016, au terme de ses deux mandats constitutionnels, le président Thomas Boni Yayi laissera la place à son successeur élu, Patrice Talon.  L’heure est désormais au bilan de son action à la tête du Bénin. L’occasion de revisiter les temps forts de ses deux mandats pour mettre en exergue ce que l’histoire retiendra de ce président à mille et une facettes.

Avril 2006, Boni Yayi, béninois de la diaspora et  candidat indépendant accède à la magistrature suprême au Bénin. Économiste de formation, banquier de développement de profession,  directeur de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) avec résidence à Lomé au Togo, technocrate émérite, il a su finement manœuvrer depuis la capitale togolaise pour se porter candidat à la présidentielle de 2006 au Bénin et rafler la mise démocratique au nez et à la barbe des leaders politiques traditionnels béninois. Il sera réélu pour un second mandat en 2011 à l’issue du premier tour d’un scrutin calamiteux dont le souvenir n’est pas près de s’effacer de la mémoire collective des béninois .

Il faut dire qu’en 2006, le projet de société de Boni Yayi et surtout son slogan de campagne : « ça va changer, ça doit changer », ont beaucoup séduit les béninois qui ont massivement voté pour lui sans vraiment connaitre l’homme. C’est donc tout au long de ses deux mandats que les béninois ont appris à connaitre et à apprécier l’homme. Un brin idéaliste, volontairement pragmatique et hyperactif, manifestement crooner et populiste, l’homme est souvent trahi par une conception dualiste et manichéenne du pouvoir  qui a relativisé son action et fragilisé l’unité nationale. Au fil des ans, les uns l’ont adulé jusque dans ses travers, ses faiblesses. D’autres l’ont abhorré jusque dans ses exploits, ses prouesses. Autant dire que l’homme à plusieurs facettes  intimement liées et souvent contrastées.

Boni Yayi, l’idéaliste

Avec son slogan de campagne : « ça va changer, ca doit changer », Boni Yayi a fait rêver plus d’un béninois. Dès son accession au pouvoir, en 2006, il avait donné le ton. « Mon ambition est de faire du Bénin un pays de services ». Pour ce faire le plan d’actions projetées par le président promettait monts et merveilles. Il s’est engagé à faire passer le taux de croissance du pays, estimé alors à 6%, à un  taux de croissance économique à deux chiffres et faire accéder le Bénin au rang des pays émergents. Le port de Cotonou, poumon économique du pays, sera modernisé et mis au diapason du port de Singapour. La vallée du fleuve Ouémé est déclarée la deuxième plus grande vallée au monde après celle du Nil et sa mise en valeur programmée générera des dizaines de milliers d’emplois. Une lutte sans merci sera livrée contre la corruption et les gains engrangés seront redistribués pour réduire la pauvreté et assurer la prospérité partagée.

Dix ans après, le taux de croissance économique n’a jamais dépassé les 6%, le port de Cotonou a été légèrement modernisé, la vallée de l’Ouémé attend toujours les investissements promis, la corruption ne s’est jamais mieux portée dans le pays et la pauvreté s’est amplifiée.

 Boni Yayi, le bâtisseur

Au bout de ces dix ans, tous les observateurs sont unanimes pour dire qu’il y a eu un développement remarquable des infrastructures. Le volet routier est le secteur dans lequel le président Boni Yayi a été le plus actif. Pendant ses deux mandats, son action a permis d’étendre le réseau routier national de 1 000 km, contre seulement 1 820 km en quarante-cinq ans pour ses prédécesseurs selon Gustave Sonon, le ministre des Travaux publics et des Transports. Il faut ajouter aux infrastructures routières, quelques unités de transformations agro industrielles.

 Il y a également eu plusieurs avancées sociales sous Boni Yayi notamment la gratuité de la césarienne, de l’école primaire publique pour tous, de l’enseignement secondaire seulement pour les filles, une augmentation sensible des rémunérations salariales et le RAMU, régime d’assurance maladie universel.

Toutefois si les infrastructures routières se sont considérablement améliorées, la question énergétique reste problématique. Les béninois  dénoncent les délestages trop fréquents dans le pays. Le Bénin reste dépendant de ses voisins nigérians, togolais et ghanéen. Tous les investissements entrepris pour une autonomie énergétique se sont soldés par des fiascos.

Boni Yayi le crooner

Dans les annales politiques du Bénin, Boni Yayi est le seul président dont le discours a le plus prêté au vocabulaire religieux et surtout sentimental. Non seulement le bon  Dieu est invoqué à presque tous ses discours, mais à l’adresse des femmes béninoises, son discours est très fleuri. « Vous êtes toutes belles ! Je vous aime ! Je vous adore ! »  « Vous êtes une force politique, c’est à vous de vous battre. A la prochaine législature, c’est à vous d’imposer la parité ». Ce sont là quelques phrases qui comme une ritournelle, ont ponctué toutes les adresses de Boni Yayi à la nation. Cette stratégie a permis à Boni Yayi de gagner plusieurs batailles politiques sans que la cause des femmes n’ait pas évolué.

Boni Yayi, « l’homme jamais au courant »

De tous les présidents élus de l’ère démocratique au Bénin, le président Yayi Boni est objectivement celui dont l’élection a suscité le plus d’espoir dans le pays (75% des suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle de 2006), mais aussi celui dont les deux mandats auront connu les scandales politico-financières les plus stupéfiants. Au total près d’une dizaine de scandales ont ponctué les dix ans de Boni Yayi à la tête du Bénin. Mais, scandale après scandale, il y a une constante qui revient chaque fois et qui au delà de la stupéfaction interpellent.

Chronologiquement, la première affaire d’envergure qui a défrayé la chronique sous l’ère Boni Yayi est l’affaire dite de la Cen-Sad, Une série de dysfonctionnements  et de malversations dans la passation de marchés et dans la qualité des travaux réalisés au Bénin pour accueillir le dixième Sommet de la Communauté des Etats Sahélo Sahariens (CEN-SAD), tenue à Cotonou les 17 et 18 juin 2008. Le rapport de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) a mis tout le tort sur le dos de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Soulé Mana Lawani. Ce dernier clame que les surfacturations constatées ont été planifiées par le président en collaboration avec son ministre de  l’équipement, François Noudegbessi.

Interpellé sur ce scandale qui défraie la chronique, au cours une interview accordée à la télévision nationale en collaboration avec Golfe TV, à l’occasion de la fête de l’indépendance du 1er août 2009,  avec une sérénité  déconcertante le chef de l’Etat a simplement répondu : « Je ne suis pas au courant ». Dès lors entre la parole du ministre et celle du président, le peuple ne sait plus qui croire. Dans ce cas seul un tribunal pouvait permettre de clarifier, mais aucun tribunal n’a été saisi et le dossier est toujours pendante.

La deuxième affaire qui a défrayé la chronique est l’affaire ICC Services,  une affaire d’escroquerie et de détournement d’épargne organisée par ICC Services, une société de placement d’argent. Une affaire Madoff à la béninoise selon certains commentateurs. Selon un rapport de la banque mondiale, environ 150 milliards de franc CFA sont soutirés de l’épargne des populations par une bande des personnes dont la grande  proximité avec les pouvoirs publics a largement contribué à abuser les épargnants.

Interpellé pour la première fois par la chaîne panafricaine, Africa 24,  sur cette escroquerie à la Madoff  qui défraie la chronique au Bénin, la réaction de Boni Yayi en a surpris plus d’un: «Affaire ICC, je n’étais pas informé. Dès lors qu’on m’a mis au courant de cette affaire, j’ai mis tout le monde en prison ». Le dossier est toujours en instance.

La troisième affaire d’envergure qui a défrayé la chronique est l’affaire liée au Programme de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-ng). C’est une importante réforme introduite dans les activités portuaires et douanières par le gouvernement en 2010. Elle est mise en œuvre par le groupe Bénin Control Sa de l’homme d’affaire béninois, Patrice Talon, adjudicateur de l’appel d’offre international.  Mais un an après le début de la mise en œuvre du PVI, le mercredi 02 mai 2012, le gouvernement a décidé en conseil des ministres de «suspendre provisoirement le contrat de travail» qui lie l’Etat à la société Bénin Control dans le cadre de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-ng).

La première explication est venue du Ministre de l’Economie Maritime Valentin Djenontin. Le président a t-il expliqué n’a pas lu le contrat avant de le signer. Face au tollé général provoqué par cette sortie médiatique ratée, le chef de l’Etat lui-même est sorti pour clarifier les propos de son ministre : « Lorsque le secrétaire général de la présidence m’a apporté le contrat, je lui ai demandé si peux signer?  Il a répondu oui. Je peux signer ? Il a redit oui.  j’ai ajouté si je signe et que quelque chose arrive demain, tu es un homme mort ». Le secrétaire général de la présidence se porte comme un charme, il a même été promu et  l’affaire continue de mousser l’actualité nationale et internationale du pays par ses multiples ramifications.

Et ainsi, affaire après affaire, le scénario est toujours le même. La main sur le cœur, le président professe qu’il n’était pas au courant. Comme on peut le constater, l’argument : “je n’étais au courant, je n’étais pas informé“ est  caractéristique de la gouvernance de Boni Yayi. Mais comment comprendre que des informations connues qui font le buzz dans le pays ne parviennent pas à la connaissance de celui qui reçoit tous les jours sur sa table de travail des rapports sur l’état du pays de la part de la sureté nationale, des services de renseignements et des différents services de communication aussi bien institutionnels qu’officieux ?  Les mémoires de Boni Yayi permettront peut-etre un jour de répondre à cette question.

 

Boni Yayi le dangereux

De toute évidence, le président Boni Yayi supporte très mal la contradiction ou les contrariétés. Toutes les fois qu’il rencontre des résistances  dans la mise en œuvre d’un projet, il a souvent opté pour la méthode forte avec menaces, insultes et attaques contre les personnes opposées au projet avant de se raviser et de se confondre en excuse.

Ainsi après trois années de grâce, la contestation contre la gouvernance de Boni Yayi a commencé par s’organiser en 2009, dès lors, les déclarations du chef de l’Etat ont commencé aussi par se durcir.

Les premiers propos polémiques de Boni Yayi sont rapportés par la député Rosine Vieyra Soglo à l’ouverture de 6ème session extraordinaire de l’Assemblée en 2010.

« Votre président, je vais vous dire ce qu’il a dit sur vous. Chez moi et devant plusieurs témoins. Il a dit : …Les députés, je vais vous cogner. Il a répété ça quatre fois…Il a terminé en disant: Je vais mettre le pays à feu et à sang ». Ces propos, aussi troublants soient-ils, n’ont été à ce jour, ni démentis ni confirmés.

La présidentielle de 2011 et le K-O électoral surprise de Boni Yayi au premier tour du scrutin a amplifié la fronde syndicale et la contestation politique. Dans une émission baptisée : « Boni Yayi à cœur ouvert », diffusée  dans le cadre des festivités de la fête de l’indépendance du 1er  août 2012, les propos du chef de l’Etat destinés à calmer le jeu ont plutôt jeté l’émoi dans le pays : « …J’ai appris qu’ils vont réunir les syndicats, les magistrats et autres pour former un front uni pour me faire partir ? Moi Yayi ? Ils sont trop petits…Ils parlent comme si je n’ai pas mes partisans dans le nord profond. Ils n’ont qu’à réunir leur gens et je leur opposerai les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter ». Cette déclaration très clivant lui a valu une condamnation de la Cour Constitutionnelle, pour « méconnaissance de la constitution».

La radicalisation des revendications syndicales en 2013 et la brouille de Boni Yayi avec l’opérateur économique Patrice Talon alors  réfugié à Paris ont engendré une crise de paranoïa chez le chef de l’Etat. Dans un discours, face à la jeunesse lors  d’une cérémonie de présentation de vœux du nouvel an le 27 janvier 2014, Boni Yayi n’est pas allé du dos de la cuillère contre ses pourfendeurs  (syndicalistes et opposants politiques) :  «  Ils vont à Paris … je les suis…je suis au courant de tout…je les ai tous…ils sont dans mes mains… je les attends… je vais bondir et je bondirai sur… ils verront… il peut avoir la guerre… vous les jeunes je vous le jure… le père céleste créateur du ciel et de la terre…vous êtes mon bouclier, je serai avec vous au ciel ou sur la terre…les syndicalistes…le président ne peut plus toucher quelqu’un…il vont utiliser de l’encre rouge pour simuler le sang…pour ternir mon image…l’image de la République… »

Le plus renversant des propos de Boni Yayi sont rapporté par l’opérateur économique Patrice Talon lors d’une interview dans l’émission “Invité Afrique“ de RFI : « Patrice tu sais, tu cours un risque en me résistant. Parce que je suis après tout le président du Bénin. Le président a beau être ton père, ton frère, ou même ton fils, il faut savoir qu’un chef d’Etat peut être dangereux pour toi. Révise ta position. Je suis encore là. »

Nul n’est besoin de revenir sur les nombreuses autres déclarations publiques de Boni Yayi notamment pendant la campagne présidentielle de 2016, pour l’élection de son successeur. Tous les challengers de son dauphin choisi, Lionel Zinsou,  ont été traité de tous les noms d’oiseau. Des propos qui ont choqué au-delà des frontières du Bénin.

Le mot de la fin dans ce registre revient à Boni Yayi lui-même. Faisant ses adieux au corps diplomatique et consulaire accrédité à Cotonou le 1er avril 2016, il a confessé : « Tout ce que vous avez entendu pendant la campagne électorale, mettez ça sous le coup des intrigues politiques. Maintenant c’est fini. »

Le 06 avril 2016, le rideau tombera définitivement sur cette figure emblématique de l’échiquier politique béninois. Il passera le témoin à son ami d’un moment devenu sont ennemi intime. Nul doute qu’on le reverra dans un autre rôle dans la république après le 06 avril 2016, un rôle qu’on espère moins “dangereux“, moins “intriguant“, plus consensuel et plus républicain.


Bénin : Lionel Zinsou, le bien aimé mal venu

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Dans la vie comme en politique, pour réussir, Il ne suffit pas d’être bon,

Encore faut-il  être à la bonne place et au bon moment.

C’est la grande leçon de la présidentielle 2016 au Bénin avec Lionel Zinsou.

Ancien élève de la prestigieuse Ecole Normale Supérieure française,

Économiste de renom et banquier d’affaire émérite,

Brillantissime intellectuel et chantre de l’Afro-optimistes,

Un, parmi les 100 personnalités  qui ont marqué l’Afrique en 2015,

L’homme ferait, à coup sûr, un bon président pour son pays le Bénin.

Pourtant, sa candidature à la présidentielle de 2016,

S’est soldée par une bérézina.

35% des suffrages contre 65% pour son challenger Patrice Talon.

La méprise, à mon sens, vient plus de lui-même que de son peuple.

Et pour cause !

Le projet de sa candidature porte, en lui, les germes de sa défaite.

Un projet mort né qui avait tout pour échouer.

 Aussi bien le parrainage, le timing, le casting et le marketing,

Tout concourrait pour discréditer le candidat.

Tout était bon pour vouer le projet et l’homme aux gémonies.

D’abord  le parrain du projet,

Le président sortant, Boni Yayi, pour ne pas le nommer,

Un choix plutôt controversé et inopportun.

Boni Yayi, c’est l’homme des scandales à répétition et des discours clivant.

C’est le président  qui  à cherché en vain à modifier la constitution,

Juste pour briguer un troisième mandat.

C’est l’homme que le peuple a déjà désavoué aux législatives 2015.

C’est une page de l’histoire que la majorité des béninois voulait voir tourner.

Il n’y avait donc pas plus mauvaise lettre de recommandation qui soit,

Que  celle d’être présenté comme le candidat choisi et imposé de Boni Yayi.

C’était la première erreur à éviter, ce fut la première méprise du candidat.

Et le timing du projet ?

 Le moins qu’on puisse dire est qu’il est improbable.

Revenu au pays à la faveur d’une nomination au poste de premier ministre,

C’est un come back honorable et honorant.

Briguer la magistrature suprême six mois après,

Cela laisse plutôt perplexe.

Et que dire de l’investiture du candidat par la mouvance présidentielle ?

 Une investiture plutôt  sujette à caution.

Elle fut acquise après les primaires auxquelles il n’a pas participé,

Mais telle était la volonté de Boni Yayi, parrain du candidat.

En somme, une candidature, à l’interne, controversée et frustrante.

Ainsi, pour un enjeu aussi grand que l’avenir de toute une nation,

 Juste six mois de coaching et : Veni, Vedi, Vici.

Non, c’était trop beau pour être vrai.

C’est se tromper de lieu et d’époque.

C’est une légèreté dont il fallait se garder

Ce fut la deuxième méprise du candidat.

Quid du casting ?

Un regroupement des trois plus grands partis politiques du pays.

Avec une constellation de personnalités plus ou moins avenantes.

Kountché, Houngbédji, Soglo Junior, Kassa, Houndété…

Sur le papier, c’est une alliance, à coup sûr gagnante.

Surfant, chacun pour son compte, sur la valeur intrinsèque du candidat,

Par des calculs hypothétiques et fallacieux, ils ont miroité au candidat,

Une victoire directe au premier tour du scrutin.

Mais la politique n’est pas qu’une simple arithmétique.

En réalité, c’était une alliance dissonante et discordante.

Des personnalités qui s’étaient par le passé toujours combattus.

La dernière en date fut la lutte pour le contrôle du perchoir de l’Assemblée.

 Komi Kountché de la mouvance présidentielle

Et Adrien Houngbédji pour les partis d’opposition,

S’étaient affrontés dans un duel mémorable.

Le peuple qui voulait la rupture a applaudit la victoire de Houngbédji.

Et dix mois après, les voilà réunis autour d’une même candidature.

Tout ça, pour ça ?

Non ! Cette alliance soudaine dérange et contrarie.

Elle suscite plus la défiance que l’adhésion.

De toute évidence, Lionel Zinsou maîtrisait mal le terrain.

On lui a prédit une victoire K-O, il y a cru…

 C’était la troisième méprise du candidat

Enfin que dire du marketing?

Il était, pour dire vrai, lamentable.

Le discours était à la continuité,

Alors que la demande sociale était à la rupture.

Pendant dix ans Boni Yayi a exercé un leadership chaotique.

Adepte de la stratégie du diviser pour régner,

Il a  opposé régions, religions et enfants de la même patrie,

Discrédité les  institutions et ruiné les partis politiques.

Il a mis la nation sens dessus  dessous.

La nation recherchait donc  son sauveur.

Dans un tel contexte, le discours de la continuité heurte les cœurs.

Il va à contre sens de la volonté populaire.

En somme, c’est un discours vieux jeu. La preuve,

 Le candidat faisait de grands efforts pour se montrer homme nouveau.

Mais il est perçu par la majorité comme un avatar de Boni Yayi.

Même si dans un dernier sursaut, il a dû confesser dans à la presse

Que son style est différent de celui impulsif de Boni Yayi,

Le mal était déjà fait. La suite on la connait…

La démocratie est cruelle, mais aussi géniale.

Le jeu démocratique a fait de Lionel Zinsou,

Non pas le chef de l’Etat, comme voulu ardemment,

 Mais plutôt le chef de l’opposition, non souhaité certainement.

Désormais débarrassé de tous et de tout,

C’est une mise à l’épreuve et un timing crédible pour se valoriser.

La magistrature suprême mérite bien ce sacrifice.

 Sinon cela n’était donc pas écrit.


Présidentielle au Bénin : la guerre du « coup K-O » n’aura pas lieu

Lionel Zinsou et Patrice Talon

 

La Cour constitutionnelle du Bénin a proclamé, dimanche 13 mars, les résultats de l’élection présidentiel au Bénin qui s’est tenu le 6 mars. Un second tour sera nécessaire pour connaitre le successeur de Boni Yayi  au palais de la Marina. Il opposera Lionel Zinsou, l’actuel premier ministre arrivé en tête du scrutin et l’homme d’affaire Patrice Talon arrivé en seconde position.

Le fameux  « coup K-O »  annoncé à grand renfort médiatique par l’Alliance Républicaine soutenant la candidature du premier ministre Lionnel Zinsou pour la présidentielle au Bénin en 2016 n’a pas eu lieu. La Commission électorale nationale autonome (Céna) a délivré le mardi 8 mars les « grandes tendances » du premier tour de l’élection présidentielle du 06 mars 2016. Selon ces grandes tendances,  le candidat de la mouvance au pouvoir, Lionel Zinsou, arrive en tête avec 28,44 %, des suffrages exprimés devant Patrice Talon (24,80 %) et Sébastien Ajavon (23,03 %). Abdoulaye Bio Tchané, ancien patron Afrique du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) arrive en quatrième position avec 8,79 % des voix et l’ancien Premier ministre Pascal Irénée Koupaki crédité de 5,85 % ferme le quintet gagnant.

Ces grandes tendances annoncées, de l’avis même du président de la Céna, ne sont que les chiffres obtenus après compilation des résultats des 546 arrondissements. Elles ne représente donc pas les résultats du scrutin que seule la Cour Constitutionnelle est habilitée à proclamer. Toutefois ces tendances indiquent clairement qu’aucun candidat n’a pu réunir les 50% nécessaires pour le K-O et donc qu’un second tour aura lieu pour départager les deux meilleurs.

Rappelons pour mémoire qu’à l’élection présidentielle de 2011, l’actuel chef de l’Etat avait été proclamé vainqueur dès le premier tour du scrutin réalisant ainsi le premier « coup KO » de l’histoire démocratique du pays. Cette victoire miraculeuse qui a pris de court le peuple tout entier est restée comme un grain de caillou dans les bottes de la démocratie béninoise. Visiblement, il ne faisait l’ombre d’un doute dans l’esprit de tous les béninois, aussi bien des partisans du président proclamé élu que de ses opposants,  que ce « coup K-O » ne correspondaient pas à la réalité des urnes, et la révolte populaire flottait dans l’air.  En prévision de la grogne sociale inévitable, eu égard à ce résultat incompréhensible, le pouvoir en place avait pré positionné, avant l’annonce des résultats, des chars d’assaut dans les grandes villes qui sont les fiefs  des partis d’opposition ce qui, en vingt ans de démocratie, ne s’était jamais produit. Des chars face à des manifestants pacifiques à Porto-Novo, l’image en rappelle une autre dans un passé de triste mémoire.

Visiblement, l’arsenal répressif mis en place a été si dissuasif qu’en dehors de quelques manifestants téméraires, le fait accompli a été consommé. Le peuple béninois aucunement dupe sur ce K-O miracle a laissé faire, semble t-il, pour éviter le scénario  ivoirien, encore vivace, dans les esprits à cette époque là, mais assuré qu’on ne l’y reprendra plus.

Il faut dire que pour la présidentielle 2016, la perspective d’un remake de ce « coup K-O » miracle hantait tous les esprits surtout que les partisans du candidat du pouvoir en place le chantaient à cor et à cri. Aussi la lutte pour la transparence du scrutin a été le cheval de bataille des différents candidats en lice et des organisations de la société civile pour empêcher toutes manigances.

Toutefois, le candidat Lionel Zinsou bénéficie du soutien de trois grandes formations politiques au Bénin et surtout celui du président sortant. Théoriquement, il pouvait donc gagner dès le premier tour si les militants et sympathisants de ces trois partis réunis au sein de l’Alliance Républicaine respectaient effectivement les consignes de vote des leaders de ces partis. Dans un tel cas,  le « coup K-O » serait transparent et corroboré par les compilations des résultats réalisées par les  différents états major des autres candidats et des organisations de la société civile. Face à un tel K-O, la messe serait dite. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les uns et les autres se verront dans l’obligation de féliciter le vainqueur. Mais s’il s’avérait que l’ombre d’un doute entachait le « coup K-O », le pire était à craindre.

La crainte était d’autant plus grande que les déclarations incendiaires du président Boni Yayi à propos des challengers de son poulain Lionel Zinsou tout au long de la campagne et même le jour du scrutin ont fortement contribué à faire monter la tension dans le pays. Il a notamment menacé de ne pas remettre le pouvoir à un candidat « indélicat » même s’il est élu par le peuple.  Aussi le contexte de longue attente qui a précédé la confirmation des grandes tendances de la Céna  par la cour constitutionnelle a alimenté les doutes et les folles rumeurs à travers le pays. Cinq jours après le scrutin les rumeurs de renversement des tendances à la Cour Constitutionnelle ont parcouru les réseaux sociaux. Aussitôt, l’éventualité du « coup K-O » a refait surface et la peur a commencé par s’infiltrer dans les esprits.

Mais tout est bien qui fini bien. La proclamation des résultats par la Cour Constitutionnelle a eu lieu le dimanche 13 mars, soit sept jour après le scrutin. Les grandes tendances annoncées par la Céna ont globalement été confirmées par la Cour. On retient surtout que la guerre du « coup K-O » n’aura pas lieu. Un second tour opposera le 20 mars prochain Lionel Zinsou crédité de 858 080 voix des suffrages exprimés et Patrice Talon qui a réuni 746 528 voix des suffrages.

D’ores et déjà les jeux d’alliances ont commencé avec les ralliements à la candidature de Patrice Talon des candidats  Ajavon, Bio Tchané et Koukpaki arrivés respectivement en troisième, quatrième et cinquième position. Ils sont au total 25 candidats sur les 33 du premier tour de la présidentielle à se rallier au candidat Patrice Talon.

Pour Lionel Zinsou, un second tour est un rendez-vous entre deux hommes etau  un peuple. «Vous avez deux hommes devant vous désormais. Deux hommes qui ne cachent personne d’autres. Ils sont eux-mêmes pour le peuple et ça c’est très important. Ils vous proposent un avenir. L’avenir c’est vous qui le ferai mais ils peuvent guider » a-t-il déclaré après l’annonce des résultats par la Cour. Pour lui,  les deux mots qui vont compter durant cette semaine décisive sont l’unité et la paix. Patrice Talon a, pour sa part, déclaré qu’il espère incarner l’homme idéal pour le Bénin.

Autan dire que c’est une semaine décisive qui s’annonce pour les deux candidats encore en lice. Vivement que le débat d’idées transcende les clivages subjectifs pour donner plus de vigueur et de pertinence à la démocratie béninoise.


Réchauffement climatique : le péril de la chaleur en Afrique


Un élève de retour des cours en janvier 2016
Un élève de retour des cours en janvier 2016
                                                                                                                                                                               Crédit image: Agbadje B. C.

S’il est indéniable que les catastrophes naturelles, inondations et sécheresses et la destruction des écosystèmes naturels sont les aspects les plus spectaculaires du réchauffement climatique, les menaces du réchauffement sur la santé humaines ne sont pas moins manifestes. Pourtant les risques que le réchauffement fait peser sur la santé et le bien être des hommes sont laissés pour compte sur le continent africain.  Un comportement étrange difficilement compréhensible sur l’ensemble du continent et qu’il importe de changer.

Il est vrai, le réchauffement climatique est resté longtemps un débat de scientifiques. Mais depuis une décennie, le phénomène prend une ampleur telle que la réalité du réchauffement ne fait plus aucun doute dans les esprits en Afrique. L’intensité et la fréquence des canicules font que les inquiétudes s’expriment de plus en plus au niveau du bas peuple. Pourtant, pratiquement personne ne se soucie des répercussions de la hausse des températures moyennes sur la santé des populations sur le continent. Tout se passe comme si on est face à une situation ordinaire et que chacun sait comment y faire face, ce qui est loin d’être le cas.

Une Chaleur de plus en plus excessive

En effet, contrairement à l’Occident ou le froid est perçu comme un redoutable facteur contre lequel les stratégies de lutte au plan individuel et communautaire existent et sont en permanence améliorées, en Afrique, la chaleur est plutôt perçue comme une donnée normale de l’environnement. Toujours présente, souvent conviviale, parfois accablante, elle ne laisse personne froid. Aussi, la lutte contre elle est sommaire, disparate et tient plus à la recherche du confort qu’à la lutte pour la survie. Sauf que la hausse des  températures tous azimuts qui s’observent actuellement sur l’ensemble du continent a décuplé le caractère morbide de la chaleur. Le constat est unanime, les inquiétudes partagées, mais au niveau comportement, c’est la résignation qui domine.

.  L’année 2015 a été déclarée l’année la plus chaude de l’histoire moderne par l’Agence océanique et atmosphérique américaine (National Oceanic and Atmospheric Administration, NOAA) et l’Agence spatiale américaine (National Aeronautics and Space Administration, NASA), qui tiennent toutes les deux le registre des températures de la planète. L’année 2015 se classe ainsi largement en tête des années les plus chaudes, depuis les premiers enregistrements en 1880, devant, dans l’ordre, 2014, 2010, 2013, 2005, 2009 et 1998. Un constat confirmé par tous les organismes internationaux de météo.

En Afrique, même si les agences de météo nationales ne communiquent pas de bilan annuel, l’analyse des données météo quotidiennes depuis le début du 21ème siècle et particulièrement sur  les cinq dernières années (2010-2015) fait, aisément, remarquer, année après année, une saison, de plus en plus chaude, de janvier à mai, avec des températures moyenne, aussi bien diurnes que nocturnes, en permanence  élevées (30°C-35°C) avec des pics qui avoisinent les 45-50°C. L’année 2016 semble d’ailleurs confirmer la tendance. Les températures normales saisonnières sont partout pulvérisées en ce début d’année où la saison chaude ne fait que commencer. Déjà des pics de 36°C au Congo, 40°C à Khartoum, 41°C au Niger et 43°C au Tchad sont enregistrés au cours du mois de février.

Ainsi année après année, les vagues de chaleur, de plus en plus fréquentes et plus en plus incommodantes commencent par susciter de sérieuses inquiétudes chez tous. Dans les maisons, la chaleur soumet tous et tout à sa terrible loi.  En fonction des moyens et de l’équipement dont dispose chacun pour pallier la chaleur, la maison devient un havre ou une galère.

Dans la rue, les carrés en serviette ont partout remplacé les pochettes et mouchoirs à cause de la sueur abondante qui dégouline de partout. Les affres de la chaleur se lisent sur tous les visages et les avis s’accordent pour reconnaître que la température devient anormalement trop élevée, ce qui suscite bien des interrogations. J’en veux pour preuve, cette anecdote dont j’ai été témoin à un arrêt de taxi aux environs de 13 heures, à Libreville au Gabon, au cours du mois de janvier 2016. Un monsieur, visiblement excédé, comme tout le monde, par  la violence des rayons du soleil et la nuisance de la chaleur, a lancé à la cantonade : “Cette  chaleur devient impossible !  Il n’y a plus de doute, la fin des temps  annoncée par les écritures saintes, arrive à grands pas“. Comme pour faire la réplique à cette réflexion,  un  autre monsieur,  visiblement  pas très instruit, debout à coté du premier, fit cette remarque qui a fait sourire l’assemblée : “Je parie moi que les blancs ont touché à quelque chose la haut, au dessus de nos têtes, c’est pourquoi le soleil se déchaîne ainsi sur nous depuis quelques temps“. Une réflexion pas si mal pensé que ça, quand on pense à l’élargissement du trou d’ozone dans la stratosphère et aux rejets anthropiques des gaz à effet de serre, même si les blancs indexés ne sont pas les seuls responsables. Ce constat de chaleur excessive et les réflexions similaires sur ses hypothétiques causes sont faits, année après année, dans toute l’Afrique subsaharienne de janvier à juin. En fait, tout le monde s’en plaint, mais tout le monde s’y accommode.

Impact du changement climatique sur la santé

Le changement climatique influe sur les déterminants sociaux de la santé: air pur, eau potable, nourriture en quantité suffisante et sécurité du logement, mais aussi directement sur les paramètres physiologiques de l’organisme. En effet, les limites inférieures et supérieures de la température extérieure compatible avec la vie chez l’homme sont 0° C et 45° C et la température de neutralité thermique où l’homme ne lutte ni contre le froid ni contre la chaleur est de 19,5°C.

Dans les zones tempérées, autour de 0° C, les liquides physiologiques ont tendance à former des cristaux de glace qui causent des lésions aux cellules et provoque la nécrose des organes. Le sang coagulé forme des caillots ou thromboses qui bouchent les vaisseaux sanguins. Les réactions vont du simple refroidissement à la mort en passant par les allergies, les gelures, l’hypothermie et le coma.

Dans les zones tropicales, au delà de 35°C, les cellules se déshydratent et meurent une à une. Le sang devient plus visqueux et forme également des thromboses. La mort survient par hyperthermie ou par accident cardiovasculaire.

Ainsi, la chaleur, provoque des déshydratations qui troublent le métabolisme général de l’organisme  et entraîne des complications souvent fatales. Les températures caniculaires observées actuellement contribuent donc directement à la mortalité par maladies cardiovasculaires ou respiratoires, en particulier chez les personnes âgées, les malades, les enfants etc. Les ardents rayons solaires brûlent superficiellement la peau et la cornée, blessent les cellules et les chromosomes et dénaturent ces deux tissus, ce qui annoncent une recrudescence des cancers de peau et des maladies des yeux dans les années à venir dans le rang des paysans, ouvriers, artisans et manœuvres, condamnés à travailler sous le soleil toute la journée. Par ailleurs, la réduction de la quantité d’air qui accompagne les vagues de chaleur est responsable des troubles respiratoires. Les concentrations en pollen et autres allergènes sont également plus élevées en cas de chaleur extrême. Elles exacerbent les crises d’asthme, de grippe et autre maladies respiratoires. L’accroissement des températures s’accompagne donc d’une augmentation de la morbidité des maladies cardiovasculaires et respiratoires.

Comme on le voit, après le péril de la faim et du paludisme, c’est le péril de la chaleur en Afrique qui qui est la nouvelle menace du continent noir. Pourtant, malgré tout le bruit autour du réchauffement climatique et surtout la réalité de ce réchauffement, aucune prise en charge, aucune sensibilisation, aucune campagne ne s’organise pour limiter les effets négatifs du réchauffement sur la santé individuelle et collective des africains.

Le mythe du soleil qui ne tue pas l’africain

Ainsi, au-delà des enjeux environnementaux, les rayons solaires et la canicule impactent au quotidien la santé individuelle de la grande majorité sans que les coups de soleil ou les coups de chaleur ne soient considérés comme une pathologie en Afrique, encore moins comme une question de santé publique. Le pic de chaleur annuelle dure plus de trois mois, entre janvier et mai selon les régions sans jamais faire la une des journaux télévisés ni des quotidiens.  Aucune voix autorisée ne dit à l’homme africain pendant la saison chaude, comme il est de coutume en Occident pendant l’hiver, comment se préserver contre le soleil et la chaleur. La raison réside probablement dans cet adage assez familier sur le continent qui dit : « le soleil ne tue pas l’africain ».

Pourtant même si le constat relève d’observations empiriques, les populations en Afrique sont très conscientes de  l’impact de l’élévation de la température sur la recrudescence des maladies à transmission par vecteur, en particulier du paludisme, première cause de mortalité sur le continent.

Le fait est que les moustiques, vecteurs du paludisme et de la dengue étant des animaux à sang froid, leur température interne varie en fonction de la température du milieu extérieur. Avec le réchauffement climatique, les moyennes saisonnière sont partout en hausse, oscillant, pendant une grande période de l’année, autour de 30°C qui se trouve être justement la température optimale pour le développement des moustiques. Leur durée de maturité devient alors très réduite ce qui accélère le développement des agents pathogènes des différentes maladies dont ils sont les vecteurs.et augmente par conséquent le potentiel épidémique de ces maladies. En conséquence, non seulement le pullulement des moustiques s’étale sur des périodes de plus en plus considérables de l’année, mais le potentiel épidémique du paludisme et autres maladies dont ils sont les vecteurs décuple. Son aire géographique aussi s’élargit à des endroits où ils ne pouvaient auparavant prospérer et les accès palustres deviennent à la fois aigus et chroniques dans la population.

Mais malgré la forte corrélation entre la hausse de la température ambiante et la recrudescence des maladies, puisque la mort ne survient pas par insolation directe comme c’est le cas du froid, la perception de la morbidité du soleil et de la chaleur reste faible et la riposte comportementale idoine tarde à se mettre en place

Des répercussions sanitaires  avérées

Le réchauffement climatique est, pour ainsi dire, une réalité manifeste, palpable et en pleine évolution aux quatre coins du monde. Les températures caniculaires contribuent directement à la mortalité par maladies cardiovasculaires ou respiratoires, en particulier chez les personnes âgées. L’OMS, dans une évaluation prenant en compte seulement un petit groupe d’effets possibles sur la santé, et prenant pour hypothèse la poursuite de la croissance économique et des progrès sanitaires, a conclu que le changement climatique pourrait entraîner environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050: 38 000 dus à l’exposition à la chaleur des personnes âgées, 48 000 dus à la diarrhée, 60 000 dus au paludisme, et 95 000 dus à la sous-alimentation des enfants. Certes, 2030 peut paraître un horizon lointain, mais il faut se convaincre que le processus est évolutif et fait déjà beaucoup de victimes parmi les décès actuels.

Le fait est qu’à l’exception des quelques privilégiés chez qui le domicile, la voiture et le bureau sont climatisés et qui échappent aux affres de la chaleur à tout moment et des moustiques la nuit, la grande majorité des africains subit le tourment de la chaleur en permanence  et celui encore plus traumatisant des moustiques dés la tombée de la nuit. Actuellement, la baisse de la température ambiante au coucher du soleil qui faisait jadis le charme des soirées en Afrique s’observe de moins en moins. Malgré le coucher du soleil, la température ne baisse plus systématiquement ce qui fait que la température nocturne reste souvent très élevée obligeant la majorité, non équipée en matériel de climatisation, à se dévêtir le soir à la maison.

Or, aussitôt après le coucher du soleil, c’est le ballet des moustiques qui commencent,  avec en prime, bourdonnements agaçants et piqûres sur toutes les parties dénudées du corps, ce qui contraint à ne pas se dévêtir. Ainsi, se dévêtir pour s’aérer mais en s’exposant aux moustiques ou se  vêtir pour se protéger contre les moustiques et supporter les affres de la chaleur, tel est le dilemme auquel se trouve de nos jours confrontée, dans son intimité, la majorité des africains dès le coucher du soleil. Naturellement, chacun le gère comme il peut.

L’effet cumulé du poids de la chaleur et de la charge parasitaire dans les organismes ont des conséquences directes sur la santé des hommes avec la recrudescence des accès palustres, mais aussi de façon permanente, des conséquences plus pervers sur le comportement des hommes au travail en Afrique. Sans maladies déclarées, les gens se sentent souvent plus fatigués au réveil et très démotivés pour le travail, sans pouvoir se l’expliquer. Le plus dramatique, c’est la démotivation grandissante des enfants pour l’école et même des adultes pour le travail, à partir d’une certaine heure, qu’on observe depuis quelques années. Les parents et la communauté scolaire fustigent souvent cette attitude des enfants sans que personne ne cherche à sonder la souffrance réelle, le malaise ou la gêne lié au réchauffement climatique qui peut en être une cause potentielle. En effet, la chaleur devient, de plus en plus, étouffante, déshydratante et très soporifique parfois dès 8 heures du matin et il est dans l’ordre des choses que les personnes qui sont allergiques à la chaleur, et ils seront de plus en plus nombreux dans la population, à cause du réchauffement climatique, n’aient plus la concentration nécessaire au travail. Dans ce cas, la motivation au travail par la seule sensibilisation sera sans effet, c’est l’ensemble des conditions de vie qu’il faut revoir pour espérer redonner goût au travail.

En somme c’est une véritable sélection naturelle qui commence sous nos yeux et si on n’y prend garde éliminera de l’environnement africain toutes les personnes sensibles à la chaleur.  Les enfants, en particulier ceux des milieux pauvres, les personnes âgées et les sujets présentant des infirmités ou des états pathologiques préexistants seront les plus vulnérables aux risques sanitaires qui résulte du réchauffement climatique. La pression de sélection est exercée par le couple chaleur et pauvreté, les deux paramètres par lesquels se joue l’adaptation des uns et des autres.

Quelques conseils pratiques

Dans une situation certaine et évolutive comme celle du réchauffement climatique, Il est important de savoir comment lutter contre celui-ci pour se sentir le mieux possible et préserver sa santé. Voici donc quelques conseils usuels que malheureusement connaissent mieux les touristes qui visitent le continent que les résidents permanents toujours à cause du mythe du soleil qui ne tue pas l’africain.

Boire régulièrement

La canicule est responsable du stress hydrique de l’organisme. Aussi même si l’envie de boire ne se fait pas sentir, en période de grande chaleur, il est impératif de s’hydrater et de boire au minimum deux litres, voire plus,  par jour. Pensez à avoir une bouteille d’eau en permanence sur soi. Il est aussi conseiller de saler les aliments pour aider l’organisme à retenir l’eau.

Se rafraîchir avec l’eau

Prenez régulièrement  une douche bien fraîche, cela permet de faire baisser la sensation de chaleur. Vous pouvez aussi vous passer un gant humide sur le corps.

S’abriter du soleil

Il n’est pas recommandé de sortir pendant les heures les plus chaudes. Pour éviter les coups de chaleur, restez donc au frais entre 12 h et 16 h.
Si la sortie est nécessaire, pensez bien à mettre un chapeau.

S’habiller en conséquence

Pour ne pas risquer un coup de chaleur, le mieux est d’attirer le moins possible le soleil sur vous. Privilégiez donc les vêtements de couleur claire, préférez certains textiles comme le coton et éviter les matières synthétiques. Vous serez également plus à l’aise dans des vêtements amples qui vous laisseront respirer à votre aise. Pensez également au chapeau ou aux lunettes de soleil, indispensables pour vous protéger du soleil.

Ne pas se dépenser inutilement

La chaleur fatigue beaucoup. Il est donc inutile de s’agiter pour rien. Oubliez le sport pendant les heures chaudes et reposez-vous. Si vous voulez faire du sport, faîtes-le en début de matinée ou en fin d’après-midi. Ce sera moins dangereux et plus agréable pour vous.

En conclusion, c’est tout l’environnement sanitaire humain et en particulier de l’africain qui est modifié par le changement climatique en cours. Le réchauffement climatique a tout d’abord un impact direct sur la santé des populations vulnérables: les personnes âgées, les jeunes enfants et les individus en situation précaire. Il importe de fournir et diffuser des informations sur les menaces que le changement climatique fait peser sur la santé, et sur les possibilités de promouvoir la santé et le bien être individuel et collectif.


La star béninoise Angélique Kidjo fait son cinéma

 

Angelique-Kidjo-The-CEO

A 55 ans, après une carrière musicale bien remplie avec au moins 9 albums à succès et deux Grammy Awards, Angélique Kidjo fait ses premiers pas au cinéma. La star béninoise de la world music débute du coté de Nollywood, dans le film « The CEO » du grand réalisateur nigérian Kunle Afolayan.

«The CEO » (Le PDG), c’est le titre de la prochaine production nollywoodienne dont Angélique Kidjo, artiste béninoise sera l’une des têtes d’affiche.

Ce projet est l’aboutissement d’une rencontre fortuite entre la star béninoise et le réalisateur et acteur nigérian, dans un avion reliant Los Angeles à New-York. La discussion entre les deux artistes a d’abord porté sur leurs carrières respectives. Puis le réalisateur a fait part du projet de son prochain film à Angélique Kidjo, qui a beaucoup apprécié le scénario. C’est donc tout naturellement que lorsque, les jours suivants, le réalisateur a proposé à l’artiste béninoise un rôle dans ce film, elle l’a accepté avec plaisir. «C’est le début d’une extraordinaire aventure », a déclaré Kunle Afolayan.

Aux cotés de l’artiste béninoise, évolueront dans ce film les grands comédiens Jimmy Jean Louis, Wale Ojo, Hilda Dokubo, Lala Akindoju, Peter King, Nico Panagio et Aurélie Eliam. Un casting à la mesure des ambitions du grand réalisateur nigérian.

L’intrigue du film est d’un suspense haletant. Cinq cadres africains d’une multinationale de télécommunication, la Transwire, sont réunis dans une belle station balnéaire aux alentours de Lagos au Nigéria, à l’occasion d’un séminaire censé déboucher sur la nomination du nouveau PDG. Mais les choses prennent une tournure inattendue et des cadres disparaissent un à un, dans des circonstances de mort subite. A la fin, les deux survivants deviennent les principaux suspects. Dans ce thriller, Angélique Kidjo joue le rôle de la mystérieuse Dr Zimmerman.

Le tournage du film, prévu pour durer plusieurs semaines, a démarré le 28 août dernier à Lagos, au Nigéria, et s’est poursuivi dans plusieurs capitales africaines. Le film, dont la bande annonce est déjà disponible, sortira en salle le 11 juillet 2016 et sera produit par le célèbre acteur et réalisateur Kunle Afolayan.

Après les albums cultes d’Angélique Kidjo – Pretty en 1980, Parakou en 1988, Logozo en 1991, Aye en 1994, Fifa en 1996, Black Ivory Soul en  2002, Oyaya en 2004, Djin Djin en 2007, OYO en 2009, Spiriting rising en  2012 et EVE en 2014 – « The CEO » marque le début d’une nouvelle aventure pour la star béninoise. On lui souhaite que cette aventure soit aussi magique que la première et la conduise de Nollywood à Hollywood.


Burundi : du ko électoral au chaos social


Pierre_Nkurunziza_2014. en.wikipedia                                                                                                                                              Crédit photo: en.wikipedia.org

 

Enfin, ce que la communauté internationale redoutait au Burundi, est arrivé

Depuis la volonté affichée du président Nkurunziza de s’accrocher au pouvoir,

Puis la reforme constitutionnel opportuniste manigancée,

Et enfin le ko électoral orchestré pour y parvenir,

La crainte était grande de voir le pays basculer dans la violence, le chaos.

Désormais, le doute n’est plus permis.

Les répercussions tant redoutées de cette imposture démocratique s’étalent au grand jour

Depuis 8 mois, les violences font rage au Burundi.

Depuis 8 mois le pays est mis à feu et à sang.

Depuis 8 mois, la crise a déjà fait plus  de 400 morts et 230 000 réfugiés.

Depuis 8 mois aucune chance  n’est laissée à la croissance économique.

Depuis 8 mois le pays ne sécrète qu’insécurité, mort et pauvreté.

Depuis 8 mois le pays sombre peu à peu dans le chaos.

Pourtant, contre ce projet de candidature, le pays tout entier s’est insurgé.

Contre ce projet, la Communauté internationale a exprimé ses inquiétudes.

Contre ce projet, l’Union africaine a pour une fois dans son histoire, pris parti.

Contre ce projet, les poids lourds du parti présidentiel sont entrés en dissidence.

Mais, hélas, rien n’y a fait, le prince est parvenu à ses fins.

Depuis lors, le pays va à vau l’eau.

Et que faire pour dénouer la crise et épargner les vies humaines ?

La Commission de l’Union Africaine propose sa solution.

Le déploiement d’une force d’interposition de 5000 hommes.

Mais sans consensus des chefs d’Etat de l’Union,

Et sans consentement de la partie burundaise,

Le projet a été avorté au 26e sommet de l’Union Africaine

Le Conseil de sécurité des Nation Unies et l’administration Obama,

Pour leur part, penchent  plutôt pour un règlement politique.

Plusieurs missions de ces deux institutions ont été dépêchées à Bujumbura

Pour désamorcer la violence et faciliter le dialogue entres gouvernement et opposition.

Mais le président Nkurunziza, est resté inflexible face à toutes ces initiatives.

Pour la partie burundaise, elle n’a de leçons à recevoir de personne.

A tous ceux qui sentent indignés,

Gentiment mais fermement, il est demandé de « circuler ».

ô Ciel, quel détachement ? Quelle compromission ?

Pourquoi cet acharnement à mettre son propre peuple à genou ?

Pour le châtier de son désir de liberté et d’instauration de l’Etat de droit?

Ou peut être, comme Néron, pour admirer le macabre spectacle ?

Ou pour faire la démonstration de sa propre grandeur ?

Le monde entier regarde le Burundi et est horrifié

Le premier magistrat du pays regarde le monde et se sent glorifié

Le malheur du peuple, fait la grandeur du prince.

Non, la grandeur d’un homme ne se mesure pas à sa hauteur,

Mais à ses actions et actes en ce monde.

Et justement, les actions et actes en question sont répréhensibles.

La grandeur véritable est dans la bienfaisance.

Pourtant, avec les événements du Burkina Faso en 2014,

On croyait la fatalité des reformes constitutionnelles vaincues sur le continent.

On se souvient, Blaise Compaoré voulait aussi modifier la constitution,

Pour s’octroyer une rallonge et s’accrocher au pouvoir.

Une insurrection populaire a balayé son régime du jour au lendemain.

Un exploit qui a fait croire un moment sur le continent,

Que les reformes constitutionnelles opportunistes sont du passé.

Mais, hélas non ! Avec le Burundi, le continent est rattrapé par ses vieux démons.

Déjà, le mal s’est métastasé au Congo Brazzaville et au Rwanda,

Les indices du même mal sont également décelés en RDC.

Quand le continent va-t-il apprendre de ses erreurs?

Et le plus triste et désespérant est que dans cette tare continentale,

Ce sont les timoniers qui conduisent le navire dans le gouffre.

Mais comme le dit un adage africain,

Trois cent soixante-quatre jours pour les dirigeants,

Un pour le peuple.


Au Gabon, la Tropicale Amissa Bongo 2016 ouvre la saison cycliste internationale

Tropicale Amissa Bongo 2016

 

 La plus célèbre des courses africaines, la Tropicale Amissa Bongo, réunit, pour sa onzième édition, des professionnels et des amateurs d’Europe et d’Afrique. Elle se déroule au Gabon, du 18 au 24 janvier 2016.

 Le coup d’envoi de la plus célèbre des courses africaines, la Tropicale Amissa Bongo, a été donné ce lundi 18 janvier 2016 au Gabon. Cette compétition, qui se dispute sur 774 km en 7 étapes, se déroule sur une semaine au Gabon et au Cameroun.  Classée dans la 1ère catégorie UCI, la Tropicale Amissa Bongo est la première course cycliste du calendrier cycliste international. Conformément au programme annoncé par les organisateurs de la course cycliste internationale le 05 janvier dernier à Libreville, la première étape (Kango-Lambaréné, 146 km) a sacré l’Italien Andrea Palini. Le coureur de l’équipe Sky Drive a terminé l’étape devant le Biélorusse Yauheni Hutarovich et le Français Adrien Petit de Direct Energie.

Le premier coureur africain, l’Erythréen Tesfom Okubamariam, se classe quatrième. Gienn Morvan Moulengui est le premier coureur gabonais à passer la ligne en 33e position, dans le même temps que le vainqueur.

La suite de la compétition s’établit comme suit :

2e étape (19 janvier) : FOUGAMOU-MOUILA -105 km-
3e étape (20 janvier) : LAMBARENE-NDJOLE -130 km-
4e étape (21 janvier): OYEM-AMBAM (Cameroun) -141 km-
5e étape (22 janvier) : MEYO KIE (3 FRONTIERES)-OYEM -118 km-
6e étape (23 janvier) : AKANDA- STADE DE L’AMITIE (clm) -4 km-
7e étape (24 janvier) : CAP ESTERIAS-LIBREVILLE -130 km-

Au nombre des innovations annoncées pour l’édition 2016, on compte une arrivée inédite à Ambam au Cameroun ainsi qu’un départ symbolique depuis Meyo Kié, au croisement des trois frontières entre le Gabon, le Cameroun et la Guinée-Equatoriale. L’autre grande attraction cette année concerne l’avant-dernière étape qui se déroulera sous la forme d’un contre-la-montre individuel, autour du Stade de l’Amitié de Libreville. Il restera ensuite la dernière étape qui, comme le veut la tradition, clôturera en apothéose cette 11e édition. Sur un parcours exigeant, au cœur même de Libreville, des bonifications seront en jeu pour le classement final.

Par ailleurs, Lambaréné, la ville la plus visitée depuis la création de la Tropicale, fêtera cette année son 20e statut de ville-étape.

Enfin pour la première fois, une équipe cycliste brésilienne prendra part au départ de la Tropicale Amissa Bongo. En effet, Funvic Soul Cycles-Carrefour participera à cette 11e édition. Signalons surtout la présence au départ du Tour du Gabon de l’équipe nationale du Burkina Faso, l’autre grande nation de vélo en Afrique subsaharienne, malgré le choc provoqué par l’attaque djihadiste dont le pays a été victime trois jours plus tôt.

 Classée dans la 1ère catégorie UCI, la Tropicale Amissa Bongo a déjà vu de nombreuses stars professionnels et amateurs s’affronter sur les routes gabonaise. De Thomas Voeckler à Daniel Martin, en passant par Sylvain Chavanel et Luis Leon Sanchez, ils sont nombreux à avoir débuté leur saison sur la Tropicale. Cette année, le champion de France Steven Tronet sera l’une des principales attractions. Mêmes si le professionnels partent favoris, ils devront se méfier de la concurrence des meilleures équipes africaines. Ainsi, Rafaâ Chtioui (Skydive Dubai Pro Cycling Team)  de Tunisie aura à cœur de rééditer son exploit de 2015.

Au total, 15 formations nationales et internationales s’affronteront à travers les rues d’Afrique pour la beauté et la puissance de la petite reine.


bal masqué des candidats aux présidentielles Bénin 2016

 

 

présidentielles Bénin 2016

Dans la jungle, terrible jungle politique béninoise, le règne du roi lion va prendre fin ce 06 avril.

Et comme en pareille occasion, les ego s’affrontent et les têtes se cognent déjà.

Qui deviendra le prochain locataire du palais de la Marina ?

La fièvre électorale est montée d’un cran ce lundi et mardi 11 et 12 janvier 2016.

Les candidats potentiels étaient invités à officialiser leur candidature

Les uns après les autres, ils ont défilé à la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA)

Au total, pour les présidentielles Bénin 2016, la CENA a enregistré,

48 candidats  dont 4 femmes

48 idées de développement de la nation Béninoise.

Mais la grosse attraction de cette élection 2016, c’est l’entrée en lice des hommes d’affaire.

Au Bénin, la politique est une chose trop juteuse, pardon, trop sérieuse…

Pour être laissée aux seuls hommes politiques.

En réalité, sur cette pléthore de candidats, seule une poignée peut être jugée crédible.

Pourtant, tous y sont allés, chacun avec sa stratégie particulière de conquête du pouvoir.

Stratégie qui rappelle chez certain un animal de la fable.

Dans ce défilé de dépôt de candidature aux allures de bal masqué

On pouvait reconnaître  le coucou, l’écureuil, le coq, la fourmi, le caméléon et beaucoup de chats.

Le coucou, chacun sait est un oiseau opportuniste,

Il  pond ses œufs dans le nid des autres oiseaux,

Il  leur fait couver ses propres œufs puis nourrir  ses propres oisillons.

Comme le coucou, Lionel Zinsou a été nommé premier ministre du Bénin il y a six mois,

Il a abandonné la direction de PAI Parteners, premier fonds d’investissement européen.

Revenu  au Bénin, il est devenu l’allié des FCBE, la coalition présidentielle

Il s’est porté candidat à la candidature à la présidence pour le compte des FCBE.

Dauphin volontairement choisi par Boni Yayi

Il a été désigné candidat unique des FCBE au détriment de toutes les ambitions internes.

Cette désignation a fait beaucoup jasé dans les rangs des FCBE et a fini par l’éclater.

Pas moins de sept candidats en lice pour ces élections

 sont issus de cette majorité présidentielle

Il est devenu le porte flambeau d’une formation en lambeau.

Mais il a surtout le mérite de rallier à sa cause deux grands partis d’opposition.

Le Parti du renouveau démocratique (PRD) d’Adrien Houngbedji, président du Parlement béninois.

Et la Rennaissance du Bénin (RB) de l’ancien président Nicéphore Soglo

Qui l’eu cru ?

Toutefois, il doit encore convaincre les béninois sur la pertinence de ce regroupement.

Une simple concentration horizontale au service des intérêts personnels?

Et surtout, avec toutes les contradictions qu’il charrie,

Quelle marge aura t-il, à moyen terme, pour générer un taux de croissance à deux chiffres

Condition pour  créer des emplois du développement et surtout la cohésion nationale.

Autre candidat, autre méthode. patrice talon, l’homme devenu  célèbre malgré lui.

C’est l’écureuil personnifié,

Première fortune du pays, il est aussi le premier employeur non étatique.

Comme l’écureuil  il est gracieux, malicieux, économe mais surtout thésauriseur.

Ses provisions dépassent largement ses besoins,

Et de la prudence à la cupidité, il n’y a souvent qu’un pas.

L’homme promet de communiquer à tous les béninois le génie pour devenir aussi riche que lui.

Mais il devra encore convaincre que lui président,

Il  saura faire la part des choses entre l’intérêt du peuple et ses multiples intérêts privés.

Mais en attendant d’apprendre à chacun à pécher son poisson,

tout le monde veut avoir part au gros poisson  que lui-même a déjà pêché.

Au regard de l’engouement qu’il soulève, l’histoire dira si c’est un marché de dupe ou non.

Après la première fortune du pays,

Sur la ligne de départ, il a aussi la deuxième fortune du pays.

Sébastien Germain Ajavon,  Fofo Séba pour les intimes.

Si l’homme était une institution, sa mascotte serait le coq.

Il a fait fortune dans la volaille importée.

Comme le coq, l’homme sait se faire entendre et ses prises de position sont souvent viriles.

Avec lui, tous les béninois sont assurés d’avoir du poulet à leur table aux trois repas quotidiens.

Mais quid du reste ?

Entre la gestion d’une entreprise et celle d’une nation, il y a un monde.

Sans expérience de gestion publique, comment éviter le pilotage à vue ?

Pour mettre en œuvres une politique de développement et de cohésion sociale,

L’homme devra encore convaincre sur ses  capacités  organisationnelles et ses ressources.

Le candidat Abdoulaye Bio Tchané a remplacé Boni Yayi à la tête de la BOAD en 2006,

Il ambitionne de le remplacer, une fois encore, à la tête de la magistrature suprême du Bénin.

Comme la fourmi, li travaille activement à cette fin depuis 2006.

En 2011 il a refusé de prêter son soutien à boni Yayi pour rempiler et s’est lui même positionner

Candidat malheureux, il y croit toujours et ratisse le pays en promettant monts et merveilles

Mais l’électorat du septentrion, sa région natale, dont le vote groupé a toujours fait la décision

N’a pas joué, jusqu’à ce jour, en sa faveur, allez y savoir pourquoi.

S’il est vrai que nul n’est prophète en son pays,

Il est aussi vrai que nul ne peut être roi qu’en son pays.

Sa chance ultime, qui serait aussi, synonyme de malchance, pour les autres candidats en lice

Qu’enfin les déterminants du vote du septentrion jouent en sa faveur aux élections prochaines.

Et que dire du candidat Pascal Iréné Koupaki, PIK pour les intimes.

Il fait penser à bien des égards au caméléon, n’en déplaise au gle Kérékou, le caméléon national.

Le caméléon chacun sait change de couleur et devient visible ou invisible

Comme le caméléon, l’homme  est toujours invisible sur la ligne de départ,

Et soudain, il devient très visible sur la ligne d’arrivée.

Ce fut le cas en 1996, quand il fut nommé directeur de cabinet de Me Adrien Houngbédji.

Leader du PRD et Premier Ministre de la République du Bénin sous la présidence de Mathieu Kérékou

Etant inconnu au PRD, cette nomination fut très décriée par les militants de base du PRD.

Ce fut encore le cas en 2006 , il fut nommé ministre des finances puis  premier  ministre de Boni Yayi.

Pourtant, il était totalement invisible dans l’équipe de campagne de Boni Yayi

Dauphin présomptueux de Boni Yayi, pendant sept ans, il est resté le favori pour ces élections.

Mais depuis que sa rupture avec Boni Yayi est consommée en aout 2013

l’homme n’a plus la faveur des caméras, celle des pronostics non plus.

Dans tous les cas il peut devenir visible dans la nouvelle équipe gouvernementale.

Quid des nombreux autres candidats ? Je les identifie au chat.

Le chat est considéré comme un animal lunaire. La nuit, il disparaît pour ne réapparaître qu’au petit jour.

Il  rentre à la maison comme si de rien n’était, pour venir y dormir.

Comme le chat tous les autres candidats disparaîtrons au soir du scrutin.

Ils réapparaîtront à la veille des élections prochaines

En attendant la validation de ces candidatures par la Cour constitutionnelle le 25 janvier

Méditons cette pensée de kourouma dans le soleil des indépendances:

« La politique n’a ni yeux ni oreille ni cœur. En politique le juste et l’injuste marche de pair.

Le bien et le mal s’achète ou se vende au même prix. »présidentielles Bénin 2016


L’Ifa ou Fâ : la lumière des dieux éclaire les hommes

Orunmila le orisha de la sagesse et de la connaissance

A  l’occasion de la fête des religions endogènes, célébrée chaque année au Bénin le 10 janvier, je suis, une fois encore, heureux d’apporter par ce billet, ma  contribution  à l’événement en fournissant quelques points de repère sur la dimension fondamentale, la clé de voûte des orishas et des vodouns: l’Ifa, pour les Yoroubas, et le Fâ, pour les Fons. Toutefois, n’appartenant à aucune confrérie d’Ifa/Fâ, mon objectif est de clarifier, autant que faire se peut, pour le profane que je suis, la genèse, le principe et les caractéristiques de l’art divinatoire Ifa ou Fâ. Il a été diabolisé par le colon et reste encore un mystère pour la majorité des Béninois modernes.

L’homme et son destin

Comme Jacob, qui s’écria dans la Bible « Mon sort est caché devant l’éternel ! », l’homme est toujours poursuivi par l’énigme de son destin. Depuis la  nuit des temps, l’homme a toujours été inquiet pour son destin, car il ne le connait pas et ne peut pas y échapper. Ce dilemme lui fait peur, à cause des vicissitudes de la vie qu’il redoute. Aussi, chez tous les peuples de la terre, l’homme va s’évertuer, par tous les procédés possibles, de percer le mystère de son existence : la cause, 1′ origine de ses divers malheurs et les moyens d’y échapper. L’ensemble des procédés inventés par l’homme, en vue de sonder, de percer ce mystère, s’appelle «l’arts conjectural» et sa pratique est la divination. Dans toutes les civilisations qui utilisent l’écriture, la géomancie et la taromancie ont été, depuis l’antiquité, suffisamment expérimentées, documentées et comptent de nos jours parmi « les mancies expérimentales » ou « mancies mères ».

Chez les peuples noirs d’Afrique sans écriture, de tous les procédés expérimentés, l’IFa est l’un des moyens par excellence permettant de révéler les desseins de Dieu. C’est une technique, un art, un oracle qui permet aux devins de communiquer avec Dieu, à travers les Orishas, les ancêtres, les défunts, etc. Il est utilisé dans les moments critiques de la vie tels que les maladie graves, les décès, les naissances, les mariages, à tout moment. Ifa est le nom donné à Orunmila, la divinité de la sagesse et du, destin dans la culture yoruba du Nigéria et du Bénin. L’oracle Ifa est également connue sous le nom de Fá chez les Fons du Bénin ou d’Afá dans les cultures ewe du Bénin et du Togo. Ce nom trouve son origine dans la ville d’Ilé Ifé, au Nigéria, où selon la tradition, cet art divinatoire serait apparu en premier sur le content africain.  Du Nigéria,  l’Ifa s’est répandu en premier au bénin, au Togo puis au Ghana, en s’intégrant harmonieusement, dans ces trois pays, au vodoun.  D’ailleurs, il représente le trait d’union parfait entre les orishas des Yoroubas et les vodouns des Fons du Benin. Ceci illustre la grande parenté des panthéons des Yoroubas du Nigéria et des Fons du Bénin, même si ces deux communautés ne partagent pas la même mythologie.

Chez les Yoroubas, c’est par l’Ifa, le rituel de divination, que l’adepte prend contact avec les Orishas, et c’est Orunmila, l’orisha de la divination et du destin, qui transmet aux dieux les questions des hommes et leur apporte en retour les réponses des dieux. C’est également lui qui informe les esprits si les sacrifices destinés à les apaiser ont été réalisés comme ils se devaient. Chez les Fons du Bénin, cette fonction est tenue par le vodoun Lègba qui sert d’intermédiaire entre le monde des esprits, dont il parle toutes les langues, et le monde des humains, via la divination du Fâ, comme je l’ai déjà fait remarqué dans un article précédent. Ainsi pour ces deux communautés, seul l’Ifa, ou le Fâ, peut donner la solution à tous les maux, après en avoir révélé les causes. Il parle toujours en paraboles, en tant que système de divination. Son langage est donc symbolique et se traduit par des traits qui forment des signes, ou « Odu » en yorouba, ou « Dou » en fon. Seuls les prêtres d’Ifa, les Babalawo chez les Yorubas, ou les Bokonon chez les Fons, qui maitrisent le langage et les rites d’Ifa, peuvent décrypter chaque signe et prescrire ses recommandations ; un ministère qui nécessite un long apprentissage, en sorte une formation initiatique.

L’Ifa et le symbolisme du nombre seize

La religion des Yoruba est monothéiste. Oloddumare en est le dieu unique, absolu, créateur et source de toutes choses. Son nom signifie « Seigneur de notre éternel destin ». Oloddumare ne possède aucun autel, ni statues, ne fait l’objet d’aucun culte ni d’offrande et ne possède pas de collier. Autour de lui et sous sa puissante autorité, gravitent des divinités connues sous la dénomination de « Irunmole » ou orishas, l’équivalent des vodouns du Bénin. Les orishas sont, en réalité, objets de cultes. Parmi les orishas les plus importants, on compte : Orunmila (esprit de la divination, destin), Sango (esprit du tonnerre et des éclairs), Ochosi (esprit de la chasse, et protecteur de ceux qui ont des problèmes judiciaires), Ellegua, ou Exu ( celui qui ouvre la route), Ogun (dieu du fer), Obatala (esprit de la justice), Yemonja ou Yamaya (esprit de la fertilité et des eaux salées ; sirène), Ọya (gardien des morts et des cimetières),  Ibeji (esprit des jumeaux), Ọsanyin (esprit des médecines et de la guérison), Ọsun (esprit de l’amour, protecteur des enfants et des mères, maître des eaux douces), etc. Ils sont considérés comme les intermédiaires entre les hommes et Olodumare. Les orishas sont les divinités chargées par Oloddumare de veiller à maintenir l’ordre dans le monde matériel, c’est-à-dire d’assister les hommes dans leur destinée mais aussi parfois les contraindre à suivre cette destinée s’ils s’en écartent trop.

Selon la cosmogonie yoruba, au commencement, il n’y avait que l’eau et le chaos. Olodumare dépêcha  son fils Odudua depuis le ciel pour créer la terre à partir du chaos ce qui fut  fait. Obatala un fils du roi sculpta des formes humaines auquel Olodumaré insuffla le souffle.  Mais Olodumare autorisa uniquement Orunmila à être l’unique témoin de toutes les étapes de la création de l’univers et donc unique témoin du destin de toute la créature. Par conséquent, Olodumare  l’autorisa à descendre sur terre pour être prophète. Il est donc l’Orisha de la divination et l’oracle suprême. Il est chargé d’aider les hommes dans une évolution qui devra les amener au terme de leurs réincarnations à devenir de purs esprits dans le royaume du Orun (ciel). Pour cela Orunmila doit pouvoir adresser ses conseils et avis aux êtres humains tout au long de leur existence.  C’est par la divination de l’Ifa qu’Orunmila communique avec les prêtres spécialisés, les babalawos qui peuvent l’interpréter. Il est par conséquent le Orisha de la divination et du destin. C’est à lui que Olodumare a donné le pouvoir d’établir le lien entre les Orishas et l’être suprême, par l’intermédiaire de l’Orisha Ifa, une recette secrète permettant de pénétrer le mystère et qui  repose sur le symbolisme du nombre « seize ».

Selon la légende, Oluda, le premier roi (Oni) d’Ifa eut seize fils qui fondèrent les seize royaumes yorubas. Orunmila apprit l’art de la divination aux seize fils qui la transmirent à leurs successeurs les Babalawos (les devins ou prêtres d’Ifa). Le seize représente les seize possibilités de vie humaine. Ces seize principes appelés Odu ou Oladu, eurent à leur tour seize fils chacun représentant ainsi 256 possibilités de vie humaine. Chaque possibilité (odu) possède seize poèmes (ese) qui transmettent des indices pour les séances de divination, ce qui donne finalement 4096 scénarii possibles.

Du symbole à la pratique de l’Ifa ou du Fâ

En pratique, l’Ifa ou le Fa revêt deux aspects, il est fois divinité, mais aussi science. Certes le fa est une géomancie, un art divinatoire, mais ce n’est là que sa dimension symbolique. L’IfA est avant tout, une voie de connaissance, une doctrine initiatique, une lumière qui éclaire le sentier de la vie de tout un chacun. C’est une dimension du temps, il aide l’homme qui se réfère à lui à mieux se comprendre et entrevoir le destin au travers d’une vision plus lumineuse. Ce qui pourrait l’aider à agir sur tous les plans avec plus de sciences, d’efficacité et de sagesse. En effet, La divination du Fa repose sur un système binaire, rappelant celui des hexagrammes du Yi Jing.

La pratique de l’Ifa repose soit sur l’utilisation de 16 noix sacrées et de la planche d’Ifa (grand jeu) ou du chapelet divinatoire, « l’Opèlè » et un plateau de divination nommé : « ọpọn ifá » en yoruba (le petit jeu). Le chapelet est  constitué de 8 semi amandes de pommes cannelles consacrées et enfilées sur une ficelle d’une certaine longueur et nommée « ọpẹlẹ » en yoruba ou « agumaga » en fon. chapelet ifaIl est tenu par le milieu de sorte à former deux branches, mâle et femelle, constituée chacune de 4 demi amandes. Quelque soit la méthode utilisée, la transcription de l’oracle est la même.

Avec le chapelet, pour obtenir une réponse conséquente, la consultation nécessite trois lancements, un lancement principal et deux complémentaires. Pour chaque opération, le prêtre d’Ifa, le Babalawo réalise un lancement du chapelet après un rituel donné. Selon que les demi noix retombent  sur la partie concave (ouverte) ou convexe (fermée), il transcrit  le signe apparu sur le plateau de divination  par une valeur simple : I (position ouverte) ou double : II (position fermée). Ainsi, chacune des deux branches du chapelet peut présenter l’une quelconque des 16 combinaisons possibles ci-dessous ou combinaisons de base ou figure mère de l’oracle Ifa.

figure mère fondamentale du Fa
Les 16 figures mères fondamentales d’Ifa, avec leur nom en yoruba et en fon.

L’ordre dans lequel elles sont données est celui-ci accepté par la majorité des devins d’Afrique de l’Ouest, même s’il peut exister de petites variations selon les régions

Le chapelet ayant deux branches,  l’assemblage des deux colonnes donne une  combinaison 16 x 16, soit 256 combinaisons (odu)  en yorouba ou (dou)  en fon  qui représentent les 256 possibilités de vies humaines. Le nom de chacune des 256 combinaisons est construit à partir des deux figures mères qui la composent, la colonne de droite en premier car elle est considérée comme plus puissante et plus déterminante, elle représente le signe même, tandis que la colonne de gauche représente la maison. Lorsque les deux colonnes sont identiques, on parle de figure meji (double). Il en existe 16 qui représentent les 16 maisons géomanciques.
A chaque combinaison correspond des vers (« ese » en yoruba) qui racontent une histoire mythologique, un conte, une chanson, un proverbe, une devinette… sur lesquels le devin va se baser pour réaliser son interprétation. La tradition affirme qu’il y aurait 16 vers par combinaison odu/dou du fa, ce qui fait au total un corpus conséquent de plus de 4096 vers. En d’autres termes lorsqu’une question est posée à un babalawo (devin), il existe 4096 réponses possibles, soit autant de poèmes qui devront être interprétés par le devin pour donner une réponse. Un bon devin est supposé en avoir mémorisé le plus possible. Il est cependant admis qu’il est possible de tirer l’Ifa et de réaliser des prédictions correctes en ne connaissant que quatre vers essentiels par odu/dou. Les consultants peuvent demander une divination du Fa pour des raisons diverses et variées : se faire prédire son avenir, connaître le sort de proches passés dans l’au-delà ; ou trouver une solution à un souci de santé, un manque d’argent, un conflit, des problèmes conjugaux. La divination d’Ifa était anciennement utilisée avant chaque prise de décision importante. Les figures caractéristiques d’Ifa,  leur signification et les prescriptions essentielles de ces signes feront l’objet d’un autre article.

Le sens mystique des signes d’Ifa ou de Fâ

Afin de saisir toute la portée mystique et la signification profonde des signes, il est très important de faire une identification des quatre noix de chaque branche du chapelet d’Ifa avec les quatre éléments naturels impondérables que sont le feu, l’air, l’eau et la terre, sources de toutes énergie du monde terrestre. Les éléments du haut du chapelet (feu et air) représentant 1 ‘esprit et ceux du bas (eau et terre), la matière. Notre monde terrestre et la vie n’étant autre chose qu’une combinaison, une fusion de ces quatre éléments impondérables on retrouvera ces quatre éléments dans différentes proportions dans toute espèce créée ici-bas. Chaque entité humaine, chaque situation humaine représente une addition, une combinaison et une fusion de ces quatre éléments dans de différentes proportions et symbolisée par les divers signes. Autrement dit, chaque type humain est la manifestation du signe auquel il appartient. Le signe permet donc de révéler le type humain, son comportement, ses facultés, en un mot tout son caractère, ses spécificités ou caractéristiques essentielles.

Les dérives de la consultation de l’Ifa ou du Fâ

L’Ifa ou FA, prospecte tous les domaines de la vie sociale de l’individu : naissance, difficultés d’accouchement, travail, emploi, entreprise quelconque, mariage, vie du foyer, décès  etc…  Il aide l’homme qui se réfère à lui à mieux se comprendre et entrevoir le destin au travers d’une vision plus lumineuse, en suivant les conseils de l’oracle et en réalisant les sacrifices rituels, généralement modestes, prescrits. Ce qui pourrait l’aider à agir sur tous les plans avec plus de sciences, d’efficacité et de sagesse.

Toutefois, la consultation d’Ifa est bénéfique et sans risque pour quiconque s’en réfère, à condition, sous entendu, d’exécuter les sacrifices prescrits. A la réflexion, théoriquement,A le risque est de subir des dommages ou d’affronter des obstacles évitables et contre lesquels l’oracle vous aura prévenu. Mais en réalité le risque semble plus grand que cet aspect. Il est écrit que tu ne tenteras pas l’Eternel ton Dieu et consulter sans sacrifier apparaît comme une forme de défi de la divinité du destin. Ou s’arrête la colère de la divinité, ou commence les représailles possibles des prêtres d’Ifa ‘babalawo et bokonon)   qui ont officié la consultation et pour qui cela représente un manque à gagner? Seules la probité et  l’intégrité de ces distingués hommes peuvent en faire foi.  Aussi faut-il être bien conseillé pour ne pas tomber sur les faux dévots, nombreux dans la profession et qui font le business d’Ifa et les vrais maîtres pour qui l’aspect financier est secondaire.

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Au total Il y a seize (16) maisons géomanciques et seize (16) signes principaux. La passation des seize signes dans les seize maisons géomanciques donne un total de 256 (deux cent cinquante six) signes.  Ainsi, le Fâ est non seulement un art, mais il est surtout un livre ouvert sur la vie. Les prêtes de l’Ifa ou du Fâ, les Babalawo chez les Yoruba, ou Bokonon chez les Fons, sont à la fois des diagnosticiens, des prescripteurs, des psychologues et des psychiatres. Ce sont de grands érudits qui  savent écouter et aider les humains à régler leurs problèmes de santé, d’emploi, de couple, de promotion, de travail,  de paix, de bonheur et d’amour. « Le 21ème siècle sera religieux, ou ne sera pas », la pensée est attribuée à tort à André Malraux, mais on est bien tenté  de croire qu’il le sera, au regard de l’omniprésence du religieux dans le débat public sur l’ensemble de 5 continents. Mais ce qui est, d’ores et déjà certain, le 21e siècle est  l’entrée dans la mondialisation. Et face au foisonnement d’initiatives religieuses, des églises du réveil et des sectes islamistes, certains seraient tentés d’envisager le déclin des systèmes religieux endogènes d’Afrique ; or il n’en est rien. L’existence de ces religions continue à nourrir de leur ferveur populaire les religions révélées  (christianisme, islam). En réalité, les religions révélées sur le continent sont comme toutes fécondées par les religions endogènes, ce qui génère un néo syncrétisme non avoué auquel je consacrerai un article bientôt.

AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles


Les mille et un paradoxes de la Démocratie béninoise

Les presidents du Benin démocratiques

Au Bénin, les élections présidentielles, sixième du genre, de l’ère du renouveau démocratique sont fixées au 28 février 2016 et les grosses têtes d’affiche en vue, viennent plutôt du monde des affaires. Curieusement, malgré le dynamisme des élites politiques du pays, sur l’ensemble des 5 scrutins organisés à l’ère démocratique, aucun homme politique n’a été élu président. Un paradoxe démocratique qui au lieu d’être une exception, tend à devenir la norme démocratique béninoise.

Au Bénin, les élections présidentielles, sixième du genre, de l’ère du renouveau démocratique sont fixées au 28 février 2016.  A moins de trois mois du scrutin, les intentions de vote manifestées se cristallisent plutôt autour des hommes d’affaire du pays au détriment des élites politiques. La classe politique béninoise, naguère financée par ces hommes d’affaires devenus aujourd’hui des concurrents, observe en spectateur le combat des titans pour le contrôle du pouvoir d’Etat qui est sa raison d’être. Les élections présidentielles prochaines  apparaissent donc comme une Offre Publique d’Achat (OPA) sur la classe politique béninoise.  L’occasion pour moi de m’interroger sur cette vicieuse propension de la démocratie béninoise. Quelles sont les raisons qui expliquent cette mauvaise pratique démocratique et comment y remédier ?

Premier de cordée du renouveau démocratique en Afrique, le Bénin est devenu avec sa conférence nationale de février 1990, le laboratoire de la démocratie en Afrique. Le pays est passé du règne du parti unique au multipartisme intégral. La constitution du 11 décembre 1990, enjeu majeur de cette conférence  proclame que le pouvoir appartient au peuple qui exerce sa souveraineté par ses représentants élus. Elle dispose aussi dans son titre premier, article 5 que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Un rôle historique mais jamais assumé pour les présidentielles  par les partis de l’échiquier national.

Aussi, face aux nombreuses crises, dérives et frustrations dans la gestion des affaires de l’Etat engendrés par ces  leaderships atypiques et dans la perspective des élections présidentielles de 2016, de plus en plus de  béninois expriment le désir de voir le leadership revenir dans le giron politique. Ce désir s’est fortement manifesté autour du contrôle du perchoir de l’Assemblée après les législative de 2015. La victoire du politicien Adrien Houngbédji sur le technocrate Komi Kountché à  été perçu comme un soulagement dans le pays. Mais seulement voilà, à trois mois du scrutin présidentiel, sur la pléthore de candidature déjà annoncée, les politiciens sont aux abonnés absents. Au tableau d’affichage on compte, deux généraux fraîchement admis à la retraite (Gbian et Amoussou), deux technocrates plus ou moins à la retraite (Bio-tchané et Koupkaki), un juge d’instruction radié de l’ordre des magistrats (Houssou Angelo), quelques louveteaux politiques en mode solitaire et la grande attraction de ce scrutin, trois hommes d’affaires et non des moindres sur le starting block (Zinsou, Talon et Ajavon).

Euh oui, avec l’entrée en lice des hommes d’affaires dans la course à la magistrature suprême, la classe politique est totalement dépassée par les événements.

– Les Force Cauris Pour un Bénin Émergent (FCBE), coalition de partis qui soutiennent l’action du chef de l’Etat restent frustrés et timorés face à la décision du chef de l’Etat qui a imposé le banquier d’affaire Lionel Zinsou comme candidat unique de la coalition FCBE aux présidentielles prochaines.

– Le PRD, premier parti de l’opposition a décidé de ne pas présenter un candidat à l’interne. Son président Me Adrien Houngbédji etant forclos, ce parti a opté pour la sous-traitance. Il appellera à voter pour l’un ou l’autre des trois hommes d’affaire, probablement, une conduite dictée par les enseignements du KO controversé de 2011.

– L’Union fait la Nation (UN), le plus grand regroupement de parti de l’opposition n’en finit pas, quant à elle, de désigner son candidat. J’y vas t-y, j’y vas t-y pas, à ce jour bien malin qui peut dire si elle aura un candidat à l’interne et pour quel objectif.

– La Renaissance du Bénin (RB), autre formation phare du sud et du centre du pays est toujours, comme à son habitude, assise entre deux chaises, la chaise du pouvoir et la chaise de l’opposition. A ce jour, elle n’a pas de candidat à l’interne, elle appellera aussi à voter pour l’un de nos trois joker.

– L’Alliance Soleil, grand regroupement de partis du Nord du pays fut la première formation à porter la candidature du général Gbian, supposé son militant avant de le récuser au profit de l’homme d’affaire Patrice Talon…

Et ainsi va la démocratie béninoise, la tête en bas et les pieds en haut. Les partis politiques qui devraient frayer le chemin, attendent de voir le bout du tunnel avant de se positionner. Le constat, il faut le dire, est triste, pathétique et même dramatique. Les partis politiques sont tous naufragés et la classe politique aux abois. En somme, la démocratie est dans l’impasse. En lieu et place d’une sélection démocratique performante du président de la république, on assiste à une sélection naturelle. Le vainqueur ne sera probablement pas le plus apte, mais le plus fortuné ou le plus chanceux. Comment le pays en est arrivé là et que faire pour revenir à une pratique plus orthodoxe de la démocratie ?

Dans le modèle démocratique béninois, les partis politiques occupent le rôle prépondérant dans l’animation de la vie politique, la conquête et l’exercice du pouvoir. Un rôle à priori bien perçu par la classe politique avec  la bagatelle de 231 partis régulièrement inscrits dont au moins une vingtaine représentés à l’Assemblée Nationale. Cette richesse  de la classe politique augure d’un panel d’élites soumis au suffrage  aux différentes élections présidentielles et c’est justement là que le bât blesse. Sur les 5 scrutins présidentiels organisés à l’ère du renouveau démocratique depuis 1991, aucun homme de la classe  politique, dans le sens classique du terme, n’a été élu président. Si en 1991, l’avènement du technocrate Nicéphore D. Soglo était plus ou moins compréhensible, le processus était à son début, le come back du militaire Kérékou en 1996 était improbable et l’élection de Boni Yayi en 2006 et surtout sa réélection en 2011 sont anecdotiques. Election après élection, la ruse ou le mauvais cœur des uns, la méfiance des autres et les considérations subjectives de tous ont, à chaque fois, permis à un troisième larron de rafler la mise démocratique.

A mon sens, les présidentielles de 2006 représentent le véritable faux pas de la classe politique béninoise qui a conduit à cette dérive. En se mobilisant massivement derrière la candidature du technocrate Boni Yayi au détriment de leur pair Adrien Houngbédji, ils ont fait entrer le loup dans la bergerie et comme dit l’adage : on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finira. La démocratie ce n’est pas l’égo mis en avant devant les militants, la démocratie ce n’est pas la sauvegarde des intérêts partisans, la démocratie est une exigence morale, une idéologie et une manière d’être des institutions. Nous ne le dirons jamais assez, la démocratie est une modalité de l’État dans laquelle l’instrument du pouvoir est représenté par les institutions constituées par les représentants du peuple au nombre desquelles se trouvent l’exécutif et le législatif. L’exécutif ne pouvant rien sans l’aval du législatif, lorsque les membres du législatif décident de porter à la tête de l’exécutif un indépendant, à moins de se résoudre à n’être qu’une caisse d’enregistrement, il court le risque de se détruire.

C’est d’ailleurs le cas de tous les partis actuels à l’exception du PRD. Résolument et méthodiquement, le président Boni Yayi a sapé les bases de tous les partis politiques qui l’ont porté au pouvoir en siphonnant leurs élites ou en suscitant  des rivalités en leur sein par des nominations dont lui seul a le secret. De même, il a déstabilisé presque toutes les institutions démocratiques qui au lieu de faire office de contre pouvoir, adoubent le pouvoir. L’Assemblée Nationale est à ce jour l’unique institution de la république dont le contrôle échappe au président Boni Yayi, mais tous les béninois ont été témoins de l’effort qu’il a fallu au peuple militant, après les législatives de mai 2015, pour y parvenir. La vérité est qu’il n’est pas certain qu’une autre personne en lieu et place de Boni Yayi agirait autrement compte tenu des pouvoirs en sa capacité. Le vers est donc dans le fruit.

En clair, la classe politique béninoise, Majorité comme Opposition sont responsables de la dérive actuelle du processus démocratique. Ici comme partout sur le continent, les élites politiques n’ont plus à cœur de porter les aspirations des peuples africains. Elles ne roulent que pour leurs intérêts immédiats et sont prêts à tous les deals pour parvenir à leur fin. Au quotidien, on l’observe aisément, la finalité des actions menées par les uns et les autres vise moins à rendre le processus démocratique plus transparent et plus pertinent dans la défense des libertés individuelles, la sauvegarde de l’égalité de tous et l’indépendance des institutions. La question existentialiste chez les politiciens béninois est comment faire pour être proches du pouvoir. En fait, les partis au pouvoir ont tout fait pour rendre le statut de l’opposition insoutenable, infernal. En conséquence, plus personne ne veut être opposant : « Tout le monde va à la soupe » au banquet de la démocratie. C’est cette attitude des élites politiques béninoises qualifiée par certains politologues de « ventrocratie » qui a conduit le  Bénin dans l’impasse où il est actuellement.

Faisant partie intégrante du problème, il serait naïf de compter sur les élites politiques pour rendre le processus plus orthodoxe, plus vertueux, plus pertinent. Il revient au peuple souverain aux organisations de la société civile, aux médias, au cours des reformes constitutionnelles à venir, de sortir de la logiques des hommes forts au profit des institutions fortes. Il faudra tout particulièrement encadrer le financement, le fonctionnement et le mode d’organisation des partis politiques pour mettre fin à la transhumance politique et rendre plus pertinente l’action politique.

Agbadje Adébayo Charles


Présidentielles 2016 au Bénin: Lionel Zinsou, une candidature hors du commun

Lionel Zinsou 2

Depuis sa prise de pouvoir en avril 2006, le président Boni Yayi s’est signalé par une prédilection à repérer et à coopter les béninois de la diaspora dans ses gouvernements successifs. Mme Houéto Collette, Messieurs  Pascal Iréné Koupaki, Kessyle Tchala, Victor Topkanou, Soulemane Lawani,  Lionel Agbo, Antonin Dossou et bien d’autres encore ont été, chacun en son temps, ainsi coopté par le président Boni Yayi. Lionel  Zinsou, franco-béninois, premier ministre de l’actuel gouvernement du président Boni Yayi n’est donc que le dernier des mohicans de l’aventure.

Toutefois,  quand on connait l’empressement avec laquelle Boni Yayi coopte les éminences de la diaspora quand il le juge nécessaire et la désinvolture avec laquelle il les vire quand il n’en a plus besoin comme ce fut le cas de tous les précités, le choix de Lionel Zinsou pour être le candidat unique des FCBE (sa famille politique) pour les élections de février 2016, loin de surprendre, doit conduire à rechercher ce que cache ce choix. Quel est donc l’enjeu réel de la candidature de Lionel Zinsou ?

D’abord, tout le monde sait et Lionel Zinsou aussi, que le vrai choix de Yayi Boni, son chouchou pour lui succéder,  c’est Komi Kountché,  allez  y savoir pourquoi. D’autre part, la candidature de Patrice Talon, l’ami intime devenu ennemi intime du chef de l’Etat, est annoncée et ce n’est un secret pour personne que Boni Yayi ne souhaiterait pas que Patrice Talon lui succéda au palais de la Marina.  Komi Kountché n’ayant pas encore l’âge requis pour être candidat, le choix de Lionel Zinsou par Boni Yayi pour être le candidat unique des FCBE peut donc s’analyser comme un choix par défaut et un choix stratégique pour faire le poids contre Patrice Talon. Et pour ma part, plus donc que le choix, c’est son acceptation par Lionel Zinsou qui pose problème.

Tomber comme un cheveu dans la soupe FCBE par le biais d’un remaniement ministériel en juin 2015, à vrai dire, Lionel Zinsou n’est pas un militant FCBE. On ne l’a jamais vu militer aux cotés  des FCBE et encore moins, participer à aucune bataille démocratique du peuple béninois. Mieux, les critères retenus dans l’appel à la candidature pour l’investiture des FCBE lancés par son coordinateur, exigent entre autre, l’appartenance du candidat au FCBE, son militantisme de sa capacité de mobilisation et l’exigence d’un mandat électif  ou d’un électorat confirmé, des critères qui, chacun, élimine Lionel zinsou de la course à l’investiture.

Pourtant, le secret des délibérations a porté son choix sur Lionel Zinsou, désormais appelé à porter l’étendard  FCBE aux présidentielles prochaines. Pourquoi alors présenter aux militants les critères à remplir quand on sait qu’ils ne seront pas pris en compte. Qui trompe qui et pourquoi ?

Mais le véritable hic de l’affaire c’est Lionel Zinsou lui-même. Béninois bon teint bon genre, économiste et banquier de formation, il est fortement imprégné de la culture et des usages de la France ou il a passé le clair de sa vie. C’est donc un homme moderne, un démocrate convaincu, un homme d’affaire avisé et un citoyen soucieux du devoir d’équité et du respect des normes sociales et c’est bien là que le bât blesse.

Comment un démocrate convaincu accepte-t-il de remporter l’investiture d’une alliance politique dont il est conscient qu’il ne remplit pas les critères prédéfinis pour les primaires?

Comment une personne proche des milieux politiques occidentaux, peut croire qu’un président démocrate en fin de règne conserve suffisamment d’influence pour imposer son successeur à sa famille politique?

Comment un homme avec  une éducation rationnelle accepte de s’investir dans un projet aussi irrationnel que le suffrage populaire, à moins, sait-on jamais, d’avoir reçu des assurances qu’il pourra gagner l’élection de la même manière qu’il a gagné l’investiture?

Quoi qu’on dise, cette candidature était improbable il y a huit mois, aujourd’hui elle est certaine. Pour un enjeu aussi considérable, il apparaît difficile de dire qu’elle procède d’une aspiration profonde de l’homme Lionel Zinsou, d’un appel ou d’une vocation. Elle apparaît plus, procéder de la volonté de Boni Yayi à imposer son candidat à sa famille politique et le président qu’il veut au peuple béninois.  De ce point de vue, la candidature de Lionel Zinsou serait une candidature de mission. Une mission, à mon sens, périlleuse à tous les égards.

D’abord vis-à-vis des FCBE, il apparaît comme le général d’une troupe frustrées mais désabusée qui probablement attend le dernier moment pour se prononcer, de ce coté donc Lionel Zinsou est loin d’être maître de son destin.

Quid de cette candidature si le camp du  sud ou le camp du nord des FCBE, le moment venu, déclare ne plus se reconnaître dans la candidature de Lionel Zinsou ?

De plus il n’est pas exclu que cette candidature ne soit, en réalité, qu’un jeu, un jeu de boni Yayi et des FCBE pour émietter les voix du sud du Bénin pour contrarier Talon et par  là même favoriser leur vrai candidat pour l’heure en embuscade. Les jours à venir clarifieront cet aspect du sujet.

D’autre part, vis-à-vis du peuple béninois, le soutien de Boni Yayi à Lionel Zinsou n’est pas sans péril pour ce dernier. En effet,  les 10 ans de Boni Yayi à la tête du pays ont été entachés de tant et tant de scandales qu’on ne saurait passer sous silence. Il s’agit entre autres de l’affaire des machines agricoles, l’affaire dite de la Cen-Sad, l’affaire ICC Services, l’affaire PVI- ng, l’affaire du Port sec de Tori, l’affaire Sodeco, des concours de recrutement frauduleux dans la fonction publique, un harcèlement des opérateurs économiques nationaux, une lutte folklorique contre la corruption, etc. Tous ces scandales sont encore des plaies béantes dans la société béninoise. Pour que la candidature de Lionel Zinsou soit crédible et acceptable, il faut qu’il livre maintenant au peuple son appréciation personnelle sur ces différents dossiers et ses réactions de citoyen vérifiables au moment où ils se déroulaient et comment il compte les gérer s’il était élu. Autrement, Il serait trop facile pour lui de dire, après coup, qu’il n’était pas dans le pays, qu’il n’est mêlé ni de près ni de loin à tous ces dossiers, qu’il mettra sur pied une commission pour patati patata. Dans un tel contexte, l’histoire va se répéter de façon plus dramatique qu’en 2006, car ce serait encore un autre “intrus“  qui se serait retrouvé démocratiquement au sommet de l’Etat.

Aussi, pour donner du sens à sa candidature, avant de nous exposer son plan pour créer la croissance et le développement, il faut qu’il prouve clairement qu’il  ne vient pas exonérer le président Boni Yayi de ses méfaits, qu’il ne vient pas protéger ses arrières ou plus grave encore à promouvoir les intérêts économiques et stratégiques de la France au Bénin. Les multiples navettes  du président Boni Yayi à  l’Elysée qui ont précédé sa nomination au poste de premier ministre, puis sa candidature aux présidentielles peuvent, en effet,   le laisser supposer. Cette clarification est nécessaire mais,  n’a aucune chance de se faire dans le contexte actuel de sa candidature. Ceci est alors le signe des nombreux non-dits que peut cacher la candidature de Lionel Zinsou.

En effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute que Boni Yayi tente d’instrumentaliser Lionel Zinsou, mais c’est un couteau à double tranchants. Si le premier tranchant va servir à faucher les candidats indésirables, Talon et Consorts, l’autre tranchant sera pour censurer, après coup ses dix années de gestion chaotique du pays.

Dans  tous les cas, l’histoire retient  que les trois candidats en pôle position pour les élections de février 2016 : Zinsou, Talon et Adjavon sont tous des hommes d’affaires et personne aujourd’hui ne peut préjuger de ce que  sera la gouvernance de l’un ou l’autre de ces trois hommes. Les béninois adorent acheter les pagnes, mais pour ces élections présidentielles, c’est un pagne emballé qu’ils se préparent à acheter. Après les élections, Il peut y avoir du très bon comme il y avoir du très mauvais. Espérons que les motifs de joie seront plus nombreux que les motifs douloureux dans ce pagne national en cours de filature.

Quoi qu’il en soit, quelque soit l‘étiquette portée par l’un ou l’autre des candidats,  ce sont les béninoises et béninois qui vont voter le 28 février 2016 et leur suffrage s’imposera à tous. Il importe donc  que discernement et transparence électorale soient de mise à tous les niveaux afin qu’entre deux maux, le peuple choisisse le moindre et   que le vainqueur déclaré de la compétition soit véritablement son élu et que vive la démocratie.


Burundi : alerte au syndrome d’imposture démocratique africaine

Pierre-Nkurunziza

Enfin, ce que tout le monde redoutait sur le continent arriva

L’imposture démocratique est consommée

Le président Nkurunziza a officialisé devant la Commission nationale électorale

Sa candidature à la présidentielle de juin 1015

Une élection à laquelle, au regard du texte constitutionnel

Il ne peut plus être candidat, ayant déjà épuisé ses deux mandats constitutionnels

Contre ce projet de candidature, le pays tout entier s’est insurgé

Contre ce projet, la Communauté internationale s’est prononcée

Contre ce projet, l’Union africaine a pour une fois dans son histoire, pris parti

Contre ce projet, les poids lourds du parti présidentiel sont entrés en dissidence                                                                                                        

A cause de ce projet, le pays est mis à feu et à sang

A cause de ce projet, déjà plus de 14 vies humaines se sont sacrifiées

Mais seulement voilà, le président Nkurunziza est resté de marbre

Il estime que son premier mandat n’en était pas un

Ses courtisans et partisans qui ont intérêt à la chose sont du même avis

Un avis nullement partagé par les opposants, le peuple militant et la communauté internationale

Et la Cour constitutionnelle consultée a pris fait et cause pour le prince

Du coup, le mal qui couvait, depuis quelque temps, a explosé

Le pays est frappé par une épidémie aiguë un mal très classique sur le continent

Un mal dont les manifestations divergent selon les pays, mais dont les causes sont partout les mêmes

Le premier magistrat revendique un troisième mandat que lui interdit la loi

Le peuple militant et les opposants du prince crient au respect des lois

La Cour Constitutionnelle par une lecture fallacieuse fait mentir la loi

Dès lors, les moyens, le temps et le génie de tout le peuple sont orientés vers ce projet

Les uns pour le faire prospérer et les autres pour le dénoncer

Et le tout finit dans l’insurrection des uns et leur répression par les autres

Une guerre larvée avec son cortège de morts, de blessés, de déplacés et des dommages divers

Tel est le mal qui sévit présentement au Burundi

Le syndrome d’imposture démocratique africaine ou  sida

Une imposture démocratique qui hélas, couve encore dans plusieurs autres pays du continent

Quel régime peut engendrer un pouvoir gagné dans ces conditions ?

Pourtant, toutes les nations africaines aspirent fortement à la liberté et à la démocratie

Or, pendant que sur les autres continents les peuples respectent leurs lois et évoluent

En Afrique on triche avec les lois, on s’autodétruit et on végète dans le sous-développement

A la fin on se dédouane en faisant porter la responsabilité de nos malheurs par les autres

Pauvre Afrique constamment trahie par ses élites

 L’imposture des uns rime avec la forfaiture des autres

Aux professions de foi des cadets répondent les parjures successifs des aînés

Qui pour libérer le continent noir de ses propres démons ?

Qui pour conduire les nations africaines vers leur salut ?

Qui pour faire en sorte que ce qui est écrit devient la pensée de tous ?

Qui pour faire en sorte que ce qui est écrit correspond aux exigences de tous ?

Qui pour faire en sorte que la vérité des urnes correspond à celle de l’histoire ?

Quoi qu’il en soit les impostures et les forfaitures ne dureront qu’un temps

Car comme l’a su dire Abraham Lincoln :

« On peut tromper une partie du peuple tout le temps 

Et tout le peuple une partie du temps, 

mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».

 

 


Au Sénégal, le maître et l’esclave

Au Sénégal, des citoyens justiciables sont accusés d’enrichissements illicites,

Depuis lors, le pays est partagé entre joie, désarroi et émoi

Les charges contre le principal accusé de l’affaire sont très lourdes,

 Un patrimoine illégalement acquis de 178 millions d’euros,

En sous-main, plusieurs hommes de paille et des sociétés-écrans.

Au regard du préjudice, le verdict de la CREI est fort exemplaire.

Six ans d’emprisonnement ferme et à une amende de 138 milliards de nos francs

De tels procès en Afrique pour décourager prévarication et corruption,

Sont fortement demandés et à l’occasion, salués par les populations.

Trop c’est trop, entend-on de partout sur le continent,

Une minorité qui s’accapare du fruit de l’effort national,

Un vrai fléau qui plombe le développement  continental.

Ce procès a donc tout pour être salutaire.

Mais seulement voilà, il se trouve que,

Le principal accusé est Karim Wade, fils de maître Abdoulaye Wade,

Ancien président de la République du Sénégal.

Et celui par la faute de qui ce procès est intenté,

N’est nul autre que Macky Sall, l’actuel président du Sénégal.

Un « esclave » vrai, à en croire le maître Wade,

On se souvient, en effet, dans un passé récent,

Du temps ou l’ « esclave » officiait encore au service du maître,

 soupçonné alors de prendre les airs de dauphin présomptif du maître

Il avait été sèchement remis à sa place.

Son accession à la magistrature, il ne la doit qu’à sa rébellion.

Ce procès a donc, quoi qu’on dise,

Un relent de réponse du berger à la bergère.

Une outrecuidance inacceptable pour le maître.

Son digne et noble fils Karim, vilipendé par un vil esclave.

Le courroux du maître est terrible et les mots ont volé très bas :

« … Descendant d’esclaves… anthropophage … Baní de la société …

Jamais mon fils Karim n’acceptera que Macky soit au-dessus de lui.

Dans d’autres situations, je l’aurais vendu en tant qu’esclave (…) ».

Disons le net, ces propos moyenâgeux sont indignes du maître.

Ils sont unanimement condamnés par l’ensemble de la société sénégalaise.

Même les avocats de la défense de Karim l’ont désapprouvé.

Mais, le maître n’est plus maître de lui,

Il incite l’armée à un soulèvement militaire,

Dans le même temps, malgré les obstacles et oppositions divers,

Karim est déclaré candidats du parti du maître à la  présidentielle de 2017.

Eh oui, Karim Wade, héros de guerre en temps de paix…

C’est flatteur et peut-être réconfortant pour le maître éprouvé.

Pendant ce temps, l’«  esclave », de son côté, jubile.

L’affaire tourne au plébiscite pour sa personne.

Il est la preuve vivante d’une vérité fondamentale,

Le maître, selon Emile C. Alain, ne nous apprend jamais qu’une seule chose :

Il faut que chacun soit son propre maître,

Ce qui fait tous les hommes égaux.

Justement, au nom de l’égalité, pour salutaire que soit ce procès,

Il n’est pas sans reproche de quelques excès.

La CREI est un tribunal d’exception.

On aurait souhaité qu’il soit un tribunal ordinaire.

On voudrait bien croire  que le procès très médiatique de Karim,

Ne sera pas l’exception qui confirme la règle de l’impunité,

Mais un exemple qui fera boule de neige.

Le défi est de normaliser la CREI et la rendre performante,

Afin que dorénavant, la même rigueur soit tenue

Pour quiconque soupçonné des mêmes faits,

Maître ou esclave, allié ou opposant,

L’esclave aura alors démontré, qu’il a fait mieux que son maître.


Au Bénin, chronique d’un requiem annoncé

 

Le docteur président Yayi Boni, l’homme fort des Béninois,

N’est plus, depuis quelque temps, en joie.

Après neuf ans de règne, il subit les affres du déclin… de la fin.

Il pleure sa puissance et son emprise des temps passés,

Le temps des éloges, louanges et glorifications,

Yayi « l’homme du changement », « l’homme de la refondation »,

Yayi le « dieu », le « messie », le « papa bonheur »,

Yayi « plus rapide que la prière »….

Le temps où ses grâces et sa capacité de nuisance,

Tenaient en respect alliés et opposants.

Mais ce temps, c’était avant.

A présent que la fin du règne approche à pas de géant,

Il est attaqué par ses propres partisans,

Devenus forts par sa faiblesse..

Ô cruel souvenir d’une gloire passée !

Œuvre de tant d’années en une saison effacées

N’a-t-il donc tant fait que pour cette infamie ?

Le requiem de sa fin est entonné, et par qui ?

Le frère, le charismatique député  Sacca Lafia, a clamé haut et fort,

« Yayi, 10 ans, c’est fini, Yayi est fini ».

Mathurin Nago, président de l’Assemblée et allié inconditionnel, a claqué la porte du palais présidentiel,

Il menace même de faire parler les cadavres si on l’y contraint.

L’honorable Aholou Kèkè, prosélyte du yayisme, devenue renégate, a fait publiquement acte de contrition :

« Nous nous sommes trompés et nous vous avons trompés »…

La saignée est terrible dans les rangs des yayistes et des cauristes

Elus locaux, députés, maires, anciens ministres,

Les uns après les autres, ils désertent le navire présidentiel.

Ils ont soudain retrouvé leur âme de démocrates et  libres-penseurs.

Le malheureux président, regarde le désolant spectacle et fulmine,

« Je suis fini, ils se trompent », martèle-t-il.

Il compte encore sur les quelques fidèles qu’il lui reste.

En voiture, en zem et en hélicoptère,

Il remue terre et ciel, promet monts et merveilles aux Béninois.

Il veut une majorité aux législatives prochaines.

Mais à quelle fin on se demande bien?

Pour surtout poser les garde-fous, atteste le fidèle des fidèles ministres Kassa.

Il attend son destin, au soir des législatives du 26 avril.

Avec une majorité à l’assemblée, il va  reprendre du poil de la bête.

En pareil cas, il ne ferait pas bon d’être à la place des frondeurs.

Sans majorité à l’Assemblée, son vœu tardif de l’appel de Dieu pourra s’exaucer.

Le frère Thomas va rejoindre le frère Melchior dans son refuge,

Ensemble, ils chanteront le requiem de leur gloire passée.