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Falher – une communauté en quête de soi…

En empruntant l’Autoroute 43 dans le nord-ouest de l’Alberta, la distance entre Edmonton et Falher est de 431 km, donc, une petite randonnée en voiture d’environ 4 heures et demie. Si l’on rajoute certains « ingrédients » tels que de la pluie, de la glace, une ou deux tempêtes de neige, un orignal de mauvaise humeur, etc. – la randonnée devient alors un périple de presque huit heures…

Falher, petite localité du nord-ouest albertain, avec ses 1 100 habitants, fait partie de la région de Rivière-la-Paix. Falher est, sans contredits, la capitale nationale du miel au Canada. Nombreux sont les touristes qui se déplacent pour se faire photographier à côté de l’abeille géante, cette fière représentante de la famille des Hyménoptères (et hop, tous à vos encyclopédies !) est, aussi sans contredits, la plus grosse abeille au monde. Selon ma recherche rapide sur Internet, Falher, par l’entremise de ses 48 000 ruches, produit plus de 4,5 millions de kg de miel… de quoi bien se sucrer le bec! Chaque année, en juin, le Festival du miel célèbre l’importance accordée à cet élixir des dieux…

Y avait autrefois une émission de télé américaine ; Cheers ! C’était une comédie dont les scénarios se déroulaient dans un pub où « tout le monde connait ton nom »… Falher, c’est un peu cela… un charmant endroit où tout le monde se connait et où on est toujours heureux de se revoir…

Falher est une des quatre municipalités officiellement bilingues en Alberta ; les autres étant Beaumont, Legal et Plamondon. Il n’est pas rare d’y entendre des accents qui trahissent gentiment les origines québécoises des locuteurs locaux. Fondée en 1912 par le Père Constant Falher et des pionniers originaires du Québec et de la Nouvelle-Angleterre, la ville de Falher a aussi profité d’une migration importante de Beaucerons et de Bleuets (Lac-Saint-Jean) entre les années 1950 et 1980. Certaines familles francophones locales en sont donc à leur cinquième génération en tant que fiers Albertains.

Pourtant, l’image de paisible ruralité qui se dégage de Falher, les sourires et la joie de vivre de ses habitants ne cachent pas complètement l’inquiétude qui règne au sein de ses associations communautaires francophones. Suite à des déchirures pas encore complètement cicatrisées remontant à l’époque de l’obtention de la gestion scolaire francophone en Alberta en 1991(écoles francophone versus écoles d’immersion), à l’impact du dépeuplement rural au profit des centres urbains, et au vieillissement de sa population, Falher, tout comme d’autres communautés francophones albertaines, dites traditionnelles du nord-ouest et nord-est de la province, traverse une période de remise en question communautaire. Cette dernière se caractérise par une impression d’un certain désengagement envers la communauté et d’un manque d’énergie à consacrer au développement communautaire.

Un engagement communautaire axé sur les acquis sous-entend une appropriation des enjeux dans une quête commune de solutions. Un engagement communautaire se traduit par une collaboration s’inspirant d’une synergie qui se ressource dans les forces de tous et chacun. Quoique la participation aux activités communautaires à Falher n’est pas l’enjeu comme tel, de graves lacunes au niveau de l’atteinte de résultats stratégiques communautaires concrets est indicatif d’un besoin de remise en question. En d’autres mots, même si un nombre important de membres de la communauté participent à une activité, cela se fait plus par habitude que par conviction d’engagement communautaire.

De plus, un manque de relève au sein des organismes communautaires locaux, accentué par l’exode continu de la jeunesse vers des plus grands centres tels que Grande Prairie et Edmonton contribue non seulement à un vieillissement de la population locale mais aussi à une remise en question des rôles que détiennent les organismes communautaires au sein de la population locale…

Ce phénomène n’est pas unique à Falher puisqu’il touche d’autres communautés touche plusieurs communautés (Saint-Paul, Plamondon, etc.). La quête d’une solution à Falher était en évidence lorsque j’ai eu récemment l’honneur d’animer un atelier sur la gouvernance communautaire. En fait, comme c’est souvent le cas, tout est une question d’objectifs et de marge de manœuvre. Les participants représentaient toute une gamme d’organismes francophones locaux en quête de renseignements supplémentaires en gouvernance communautaire… un pas dans la bonne direction…

Toutefois, il est évident qu’une seule rencontre ne produira pas un contexte qui règlera tous les enjeux rattachés au développement de la communauté francophone de Falher. Cette rencontre devra faire partie d’un processus continu de mobilisation communautaire. Tous les membres d’une communauté ont le droit de se sentir valorisé dans un cadre de développement communautaire. Lorsque ceci deviendra réalité, il sera possible d’apporter des changements positifs aux structures communautaires, aux politiques et aux attitudes qui façonnent la vie en société.


Bienvenue chez nous !

Ah, le Canada et son immensité, ses forêts, ses champs à perte de vue, ses longues routes interminables, ses habitants si accueillants….

Ah, l’Alberta ! Ses pics majestueux, ses plaines, ses chinooks, son pétrole, ses cowboys, cette impression de toujours y retrouver un semblant de Far-West…

Combien de rêves ont trouvé leur genèse dans ces images ? Combien de gens ont quitté familles, amis et emplois en quête de l’Eldorado canadien ? Depuis un siècle et demi, ce sont des millions de personnes qui sont venues peupler l’Alberta et l’Ouest canadien tout en renflouant le pool génétique local…

Pour l’Alberta francophone, c’est au début du 20e siècle, qu’un grand nombre de Français, Belges, Suisses et Libanais sont venus s’installer en grand nombre afin de défricher les terres agricoles pour s’y créer une nouvelle vie… Après s’être resserré vers la fin des années 1960, le robinet de l’immigration francophone a recommencé à couler vers la fin des années 1990 avec l’arrivée de nombreux Africains francophones, de Maghrébins et de Français – tous en quête du rêve canadien et de l’Eldorado albertain…

Tout cela ayant été dit (ou plutôt écrit…), comment ces nouveaux arrivants s’acclimatent-ils à la francophonie albertaine ? Pas toujours évident de faire reconnaitre ses diplômes ou son expérience de travail, de s’habiller pour des saisons qui décuple l’indice de refroidissement, de trouver son fromage préféré, ou de picoler son Beaujolais nouveau….

Avec la création de centres d’accueil et d’établissement francophones dans la plupart des grands centres urbains en Alberta, l’aide à l’accueil et aux débuts d’intégration des nouveaux arrivants est facilement accessible. Trouver un loyer, inscrire ses enfants à l’école et, pour la plupart, trouver un emploi, sont des priorités auxquelles il est relativement facile de trouver une solution.

Mais qu’en est-il des adaptations culturelles ? De ces petits conforts quotidiens qui s’alignaient si facilement pour agréer l’existence dans le pays d’origine ? Étant moi-même fils d’immigrant, je me souviens vivement lors de l’arrivée de ma famille au Manitoba de notre recherche quasi-désespérée pour du Nutella, cet article de consommation sans laquelle nous ne pouvions pas déjeuner…. C’était 1969, et après maintes visites au magasin Safeway du quartier et au Dominion du quartier voisin, nous nous étions résignés à ne plus jamais pouvoir déjeuner… Y avait bel et bien « la pâte brune salée aux cacahuètes », comme disait ma mère, mais alimenter des enfants avec cela était inconcevable pour mes parents… Sans Nutella, nous avions été obligés de faire comme la plupart des petits Canadiens : mettre des « chips » de blé et de maïs dans un bol avec du lait… Un autre rituel peu connu à l’époque en Europe… Ce n’est que des années plus tard, lors d’une visite à une épicerie italienne du quartier Corydon de Winnipeg, que nous avons enfin miraculeusement trouvé du Nutella ! Secret bien gardé de la communauté italienne, cette épicerie était, à l’époque, le seul endroit où l’on pouvait se procurer cette célèbre pâte aux noisettes…

Tout cela pour dire qu’il faut parfois s’adapter à sa nouvelle réalité en faisant ses quêtes à l’extérieur des sentiers battus… En Alberta, pour trouver son fromage français préféré, il faut soit se rendre dans une épicerie italienne ou hollandaise…. Quoiqu’il existe d’excellentes pâtisseries françaises en Alberta, pour ceux qui désirent savourer des spécialités plus régionales doivent inévitablement se tourner vers des boulangeries allemandes (Alsace, Lorraine, Moselle), hollandaises (Flandres), italiennes (Midi) ou Latino-américaines (Pays basque). Les Belges sempiternellement à la recherche de tarte au riz, de gaufres ou de biscottes, les trouveront chez les Hollandais, Danois et Allemands. Pour une bonne raclette, les Suisses se rendront soit dans des fromageries spécialisées ou chez les Hollandais ou Danois qui savent très bien dissimuler de rarissimes fromages importés pour leurs clientèles exclusives. Les Africains en quête de plantains trouveront ce qu’ils cherchent chez certaines épiceries latinos.

Cette année, l’hiver albertain est arrivé le 1er novembre ! Si, si, je vous le jure… Et c’est beaucoup mieux que l’an dernier lorsque le tapis blanc a été posé par dame Nature à la mi-octobre… Nos nouveaux arrivants francophones qui, dans certains cas, n’ont jamais vu de la neige, se retrouvent désormais devant un embarrassant choix à effectuer : que porter ? Afin d’effectuer ce choix, le nouvel arrivant francophone ne doit surtout pas se laisser influencer par le Canadien dit « de souche » car ce dernier, plus acclimaté aux intempéries hivernales, porte souvent une simple camisole lorsque la température baisse en dessous du point de congélation… Il n’est pas rare de voir des « de souche » en short en novembre… Soit dit en passant, afin de vous informer cher lecteur, l’expression « de souche » n’a rien à voir avec le bois ou les arbres…

L’embarras du choix vestimentaire cause une augmentation de stress incroyable : tuque, bonnet, chapeau de poil, bottes fourrées, bottes de « rubber » (prononcé « wabeu » = caoutchouc), gilet, chandail, pull, anorak, manteau fourré, écharpe, foulard, ceinture fléchée, gants, mitaines, moufles, veste, gabardine, etc. Selon la région de l’Alberta et/ou l’origine culturelle de l’interlocuteur ou du vendeur, certains de ces mots ne désignent pas nécessairement ce que l’on pense… Un exemple, le mot combinaison peut soit faire référence à un long caleçon d’une pièce qui recouvre le corps de la tête aux pieds (long johns) ou un ensemble pantalon-anorak que l’on porte pour faire du skidoo… En passant, pour certains Belges, une combinaison est un sous-vêtement féminin…

Le code de la route ! Combien de nouveaux arrivants ont gardé l’habitude du pays d’origine de s’arrêter juste à côté ou en dessous d’un feu rouge ? Ils sont certainement légions… Le hic est qu’au Canada, le feu se trouve de l’autre côté de l’intersection, donc, si on est en-dessous, on a déjà traversé la rue… La priorité de droite ? What’s that ? La priorité de droite n’existe pas au Canada; en arrivant à un carrefour, tous s’arrêtent et c’est le premier arrivé qui est le premier à repartir… La politesse canadien aux carrefours à quatre voies est légendaire… De nombreux conducteurs fraichement débarqués se demandent pourquoi l’on klaxonne derrière eux à un feu rouge lorsqu’ils signalent qu’ils désirent tourner à droite – au Canada (à l’exception du Québec), il est possible de virer à droite sur un feu rouge, nul besoin de patiemment attendre le vert pour le faire.

Sur tout autre sujet, il y aurait plus d’une centaine d’OSBL francos en Alberta ! Le paysage communautaire francophone en Alberta est riche et truffé de toutes sortes de sigles à en faire perdre la boussole à un « de souche », donc, imaginez le nouvel arrivant : FAFA, FPFA, CAVA, FSFA, FJA, ACFA, RAFA, CDÉA, CDM, AJEFA, SPEFSA, AJFAS, IGLF, ASPAA… Oui, oui, je promets de vous démêler tout cela au courant de mes prochains blogs…

A+


Qui suis-je ?

Qui suis-je?

Alain Bertrand, ami des mots, rêveur réveillé aimant défier les conventions de sa réalité quotidienne…

Francophone vivant donc dans l’immensité de l’Alberta, je suis marié et j’ai deux enfants. Lorsque je désire l’être – il faut bien se définir d’une façon ou d’une autre – je suis soit traducteur, journaliste, entrepreneur, bénévole, auteur, compositeur, commentateur silencieux, et même maintenant bloggeur…

Issu d’origines diverses, je suis un baby-boomer fier de l’être… Mégalomane insomniaque cherchant à apporter des solutions aux enjeux de mon quotidien ; chanteur des motivations qui m’animent – voilà comment j’aime me définir…

Nullement professionnel de la politique, j’ai toujours eu à cœur de trouver des solutions concrètes et durables face aux défis de ma « communauté minoritaire de langue officielle au Canada » – ainsi sommes-nous définis par notre gouvernement fédéral !

Mon Alberta et le rôle que s’y définit sa francophonie est ce que j’espère vous faire découvrir…

Bonne lecture !