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L’amour à moindre coût

L'amour à moindre coûtDepuis quelques mois, il est possible au plus défavorisé des Banguissois de prendre tout son temps pour dire à sa dulcinée « je t’aime ». Ce qui est aussi faisable pour la Banguissoise. Cette grâce nous la  devons aux opérateurs téléphoniques de la place. Pour la plupart d’entre eux, les choses commencent de 20h à 08h. On peut voir sur les différents panneaux publicitaires « de 20h à 08h, L’amour Kétté nguéré (L’amour moins cher, en sango) », « Prenez votre temps et dîtes lui je t’aime de 20h à 08h »… Dans les conférences de presse les représentants de ces sociétés de téléphonie mobile disent vouloir banaliser le téléphone en Centrafrique, mais tout laisse à donner l’impression qu’ils le font en poussant les centrafricains ou du moins les Banguissois à être romantique. Le soir venu, qui des jeunes s’enferment dans sa chambre, soit se met à l’abri des bruits pour communiquer avec son âme sœur et lui dire « je t’aime » tout en prenant son temps, pour ceux qui ont activés l’option appel. D’autres toute la journée malmène les touches de leurs téléphones s’efforçant d’envoyer le texto le plus doux de Bangui à son cœur car c’est moins cher ou presque gratuit l’option SMS. Toutes les attentions sont orientés vers les sonneries ou vibrations de téléphones, car tellement c’est moins cher, Roméo ou Juliette peut appeler à tout moment et pour rien au monde il ne faut le ou la décevoir. Si un de ce jour, à Bangui vous apercevez un jeune homme ou une jeune fille les casques à l’oreille entrain de dialoguer tout seul en marchant, ne vous dîtes pas que c’est une folie qui débute mais c’est l’amour à la folie. Ainsi va l’amour à moindre coût à Bangui.


A Bangui on ne sait plus à quel saint se vouer

Source image: https://kanga-nga-photo.blogspot.com

Eglise de la foi vivante, église de la foi profonde, église de la foi renouvelée… tels des champignons, apparaissent des pancartes au jour le jour, donnant naissance à de nouvelles églises qui se veulent plus saintes les unes des autres. Ainsi, des maisons d’habitations sont transformées à la hâte en églises, des édifices abandonnés ou en ruine sont érigées en temple. Ça et là, les nouveaux lieux de culte ne cesse d’augmenter chaque jour que le bon Dieu fait, donnant l’impression que chaque parcelle de Bangui a son église.La nuit tombée, de véritables tapages nocturnes s’organisent dans ces lieux de cultes. Chants, battements de mains ou de tam-tams occasionnent et rythment l’insomnie de plus d’un Banguissois. Les raisons de ces veillées sont d’abord les beaux prêches des pasteurs qui accommodent bien avec le vécu quotidien de leurs adeptes.

Les sujets de prières choisis sont à bon escient : désensorcellement, délivrance, guérison, prospérité… Les préoccupations de la majeure partie des Banguissois. Alors on chante beaucoup, on danse beaucoup, et on « parle en langue » au détriment des « païens » qui ne connaissent plus de paisible sommeil.

Pour soutenir l’église, chaque fidèle doit s’acquitter de ses dîmes mensuelles si ce n’est pas hebdomadaire voir même bihebdomadaire. C’est le cas de la plupart de ces nouvelles églises à domicile. Ici, les patrons des cultes peuvent être pasteur, diacre, apôtre ou même prophète selon le degré de « foi » qui les anime.

Plus on est un bon payeur de dîme, plus on est un bon fidèle et on bénéficie beaucoup plus des bénédictions de « l’apôtre ». L’engouement des fidèles qui se ruent toujours en masse vers ces « nouvelles églises » est surtout lié aux miracles que celles-ci prétendent opérées : redonné la vue aux aveugles, guérir le sida, soigner les infirmités…

En cas de guérison infructueuse, les fidèles « patients » quittent l’actuel saint pour un nouveau. En attendant que les Banguissois ne voient clair dans toute cette histoire, les véreux pasteurs continuent d’immoler leur véritable foi sur l’autel des intérêts.