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Affaire de licence frauduleuse : coup d’état contre la Commission discipline de la FFRIM !

Coup d’éclat à la fédération mauritanienne de football. Sitôt revenu de voyage, le président de la fédération a procédé à un hold-up réglementaire en dessaisissant la Commission de Discipline pour faire passer la réserve portée par la Garde Nationale contre le FC Nouadhibou par perte et profit !

Le bureau fédéral de la FFRIM lors de la visite du président de la FIFA en Mauritanie en février 2017 (Crédit : FFRIM)

Le Bureau exécutif de la Fédération mauritanienne de football (FFRIM) s’est réuni ce soir, mardi 13 juin 2017 au cours d’une séance houleuse au cours de laquelle, le président de la fédération a intenté un putsch en bonne et due forme contre la Commission de Discipline. Ainsi, la licence frauduleuse du jour de FC Nouadhibou, Cheikh El Weli Yacine, est passée d’une affaire litigieuse relevant de la Commission de Discipline et des tribunaux mauritaniens en une mascarade de vote à mains levées pour enterrer le dossier. Avec deux absentions et une opposition, celle du président du FC Tevragh-Zeine, Moussa Khaïry, le bureau fédéral a blanchi la malversation, pour le plus grand plaisir du président de la fédération qui a tenu à défendre avec bec et ongle, son club, le FC Nouadhibou. Il a été convenu qu’à défaut d’une pièce d’identité, d’un passeport en cours de validité ou d’une attestation délivrée par l’autorité compétente accompagnée d’un extrait de naissance, seuls documents pouvant ouvrir droit à une licence de football pour un Mauritanien, l’attestation délivrée par le commissaire de la Délégation de la PJ du Parquet pouvait en tenir lieu.

L’équipe de la Garde Nationale qui se trouve spoliée par ce coup de pirouette unique en son genre, pourrait ainsi attaquer le document en question. Le commissaire de police serait ainsi amené à expliquer dans quelle condition cette attestation a été délivrée et sur la base de quels documents et de quels témoignages.

Ce qui est sûr, l’histoire du football mauritanien retiendra que pour une fois, qu’une réserve portée contre un joueur a été tranchée hors du circuit normal. La Commission de Discipline, organe indépendant créé pour connaître ce genre d’affaire, a été ainsi contournée pour dissimuler une fraude en flagrance. Cette histoire pourrait ainsi servir de jurisprudence. Désormais, les réserves pourraient ne plus être du ressort de la Commission de Discipline mais de celui du Bureau Fédéral qui sera amené à voter pour OUI ou Non dans de pareils cas.

Ainsi, en sus de piétiner les textes fondateurs, le FC Nouadhibou et son puissant mentor, le président de la fédération, pourraient poursuivre leurs crimes en toute impunité, en se drapant du statut de multirécidiviste protégé. Car, ce n’est pas la première fois que le FC Nouadhibou s’en sort. Jamais une réserve portée contre cette équipe n’a porté, la plaçant ainsi au-dessus des lois de la Fédération mauritanienne de football.

Oui, les membres du bureau fédéral qui ne peuvent s’opposer au diktat du président de la fédération peuvent bien protéger leur poste et leurs subsides, mais la mémoire du foot mauritanien retiendra qu’à un moment de l’histoire, ils ont failli à leur devoir et bafoué les textes qu’ils ont eux-mêmes adoptés.

Cheikh Aïdara


Rupture avec le Qatar : la rue mauritanienne divisée

A la suite des pays du Golfe sous la férule de l’Arabie Saoudite, la Mauritanie a annoncé le 6 juin dernier par le biais d’un communiqué du Ministère des Affaires Etrangères, la rupture de ses relations diplomatiques avec le Qatar. Une annonce qui a provoqué une manifestation spontanée, plusieurs citoyens s’étant massés devant l’ambassade qatarie à Nouakchott pour exprimer leur solidarité. Depuis, la rue mauritanienne est profondément divisée.

 

Mohamed Abdel Azoz et le Roi Salman d’Arabie Saoudite à Djeddah (Crédit photo : google)

La crise entre le Qatar et ses voisins du Golfe, intervenue le 5 juin 2017, isole de jour en jour le petit émirat. La vague des ruptures diplomatiques avec le Qatar s’est en effet amplifiée, sous la pression de Riadh, à des dizaines d’autres pays, dont la Mauritanie. La raison évoquée pour expliquer cette décision diplomatique reprend dans ses termes, les mêmes accusations portées par l’Arabie Saoudite et ses alliés. Il est reproché au Qatar de soutenir le terrorisme et de jeter le trouble dans le monde.

Ce qu’on reproche au Qatar
La crise entre le Qatar et ses voisins du Golfe, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unies, Bahreïn et qui s’est par la suite étendue à tous les pays arrosés par les pétrodollars saoudiens a été disséqué par la quasi-totalité des analystes du monde.

L’accusation de soutien au terrorisme, répétée à l’envie ici en Mauritanie, par une pléiade de cadres  contraints à investir les plateaux des télévisions pour soutenir le point de vue officiel est battue en brèche.

Parmi les causes supposées de la crise, certains analystes en Occident citent le reproche fait au Qatar d’empiéter sur les plates-bandes de son puissant voisin saoudien, tout récemment rétabli dans la plénitude de son leadership du monde arabo-musulman par la nouvelle administration américaine. En effet, un lien de cause à effet a été établi entre la visite de Donald Trump à Riadh le 21 mai 2017 et l’offensive contre Doha enclenchée le 5 juin dernier. Le Qatar aurait eu l’ambitieux crime de jouer dans la cour des grands en oubliant sa petite taille, pour prendre trop de place dans les économies développées, comme ses énormes investissement en Europe.

L’autre cause évoquée, celle du refus du Qatar à se joindre à la coalition anti-Iran que Trump veut former avec les pays du Golfe, dont l’Arabie Saoudite. Le Qatar est lié à l’Iran par une frontière maritime mais surtout par un important champ gazier que les deux pays exploitent en commun.

Mais si des présomptions pèsent sur le Qatar à travers certains privés qataris soupçonnés de financer des organisations déclarées terroristes comme le Jebhat Nosra proche d’Al Qaïda en Syrie, l’Arabie Saoudite et les Emirats seraient également fortement impliqués dans ce financement occulte du terrorisme. Ainsi, pour beaucoup d’observateurs, l’accusation de terrorisme adressée au Qatar ne serait qu’une façade et qu’en réalité il lui serait reproché de ne pas être dans le délire anti-Iran de Riadh et d’Abu Dhabi.

L’autre point de discorde serait d’ordre idéologique avec un Qatar qui abrite les Frères Musulmans chassés d’Egypte et que le Royaume saoudien combat comme la peste parce qu’ils font ombrage au courant salafo-wahabiste qu’il finance et propage à travers le monde.

Les Emirats n’ont jamais quant à eux pardonné au Qatar son indépendance et son refus d’intégrer l’union, préférant se détacher pour former un «petit pays indépendant ». Le comble, cette coupe du monde que le Qatar accueillera en 2020.

Mais la plus grande contradiction serait le rôle central joué par les Etats-Unis dans l’isolement du Qatar tout en y maintenant sa puissante base militaire, la plus importante au Golfe. C’est surtout le parti pris de l’administration américaine en faveur de pays autocratiques comme l’Arabie Saoudite, où la démocratie est absente et les droits de l’homme bafoués qui jette le discrédit sur la politique étrangère des Etats-Unis dans le monde arabe.

Tous les analystes sont cependant d’avis que le Qatar ne pourra pas résister longtemps à l’embargo qui le frappe et qu’il sera obligé de faire des concessions ou de courir le risque d’une énième révolution de palais. En 2014, une crise similaire avait frappé le Qatar et a duré 8 mois. A l’époque, c’était la tête du prédicateur Al Qardawi qui a été réclamé et depuis, il a disparu des plateaux de télévision qataris. Cette fois, la facture risque d’être plus salée, car il s’agit pour l’Arabie Saoudite et ses alliés d’amener le Qatar à chasser les frères musulmans qu’il abrite ainsi que la direction du mouvement Hamas, sans compter la livraison de cinq bonnes dizaines de personnes recherchées pour terrorisme.

La crise du Qatar vue de l’Occident

Si Donald Trump a déclaré que la crise du Qatar doit être réglée le plus rapidement possible, nul ne sait encore le sens de ces propos, si la solution doit être militaire ou politique. La Turquie et le Pakistan auraient annoncé un mouvement de troupes vers le Qatar pour le protéger en cas d’attaques, tandis que l’Iran vient de dépêcher plusieurs avions pour ravitailler le pays.

En France, les réactions tardent encore, même si la plupart des analystes trouvent que le nouveau président français Emmanuel Macron avait déjà annoncé durant sa campagne qu’il mettra fin aux avantages fiscaux accordés aux investissements qataris par l’administration Sarkozy. Ainsi, il a fait poireauter l’Emir du Qatar pendant six jours avant de le prendre au téléphone après la crise.

Pourtant, les investissements qataris en France, estimés à plus d’un milliard d’euros, pèseront lourd dans toute décision que la nouvelle équipe de Macron aura à prendre.

L’Allemagne mais aussi l’Union européenne ont demandé la fin de l’embargo sur le Qatar.

In fine, le Qatar serait coupable d’exhibitionnisme au point d’avoir agacé son voisinage immédiat qui cherche aujourd’hui à le remettre à sa place.  Et puis, sa chaîne Al Jezira, 5.000 employés et 180 bureaux à travers le monde a eu l’outrecuidance de heurter la culture antidémocratique des pays du Golfe nullement habitués à un tel degré d’indépendance dans le traitement de l’information. Cette chaîne donne en effet la parole à tous les opposants du monde arabe et cloue au pilori les chefs d’Etat arabes non coutumiers de telles critiques. Il lui est aussi reprochée d’avoir soutenu et même provoqué des crises dans le monde arabe.

L’analyse de la crise en Mauritanie

En Mauritanie, la décision de rompre avec le Qatar a été trop rapide et brusque pour l’opinion publique nationale. Le communiqué du Ministère des Affaires Etrangères accuse le Qatar de propager des idées extrémistes et d’avoir sciemment semé l’anarchie dans de nombreux pays arabes. «Le Qatar a pris l’habitude de mettre en cause les principes sur lesquels est fondée l’action arabe commune» déplore le communiqué officiel.

Cette décision du gouvernement mauritanien a été d’autant inattendue que le Qatar a beaucoup investi en Mauritanie, en construisant un centre pour l’éducation des enfants sourdes, une mosquée, un grand complexe touristique, un hôpital à Boutilimit. Mieux, les deux pays ont multiplié ces derniers mois leurs échanges et signé un jumelage entre la Cour suprême mauritanienne et la Cour Qatarie de cassation. Plusieurs centaines de fonctionnaires mauritaniens, magistrats, imams et enseignants travaillaient aussi au Qatar.

Cette embellie a été cependant émaillée de plusieurs mini crises, comme l’accusation lancée par Nouakchott il y a quelques années contre le Qatar, l’accusant de soutenir des mouvements terroristes dans le Nord Mali, et de soutenir le parti islamiste Tawassoul proche des frères musulmans.

Mais le pouvoir mauritanien est obligé de prouver la justesse de sa décision face à une opinion mauritanienne foncièrement hostile, en envoyant chaque jour et chaque nuit des pléthores de cadres et hauts fonctionnaires défendre sa position sur les plateaux de télévision et les studios des radios qu’ils soient publics ou privés. Une offensive médiatique qui vient prouver, selon les opposants, que les arguments avancés par le gouvernement mauritanien ne tiennent pas la route.

La rue estime que la décision de l’Etat résulte d’un suivisme aveugle et irréfléchi pour plaire à l’Arabie Saoudite, si ce n’est pour des raisons pécuniaires, certains parlant de plusieurs millions de dollars promis par les Saoudiens au gouvernement mauritanien.

C’est le point de vue du parti Union des Forces du Progrès (UFP) de l’opposition radicale qui estime que la rupture diplomatique avec le Qatar répond à une logique de suivisme et d’opportunisme diplomatique qui met en berne la souveraineté du peuple mauritanien.

Pour Mohamed Jemil Mansour, président du parti Tawassoul, qui s’exprimait au cours d’une invitation à la rupture du jeûne,  à laquelle avait assisté la classe politique, majorité et opposition confondue, mais aussi des membres des deux chambres du Parlement, «la défense de la cause palestinienne à travers le mouvement de résistance Hamas est un bienfait et le contraire une perdition ».

Cheikh Aidara


Journée mondiale contre le travail des enfants : situation alarmante en Mauritanie

Quelques 37,6% des enfants âgés de 5 à 17 ans en Mauritanie travaillent comme bergers, paysans, aides garagistes, domestiques, charretiers… Une situation alarmante qui a conduit les autorités à ratifier les principales conventions de l’OIT contre le travail des enfants  tout en mettant en œuvre un arsenal juridique et institutionnel conséquent. La journée mondiale contre le travail des enfants célébrée hier,  lundi 12 juin 2017, a permis de procéder au bilan des actions accomplies.

Message des enfants (Crédit photo : Aidara)

Le Centre culturel de la Communauté Urbaine de Nouakchott, sis au Musée National, a abrité lundi 12 juin 2017 les activités commémoratives de la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants. La journée, dont l’ouverture officielle a été présidée par le Secrétaire général du Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Modernisation de l’Administration, a été marquée par la forte présence de la société civile et du personnel du Bureau internationale du Travail (BIT) en Mauritanie.

La cérémonie d’ouverture a connu un bref échange de discours entre le Secrétaire général du Ministère du Travail et le représentant du Projet Bridge relevant du BIT, M.Marc Ninerola qui a mis l’accent sur l’ampleur du travail des enfants en Mauritanie et l’appui du BIT dans deux axes du Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants  (PANET RIM).

L’assistance, dominée par les jeunes, a suivi par la suite, une intervention des enfants, une chanson puis un message de secours adressé aux adultes. «Je veux juste rester un enfant » fut le message central et émouvant qui a été lu en français et en arabe.

Trois communications ont par la suite été présentées. La première, par le Coordinateur du  Projet de lutte contre le travail des enfants au sein du bureau du BIT, M.Cheikh Thiam.

Dans son exposé il a brossé les principaux domaines d’intervention de son projet, notamment la formation et le renforcement de capacité des acteurs du travail (inspecteurs et contrôleurs du travail), mais aussi l’appui à l’institutionnalisation et à la mise en place du  Conseil national du dialogue social, entre autres.

Lui succédant, Mohamed Baba Deih, consultant, a campé le contexte du travail des enfants en Mauritanie, un pays où les moins de 18 ans représentent la moitié de la population. Il a évoqué les textes internationaux ratifiés par la Mauritanie dans le domaine du travail des enfants, notamment la Convention n°138 de l’OIT relative à l’âge minimum de travail et la Convention n°182 relative aux pires formes des travaux des enfants, mais aussi la Charte africaine pour le bien-être de l’enfant. Selon lui, le nombre d’enfants travailleurs a beaucoup baissé dans le monde, encore plus pour les filles que pour les garçons, une baisse de 40% chez les filles contre 25% chez les garçons.

Il estime qu’en Mauritanie, près de 80% des enfants sont victime de discipline violente, que 10,6% des enfants âgés de moins de 17 ans ne vivent pas avec leurs parents biologiques, que 41,7% des enfants de moins de 5 ans ne disposent pas d’acte d’état-civil.

Il a par la suite énuméré l’arsenal juridique mis en place pour lutter contre le travail des enfants et rendre obligatoire leur scolarité

Enfin, la troisième et dernière communication a été présentée par Frederico de l’ONG internationale «Save The  Children » qui a axé son intervention sur le Profil des enfants en mobilité et leur vulnérabilité face à l’exploitation et à la traite aussi bien dans les pays de transit que dans les pays de destination. Il déplore, surtout en Mauritanie, le manque de données statistiques et anthropologiques sur les raisons qui poussent les enfants à se déplacer, sur leur âge, leur couloir migratoire, mais aussi leur manque de visibilité dans les politiques du pays.

Ces enfants viennent pour la plupart, selon lui, du Mali, du  Sénégal et de la Gambie et se répartissent en quatre catégories : les filles mineures domestique souvent exposées aux violences sexuelles, les filles et les garçons victimes du système du  «Confiage » citant les enfants talibés, les mineurs vivant dans un environnement stable mais attirés par les mirages de l’Europe et enfin, les mineurs vivant dans un environnement familial instable et qui développent un lien avec la rue.

Plusieurs ONG engagées dans la protection des droits des enfants avaient pris part à la manifestation, notamment  l’Association Génération Motivée (AGM), l’Association des femmes chefs de famille (AFCF), le Léons Club.

Selon Aminetou Mint Mokhtar, présidente AFCF, «nous avons recueilli plusieurs filles anciennes domestiques victimes de violences, que nous avons réinjectées dans le circuit de l’enseignement. Nous avons suivi certaines d’entre elles jusqu’au baccalauréat ». Selon elle, son organisation a identifié à Rosso et à Nouakchott 9.484 enfants victimes de domesticité dont 78,8% de filles, ainsi que 7.662 enfants en conflit avec la loi, dont 32% âgés de moins de 14 ans et 68% âgés entre 14 et 18 ans.

Cheikh Aidara


Mohamed Ould Abdel Aziz : Un bilan mitigé à mi-mandat

Arrivé au pouvoir en 2008 par une révolution de palais, puis élu Président de la République lors de l’élection présidentielle de juillet 2009 et lors du renouvellement de son second mandat en juin 2014, le président Mohamed Ould Abdel Aziz s’achemine dans moins de deux ans à céder le fauteuil, conformément aux dispositions de la Constitution mauritanienne.

Durant ces huit années de règne, Mohamed Abdel Aziz laisse l’image d’un homme controversé, adulé par ses partisans qui le trouvent irremplaçable jusqu’à vouloir l’imposer ad æternam et vilipendé par ses adversaires qui l’accusent d’avoir fait de la Mauritanie un pays en lambeaux.

Entre les avis favorables des uns et les critiques acerbes des autres, nous allons tenter le plus objectivement possible de dresser un bilan présidentiel qui, le moins que l’on puisse dire, est qu’il ne laisse personne indifférent, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur du pays. Ce bilan sera le plus synthétique possible, au format d’un article de presse qui ne peut prétendre à l’exhaustivité d’une étude académique.

A la tête de toutes les performances et de toutes les tares qui seront développées dans ces lignes, il ressort que les différents mini-gouvernements successifs, retouchés selon les humeurs du moment, endossent l’essentiel des responsabilités dans les échecs et les succèsenregistrés au cours des huit années de règne de Mohamed Ould Abdel Aziz. Que cela soit sur le plan politique, économique ou social.

Sur l’action gouvernementale

A la décharge partielle des différents ministres qui se sont succédé en Mauritanie de 2008 à nos jours, on peut trouver des circonstances atténuantes. Ils ont servi sous un régime où toutes les décisions sont concentrées entre les mains du président de la République. Même pour acheter une rame de papier, même pour la moindre décision, il faut l’avis du Chef.

Résultat, l’allégeance politique a servi de critère de nomination dans les différents gouvernements plus que la compétence technique. D’où l’émergence des tares les pus répulsives de la philosophie politique la plus platonicienne. Parmi ces tares, on peut citer les dérives apologiques pour plaire au maître.

L’hypocrisie politique et les guerres de tranchées entre différentes factions au sein de la majorité battent leur plein, guerre entre anciens et nouveaux, entre clan Hademine et clan Moulaye, du nom de l’actuel Premier ministre et de son prédécesseur.

Parmi ses tares aussi, le clientélisme, le népotisme, les passe-droits, la manipulation de la vérité, l’ostracisme, l’exclusion de tous ceux qui ne sont pas dans le système, la médiocrité à la tête de l’Etat, avec des nominations de complaisance basées sur de fragiles équilibres régionalistes, ethnicistes, tribaux ou corporatistes.

Parmi ces ministres, les plus inamovibles sont paradoxalement ceux qui sont les plus décriés par l’opinion publique nationale. Ceux qui devaient, selon elle, céder leur fauteuil depuis longtemps pour incompétence.

Si on ajoute à tout cela un parti-état, UPR, empêtré dans ses problèmes internes, ses guerres de tranchées et de positionnement. Résultat, Aziz navigue tout seul, en cavalier solitaire, mal soutenu par un gouvernement fort ou un parti mobilisateur.

Dernier soubresaut venu mettre le feu à la poudrière UPR, la fronde des sénateurs, obligeant le président de la République à s’engouffrer dans une controversées pirouette constitutionnelle pour un référendum constitutionnel fortement entachée.

En filigrane de sa politique équilibriste où il est parvenu jusque-là à jouer sur plusieurs tableaux, il ressort en définitive que Mohamed Abdel Aziz s’est trompé en croyant dans une opposition dialoguiste (APP, El Wiam, Sawab) qui n’a finalement pas fait l’affaire et qui a montré ses limites. Cette opposition n’a pas permis d’instaurer une certaine détente ni à décrisper la situation politique très tendue entre le pouvoir et l’opposition dite radicale.

En fait, en termes de gouvernement, la Mauritanie n’en a pas eu un seul de valable. Toutes les équipes qui se sont succédé depuis 2008 à la tête de l’Etat, à coups de rafistolages, ont été marqués par l’inertie, le manque d’homogénéité, sans tête de pont valable, avec des hommes de cour dont l’extravagance amuse au moins la galerie, à l’image du bavard ministre des Finances, du bouffon ministre porte-parole du gouvernement ou du ministre constipé en charge de l’Enseignement Supérieur, dont le sadisme anti-étudiant dispense de tout commentaire.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, les huit années de présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz sont marquées par un émiettement de la classe politique, savamment orchestré et entretenu pour mettre à l’écart les plus radicaux des opposants.

Par cette tactique, le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz pensait pouvoir gouverner tranquillement en mettant en orbite une partie de la classe politique qu’il poussera d’année en année dans l’exclusion et la marginalisation.

Résultat, une crise politique qui perdure depuis les Accords de Dakar de 2009 et qui, malgré des dialogues menés avec ses partisans et une opposition dite modérée, entièrement acquise à ses causes, n’est jamais parvenue ni à décrisper les tensions internes ni à satisfaire les partenaires internationaux et les bailleurs de fonds soucieux du climat délétère et non consensuel qui prévaut.

Le régime que Mohamed Abdel Aziz a mis en place, en guerre ouverte à ces débuts contre les « Moufcidines », c’est-à-dire tous ceux qui avaient servi sous l’ère Ould Taya et accusés de gabegie, finira par devenir le creuset de tous les anciens ténors de cette époque Taayenne.

Cette troisième colonne qui constitue aujourd’hui l’ossature de l’équipe dirigeante actuelle, s’est reconstituée par une mue magique, rétablissantdans toute sa plénitude le Système féodalo-militaro-affairiste qui règne sur la Mauritanie depuis 1978.

Et cette force occulte est contre tout changement de la donne, celle qui permet de saigner les finances publiques, de faire le lit de toutes les magouilles, véritable paradis de la corruption et de la gabegie. Résultat, si du temps de Ould Taya, les malversations se chiffraient en million d’ouguiyas, sous le règne de Mohamed Ould Abdel Aziz, on ne parlera plus que de scandales portant sur des milliards d’ouguiyas.

Les énormes ressources de la Mauritanie n’auront servi durant ces huit années qu’à engraisser une nouvelle classe d’hommes d’affaires fabriqués sur pièces et qui remporterait, si un prix était décerné pour cela, le Guinness des plus rapides enrichissements au monde.

Pour participer à cette manne, plus d’une centaine de partis politiques, dont l’écrasante majorité sans audience ni Aura, essaimeront autour du pouvoir. Ils meubleront tous les forums et tous les dialogues, faisant chorus.

L’opposition quant à elle a été émiettée et divisée, éclatée en plusieurs fronts antinomiques. Du Front national pour le développement démocratique (Fndu), le plus grand regroupement des opposants au pouvoir, il ne restera que des lambeaux.

Le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz parviendra à l’émietter à coups de défections, promettant aux dissidents postes juteux et avantages matériels. Des offres alléchantes qui laissent indifférents peu d’opposants, tannés par des années de traversées du désert et d’exclusion.

Aujourd’hui, il existe plus de trois pôles de l’opposition dont les plus malléables servent de faire-valoir à un régime qui s’en sert pour vendre l’image d’une démocratie qui fonctionne normalement.

Ce qui ne trompe pas les partenaires internationaux qui ont compris le jeu et ne cessent d’exiger du pouvoir de Mohamed Abdel Aziz une plus grande ouverture du champ politique. S’il y a un bilan sombre du règne de Mohamed Ould Abdel, la gouvernance politique figure comme l’un des aspects les plus désastreux.

Exclusion des opposants à toute participation à la vie active, avec mise à l’écart de ses cadres, chasse aux sorcières dans les administrations publiques contre les fonctionnaires militants de l’opposition, pression fiscale sur ses hommes d’affaires, exclusion de tout activiste, journaliste ou membre de la société civile soupçonné de sympathie pour l’opposition. Un climat politique exclusiviste qui met à l’écart une bonne partie des compétences nationales.

Sur le plan économique

La bonne étoile du régime, qui lui a fait bénéficier des années d’opulence suite à la montée en flèche des prix du fer, du cuivre et de l’or sur les marchés mondiaux entre 2009 et 2012, « la manne minière », n’a pas été judicieusement exploité.

Résultat, les recettes colossales et imprévisibles de cette manne, qui a drainé entre 2009 et 2012, plusieurs milliards de dollars, n’aura pas servi à booster l’économie nationale.

Cela ne s’est pas reflété ni dans la résorption du chômage, ni dans la construction d’infrastructures de base conséquentes. Nouakchott ne compte aucun échangeur. Les salaires des fonctionnaires n’a connu la moindre hausse, alors que les prix de denrées de première nécessité ont enregistré des hausses considérables.

Peu de rentrée en termes d’investissements étrangers directs. Mais par contre, plusieurs sociétés privées ont fait faillite, des hommes d’affaires nationaux ont émigré vers d’autres pays de la sous-région, sous le coup de boutoir d’une pression fiscale insoutenable. L’impôt, après l’euphorie de la manne minière, est devenu la principale source de recettes du budget de l’Etat.

Certes, des satisfactions existent, notamment sur le plan routier. Nouakchott et Nouadhibou ont été dotés d’importants réseaux routiers urbains. Plusieurs routes ont également permis de désenclaver des régions entières, voire des départements, sur l’ensemble du territoire national, dont les plus importants restent l’axe Atar-Zouerate ou encore Atar-Tijikja.

Mais les deux axes les plus vitaux du pays continuent de souffrir de négligence, notamment la route de l’Espoir qui relie Nouakchott à Néma, sur 1200 kilomètres et qui traverse cinq grandes régions du pays, et l’axe Nouakchott-Rosso, point névralgique entre le Maghreb et l’Afrique Noire.

Satisfecit aussi sur le plan de l’hydraulique, de l’électrification, de la sécurité, de l’armée et sur le plan diplomatique où des avancées notoires ont été avancées, même si les marchés de passation des marchés liés à l’exécution des projets sont fortement décriés, avec des accusations de corruption et de gabegie à grande échelle.

Le tourisme, principale industrie des régions du Nord n’a pas repris, malgré les avancées sur le plan sécuritaire. Une bonne partie du pays reste encore dans la ligne rouge du Quai d’Orsay.

L’artisanat se meurt doucement, en l’absence de tout soutien du gouvernement. Les artisans sont obligés de se prendre en charge pour participer aux foires internationales et leur production ne bénéficie d’aucune politique promotionnelle de la part de l’Etat.

La pêche est également en crise et la Smcpp a perdu tout monopole sur les prix des produits. Victime d’un excès de protectionnisme, les eaux mauritaniennes ont été interdites aux pêcheurs sénégalais alors que les nationaux ne maîtrisent pas encore la mer.

Les accords avec l’Union européenne, très restrictifs selon certains avis, ont poussé les Européens à récupérer d’une main ce qu’ils ont laissé de l’autre. Ils se sont rabattus sur l’aide publique au développement qu’ils gèrent désormais en exclusivité, à travers l’assistance technique internationale.

Cheikh Aidara


Genève : la Mauritanie épinglée par le Rapport de Philip Aston

Le gouvernement mauritanien a été épinglé à Genève par Philip Aston,  Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. C’était au cours de son intervention, le 7 juin 2017 devant la 35ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Samory Beye lors de son intervention à Genève (Crédit photo : AHME)

Accablant pour la Mauritanie fut le Rapport de Philip Aston, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, suite à la visite qu’il a effectuée en Mauritanie du 2 au 11 mai 2016. Le rapport, présenté le 7 juin dernier devant la 35ème session du Conseil des droits de l’homme à Genève, souligne que les trois quart de la population mauritanienne vivent au-dessous du seuil de pauvreté, tout en mettant en relief l’exclusion des Haratines et des négro-mauritaniens des centres de décision politique et économique du pays. «Les Haratines et les négro-africains sont pratiquement exclus de toutes les fonctions réelles de pouvoir, ainsi que de nombreux pans de la vie économique et sociale, ce qui les condamne de fait à la pauvreté » souligne le rapport. Le document soulève d’autres difficultés qui entravent la lutte contre la pauvreté. Il souligne que «les droits économiques et sociaux ne sont pas suffisamment reconnus », mettant en exergue l’absence de données fiables correctement ventilées et le rétrécissement de l’espace dont jouit la société civile.

Ce rapport, largement commenté par plusieurs orateurs, a remporté l’adhésion de la majorité des membres du Conseil. La séance a été très houleuse, notamment de la part de la délégation mauritanienne, dont certains éléments s’en seraient donnés à des violences verbales pour fustiger le rapport de Philip Aston mais aussi à des actes physiques contre les représentants d’organisations mauritaniennes qui ont approuvé son travail.

Le commissaire mauritanien aux droits de l’Homme et à l’Action Humanitaire, Cheikh Tourade Ould Abdel Maleck ira jusqu’à qualifier de mensonger le document produit par le Rapporteur spécial. C’était au cours d’un panel qu’il a animé le 8 juin 2017, en présence du Directeur général de l’Agence Tadamoun, des conseillers du Premier ministre et des organisations de la société civile acquises à la cause du gouvernement.

En face d’elle, la délégation officielle avait dans son collimateur l’antiesclavagiste Boubacar Messaoud de SOS Esclaves, Salimata Lam du Forum national des droits de l’homme (Fonadh), le syndicaliste Samory Beye, Secrétaire général de la Confédération Libre des Travailleurs de Mauritanie (CLTM), mais aussi les activistes de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) à l’image de Abidine Merzough ou ceux de l’Association des Haratines de Mauritanie à l’Extérieur (AHME) comme Dicko Hanoune.

Dans une interview qu’il a accordée à Dicko Hanoune, Samory Beye a soutenu que son groupe a réussi à remporter deux victoires à Genève. D’abord, il est parvenu à trainer la Mauritanie devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour interpellation, ce que la délégation dépêchée à Genève avait cherché à éviter à tout prix. La deuxième victoire selon lui, c’est l’acceptation de son intervention devant les membres du Conseil, alors qu’il n’était pas sur la liste des intervenants.

Cheikh Aïdara


Affaire Garde Nationale-FC Nouadhibou : une succession d’actes délictuels

La Saga Garde Nationale-FC Nouadhibou continue d’occuper le milieu sportif mauritanien ainsi que l’opinion publique, chaque jour apportant ses surprises. Après les pièces d’identité supposées des parents de Cheikh El Weli Yacine, le joueur de FC Nouadhibou contre lequel l’équipe de la Garde a porté réserve pour falsification d’état-civil, d’autres pièces plus controversées tendant à prouver sa Mauritanité ont été publiées par voie de presse, apportant d’autres pièces à conviction aux délits que la Fédération Mauritanienne de Football (FFRIM) et ses instances continuent d’accumuler contre vents et marées.

Historique des faits

Le 16 mai 2017, avant l’entame de la demi-finale comptant pour la Coupe Nationale de football édition 2016-2017, le capitaine de l’équipe de la Garde Nationale porte réserve contre Cheikh El Weli Yacine, joueur de FC Nouadhibou, conformément à l’article 30 des textes réglementaires de la Fédération mauritanienne de football qui stipule : «une réclamation sous forme de réserves est permise pour contester la participation d’un joueur dans les deux seuls cas suivants : fraude sur l’état-civil et inscription d’un joueur sous le coup d’une suspension.  Pour poursuivre leurs cours et être soumises à la Commission de Discipline, les réserves doivent être précédées de réserves nominales et motivées avec l’énoncé succinct du motif. Elles sont formulées par écrit sur la feuille de match par le capitaine d’équipe ou le secrétaire du club plaignant avant le début de la rencontre. Ces réserves sont communiquées au capitaine de l’équipe adverse par l’arbitre qui les contresignera avec lui sur la feuille de match. Pour être recevable, les réserves doivent être transformées en réclamation écrite et déposées au secrétariat de la Ligue contre accusé de réception ou transmises par fax dans les deux (2) jours ouvrables qui suivent la date de la rencontre »

Le 17 mai 2017, le président de l’équipe de la Garde Nationale, le capitaine Ould Eleya dépose en bonne et due forme une demande d’évocation contre Cheikh El Weli Yacine auprès de la Commission Qualification, Pénalités et Discipline de la FFRIM. Son président demande le fonds du dossier à la Ligue Nationale de Football. Surprise ! Le joueur ne dispose d’aucun fonds de dossier à son niveau. Comment a-t-il alors pu obtenir une licence de football, alors que l’obtention de cette dernière requiert, selon les dispositions de l’article 30 de la Section 2 : Formalités administratives, une copie légalisée de la carte nationale d’identité, un passeport en cours de validité ou une attestation d’identité délivrée par l’autorité compétente accompagnée d’un extrait de naissance. Aucune des trois pièces n’est disponible.

En fait, la licence a été établie par le Secrétariat général de la fédération à l’insu de la Ligue Nationale de Football et avec un numéro d’identité nationale inexistant sur le fichier de l’état-civil. Le CIN N°0000000003682016 serait ainsi purement imaginaire. (voir en image la licence du joueur Cheikh El Weli Yacine et une licence normale).

Licence de Cheikh El Weli Yacine (crédit Aidara)
licence normale avec le numéro d’identité du joueur (Crédit Aidara)

Alors que la Commission de Discipline s’apprêtait à trancher le litige conformément à ses prérogatives, le dossier lui fut retiré indûment par le Secrétaire général de la FFRIM par lettre n°269 en date 24 mai 2017, soit huit jours après la réserve portée par l’équipe de la Garde Nationale au niveau des instances juridictionnelles. Ces dernières sont pourtant les seules habilités à trancher dans les litiges entre clubs, conformément à l’article 87 des textes règlementaires de la Fédération (Partie 2 : Code disciplinaire) qui stipule : «les autorités juridictionnelles de la FFRIM rendent leurs décisions en toute indépendance ; elles n’ont en particulier d’instructions à recevoir d’aucun organe».

Lette du SG de la FFRIM texte régissant l’indépendance de la Commission de Discipline

L’illégale ingérence du Secrétaire général

En s’adressant au Président de la Commission de Discipline de la FFRIM par lettre n°269 en date du 24 mai 2017, le Secrétaire général stipule que l’évocation formulée par l’ASC Gade Nationale «étant du ressort de l’autorité ayant délivré la licence, en l’occurrence le Secrétaire général, je vous invite à nous transmettre ledit dossier pour trancher le litige ». Non seulement, le Secrétaire général reconnaît explicitement avoir délivré la licence à un joueur ne disposant d’aucun papier d’état-civil mauritanien et avec un numéro national falsifié, mais il s’arroge également les attributions d’un organe auquel les textes de la fédération confèrent l’exclusivité du jugement.

Pourtant, les Statuts de la FFRIM sont très clairs quant au rapport entre le Secrétaire général et la Commission de Discipline.

L’article 86 des Textes règlementaires de la FFRIM stipule que «le Secrétaire général de la FFRIM met à la disposition des autorités juridictionnelles un secrétariat avec le personnel nécessaire. Le Secrétaire général désigne le secrétaire. Le secrétaire assume la direction administrative, rédige les procès-verbaux des séances et des décisions. Le secrétaire se charge de l’archivage. Les décisions prises et les dossiers qui s’y rapportent doivent être conservées pendant au moins dix ans ».

texte régissant les rapports entre la FFRIM et la Commission de Discipline

Et l’article 87 précise : «les autorités juridictionnelles de la FFRIM rendent leurs décisions en toute indépendance ; elles n’ont en particulier d’instructions à recevoir d’aucun organe».

Y’a-t-il dans cette affaire une complicité de la part de la Ligue Nationale de Football, bien que le dossier du joueur n’ait pas passé par ses instances ? Certains pourront le penser sauf que la Ligue, quelles que soient les supputations, pourraient toujours se réfugier derrière les textes en invoquant l’article 30 du Règlement spécial du championnat national de 1ère division saison 2016-2017 qui stipule en son alinéa 4 : «le club est responsable de la véracité des renseignements qu’il porte sur sa demande de licence». Donc, dans le cas de Cheikh El Wely, la Ligue Nationale qui est tellement pointilleuse dans l’application de la règlementation, ne négligeant aucun petit détail, n’aurait jamais fait passer la licence du joueur en question. Elle ne serait ainsi nullement responsable de la fraude dans cette affaire qui relève de la seule initiative du FC Nouadhibou.

La fraude s’enrichit d’actes délictuels

Mis devant le fait accompli, les dirigeants du FC Nouadhibou multiplient alors les bourdes pour tenter de justifier la nationalité mauritanienne de Cheikh El Weli Yacine, quitte à tomber dans des actes délictuels. D’abord, ils font publier dans la presse les pièces d’identité de ses supposés parents, bien que les textes de la FFRIM ne mentionnent nullement ces documents, mais celui du joueur en question. Ils font passer par la presse que «la situation dans laquelle se trouve Cheikh ElWely est similaire à celle d’une vingtaine de joueurs, tous mauritaniens convoqués à différents stages des équipes nationales toutes catégories confondues mais ne pouvant effectuer les déplacements à l’étranger, en raison des blocages ou des lenteurs » au sein de l’état-civil. Donc, on reconnaît explicitement que le joueur n’a pas pu s’enrôler à cause de ces blocages, mais dispose tout de même d’un numéro d’identification nationale !!!

Vingt-quatre heures après cette publication, le FC Nouadhibou fait publier deux autres documents. Une demande d’enrôlement que n’importe qui peut formuler. A preuve, il ne comporte ni numéro ni signature d’aucune autorité. Et le club brandit la pièce comme un document d’enrôlement. Ce qui ne peut tromper personne. Ensuite, le FC Nouadhibou fait publier une attestation délivrée par le commissaire de la Délégation spéciale de la police judiciaire qui risque d’emporter le commissaire en personne, car il y affirme, sur la base du seul témoignage de deux jeunes, que Cheikh El Weli Yacine est Mauritanien, alors qu’aucun document officiel ne l’atteste. Il s’est avéré selon nos investigations, que ce document a été obtenu par le truchement d’une personne évoluant dans le milieu sportif  avec la complicité d’un adjudant de la police.

Ceci n’est qu’un formulaire de demande d’enrôlement Cette attestation ne peut nullement tenir d’identité et n’est porteur d’aucune obligation

La Garde ira jusqu’au bout dans cette affaire

Selon les dirigeants de l’équipe de la Garde Nationale, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la crédibilité du football mauritanien et ses instances dirigeantes. «La seule chose qui lie les acteurs sportifs, ce sont les textes de loi qu’ils ont eux-mêmes édictés. Ces textes doivent être respectés et appliqués à la lettre sans favoritisme et il est temps que les dirigeants de la FFRIM sachent que le temps de l’esclavage est révolu » ont-ils affirmé.

D’autre part, il est malhonnête dans un contexte marqué par un engagement sans précédent de l’Etat mauritanien, aussi bien sur le plan financier, matériel que moral (présence inédite du Président de la République Mohamed Abdel Aziz à un match de l’équipe nationale), qu’on laisse le football national patauger dans la malversation et la magouille.

La Garde Nationale se dit ainsi indignée de l’absence de toute réponse à sa demande d’évocation vingt-deux jours après sa plainte, alors que les textes fixent ce délai à 7 jours.

D’après le staff de l’ASC Garde Nationale «cette affaire n’aurait jamais pris cette ampleur si la FFRIM avait suivi le cours normal de la réserve et laissé à la Commission de Discipline trancher ce litige en toute transparence et équité».

Aujourd’hui, ce qui est en jeu, selon plusieurs présidents de clubs rencontrés, c’est la crédibilité du football mauritanien et de sa fédération. L’affaire de la Garde Nationale et du FC Nouadhibou doit servir, selon eux, de jurisprudence dans l’application stricte des textes régissant la FFRIM.

Ce que risque le FC Nouadhibou
Au cas où la réserve portée par l’ASC Garde Nationale aboutira, ce qui est fort probable selon certaines sources, FC Nouadhibou risquera de se retrouver en Division 2. Elle perdra par pénalité tous les matchs auxquels Cheikh El Weli Yacine a participé, sans compter une amende de 100.000 UM, selon l’article 54 des Textes règlementaires.

L’article 82 : infractions découvertes suites à des réserves stipule que la participation d’un joueur dans le cas qui nous concerne, fraude sur l’état-civil, entraînera pour le FC Nouadhibou «des matchs perdus pour pénalités, quatre matchs de suspension fermes en sus de la sanction initiale pour le joueur fautif, quatre matchs de suspension fermes de toute fonction officielle pour le responsable concerné du club, quatre matchs de suspension fermes de toute fonction officielle pour l’entraîneur du club, 300.000 UM d’amende pour le club ».

La réserve portée contre le FC Nouadhibou pourrait ainsi chambouler tout le championnat national de 1ère division. Aussi, cette affaire intéresse la quasi-totalité des clubs qui suivent avec attention l’évolution du dossier. Autant, le FC Tevragh-Zeina pourrait reprendre son titre de champion au détriment de l’ASAC Concorde sacré cette année comme champion de la Mauritanie pour cette saison. Des équipes comme Toujounie et l’Armée Nationale reléguées en seconde division pourraient reprendre leur place en D1. La coupe nationale pourrait également connaître un nouveau challenge entre le FC Tevragh-Zeina et la Garde Nationale.

Une finale à Trois

Ce qui risque de mettre le feu aux poudres et étaler devant le monde entier le scandale provoqué par le FC Nouadhibou et la FFRIM, c’est la finale que les instances du football comptent imposer, entre le FC Tevragh-Zeina et le FC Nouadhibou. Le public Nouakchottois et les autorités qui seront présentes au Stade Olympique pourraient assister plutôt à une finale à Trois.

Car, les dirigeants de l’ASC Garde Nationale estiment qu’ils sont finalistes de la Coupe nationale, en vertu de la réserve qu’ils viennent de porter sans aucune suite. Ils rappellent d’autre part que la demi-finale ayant opposé le FC Nouadhibou et la Garde Nationale n’est pas encore validée par la Ligue Nationale, telle que mentionnée dans la feuille de match. Pire, aucune décision relative au litige n’a encore été prise et la réserve portée par l’ASC Garde contre le FC Nouadhibou n’a pas jusqu’à présent été encore tranchée.

Cheikh Aïdara


Mauritanie : sait-on ce que le président Aziz compte faire de son pouvoir ?

Les missions de l’Union Africaine tournent en rond depuis le déclenchement de la crise burundaise, il y a plus de 22 mois. Depuis le forcing de Pierre NKurunziza contre la Constitution de son pays (qui lui interdisait de se présenter pour un nouveau mandat), les missions de l’Union africaine au Burundi n’ont cessé de multiplier rapports et comptes-rendus alarmants sur la situation dans le pays. En vain… Gare au transfert du virus burundais en Mauritanie !

Jusque-là, la Conférence des Chefs d’Etat de l’Union africaine est restée de marbre face à la situation au Burundi, dont la crise politique perdure depuis 22 mois. Qui oserait jeter la première pierre au président burundais Pierre NKurunziza, si l’on sait que la quasi-totalité des Chefs d’Etat africains ont brisé le sceau de la limitation constitutionnelle des mandats dans leur propre pays, et alors que d’autres s’apprêtent à leur emboîter le pas ?

Cette incurie des instances dirigeantes de l’Union Africaine a fini par jeter le dépit au sein de la communauté internationale, qui n’a plus assez d’espoir pour démocratiser le continent. Face à la démission des grandes puissances et au recul du fameux droit à l’ingérence qui avait fleuri il y a quelques années (qui constituait une véritable épée de Damoclès suspendue sur la tête des dictatures africaines), c’est le retour aux mandats à l’infini.

Alors que l’Amérique de Trump semble s’être engagée dans un long tunel, cultivant le repli sur soi, et que l’Europe se barricade face au terrorisme et à la vague d’immigrés clandestins, la bride est désormais lâchée aux dictateurs africains, dont l’ardeur pour les règnes interminables avait été stoppée pendant quelques années par le rôle de gendarme de la démocratie que certaines puissances  occidentales s’étaient arrogées.

C’est dans ce contexte que peut s’expliquer le revirement spectaculaire qui est en train de s’opérer en Mauritanie. Entre les déclarations intempestives de Mohamed Abdel Aziz il y a quelques mois, sur son engagement à respecter la Constitution et à quitter le pouvoir en 2019, et la campagne menée tambour battant ces jours-ci par ses lieutenants pour un 3ème mandat, quelque chose s’est passé.

Et ce quelque chose, c’est l’impunité dont jouissent les Chefs d’Etat africains, qui ont décidé de s’incruster en faisant sauter les verrous limitatifs des mandats contenus dans la Constitution de leur pays. Cela a réussi à Deniss Sassou NGuessou du Congo Brazzaville, à Joseph Kabila de la RD Congo, à Paul Kagamé du Rwanda, à Nkurunziza du Burundi, à Idriss Deby Itno du Tchad, à Paul Biya du Cameroun… Alors pourquoi pas à Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie ?

Le Premier ministre l’a bien déclaré «ce pouvoir-là ne quittera pas en 2019 ».  Mohamed Ould Maham, le président du parti UPR (le parti présidentiel), l’a explicité, en lançant une vaste campagne pour demander aux «Mauritaniens de ne pas lâcher Mohamed Abdel Aziz» et en affirmant que ce dernier ne partira pas, concluant ses propos  avec ces mots : «les urnes seules trancheront». Plus récemment, le ministre porte-parole du gouvernement a enfoncé le clou en soutenant que le président Aziz n’a pas encore pris de décision définitive vis à vis du 3ème mandat.

« Autant de signaux qui mettent en lumière le caractère pernicieux d’un tel pouvoir, qui a habitué les Mauritaniens à l’irrespect des engagements, au mensonge, au dol, au revirement spectaculaire dans ses décisions et à la manip » s’est énervé un cadre de l’opposition radicale.

Partis pour faire campagne pour le référendum constitutionnel qui, dans ses articles amendés, n’a aucun rapport avec le mandat du président de la République, l’opinion publique se rend compte aujourd’hui que derrière ces bénignes réformes se cachent un dessein inavoué : celui de faire la promotion du 3ème mandat pour Aziz.

Nombreux sont les analystes politiques qui pensent qu’il « est encore temps pour l’opinion publique nationale et internationale, notamment la communauté internationale, de prendre les décisions qui s’imposent dès maintenant, avant que la Mauritanie ne se transforme en un autre Burundi« .

Ils estiment que « toute instabilité politique en Mauritanie, de l’ampleur de ce qui se prépare, compromettrait dangereusement la stabilité déjà fragile dans la région du Sahel, aux prises avec les groupes terroristes et les trafiquants illicites en tout genre« .

Ils pensent qu’une « Mauritanie en tourmente permettrait aux groupes djihadistes déjà implantés aux confins de ses frontières, mais aussi à d’autres mouvements radicaux, fortement implantés dans le pays, de s’engouffrer dans la brèche et d’entraîner le pays dans une spirale de violence sans fin« .

Il est utile de rappeler, soutiennent les observateurs, que « seule l’alternance pacifique au pouvoir par le jeu démocratique, le respect des dispositions de la Constitution et des institutions de la République, pourrait préserver la Mauritanie et lui garantir la stabilité, la paix et la concorde«.

 

Cheikh Aïdara


Yahya Oud Abd Dayem : un technocrate dans la fournaise politique

La nomination de Yahya Ould Abd Dayem (au milieu sur la photo) comme Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement est un gâchis pour la technocratie mauritanienne.

Considéré comme l’un des cadres les plus compétents du pays, cet administrateur des finances de l’ENA de Paris et de l’Institut National des Finances a toujours été aux avant-postes dans toutes les questions de développement durant ces dernières années.

Ancien Conseiller à la Présidence de la République sous Sidi Ould Cheikh Abdallahi, puis Directeur du Budget et ensuite Directeur des Politiques Economiques et des Stratégies de développement au sein du Ministère des Affaires Economiques et du Développement, puis après le changement de nom, au sein du Ministère de l’Economie et des Finances, Yahya Ould Hademine jouit d’un grand respect auprès des partenaires techniques et financiers ainsi que les bailleurs de fonds mais aussi auprès de la société civile mauritanienne.

Point Focal du Mouvement Scallng Up Nutrition (SUN), cet économiste doublé de magistrat issu de l’Assaba, serait plus utile dans les domaines techniques que dans des postes politiques, selon son entourage qui considère sa nomination dans un poste ministériel comme un gâchis pour le pays.

En effet, la gestion ministérielle en Mauritanie répondrait à des contingences politiques qui exposent plus ces acteurs aux aléas et aux humeurs de décisions souvent prises hors des sentiers battus, tout en mettant en berne leurs compétences technocratiques. Ils finissent en général dans la disgrâce des hostilités internes et des combines sustentatrices. En général, ils disparaissent dans les gouffres abyssales des départements en qualité de conseillers obscurs sans voix au chapitre des grandes décisions.
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Car, il est établi qu’un ministre en Mauritanie, dans la situation actuelle de forte concentration des décisions politiques, n’est qu’un exécutant politique au service d’ordre venu «d’en haut».

Cheikh Aïdara


Scandale du FC Nouadhibou : la fédération doit se mettre au-dessus de la mêlée

Le scandale dans lequel est plongé le FC Nouadhibou est en train de prendre des tournures encore plus scandaleuses. Retenez bien cette information : le Sahraoui Cheikh El Wely Yacine, objet d’un tel scandale, pourrait bien devenir Mauritanien par le truchement d’une mafia dans le foot mauritanien avec la bénédiction du Ministère chargé des Sports.

Le président de la FFRIM Ahmed Ould yahya entouré de ses collaborateurs

En effet, selon des informations de sources sûres, le Ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fédération mauritanienne de football seraient en train de confectionner des papiers d’état-civil mauritanien au joueur sahraoui de FC Nouadhibou contre lequel l’équipe de la Garde Nationale avait porté réserve.

Ainsi, le scandale que l’on cherche aujourd’hui à étouffer risque de porter un coup fatal à la crédibilité de la Fédération mauritanienne de football et à toutes ces instances. Il s’agit de l’affaire de falsification dans lequel est impliqué le FC Nouadhibou. Le club est en effet accusé d’avoir utilisé un joueur Sahraoui, Cheikh El Weli Yacine, qu’il a fait passer pour un Mauritanien en lui dénichant un numéro d’identité nationale inexistant sur le fichier de l’état-civil. C’est la substance de la réserve portée contre le club par la Garde Nationale, qui a été éliminée en demi-finale de la Coupe du Président de la République justement par le FC Nouadhibou.

Aujourd’hui, le président de la fédération, M.Ahmed Ould Yahya, quel que soit sa position d’ancien président et fondateur du FC Nouadhibou, doit se situer au-dessus de la mêlée en laissant les responsables de ce club répondre devant les instances concernées des actes qu’ils ont posés. Jusqu’à preuve du contraire, le président Ahmed Ould Yahya n’est pas censé être au courant de la situation du joueur en question et ne peut en aucun cas endosser une quelconque responsabilité dans ce scandale dans lequel les dirigeants actuels du FC Nouadhibou ont plongé le club.
Il semblerait selon les informations que nous avons obtenu que le dossier a été d’abord réclamé par le Secrétaire Général de la FFRIM qui estime avoir le droit de connaître le fonds du dossier dans lequel son nom a été mêlé. En effet, il semble que le contrat d’engagement du joueur en question porte sa signature alors qu’il déclare n’être pas au courant.
Dans tous les cas, ni le Président de la Fédération, ni son Secrétaire général ne doivent se mêler de cette affaire qui est du ressort exclusif de la Commission Qualification, Règlements et Pénalités (CQRP) et que toute ingérence dans ses affaires viole les règlements de la Fédération qui reconnaissent à cette commission une indépendance totale.
Le président de la Fédération Ahmed Ould Yahya ne peut aucun cas, vu sa position, être juge et partie dans cette affaire. Sa position de président de la Fédération mauritanienne de football lui confère un devoir de neutralité et d’impartialité dans les conflits qui opposent les clubs mauritaniens. Il doit se tenir à égal distance entre les acteurs du football national et oublier dans ces cas précis, toutes ces anciennes fonctions de responsable de club.
Toute autre attitude pourrait porter atteinte à la cohésion des instances qu’il préside et compromettre ainsi la confiance que ses pairs ont placée en lui. Cela peut même entacher sa carrière au sein de la Confédération africaine de football (CAF) dont il vient d’intégrer les instances dirigeantes.

Il est ainsi étonnant dans la situation actuelle où le match de qualification du FC Nouadhibou sur la Garde n’est pas encore homologué par la Ligue Nationale de football, que la Fédération cherche malgré tout, à imposer une finale entre le FC Tevragh-Zeina et le FC Nouadhibou le 18 juin prochain, en présence des plus hautes autorités du pays, avec un tel scandale non encore tranché.
Selon les toutes dernières informations, la Fédération serait parvenue à convaincre le Ministère de la Jeunesse et des Sports à trouver à ce joueur Sahraoui des papiers mauritaniens. Même dans ce cadre, le litige reste entier car les faits remonteraient bien avant cette naturalisation. On met en garde dans ce cadre les autorités mauritaniennes contre toute tentative de blanchiment d’une affaire aussi grave de falsification portant sur l’état-civil national.
Cette affaire est certes grave, mais elle n’est pas unique dans les annales. Un fait similaire avait opposé l’US de Sebkha et Inter, lorsque le premier porta réserve contre ce dernier pour avoir fait jouer un joueur étranger. Il se trouve que l’Inter avait utilisé à son insu un joueur étranger que l’US  de Sebkha lui avait refilé, en toute connaissance de cause.
In fine, chacune des deux équipes s’est retrouvé avec dans ses rangs un joueur étranger. Le dossier a été tranché par la CQRP. Les sanctions ont ainsi touché les deux clubs qui ont perdu sur tapis verts tous les matchs auxquels les joueurs litigieux avaient pris part. Les responsables des deux clubs avaient été aussi suspendus pendant deux années.

Cheikh Aïdara


Magie des réseaux sociaux en Mauritanie : Silence, on vous ment chers Internautes !

Paradoxalement hypocrite ! Alors qu’on crie Haro du fond de la Présidence de la République Islamique de Mauritanie contre l’utilisation des réseaux sociaux, pour leurs effets supposés nocifs, une campagne plus dangereuse est lancée non seulement sur les réseaux sociaux, mais dans les médias de masse, pour une violation de la Constitution. Et c’est le Premier ministre qui mène le bal, avec la bénédiction de celui qui avait juré qu’il ne briguera pas un 3ème mandat. Et quand tout ce cirque est relayé sur Facebook par un érudit comme Bouna Moctar Ly, la subversion atteint toutes ses limites.

Le PM Yahya Ould Hademine en tournée de campagne

Les réseaux sociaux sont dangereux «pour la sécurité et la cohésion de la société à cause des risques qu’ils font courir à l’unité nationale». C’est sous cette pique lancée sous fond de conférence animée par le ministre des Affaires Islamiques, Ould Ahmed Daoud, en présence de Mohamed Abdel Aziz au cours d’une rupture de jeûne offert dans les jardins de la Présidence de la République, que la guerre contre Facebook, Twitter et autres Instagram et Watsap est entrée dans sa phase officielle après les consignes données aux Imams d’en faire leur sujet de prêche.

Dans ses envolées, le ministre des Affaires Islamiques met les réseaux sociaux dans la sauce de la Charia qui interdit «d’user de ces médias pour porter atteinte à l’unité national et à l’harmonie de la société ou à la vie privée des musulmans». Et l’Imam de la mosquée centrale de Nouakchott, Ould Habibourrahmane d’apporter son onguent à ses propos très ministériels.

L’écho de cette nouvelle guerre archaïque contre les réseaux sociaux ne s’est pas encore éteint que l’un des éminents érudits du pays, Moctar Bouna Ly s’en empare pour faire la propagande d’un 3ème mandat illégal pour Mohamed Abdel Aziz, malgré les multiples interventions de ce dernier arguant qu’il respectera la Constitution et qu’il quittera le pouvoir en 2019.

Pourtant, cette injonction d’un religieux, incitant le Président Ould Abdel Aziz au parjure et à la violation du texte fondamental de la République, ne vient qu’amplifier la campagne menée tambour battant par le Premier ministre Ould Hademine. Ayant déserté ses responsabilités à la Primature depuis plus d’une semaine pour se lancer dans une campagne électorale tout azimut, afin de faire la promotion d’amendements constitutionnels qui ne portent nullement sur le mandat présidentiel, l’attitude de Yahya Ould Hademine qui a axé toute sa campagne sur le 3ème mandat porte en elle-même les germes de la «Fitna » qu’aucun internaute mauritanien n’a osé encore effleurer, dépassant en nocivité les contenus les plus communautariste et les plus raciste qui circulent dans les réseaux sociaux.

Ayant enflammé la toile lors de son premier discours à Tintane (Hodh Gharbi), puis à Djiguenni et sur tout son parcours, affirmant et insistant que «le pouvoir actuel ne quittera pas le pouvoir en 2019 », le Premier ministre se voit ainsi suppléer par l’imam Moctar Bouna Ly de l’Union Pour la République (UPR) parti-au pouvoir. Ce dernier est venu enfoncer le clou en soutenant sur sa page facebook qu’il appuie un 3ème, un 4ème, un 5ème mandat et même plus pour Mohamed Abdel Aziz. Quelle bombe est plus dangereuse et plus grave que la démarche de ces deux hauts responsables dont les propos pourraient enflammer les dissensions dans un pays comme la Mauritanie, déjà assis sur un feu social ardent.

Si l’utilisation d’Internet est dangereuse car susceptible d’attiser le feu de la discorde, l’usage des mass médias publics l’est doublement, surtout si ceux qui en ont l’exclusivité se servent également des réseaux sociaux pour diviser les Mauritaniens, les provoquer, les inciter au soulèvement et à la guerre civile.

Cheikh Aïdara


Championnat national de Première Division de football : L’ASAC Concorde détrône le FC Tevragh-Zeina

Le suspens aura duré jusqu’à la dernière minute lors de cette 26ème et dernière journée du Championnat national de Première Division de football en Mauritanie. Neuf années après son dernier sacre, l’ASAC Concorde vient ainsi étreindre Dame Coupe, ce jeudi 25 mai 2017, au détriment du FC Tevragh-Zeine qui le talonnait de très près, avec un seul point d’écart, mettant ainsi tragiquement fin à trois années de suprématie des Galactiques sur le football national.

ASAC Concorde

Jeudi 25 mai 2017, dernière journée du Championnat national de football. Un rendez-vous qu’aucun amoureux du ballon rond ne pouvait rater. Le challenge était serré entre l’ASAC Concorde, FC Tevragh-Zeine et Deuz qui se tenaient coude à coude. Une défaite au sein de ce trio de tête allait remettre la pendule à l’heure de l’histoire du foot national.

Ainsi, la large victoire de l’ASAC Concorde, 3 à 0 face à l’AS Police allait définitivement offrir aux poulains de Diop Babacar dit NDIobo les clés de la consécration, les installant au podium de leader du Championnat mauritanien de football pour la saison 2016-2017.

Cette performance, les Bleu-Blancs le devaient à une belle constance, malgré deux changements d’entraîneur, Mody MBodj à la place de Doudou Guèye, puis arrivée du très expérimenté NDiobo après la 9ème journée. A la phase Aller, la Concorde avait enregistré 6 victoires, 4 matchs nuls et 3 défaites sur 13 matchs disputés, devancé de 10 points par le champion en titre, FC Tevragh-Zeina.
C’est avec l’arrivée de NDiobo que l’ASAC Concorde va réellement décoller, enchaînant une série de 11 victoires d’affilée et une seule défaite, face à l’équipe de Deuz.

C’est surtout à la 24ème journée que le déclic va s’opérer, installant le club définitivement sur le fauteuil de leader qu’il ne lâchera plus. L’exploit a été possible grâce aux jeunes talents dont regorge l’équipe, Seydou Amadou Barry, auteur de 7 buts, Fodé Traoré, un des piliers de l’équipe nationale, Idrissa Thiam, Jordan et Papis Coulibaly, mais surtout le goleador Mohamed MBareck dit Gaucher, auteur de 10 réalisations, et son pendant Moctar Sidi Salem dit Rooney, sacré meilleur buteur du championnat cette année avec 16 buts marqués. Cette performance lui a valu d’ailleurs d’être appelé en équipe nationale A après le forfait d’Adama Bâ.

Vice-champion de Mauritanie, le FC Tevragh-Zeine cède ainsi son fauteuil de leader, malgré sa courte victoire contre la Garde Nationale par 1 but à 0 lors de la dernière journée. Les protégés de Moussa Khaïry ont commis plusieurs erreurs de parcours, dont cette défaite impardonnable contre FC Deuz, où l’entraîneur Birama Gaye avait aligné des joueurs de restitution, comme s’il avait négligé son adversaire du jour.

FC Tevragh-Zeina

Pourtant, sur le papier, FC Tevragh-Zeine reste une solide équipe, l’une des plus structurées du pays. Un excès de confiance lui a ainsi coûter le championnat Avec 55 points aux compteurs aux termes du championnat national contre 56 pour l’ASAC Concorde et 51 pour FC Deuz, le FC Tevragh-Zeina et son capitaine, Mohamed Taghyoullah Denna, n’ont plus en perspective que la Coupe du Président de la République dont ils disputeront la finale contre le FC Nouadhibou.

Cheikh Aïdara


Situation nutritionnelle en Mauritanie : une évaluation sous la loupe du Mouvement SUN

Un atelier d’évaluation conjointe 2017 sur les progrès réalisés par la Mauritanie dans le domaine nutritionnel par rapport aux quatre objectifs stratégiques du Mouvement SUN, a eu lieu vendredi 26 mai 2017 à Nouakchott. Plusieurs acteurs de la nutrition, cadres de l’administration publique, universitaires, membres de la société civile et du système des Nations Unies avaient pris part aux travaux.

Djibril Cissé, consultant Mouvement SUN

Rassembler les parties prenantes autour d’un espace commun, garantir un cadre politique et juridique cohérent, aligner les actions autour d’un cadre commun de résultats et assurer le suivi financier ainsi que la mobilisation des ressources ! Tels sont les quatre processus du Mouvement SUN à l’aune desquels a porté l’atelier d’évaluation conjointe 2017 des progrès réalisés en Mauritanie sur le plan nutritionnel.

Basé sur une approche participative, avec la participation des différentes parties prenantes, représentants de l’Etat, société civile, universitaires et partenaires au développement, l’atelier qui a eu lieu vendredi 26 mai 2017 à l’hôtel Wissal de Nouakchott a porté sur une présentation des réalisations en rapport avec les quatre processus du mouvement SUN ci-dessus cités ainsi que les défis posés à leur réalisation.

Un expert du Mouvement SUN, Djibril Cissé, PhD, Nutrition Manager à l’UNICEF Mauritanie avait supervisé les travaux de l’atelier où les participants s’étaient scindés en quatre groupes, avec un facilitateur et un rapporteur. Ils devaient remplir un canevas et procéder à l’évaluation des progrès et défis pour chacun des quatre processus du mouvement SUN.
Processus 1 : rassembler les parties prenantes autour d’un espace commun
Par rapport à ce premier point, la Mauritanie a mis en place en 2010 un Conseil national de développement de la nutrition (CNDN) associé à un Comité technique permanent (CTP). Elle a validé en 2016 le Plan stratégique multisectoriel de nutrition avec son cadre commun de résultats pour une meilleure coordination entre les acteurs impliqués, avec une cellule de coordination présidée par le Ministère de la Santé. Il existe également un Réseau de la société civile SUN-Mauritanie dynamique et un Réseau SUN du Système des Nations Unies doté d’un système de planification et d’un reporting annuel.

Travaux en atelier 1

Cependant des défis persistent, dont l’absence d’une planification pour la mise en œuvre du Plan stratégique multisectoriel de nutrition et un suivi annuel des progrès réalisés à travers un système de coordination. D’autre part, le Plan stratégique multisectoriel de nutrition n’a pas été vulgarisé et souffre d’un manque de suivi pour sa mise en œuvre.

Processus 2 : garantir un cadre politique et juridique cohérent
Sur le plan institutionnel, plusieurs documents et stratégies en cours pourraient être favorables à la nutrition, dont la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2016-2030, la Politique Nationale de Santé horizon 2030, la seconde phase du Plan National de Développement Sanitaire 2017-2020, la Feuille de route pour le renforcement de la fortification à grande échelle des aliments, la révision du décret du Conseil National de Développement Nutritionnel (CNDN), l’élaboration en cours du décret sur l’application du code de commercialisation des substituts du lait maternel, la nouvelle orientation stratégique pour la supplémentation en vitamine A couplée au déparasitage et dépistage de la malnutrition aiguë, l’existence d’un réseau de parlementaires en faveur de la Nutrition, le plaidoyer de l’UNICEF pour une contribution aux intrants nutritionnels à hauteur de 200.000 dollars US planifiés en 2017, le plaidoyer engagé par la société civile en faveur du Plumby Nut dans la liste des médicaments essentiels, le processus d’élaboration de plusieurs plans de passage à l’échelle en cours pour appuyer les interventions spécifiques de nutrition, etc.

Travaux groupe 2

Les défis sont cependant énormes dans ce processus 2, dont la lenteur dans les processus d’adoption des décrets en faveur de la nutrition (Code international de substitut du lait maternel), l’insuffisante application du décret 2004-034 de 2010 sur l’obligation d’iodation du sel destiné à la consommation, la lenteur dans l’application du décret portant Conseil National de Développement de Nutrition, l’absence d’ancrage institutionnel et de coordination entre les acteurs de la nutrition, l’absence d’un système de reportage sur l’apprentissage et le maintien de l’impact de la politique nutritionnelle.

Processus 3 : aligner les actions autour d’un cadre commun de résultats
Le Plan stratégique multisectoriel de nutrition 2016-2020 reste le document de référence qui guide toutes les interventions dans le domaine de la nutrition en Mauritanie. Mais il se heurte à plusieurs défis.

Travaux groupe 3

Le premier défi est l’absence d’une planification pour la mise en œuvre de la stratégie pour permettre un suivi régulier de la situation nutritionnelle à travers un système de coordination ainsi que des revues annuelles d’analyse des progrès. Sont cités, l’inventaire des interventions spécifiques ou sensibles, mais aussi l’identification des graps, goulots d’étranglement ou actions à entreprendre.

Processus 4 : suivi financier et mobilisation des ressources
Le Budget destiné à la nutrition en Mauritanie ne représentait en 2015 que 2,4% (1,19% dépensés) par rapport au Budget annuel de l’Etat, alors que la part des interventions spécifiques par rapport au budget dédié à la nutrition ne représentait que 7,40% (6,88% dépensés).

Travaux groupe 4

Ces interventions spécifiques sont évaluées à 76 millions de dollars pour les dix prochaines années en utilisant les coûts unitaires supplémentaires calculés au niveau mondial pour atteindre les objectifs de l’Assemblée mondiale de la santé en matière de nutrition.
Ainsi, l’allocation budgétaire allouée au Ministère de la Santé n’accorde qu’une faible partie à la nutrition, en l’absence de toute perspective d’améliorer la situation.

Cheikh Aïdara

Contexte et justificatifs de l’atelier
La  Mauritanie a adhéré au Mouvement international Scaling Up Nutrition (SUN) depuis le19 mai 2011. Elle s’est ainsi dotée depuis 2016 d’un plan stratégique multisectoriel de nutrition (PSMN). Ce plan comporte un cadre commun de résultats qui donne des orientations sur le rôle attendu des secteurs ayant des interventions spécifiques ou sensibles de nutrition (Santé, Agriculture, élevage, Eau/Assainissement, Education, protection sociale). Le PSMN constitue un cadre d’orientation pour tous les acteurs intervenant dans le domaine de la nutrition. Ainsi, il sert de base pour l’élaboration des plans d’actions spécifiques aux Département Ministériel en conformité avec les responsabilités qui leur sont assignés, renforçant ainsi la redevabilité envers les résultats attendus.

Photo de famille des participants

Les dimensions multisectorielles et multi-acteurs de la lutte contre la malnutrition restent au cœur de la Stratégie et de la Feuille de route 2016-2020 du Mouvement SUN et, de plus en plus, les pays SUN démontrent les avancées réalisées en matière de dépenses et de mise en œuvre, et présentent les résultats obtenus et leur impact. Le système de suivi, évaluation, redevabilité et apprentissage (MEAL) permet de mesurer la progression du Mouvement SUN vers les résultats escomptés et d’en évaluer l’impact.

L’exercice d’évaluation conjointe 2017 a pour objectif de :

–              Favoriser le rapprochement des parties prenantes de chaque pays à travers un processus participatif, en vue d’harmoniser leur vision de l’état des transformations institutionnelles visant à renforcer la nutrition dans le pays, y compris des progrès réalisés au cours de la dernière année ;

–              Donner un aperçu des défis et des obstacles rencontrés ;

–              Mobiliser le soutien pour la réalisation d’objectifs communs,

–              Établir des priorités communes pour 2017-2018 et évaluer l’appui disponible pour les mettre en œuvre ;

–              Apporter des contributions concrètes au processus de prise de décision de l’ensemble du Mouvement SUN et son système de soutien, y compris le Comité exécutif, le Groupe principal, les Réseaux, les groupes d’experts, la Coordinatrice et le Secrétariat du Mouvement SUN.


Stratégie nationale de l’emploi : Réduire les déficits quantitatifs et qualitatifs de l’emploi

Le ministère de l’Emploi, de la formation professionnelle et des technologies de l’information et de la communication, en collaboration avec le Bureau International du travail (BIT) et l’appui de la Banque africaine de développement (BAD) a organisé le 22 mai 2017 à Nouakchott un atelier de présentation de la Stratégie nationale de l’emploi (SNE) et son Plan d’action opérationnel. L’ouverture officielle a été marquée par le discours du ministre de l’emploi, Moctar Malal Diallo, en présence du Directeur du Bureau de l’OIT à Alger et du Représentant de la BAD en Mauritanie.

L’hôtel Mauricenter de Nouakchott a abrité le 22 mai 2017 un atelier de présentation de la Stratégie nationale de l’emploi (SNE) et son Plan d’action opérationnel (PA0). Devant un parterre de responsables issus des différents départements ministériels, des membres de la société civile et de personnes ressources, le ministre de l’emploi, Moctar Malal Diallo devait mettre en exergue l’approche participative qui a sous-tendu l’élaboration de la Stratégie de l’emploi en s’appuyant sur l’expertise du BIT avec l’appui financier de la BAD. L’objectif de la stratégie est, selon lui, de résorber le problème de l’emploi à travers la création de 800.000 opportunités de travail d’ici 2030, soit 60.000 emplois par an à partir de 2019.

La transversalité de l’emploi

Le Directeur du Bureau de l’OIT à Alger, Mohamed Ali Deyahi a souligné au cours de son intervention que le BIT va œuvrer à identifier les axes et les principes d’orientation de la nouvelle Stratégie nationale de l’emploi à travers la réduction du déficit qualitatif et quantitatif de l’emploi et faire de cette stratégie la base qui servira à réaliser la croissance accélérée et la prospérité partagée ainsi que l’amélioration du climat de travail et de l’investissement.

De son côté, le Représentant du bureau de liaison de la BAD en Mauritanie, Marcellin NDong Ntah a affirmé que son institution participera à hauteur de 3,5 millions dollars U.S, soit 1,260 milliard d’ouguiyas, à la réalisation du projet d’appui à la formation et à l’emploi des jeunes.

Les participants ont suivi par la suite plusieurs communications, notamment sur le diagnostic et la vision de la Stratégie de l’emploi ainsi que son articulation avec la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP) qui est le document stratégique de la Mauritanie entre 2016 et 2030.

L’accent a été mis au cours de l’atelier sur la flexibilité de l’emploi et son caractère transversal (tous les départements ministériels sont concernés par la question de l’emploi), ce qui exige la révision du Code du travail et du Code des investissements.

La nécessité de développer l’économie sociale et solidaire pour créer des emplois et booster la créative a été évoquée, en se basant sur la réforme du système de formation et l’adaptation des outils de l’ Agence nationale d’emploi des jeunes (ANAPEJ) aux nouvelles technologies de l’information et de la communication à travers la mise en place d’une plateforme e-emploi susceptible d’améliorer le système d’intermédiation entre les acteurs de l’emploi.

Le plan d’action de l’emploi est une composante de la SCAPP

Abordant le Plan d’action opérationnel de la SNE, le directeur de l’emploi, Ould Maayiv, devait souligner que la Stratégie a une dimension contractuelle et qu’elle s’insère parfaitement dans la SCAPP, avec un volet programme secteur public-privé, des objectifs opérationnels conjoints avec les autres départements. Il a mis en exergue la nécessité d’une modernisation des programmes d’insertion professionnelle.

Selon les projections sur la croissance annuelle de la population active, celle-ci devrait atteindre 20.414 emplois actifs en 2018, avec 56% de salariés, contre 111.581 emplois actifs, avec 68% de salariés en 2030.

Une nouvelle approche formation-emploi

Le Directeur de l’Emploi a mis en exergue la conception de certaines filières, comme la formation par apprentissage, notamment la formation de maîtres de stage. Dans ce cadre, il est prévu de former en 2018, quelques 15.000 maîtres pour 11.000 apprentis, pour un budget de 2,338 milliards d’ouguiyas.

La stratégie prévoit ainsi la création de plusieurs micro-entreprises qui cibleront les sortants de l’enseignement secondaire et du supérieur, selon un cycle formation-accompagnement-appui financiers à travers l’octroi de crédits. Cette approche sera sous-tendue par l’amélioration du système d’informations sur l’emploi-formation et la création d’un Conseil Supérieur de l’Emploi qui pourrait être présidé par le Premier ministre avec une Commission technique présidée par le ministre de l’Emploi.

Un fonds pour l’emploi sera également crée et pourrait être alimenté à hauteur de 4% des droits de douane directement logé dans un compte spécial du Trésor public pour faciliter son utilisation. Ce fonds permettra, selon le Directeur de l’Emploi, de financer les différentes actions en matière de travail, avec la possibilité de lever 4 milliards d’ouguiyas auprès des partenaires techniques et financiers, voire même 10 milliards d’ouguiyas.
L’avis des participants

Dans les débats qui ont suivi, Marième Kane, présidente d’une plateforme d’incubateurs jeunes a soulevé le caractère encore inconnu en Mauritanie de l’économie sociale solidaire qui est pourtant selon elle source de créativité et d’innovation chez les jeunes, mais aussi une approche à forte potentialité d’emploi.

Un jeune cadre du ministère de l’Economie et des Finances a souligné pour sa part que le secteur public n’a pas vocation à créer des emplois et que ce  rôle doit être dévolu au secteur privé qui concentre à lui seul, d’après lui, 70 à 80% des offres d’emploi.

Enfin, M.Issa Bellal du BIT-Mauritanie devait souligner que le rôle de l’institution qu’il représente, c’est-à-dire le Bureau International du Travail, dans la formulation de la stratégie de l’emploi s’est traduit par le recrutement des consultants, la définition des termes de référence et le contrôle qualité du programme pour préserver l’approche participative, avec l’implication de tous les mandants de l’OIT, à savoir l’Etat, les syndicats, le patronat et le secteur privé.

«Nous avons fait ce travail d’approche participative d’abord à partir d’un travail de diagnostic sur une base scientifique qui se réfère aux dernières données, notamment la dernière enquête emploi et la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages, entre autres » a-t-il précisé.

Ce qui est nouveau et qui est d’une grande importance selon lui, c’est le Plan d’action opérationnel qui dégage un certain nombre d’axes stratégiques déclinés sous formes d’activités et de programmes et qui a déjà fait l’objet d’un atelier national en septembre 2016.

«Nous attendions la SCAPP pour une meilleure articulation, avec d’éventuelles stratégies sectorielles, afin de ne pas faire deux fois le même travail» a-t-il ajouté.

Le BIT devait donc, selon le protocole d’accord avec l’Etat, appuyer cette stratégie de l’emploi sur financement de la BAD qu’il a tenu à remercier ainsi que les pouvoirs publics pour avoir élaboré ce document de référence et procédé à sa mise en œuvre.

Il faut souligner que le Ministre de l’Economie et des Finances et son homologue de la Jeunesse et des Sports avaient assisté à l’ouverture de l’atelier sur la stratégie nationale de l’emploi.

Cheikh Aïdara


Election au Syndicat des Journalistes Mauritaniens (SJM) : Un passage à témoin dans les normes démocratiques

Accolades et congratulations ! L’image est saisissante au point qu’elle risque d’être la seule qui sera retenue après une campagne féroce qui a opposé les deux listes candidates à l’élection des instances dirigeantes du Syndicat des Journalistes Mauritaniens (SJM). Il s’agit de celle dirigée par le président sortant, Mohamed Salem Mohamed Mokhtar Salem et son tombeur, Ahmed Salem Dah, vainqueur du scrutin organisé le dimanche 21 mai 2017 au Palais des Congrès de Nouakchott.

Discours des deux candidats à la fin du scrutin (en costume le vainqueur et en boubou bleu le président sortant)

La tension grandissait au fur et à mesure du décompte des voix. L’atmosphère était lourde dans l’énorme amphithéâtre du Palais des Congrès de Nouakchott où plusieurs centaines de journalistes attendaient les résultats, malgré l’heure tardive. Il était presque minuit. Les deux candidats, assis côte-à-côte, suivaient le rythme des bulletins tantôt favorables à l’un, tantôt à l’autre.

Puis, l’explosion de joie des partisans du candidat de la liste El ISLAH (La Réforme), Ahmed Salem Ould Dah qui venait de remporter le scrutin par 252 voix contre 243 pour le président sortant, Mohamed Salem Ould Mokhtar Salem qui dirigeait la liste El IJMAA (Le Consensus). Dans l’euphorie, une table de la salle se brisa en mille morceaux. Un détail qui ne sembla nullement perturber la joie ressentie par les vainqueurs de la nuit qui se jetèrent les uns sur les autres dans un tourbillon de boubous et de voiles entremêlés. L’incrédulité s’affichait dans le camp des vaincus. Certains esquissèrent même un élan de revendication, cherchant dans les méandres du scrutin, une faille pour remettre tout à zéro. Mais, en bon démocrate et avec fair-play, le président sortant s’avança vers son confrère qui venait de le battre dans un scrutin dont la transparence était indiscutable. Il le félicita chaleureusement et reconnut sa défaite avec magnanimité. Un geste qui eut pour mérite de ressouder les liens au sein d’un corps dont l’ardeur dans la fièvre de la campagne électorale prédisposait du pire.

Les journalistes attendent les résultats

«Je remercie ceux qui ont voté pour la liste El ISLAH et je remercie aussi ceux qui ont voté pour moi. Je souhaite bon vent à mon confrère». Telle fut la substance du discours prononcé par Mohamed Salem Ould Mohamed Mokhtar qui venait de clore un chapitre, celui d’un mandat de trois ans, critiqué par les uns, magnifié par les autres.

Le jury

Mais les journalistes sont unanimes à reconnaître que la tâche qui attend le nouveau président et son bureau exécutif est énorme. L’assainissement de la profession, la restructuration des instances avec la mise en place de plusieurs commissions spécialisées, l’implication des journalistes dans le fonctionnement du syndicat, la quête d’une confiance perdue entre les acteurs des médias et leur structure d’attache, sont autant de problèmes qu’Ahmed Salem Ould Dah et son équipe devront relever, sans compter d’autres problèmes structures et institutionnels, comme la mise en place d’une véritable administration syndicale, les rapports avec l’Etat, la question des contrats de travail, l’assurance maladie, la retraite, etc.

Cheikh Aïdara


Finale de la Coupe nationale de Basket-Ball : Participation remarquée de l’UNFPA

«L’UNFPA est une organisation qui travaille pour le bien-être des enfants, des jeunes, des femmes et des adolescents pour que leur potentiel soit libéré et c’est dans ce cadre que nous avons soutenu cette activité». C’est par ces propos que Mme Cécile Compaoré Zoungrana, Représentante résidente du Fonds des Nations Unies pour la Population en Mauritanie (UNFPA) a exprimé ses impressions aux termes d’une belle finale qui a opposé samedi 20 mai 2017 à l’Ancienne Maison des Jeunes de Nouakchott, l’équipe d’El Mina à celle de Boghé. Score final, 74 contre 61.

La Représentante de l’UNFPA honorée par l’ancien président de la fédération de Basket, NDiage Dieng

Le terrain de basket de l’Ancienne Maison des Jeunes de Nouakchott a abrité en nocturne, samedi 20 mai 2017, la finale de la Coupe nationale de basket-ball, match placé sous le haut patronage du Ministre de la Jeunesse et des Sports, Ahmed Ould Djibril. Avaient assisté à la rencontre, le ministre de la Culture et la Ministre Déléguée chargée des Affaires Maghrébines, le Wali de Nouakchott-Ouest, ainsi que plusieurs hautes personnalités, dont les représentants de l’UNFPA, de l’UNICEF, l’ancien président de la fédération de basket, le général NDiage Dieng, et le conseiller à la Primature, Ahmed Challa, invité d’honneur.

Table officielle : le ministre des Sports et à sa gauche le ministre de la Culture

Dès 18 heures, le mythique terrain de basket avait déjà affiché plein, au son des tam-tams et des bruits assourdissants des supporters des deux équipes. Le Challenge était d’autant plus grand, que la finale opposait une équipe de la Capitale, Nouakchott et une ville de l’intérieur, Boghé.

L’ambiance bon enfant qui régnait laissera la place aux environs de 20 heures 30 au derby tant attendu, juste après l’arrivée des officiels et l’hymne national.

Amené par son dynamique président, Moussa MBareck, les jeunes d’El Mina prendront le match en main, dominant du début à la fin une accrocheuse équipe de Boghé qui compte quelques bonnes individualités.

Au coup de sifflet final, El Mina l’emportait par le score sans appel de 74 à 61, déclenchant un concert d’enthousiasme dans les gradins. Au cours du match, les supporters de Boghé ont à plusieurs reprises manifesté leurs mauvaises humeurs par des jets de bouteilles d’eau sur la main courante, ce qui a peu perturbé le déroulé de la rencontre.
Le ministre de la Jeunesse a remis à la fin du match la coupe au capitaine de l’équipe d’El Mina plus un chèque d’1 Million d’ouguiyas, tandis que son challenger s’est retrouvé avec un chèque de 300.000 UM. La coupe du meilleur marqueur a été décernée à Alassane Niang d’El Mina et celle du meilleur joueur à Alassane Gaye de Boghé. Quant à la coupe du Fair-Play, elle a été attribuée à l’équipe de Nouakchott.

Le ministre des Sports remettant le trophée et le chèque d’1 Million au capitaine de l’équipe d’El Mina

A la fin de la rencontre, la Représentante Résidente de l’UNFPA, Mme Cécile Compaoré Zoungrane a exprimé sa joie d’avoir assisté à la finale, que son organisation a soutenu. «L’UNFPA est une organisation qui travaille pour le bien-être des enfants, des jeunes, des femmes et des adolescents pour que leur potentiel soit libéré et c’est dans ce cadre que nous avons soutenu cette activité» a-t-elle déclaré à la presse. Le sponsoring par l’UNFPA d’une telle rencontre s’expliquait également selon elle, par le thème phare qui a été retenu pour cette fête et qui recoupe les objectifs de l’UNFPA tels qu’adoptés pour l’année 2017 par l’Union Africaine, «Investir dans la jeunesse comme dividende démographique».

Public Equipe de l’UNFPA

Selon Djeynaba Diallo, jeune supportrice d’El Mina «la rencontre a été d’un bon niveau. Nous remercions les sponsors qui ont soutenu la finale, notamment l’UNFPA, l’UNICEF et Mauritel, car la jeunesse a besoin d’être soutenu». Pour Malick Sy, supporter de Boghé «nous sommes heureux d’être parvenu jusqu’en finale, mais le basket a besoin d’être soutenu davantage à l’intérieur du pays où le minimum pour le développement de ce sport manque».

Simple amateur de basket, Pape Demba NDiaye, étudiant en économie, trouve pour sa part que «rien ne vaut plus qu’investir dans la jeunesse, car c’est la force du pays et son avenir, mais aussi son défi majeur, car sans une jeunesse épanouie, c’est une société en danger que l’on risque de couver».

Il était prévu que le ministre de la Jeunesse et des Sports fasse une conférence de presse à la fin du match, mais elle a été annulée au dernier moment.

Cheikh Aïdara


Semaine de l’Europe en Mauritanie : le BIT au cœur de la fête

La Semaine de l’Europe, célébrée du 8 au 12 mai 2017 par la Délégation en Mauritanie, a été marquée par plusieurs activités, en présence des autorités mauritaniennes, de la société civile, d’organisations et institutions internationales comme la représentation locale du Bureau International du Travail (BIT).

Emploi, pêche, économie, jeunesse, genre, médias… Ce sont-là quelques thèmes qui ont été abordés aux détours de conférences-débats ou de projections cinématographiques tout au long de la Semaine de l’Europe qui vient d’être célébrée du 8 au 12 mai 2017 à Nouakchott.
La cérémonie phare de la Semaine fut sans doute le cocktail-diplomatique offert le 9 mai aux invités de marque dans l’enceinte de la Délégation européenne et qui a été marquée par les discours officiels et solennels échangés entre l’ambassadeur chef de la Délégation, SEM José Antonio Sabadell et le ministre des Pêches et de l’Economie Maritime, M.Nany Ould Chrougha.

L’occasion pour ce dernier de magnifier les relations entre la Mauritanie et l’Europe, soulignant que ces relations vont s’axer sur les nouvelles orientations stratégiques relatives à la valorisation des produits péchés dans les eaux mauritaniennes, en termes de transformation et de création d’emplois. Pour le diplomate européen, l’organisation de cette journée marque les trente ans de coopération entre l’Europe et la Mauritanie, notamment dans le domaine des pêches.
Le bureau du BIT a été fortement présent au cours de la Journée, à travers notamment M.Federico Barroeta, son représentant et point focal en Mauritanie, mais aussi par M.Marc Ninerola, chef du Projet «Bridge» et certains de leurs collaborateurs.  L’occasion pour le BIT de présenter une riche exposition sur ses activités en Mauritanie, notamment dans le domaine de l’emploi, à travers notamment son «Chantier-Ecole de formation professionnelle à Aleg » mais aussi à travers ses actions dans la protection des travailleurs et des migrants.

Il faut dire que la Semaine de l’Europe s’était ouverte le 8 mai par une conférence sur l’Union européenne à l’Université de Nouakchott et un film sur le «Miracle de Berne » à l’ambassade d’Allemagne. Le mardi, «Portes ouvertes sur l’AECID-SNDP » fleuron de la coopération entre la Mauritanie et l’UE dans le domaine de la pêche, suivi d’une conférence-débat «Emploi et Pêche » au Marché de Poisson et le soir, cocktail-diplomatique à la Délégation. La semaine de l’Europe s’est poursuivi les 10, 11 et 12 mai par des séries de conférences et de cinéma, sur la société civile, la jeunesse, le genre, les médias, le changement climatique…


De Gouraye à Nouakchott : L’Odyssée d’un indésirable de la République

Déclaré Persona non grata à Sélibaby, Boghé, Aleg et Boutilimit, Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), indésirable dans son pays et Messie ailleurs, est rentré à Nouakchott, escorté sur plus de six cent kilomètres par une armada de policiers, de gendarmes et de gardes qui se le sont relayés comme une patate chaude.

L’arrivée de Birame Dah Abeid, président d’IRA, le 7 mai 2017 au Guidimagha, a suscité une véritable levée de boucliers au sein de l’appareil sécuritaire du pays, allant jusqu’à secouer le pouvoir et la Présidence de la République, d’où fusait manifestement toutes les instructions relative à la gestion d’une affaire qui avait profondément ébranlé les féodaux soninkés. La preuve, Sélibaby, capitale du Guidimagha et porte par laquelle le leader abolitionniste comptait entrer sur invitation d’associations antiesclavagistes soninkés, sera fermée pendant deux jours à tout étranger à la région.

Selon des informations concordantes, la classe féodale soninké, sous la houlette de ses plus grands cadres, auraient contacté directement le président Mohamed Abdel Aziz pour lui dire que s’il laisse Birame poursuivre tranquillement son périple au sein des esclaves soninkés, le vote en faveur du référendum constitutionnel sera sérieusement compromis au Guidimagha. D’où les instructions données au Wali, Diallo Oumar Amadou, de prendre toutes les dispositions pour empêcher aux militants d’IRA de pénétrer jusqu’à Sélibaby et à Birame de rester ne serait-ce qu’une demi-journée dans la région. A quelques doigts de la retraite, le gouverneur devait redoubler de zèle pour couronner sa longue carrière d’administrateur par la gestion du cas Birame, une affaire dont il n’avait pas du tout besoin à ce stade de sa vie professionnelle. Aussi, avait-il parcouru toute la région, semant la terreur et la panique au sein des classes serviles, dans les hameaux et les villages. Ainsi, beaucoup parmi ceux qui étaient prêts à recevoir Birame, à Gouraye, Diaguili et dans d’autres villages cédèrent sous les menaces d’emprisonnement. Seuls les militants antiesclavagistes de Diogountoro ont résisté à ces menaces. Bakayoko, l’un de ses leaders, aurait ainsi tête aux autorités à qui il a dit «je suis toujours prêt à recevoir Birame comme invité, même si cela doit me conduire en prison».

Tachott, la porte de filtrage

Depuis l’annonce de l’arrivée du président d’IRA par la porte de Gouraye qui fait face à la ville sénégalaise de Bakel, les autorités régionales du Guidimagha avaient porté l’alerte sécuritaire à son maximum. Diallo Oumar Amadou savait qu’il jouait sa tête. Aussi, fit-il installer des barrages de la gendarmerie sur toutes les voies d’accès menant à Sélibaby et à Gouraye. Des dizaines de militants d’IRA qui avaient quitté les autres villes du pays pour rallier le Guidimagha seront formellement identifiés puis refoulés au niveau de plusieurs points d’accès. Même ceux qui avaient tenté de se fondre dans l’anonymat des taxi-brousses ou des bus de transport. Cela était d’autant plus facile que la quasi-totalité des militants d’IRA sont connus. Beaucoup d’entre eux sont fichés suite à des manifestations, des marches de protestation ou des sit-in non autorisés menés ces dernières années et matés dans la répression.
A Tachott, une brigade mobile de la gendarmerie a été spécialement installée pour filtrer les entrées vers Sélibaby, située à une vingtaine de kilomètres. Le 3 mai 2017, Balla Touré, Secrétaire chargé des relations extérieurs d’IRA et ses compagnons, Samba Diagana, Hanana MBoïrick, Kaw Lô, et leur chauffeur, ont été chopés à Gouraye puis reconduits jusqu’à Nouakchott. Cet incident aurait certainement, selon certains membres d’IRA, motivé l’installation de ce poste avancé.

Trois jours plus tard, le 6 mai 2017, une délégation conduite par la vice-présidente du mouvement, Coumba Dado Kane, et comprenant Khattri Rahel, Mama IRA (une dame de fer membre d’une association antiesclavagiste soninké), Dah Boushab, Ousmane Lô et Ahmed Hamdi seront ainsi stoppés net à Tachott par cette brigade de gendarmerie. Il faisait minuit. Après avoir récupéré leurs pièces d’identité, les gendarmes les ont communiqués à leurs supérieurs. Quelques minutes d’attente et les instructions tombèrent. La délégation était priée de rebrousser chemin. L’entrée à Sélibaby leur était fermée. Après une nuit en pleine brousse, les membres de la délégation ont joué aux obstinés. Une partie regagnera Tachott, situé à 5 kilomètres du poste de gendarmerie. Coumba Dado Kane, à bord de la Prado qui devrait ramener Birame, jouera les têtues.

Le 7 mai, aux environs de 12 heures, des journalistes venus couvrir l’évènement crée par le retour de Birame en Mauritanie, après une longue tournée en Europe et aux USA, et qui allait certainement apporter du nouveau dans une actualité morose et fade, butèrent sur cette même brigade et connurent le sort des militants d’IRA. La porte de Sélibaby leur était aussi fermée.

Ce qui s’est passé à Gouraye

Aux environs de 12 heures, Birame débarqua à Gouraye accompagné d’un seul membre d’IRA. Il raconte.
«J’ai été reçu par le commissaire de Gouraye, au milieu d’un véritable déploiement des forces de l’ordre. Il me fit asseoir en attendant de recevoir des instructions. Quelques minutes plus tard, il me dit que le chef d’arrondissement me demandait si j’étais prêt à le rencontrer et dans ce cas, si j’allais le rejoindre avec ma voiture ou s’il m’en envoyait une. Je lui ai répondu que j’étais prêt à le rencontrer mais que ma voiture est bloquée à Tachott, il devait donc m’en envoyer une. Un peu plus tard, le commissaire me fit savoir qu’il y avait changement de programme. Je devais quitter le Guidimagha sous escorte de la gendarmerie. C’est alors que les autorités décidèrent de laisser passer Coumba Dado Kane et la voiture qui devrait me ramener ».

A Tachott, le reste de la délégation bloquée là depuis des heures, avait suivi au téléphone, grâce à Coumba, l’évolution de la situation à Gouraye. Ils apprirent  que Birame allait être refoulé sous escorte de la gendarmerie.
Assis sous une gargote à plus de 45° à l’ombre,  ils venaient juste de commander quelques plats de riz à la viande d’une qualité médiocre, lorsque le convoi leur passa sous le nez. Ils se lancèrent précipitamment à ses trousses. A hauteur de Djadjibini, ils croisèrent les deux véhicules de la gendarmerie qui venaient de passer le relais à la brigade de Mbout.

La Prado, au lieu de prendre la route de Kaédi, piqua par la bretelle vers le centre-ville, obligeant l’escorte à faire de même. La section locale d’IRA avait préparé un accueil modeste dans la maison d’une des militantes les plus chevronnés du mouvement, Toutou. Les gendarmes s’installèrent près de la maison. Chansons, youyous, accueillirent Birame qui décida de passer la nuit. Un dîner somptueux lui fut servi au milieu des militants, dont une écrasante majorité de femme. Le lendemain cap sur Boghé.

Boghé : le commissaire débarque dans la maison

Arrivée à Boghé vers 13 heures, la délégation d’IRA fut accueillie au domicile d’un militant par une foule de jeunes, hommes et  femmes. Une trentaine de personnes enthousiasmées se trouvait là . Trente minutes après, le commissaire de Boghé, Henoune Ould Sid’Elemine, débarqua accompagné de quatre policiers. Dehors, une Toyota remplie d’éléments armés et cagoulés. «Pas d’attroupement ! » indiqua le commissaire qui s’est entretenu longuement avec Birame. Le ton est monté un peu. Puis Birame, sortit en trombe et lui lança : «si la présence de ces gens te gênent, tu n’as qu’à les embarquer ou fait ce que tu veux, je ne suis pas comptable de leur présence ici ».

Le commissaire entreprit de faire sortir tous les jeunes ressortissants de Boghé, en plus de quelques journalistes locaux venus quérir des informations ou une interview avec le leader abolitionniste, surtout que son périple au Guidimagha avait rempli les réseaux sociaux.

N’empêche, la maison se remplit de nouveau, tandis que quelques policiers chassés par l’harmattan, se réfugièrent dans la maison, sous un hangar à l’écart de la délégation, accompagnés de jeunes Boghéens.

Birame animera ainsi une conférence de presse à l’intention des correspondants de quelques journaux et sites, notamment «Le Calame » mais aussi «Le Véridique », entre autres. Il est revenu sur son périple au Guidimagha, insistant sur l’idéologie de son mouvement basé sur la lutte pacifique contre le racisme et l’esclavage en Mauritanie.

Plusieurs cadres d’IRA ont pris la parole dans les langues nationales, à l’image de Coumba Dado Kane et Ousmane Lô.
Un peu avant le départ de la délégation, le président de la section IRA au niveau de Boghé, Bah Ould Eyoub a pris la parole pour exprimer l’adhésion totale des militants au niveau de la région pour le combat d’IRA. «Nous sommes derrière toi pour relever tous les défis que tu t’es fixé » a-t-il conclu, s’adressant à Birame, dont le corps nageait de sueur sous un boubou léger et un sous-vêtement blanc. Boghé était pris sous une nasse de chaleur torride.

Bouhdida, une visite sans surveillance policière

Birame et sa délégation quittèrent Boghé, escortés par une voiture de police qui s’arrêtera juste au rond-point de la route de Rosso. «C’est sûr qu’ils n’ont plus de gasoil » railla un militant. Le convoi poursuivit son chemin, loin de toute surveillance policière. Direction, Bouhdida, localité située à une vingtaine de kilomètres d’Aleg, la capitale régionale du Brakna. Un arrêt de quelques minutes au cours duquel plus d’une trentaine de personnes s’attroupèrent sous un hangar autour de Birame que la plupart voyaient pour la première fois. «Si cette visite était mieux préparée, on vous aurait rempli la cour. Vos partisans sont nombreux ici et nous sommes tous avec ton combat » déclara une femme, la quarantaine. Applaudissements sonores et quelques tambourinements sur un fût vide. Le départ de Birame sera salué par une salve de youyous. Cap sur Aleg, où la délégation devait passer la nuit.
Aleg et Boutilimit barricadés

Le rond-point d’Aleg avait disparu sous le foisonnement des tenues kaki. Une véritable armada policière, casques vissés sur la tête et matraque au ceinturon, obstruait la bifurcation qui menait vers la ville d’Aleg. Comme si ce mur humain ne suffisait pas, une Toyota de la Police tout en diagonale barrait le chemin. Les voitures de la délégation, la Prado de Birame en tête, s’immobilisèrent sur le bas-côté, tandis que des passagers qui faisaient le pied de grue sur la nationale menant vers Boghé, jouèrent aux badauds. Quelques minutes s’écoulèrent. Le Directeur régional de la Sûreté (DRS) du Brakna, Mohamed Ali Ould Mélaïnine, boubou blanc, cheveux grisonnants, s’avança vers la voiture de Birame. Ce dernier sortit et le rejoignit sur le talus. Les deux hommes s’abîmèrent dans de longs palabres dont les propos échappèrent au reste de la délégation. Puis, Birame se dirigea vers ses amis. «Nous sommes interdits d’entrer dans la ville d’Aleg. Les ordres viendraient de très haut, selon le DRS » lâcha Birame. Quelqu’un lui lança, irrité, alors qu’il prenait place dans la Prado. «Et la route de Nouakchott, elle nous est aussi fermée ? » Birame sourit et lui répondit «c’est vrai, je vais le lui demander ». Il redescendit et se dirigea vers le DRS. «Mon commissaire, j’espère que la route de Nouakchott ne nous est pas fermée aussi ? » Le commissaire lui répondit : «non, elle est ouverte ».

La délégation, suivie pendant quelques mètres par une voiture de police, s’ébranla. Cap vers l’étape de Boutilimit qui n’était prévue dans le programme que le lendemain.
De Boutlimit à Nouakchott, la ligne droite

Au carrefour de Boutilimit, là où la voie bifurque sur une bretelle de contournement, une voiture de police était à l’accueil. Ordre fut donné au convoi d’emprunter cette voie, qui permet d’éviter la ville. Ainsi, après Aleg, Boutilimit était aussi interdite à Birame. Une voiture de la police l’accompagnera jusqu’à la sortie de la vieille cité maraboutique.
Le reste du trajet vers Nouakchott se déroula sans aucun incident. Les gendarmes qui jonchaient la route semblaient parfaitement au courant de ce qui se passait. A chaque arrêt, dès qu’ils demandaient les papiers de la voiture au chauffeur et qu’on leur disait que cette voiture fait partie du convoi de Birame Dah Abeid, ils faisaient automatiquement signe de continuer.

Enfin, Nouakchott ! Deux voitures de la délégation arrivèrent les premiers au poste de police du kilomètre 18 marquant l’entrée de la capitale. Beaucoup de policiers sur la chaussée et deux Toyotas clignotant sur les deux bords de la route. «Où est le président Birame ? » s’enquit un gradé. «Il vient ! Il est en cours de route ! » répondit l’un des membres du Comité de Paix, reconnaissable à son pantalon noir, chemise blanche et cravate noire.

La Prado était restée loin, garée quelques kilomètres derrière. La vice-présidente, Coumba Dado Kane se livrait à une interview sollicitée par une station étrangère. Une demie heure et la Prado fit son apparition. Un bref arrêt et la délégation prit le chemin de la ville. Une Toyota de la police la suivit puis s’arrêta quelques mètres plus loin.

Au domicile des Ehel Ahmed, les beaux-parents de Birame, une foule attendait. Les crissements des pneus devant la porte d’entrée furent accompagnés d’une salve de youyous. Dans le salon bondé de monde, Leïla, l’épouse de Birame était couchée près d’un berceau où reposait un bébé. Le dernier né du couple.


Couverture sur des sujets d’esclavage : SOS Esclaves forme des journalistes spécialisés

L’organisation SOS Esclaves que dirige Boubacar Ould Messaoud a organisé, les 4 et 5 mai 2017, une session de formation et d’échanges avec un groupe de journalistes triés sur le volet sur les techniques de couverture des sujets relatifs à l’esclavage en Mauritanie. Des bourses de recherches seront octroyés à certains d’entre eux pour se lancer dans des recherches sur le terrain.

Vue partielle des participants et de leurs formateurs

Pendant deux jours, une dizaine de journalistes choisis pour leur intérêt aux questions des droits de l’homme, notamment la lutte contre l’esclavage, ont été conviés à une session de formation et d’échanges sur le sujet. SOS Esclaves, l’une des organisations les plus actives dans ce domaine, compte ainsi mettre ses vingt années d’expérience au service d’un travail de profondeur, avec l’aide de ses partenaires, l’ONG américaine Antislavery et l’ONG britannique Minority Rights Group International. Deux experts envoyés par ces deux prestigieuses institutions, Emma et Jakub, ont ainsi échangé et formé les participants sur des principes spécifiques d’enquête et d’approche qui pourraient aider dans l’avenir les journalistes à mener des investigations de terrain.

La session avait débuté le 4 mai 2017 par un mot d’introduction du Doyen Boubacar Messaoud qui a fait l’économie de son organisation, SOS Esclavage et de sa riche expérience dans la lutte contre le fléau en Mauritanie. Il sera suivi de notre confrère et non moins activiste au sein de l’organisation, Sneïba Kory qui a brossé pour sa part un état des lieux de l’esclavage dans le pays, soulignant que cette question a été insuffisamment traitée jusque-là par les médias, notamment les médias indépendants, la presse officielle bien entendu s’inscrivant sur la ligne du déni professée par les tenants du pouvoir. Par la suite, Ahmed Ould Wediya, journaliste et vice-président de SOS Esclaves devait souligner que la lutte contre l’esclavage doit prendre des dimensions politiques, économiques, culturelles que sociales.

Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves lisant son discours

Après deux jours de débats riches et fructueux sur le rôle des médias et l’importance de faire des reportages sur l’esclavage, sur une meilleure connaissance des victimes et des anciennes victimes, ainsi que sur l’utilité de l’éthique dans le traitement du sujet, mais aussi sur la manière d’identifier et de développer les récits ayant un impact réel, doublé d’une meilleure connaissance des communautés, une entrevue a été organisée le 6 mai 2017 à l’hôtel Khater entre les journalistes et les activistes.

Il faut signaler que la session a été marquée par la présence d’un représentant de l’Agence Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, d’un représentant du département de la Justice et du représentant du Projet «Bridge» au sein du Bureau International du Travail (BIT) en Mauritanie. La modération de l’atelier a été assurée par le doyen Abdoulaye Ciré Bâ. Au cours de la formation, les journalistes se sont prêtés à une séance pratique au cours de laquelle certains ont joué le rôle d’interviewers et d’autres celui d’esclave ou d’ancien esclave.