Didier Makal

Amour scolaire et poésie tués dans l’œuf!

Invitation à voyager au cœur de l’école congolaise, en RDC, où aimer scandalise. Là, amour et poésie deviennent une flagrance. Des classes et élèves qui écrivent de lettres d’amour, ça fait rebelle, mais aussi répréhensible.

C’est un enseignant des moins aimés de mon école, comme la majorité de matheux, qui semble se charger de tout ce qui sonne amour. Un professionnel, qui en réalité, n’est qu’une forme à peu près améliorée de « mendiant d’amour ». Tel un gosse voyeurs près d’une rivière où se lavent les femmes, il passe son temps à épier, à savoir ce qui se raconte dans le coin…

Ce fut à peu près un maître de la rumeur. Mais aussi le maître du terrain. Vous avez dit amour ? Le voici en face de vous !

Elle écrit de lettres d’amour

Annie vient de franchir ses 15 ans. La faveur et la précocité de fille semblent ajouter à son âge, 4 ans de plus que moi. Aussi en sait-elle un peu trop sur « les choses de grands » que protège notre cher enseignant épieur. La classe est calme, mais pas de paix, en pleine interrogation de mathématiques. La seconde terreur de notre maître !

« Tentative de tricherie ! », crie l’enseignant en accourant vers notre banc. Dans la foulée, il permute Annie avec un camarade d’une autre rangée. À peine elle s’est levée, la peur au ventre de se taper un « zéro » pour tricherie, l’amie laisse tomber ses cahiers. Par malheur, un papier finement plié s’échappe. Il glisse jusqu’au pied de l’enseignant qui le bloque de son pied droit. En vain s’empresse Annie à le ramasser.

« Molo ! Montre ça », lance l’enseignant avec la hargne d’un crocodile qui a happé une grosse proie. « Lettre d’amour ! », s’écrie-t-il d’un air incitateur pour la classe vers qui il montre le papier. On peut y voir une fleur finement dessinée au stylo rouge en plein cœur.

Amour, poésie
Crédit photo: Myriams-Fotos

Pire que la côte zéro, amour dans une lettre à l’école!

« Lettre d’amour », il n’y avait pas pire comme scandale scolaire. Même à la maison, on supporterait la côte zéro que pareille lettre. Je me rappelle que le destinataire de cette lettre avait dû être bloqué à la maison par son père qui se montra plus que déçu. « Prépare-toi pour la dot, car tu veux te marier », menaçait son père, lui promettant la fin de ses études. « Les élèves ne se marient pas, ils étudient », considérait-il.

Quant à Annie, c’en était fini pour son interrogation. Bien plus, son cas était transmis au conseil de discipline de l’école qui convoqua ses parents le lendemain. Un peu comme pour leur reprocher une mauvaise éducation que leur fille allait propager dans l’école. Sa punition fut chargée d’une mission de prévenir les amoureux cachés. Annie devait remplir d’eau, un fût de 200 litres en une journée, avant de regagner la classe.

On tue poésie et amour dans les écoles congolaises

Devant un enseignant aussi doué en épiant qu’en dispensant ses maths, il valait mieux cesser de rédiger de missives d’amour pour se mettre à l’abri des risques. Finie la poésie d’Annie qui pourtant, déjà en 3e année secondaire, savait faire rêver et marcher sur les traces de Pierre Ronsard. « Arrose les roses de mon cœur pour qu’elles parfument ton être », écrivait-elle dans la lettre à problème. Et ceci encore : « Tu es le soleil qui éclaire mon âme. Mes jours sans toi sont rien ». De belles paroles criminalisées, une beauté étouffée, une vie assassinée !

Ainsi meurent, en RDC, poésie passion d’écrire, inspirées par amour. Plutôt que d’apprendre à aimer et à s’assumer, dans nos écoles, l’amour passe pour un drame. Dommage ! C’est sans doute, en partie, un héritage de la scolarisation par les religieux, notamment catholiques. On ne sait comment amour, pourtant une vertu cardinale (qui était, qui est et qui vient !), est devenu un péché capital.

Dieu seul sait combien dans ces écoles de filles et de garçons, la rêverie a germé. Mais qui pouvait l’arroser, la sarcler et la porter à la moisson ! Combien d’écrivains en herbe a-t-on tué dans ce pays ? Puisque l’amour est interdit dans ces écoles, les lettres d’amour par lesquelles apprend à rêver en couleur, porte béante sur la littérature, sont prohibées !


De la dictature de l’anglais à la COP22

Il faut bien que les langues évoluent, s’enrichissent, mais pas qu’elles se bouffent. Dommage que ce soit à l’ONU où l’anglais domine sur le monde, un peu comme les dictateurs sur leurs pays. Que cela arrive à l’ONU, et à la COP22, c’est bien drôle.

Ainsi donc, un francophile débarque pour la première  fois à une conférence de l’ONU sur le climat, la COP22. Marrakech, à la porte de l’Europe, n’est pas francophobe. Même si l’arabe y est roi, un marocain lambda peut me déposer à Guéliz dans la médina, l’oasis occidentale en plein monde arabe.

A la COP22, le Français c’est « après le prioritaire »

Lorsque je sors payer des arachides torréfiées au coin d’une rue, je peux sourire d’entendre m’appeler : « Mon ami l’africain ! ». Le Français y vit donc. Mais cette francophilie que je partage avec de nombreuses personnes s’arrête où l’ONU déconne.

Me voilà donc arrivé dans la « Zone bleue ». C’est ici que de nombreux négociateurs, délégués des organisations de la société civile et des gouvernements postent. J’y vois la première marrée de journalistes de ma vie. Les indications alternent presque correctement Français et Anglais.

Dans une salle de presse, une collègue journaliste française me surprend en train de lire les nouvelles du Zaïre sur rfi.fr ! Si elle est joyeuse, c’est sans doute parce qu’elle est surprise de rencontrer un francophile à la COP22. Ça fait presqu’un événement dans ce monde où notre langue a tendance à faire Samuel Eto’o qui ne marque de but.

La France à la COP22
Le globe terrestre à la COP22. Crédit Photo, Didier M. Makal, novembre 2016, Marrakech.

La journaliste française m’a quand même lancé, sans hésiter un chaleureux « bonjour ! ». Il faut dire que, embarqué dans une jolie équipe de journalistes d’Internews, j’ai souvent été porté à bricoler l’anglais que de parler. Difficile exercice de penser une langue que de la pratiquer. La bonne nouvelle, c’est que les gens ont donné l’air d’avoir compris mon anglais francisé.

L’ONU a beau raconter qu’elle a six langues officielles, en effet (l’anglais, l’arabe,  le chinois, l’espagnol, le français). Elle a son histoire et ses préférences. Je le reconnais, les anglophones sont plus nombreux que nous. Mais voici à quoi ressemble la seconde langue de l’ONU, selon le site ledevoir.com :

« On sait pourtant que, lorsque vient le temps de recruter du personnel, l’anglais est obligatoire dans 84 % des postes alors que le français ne l’est que pour 7 %. Et encore, parmi ces rares employés qui parlent le français, plus d’un sur cinq est affecté à la traduction. »

Non seulement l’anglais fait un coup d’Etat à l’arabe sans déclencher une intifada, elle s’impose comme la langue de l’ONU.

A la COP22, les communiqués de presse arrivent en anglais

L’ennui me vient des salles de conférence. Sans doute, des interprètes parfois bien rodés, m’ont quelques fois rendu d’heureux services. Mais ils n’étaient pas aux conférences de presse des pavillons américains de dernière minute. Je ne les ai pas non plus entendus chez Ban-Ki Moon où le matériel de traduction ne pouvait suffire à tous les locuteurs de l’anglais boiteux ou malade.

Ça aussi, j’ai compris et pardonné. Je pense que la déception me saisit un soir, de retour à l’hôtel. Un communiqué de presse urgent tombe : Energy for Africa ! Je dois en parler, envoyer une info rapidement à ma rédaction, à Lubumbashi. Je dois être l’interprète de moi-même. En fait, je vais chercher une version française. Elle n’arrivera qu’au lendemain…

Oui, il faut traduire avec Google Translation ! Mais quelle drôlerie, ce traducteur ! Il me retourne des phrases en Anglais ! Aussi, malgré mon handicap dans cette langue, je puis contester de nombreuses phrases. Presque toutes contiennent des conférences de sens. Mais si je cherche une traduction, ce n’est pas que je manque de dico anglais-français. Je veux du sens !

J’ai perdu deux heures environ, pour ne saisir pertinemment qu’à peine le tiers du texte. Et c’est le sommeil qui décide du reste ! Tout ça, à cause de l’ONU ! Je pense que les langues doivent vivre, se multiplier si possible. Mais à l’ONU, on s’obstine à penser que le monde est anglophone par essence.

Pourquoi ne pas doubler, tripler des services de traduction ? L’ONU adopte pourtant six langues ! Ainsi, même si l’on ne peut traduire dans toutes les langues du monde, les langues régionales doivent être représentées en tout.

Autrement, c’est une dictature et de la violence que l’on fait aux non-anglophones. L’ONU qui promeut les valeurs démocratiques et les langues, comment peut-être s’obstiner à ne promouvoir que l’anglais jusqu’à l’imposer ? L’anglais, en effet, a beau être la langue la plus parlée du monde.  Mais globalement, cela fait environ 800 millions de pratiquants dans un monde de 7 milliards.


Les médias racontent la mort d’Etienne Tshisekedi

La mort de l’opposant Etienne Tshisekedi a été largement traitée dans plusieurs médias congolais et étrangers. Mais aussi sur les réseaux sociaux. Alors qu’il dirigeait le Rassemblement de l’opposition qui participe au dialogue qui s’enlise en RDC, Tshisekedi laisse un vide et beaucoup de questions en suspens. Les commentaires dans cette revue de presse de Didier Makal.

« C’est confirmé ! Etienne Tshisekedi est mort, Félix se rend à Bruxelles demain » s’exclame Actualite.cd, site d’information congolais. Ce média qui a publié le démenti du secrétaire exécutif du parti du défunt, l’UDPS, précise laconiquement :

« Il était admis à l’hôpital St Elisabeth d’Uccle de Bruxelles depuis hier (le 1er février). Il est mort à 17H, a dit à ACTUALITE.CD un membre de la famille. Actuellement, c’est le deuil à la résidence officielle à Limete, a constaté un reporter d’ACTUALITE.CD. Félix Tshisekedi, son fils se rend à Bruxelles ce jeudi. » Dans une autre information, ce même média rapporte des heurts à la résidence de l’opposant, à Limite, dans la capitale. La police a lancé le gaz lacrymogène, estimant que « Le lieu était devenu quasiment incontrôlable », les militants s’en prenant aux passants, explique la police.

Le Roi est mort vive le Roi

« Tshisekedi : le Roi est mort, vive le Roi ! », soupire le journal kinois La Prospérité sur son site web. Émouvant, il poursuit :

« La scène politique RD congolaise est orpheline à présent. Elle vient de perdre son icône : l’opposant historique Etienne Tshisekedi. (…) Oui, lui dont la ferveur avait le don d’enflammer les foules et de faire frémir des régimes. Et pourtant, il ne s’agissait pas d’une rumeur. Le sphinx de Limete est bel et bien mort. »

La prospérité qui décrit un « opposant né », présente aussi le père de la démocratie congolaise comme un « roi » qui achève son périple : « Ce qui semblait n’être qu’un simple voyage de contrôle médical est devenu le dernier périple d’un homme qui, au gré des épreuves, s’est imposé comme le père sinon le roi de l’Opposition politique en République Démocratique du Congo. »

Plusieurs séjours en Belgique pour des raisons médicales

Le décès du vieil opposant politique âgé de 84 ans a surpris beaucoup de Congolais, d’autant plus qu’en retournant à Bruxelles d’où il était parti en 2016 après un long séjour médical (en partie), on annonçait « de simples consultations médicales », explique l’hebdomadaire Jeune Afrique. Et de constater ce fait accompli : « Malade et affaibli, il n’avait pas pu attendre son installation effective à ce poste (le Conseil de suivi de l’Accord du 31 décembre 2015), programmée le 26 février. Étienne Tshisekedi n’aura finalement pas eu le temps de relever l’ultime défi de sa riche carrière politique. »

La mort de Tshisekedi risque de chambouler la scène politique congolaise

Que va-t-il dès lors arriver au processus en cours censé conduire la transition, après l’expiration du dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila ? La question préoccupe. Pour le blog Afrik Arabia du Courrier International, « la mort de Tshisekedi rebat les cartes dans l’opposition ». Le risque d’une course au repositionnement politique ou au leadership est bien réel. Afrik Arabia n’exclut pas l’éventualité d’éclatements…

« Après la mort du chef, plusieurs questions restent en suspens. Qui prendra le leadership au sein de l’UDPS, le parti qu’il a fondé en 1982 ? Qui présidera le Rassemblement, la plateforme d’opposition créée autour d’Etienne Tshisekedi, de Moïse Katumbi et du G7 ? Que fera son fils, Félix, qui se serait bien vu prendre la tête du nouveau gouvernement de transition ? La disparition d’Etienne Tshisekedi augure de nombreux repositionnements politiques. »

Selon Actualité.cd, Moïse Katumbi a appelé, à « continuer la lutte du « Père de la démocratie congolaise ». »

Une longue liste d’hommages

Pour le quotidien kinois Le Potentiel, proche de l’opposition, les politiques congolais ont désormais l’obligation de rendre « le meilleur hommage à Tshisekedi. » Entendez, le respect de l’Accord du 31 décembre dont il a été désigné le protecteur en tant que Président du Conseil de suivi. Son commentaire est sans équivoque :

« Tshisekedi mort, faut-il que le processus enclenché s’arrête ? Tous les observateurs s’accordent pour dire que le meilleur hommage que l’on puisse rendre à ce leader qui a consacré toute sa vie à la lutte pour le triomphe de la démocratie en RDC serait de mettre en œuvre l’Accord du 31 décembre 2016. »

Enfin, La Libre Belgique dresse un portrait sans complaisance d’Etienne Tshisekedi. La fatale erreur de sa vie : « avoir refusé de participer aux élections pluralistes de 2006. Lui qui, pourtant, a passé sa vie à se battre pour la magistrature suprême congolaise. “Tous les jours de ma vie, j’ai rêvé de devenir Président de la République”, avait-il avoué lors de la campagne présidentielle de 2011 – la seule à laquelle il participa et qui fut marquée par une fraude massive. »

« 30 ans de lutte à la fois courageuse, égoïste et erratique »

La Libre poursuit : « Etienne Tshisekedi est mort ce mercredi 1er février 2017 à 17h42 à Bruxelles, sans avoir réalisé son rêve malgré “30 ans” de lutte à la fois courageuse, égoïste et erratique. »

Sur les réseaux sociaux, les commentaires ne tarissent pas depuis mercredi soir. Dans ses condoléances, le ministre Belge des Affaires étrangères Didier Reynders parle d’une « figure politique marquante de la #RDC ».

Pour le président de l’Assemblée nationale congolaise, Aubin Minaku, « Tshisekedi demeure une icône. » C’est quand le gynécologue Prix Sakharov Denis Mukwege regrette une « Grande perte pour la nation. »

En attendant le rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi en RDC, « le gouvernement annonce des funérailles officielles pour Etienne Tshisekedi », indique Radio Okapi.


La saison des flatteries et du mensonge en RDC

La saison des flatteries et des mensonges fleurit en RDC. Sacrée période durant laquelle l’argent aime les bruits ! Il faut mentir, flatter, ramper parfois, afin de se faire remarquer, être recruté comme meilleur suiveur ou chantre.

Flatteries et mensonges sont tellement répandus qu’ils devraient mobiliser sociologues, communicologues, psychologues et politologues pour être compris en RDC.

C’est la faute à la pauvreté si des congolais pensent servir leur pays en décidant de toujours caresser. Quelle belle excuse ! Sans doute, en 2016, en étudiant le développement humain, l’ONU a classé la RDC 176e sur 187 pays.

Dans un tel contexte, survivre devient la règle et s’enrichir une obsession. Mentir, flatter et endormir n’épargnent alors même pas les religions.

Je croise des politiciens soutenant des thèses qu’ils reconnaissent vraies, juste pour la télévision. J’ai vu des intellectuels révoltés en chambre, mais moutons en pleine journée. Pas de remord, au-delà du double discours et de la double vie qui en résultent ! « Il faut vivre, mon petit », lance un politicien.

Un manifestant habillé en T-Shir estempié RDC
Un manifestant pro-Katumbi devant le palais de justice de Lubumbashi. Crédit Didier Makal.

Mensonge et flatteries prospèrent en RDC

Quelle saison de mensonges et flatteries, l’année qui a précédé l’expiration du mandat du Président Joseph Kabila ! En 2016, Il fallait se montrer « wumela », slogan appelant Joseph Kabila à durer au pouvoir, ou « yebela », l’inverse qui veut qu’il parte. Les deux camps recrutaient, même des journalistes et des religieux, les moins attendus dans cette compétition !

Se taire ou jouer le neutre n’a jamais été ainsi sage. Le semblant de « nation » qu’il reste encore en RDC s’est ainsi davantage clivé. En parlant, il a fallu souvent rassurer le camp soutenu de sa loyauté. Entendez-le au sens de  » l’engagement  jusqu’à la servilité », de « panurgisme ».  Ainsi, dans tous les camps, des transfuges sont systématiquement présentés comme des traîtres.

Le type politique loyal dit toujours « oui » en RDC

Flatter devient ainsi une nécessité, mentir un art. Mais dans cette profession, seuls ceux qui font preuve de dévotion s’enrichissent. Les récits d’illustres flatteurs gratifiés de manière outrée se racontent un peu partout. C’est un vestige de la dictature de Mobutu qui touche intellos et citoyens ordinaires.

En réalité, c’est la société congolaise qui se modèle ainsi. D’ailleurs, les surnoms que nous donnons aux politiques échappent à peine à déifier. Ainsi, Joseph Kabila est un « Sisabidimbu », pour dire un homme qui réalise ses promesses. Tshisekedi est un sphinx, pour dire maître de la commune de Limete, à Kinshasa.

Mobutu Sese Seko était simplement « wamilele », l’éternel, en Swahili. Au Katanga, Moïse Katumbi est « Moïse wa mu Bible », de le prophète biblique, le vrai !

Pourquoi alors s’étonner, dans un tel environnement, qu’un dirigeant politique rêve d’une éternité au pouvoir ? Après tout, au départ, on ne le demande à personne. Ce sont des initiatives des gens imbus du succès des flatteurs venus avant eux. Le comble c’est qu’il arrive un moment où on ne sait plus distinguer le flatteur du vrai observateur. Et la profession de conseiller a perdu de sens.


RDC : « jette-leur du grain, qu’ils se haïssent ! »

Joseph Kabila n’est pas seulement ce rusé militaire qui feint le dialogue pour achever ses ennemis, « talk and fight », comme l’a constaté la journaliste belge Collette Braeckman. Il semble qu’il soit devenu aussi un peu philosophe, ou du moins, un fin metteur en scène qui ferait retourner Antoine de Saint Exupéry dans sa tombe, et pleurer la RDC.

Vous vous souvenez peut-être de ces mots sortis de « Citadelle », célèbre roman de Saint Exupéry, devenu depuis une maxime de la vie : « Force-les à bâtir ensemble une tour, et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain. »

Le président Kabila, dont le mandat constitutionnel s’est achevé le 19 décembre 2016, est traqué par l’opposition. Il m’a fait penser à cet auteur alors qu’un épais nuage obscurcit le ciel de la RDC. Sélectif, Kabila rame pourtant à contre-courant : « si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain. » Voilà qui lui permet d’assombrir le visage des opposants. Il peut désormais paraître comme l’alternative aux divisions qui s’annoncent rudes, pour des postes !

Lire aussi, sur ce blog : Joseph Kabila boucle la boucle

Kabila se trouve de nouveaux défenseurs en RDC

Les appels au respect de la Loi fondamentale de la RDC peuvent ainsi cesser de tourmenter ce président en perte de légitimité. En réalité, le tourment a changé de camp. C’est depuis le nouvel Accord signé le 31 décembre entre le pouvoir et l’opposition dure, sous la médiation des évêques catholiques, la CENCO.

Samy Badibanga, nommé premier ministre dans l’intention de déstabiliser l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, a presque manqué son coup. Plutôt que de montrer le gros critique de la politique de Kabila qu’il a été avant son entrée au gouvernement, il devient son grand défenseur en refusant de démissionner. Il ne démissionne pas, il ne signe pas non plus le nouvel accord !

En en agissant ainsi, Badibanga prolonge le séjour de Joseph Kabila qu’il voulait voir partir de la tête de la RDC. Aussi retarde-t-il la possibilité d’organiser la présidentielle projetée fin 2017. Kabila ne peut qu’en rire, prier, sinon agir de manière que cette confusion ubuesque et triste perdure. Finalement, toute lutte politique ne concours qu’à une réalité : son ventre !

Kabila joue la montre et glisse malgré tout

Comme le premier obtenu sous l’égide de l’Union africaine, le nouvel accord n’avance pas non plus. Pour ne pas perdre la face, le Rassemblement de l’opposition restée dure pour Kabila peine à convaincre que son accord est inclusif. Un accord signé « sous réserve d’inclusivité » par une majorité au pouvoir qui s’en sert pour jouer les prolongations. Ainsi,  la médiation catholique peut tenter désespérément à ramener plus de monde à signer.

Au bas mot, c’est Kabila qui tire les ficelles. Qui ne l’aura pas compris ? Quel intérêt aurait-il à s’accrocher à un premier ministre qui ne lui apporte ni soutien populaire, ni garantie de fin des contestations ? Passer le temps ? Kabila, comme un éleveur, jette du grain dans la basse-cour et c’est la pagaille ! Quitte à briser les œufs pondus dans cette cour devenue une arène aux gladiateurs impitoyables.

« Si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain ! » Antoine de Saint Exupéry avait malheureusement raison. Des carpe-diemistes qui ne manquent pas d’invention pour en arriver à des combines et des conciliabules. « Ces politiciens finissent par se rencontrer. Ce sont des amis », confie un observateur.

Ils reviendront durant les élections, poches remplies, jeter du grain eux aussi, pour que la population affamée se déchire et oublie incurie et insouciance. Elle restera encore longtemps pauvre. C’est le drame congolais, un éternel recommencement congolais. Personne ne veut amener la population à bâtir une tour ensemble et créer une fraternité.


RDC : un premier ministre a des oreilles, pas de tête

Lorsqu’éclatent des situations difficiles pour les chefs d’Etats congolais, les Premiers ministres sont offerts en pâture, en République démocratique du Congo (RDC). En les changeant, les présidents se sont souvent tirés de situations embarrassantes. En plus, « wumela ! » (« dure longtemps » en lingala), pour eux, rester longtemps au pouvoir semble dépendre surtout de leur personnalité.

Les primatures qui ont le moins duré


L’observation attentive de la liste des premiers ministres de RDC depuis 1960 donne deux images frappantes : des primatures très fugaces, avec 3 jours de mandat pour le leader de l’opposition Etienne Tshisekedi. Ou encore, 65 jours pour le tout premier chef du gouvernement, Patrice Lumumba. A l’inverse, Matata Ponyo atteint quatre ans et demi (52 mois) et Léon Kengo cumule plus de 8 ans (97 mois), et quatre primatures.

Les Premiers ministres qui ont gardé leur poste le plus logntemps en RDC


Dans quel contexte ces primatures ont-elles vécu ? D’abord, lors d’une crise de leadership entre pères de l’indépendance, puis d’une dictature sous Mobutu, et d’une crise de démocratie sous Joseph Kabila.
La primature, une pièce d’échange pour des mandats « wumela » ?

Il me paraît clair que la fonction de Premier ministre a souvent servi de monnaie d’échange pour que durent longtemps, ou que se tirent de situations embarrassantes, les présidents de la République qui, eux, n’ont guère changé. Ainsi, en 1991, alors que Mobutu est traqué, il réussit à faire éclater l’Union sacrée constituée contre lui par des Premiers ministres qu’il change comme des chemises : Tshisekedi, Nguz, puis Tshisekedi.

Les Premiers ministres de RDC, choisis parmi les plus fidèles, ont eu des mandats relativement longs, « wumela ! ». Tant qu’ils soient là longtemps, le chef de l’Etat est tranquille. Lors d’une crise, ils sont changés. Léon Kengo wa Dondo, souvent rangé du côté du pouvoir, par exemple, est des rares « wumela ». Son pareil, c’est Matata Ponyo qui n’a ni clairement soutenu ni clairement critiqué Kabila sur la question clivante du 3e mandat.

A l’inverse, les Premiers ministres nommés à l’issue des crises ne durent que le temps de retrouver le calme, puis reviennent les royalistes. Kabila a recouru à la même logique en nommant Badibanga alors que la rue et les politiciens lui refusent de rester au pouvoir après son dernier mandat, qui expire le 19 décembre 2016.

Un Premier ministre, ça fait le béni-oui-oui

Jaloux de son indépendance, l’inusable Etienne Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) passe pour l’exemple patent d’un Premier ministre rebelle. Pour cela, il n’aura pas atteint une année au pouvoir, même en cumulant quatre primatures (11,7 mois).

Matata Ponyo s’est d’ailleurs gentiment moqué de Tshisekedi lors d’une visite d’élèves à la primature. Il leur a demandé : « quel est le premier ministre qui a tenu le moins longtemps ? »

Décidément, un Premier ministre têtu, indépendant ou libre (c’est selon !), ça n’a jamais été une bonne idée pour les pouvoirs qui se sont succédé en RDC.

Souvent, les Premiers ministres vont seuls se défendre devant les parlementaires lorsque quelque chose ne fonctionne pas. Jamais les présidents pour qui, pourtant, ils travaillent en n’appliquant jamais leurs propres idées. D’ailleurs, on semble demander qu’un chef de gouvernement ait des oreilles, mais jamais de tête.

 


Les hésitations de Joseph Kabila

Joseph Kabila aura rarement répondu aux questions brûlantes de sa tumultueuse République démocratique du Congo. Jusqu’au bout, ou presque ! La plus controversée et vecteur d’un clivage rare de l’histoire du pays, la question de fin mandat ne fait cependant pas exception. Mais, s’il ne parle pas trop, Kabila communique beaucoup jusqu’à entretenir une épaisse confusion, témoin d’hésitations.

Est-ce l’effet Yahya Jammeh ou le syndrome Kagame-Museveni-Sassou qui soudain se saisissent du président congolais ? Joseph Kabila presque jusqu’auboutiste dans sa tentative de rester au pouvoir à l’expiration de son dernier mandat constitutionnel semble lâcher du lest.

Kabila recule d’un pas

Premier signe : Kabila apporte son soutien à la médiation des évêques catholiques (CENCO) pour des « discussions directes » avec l’opposition ayant boycotté l’Accord de novembre qui le maintient en poste jusqu’à la présidentielle prévue en 2018. Pourtant, sa majorité au pouvoir a déclaré, une semaine plus tôt, ne plus vouloir de cette médiation qui aurait échoué.

Affiche d’une propagande en faveur d’un nouveau mandat du président Kabila à Lubumbashi

Kabila encourage donc les évêques à poursuivre leurs consultations et déjà, jeudi 8 décembre, ces discussions démarrent avec l’opposition réunie autour d’Etienne Tshisekedi, le Rassemblement. Dès lors la question : Kabila hésiterait-il ? La réponse semble « Oui » au vu des derniers développements de la politique internationale. Est-ce pour bien sauter ? Qui sais !

Sans doute, il y a un Donald Trump dont il a salué l’élection, presqu’en baratin. Mais il ne sait rien de lui ni de sa politique, tant l’homme semble plein de surprises. En plus, les affaires étrangères américaines maintiennent malgré tout la pression sur le régime à Kinshasa.

Mais il y a aussi le renoncement de François Hollande à briguer un nouveau mandat à la présidentielle que l’opposition exploite pour appeler Kabila à partir. L’appel des opposants prend plus de relief encore lorsque même le dictateur gambien YayhYA Jammeh perd la présidentielle et s’avoue vaincu par un opposant politique, se pliant à l’inéluctable alternance.

Un Kabila hésitant devant le congrès

Le 15 décembre, Kabila avait rendez-vous avec les parlementaires réunis en congrès à Kinshasa. Ce fut le dernier moment solennel de sa présidence où il aurait pu surprendre ceux qui ne le croient pas prêt à assurer une alternance pacifique du pouvoir en RDC.

Sans rassurer ni montrer les biceps comme l’aurait fait Nkurunziza, en déclarant son maintien au pouvoir, Kabila a entretenu le flou. Il hésite et se contente de dire que la constitution serait « respectée dans toutes ses dispositions ». Pourtant, ne pas organiser la présidentielle dans les délais est décrié comme flagrante violation de la Constitution. La dualité partir ou rester pèse.

Que  va-t-il dès lors advenir de Joseph Kabila, hésitant, fléchi et désormais discute avec ses farouches adversaires Tshisekedi et Katumbi, ténors du Rassemblement de l’opposition ? Sans doute, il restera à la tête du pays jusqu’aux élections vraisemblablement qui seront fixées plus tôt. Mais il a désormais l’obligation de rassurer sur son départ, bien entendu par les actes, principal et controversé moyen de sa communication. Relaxer des prisonniers politiques qui croupissent toujours en prison comme Diomi Dongola ou l’abandon des poursuites contre et Moïse Katumbi calmeront la pression.

Kabila aura alors montré son hésitation, peut-être aussi confirmé l’opinion qui le présente comme pris au piège des caciques du pouvoir, qu’il vient d’ailleurs de tourner en bourrique, en acceptant ce que l’opposition appelle « le vrai dialogue inclusif. » Sinon, comment comprendre que Joseph Kabila qui a annoncé plusieurs fois qu’il respecterait la constitution hésite ou se contredise à ce point ?


Les leçons de François Hollande à l’Afrique

Le président François Hollande n’ira pas à la présidentielle française de 2017. Une décision est courageuse, sage, politiquement réaliste et surtout, pleine de leçons pour l’Afrique ! Ici, en effet,  des individus se croient pourvus de germes d’éternité au pouvoir, même quand ils ne font que rarement le bien.

C’est possible que François Hollande ait décidé de poursuivre sa marche vers la réalisation d’un président normal qu’il avait promis en arrivant au pouvoir. Seulement, entre la stance où il dessinait le président normal qu’il serait et la tempête qui a soufflé dans ses yeux à l’annonce de cette décision grave, jeudi dans la soirée, l’eau a coulé sous le pont.

François Hollande, simplement normal et lucide

Hollande a eu pour préfiguration de son sort, Nicolas Sarkozy, président sortant vu comme qu’il présenta comme anormal en 2011 et qu’il battu. Ayant osé revenir au pouvoir une fois de plus, les français lui ont refusé de lui renouveler leur confiance, il y a une semaine. Comme quoi, il faut savoir partir. Le Président Normal, n’est pas un sourd, moins encore un aveugle !

François Hollande.
Président François Hollande, 19 janvier 2012 | Source : Flikr https://www.flickr.com/photos/jmayrault/6730209955/in/photostream/

Oui. Il n’est pas facile pour de nombreux dirigeants, leaders politiques et du business, d’échapper à l’aveuglement aggravé par ceux qui ne disent jamais que tout ce qui va pour leurs chefs. Difficile de se mirer, de se voir tel qu’on est. Hollande est réaliste, juste, visionnaire et intelligent. Il sait qui il est et ce qu’il ne peut pas. Pour tout dire, il est respectueux de sa société, de son peuple et de lui-même. Il est admirable. Je le soutiens !

On a appris qu’un président, ça ne parle pas comme Hollande, ça ne capitule pas en plus. Aussi, ça ne se cache pas dans un costume pour fréquenter en mobylette une copine, etc. Oui, c’est ce que le monde des règles qui écrasent l’individu veut tandis qu’il ferme les yeux sur des questions controversées comme l’avortement, l’euthanasie… on veut un peu trop parfaites certaines personnalités publiques, pas d’autres. A ce juste propos, la France me déçoit !

L’Afrique doit apprendre de François Hollande

Un président qui capitule, et de plus de France, sur fond d’une impopularité notoire qui dit son échec prochain à la présidentielle, ça ne devrait pas faire rire les africains, cependant. Il faut savoir se voir tel qu’on est. Il faut savoir décrypter, disséquer sa laideur et se voir d’un œil peu flatteur dans un miroir et, le meilleur des miroirs c’est l’autre. Pour Hollande c’est Sarkozy. Et pour les africains, je propose Hollande.

Se savoir limité est une première vertu vers la grandeur et la démocratie. Les africains ont beaucoup à apprendre de Hollande : je  cite Ali Bongo, Denis Sassou, Joseph Kabila, Paul Kagame, Abdelaziz Bouteflika et leurs congénères.

La leçon est simple : savoir s’arrêter et partir quand on n’a pas réussi, lorsqu’on a réussi, quand on achevé sa mission ou son mandat et surtout, respecter son peuple. Mais hélas ! On s’accroche au pouvoir, coûte que coûte, même s’il faut marcher sur les cadavres de son peuple comme le fait le président Nkurunziza élu par Dieu.

Hollande a refusé d’importuner son peuple. Cela ne veut nullement dire que tous les français l’ont vomis ou qu’il ne réussirait jamais à brouiller les cartes pour se hisser en finale de la compétition. A sa place, plusieurs africains auraient tué ou emprisonné leurs proches devenus très critiques, en attendant les élections vaincues dans le chao généralisé. Ça doit changer !


RDC : Sans histoire, aptes, bons citoyens

En République démocratique du Congo (RDC), il reste encore possible de vivre inaperçu, sans exister pour les services de sécurité, pour les fiscs ou pour la justice. Aussi étonnant que cela paraisse, en plein 21e siècle où les TIC numérisent les sociétés et les personnes, cet état de choses ne déplaît presqu’à personne.

C’est l’histoire de l’identification des citoyens, oubliée depuis les années 80. On sait seulement qu’il existerait 80 millions d’âmes réparties sur les 2,3 millions de km2 qui forment la RDC. Des citoyens de 35 ans, voire 40, des millions, n’ont jamais reçu des documents fondamentaux à leur naissance et, comme tous les majeurs, ils ont pour pièces d’identité « provisoire », une carte d’électeur !

Alors qu’en Europe les services de sécurité arrivent à suivre des personnes suspectées de criminalité grâce aux données identitaires, nom, photos, ADN, empreintes digitales, etc., chez nous, même les condamnés et prisonniers ont des casiers judiciaires blancs. Des citoyens corrects sauf, bien entendu, s’ils ont la fâcheuse décision de s’activer comme opposants politiques. Les autres, ils n’ont jamais rien fait. Ils peuvent changer d’identité ou de lieu.

Il tente de se marier deux fois à Lubumbashi

C’est cette histoire d’un homme qui tente de se remarier qui me rappelle à quel point les ordinateurs, internet acquis aux frais du contribuable ne servent que de gadgets dans certains services publics.

Drapeaux de la RDC
Le siège de l’assemblée du Haut-Katanga, Lubumbashi

Notre Jean-Jacques (pseudo) quitte femme et enfants, promettant voyager pour deux semaines, en Afrique australe. C’est la porte d’à côté à Lubumbashi, ville septentrionale de la RDC, en effet. Mais en réalité, il reste sur place, se mouvant librement dans cette ville de près de 4 à 6 millions d’habitants.

C’est jusqu’à ce que son épouse apprenne un vendredi, la veille de la célébration, que son mari est candidat à un mariage imminent dans une des communes de la ville. Elle se grouille et l’atteste. La polygamie, en effet, ça ne choque pas vraiment les mœurs en RDC. L’épouse, mariée selon la coutume, la religion et la Loi, débarque donc à un rendez-vous de confrontation des versions avec l’homme que l’Etat civil a convoqué illico.

Il ne désarmera qu’à l’apparition des enfants qui accourent l’embrasser, de retour du grand voyage, et après avoir nié son épouse, malgré qu’ait présenté le certificat d’enregistrement du mariage jamais dissout.

Tout le monde est de bonnes conduites et mœurs, et apte

Histoire vraie ! Mais quelle histoire pour le sérieux de nos services publics ? Tout dossier s’arrange avec de l’argent, des agents vous y aident en plus. Aucun souci de vérifier le passé des demandeurs des documents publics. Bien entendu, ce n’est pas de leur faute s’ils ne peuvent accéder aux données d’autres entités administratives. Mais quelle administration à l’heure des ordinateurs, des réseaux et des logiciels ? Comment nos actes de naissance peuvent-ils être sérieux, nos attestations d’aptitude physique ou de résidence valoir quelque chose ? Même le policier le plus sérieux et honnête ni peut rien.

Je me rappelle que plusieurs fois dans des cabinets où sont délivrés des certificats d’aptitude physique, tout le monde est « apte à tous travaux », même les myopes n’ont « aucun problème à signaler! » Je me rappelle n’avoir pas encore rencontré parmi les nouvelles recrues des universités, par exemple, quelqu’un dont l’Etat-civil a fait mention de son passé judiciaire ou morale sur son attestation de bonne vie est mœurs. Tout le monde est correct ! Quel monde !


Une technologie contre les TIC en RDC

Notre modernité, en République démocratique du Congo, c’est sans les TIC. Et nous sommes en révolution, vous vous en doutez ! Elles énervent, en effet, et on voudrait bien les étouffer plutôt que d’en finir avec des habitudes analogiques.

Ceci déborde bien du simple cadre de flatterie de l’égo congolais qui stigmatise, non sans humour : « Kinshasa c’est Paris ». Comme pour dire, on se voit d’un œil trop flatteur pour comprendre nos maux et les conjurer. Mais à propos des TIC, Kinshasa c’est Kinshasa !

La RDC a réalisé un petit miracle, entre 2011 et 20115, en passant de 1% à 49% du taux de pénétration du téléphone mobile pour quelques 37 millions d’utilisateurs.[1] Pendant ce temps, les écoles d’informatique ne désemplissent pas de candidats. Aussi, le lancement de la première application numérique de comparaison des prix sur Google Play store, appli 100% congolaise, devrait stimuler plus encore de bonnes prophéties de prospérité par les TIC. Pourtant, les fils de l’analogie n’ont pas déposé les armes. Gare aux TIC donc !

Du papier carbone contre l’ordinateur

Au poste douanier de Kasumbalesa, une des grandes et informatisées de RDC située à la frontière zambienne, le papier carbone ont eu raison des papiers imprimés. Non, ce ne sont pas des descendants des scribes qui y travaillent, moins encore des calligraphes patentés. A cette douane des plus infestées par la corruption, en témoigne un coup de ballais opéré par le premier ministre Matata en 2015, des agents mettent de côté ordinateurs, logiciels spécialisés, internet et imprimantes, pour délivrer des factures manuscrites. Vive qui peut contourner Sidonia Word, le fameux logiciel sensé coordonner toutes opérations douanières.

Hélas, le système a plusieurs planté. Sans trop de surprise, on apprend que camions à l’import et à l’export sont bloqués à la douane, pour des pannes sur l’intranet ou sur Internet. Tout cela ne serait pas que simples caprices technologiques. Un connaisseur du système confie que c’est l’œuvre d’une intelligence corruptive bercée par l’analogie, contre une intelligence numérique anticorruption. Pariez, qui gagnerait vite ?

On hait les TIC parce qu’elles gênent la corruption

Un chercheur en informatique a eu ces mots, près une enquête au sein du système douanier Katangais et dans d’autres services publics informatisés : « les gens refusent la technologie non pas parce qu’incapables de les intégrer, mais parce que les TIC les empêchent de « se retrouver » (entendez corruption). Ils éprouvent du plaisir à mettre des jours sur un travail qui ne demande que quelques heures, avec un simple logiciel et un ordinateur. » Bien plus qu’un simple rejet qui serait psychologiquement admis, plusieurs haïssent consciemment les TIC.

En 2013, j’assistais à une scène inouïe, dans une université. Un millier de jeunes brûlait sous le soleil, en file devant le bureau du comptable, chacun avec ses preuves de paiement des frais de la session des examens. La soixante-dix révolue, le comptable se plaisait à calligraphier sur des pages d’un registre, doublés de papier carbone. Sa célérité lui donnait à peine 9 candidats à l’heure. Avec un tableur ou un logiciel spécialisé sur PC, il atteindrait des centaines à l’heure. Mais l’ordinateur devant lui, soigneusement couvert, tel un bébé atteint de fièvre, n’avait aucune panne.

Et le plus dur à croire, c’est que les sociétés privées, les banques par exemple, numérisent leurs services lorsque dans l’administration public, l’analogique reste comme un fétiche.

J’ai réalisé alors que le refus des technologies était une technologie en soi. Une vieille technologie utilisée par des vieux, parfois des jeunes, sclérosés, pour énerver des jeunes. Mais qui refuse le changement proposé par les TIC ? C’est moins ce sexagénaire qui ne connaît que son papier carbone et nostalgique de sa calligraphie, que ceux qui doivent l’envoyer à la retraite ou le former. Le pouvoir public informatise des services et continue à fonctionner comme avant la numérisation. C’est un gâchis des fonds du trésor public. Le rejet des technologies, c’est d’en haut qu’il part, en RDC.

[1] Chiffres de l’Autorité de régulation de postes et télécommunications (ARPTC), cfr. Radio Okapi https://radiookapi.net


Joseph Kabila, opposition et crise artificielle

La RDC va droit vers une grande crise. En cause, Joseph Kabila arrivé en fin de mandat et frappé d’inéligibilité, est tenté de s’élever à la gloire d’hommes forts que sont ses voisins Museveni, Kagame, Nkurunziza et Sassou en plein mandats interdits au départ. L’interdit attire, en effet ! Mais il y a aussi une opposition qui se durcit…

En face du président congolais, une opposition presque incapable de s’unir. Mais depuis fin 2015, elle s’essaie à un front commun avec unique objectif : le départ de Joseph Kabila en 2016. Un vœu qui peine déjà à se réaliser, puisque le délai de la convocation du corps électoral vient de passer le 19 septembre, dans le sang des manifestants anti-Kabila.

Il faut dialoguer, mais comment et pourquoi ? La question divise. Pour l’opposition affublée de l’épithète « radicale », réunie au sein du Rassemblement que dirige Etienne Tshisekedi, le dialogue doit partir du fondamental non négociable : le départ du président Kabila. Après deux quinquennats, il faut respecter la Constitution. Pour le camp présidentiel, Kabila reste au pouvoir et organise les élections. Pour combien de temps ? Avec Kabila comme candidat ? Options non exclues, en effet ! Plutôt que d’y répondre, on préfère laisser planer le flou et faire passer le temps. C’est la stratégie qui vaille, depuis 2011.

Il faut plonger le pays dans un retard généralisé : après les sénateurs, les gouverneurs et les députés provinciaux, c’est le moment des députés nationaux et du président de la République. C’est le sacré glissement de mandat. Pour cinq ans, les sénateurs s’apprêtent à compter plus de 10.les-dialogues-en-rdc

Du retard pour un glissement en douceur

Pendant ce temps, le dialogue longtemps attendu, depuis novembre 2015 et qui devait durer 15 jours seulement, a du mal à en finir. Le 3e mandat : la pilule passe mal. Joseph Kabila semble vouloir lâcher du leste : dimanche, dans sa ferme de Kingakati, il a invité sa majorité à se mobiliser pour les élections. Un jour après, le 10 octobre, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, annonce sur TV5 : « Le Président Kabila respectera la Constitution et la Constitution ne lui permet pas de se présenter pour un 3e mandat. » Mais sur les réseaux sociaux, les internautes ne cachent pas leur scepticisme sur la sincérité de ces propos qui ne sont pas les premiers.

Mais comment en est-on arrivé à cette situation confuse ? Que s’est-il passé pour que tout en réservant une part du budget national à l’organisation des élections, chaque année depuis 2012, le régime Kabila échoue à organiser les élections ? Il n’est plus de doute : la crise en cours, et qui fait déjà des morts et des centaines de prisonniers, est artificielle, voulue par le camp au pouvoir.

Le mal congolais, c’est de penser que lorsqu’on agit droitement, lorsqu’on respecte la loi ou bâtit, c’est une gentillesse. Les leaders politiques se plaisent à se comparer à ceux qui n’ont pas réussi. C’est sans gêne qu’on entend dire encore : « la RDC est une jeune démocratie », comme excuse à des fautes parfois volontaires, comme la crise en cours. Malheureusement, ce n’est pas l’opposition qui gagne en crédibilité en pareille circonstance. Espérons que la jeunesse arrive à relever le défi…


RDC : dialogues au bout du canon

Les dialogues politiques se multiplient et se ressemblent en République démocratique du Congo (RDC). 56 ans après son indépendance, le pays a dialogué une trentaine de fois, sans que ne suivent développement et paix attendus. De véritables conciliabules alors !

Les dialogueurs congolais, c’est comme Janus, ce dieu romain qui ouvre et ferme la porte à qui il veut. En RDC, en effet, un dialogue sert à renforcer le pouvoir du chef et lui seul. Sinon il n’a pas de raison d’être. Tant pis si les mécontents râlent : ils iront à un autre dialogue !les-dialogues-en-rdc

Du départ du décolonisateur belge en 1960 au dialogue en cours voulu par Joseph Kabila arrivé fin mandat, la RDC aurait totalisé au moins 37 moments de dialogue. J’ai en ai sélectionné 23 : l’indépendance et ses soubresauts, la démocratisation et l’alternance, l’alternance du pouvoir et la guerre qu’elle apporte. Enfin, la stabilisation et l’alternance.

L’indépendance congolaise et ses soubresauts

Au premier président congolais, Joseph Kasa-Vubu, se pose le défi de décoloniser son pays. Avec d’autres leaders, il discute sur l’indépendance de son pays à la Table-Ronde de Bruxelles. L’indépendance qu’il obtient est ensanglantée, la fête ne dure que 11 jours et, bonjour les rebellions. En plus, il fait face à la sécession du Katanga et du (sud) Kasaï. Commence alors une série de dialogues, sommets … jusqu’à Tananarive (Voir l’infographie).

La démocratie et l’alternance

Mobutu, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, punit les querelles interminables entre leaders politiques par une longue dictature qui finit par son exil au Maroc. Il dialogue peu, et lorsqu’il le fait, il reste le maître du jeu. La conférence nationale qui s’avise à être souveraine, entre 1991 et 1992, il la suspend, exaspérant la crise de démocratie entamée en 1990 : elle finit par sa chute. (Sur la carte, cliquez sur une bulle et voyez la ville, l’année et les acteurs de dialogues).

L’alternance du pouvoir

Lorsqu’arrive en 1997 Laurent-Désiré Kabila, son tombeur, Mobutu apprend à dialoguer sans être meneur du jeu. Mais Kabila va souffrir la guerre dite d’agression menée par ses voisins Rwandais, Burundais et Ougandais, à travers des rebellions qu’ils soutiennent. Il meurt assassiné et laisse un pays prêt à imploser. Après lui, les dialogues pleuvent !

La stabilisation et l’alternance

L’enjeu de la période qui suit ces perturbations originelles de l’Etat congolais c’est la stabilisation de la RDC. Joseph Kabila s’y applique, très ouvert aux dialogues. Sa présidence est la plus dialoguante de toutes. Un de ces dialogues, reconnaissons-le, a sauvé le pays de l’éclatement : il a lieu en 2003 à Sun city, en Afrique du Sud. Mais le reste de ses dialogues n’échappe guère à la règle congolaise : conciliabules et subterfuges. Du Haut-Katanga à l’Ituri, en passant par Beni, des groupes armés tuent encore.

S’il fallait compter leur nombre, les dialogues auraient déjà fait de la RDC un des pays les plus stables d’Afrique. Mais on le sait, les dialogues font ce que leurs auteurs veulent, et le résultat c’est que les résolutions qui en viennent sont contestés et caduques avant qu’elles ne soient connues. Aussi, remarquez-le bien, les meilleurs dialogues à la congolaises viennent après les armes.


Droits de l’homme, la RDC plonge!

Les violations des droits humains à caractère politique augmentent en RDC à l’approche d’un processus électoral qui risque d’être annulé. Depuis janvier 2016, l’ONU a documenté 500 cas de violations des droits de l’homme. Les victimes sont souvent des personnes opposées au 3ème mandat du président Kabila ou des défenseurs des droits humains.

Les cas présentés par le Bureau conjoint de l’ONU aux droits de l’homme alertent sur la restriction de l’espace politique. Mai 2016 a été le mois le plus liberticide : 155 violations, soit près du triple de la moyenne mensuelle située à 57,5 cas. Les critiques internationales ainsi que les pressions internes ont probablement conduit les services de sécurité à décélérer pour un petit temps. Le résultat c’est que les chiffres retombent à 57 en juin, avant de remonter à 72 en juillet.

Exprimer ses opinions ou s’exprimer librement pose problème en RDC. L’ONU a recensé au moins 108 cas à propos. En outre, les « atteintes à la liberté de la personne » augmentent (88 cas), et la liberté de manifestation plonge (102 cas), selon les mêmes rapports.

Sur la carte, cliquez sur une bulle et voyez les données de chaque ville.

Il va de soi que les principales victimes de ces violations des droits de l’homme sont les membres des partis politiques (366 cas). Parmi eux, certains sont privés de libertés, détenus sans respect des lois. Les défenseurs des droits humains et d’autres membres de la société civile (92 cas) et les des professionnels des médias (19 cas) qui dénoncent ces violations sont, eux aussi, dans l’œil du cyclone.

Dix provinces sont particulièrement impliquées dans ces violations des droits de l’homme à caractère politique. Cinq villes de ces provinces constituent des pôles de luttes politiques entre opposition et pouvoir. Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, arrive en tête avec 82 cas, suivi de Kinshasa et Bukavu (55 cas chacune). Kalemie, dans le Tanganyika compte 40 cas pendant que Kisangani, dans la province de Tshopo totalise 22 cas.

Les mois à venir risquent de se révéler encore plus liberticides en République démocratique du Congo, si le dialogue politique qui démarre ne parvient pas à inclure toutes les tendances. Sans doute, août devra compter plus encore de violations des droits de l’homme. L’appel récent lancé par l’opposition à faire « ville morte » pour protester contre le facilitateur  Edem Kodjo comme facilitateur a conduit à l’arrestation d’au moins 32 personnes, principalement à Kinshasa et à Mbuji-Mayi, dans le Kasaï.

 


Excès de bière et de prière à Lubumbashi

Des excès dans la bière et dans la prière à Lubumbashi, deuxième grande ville de la République démocratique du Congo. L’écrivain et professeur d’université Christian Kunda Mutoki s’y attaque dans un livre, craignant pour le développement du pays.

« Aucun pays au monde ne s’est développé avec la prière seulement ». Pas non plus avec une population faite des ivrognes, estime Christian Kunda, auteur du livre « A propos de la bière et de la prière », publié aux éditions Edilivre, à Paris. C’est une satire à laquelle il se livre.

L’auteur espère éveiller les « esprits éclairés », ni soûls ni envoûtés. Il n’ignore pas la résistance que va rencontrer son courage qui le mène sur un terrain où ne s’essaient pas les politiques. Son livre commence par une mise en garde aux sonorités invitatoires :

« Réflexions interdites ivrognes, aux soulards, aux alcooliques, aux enfoirés, aux prieurs gauches, aux fumeurs de chanvre et à leurs corollaires directs : bandits de grand chemin, professionnels et chevronnés du sexe, déchéance humaine, voleurs et violeurs, pillards et pilleurs, marchands de rêves et rêveurs, des rêves, toujours des rêves, des illusions, toujours des illusions. »

Christian Kunda, professeur à l'Université de Lubumbashi
Christian Kunda est professeur à l’Université de Lubumbashi

Des ivrognes parmi les enfants à Lubumbashi

Voilà qui définit même l’univers sur lequel porte saréflexion. C’est un monde qu’il a suffisamment observé avant de l’écrire, à Lubumbashi. Boire est devenu une préoccupation majeure pour plusieurs. « Boire comme si nous étions les premiers et les derniers à vivre, boire tout… Tout ce qui mousse est prenable », écrit l’auteur.

D’où la question majeure de son livre : « Est-ce que nous pouvons nous attendre à un développement adéquat de notre ville, de notre pays, si nous avons majoritairement des soulards et des ivrognes ? » A Lubumbashi, il n’est pas étonnant de rencontrer des gens ivres déjà le matin, à 8 heures. Les ivrognes ont parfois moins de 20 ans et sont étudiants.

Boire n’est plus un simple plaisir. Un seul individu peut aller jusqu’à 14 bières, parfois mélangées aux aphrodisiaques en poudre, beau marché dans les débits de boissons et presque partout dans les rues de Lubumbashi. Les violences sexuelles ne peuvent être loin de ces lieux des excès, lorsque bière et aphrodisiaques se combinent. Christian Kunda l’a observé :

« Boire avant de voler, boire avant de violer, boire avant de spolier, boire avant de prêcher la parole de Dieu… boire un peu avant de pourrir. »

Pour le réalisateur de cinéma Fils Ngeleka, cette forte consommation de bière est une expression du sous-développement qui frappe la RDC. « Les gens espèrent cacher leurs problèmes dans l’alcool et dans la prière. »

De la bière à la prière, mêmes débauches

L’écrivain Christian Kunda pense que les églises congolaises n’ont pas pu sortir les croyants de la médiocrité. Il constate que le vol, les viols, le mensonge et les violences « comme récemment à Beni, continuent dans un pays où les gens prient beaucoup ». D’où la remarque qu’«il n’y a aucun pays au monde qui a réussi à développer son économie grâce à la prière.»

Le livre de Christian Kunda s’attaque ainsi aux excès de prière qui ont endorment des personnes capables de travailler. Il faut stopper les vendeurs de rêves et les rêveurs, propose-t-il de faire. « En tant qu’intellectuels, nous avons le devoir de nous arrêter et dire à ces pasteurs : arrêtez de tromper le peuple de Dieu ».

C’est un des rares qui l’ont ainsi compris, peut-être, parmi les pasteurs des églises de réveil : l’ancien président de la Commission électorale de RDC. Daniel Ngoy Mulunda surprenait, alors qu’il venait de déposer sa candidature aux législatives provinciales, en 2015 : « On ne va pas changer ce pays avec des jeûnes et prières. » Mais ces mots lui ont valu des critiques.

Christian Kunda a le mérite de dénoncer, peut-être le premier, les déviations dans la prière et dans la consommation de la bière à Lubumbashi. Peut-être son livre constitueront-t-il le viatique pour la difficile désintoxication populaire à l’alcool et à la prière qui endort.


Lorsque je serai Mobutu …

Etre Mobutu, ou comme lui, nous en rêvions tous, dans notre enfance zaïroise. La meilleure image du pouvoir et du chef que nous avions était, sans doute, façonnée par le monde traditionnel et coutumier qui nous moulait. Là, en effet, les chefs sont presqu’irremplaçables et les mandats à vie.

Sommes-nous allés aussi loin que ce rêve d’enfance ? Le pouvoir et le chef, les deux se confondant inexorablement, doivent inspirer la peur, la grandeur, la toute-puissance, l’opulence. Tous les moyens sont bons alors pour y arriver !

 « Lorsque je serai Mobutu » … je ferai, je verrai, j’agirai de telle ou de telle manière. Nous le répétions tous, admiratifs du deuxième président de la RDC, Tata Joseph-Désiré Mobutu Seko Kukugbendu wazabanga.

Mobutistes, nous tous ?

Mobutu, c’était une manière d’être, d’agir ou de penser. C’était aussi l’image du pouvoir, comme il y en a un peu partout en RDC et en Afrique : Mwant-Yav, Mwami, … des titres que portent des chefs coutumiers, quels que soient leurs noms. Autant, nous avons des Mobutu… moi, toi, nous congolais, nous africains ?

Non, ce n’était pas cela le Zaïre, pas non plus Wzabanga lui-même, le maréchal qui régna sur le Zaïre durant 32 ans. C’était l’idéal du pouvoir que nous voyions. Mobutu s’en est allé, entre-temps, avec lui mes rêves d’enfant. Grandissant, en effet, mes yeux ont vu aussi d’autres pouvoirs, d’autres chefs simplement eux-mêmes. Mais à l’heure où j’ai commencé à peine à réaliser que le roi du Zaïre n’était qu’un homme mort et enterré à Rabat, au Maroc, j’ai vu mon rêve d’enfance resurgir. Ce n’est pas une hantise, cela ne se passe pas dans ma tête.

Mobutu moi, Mobutu toi, Mobutu nous congolais, africains ! Nous en sommes là, une fois de plus. Il fait encore rêver des jeunes. Ce Mobutu a le vent en poupe, un succès incalculable parmi les âges, les jeunes d’autrefois, aujourd’hui parfois vieux surtout.

Les meilleurs Mobutistes insultent Mobutu

C’est un type de modèle de dirigeants et de pouvoir construit par les télévisions et les thuriféraires. Il est fait par les télévisions, et les facultés et les églises perdent de vue. Parfois, les plus mobutuphobes dans les débats télévisés se révèlent les plus mobutuphiles, lorsqu’ils détiennent le pouvoir. Ne pas être Mobutu, être Lumumba ou Mandela, par exemple, n’est souvent qu’une affaire de temps. Oh, qu’ils savent s’adapter, qu’ils sont du vif-argent véritable !

Que déjà adultes, plusieurs parmi mes compatriotes en soient restés à cette image enfantine du pouvoir, à ce degré du mobutisme, c’est rester éternellement enfant. Enfant de Sese Seko qui fut et demeure père, guide et maître. Je pense qu’à ces enfants, il faut des exemples et des leçons. Des exemples de serviabilité, de liberté, d’alternance et de dignité.


La politique en RDC est ennuyeuse

Les politiciens de RDC ennuient et la politique congolaise n’intéresse plus. Que des mensonges, des promesses irréalisées. Ils disent la paix, ils achètent les armes, ils promettent la prospérité, ils s’enrichissent avec leurs clans. Plutôt que de pignocher, mieux vaudrait carrément oublier ces recettes qui fâchent.

En 2012, le politologue Mwayila Tshiyembe, professeur à l’Université de Kinshasa remarquait, dans une interview, lors de son séjours à Lubumbashi, que « les mobutistes sont dans et autour du pouvoir. » Tout ce qui a changé à cette réalité, c’est qu’on a oublié qu’il y a des mobutistes loin du pouvoir et qui y aspirent.

La RDC recycle des politiciens médiocres

Si être comparé à l’ancien dictateur du Mobutu sonne comme ne réjouit guère dans le microcosme politique congolais, dans les actes, très peu échappent à ce profil.

Mais la RDC n’est pas chanceuse. Que des exemples des leaders peu recommandables à la communauté nationale ! Alors que la Côte d’Ivoire compte sur ses enfants pour se réconcilier avec elle-même, la RDC a toujours besoin des médiateurs étrangers. On ne sait à qui faire confiance ! Pas même aux religieux.

Le plus ennuyeux, c’est que le pouvoir de Joseph Kabila qui semble sacraliser le dialogue voit échouer ses 3 derniers dialogues. Pendant ce temps, les opposants qui se croient plus sensés ne proposent jamais d’alternative. Tous, opposition et pouvoir, passent leur temps à démontrer leur popularité alors que demain ils risquent de s’affronter. Voilà qui suffit pour les porter tous dans un train funèbre, inexorablement vers le chaos. Le changement que promet l’opposition signifie en réalité, remplacer Joseph Kabila par un autre cacique, à peu-près mobutiste. Le principe est alors : le politicien d’abord. Certains étonnent comment ils sont ballottés par le vent !

Une société civile qui court à la mangeoire

Le malheur de la RDC, c’est de pouvoir ainsi recycler les dirigeants médiocres et de promouvoir ceux qui savent injurier et mentir. Même la société civile, les religieux qui ont pourtant le vent en poupe, courent à la mangeoire, en politique ! La politique, c’est le seul business qui paie en RDC. Les rares citoyens qui défendent des idéaux sont systématiquement poussés vers la sortie du centre, y compris les médias.

Dans ce contexte de compromissions généralisées, l’apocalypse n’est pas une surprise. Heureusement, la RDC vit une redistribution des cartes avec les mouvements citoyens des jeunes. Pourvu qu’ils ne courent à la mangeoire, en politique ! Lucha et Filimbi bousculent les lignes désormais. Dépités, ils ont des arguments, mieux que les politiques. Voilà qui fait dire la journaliste Habibu Bangré dans une interview à l’Ifri (Institut français des relations internationales), que « la nouvelle opposition en RDC » c’est Filimbi et Lucha.

C’est autant dire qu’en RDC, les opposants politiques traditionnels et dirigeants portent mal leur nom désormais. C’est peut-être parce qu’ils ne jouent plus où ils sont attendus. Où ils sont attendus, ce n’est moins dans les bâtiments impressionnants que où l’on meurt… auprès des jeunes sans emplois, des villages inaccessibles, des quartiers sans eau ni électricité. C’est la santé qui reste un luxe, c’est la faim, l’ignorance… C’est dire comment résoudre ces problèmes que de les énumérer.


RDC : faciliter la tâche au facilitateur

Conduire un dialogue, mieux, en être facilitateur, n’est pas tâche facile pour le togolais Edem Kodjo envoyé par l’Union africaine en RDC. Dans ce pays où dialoguer ne sert pas forcément à résoudre les problèmes qui se posent, le facilitateur a besoin qu’on lui facilite la tâche.

Pour qu’enfin se tienne le plus controversé des dialogues congolais, il faut faciliter la tâche au facilitateur. Kodjo, en effet, n’a rien compris à son rôle dans le dialogue initié par Joseph Kabila. Il n’a pas non plus compris ce que veulent les opposants congolais, d’où son incapacité à les amener à ce dialogue.

Il a fallu d’ailleurs qu’interviennent l’ONU, l’OIF et l’UE pour qu’espérer démarrer. Mais bing ! le facilitateur est bloqué ! C’est ce que dit dans une chanson, le musicien Koffi Olomide : « le soi-disant guide abungi nzela », traduisez : « le soi-disant guise a perdu la route ». Un guide, un facilitateur, en effet, c’est un connaisseur. Ce n’est pas une présomption.

Le dialogue, ça sert à se renforcer

Le dialogue, en contexte congolais, ça ne sert pas à résoudre les problèmes apparents. Non, là ce n’est que la pointe de l’iceberg. Le dialogue conforte les positions des régimes en place, et c’est une réalité depuis l’indépendance de la RDC. En 56 ans, en effet, le pays compterait environ 16 dialogues ou pourparlers nationaux. Pourquoi n’ont-ils souvent guère réussi à sortir le pays de l’instabilité politique et signer ainsi son décollage ?

Sous l’ère Kabila, en 15 ans de règne, environ 8 dialogues[1] (47%) ont eu lieu. Ni stabilité, ni développement n’ont suivi. Si à Pretoria les participants ont sauvé le pays de l’éclatement, si à Kampala le M23 a constaté son échec, … il y a eu surtout le chef de l’Etat qui a conforté sa position de « chef » ou homme fort.

Un facilitateur en déphasage

Edem Kodjo n’a probablement rien compris à tout cela. Il n’a pas non plus compris que parfois être opposant, en RDC, donne les raisons de refuser même des causes raisonnables. Il semble ne pas aussi considérer les aspirations des fougueux mouvements citoyens, portés par des jeunes qui ne craignent plus la prison. Ils veulent le changement, les élections. Kodjo n’a pas pu rapidement s’acclimater et sentir les mutations politiques congolaises.

Ce sont deux forces aux antipodes : les nostalgiques de l’ancien régime, presque jusqu’auboutistes, pour dire mobutistes. Ils sont prêt  ne rien lâcher avant d’avoir échoué. A l’inverse, ce sont des politiciens qui sympathisent avec la démocratie. Il leur reste au moins le temps de prouver leur metanoïa : le changement radical qui ferait de ces anciens collaborateurs de Kabila qu’ils critiquent, des prédicateurs du changement vu par Y’en a marre, Lucha et Filimbi qui les bousculent.

Pour tout cela, il faut faciliter la tâche au facilitateur pour que le dialogue ait la chance d’aboutir. C’est-à-dire, que l’Union africaine remplace Kodjo par un autre. Ce serait généreux, pour lui éviter des humiliations du genre récusation pour partialité.

[1] On peut citer Sun city, Pretoria, Addis-Abeba, Nairobi, Kampala, Amani, Concertations nationales et le Dialogue politique en attente depuis 2015.


Violences sexuelles, une arme de honte en RDC

Violences sexuelles, une honte sans précédent en RDC ! Mais elles auront, hélas, marqué le début du 21e siècle congolais ! Sans doute, elles sont la résultante des violences armées qui secouent le pays depuis 20 ans. Alors que la loi sur les violences sexuelles célèbre ses 10 ans le 20 juillet, le bilan de la lutte me paraît négatif et est dominé par une surenchère politique, la honte et les humiliations.

Entre 2001 et 2006, les violences sexuelles exaspèrent les humanitaires, en particulier la Communauté internationale et la société civile, notamment du Kivu. C’est ainsi que la loi sur les violences sexuelles est promulguée, après un bon séjour dans les tiroirs, sans explication. Juillet 2006, c’est en pleine fièvre électorale. La présidentielle historique que va remporter Joseph Kabila, quelques mois après, se prépare.

Les surenchères congolaises sur les violences sexuelles

La loi promulguée jouit d’une grande publicité, parfois exagérément : il faut, en effet, en ce temps électoral, dire aux milliers de femmes violées et humiliées, que l’État est avec elles, déterminé à en finir avec les violeurs. Mais jusqu’où ira-t-on dans ces efforts ? Les élections passées, les humanitaires et l’ONU vont dénoncer mais il y aura moins de mobilisation du pouvoir public et plus encore de viol comme arme de guerre.

Il restera néanmoins, de ce temps de propagande, le courage de dénoncer les violences sexuelles. Une première, des victimes sortent du silence ! Jusqu’ici, en effet, les congolaises qui ont subi les violences sexuelles avaient toutes les bonnes raisons de cacher leur malheur, écrasées par des coutumes protectrices des violeurs notamment (à cause des tabous), et la peur des regards rieurs. Le viol, en effet, atteint la communauté, non pas la victime seule.

De Goma à Lubumbashi : le viol une arme de guerre

A Lubumbashi, à quelques milliers de kilomètres de Goma et de Bukavu où le viol est pareil à une kalache, le viol atteint même des enfants de moins d’une année. La société explique ces horreurs par des rites mystiques. Ils rendraient célèbres ou riches, les auteurs des viols : « Plus les gens s’indignent de l’acte et parlent du violeur, plus son succès augmente », explique un homme. Mais on enregistre aussi des viols devant des familles réunies.

Pendant ce temps, des fausses affaires de viol sont aussi signalées à Lubumbashi. Des récits devenus populaires expliquent que des familles ont fait de fausses dénonciations de viol dans le but d’exiger des accusés de l’argent. Sur-mobilisés, en effet, les tribunaux ont parfois relâché leur rigueur au sujet des cas de viol. Vous êtes accusés de viol, dites-vous que les dés sont jetés durant cette période de 2006 à 2010 dite de « tolérance zéro sur le viol ». « Certaines personnes ont été condamnées sans avoir été vraiment jugées, parce qu’accusées de viol », s’indigne un juriste.

Dix ans après, l’impunité et la honte

Dix ans après, au 20 juillet 2016, la RDC reste parmi les pays où le viol continue honteusement son ravage. Certes, les violences sexuelles ont diminué d’ampleur (pdf), des sanctions ont été prises contre des soldats accusés de viol. Mais beaucoup de responsables des violences sexuelles circulent encore librement dans les Kivu, dénoncent les humanitaires.

Des femmes humiliées, des familles disloquées, et un pays autrefois classé « capitale mondiale du viol »… Notre société semble ne pas en faire assez pour en finir avec ces violences de la honte qui nous collent à la peau. Dr Mukwege le chirurgien se décrit comme « l’homme qui répare les femmes ». Elles vivent avec la peur au ventre. Le seul pêché c’est d’avoir osé porter plus haut la voix des victimes des violences sexuelles et d’exiger des changements.