Faty

TechCamp Mali 2014, il m’a fallu un tweet

Credit Photo: Faty
Credit Photo: Faty

Je devrais formuler autrement et dire, il m’a fallu juste twitter pour me frayer ce chemin vers ce statut de trainer (formateur) à la première TechCamp qui a eu lieu au Mali. Si ce n’est trop long comme titre.

Oui juste twitter, mon blog sur Mondoblog est ensuite venu donner plus d’ampleur et donner une certaine visibilité à mon travail de citoyen témoin, qui a refusé l’occupation et a  crié son désespoir et celui de toute la population d’une vieille ville qui reste encore connue-prestige passé ?- Tombouctou.

ET pas possible que cela devienne une rengaine, car au fur et à mesure que je progressais dans le journalisme citoyen, je me rendais compte qu’il était possible de partager mon expérience pour empêcher à mon pays de retomber dans les travers qu’il a connus ces dernières années. Certaines situations font que seul le  citoyen lambda peut porter l’information, en plus il peut être acteur à part entière du processus de démocratisation qui a du mal à s’affirmer dans des coins comme l’Afrique.

Avant de recevoir ces mails du Département of State et du Community of Democracies, fin du mois de mars, j’étais juste tranquille dans mon coin, écrivant très peu et lisant beaucoup de billets de blog, addicted à Twitter et aux débats autour de la vie politique malienne, jouant ma partition d’activiste qui dénonce les travers de la politique malienne et  continuant avec mon grain de sel personnel : l’ironie consciente et accusatrice.

Je vous avoue que je n’hésite pas à taguer le premier ministre malien, me réjouissant qu’il ait un compte Twitter. Il paraît que le Mali est en marche et que la démocratie s’instaure, et pourtant je trouve toujours à en redire via Twitter, car je suis sceptique, il faudrait que je le fasse savoir.

Pensez-vous que je dois faire attention comme beaucoup d’amis me l’ont recommandé ?

Malheureusement, je ne sais pas faire attention, je ne peux faire attention à ce que je dis lorsqu’il s’agit de mon pays.  Je crois que c’est mon devoir de faire ce travail via les médias sociaux. Bien sûr plus de la moitié des Maliens ne sont pas connectés à internet et  nous sommes encore au stade des médias traditionnels ici : télé, radio -surtout !- et même arbre à palabres, mais bon, il faudrait commencer par un point de départ ! Twitter et un petit téléphone chinois que je suis arrivée à connecter au réseau 3G – je ne sais plus comment- m’ont permis d’attirer bien d’attention sur ma modeste personne d’enseigne, autodidacte en informatique qui est devenue un véritable geek.

Une séance de formation, credit photo: Faty
Une séance de formation, credit photo : Faty

Donc me voici, formatrice pendant deux jours sur le thème de l’utilisation des médias sociaux par la société civile africaine avec une quarantaine de participants venant de l’Afrique francophone et 7 autres formateurs de plusieurs nationalités  et deux coachs du département d’Etat américain… deux jours formidables d’échanges et de discussions que je promets de vous relater dans un prochain billet.

 

 

 

 


Mali : imbroglio au sommet de l’Etat

« fama dè bi fama wolo », on hérite du pouvoir, dit un adage bambara, pas si faux… suffit d’ouvrir l’œil sur ce qui est en train de se dérouler maintenant au Mali.

credit photo: Kassim Traoré , Klédu
Crédit photo : Kassim Traoré , Klédu

Pour bien comprendre l’arène politique malienne, je reviens vous parler de politique après trois bons mois de repos inopiné, il faut dire -, bien empressée de parler enfin politique malienne avec mon si cher politologue Serge Katembera.

La démission de Oumar Tatam Ly et son remplacement par Moussa Mara, un jeune loup en politique au Mali, au poste de premier ministre, rendait l’occasion trop belle…Il n’est pas du parti du président et n’a pas obtenu un score conséquent aux législatives. Une incompréhension totale pour le Malien, cet engagé pour le pain quotidien –ben oui- qui n’hésite pas à prendre les couleurs du parti du  gouvernant pour garder son poste et continuer ses petites magouilles,  même si le nouvel élu clame haut et fort lutter contre la corruption et le népotisme !!! Tous les Maliens se valent…

Ainsi, je me permets un petit historique du RPM, le parti de Soundiata Keita Ibrahim Boubacar Keita.

Le RPM, Rassemblement pour le Mali,  a été créé par IBK en février  2001, quand, mécontent du super parti présidentiel’ Adema-PASJ (L’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice) – plus connu dans les villages maliens par son effigie d’abeille rouge- dont il a démissionné. Alpha Oumar Konaré arrivait à la fin de ses deux mandats de président démocratiquement élu après la « révolution de mars 1991 ». IBK, alors ancien premier ministre et président du parti a fait ses valises avec un bon lot de cadres de l’Adema A-PAJS dans une nouvelle alliance « Alternative 2002 » chargée de le porter au pouvoir malgré les manigances politiciennes de ses ennemis –anciens  (Adema) et nouveaux (ATT et ses groupes de soutien qui ont décidé de le soutenir en jurant mourir pour lui, eh oui !)-

L’alliance a donné naissance à ce parti que j’aurais bien traité de nationaliste si je pouvais, ne serait-ce qu’en me fiant à son slogan populiste « le Mali d’abord ».  Il n’est bien sûr pas sorti vainqueur du combat -était-ce possible à ce temps-là.  Mais, j’ai l’impression qu’on peut se permettre d’être foncièrement nationaliste et rester politiquement fréquentable quand on est africain !

D’ailleurs, c’est la tasse de thé des tous ces fous du pouvoir, prêts à tout pour y parvenir et y rester. Je peux vous citer des exemples à tour de main – et même ajouter les pieds pour compter- . Il y a le BOG ivoirien qu’évoque Fofana Baba Idrissa dans un billet récent : Bédié, Ouattara, Gbagbo.

Au Mali, nous avons frôlé ce point de non-retour avec non seulement les agissements de certains (pas tous heureusement pour le Mali !) séparatistes touaregs avec un MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et une jeune garde communicatrice qui vendit son histoire du l’homme bleu du désert avide de liberté, persécuté et martyrisé par un Etat raciste – il faut bien du piment et des retournements de situations à toute histoire non ? Ils ont oublié qu’ils ne sont pas majoritaires sur ces dites terres historiques de leurs ancêtres nomades- à qui veut le veut !

Mais le summum a été atteint pendant la campagne électorale qui précéda l’élection d’IBK à la fonction suprême. La discussion a été longue entre moi et Boukary Konaté lorsqu’il comprit mon dépit et le sentiment d’être une laissée-pour-compte que cela fit naître en moi– et beaucoup de Maliens ressortissants du nord du Mali-. Tous les moyens ont été bons pour accéder au pouvoir  -enfin, cela semblait possible pour lui après les fraudes si bien organisées d’ATT- pour tous, quand les uns faisaient la campagne dans les mosquées à coup d’« incha Allah » et de promesses, les autres partaient dans les hameaux pour chercher des bêtes sauvages  à faire voter dans les zones désertées de toute population, conflit oblige.

A l’habitant de chaque partie du territoire, à chaque groupe d’âge, à chaque ethnie, le discours qui lui sied :

–          Sud : nous sommes les descendants du grand et prestigieux Soundiata Keita, créateur du grand empire du Mali et nous ne laisserons personne le diviser. Il est un et indivisible.

–          Nord : nous allons chasser les «  bourdamé » (peaux blanches en général) de force et faire revenir la République et tous les avantages, en mettant sur pieds des vrais projets qui vont permettre au nord du Mali de rattraper son retour sur le plan du développement. Il n’y aura plus de guerre au Mali, nous vous garantirons la paix.

–           Aux jeunes, promesse est faite d’emplois pour la majorité, les candidats rivalisent en matière de chiffres tapageurs.

Pour les discours ethnocentristes et nationalistes, je ne veux pas leur permettre le privilège de figurer sur mon blog, donc faisons comme si nous ne les avions entendu. Personne ne peut me retirer ma nationalité malienne. Même si je n’ai pu voter et exprimer mon dégoût pour ces politiques qui oublient le peuple dès qu’ils parviennent à monter la colline de Koulouba. Il paraît qu’il fallait organiser le scrutin avec ceux qui pouvaient y participer pour sortir le pays du gouffre et nous frayer un chemin vers la liberté, libération plutôt, car je suis certaine que nous avons aussi échappé à un massacre des populations restées sur place… heureuse que les occupants se soient contentés d’amuser leurs investisseurs du Qatar par des pseudo-applications de charia et que le MNLA reste encore égal à lui-même : un caméléon qui change de couleur au gré de son environnement .

Revenons à notre mouton, le RPM et ses problèmes avec son créateur de président qui se fia certainement à son inactivité des dernières années pour  lui refuser tout mérite par rapport à son si joli score au second tour de l’élection présidentielle de juillet 2013, 77,62 %. Il faut dire qu’à la présidentielle de 2007, le score du RPM, 14,71 % n’était pas très honorable  et  le si cher  « président fondateur » –mon respect Mamane !- a  eu  du mal à se faire réélire aux législatives, c’est  parce qu’il était opposé en commune IV de Bamako, à  la force montante qui pratique le porte- à-porte comme Barack Obama en politique : Moussa Mara.

Le point de presse du nouveau premier ministre lui a permis de jeter les bases d’une  certaine coopération avec la majorité – que j’hésite à qualifier de présidentielle – et l’opposition, promettant de mettre chacun dans ses droits pour permettre au président de ne pas décevoir le peuple, comprenne qui pourra, ce qu’il voudra.

La réalité est un Mali encore coupé en deux, avec non seulement une région concédée – ha c’est le mot que j’ai trouvé hein !-aux bandits  touaregs  armés  qui ont décidé de revenir sous le giron politiquement correct du MNLA avec l’accord de la France et de la Minusma, sensés aider le Mali à recouvrer son intégrité, mais aussi les deux autres régions jadis occupées ( Gao et Tombouctou) qui  attendent encore le retour de la paix et des fonctionnaires de l’Etat pour que vraie vie recommence, craignant encore le retour des troupes des pseudo-djihadistes encore embusquées dans les grottes du désert.

Ainsi va le Mali…

 


Mali: le spectre de la fièvre d’Ebola plane encore…

Ebola. Le nom de cette rivière de l’ancien Zaïre, aujourd’hui RDC, sonne comme celui du plus mauvais  diable (c’est une des choses que les maliens craignent le plus) qui nous menace.

credit photo: www.pieuvre.ca
credit photo: www.pieuvre.ca

La rumeur s’est transformée en une sorte de psychose après la diffusion d’un communiqué de presse du gouvernement sur le sujet qui acheva  de créer la panique au gré des interprétations : « Le Gouvernement du Mali informe la population que la fièvre hémorragique d’Ebola dont l’épidémie est actuellement en cours en République de Guinée est une maladie grave et très contagieuse.

Elle se manifeste par une poussée de fièvre accompagnée de diarrhées, de vomissements, de fatigue intense et parfois de saignements.

La transmission se fait par contact direct à travers le sang, les liquides biologiques ou les tissus des sujets infectés. Le contact avec les cadavres d’animaux sauvages (singe et chimpanzés, chauve-souris entre autres) et les dépouilles des sujets infectés lors des rites funéraires constituent aussi des facteurs de risques élevés.

Or, à ce jour, il n’existe aucun traitement efficace, ni de vaccin contre cette maladie. C’est pourquoi, le gouvernement invite la population au respect strict des mesures de prévention édictées par les services de santé.

Il conseille aussi d’éviter tout déplacement non essentiel dans les zones épidémiques.

Il lance un appel également au personnel de santé pour respecter et à faire respecter scrupuleusement les mesures de protection individuelle indispensables à la prévention de la maladie. »

Il faut dire que ni la langue ni le vocabulaire utilisés dans le communiqué  n’étaient point accessibles au malien lambda. C’est à l’animateur le plus adroit pour  faire passer le message à travers spots en langues nationales et émissions radiophoniques…. Ensuite à qui comprendra mieux mieux…

Pendant que certains y comprennent que toute la Guinée est en train de mourir de cette maladie qui n’a pas de remède ; d’autres comprirent que la maladie est déjà au Mali et  qu’il ne faut plus sortir de chez soi, éviter tout endroit où on peut rencontrer des guinéens, des singes ou des chauves-souris, les plus pessimistes se voient déjà morts. Quand mes neveux revinrent de l’école et me dirent que leurs maitres leur avaient dit de ne pas jouer avec les chauves-souris et de prêter attention à leur urines et à leurs salives parce que la présence de sang pourrait être le signe de  « FIER  D’ESBOLA » j’en suis restée bouche bée et en ai oublié de rire !!!

Des enseignants peuvent se permettre une telle chose ?

La promptitude et la vitesse à laquelle le gouvernement diffusa ce message de mise en garde ne me plut point, car mettre le peuple en garde –contre quoi que ce soit- ne semblait pas être leur mission favorite, en plus j’ai juste compris  une intention de faire de l’excès de zèle !

Les attentats ou les lancées d’obus dans les villes du nord nous ont-ils valu une seule fois un communiqué de presse ?  Et toutes ces maladies qui sévissent au Mali ? Le cancer du sein ? Le paludisme ? Le Sida ?la tuberculose ? La malnutrition ? le MNLA, sa république – même si elle n’est pas islamique- de l’Azawad et ses soutiens – Du président du Burkina Faso à la Suisse en passant par le grand manitou- n’est-il pas un spectre plus menaçant que cet « Ebola » ?

La fièvre Ebola est mortelle, la Guinée est proche  c’est certain, mais qu’ont-ils dit à propos de l’envahissement de la zone de Yanfolila pour l’exploitation artisanale de l’or par des migrants venant de la sous-région entière et faisant planer la menace du SIDA et des MST sur toute cette zone  en plus du banditisme ?

Malheureusement, les trois cas suspects sont venus aggraver la situation et rien d’étonnant à ce que les jeunes du quartier qui a été choisi pour abriter le site de quarantaine, Lassa, se révoltèrent et parvinrent  à le faire déguerpir…car ils  ont si peur qu’ils croient que le virus peut les affecter quelques soient les précautions.

En attendant les résultats des examens sanguins, la  vie continue…Oumar Tatam Ly démissionne et laisse le poste de premier ministre à un autre jeune loup : Moussa Mara.

 

 


le Tukasu, la specialité culinaire de Tombouctou

Spécialité culinaire de Tombouctou crédit photo: Faty
Spécialité culinaire de Tombouctou crédit photo: Faty

Le (je me permets de la mettre au masculin pour qu’on ne me traite pas de dragon du féminisme car c’est un mot sonrai et il n’a pas de genre dans ma langue) TUKASU (lire toukassou) est le plat des grands jours à Tombouctou.  Écrire, enfin, la recette de ce plat que j’ai réalisé plusieurs fois, fait naitre cette nostalgie que je ressens chaque fois que je  suis loin de ma ville natale, la faute à nos soi-disant défenseurs qui n’ont pas hésité à mettre notre tranquille vie à l’eau en proclamant une indépendance…pff.

Une année après le départ des pseudo-djihadistes, Tombouctou continue à attendre le retour à la normale.

Nous sommes ne cuisine, il ne faudrait pas que je m’égare encore vers cette politique et que je m’en prenne encore à ce faux mouvement de libération qui n’a fait que le malheur des populations de Tombouctou, Gao et même Kidal – même si elle   se refuse de le voir !- C’est l’une des spécialités de Tombouctou et j’espère que tu pourras le faire au moins une fois Marine.

Le plat est plutôt catalogué comme étant difficile à réaliser, mais je vous assure qu’il est facilement faisable si vous respectes les étapes et les ingrédients, comme tout repas d’ailleurs ! Ce n’est pas par vantardise, mais je ne l’ai jamais raté.

  1. I.                    Ingrédients :

La Sauce :

–          1,5 Kg de viande de mouton ou de vache

–          1 verre d’huile

–          5 a 6 gros oignons (coupez les deux en fines lamelles et conserver les trois intacts)

–          8 tomates fraîches

–           250 gr de pâte de tomates

–          8 à 10 dattes fraiches

–          Anis, cumin, cannelle moulue,  laurier, sel, poivre, piment

La  Pâte :
1 Kg farine de blé (prévoir alors 40 g de levure de boulanger)

  1. II.                  Préparation
  2. 1.       La pâte

Vous commencez par vous occuper de la pâte en versant  la levure et une pincée de sel et de l’eau tiède dans le récipient destiné à contenir la pâte puis y verser la farine. Mélanger de façon à obtenir une pâte homogène bien compacte qui ne colle pas aux mains. Pétrir pendant plus de 15 mn. Fermer et laisser lever.

Vous pouvez aussi utiliser une pâte à pain déjà conditionné au préalable. Vous pouvez maintenant vous occuper de la  sauce.

  1. 2.       La sauce

Le timing est très important dans la préparation de ce repas, ainsi, les deux gros oignons doivent être  émincés bien avant, les condiments réduits en poudre et  les tomates écrasés pour en éliminer les pelures, car la sauce doit être bien lisse (c’est le mot que j’ai trouvé). Les trois autres oignons  restant seront mis dans la sauce tels quels.  La viande doit être coupée en gros morceaux.

  1. 3.       Réalisation

–          Mettre l’huile dans la marmite – qu’on aura choisie bien grande – et y mettre la viande lavée, deux pincées de sel, les oignons émincés et les tomates fraiches.

–          Laisser dorer.

–          Verser y  1,5l d’eau et y ajouter les condiments pilés (sauf les feuilles de lauriers qui y seront mis en dernier lieu juste avant de mettre les boules de pate),  la tomate en pâte, et les gros oignons, piler pour ensuite mélanger avec de l’eau tiède et faire passer au tamis pour ajouter le mélange obtenu  à la sauce.

–          Fermer et laisser mijoter à feu doux pour s’occuper de la pâte.

–          Malaxer la pâte encore  pendant 5mn pour ensuite le découper en de petites boules et les déposer sur un plan de travail plat, recouvrir d’un linge propre et laisser lever.

–          Retourner à la sauce qui entretemps devrait aura perdu toute eau et y verser 3l d’eau et y ajouter les feuilles de lauriers.

–          Activer le feu (si jamais vous être en Afrique et utilisez le bois ou le charbon).

–          Lorsque la sauce bout y mettre les boules de pâte délicatement en faisant attention à ne pas y faire des trous qui feront tout rater et les feront descendre sous la sauce.

–           Fermer hermétiquement et laisser bouillir pendant 20mn au minimum sinon 30 mn.

–          Mettre ensuite un feu très doux pour faire réduire la sauce s’il y a encore un peu trop de sauce.

–          Mettez les boules en bas et décorez votre plat avec la viande et les oignons.

–          Servir chaud.

 


Je suis malienne et je ne suis pas excisée

Une pratique qui a de l'avenir au Mali, malheureusement; Credit photo: la presse.com
Une pratique qui a de l’avenir au Mali, malheureusement; Credit photo: la presse.com

Le titre semble bien détonateur, criard, mais il suffit à lui seul  pour résumer une réalité purement malienne.  L’excision, cette pratique ignoble, infâme, abjecte, inhumaine – tous les adjectifs négatifs peuvent aller avec- est surtout présente dans le sud du Mali plus qu’au nord, bien qu’elle subsiste dans certaines contrés de Tombouctou comme Goundam.

Oui, je ne suis pas excisée parce que je suis songhoï, parce que je suis tombouctienne et que ce n’est pas dans les mœurs de la vielle ville. La cantatrice de la ville, Khaïra Arby le chante haut, «  la femme de Tombouctou ne connait pas la lame qui excise » car elle est engagée, elle aussi, contre cette pratique –comme moi- et elle utilise sa forte voix pour le dénoncer.

Les incontournables de cette tradition moyenâgeuse sont aussi bien les hommes que les femmes. Mais malheureusement ce sont des femmes, d’autres femmes, qui ont été excisées par le passé, qui connaissent la douleur et les risques de la pratique qui continuent à la perpétuer.  Que dire ? Pourtant que de cas de fillettes décédées suite à une hémorragie, que de femmes devenues fistuleuses et abandonnées de leurs maris, combiens d’infections contractées ? On pourrait se targuer d’oublier toutes celles qui sont devenues frigides ou ont une vie sexuelle approximative et traumatisée par l’ablation de l’organe si important pour le plaisir sexuel de la femme.

Les instigateurs de ces crimes à travers le monde voudraient aussi  marquer le passage de la femme d’une vie d’adolescente  au statut de femme préservée de la délinquance, de la prostitution. Elles sont délivrées de l’attrait maléfique du sexe à travers « cette mutilation ». Ils voudraient « tuer » le désir sexuel ; ils arrivent à tuer s’attaquer à autre chose.

« Celui qui est venu pour te scalper, ne prête pas attention à tes lunettes » dit un proverbe de Tombouctou. Le bien-être des femmes est le dernier des soucis des adeptes de l’excision.

Le problème de l’excision réside dans son implantation psychologique dans l’esprit des excisées, elles-mêmes qui l’ont intégrée dans les mœurs et lui donnent une importance monumentale dans la stature sociale de l’individu. Je ne me rappelle plus le nom du film, diffusé par l’ORTM (office de radio et télévision du Mali), mais je me rappelle encore de la lutte qui a opposées les femmes d’un village  entre elles.

Le premier groupe (deux ou trois personnes) dispose de  radios et écoutent des émissions  qui «  seraient à l’origine de leur dénaturation » car ces femmes comprennent avec les explications des animatrices que l’excision doit être abandonnée. Une décide de ne point exciser sa fille qui fait l’objet de tentative d’enlèvement pour pratiquer l’opération tant attendue par tout le village (l’autre groupe). La mère réussit à l’en sauver. Mais la fille en voudra à mort à sa mère car non seulement indexée dans le village, elle se retrouve mise à l’écart de ses amies et pire, son fiancée, un migrant, refuse de l’épouser comme promis à cause de « sa saleté ». Les radios, si indexées, sinon incriminées, sont à la fin détruites par les maris qui reprennent  le pouvoir dans le village après consultation de la chefferie traditionnelle.

En plus, les religions, toutes, animisme, islam, même le christianisme qui vient de pays où l’excision n’était pas une pratique courante, n’ont pas cherché à  sauver les femmes de cette intense douleur  qui survient le plus souvent maintenant dès un très bas-âge. Pire, en l’islam, certains ont trouvé une autre argumentation pour continuer à « couper ». Le prophète de l’Islam, Mohamed, Salallah allahi wassalam (paix et salut sur lui) aurait juste dit « de prêter attention à ne pas faire mal ». Peut-on éviter de faire mal en coupant la partie la plus sensible du corps de la femme ? Répondis-je.

C’est une opération qui purifierait la femme comme la circoncision purifie l’homme, crient encore d’autres ! Vous pensez que le clitoris est une simple peau gênante qui pourrait  servir de nid aux maladies que la religion recommande d’enlever ?  Sans aucune gêne, j’argumente en demandant aux hommes s’ils connaissent le corps de la femme, s’ils connaissent l’emplacement du clitoris, si c’est la même chose que ce qu’on leur enlève et leur demande d’imaginer qu’on leur coupe la tête pour voir ce que cela donnerait.  Là, silence. Ils abandonnent cet argument pour en amener d’autres. D’ailleurs l’excision est antérieure aux religions monothéistes.

Malheureusement, chaque matin, des vieilles femmes continuent à faire ce geste sur des petites filles malgré tout… il faut que cela cesse.

 

 


Lettre ouverte à Baba Mahamat, mon frère centrafricain

letterHouseCommons

Cher baba

Je ne t’écris pas cette lettre pour avoir de tes nouvelles ou/et t’en donner des miens, car les nouvelles de chez toi sont sur tous les médias.

Malheureusement. Je sais que physiquement tu vas bien mais que mentalement tu es comme écorché vif. Tu souffres pour ton pays. Pour ton euple. Que tu pleures chaque mort. Mais continue à te battre. Tu le fais bien. Tous les jours. Chaque instant.

Baba, je t’écris cette lettre pour te dire tout mon ressentir. J’ai eu mal moi aussi. Mal de voir un pays se déchirer comme ça. Mal, parce que je suis africaine, mal parce que je suis malienne et malheureusement j’ai vécu quelque chose comme ça il y a deux ans et j’ai encore mal de voir la manière légère dont les politiciens sont en train de manipuler mon peuple.  Mal de voir le cercle infernal du parti-état reprendre, de voir qu’il n’y a pas de dialogue inter-ethnique alors que la fracture a été considérable.

Le problème de Kidal qui échappe à l’état central malien n’est que la partie visible de l’Iceberg. Les Touaregs te diront ce qu’il en est si jamais tu en rencontres. Ceux des camps de réfugiés te raconteront certainement cette histoire qui est devenue presque une rengaine, du peuple martyre désireux d’indépendance, victime des assauts des militaires maliens, oubliant les parties de l’histoire où ils s’en prenaient aux populations noires qui sont beaucoup plus nombreux, mais pacifiques, des militaires maliens égorgés – y compris ceux de leur ethnie-, de leur projet de société qui programmait l’extermination simple des noirs pour la création d’un état « blanc » avec les arabes ( une autre minorité). Ils ne te diront pas le nombre de viols qu’ils ont pu commettre sur les filles des songhoï, peulh, Bambara, avant de rentrer dans l’habit du refugié qui craint la vengeance et chante le mirage Azawad, une guitare sur l’épaule.

Et pourtant il nous faudra passer le savon sur tout cela.  Accepter de repartir avec ces mêmes touaregs et arabes. Nous n’abandonnerons pas nos maisons pour eux, disaient les vieilles personnes à Tombouctou. Je les comprends. On ne peut que pardonner  et continuer à vivre ensemble, même si on ne peut oublier.

Pour construire la paix, il faudrait que la guerre finisse.

C’est dans l’esprit des hommes que les guerres naissent et c’est dans l’esprit des hommes que doivent être érigés les défenses de la paix dit l’UNESCO, J’espère la paix. Pour nous tous. Malgré tout !

Comme la Centrafrique, le Mali s’est retrouvé sous une sorte de tutelle après le coup d’état des hommes de troupes qui ont profité du pouvoir pour rattraper leur retard sur le plan social et financier, plongeant le Mali dans un cercle infernal avec des évènements de tout genre : cela va du pillage des bureaux de la douanes à une bastonnade – quelle honte !- du président par intérim, Dioncounda Traoré.

Je me rappelle si bien de cet épisode…

Pour la première fois, j’ai eu honte d’être malienne. Honte de partager la même nationalité que ces barbares. Mais bon, ils étaient manipulés par les mêmes hommes politiques qui animent les débats au Mali depuis la naissance de notre pseudo-démocratie née des évènements de mars 1991. Une tristesse immense l’a accompagnée. Comme la Centrafrique, Ils ont tenté de diviser en utilisant aussi bien la religion que l’ethnocentrisme. J’ai vraiment eu peur pendant la campagne électorale, c’était le candidat venant du nord – Soumaïla Cissé – contre celui du Sud – IBK- des consignes de votes ont été donné depuis les mosquées. Accepter les résultats des élections malgré toutes les preuves de bourrages d’urne de la part de Soumaïla Cissé a sauvé le Mali d’une autre guerre. Heureusement Dieu veillait au grain.

Oui Dieu,  je ne dis ni Allah – je suis musulmane- ni Jésus… je n’utiliserai aucun nom. Je ne veux pas de cette différenciation qui  arrive à se frayer un chemin dans le cœur de la population et se transforme facilement en haine de l’autre. Non, ne pas avoir la même religion ne peut être un motif de crimes.

Je partage tous tes messages sur les réseaux sociaux. Je perçois ton cri du cœur pour tes compatriotes, pour nous tous. Comment faire comprendre à ces personnes- en sont-elles réellement ?- Ces gens, d’arrêter ce massacre d’innocents basés sur ce critère : musulman donc séléka, chrétien donc anti-balaka.

Je t’assure que j’ai senti cette même impuissance, cette soirée de Tabaski, à Tombouctou, quand je regardais, cet animal, Mohamed Mossa de son nom, fouetter cette fillette parce qu’elle portait mal leur voile islamique puis l’enfermer dans l’étroite cabine d’un distributeur automatique. Je ne sais pas ce que tu ressentais en voyant  celui qui est désormais ex-président et chef de la dite ex-rébellion, celui par lequel le malheur s’est abattu sur ton pays, mais moi je ne supportais pas le chef de la junte qui avait ‘’ tout organisé’’ –pour parler comme Jean-Miché Kankan, sans aucun pince-rire-

Grace à lui, au baillage médiatique que lui réservait « cette télé nationale », à cet aveuglement de certains de mes compatriotes qui s’efforçaient en lui un héros, créant des fan’s club, allant jusqu’à lui apprêter des pouvoirs mystiques à cause de ce bâtonnet qu’il trimballait – comme Yaya Djamé et que je lui aurais bien pris pour lui donner des coups sur la nuque !- et faisait la pluie et le beau-temps à Bamako. Pauvre peuple analphabète.

Baba, cette lettre juste pour te dire courage. Pour te dire que le jour finira par se lever pour ton pays, comme c’est arrivé pour le mien.  En tout cas nous voyons les premières lueurs du soleil…

Je souhaite pour ton pays de trouver un homme ou pourquoi pas une femme ? qui saura le sortir de ce gouffre. Je crois que la solution ne pourra venir que des centrafricains eux-mêmes, du dialogue et de la réconciliation des hommes. Les interventions qui nous ont permis de sortir de l’occupation, française, tchadienne et africaine en générale, sont venues plonger ton pays dans une violence sans précédent.

Mon Dieu.

Baba courage. Continue sur ta lancée, aucune action, aucun message, aucun billet de ton blog ne sera de trop.

 


La démocratie est-elle faite pour l’Afrique?

Le serment du jeu de Paume de David, symbole du pouvoir démocratique. Crédit : la-philosophie.com

D’Europe en Afrique, le mot démocratie change de sens, la stabilité  semble bien difficile à atteindre pour les Africains…

La formule magique de l’alternance, de combat politique dans une arène des idées  ne marche pas sur le vieux contient, sans oublier Madagascar, bien sûr !

Le Mali ? Secoué chaque décennie par des mouvements rebelles indépendantistes arabo-touaregs.

Le Niger ? D’incessants coups d’Etat qui se veulent républicains.

Le Burkina Faso ? Dirigé de main de maître – pour ne pas dire de fer- par un Blaise Compaoré  qui depuis son coup d ‘Etat contre « le révolutionnaire Sankara », a transformé la présidence en un trône qu’il ne quitterait pas d’aussitôt, foi de sénateur!

La Côte d’Ivoire ? Longtemps stable, un coup d’Etat –encore un autre- fait tout basculer et une guerre a failli la partitionner, n’eut été l’intervention de la France-encore une autre !-

Soudan ? Son président, Oumar El-Bechir est inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, mais reste soutenu par ses confrères présidents.

Le Togo ? Le fils d’Eyadema, fort Faure, s’est tranquillement installé au pouvoir après le décès de son président de père.

C’est à en croire que les partis d’oppositions africains ne peuvent pas gagner d’élections à la régulière. Et pourtant si, pourront dire certains : Wade l’a fait au Sénégal. Mais malheureusement, ce même Wade s’est sérieusement accroché au pouvoir. Aussi. Comme les autres. Heureusement que le peuple a compris qu’il avait le pouvoir de le faire partir par les urnes.

La liste pourrait bien continuer : Gambie, Cameroun, Kenya, la République démocratique du Congo, l’autre Congo, la République centrafricaine.

Il y a l’Afrique du Nord, qui connut un printemps qui emporta plusieurs ténors Kadhafi, Ben Ali… et laissa ces pays dans une instabilité inquiétante.

 


Sébénikoro, quartier présidentiel mais malfamé de Bamako

Le nom vient d’un petit arbre, quand on traduit du Bambara cela donne sous  le petit « Sébé »(palmier).

ici-gît le centre secondaire de la mairie du quartiercredit photo: Faty
ici-gît le centre secondaire de la mairie du quartier
credit photo: Faty

Un quartier bien bizarre ?

Non, quartier juste pauvre  qui avait une mauvaise  réputation.  celui de porter malheur sur ses habitants.

route rouge et poussiereusecredit photo: Faty
route rouge et poussiereuse
credit photo: Faty

Le limite du territoire (maléfique ?) semble être la rivière du Woyowayanko, qui le sépare de Lafiabougou (lui, quartier du bonheur en bambara). Les autres bamakois (car les habitants de Sébénikoro semblent l’ignorer) vous trouveront des centaines de cas de personnes qui ont été frappés de malheur après avoir déménagé à Sébénikoro :

-Employé prometteur qui se retrouve au chômage juste au moment où il commençait à s’en sortir – personne ne pense au fait qu’il détournait des fonds de la compagnie ou s’adonnait à une quelconque affaire louche découverte par la direction qui lui valut un licenciement immédiat-,

-Grand commerçant dont le fonds de commerce fondit comme peau de chagrin –problème de gestion ?-

– Fonctionnaire de l’état perdant son poste ou stagnant au même poste.

un enfant rampant dans la rue credit photo: Faty
un enfant rampant dans la rue credit photo: Faty

Pourtant, Sébénikoro a le mérite de rendre heureux tous ceux qui sont à la recherche d’une progéniture. Des cas miraculeux de grossesses y auraient été aussi répertoriés. Mais cela n’empêche point à ceux qui y possèdent des parcelles de les construire et de s’y installer – heureusement !- avant ils les bradaient. Un étranger serait étonné de voir des véritables ranchs comme il n’y en a nulle part encore à Bamako. On s’en demanderait si le quartier a été loti. Si.

Mais je ne vous cache pas qu’il y a 5ans, un rapport a été fait entre les difficultés du plus populaires des habitants du quartier (IBK) à se faire élire à la députation et la renommée du quartier. C’est également le cas pour ce grand nombre de ministres d’ATT qui s’y étaient installés avec leurs familles : maintenant on ne voit même pas la poussière que soulève leur pas dans la débandade consécutive au coup d’état du 22 mars 2012.-oh capitaine général ! ».

Ce n’est pas un quartier pour les « famas », les riches, les aisés. Seuls les pauvres doivent ou peuvent résider à Sébénikoro, simplement parce qu’il est insalubre et semble être oublié par son maire une  fois passée la campagne électorale.  Dans les rues ruissellent les eaux usagées des ménages.  Beaucoup s’y lèvent une fois la nuit noire pour y déverser  les eaux des latrines –si nous pouvons les appeler ainsi-. Pas de poubelles. Les femmes y ont beaucoup d’enfants.

Un lycée qui porte le nom d’un sénégalais : Mamadou M’bodj. Le marché ? À ne pas visiter en saison de pluies. Même les terrains de foot du quartier sont rouges, rocailleux.  Mais cela rassurez-vous, cela n’est pas dû à la pauvreté mais juste à la géologie. Sébénikoro est limité par une colline au nord. J’ai bien aimé une place. Elle est bien symbolique. Juste à l’angle du marché du secteur 7. A quelques mètres de la grande véranda qui accueille la mairie. Il s’agit juste d’un hagard, pas grand. Avec « place des personnes âgées » écrit en bleu. Des vieillards  maigres et émaciés y sont toujours à discuter de politique, MNLA, Armée, Kati, IBK, France, même la Guinée (beaucoup d’entre eux sont originaires de ce pays frère dont les frontières ne sont pas très éloignées). Certains tiennent des journaux en main. Chacun y a raison.

Emprunter une Sotrama (transport en commun de Bamako) achèverait de vous convaincre. Des femmes, affublées de grandes bassines, pleines de marchandises qu’elles partent vendre au marché de Djikoroni-Para ou au rail-da : des arachides, du poisson fumé, des œufs , du cola, des jumeaux. NON, je ne me suis point  trompée, vous avez bien lu, des jumeaux, car les habitants du quartier savent tirer des bénéfices de leur malheur. Le taux de natalité est haut, sur, mais celui des grossesses gémellaires doit le suivre car ici les jumeaux abondent. Les mères les amènent au centre-ville pour mendier – sujet d’un autre billet en gestation-

Sébénikoro, Novembre 2013.credit photo: faty
Sébénikoro, Novembre 2013.
credit photo: faty

On ne dirait pas que le président du Mali réside dans ce ghetto. Seul le tronçon de bitume qui relie le quartier à Djikoroni-Para et se prolonge vers la guinée a un aspect présidentiel. Il est grand. Neuf. Entretenue ? Si on veut prendre pour un entretien la disparition des gendarmes-couchés (ralentisseurs) du trajet jusqu’au niveau de la maison du président. Mais certainement qu’ils –les gendarmes-couchés- ralentissaient le convoi présidentiel quand il s’envole vers Koulouba – colline qui abrite le palais présidentiel-. Du coup, la sécurité des  pauvres habitants du quartier en a perdu de son importance. La vie s’y arrête presque à chaque passage de ces voitures aux vitrines teintées qui ont une allure d’enfer – puis-je me permettre d’avancer car je doute fort qu’il y ait président, motard, protocole ou même bitume en enfer- En plus je ne crois pas que ce grand déploiement de policiers et autres agents de jour comme de nuit plaise aux bandits qui chériraient Sébénikoro. Mais bon ! Ils n’y peuvent rien.

« C’est l’œil qui voit son malheur qui le filtre » dit un proverbe Djerma.


Sira Diop, toute une vie d’engagement #5

Il y a exactement une semaine (le dimanche 17 novembre dernier) le Mali perdait  un monument de la lutte pour les droits et la liberté des femmes : Sira Diop.  

 

Une vie consacrée aux droits de la femme malienne credit photo: Malijet.com
Une vie consacrée aux droits de la femme credit photo: Malijet.com

Ce billet rend hommage à une dame qui a pu faire de sa vie un exemple pour chaque malienne….

Née Sakiliba Sissoko, Madame Diop est native de la ville de Ségou – fief des Bambaras- bien qu’elle soit de l’ethnie Kassonké -plutôt basée dans la région de Kayes- est une sortante de l’école des institutrices de Rufisque. Le rang de première lui va comme un gant et a contribué à faire son renom.  En effet, Tanti Sira – tout le monde l’appelle ainsi au Mali- fut la première bachelière du Mali, La première lauréate du concours des inspecteurs d’enseignement primaire en 1961, mais aussi la première directrice malienne du prestigieux lycée des jeunes filles de Bamako qu’elle dirigea de main de maitre – sinon de maitresse car elle était une enseignante hors-pair-.

La quinquagénaire était  de cette classe de femmes africaines des indépendances qui décidèrent de jouer un rôle dans le développement  des jeunes états naissants en  mettant sur pieds des organisations féminines non seulement au niveau national mais aussi africain. Comme la guinéenne Jeanne Martin Cissé, Tanti Sira Diop n’a pas ménagé ses efforts pour les droits des femmes africaines en poussant les femmes à s’organiser pour militer dans des associations  féminines mais aussi dans les syndicats et les organisations non-gouvernementales. Elle a été membre fondatrice de l’Intersyndicale des femmes travailleuses du Soudan, présidente de l’union des femmes travailleuses du Soudan –UFS-(ancien nom du Mali), présidente du congrès  constitutif de l’union des femmes de l’Afrique de l’Ouest (UFAO).

Ainsi, la popularité et le respect pour Sira Diop sont le résultat d’une vie entière consacrée à l’émancipation de la femme. Le féminisme pour elle ne se résume pas à voir en homme l’ennemi usurpateur  des droits de la femme, mais elle était plutôt adepte de la complémentarité,  pensant  que l’éducation de la jeune fille était le meilleur des moyens pour lutter pour l’égalité.

« Ce n’est pas une lutte contre les hommes. Ici, c’est la promotion des femmes » disait-elle avec sa sagesse légendaire.  Donc je –et vous certainement- comprends aisément qu’elle ait  milité pour la promulgation du code la famille qui a fait tant de remous au Mali en faisant vaciller le pouvoir d’ATT qui le renvoya en relecture à l’Assemblée nationale – je me demande ce que les députés en ont fait sous la menace des talibans de Bamako-. Beaucoup de maliens ne  partageaient pas son point de vue sur le sujet en 2009. Par ce code, elle touchait enfin aux buts fixés depuis  1950. Les femmes peuvent  enfin échapper aux poids et à l’injustice de certaines  traditions.

Bien que musulmane, elle a dénoncé l’islam fondamentaliste qui est en train d’envahir le Mali « Le Mali n’est pas une république islamique ! Je suis pour l’adoption de ce code, qui va permettre à toutes les communautés de se trouver sous une loi commune » disait-elle au journal du Mali en 2007 lors d’une interview sur ce même code de la famille.

C’était une dame de fer qui jouait sur plusieurs tableaux, accumulant les fonctions et provoquant l’admiration de la jeunesse qui jouissait toujours de ses conseils et de son expérience. Toutes les occasions étaient bonnes pour elle pour aider, orienter, soutenir, aimer, donner….

Un  CV riche, une notoriété qui dépassait les frontières de son pays natal, toute une vie de lutte, de partage.

Celle qui a été surnommé « le fleuve intarissable »  -badjiba djabali en bambara- par la réalisatrice malienne Fatoumata Coulibaly est partie…

Repose en paix !!!

 


Regards croisés sur l’immigration

Le drame de Lampedusa en a beaucoup interpellé  à travers le monde notamment les mondoblogueuses qui ont ainsi décidé de mettre en commun les expériences et les plumes pour parler de cette « immigration » sur plusieurs angles, vu de leurs pays :  avec Marine Fargetton , bloggeuse dessinatrice et Pascaline de France, Faty du Mali (pas Fatou la malienne, ce film que je n’ai pas aimé du tout !) et Danielle Ibohn et Josiane Kouagheu pour le Cameroun.

  1. Marine Forgetton illustre toute la batterie d’émotions qu’éprouvent les parents des immigrés

 

l'immigration vu d'Afrique
l’immigration vu d’Afrique

2. L’immigration ne serait-elle pas une histoire sans fin ? question introductive de Pascaline Breuil, mondoblogueuse de la 2ème  saison qui était , ancienne expatriée en Egypte.

Telle est ma question lorsque je regarde mon pays, et ma ville, Marseille dont on dit un temps qu’elle fût porte de l’Afrique, construite par l’immigration. La porte semble aujourd’hui fermée, ou à sens unique. Et comment peut-on, dans ce contexte, imaginer une mer Méditerranée qui serait « notre mer » (mare nostrum) à tous ? Une mère est-elle capable de laisser mourir ses enfants ?…

Du côté de cette mer où je vis désormais, l’immigration, c’est l’immigration choisie dont parle Fatou Diome, dans son livre Celles qui attendent (Flammarion, 2010) :

«Qui choisit ? Comment ? Et pourquoi faire ? Répondre à ces questions […] c’est jeter une lumière crue sur les rapports Nord /Sud de notre époque. »

Mon expérience de l’immigration, c’est cette mère de famille malade et menacée d’expulsion que j’ai rencontré . Il y a deux ans de cela. Un groupe de soutien s’était  formé, épaulé par le Réseau Education Sans Frontière, qui se bat pour la régularisation des enfants sans papiers scolarisés et de leurs familles, et qui lutte contre les lois « injustes et intolérables ».

L’immigration pour moi, c’est aussi cette étudiante chinoise, que j’ai connue quelques temps plus tard. Elle venait d’obtenir son diplôme mais continuait de s’inscrire à l’université pour pouvoir rester en France, travailler pour une entreprise dans un stage qui n’avait que le nom et le «tarif». Elle vivait à Paris mais avait fait sa demande de renouvellement à Marseille car les délais d’attente étaient moins long et son dernier visa d’étude allait expirer. C’était à l’époque où le changement de statut entre visa étudiant et visa de travail avait été rendu plus difficile par la circulaire Guéant, du nom du ministre de l’intérieur de cette époque peu glorieuse.

L’immigration pour moi, c’est aussi cette homme arménien, qui au travail m’avait appelé paniqué car on lui demandait 200 euros de timbres fiscaux pour renouveler sa carte de séjour. « Vous devez faire erreur sur la somme monsieur ce n’est pas possible !» lui avais-je répondue, naïvement, avant de constater que c’était effectivement la somme demandée pour une demande de carte de séjour de 10 ans et de me raviser.

L’immigration pour moi, c’est enfin cette amie d’origine algérienne, pourtant française à qui l’on demande régulièrement d’où elle vient, comme si elle descendait de l’avion à chaque instant. C’est cette autre amie américaine, pourtant sans statut et donc sans droit de travail en France, car un jour il y a 7 ans lorsqu’elle a déposé son dossier de demande de visa, elle a été mal orientée et son dossier « égaré » ne peut aujourd’hui rien prouver sur cette demande et sur son séjour ici depuis cette date. Mes exemples sont si nombreux. Car l’immigration ce n’est pas ma vie et ce n’est pas mon expérience, pourtant c’est celle de mes proches, mes copains, mes voisins aussi. Comment pourrais-je ne pas m’y intéresser ?

L’immigration à Marseille, je la croise tous les jours dans mon immeuble, qu’elle soit de première, deuxième ou troisième génération. Qu’elle soit ici pour étudier ou pour travailler. Qu’elle soit  algérienne, tunisienne, comorienne ou encore camerounaise. Elle a plusieurs visages et recouvre de multiples réalités. La cohabitation n’est pas toujours facile ; ainsi j’entends parfois au détour d’un couloir que ce sont les nouveaux arrivés qui profitent des aides sociales et ne veulent pas travailler. Les comparaisons faciles : « ma mère est algérienne, pourtant elle a toujours travaillé quand nous étions petits ». Alors quand je dit qu’il ne faut pas généraliser, que la réalité est bien plus compliquée que cela, on me répond que je suis jeune et naïve.

Pourtant, ce que nous avons en commun, ma voisine et moi, c’est justement cette jeunesse de moins en moins naïve quant-à notre réalité, et la précarité de notre situation.

« Blanche neige » et « Shéhérazade » ont toutes deux troquées leur palais contre un logement social.

Alors si moi aussi je pensais à émigrer…  où l’herbe serait plus verte et l’économie plus florissante pour rêver de meilleurs lendemain… qui viendrait me le reprocher ?….

3. Faty, le  Mali et l’immigration

Les statistiques  sur l’immigration  au Mali peuvent paraitre déroutantes mais elles sont loin d’être exhaustives si nous tenons compte de cette immigration clandestine qui déverse, chaque jour des nouveaux candidats au départ,  en Europe.

Au début, les maliens partaient plutôt vers la cote d’ivoire, le Ghana, le Gabon… les pays africains plus développés qui offraient une meilleure alternative que la migration des ruraux vers les centres urbains. Le gain est beaucoup plus important, même  s’il faut mettre plusieurs années pour revenir – si jamais retour il y a !-

C’est avec la participation  des « tirailleurs sénégalais » – qui n’étaient pas que des sénégalais-  aux guerres mondiales que les frontières du monde se sont ouverts aux maliens. Ils découvrent un monde grand et les devises étrangères – qui donne tellement de francs maliens une fois convertis-, notamment  le dollar, le franc français, les monnaies des pays arabes et c’est parti pour une ruée vers l’or.

Une ruée bien légitime quand on se permet de jeter un coup d’œil sur les indices de développement du pays qui n’arrive pas à  prendre son envol malgré les efforts– si minces qu’ils en sont devenus invisibles- de l’armée qui s’est installé au pouvoir après avoir mis, Modibo Keita , son panafricanisme et ses idées teintées – d’autres diront noircies- de socialisme rêveur, au cagot.

Beaucoup de maliens sont partis vers d’autres cieux d’autres cieux et une culture de l’immigré est même née dans certaine ethnie comme les Sarakolés (également appelés markas au Mali qui ont une prédilection pour les USA, l’Europe), les Songhoïs  (Niger, cote d’ivoire, Ghana)… Ces départs vers l’eldorado saignent des zones entières du Mali. La région de Kayes en est l’exemple palpant : toutes la société est axée autour de cette immigration qui la dépouille de ses bras valides, mais heureusement que les partants gardent un lien fort avec leurs familles qu’ils continuent à entretenir par des envois d’argent incessants.

Ces immigrés gardent un lien fort avec racines et ils reviennent d’habitude prendre femme au village. Des femmes dont la vie est peu enviable. Peut-on être heureuse de construire toute une vie autour d’envois d’argent et de coup de fil ?

Certaines femmes ne voient « les élus de leur cœur » (si nous nous permettions d’effacer de nos mémoires les rôles joués par les familles dans ces mariages arrangés où des femmes n’ont aucun mot à placé.) que par intermittence, le temps d’une visite quand ils arrivent à se faire régulariser, sinon la séparation peut durer plusieurs années. Cela n’empêche point à certains de ces immigrés de se marier à plusieurs femmes au pays et d’en avoir une dans le pays d’accueil (c’est le cas de ceux, évolués –je veux dire instruits, je ne fais jamais dans le racisme moi !-qui ont compris qu’ils pouvaient avoir des papiers plus facilement en s’entichant au mieux avec une africaine régularisée, au pire avec « une blanche »). Sinon, les Sarakolés – qu’ils ne le prennent pas mal- peuvent rester en France longtemps en vivant au foyer et en économisant tout ce qu’ils gagnent pour envoyer à  père, mère, femmes, frères, sœurs restés au Mali, ne pensant au bonheur qu’ils éprouveront pendant les séjours au pays.  Ils trouvent bien parfois les femmes mères de plusieurs enfants, qui bizarrement leur ressemblent mais ne disent mot.  Je me rappelle de ce gag que j’ai entendu à la radio :

Un jeune Sarakolé qui appelle son père pour se révolter «  mais papa comment pourrais-je être le père de cet enfant, je n’ai jamais vu ma femme ? » et au père de lui répondre : «  mon fils, quand tu naissais, je ne connaissais pas ta mère aussi ! » alors envoi l’argent du mouton et tais-toi.

Ils Acceptent avec humilité la situation et repartent le cœur plein de souvenirs qui leur permettront de tenir face aux durs hivers et travail qui les attendent quand ce n’est pas le racisme.

Oui, le racisme est l’un des problèmes que rencontrent les immigrés. Il est partout présent de Paris à Los Angeles en passant par tripoli ou Rabat.  Ce n’est pas facile d’être noir  dans un pays où la majorité des habitants sont plutôt pales de teint. Serge Katembera a bien eu un coup de gueule face à l’assassinat d’un jeune congolais au Brésil en envoyant une émouvante lettre à la présidente à Dilma Rousseff, mais Mamady Keita aussi parle de ce racisme si présent en Ukraine, Limoune en Tunisie,  Jean-Michel Hauteville en France, Salma Amadore au Cameroun, Boubacar Sangaré du Mali… et aussi ces jeunes maliens qui ont traversé le désert pour l’Algérie frontalière du Mali en ayant d’abord opté pour une immigration clandestine vers l’Europe par les eaux tueuses de l’océan avant de trouver du travail plutôt bien rémunéré –quand ils comparent au Mali où ils n’avaient rien- et d’y rester.

Ils sont au nombre de 6 et ont emprunté le même car que moi, pour Bamako. Ils sont venus d’Algérie par Tamanrasset (ville frontalière algérienne). Ils sont emplis d’amertumes. Ils ne savent pas que j’ai déjà commencé la rédaction de ma contribution à ce billet commun. La ligne de mon article en a été transformée car je me voyais juste surveiller le racisme.

« Ces souraka (arabes) ne sont pas des humains, non, en fait c’est nous qui ne sommes pas des humains pour eux. Ils  prennent les noirs pour des ânes. Pas parce qu’ils pensent que nous ne sommes pas intelligents (même cette hypothèse aussi est possible) mais surtout parce que nous eux, nous sommes des animaux qui ont la peau très dur et endurent tout. Quand ils te donnent un travail qu’un homme normal fait en 3h, ils veulent que tu le fasses en 1h et les voilà qui te crient dessus  « yalla !yalla ! ». »  Me confie celui qui a été un voisin si serviable pendant les 30 h qu’ont duré notre voyage de 1200 Km entre Gao et Bamako, Moussa.

Voyant l’un d’entre eux trainer la patte –je veux dire le pied, oubliez le bourricot !- je me suis empressée de lui demandé si c’était parce que son pantalon – Adidas, s’il vous plait – tombait trop  et laissait voir un caleçon d’une couleur orangée.

–          non, grande sœur – ce nom me colle presque à la peau- ce sont les arabes qui nous ont bastonnés là-bas

–          pourquoi ?

–           oh juste parce qu’ils ne nous aiment pas et n’acceptent pas que nous puissions gagner de l’argent chez eux, pourtant eux préfèrent ne pas travailler et  crier contre leur gouvernement.  Ils sont entrés dans notre dortoir la nuit vers 2h du matin pour nous battre et prendre tout ce que nous avions. Beaucoup ont fini à l’hôpital, nous avons choisi de revenir au Mali avec ce que nous avions caché ailleurs. Sinon ils nous ont tout pris, télé, téléphone, vêtements de marque…

–          Vous êtes rentré sans problème ?

–          Non, cela décourage de voir la conduite des hommes de tenue sur les route au Mali, de l’Algérie à ici, j’ai pratiquement perdu tout ce qui me restait. il faut arranger tous les postes. J’ai une télé écran- plat que j’ai eu envie de jeter dans le désert tellement ils m’ont fatigués. Si je savais j’allais garder l’argent pour l’acheter au Mali.

–          Tu y retourneras ?

–          Oui dès que ça se calme. Je vais prendre le temps de manger -dépenser- ce que j’ai-

–          Malgré tout ca ?pourquoi ?

–          Parce que je n’ai pas étudié et que je ne trouverai pas de travail aussi bien payé que là-bas à Bamako. Je n’ai pas de choix, sauf si je fais comme les amis, je me contente des miettes que mes frères me donneront et que passerai mon temps à faire du thé devant notre concession. Je n’ai pas le choix ! IL faut que je reparte.

Comme ce jeune Abdoul, beaucoup de jeunes maliens se retrouvent sur les routes de l’immigration clandestine pour échapper au chômage, par fierté. Chaque jour. Combien meurent dans le désert du Niger en cherchant à rejoindre la Lybie, l’Algérie ou la Tunisie ?

4.  « Douala, cet autre eldorado » par Josiane Kouagheu

Deux chèvres broutent. Un coq picore. Une poule, accompagnée de ses poussins, va à la quête des graines à picorer. Des oiseaux gazouillent. Je regarde tout ce spectacle de la gare routière de mon village. De ce qui tient lieu de gare ici. Un banc couvert de poussière, deux régimes de plantains, juste à côté. Mais ce qui m’intéressait n’était pas ce spectacle. C’était ce que je lisais dans le regard de ces jeunes qui nous observaient. Ils savaient que nous allions à Douala. Ils étaient venus nous dire au revoir. Comme toujours, ils étaient surtout venus nous entendre leur raconter nos derniers souvenirs.

Douala, cette belle ville, pensaient-ils. Pour eux, j’allais où il y avait de l’avenir. Chacun d’eux rêvait de Douala comme nous, habitants de Douala, rêvions de découvrir Paris, New-York, Berlin, Rome, Londres, Barcelone… Leurs regards sont pleins d’étoiles. Pour eux, Douala était où ils pouvaient avoir un bon boulot, un peu d’argent, une vie en rose quoi. Au village, le jeune cultivateurs « Man », par exemple, allait au champ le matin, buvait du vin de palme le soir avec ses amis au club « matango », cet espèce de bar villageois. Il regardait la télévision de temps en temps chez le grand boutiquier du village. « Monotone, moche… cette vie », disait-il dans son cœur. Il n’y avait même pas d’électricité par ici.

Et Douala devenait leur eldorado

Je l’ai lu dans leurs regards. Lors de nos discussions, ils m’observaient toujours, comme si j’étais une certaine « idole », un peu comme nous, devant les « mbenguistes », ces camerounais qui vivent en occident. Je viens de Douala, voilà ce qui les intéresse. Je peux les aider à y arriver. Ils me disent alors qu’à Douala, ils trouveront un emploi, n’importe lequel. Ils pourront tout faire. Ils me disaient avec assurance, qu’il y avait du travail pour tout le monde. Et au fil des années, certains ont réalisé ce rêve.

Ils sont arrivés à Douala. Plusieurs sont devenus des voleurs. Ils ont été tués dans « leur » Douala. D’autres sont des enfants de la rue, des prostituées. Certains ont réussis. Mais au finish, la majorité a su que Douala n’était pas cet eldorado dont ils rêvaient. Ils ont déserté leur village, cet espace plein de terres vierges, qui appellent des cultures. On peut le transformer en richesse. Mais, Douala attire. Douala, c’est leur eldorado.

Entre l’exode rural et l’immigration, le Cameroun perd ses fils

5. Danielle Cynthe Ibohn ou l’immigration culturelle

Je suis censée écrire sur l’immigration depuis une semaine. Mes copines mondoblogueuses étions biaisées par ce qui se passaient à Lampedusa. Alors nous décidâmes d’en faire un billet. Ceux qui partent et ceux qui restent. Je vais être sincère. Mon point de vue sur ce thème ne sera pas objectif. Je suis issue d’une tribu qu’on appelle les « Sawa » au Cameroun. Nous sommes le peuple de l’eau. Nous y vivons, nous nous nourrissons. Chez nous, l’ascension sociale se définit par le nombre d’immigration que fait votre famille en Europe. Je suis sûre que si vous recensez le canton « sawa » 70 % ont immigré et 30% restant cherche à y aller. Alors lorsqu’on parle d’immigration, je ne sais pas comment trop réagir.  Cependant, une chose mets tout le monde d’accord ; C’est une question culturelle l’immigration. Si pour bon nombre, elle est liée à des difficultés financières. Chez nous, ça n’y est pas forcément. Le fait d’y être est un exploit, une ascension dans la société « sawa »

Je parlerais  comme une anthropologue en immersion dont le sens de l’objectif ne peut être présent car en immersion depuis 25 ans. Pendant des années, une jeune sawa peut économiser juste pour avoir son ticket pour « mbeng » la plupart du temps, la famille ne sait ce qui se passe là-bas. Mais une chose doit être certaine. Il faut au moins un Western union par mois. Aucune fête de fin d’années ne se passe sans eux. J’aime ma tribu, mais bon. Je ne comprends cet engouement pou l’Europe. Ce n’est pas impossible pour eux de braver Lampedusa. Mais ça c’est tabou. Comment on y va, comment on y vit. Tout ce qui compte c’est l’apparence. L’arrivée est majorée par un coup de fil dont on informe le voisinage à tue tête en y répondant. Plus moderne, aujourd’hui il se traduit par les réseaux sociaux et facebook où sont affichées les photos de l’arrivée.

Na mala o Franci , j’irai  en France

Na mala o Europa, j’irai  en Europe

J’épouserai  un blanc et j’aurai  des métis

Qui sait ? Ils disent tous que c’est dans nos gènes l’immigration

Allez Son’aponda !

 

 

 

 

 

 

 

 


L’hommage de Mondoblogueurs à Ghislaine et Claude

Ghilaine et Claude à Kidal en mai 2013
Ghislaine Dupont et Claude Verlon à Kidal en mai 2013

Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journaliste et technicien chevronnés de Radio France Internationale ont été assassinés après leur enlèvement dans la ville de Kidal.

Ce billet est un hommage à ces deux journalistes, morts dans l’exercice de leur fonction. Pour la liberté d’expression.

Faty, Mali

La nouvelle de l’assassinat de Ghislaine Dupont  m’a fait l’effet d’une douche froide en hivers. J’en suis restée paralysée. Hagarde. J’essaye de me rappeler le timbre de la voix de celle qui était parmi mes journalistes préférés à RFI. Je n’y arrive pas. Vite la radio.

Quelque chose m’étreint le cœur. Une douleur. Une rage. La colère. Je n’arrête pas de dire « tchrrrrrr ». Je pense : « Cette grande dame ! Pourquoi la tuer sauvagement comme ça ? »

Je ne sais quand j’ai fermé l’œil, mais c’est en écoutant RFI, comme toujours, comme  beaucoup de Maliens, d’Africains…au réveil, la douleur est encore là. Avec du dépit, de l’amertume, du découragement, de l’impuissance. C’est dommage. C’est injuste. C’est tellement sauvage…

Ghislaine et Claude sont morts pour informer.  Quand la peine est là, on ne peut s’empêcher de retourner la situation dans tous les sens. Pourquoi les avoir tués ? Pourquoi eux, à ce moment ? Tellement de journalistes « Blancs » sont partis dans ce Nord malien plein de danger et sont revenus saufs !

Journaliste. Un métier dangereux.  Même les enfants s’en sont rendu compte.

Boukari Ouedraogo , Burkina Faso, témoigne :

Conversation avec ma nièce de 9 ans le samedi 2 novembre 2013

–          Toi tu es journaliste non ?

–          Non,

–          Hiii, ce n’est pas vrai. Je t’ai vu à Canal 3°

–          Ce n’était pas moi

–          C’est toi ! Maman a dit que tu es journaliste. Toi-même tu m’as dit que tu es journaliste. Et puis la dernière fois Irène a entendu              ta voix à la Radio.

–          Donc tu as raison.

–          Papi a dit qu’on a tué des journalistes. C’est vrai ?

–           …

–          La secrétaire de papa est partie. Je vais lui dire de te prendre.

–          Pourquoi ?

–          Tu n’as pas vu qu’on tue les journalistes non ? Donc tu veux mourir ?

–           …

Michel Théra, Mali, pour avoir connu Ghislaine à Bamako n’a pu rien dire. Ni écrire pour l’instant. Il a encore les larmes aux yeux. Il promet un billet pour parler de cette grande dame qui est devenue son ami. «  C’était une si grand journaliste et une si belle voix »

Aurore  Guérin, France, pense à cette citation d’Albert Londres :

« Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie, en mettant dans la balance son crédit, son honneur et sa vie. »

Gaius Kowene, Congo

« Ils pouvaient même exiger une rançon de n’importe quel montant ! Ils pouvaient même exiger des impossibles ! Je sais que François Hollande ferait tout à son pouvoir pour sauver ces deux journalistes ! »

Sinatou Saka, Bénin

« Des voix hors-pairs, du travail de professionnel, des reportages minutieux et des analyses pointues, voilà ce qu’on entend tous les jours sur Radio France Internationale. Nombreux sont les journalistes qui se battent tous les jours pour couvrir cette actualité africaine de façon rigoureuse au point de faire naître des vocations et d’impliquer les citoyen. Comme un poignard, ces islamistes nous ont arraché ceux qui donnent un sens au métier. Ils se sont attaqués à la liberté d’informer. Ghislaine et Claude ne méritaient pas ça! Mais pour eux, nous ne devons pas baisser les bras, bien au contraire, plus que jamais, il faudra terminer ce qu’ils ont commencé et révéler la vérité. Que leurs âmes reposent en paix! »

Thierno Diallo, Guinée

« Apprendre que des journalistes (que l’on avait l’habitude d’entendre) sont assassinés dans l’exercice de leur fonction constitue un coup de tonnerre pouir toute personne éprise d’informations crédibles et impartiales.  Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont morts sur le champ d’honneur. Ils sont tombés pour l’Afrique, nous nous souviendrons d’eux pour leur courage. Je présente mes condoléances les plus attristées aux familles de disparus, à RFI et à tous les professionnels de médias. »

Assaleck Ag TITA, Mali

C’est avec une grande émotion que j’ai appris cette très triste nouvelle. Je vous prie de croire en mon affectueux soutien aux équipes de Rfi, aux familles des disparus en cette douloureuse épreuve. Mes pensées vous accompagnent. Recevez mes plus sincères condoléances.

Nos condoléances à leurs familles, à RFI, à Ziad, Simon, Raphaëlle, Pierrick, Claudy…

Adios, Ghislaine Dupont et Claude Verlon !

 

PS : Canal 3 : télévision privée du Burkina. J’ai été invité pour parler de sport.

 


Ca bouge à Gao

C’est la troisième fois que j’utilise ce titre en faisant cas de la capitale du Mali qui m’avait accueillie pour mon refuge au sud. Ça bouge à Bamako… je me demande combien de fois Baba Mahamat, mondoblogueur – qui bouge autant que moi- centrafricain qui est présentement au Cameroun, mais ayant des attaches au Tchad aussi, m’a répété cette phrase à Dakar, durant la formation de Mondoblog. Rassurez-vous ce n’est pas moi qui fait bouger les choses, je ne suis qu’un témoin d’agitations que je suis avec un calme qui vous étonnerait.

credit photo: mali-web.org
credit photo: mali-web.org

La chance d’être au bon endroit au bon moment ? C’est ce qui m’enivre, dirais-je « ce malienmalin goût pour le danger » qui me fait parfois courir des risques inopinés. Hum… quand on a failli me braquer et me prendre ma moto à 6h du matin à Bamako, je n’en ai pas fait un billet, tellement j’ai eu peur ! Aphtal en sait quelque chose…

Quand je pus enfin m’attabler pour écrire le billet, un calme reposant et un vent frais souffle sur la cité des Askia, Gao. On entend qu’un hélicoptère français voler bas dans la nuit. Cela inquièterait qui n’y est pas habitué, mais nous sommes à Gao. La ville de jeunes ‘’qui ont résisté’’ à des soi-disant « moudjahidines ».

La manifestation la plus violente à laquelle j’ai pu assister. Pourtant j’en ai vu, de manif, dans ma vie. Adolescente, déjà, je marchais pour l’USN (union des scolaires du Niger). Les bastonnades de la police et les remontrances des parents ne m’en ont pas dégouté. Etudiante, j’ai marché pour l’AEEM, enseignante, j’ai marché pour mon syndicat…militante à vie

Les groupes pseudo-islamistes ont pu faire la mesure de la témérité de ces jeunes de Gao. Si ceux de Tombouctou se sont contentés d’obéir aux sages de la ville qui leur demandaient de laisser  «  gens partir comme ils sont venus, sans victimes innocentes », ceux de Gao ont choisi le chemin de la résistance. Tous prêts à mourir pour leur liberté et la liberté de leur ville. Avec une certaine fierté tout songhoï. Quand ils disent « Gao ga kaanu ba naarii si » – Gao est bon à vivre, même quand il n’y a pas à manger- c’est avec conviction.

Ils ont parsemé la ville de drapeau du Mali, applaudit quand le MUJAO a débarrassé la vieille ville des hommes malfaisants du MNLA, d’ailleurs certains combattants du MNLA ont été lynchés à Gao. J’ai été dépassée par l’audace des animateurs de radio de la ville qui continuaient à clamer l’appartenance de la ville au Mali et la suprématie des populations noires(les songhoïs, les peulhs, les bellahs, les bozos) dans la région. c’était suicidaire.

Si les songhoïs de Tombouctou sont pacifiques, ceux de Gao, descendants de Sonni Aliber , un grand guerrier, fondateur de l’empire songhoï, sont aussi belliqueux que les touaregs, sinon plus – ce n’est pas un reproche hein !-

Les longs mois d’occupation de la ville ont permis certainement à ces jeunes qui se sont réunis dans un collectif fort actif, décidé à devenir acteur du développement de leur ville mais surtout prêts à se sacrifier pour leurs idéaux. J’avais bien été découragé de « constater la mort idéologique« qui avait envahi les jeunes à Bamako.

Quand je dis « jeunes » le terme réunit tous ces maliens, de 15 à 40 ans aussi bien élèves, étudiants que travailleurs, noyés par le combat difficile de la capitale Bamako. Il s’agit de ces associations – que je soupçonne couvrir autre chose, franc-maçonnerie –de jeunes, diplômés, tous, en vestes et cravates qui apprennent déjà à diriger le Mali quand leurs parents partiront et qui roulent dans des voitures polluantes et climatisées… surtout focalisés sur leur petite vie de bourgeois.

Je parle de ces jeunes élèves et étudiants, fils de malien lambda, qui cherchent à orienter leurs vies en tirant le diable par sa queue, sans bourses – les bourses sont pour les enfants des riches au Mali- manipulés par  une association, AEEM (Association de Elèves et Etudiants du Mali), qui continue à tremper dans les eaux boueuses des partis politiques.

Ces jeunes de Gao, crient ne vouloir qu’une seule chose…le bonheur de leur ville et ils y travaillent par un militantisme qui me réchauffe le cœur… malheureusement mon message les atteindrait difficilement avec les délestages et « la si belle » connexion internet que nous avons à Gao. Bloguer c’est bien, mais il faudrait qu’internet soit vulgarisé pour que le message passe. Plusieurs mois après mon article intitulé « maliens, indignez-vous » je me suis traitée d’un nom d’oiseau en le relisant et en me demandant combien de maliens ont pu lire ce message. Si vous les conditions de vie à Gao, internet est un luxe qui ne vous passe pas par la tête quand vous savez qu’il y a des barbus en embuscade qui ne pensent qu’à expédier des obus sur vos habitats.

Depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Keita à la présidence du Mali, une certaine priorité est donnée à la réconciliation et à la paix au Mali.  Bien sûr, il affirme « intolérable » la situation de Kidal – l’état et les militaires maliens sont cantonnés à la place des rebelles qui se promènent en terres conquises avec armes et guitares-

intolérable. Pourtant des prisonniers de guerre du MNLA ont été libérés, les mandats d’arrêts internationaux contres eux ont été levés, ils se pavanent enturbannés à Bamako, se « rencontrant dans la capitale pour faire une plateforme commune » à négocier à Ouagadougou. Désormais le discours est filtré – est-ce des consignes ?- On est  malien, on ne chante même plus l’Azawad dans les camps de réfugiés, on ne craint plus les représailles et veut rentrer à la maison. C’est  cette fausseté et la continuation des agissements à la « Mali du temps d’ATT » qui a rendu les jeunes de Gao furieux.

C’est unanime à Gao. Les touaregs du MNLA et leurs amis arabes – qui ont jugé prometteur de créer le MIA pour camoufler Anesardine (mouvement islamique de l’Azawad) ont détruit, pillé et violé dans la mesure de leur possibilité à Gao et ce sont eux qui jouissent des égards du gouvernement.

credit photo: maliweb.net
credit photo: maliweb.net

La grogne contre le maire de Gao a été la première chose que j’ai perçue à mon arrivée. Je le tweetais ce matin, mais on croirait que ce monsieur si élégant, n’a pas été élu par suffrage universel. Personne ne l’aime. Pourtant il a fait un grand coup médiatique lors de la reprise de ville par SELVAL. L’adage dit bien sûr que « nul n’est prophète chez lui » mais un maire aussi impopulaire, je n’en avais pas encore rencontré ! La population l’accuse de s’être enrichi sur son dos durant la crise.

La marche –trêve de digressions, car c’est le thème du billet –  réunissait plus d’un millier de jeunes déchainés contre « les agissements de Bamako », contre le maire Sadou H. Diallo, sans oublier le MNLA et autres HCA. Ils sont descendus dans les grandes artères de la ville tôt le matin.

La touche spéciale de cette marche ? Sa violence. Tous les marcheurs semblent si fâchés ! C’est ahurissant.

Ils dénoncent la composition de la délégation locale qui devrait la représenter aux assises du nord à Bamako. Mais je vous assure qu’il y a de quoi devenir rose de colère –malgré le noir prononcé de la peau des songhoïs- ces jeunes n’ont pu comprendre que les dirigeants de leur collectif ne soit pas sur la liste des invités aux assises. Ni les élus des différentes communes, les associations féminines, les associations de défense des droits de l’homme qui ont tous tellement fait pour les habitants de la ville durant la crise. Leur colère a été découplé quand ils ont appris qu’à Kidal, l’avion ouvrait ses portes à toute personne désirante d’assister aux assises. Pas de listes. Alors qu’une liste parallèle a été fournie dans le cas de Gao «  par le maire » selon les marcheurs.

Le gouvernorat de la ville, qui a été dernièrement rénové a connu une véritable pluie de projectiles. Pourtant les représentants des communes qui n’ont pu partir pour Bamako s’y trouvaient.  Les gardes républicains qui ont vu les manifestants avancer armés de bâtons et autres armes blanches n’ont pas essayé de les arrêter, au contraire, c’est en parlant avec eux qu’ils ont pu les convaincre d’arrêter de caillasser le bâtiment gouvernemental et de ne plus abreuver les pneus –censés protéger les bâtiments d’attentat suicide- d’essence et de les bruler.

Revenus à de meilleurs sentiments, grâce aux promesses d’une solution urgente au problème, les manifestants repartaient quand une brigade de la gendarmerie pointa.

Aux cris « on n’a pas peur des gendarmes » les manifestants firent marche arrière pour revenir vers le gouvernorat et se diriger cette fois-ci vers le Tizi – hôtel ? Bar ? Restaurant ? Tout cela à la fois!- appartenant au maire. Là, encore, le feu a servi. La voiture –luxueuse-du maire est partie en fumée. Encore une fois – une première fois c’était en avril 2012 avec l’entrée du MNLA à Gao- les même pilleurs ont fait leur sale besogne.

La gendarmerie a pu les disperser en usant de gaz lacrymogène. La prière d’Asr-16h- ne trouva personne sur les lieux. Les  pneus ont fini leurs combustions.

J’ai scrupuleusement suivi le journal télévisé de l’ORTM (office de radio diffusé et télévision du Mali) pour avoir confirmation de l’acceptation d’une nouvelle délégation de Gao.  Pas un mot sur la manifestation. C’est à en croire que nous ne sommes pas sur la même planète.

Un journal long, animé par une journaliste sérieusement maquillée articulant bien qui semble être convaincu –elle et tout le staff de la rédaction- que l’actualité se résume aux activités du président de la république et des membres du gouvernement.  On a eu des avis de tout genre sur et pendant ces assises : président – qui peut tout négocier sauf l’autonomie ou l’indépendance-, chef de la Minusma, maire – d’ailleurs, j’ai pu entrapercevoir le maire de Gao, toujours aussi élégant-, cinéaste, réfugié…

Un mandat d’arrêt contre l’ami de David Kpelly bombardé général ? Rumeur…

Israël se permet de canarder les troupes d’Assad ? Pas important…

Gérard De Villiers est décédé ? Les maliens ne sont pas de grand lecteurs, une disparition de Son Altesse Sérénissime Malco ne émouvra certainement pas…

Marine Lepen –Zut je ne voulais pas voir ce nom-là, aussi, sur mon blog- crée la polémique en se fustigeant contre la tenue des otages ?

Ils ne sont plus au Mali, cela ne nous regarde plus…

Si l’actualité internationale vous intéresse vous avez intérêt à chercher l’abonnement pour d’autres chaines de télévisions – pas la chaine 2 hein !-

Oh, Mali, nous voulons que cela change !!!


Konna, une ville tristement célèbre du Mali

crédit photo: Faty
Crédit photo : Faty

A la mi-janvier 2013, la ville de Konna faisait la Une des journaux internationaux par l’intervention de l’armée française pour arrêter l’avancée des troupes des fous de Dieu -qui obéissent plutôt à Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique)- ; avec une armée malienne en déconfiture totale et un pouvoir vacillant entre Koulouba et Kati au sud pays.

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Crédit photo : Faty

Les premiers bombardements de l’aviation française ont d’abord été concentrés sur cette petite bourgade qui s’étend le long de la RN16 –RN : route nationale ? Hum… c’est une route que la nation semble avoir oubliée -, les  bâtiments publics de la ville en gardent les stigmates. Konna est une commune de la région de Mopti. Elle « était la frontière du Mali avec le providentiel Azawad » -dixit un militaire malien- pendant l’occupation du Nord. Un point au centre du Mali si vous jetez un coup d’œil à la carte.

 Credit photo: Faty
Crédit photo :  Faty

D’ailleurs, l’occasion est trop belle pour rendre un hommage au premier soldat français Daniel Boiteux qui perdit la vie pour nous, mais aussi à tous les autres Maliens ou pas, morts dans ce conflit qui est des plus complexes –même  si je me tue à vous expliquer le rôle du versatile MNLA qui a détruit les faibles infrastructures dont disposaient les régions du Nord. On en perdrait le nord.

Le Mali l’a fait…ha. Ha. Rire jaune. Car c’est loin d’être drôle quand on pense, ne serait-ce qu’aux pertes matérielles, aux vies humaines qui ont été perdues, aux milliers de personnes qui se sont retrouvées réfugiées dans des pays étrangers si ce n’est au Sud, à ceux qui ont décidé de rester sur place et ont souffert le martyre, ballotés entre les humeurs des djihadistes qui peuvent aider une femme enceinte à rejoindre un centre de santé et couper la main d’un jeune homme pour vol, le même jour.

crédit photo: Faty
Crédit photo : Faty

Le 11 octobre dernier, la pinasse dénommée « Ségou » chavire dans les eaux du fleuve Niger dans les environs de… Konna. Oui encore Konna. La pinasse était en route pour Tombouctou comme moi. Je suis arrivée à Mopti vers les coups de 18 h. Mais souffrant d’une maladie que je n’hésite pas à appeler de l’hydrophobie car quand l’eau dépasse celle d’une bassine, je n’y entre pas. Je me rappelle encore de la première fois que j’ai vu l’océan au Bénin. La fascination ne m’a pas poussée à y tremper les pieds.

Naturellement, et comme d’habitude, je me suis contentée de chercher une place à bord des vieilles dépouilles, essoufflées, de 4X4 qui nous amènent à Tombouctou.  C’est là-bas que j’appris la tragédie de Konna.

Deux femmes, mère et fille, rescapées, cherchaient aussi une voiture pour Tombouctou.

Elles sont toutes deux minces. Leur seule ressemblance ? Peut-être leur minceur. Quarantaine et vingtaine dépassées. Entendant –sans les espionner hein !- leurs conversations avec plusieurs membres de leur famille, je compris que ces femmes ont échappé à la mort. Elles sont tellement agitées.

« – Oui, nous sommes toutes deux saines et sauves, mais nous ne sommes pas sorties ensemble. Rose, ma fille, a été sauvée par un salon- comprenez canapé- qui flottait, moi je ne sais même pas comment je me suis maintenue sur l’eau. Je n’ai jamais su nager.

– C’est Dieu qui nous a aidées  » dit la mère  les yeux embués de larmes.

Ma belle-sœur –encore une, mais je dois vous dire que j’ai trois frères qui sont mariés- mon hôte du moment, m’apprit que nous avons pour voisin, justement le propriétaire de la pinasse qui a bu  la tasse.

Alors que la presse annonçait une vingtaine de victimes, elle m’informa que le bilan était aussi loin de la réalité que l’est « le poisson séché de l’eau ».

Les gérants de la pinasse annoncent avoir inscrit 400  personnes. On annonce que 200 personnes environ ont été sauvées et seulement une vingtaine de corps retrouvés. Où se trouvent les personnes manquantes ?

J’eus le sang glacé. Je connais ces pinasses. Leurs réalités. J’ai eu à les emprunter une seule fois. J’étais en classe terminale et voyageais avec ma sœur pendant les vacances scolaires. Nous quittions Mopti pour Diré (ville de la région de Tombouctou) où l’homme de Markala- l’aîné de mes grand-frères que nous (mes sœurs et moi) avions surnommé ainsi parce qu’il a passé une semaine a annoncer un providentiel voyage pour Markala (ville de la région de Ségou au Mali) qui n’a jamais eu lieu- nous attendais.

Les pinasses  du Mali n’ont plus rien avoir avec les premiers navires qui portaient ce nom vers le XIIe et le XVIIIe siècle. Ce sont de grandes pirogues  de construction traditionnelle, dotées de moteurs pour les propulser. Elles sont d’une rapidité moyenne et à la différence des bateaux de la Comanav (compagnie malienne de navigation)  lents et vieux, car datant des indépendances. Ils ne jettent l’encre que dans les villes principales alors que les pinasses ont l’avantage de faire les marchés des petits villages aux abords du fleuve Niger avec un prix beaucoup plus bas que les bateaux. En plus, ces pinasses ne connaissent pas d’arrêt en décrue comme c’est le cas pour les bateaux.

Les pinasses ont aussi l’avantage, fort douteux, de permettre aux passagers d’emporter un poids hallucinant de bagages à moindres frais. Les chargeurs et convoyeurs  les remplissent de sacs de sucre, mil, riz, sorgho, fonio, haricots, jusqu’à avoir les eaux du fleuve au ras du bord. Les passagers montent  et s’asseyent sur cette cargaison. Le transport est gratuit pour les enfants.

Il y avait tellement d’enfants à bord de cette pinasse dénommée Ségou qui a chaviré à Konna. Des enfants et leurs parents qui cherchaient à rejoindre le Nord libéré. J’ai appris l’histoire de certaines victimes… toutes font couler des larmes.

Il y a celle de cette jeune femme, accompagnée de son mari qui a accouché dans le car qui la ramenait de Bamako. Elle voulait accoucher chez elle comme l’exige la coutume songhaï. Ni elle, ni son bébé venu n’ont échappé. Je n’ai pas eu de nouvelle du mari.

Il y a l’histoire de cette enseignante de Diré qui en train de rejoindre son poste en vue de la rentrée scolaire fixée pour le 21 octobre. Elle était accompagnée de sa filleule . Les deux y sont restées. Celui qui me raconta son histoire me dit que l’enfant était fille unique. Les parents sont à Bamako.

Ou encore celle d’un homme qui y perdit toute sa famille de 8 personnes,femme et enfants.

Heureusement, les bozos –pêcheurs- qui habitent aux rives ont rapidement porté secours et beaucoup de personnes ont pu être sauvées. Celles qui ne se sont pas retrouvées sous la coque de la grande barque surchargée.

J’imagine déjà les questions d’autres, qui n’ont jamais vu ces pinasses maliennes. Mais comment est-ce arrivé ? Pourquoi ? Quand je pense que Edwige Molou dit avoir apprécié sa pinasse’perience.

Il vous suffira de voir la façon dont ces pirogues sont surchargées. C’est à en croire que la brigade fluviale a été créée au Mali juste pour permettre aux agents qui y travaillent de contempler le fleuve après avoir perçu plus que menue monnaie avec les piroguiers quand ils n’enquiquinent pas de pauvres pêcheurs.

En plus, comme des Sotramas – bus verts de Bamako- les pinasses aussi font la course sur le fleuve, se poursuivant en une folle chevauchée sur les eaux. Se rapprochant  dangereusement et ne pensant qu’à être le premier à aborder les côtes de Diré, à avoir les passagers, les commandes des transporteurs.

La surcharge n’existe pas au Mali en réalité. Le nombre de personnes que le véhicule peut transporter dépend du  chauffeur. Il peut en prendre autant qu’il veut. Ce ne sont pas les policiers et autres gendarmes, chargés de faire respecter la loi qui l’y obligeront. Il suffit juste de leur glisser un billet.

Surchargé était le 4X4 qui nous conduisait à Tombouctou. Cela n’a pas posé de problème à la police du poste de sortie de Sévaré. Elle y arriva vers 18 heures en compagnie de deux autres, toutes en route pour Tombouctou. Toutes surchargées. Devant, à côté du chauffeur, il y a deux passagers au lieu d’un. Derrière -où je suis- 4 personnes au lieu de 3. Au poulailler-ce qui devrait être le coffre- deux bancs portent 6 personnes. Le policier n’a demandé les pièces d’identité qu’aux gens du poulailler.

Ce sont les militaires qui devaient seulement fouiller nos bagages qui nous firent chier- excusez du mot- car n’ayant aucune volonté de faire leur travail, le monsieur dont j’ignore le grade –je suis nulle en cette matière, je ne reconnais que le grade de général devenu si facile à avoir, d’ailleurs, je suis aussi tentée de chercher ce grade que la  « seule et simple nationalité malienne peut donner » !-

Le militaire que je commence à connaître pour avoir fait plusieurs fois le trajet Bamako-Gao, nous joua la scène de l’officier tatillon qui fouillera les bagages un par un.

La maman rescapée  se fâcha, en français.

J’ai compris après, qu’elle était infirmière et rejoignait son mari qui était administrateur à Diré. Avec sa fille. Elles ont décidé de continuer leur route. Sans bagages. Elle semble en proie à une indignation explosive. En colère contre tout le système qui a permis un tel drame.

-Il ne faut rien lui donner de plus. Ce sont des gens comme ça qui maintiendront le Mali en retard.  De quel changement peut-on parler quand des militaires viennent dépouiller les gens dès leurs maigres sous alors qu’ils ont leurs salaires ? Il ne faut rien leur donner. Qu’on y passe la nuit. Qu’ils fouillent tout.

Mais comme c’est le Mali, et qu’au Mali tout se négocie. Un homme, d’une cinquantaine d’années, qui est dans un autre 4X4 qui fait un convoi commun avec le nôtre pour Tombouctou, vint nous demander de donner 100 F Cfa chacun pour qu’on le donne au militaire qui entre-temps racontait sa vie :

«  Non ! Je vais vous fouiller et peut-être que vous allez partir vers minuit. Je m’en fous de l’argent. Tout de suite, un colonel est passé dans une voiture personnelle. Il m’a donné 1000 F Cfa, mais je l’ai fouillé ! »

J’ai explosé. Quelle malhonnête et quel menteur !

«  Il ment, dis-je à Rose –la jeune rescapée- c’est comme Tom et Jerry.  Juste une scène qui se joue inlassablement. Le chat poursuit éternellement la souris. Il fait tout ça parce que les 1000 F sont peu à ses yeux.  Quand on augmentera nos 100 F, il changera de discours. C’est minable. Le Mali n’a pas de solution. »

Sa maman me répondit : «  S’il y a une solution, c’est de respecter la norme, de ne rien leur donner. »

Un jeune homme, du voyage, intervint, aussi, à la malienne : «  Mais c’est nous tous que ça arrange qu’il ne fouille pas nos bagages. S’il le fait, nous allons perdre du temps ici. »

J’ai eu un sourire amer. C’est ça le Mali. C’est ça les Maliens. Des gens qui cherchent toujours des situations qui les arrangent. C’est plus simple de continuer rapidement un voyage au bord d’une vieille voiture chargée jusqu’au ciel.

« Madame vous voyez ? On respectera les normes partout dans l’univers sauf au Mali, si cela n’arrange pas la majorité des Maliens en tout cas. La corruption est dans notre sang maintenant ! La solution ? Ce n’est pas de chercher à exterminer une ethnie pour en laisser une autre, mais on devrait faire partir tous les Maliens et amener de nouveau, des gens qui ne donneront pas des bonnes notes à leurs « nièces »

Malgré tout ce discours, je donnai une piécette de 200 F Cfa, pour moi et une vieille qui marchait difficilement.

Rose préféra donner son billet de 100 F  à deux talibés.

La suite du voyage a été mouvementée, je vous donne donc rendez-vous dans un autre billet.

Bien le bonsoir les amis.


Blog Action Day, bloguer pour les droits de l’homme

blogactionday2013

« The blog action day » est un évènement qui se veut planétaire. Plus de 1000 blogueurs du monde mettent leur talent en commun pour parler d’un thème le 16 octobre de chaque année.

Le thème de cette année est «les droits de l’homme » . Un thème d’actualité eut égard aux conflits qui ont éclaté un peu partout sur la planète, notamment au Mali -charité bien ordonnée commence par soi-même non ?-, Syrie, RDC, Centrafrique… 

Le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme stipule que c’est « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme qui ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ».

Ainsi, les droits de l’homme encadrent un vaste domaine et couvrent tous les domaines d’action de l’homme.

Suis-je libre quand je ne peux même pas lever la tête pour regarder les autres seulement à cause de mon genre ?

Quand je ne peux rien dire ?

Quand je devrais faire attention à ce qu’un homme n’entende pas ma voix parce que je suis une femme ?

Quand je ne peux plus partir à l’école et m’instruire  ou donner l’instruction à des enfants ? Quand je suis obligée d’emprunter une ruelle pour échapper à l’oppresseur qui déambule arme en main et m’en menace à tout bout de champ, que dis-je quand je ne n’ai même pas le droit de sortir dans la rue ?

Au mois d’avril de l’an 2012, les femmes (dont moi) de Tombouctou ont pu faire la mesure du préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour une ressortissante de la ville, il serait aisé d’avoir des témoignages, mais je suis un témoin. Déjà. J’étais là quand ils sont entrés dans la ville. Avec armes et tambours.

Comme toutes les autres femmes j’ai porté le voile intégral pour échapper à leur fouet en peau de chamelle.

Les femmes se sont retrouvées otages de groupes armés prêcheurs d’un islam fondamentaliste. Les habitants sont devenus du jour au lendemain les cobayes. Il leur fallait  tester leurs théories moyenâgeuses et complètement décalées de la réalité qui n’ont rien à voir avec l’islam pratiqué au pays.

Les hommes ont été avertis, dans les mosquées: « dites à vos femmes de s’habiller correctement, qu’elles évitent de parler aux hommes qui ne sont ni leurs frères ni leurs maris en public, et qu’elles ne sortent pas la nuit. »

Qui pour leur parler des femmes ? D’égalité des sexes ? De parité? De  l’importance de l’éducation alors qu’ils ont investi les écoles et détruit tout document se rapportant à l’école des blancs sont des Kafr (mécréants non musulmans) ?

Personne. Pas une voix. Pas une tête. Pas une association. Le Mali au loin se débattait entre les mains des hommes de Kati et la CEDEAO (communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest). On avait l’impression que Tombouctou était redevenu ce village lointain qui attira René Caillé jadis.

Chacun cherchait à sauver sa peau. J’en ai un peu plaisanté lorsque les pseudo-islamistes ont enfin décidé de s’en prendre aux hommes en recommandant un pantalon au ras du mollet. Mais mon humour était juste une dénonciation de ce non-respect des droits de l’homme. Les hommes n’ont pas secouru les femmes, c’est vrai mais il fallait sauver d’abord les vies, quitte à laisser les petites filles à la maison, à leur faire porter le voile intégrale à 4 ans, à donner des jeunes filles précocement en mariage à des inconnus contre des sommes mirobolantes – de la fausse monnaie en réalité-

Bloguer me permettait de lutter pour les droits de l’homme. Vous pouvez en faire le constat en le parcourant mon blog qui était un peu rustique avant la touche artistique de Simon à Dakar.

Bloguer permettait de dénoncer les abus faits aux femmes dans la cité des 333 saints.

Ces prétendus salafistes étaient ainsi la cible principale de mes railleries.

Peut-être que mon plaisir aurait été plus grand s’ils me lisaient?

Mais je me demande si je serais encore en vie si ces barbus qui campaient à moins de 50m de chez moi me repérait, ne m’auraient pas emprisonnée ? Comme cette vieille femme touareg, noire, enfermée dans la petite cabine réservée au distributeur automatique d’une ancienne banque d’état qu’ils ont transformé en police ? Pourtant elle n’est point nue.

Son délit ? Ne pas porter le voile de leur femme.

Oui le voile de leur femme. Les femmes touaregs et arabes. Leurs voiles légères aux couleurs bariolées qui sont bien loin de celles standards de l’islam qui devraient permettre à la femme d’échapper aux regards et aux désirs des hommes.

Ce port forcé de ce type de voile dévoile le coté raciste de ce conflit.

Je ne sais plus où j’ai mis le petit tract sur « ce fameux voile intégral » qu’ils m’ont remis en me félicitant pour la qualité de mon habillement qui répondait aux règles de l’islam. Mais heureusement que dans le but d’un article que je n’ai pu finir je l’avais recopié mot pour mot, sans y changer un virgule ni corriger une quelconque faute :

0 Prophète  des épouses, A tes filles, et aux femmes  des croyants de ramener sur elles et leurs grands voiles : elles seront plus reconnues et éviteront être offensées. Allah est pardonneur et miséricordieux. Coran 33 :59

La voile intégrale

  1. Elle doit couvrir  tout le corps
  2. Ne doit pas être transparent
  3. Elle doit être large pour ne pas montrer le corps de la femme
  4. Elle ne doit pas être colorée
  5. Ne doit pas être pour la modernité
  6. Elle ne ressemble pas à l’habillement des hommes
  7. Ne ressemble pas à l’habillement des femmes juives
  8. Ne doit pas être parfumée.

L’intervention de la France a peut-être mis fin aux séances de bastonnade et de coupe de membres pour vol si ce n’est d’exécution, mais le combat reste entier. Les stigmates sont là. Il y a eu une fracture sociale au nom du droit à l’autodétermination d’une minorité qui a su se munir de bons porte-parole en Europe.  Cela va des membres du MNLA qui font la ronde des studios de télévision aux chanteurs qui évoque une nostalgie et une mélancolie de la liberté de leur désert perdu dans un pays qu’ils rejettent.

Le proverbe songhoï dit «  quand le coiffeur se transforme en barbier, l’affaire est en mauvaise voie pour qui veut une tresse »…

Maintenant l’occupation est finie,  pourquoi ne pas trouver les raisons pour nous indigner comme nous le conseille si bien le doyen Stéphane Hessel ?

Bloguer est formidable et tellement utile!

 

 

 


Gao, la cité des Askias se reconstruit après le règne du MUJAO

La ville de Gao a connu bien de déboires d’avril 2012 à un passé ressent.

prefecture de GaoC’est la ville du nord qui a le plus souffert de l’occupation des groupes armées. Il ne serait pas honnête de ne pas parler aussi de la conduite peu glorieuse de certains habitants de la ville qui emporté par un élan anarchiste se sont laissés aller au pillage des bâtiments de l’état mais aussi ceux des particuliers sans aucune raison. Le MNLA clame l’Azawad, un état qui n’aura pas besoin d’infrastructures, détruit  écoles et mairies, pille banques et services du Mali.  Leurs citoyens profiteront certainement d’une manne. Mais malheureusement nombreux sont les voleurs et autres bandits de grands chemins qui ont pu accompagner le mouvement et créer un état d’anarchie total jusqu’à l’arrivée des barbus qui ont instauré une forme d’ordre.  «  La charia » disent-ils.

Si, les populations du nord ont pu se sentir abandonné après le sprint vers le sud, quel est le ressentiment de ces familles devenues des cibles sans raison ? Toutes les personnes qui se sont fait dépouiller de leurs engins, frigos, téléviseurs, meubles, peuvent-ils trouver l’envie de revenir sur des lieux où ceux que vous connaissez, ceux que vous soignez, enseignez, servez tous les jours, vous ont agressé de cette manière si ignoble ?

credit photo: Faty
credit photo: Faty

Il y a un mois, je me rendais à l’hôpital pour rendre visite à une jeune sœur pédiatre, bamakoise venue pour une mission d’un mois à Gao. Encore une fois bilan plein de scepticisme.  Comme à Bamako, les enfants souffrent aussi de paludisme surtout.  Une vieille du quartier me demandait si ce n’était pas «  ce nombre excessif d’armes qui les entourent qui  faisait cette épidémie ».  Non, juste trop d’insalubrité.  Aucun service de l’état n’est effectif. Quand la mairie a essayé ne serait-ce que de rétablir la taxe quotidienne de 100 F CFA des marchés, les commerçants ont grogné. Ils ont mêmes grevé une journée, refusant d’ouvrir leurs étales malgré une diminution de 25 FCFA.

Bien sur la marche vers le retour est déjà amorcée. je rencontrais  un médecin de l’hôpital qui garda le sourire aux lèvres malgré mon entrée fort provocatrice :

–          Docteur,  vous  faites  partie des adeptes du repli tactique ou des combattants de la charia ?

–          Non, je fais partie de ceux qui sont rentrés sur ordre des chefs.

–          Haha !!! ok je t’avoue que moi-aussi, docteur.

–          Avez-vous profité d’un soutien de l’état pour votre retour ?

–          Non, c’est l’OMS qui nous a  soutenu sur le plan financier, sinon, l’état n’a rien fait. On nous a bien parlé d’un soutien au retour de 250.000 F CFA (à peu près 380 euro). Certains agents d’autres secteurs l’ont reçu mais pas nous.

–          Je suis enseignante et je peux  vous assurer que nous sommes ensemble dans cette galère. Les enseignants aussi  n’ont pas reçu une peccadille.

–          Oui bon comme ils sont un peu nombreux.

–          Je vois que vous n’en avez plus besoin.

A l’hôpital de Gao, il y a notamment le problème de la gestion qui se pose.

En effet,  pendant le règne de MUJAO,  un personnel médical  d’urgence a été mis sur place. Ce dernier refuse de faire la place aux agents de l’état qui ont replié avec les militaires sur ordre des autorités.

Après l’attaque à la rocket que  la ville a connu, il y a trois jours, je crois que le flux des agents en retour va se calmer, déjà que certains sont prêts à tout pour ne plus revenir.


Rentrée scolaire en deux teintes au Mali

credit  photo: Wikipedia.com
Crédit photo : Wikipedia.com

La rentrée scolaire aussi est devenue une affaire d’aire géographique au Mali

La date du 1er octobre a été retenue pour l’ouverture des classes dans les écoles au sud du nouveau département français. Les classes de bien des écoles de la capitale étaient occupées par les sinistrés des pluies diluviennes que Bamako a connues le mois dernier.

Les reportages de la télé nationale pour une fois n’ont pas cherché un voile immaculé pour en couvrir la réalité et annonçaient même que certaines écoles n’ont pu avoir que la moitié des classes et que les enfants devraient cohabiter avec ces familles (espérons qu’elles ne les perturberont point). Au moins le maître n’aura pas à chercher loin lorsqu’il fera une leçon sur l’inondation. Les témoins seront à domicile (sans cynisme hein !).

Le 1er octobre correspondait plutôt au passage des examens de fin d’année au Nord. Depuis le début de cette crise malienne, nous avions entendu le slogan du « Mali un et indivisible », pourtant le ministère de l’Education ne doit pas en être un grand adepte.

Pendant que certains établissements se retrouvent complètement relocalisés à Bamako (le cas de l’Institut de formation de maîtres dans lequel j’enseigne), d’autres se retrouvent éclatés entre des établissements du pays. C’est notamment le cas des lycéens, collégiens, élèves des centres de formation professionnelle et des écoles normales.

credit photo: Issa Hamidou Cissé cap de Tombouctou
Crédit photo : Issa Hamidou Cissé cap de Tombouctou

Une réouverture de ces écoles est prévue sur  leurs lieux d’origine (au Nord), mais il faudrait réhabiliter les lieux qui ont fait l’objet de saccages par les troupes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui ont pris véhicules, climatiseurs, ordinateurs. Tous les dossiers se sont retrouvés dans les rues. S’ils clament la libération des peuples de l’Azawad, on peut affirmer – et constater – qu’ils ont libéré les parents des problèmes financiers liés à l’école en la détruisant complètement… Les enfants seront libres de parcourir le désert sans instruction. Je crois que dans leur projet de société, tous les enfants du mirifique Azawad seront des bergers qui tapent dans la guitare et tirent plus vite que leur ombre, des Lucky Luke en somme et il y aura des citoyens de seconde zone qu’ils fouetteront pour amuser « le prince » du Qatar !

Après avoir évincé le MNLA, les troupes d’Ansar Dine et MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) habitaient les écoles qui servaient de camps d’entraînement, magasins de stockage d’armes, de lieux de cantonnement de troupes, sans oublier que ces faux justiciers d’Allah usaient des tables-bancs comme bois de chauffe.

Le ministère de l’Education annonce un chiffre monstre de près de 800 000 enfants à la scolarité perturbée par le conflit. Bien des formations ont eu lieu pour la prise en charge psychologique des enfants victimes de guerre, mais ces enfants ne font l’objet d’aucun ménagement.

Déjà le slogan de mon ministère était de sauver l’année scolaire dans ces régions en l’année scolaire 2011-2012. Des cours de rattrapage ont été organisés au Nord et au Sud pour les déplacés. Pour avoir été au centre de cantonnement– je n’arrive pas à utiliser le mot d’internat, car ce n’en était pas un – les conditions étaient plus que difficiles.  Des salles de classe ont été transformées en dortoirs, un cahier pour prendre note, une alimentation bien insuffisante, un matelas posé par terre, une moustiquaire et hop au boulot les enfants, le grand Mali a un défi à relever.

Ma nièce que j’y ai conduite n’a pas tenu deux jours et elle a cherché à rejoindre la maison à pied. Je n’ai pas pu la gronder, connaissant les conditions d’hébergement.  J’avais bien envie de la laisser à la maison, car je savais qu’elle ne pourrait jamais réussir un examen dans de telles conditions. Sa maman insistait. Je l’y ai ramenée et lui ai donné un peu d’argent pour la nourriture. Elle n’a pas achevé le mois après. Beaucoup n’ont pas tenu. On ne peut leur en vouloir. C’était une autre promotion – le terme ici au Mali veut dire une occasion à ne pas rater-. Pauvres enfants sacrifiés.

Credit photo: Faty
Crédit photo : Faty

Sacrifié, l’IFM Hégire aussi l’a été. Ses aventures – je ne veux dire mésaventures – à Bamako feraient un bon feuilleton avec tous les ingrédients possibles : menace de chef des bandits d’Ansar Dine contre le directeur général de l’Institut franco-arabe pourtant fortement lié à l’islam, fuite en rang dispersé des professeurs, départs des élèves-maîtres dans un camion, rassemblement et réouverture à Bamako , démission du directeur des études par intérim pour raison de pression psychologique du corps professoral… C’est à n’en pas finir…

L’année et demie que nous venions de passer à Bamako était un enfer, je ne vous le cache pas. Tous les jours, le risque de se faire écraser par un véhicule, si un conducteur fou de Jakarta ne te percute pas, est présent. Nous nous sommes vite rendu compte que Bamako était bien plus dangereux que Tombouctou et ses djihadistes quand les sbires de L’AEEM (associations des élèves et étudiants du Mali) sont venus faire sortir les élèves maîtres en tirant en l’air… Cela n’était jamais arrivé en 15 ans d’existence de notre établissement. Il y a également le coût de la vie dans la capitale qui est monstrueux comparé à celui à Tombouctou.

On pourrait penser que c’est mon amour débordant pour Tombouctou qui explique mes mots, mais il suffirait d’interroger les élèves, qui dans leur majorité ne sont pas originaires de la cité des 333 saints.

Bien sûr, les évènements vécus à Tombouctou ont été traumatisants et la peur est encore présente.  Mais bon, je crois qu’on – le ministère de l’Education, l’Unicef, l’Unesco, les ONG, le Haut conseil islamique – ont oublié que l’Hégire était entièrement réfugié à Bamako. Pas un soutien. Ni un regard. Justes des agents de l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Mais ils vous diront qu’au moins à Tombouctou, la maigre bourse – 26 250 F Cfa – pouvait leur permettre de joindre les deux bouts, car au moins il n’y avait pas de frais de transport à payer. Ceux qui ne sont pas à l’internat viennent à l’école à pied. Là-bas au moins, ils avaient des tables-bancs, un vrai tableau qui est vraiment noir, une bibliothèque, une salle informatique, un laboratoire (même si vétuste), un terrain de handball, un grand espace pour jouer au football, faire du karaté, une mosquée, un réfectoire où ils regardent la télé, je n’ajouterais pas 333 saints pour les bénir, un internat…

L’internat. Des bâtiments aussi bien entretenus que les classes – vous  me suivez, j’espère -, je les ai trouvés inhabitables pour des êtres humains, le bétail de certains pays est bien mieux loti. Mais en six ans de  service à Tombouctou, je n’ai pu assister à une seule réhabilitation des bâtiments. Les douches feraient bien vomir si j’essayais de vous les décrire. Explications des gens d’en haut ? L’établissement a dépassé ses capacités d’accueil. On ne devrait accueillir que les 1ère années à l’internat et laisser les autres partir en ville comme cela se fait dans les autres IFM (Institut de formation des maîtres) du Mali. Mais bon, à l’hégire, on fait du social aussi, les élèves… les pauvres enfants ne connaissent personne à Tombouctou, on pourrait signaler la même chose pour Bamako (ce n’est chez personne a-t-on l’habitude de dire dans la capitale, nous sommes tous venus) : point d’internat.

L’internat est devenu le prétexte du moment pour ne pas retourner à Tombouctou pour l’administration de l’Hégire. J’ai été consternée d’apprendre que les cours ne pouvaient reprendre à Tombouctou, selon le DG, parce qu’il y avait un grand trou béant dans un bâtiment de l’internat. Nous n’avions pas d’internat présentement  au bloc scientifique de Missira à Bamako. Les élèves qui n’ont pu avoir de logeur à Bamako ont été obligés d’habiter dans les classes. Ma plaisanterie fréquente sur le sujet est de demander à un élève s’il habite dans la classe quand il me demande d’entrer… puis d’ajouter ne te déshabille pas devant nous, hein !

Il semble que certains préfèrent cette galère de Bamako à la menace des attentats-suicide au Nord…  Pas moi, car ma décision est prise et de droit. J’ai profité des vacances pour expédier tout ce qui me lie à la capitale. Il ne reste que ma moto .

L’année où l’Hégire décidera de revenir à Tombouctou, il me trouvera sur place. Je suis ne pas être le seul enseignant de cet institut à être dans ce cas. Ce n’est du régionalisme, juste du militantisme et de la détermination. La photo de Sankara sur mon profil, c’est fort significatif.

Bien le bonsoir, les amis de par le monde…

 


Je suis malienne et je chique du tabac #4

Ma série sur la femme malienne continue et de belle manière après le lycée des filles de Tombouctou  (cette ville m’obsède on dirait, mais le retour n’est pas loin) Bamako, le mariage secret de Tombouctou  (en commun avec d’autres mondoblogueuses- cette fois-ci je ne me trompe point sur la ville- et la recette magique du poulet aux plumes, l’épisode 4 porte sur une bien étrange pratique que j’ai découverte à Gao.

credit photo: Faty
Crédit photo : Faty

Non je ne devrais pas dire que je le découvre à Gao, car cette manière de chiquer le tabac chez les femmes existe à Tombouctou aussi, seulement ce sont des vieilles dames qui le font là-bas. Et elle ne demeure pas l’apanage des femmes seulement, certains vieillards le font aussi.

Mais à Gao, je découvre une voisine d’une trentaine d’années qui est pratiquement tabac-dépendante. Elle l’assaisonne avec de la cendre de tige de mil brulée. Plutôt pas cher, comparé à la cigarette, le tas de 200 F Cfa qu’elle achète par jour lui suffit largement. Elle en donne même parfois une pincée à la voisine d’en face, légèrement plus âgée. Vous êtes loin de réaliser mon étonnement, pendant que les autres échangent du beurre de karité ou du cola, elles sont toujours en train de se demander du tabac ou les cendres, qu’elles achètent aussi, soit dit en passant- je parle de la cendre-

C’est maintenant que je me rends compte de la justesse de la conclusion de mon mémoire de fin d’études sur la toxicomanie au tabac en psychologie. J’ai vu seulement la dépendance à la cigarette alors que le titre était la toxicomanie au tabac. Seulement les prostituées et certains cas de déviantes sociales (les acculturées et les Maliennes nées et élevées à l’étranger) s’y adonnent affirmais-je sur l’état des lieux de la consommation de cigarettes chez les femmes au Mali. Je n’ai point vu cet aspect. Si tabac =tabac, je devrais notamment parler de cette pratique. Dans cette zone -qui n’a pas de nom malgré le désir de groupuscules d’y créer un état de toutes pièces allant de Douentza à Kidal, les femmes chiquent dès le bas âge. C’est presque du ressort de la tradition.

L’ampleur de cette pratique dans la ville de Gao m’a  beaucoup surprise.  Le tabac a sa petite place dans le panier de la ménagère au marché. Ici les consommatrices commencent à la trentaine. Mais j’appris que plus on remonte vers Kidal, dans les tribus (ici on utilise aussi le terme de fraction, mais je ne l’affectionne pas beaucoup) touarègues, on chique de plus en plus jeune.

Lorsque vous remontez vers la région de Tombouctou, des zones comme Bamba, Bourem, Téméra, la pratique est également courante.

Fadimata me raconta son histoire en chiquant son tabac. Je prends quelques photos pour illustrer mon article.

Je l’observe, discute beaucoup avec elle, pour connaître le fond de cette dépendance. J’observe également autour de moi, au marché les femmes sont la clientèle de choix pour les vendeurs de tabac que je trouve bien nombreux.  J’interroge ma voisine qui a une boule de tabac en permanence au coin de la joue. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi une telle dépendance ?

« C’est ma grande sœur qui m’a appris à chiquer. Je n’avais même pas sept ans. Elle avait déjà une dizaine d’années et les parents lui donnaient sa dose après le repas. Elle m’amenait dans un coin et me donnait un petit bout que je mettais dans ma joue. Je m’essuyais la bouche pour venir m’assoir comme si de rien n’était. »

« A 12 ans j’étais complètement accro et quand j’allais faire un séjour chez ma sœur, je faisais le tour du voisinage pour demander du tabac à son nom, car ce qu’elle me donnait ne me suffisait plus. »

Mon père était un grand chiqueur, il cultivait uniquement du mil pour en obtenir la cendre de la tige brulée qu’il mélange au tabac pour le chiquer. En dehors de cette cendre, d’autres utilisent de la soude minérale ou la cendre de la combustion du bois.

« Mon père chiquait beaucoup », me dit –elle, « mais je crois que je l’ai dépassé. Quand je n’avais plus de tabac, je me mettais à la porte et halait les passants en les suppliant de me donner du tabac. Cela ne lui plaisait pas et il est parti voir un marabout pour qu’il fasse quelque chose à une boule de tabac que j’ai chiquée. Rien.  J’ai continué à chiquer de plus belle. J’ai eu peur quand les moudjahidines ont envahi Gao. On disait que le tabac était interdit comme la cigarette. Je me suis demandé ce que j’allais devenir, car je sais que je ne pouvais pas vivre sans. Mais heureusement ce n’était pas possible pour eux de rentrer jusque dans les maisons pour nous contrôler. »

–         Mais ils ont frappé des gens ici à Gao pour avoir fumé ou même écouté de la musique dans des lieux publics ? Lui demandais-je  contente d’avoir un témoignage concernant ces faux prêcheurs de la parole d’Allah.

–         Certains disent qu’ils ont même tâté la bouche de certains au marché pour en faire sortir la boule de tabac. Mais je n’y ai pas assisté. Mais quand même beaucoup de jeunes se sont fait frapper par les moudjahidines pour avoir écouté de la musique, fumé ou bu de l’alcool. Mais cela ne les a pas empêchés de résister et de continuer à le faire. Les jeunes de Gao se sont montrés très courageux pendant cette occupation. Ils ont failli rendre les moudjahidines fous, tu sais !

–         Tu trouves que c’est une bonne chose que fumer, de boire de l’alcool ou de chiquer ?

–         Non, mais c’est une peine que Dieu nous a imposée dit-elle. Seul Dieu peut nous en soulager.

–         Mais les moudjahidines ont interdit tout cela parce que Dieu ne l’aimait pas non ?

–         Oui, mais c’est Dieu qui fait certaines choses aussi à sa créature.

–         Penses-tu pouvoir arrêter ?

–         Si Dieu me le permet oui, sinon, je crois que c’est difficile pour moi. Quand je n’ai pas de tabac, je deviens comme folle. J’en ai en permanence dans la bouche. Même la nuit.

Elle a répondu à mes questions le sourire aux lèvres.  C’est elle qui me parla des différentes variétés de tabac qui sont consommées à Gao.

Il y a trois types de tabac : celui que Fadimata chique  s’appelle tounouss, il a l’avantage de ne pas sentir.

C’est le tabac des « Sourgouboraye», les Touaregs. Il y a également parmi les types de tabac « le soma », qui est cultivé dans la zone d’Ayorou (région du Niger qui est frontalière avec le Mali. Elle est peuplée aussi par des Songhoïs).

credit photo: Faty
Crédit photo : Faty

Le tabac de Bamba, comme son nom l’indique est récolté dans la zone de Bamba, à 150 km de Gao. Il dégage une forte odeur, mais est préféré par certains chiqueurs- je ne veux pas dire chiqueuses, car je ne sais pas si le mot possède une autre signification-


Un troisième attentat-suicide à Tombouctou

Credit photo: Faty
Le quartier de la grande mosquée, Djingarey ber

Tombouctou, la ville mystérieuse a vécu le 3attentat-suicide de son histoire hier 28 septembre 2013 vers les environs de 13 heures temps universel.

La cité des 333 saints a été occupée par les troupes d’Aqmi (Al-Qaîda au Maghreb islamique) et d’Ansar Dine d’avril 2012 à janvier 2013. Elle a connu bien de tourments et de coups de feu pendant cette période si trouble.

En effet, le Grand Nord du Mali s’est retrouvé entre les mains des combattants touaregs, arabes et autres bandits de grand chemin, venus ; dans un premier temps, pour prêter main-forte au MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) dans sa soi-disant lutte de libération de « l’Azawad ». Ensuite une fois le MNLA  maté sur le terrain, pratiquer une (article indéterminé, pour vous dire que cela n’a rien avoir avec « la vraie charia- la loi islamique » ) charia sur les populations qui ont décidé de rester sur place. Je me rappelle ma tristesse en novembre dernier à Tombouctou, le jour de l’Aïd el fitr : les rues étaient vides, les mines renfrognées, même les boubous ternes.

La voiture piégée est entrée par le nord de la ville encore une fois. La surveillance de cette partie de la ville a été laissée aux troupes maliennes et celles de la Minusma  pendant que les forces françaises  s’occupent de la zone de l’aéroport.  Le véhicule  est passé  derrière le monument de la paix, à Abaradjou (quartier des Arabes de Tombouctou qui n’ont pas hésité à se joindre aux nouveaux occupants, car adeptes des fraudes et certains alliés de longue date).

Les kamikazes à bord de cette voiture chargée, comme celles des fraudeurs quand ils quittent la brousse, a traversé toute la ville, pratiquement sans voir aucun poste de contrôle, ni même croiser une voiture de patrouille des forces républicaines sur place. Mais il faut dire que depuis la libération du nord par Serval, on n’a cessé d’attirer l’attention sur le manque de professionnalisme des armées africaines, qui ne pensent qu’à boire et à draguer les filles (qui veulent leur part de ces fortes primes dont ils profitent). Pour preuve, 6 pick-up de l’armée étaient garés devant le bar de Baba Toubabou (un natif de la ville qui tient un bar que les islamistes avaient bien détruit, mais fort prospère maintenant).

Ils ne pensent même pas à prendre pour exemple ces jeunes soldats français aux regards rendus translucides par le sérieux.  Ils ne quittent pas leur poste, ne voient pas les formes avantageuses des habitantes, respectant les ordres à la lettre. D’ailleurs, ils ne voient rien en dehors des ordres reçus.  Pour se sortir d’affaire avec un Malien, suffit de lui dire connaître sa belle-mère ou plaisanter en racontant des âneries sur le cousinage à plaisanteries (tu identifies son ethnie et tu te mets dans la peau de l’ethnie cousine : dogon-songhaï ; mandingue-soninké, pffff !!!!).

L’onde de choc de l’explosion a fait écrouler beaucoup de vieilles maisons du quartier Djingarey-ber (la grande mosquée classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco) . La peur en a immobilisé beaucoup sur le coup. Que de murs fendus ! Le marché ? Complètement déserté par les vendeurs qui y ont laissé marchandises et bourses ! La poussière a mis des heures pour se disperser et malheureusement deux innocents, un ânier (pas le tien Limoune) et son fils, au bon moment dans le mauvais endroit y ont perdu la vie.   Des militaires auraient été blessés et les déclencheurs de la charge ont réussi leur mission et savent à l’heure qu’il est qu’ils se sont fait avoir par ceux qui les ont endoctrinés, car le paradis n’ouvre pas ses portes à une personne qui dérange 333 saints  de cette manière en tuant des innocents. D’ailleurs, il y a plusieurs saints enterrés dans le camp  ciblé. Une vieille tante me confia s’être fait une idée de l’apocalypse en sentant la terre et toute sa maison trembler avec l’explosion.  Elle en est restée paralysée un bon moment.

Depuis mars dernier, date du dernier attentat, la région semblait plutôt calme en dehors des combats entre Touaregs et Arabes. Les populations noires les prenaient avec une certaine distance, car ces derniers étaient les alliés d’hier contre eux.

Maintenant l’heure est au bilan. Faut-il voir une simple coïncidence avec l’attaque à la grenade de deux gardes maliens à Kidal et le retrait des Touaregs du MNLA des négociations avec le gouvernement malien ?  Moi je n’y croirais pas malgré le communiqué laconique du MNLA qui continue dans ses divagations en parlant d’attentat sur les terres de l’ « Azawad » alors qu’insistance est faite pour faire savoir que ce mot arabe (oui, pas touareg !) ne désigne en aucune manière tout ce territoire qu’il réclame, que les Touaregs qui le réclament sont minoritaires dans la zone et qu’aucune autre ethnie n’adhère à leur projet de République.

Je pense que nous n’avions vu que les cornes, pour traduire du djerma. Ce n’est que le début.  Ils feront tout pour faire pencher la balance des négociations en leur faveur et je ne pense pas que les liens du MNLA avec Aqmi et Ansar Dine soient aussi morts qu’ils le font savoir.la grande mosquée