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Karim Sy: l’Afrique doit « passer de la position d’assistanat à celle d’acteur »

 

karim-1Karim Sy (43 ans) est un serial entrepreneur Franco-malien d’origine sénégalaise. Il a grandi entre le Mali, l’Ethiopie, la Côte d’ivoire, la France et le Canada où il fait des études en génie informatique à l’école polytechnique de Montréal. Après avoir créé plusieurs sociétés dont une de forage hydraulique et minière et une autre d’aviation d’affaires au Mali, il décide en 2010 de créer un espace de co-working au Sénégal. Jokkolabs est le premier espace de co-working (travail collaboratif) en Afrique de l’ouest et même en Afrique francophone. Le nom Jokko est une contraction de « Joxko » (donne-lui) et de « Jokto » (rejoins-le). Jokkolabs est un hub d’innovation technologique et un laboratoire numérique où se côtoient développeurs et entrepreneurs engagés dans les nouvelles technologies. Un concept qui s’est rapidement essaimé dans différents pays africains. Après Dakar, Bamako, Ouagadougou, Abidjan et Nanterre en France, Karim Sy, Catalyseur de créativité collective ambitionne d’ouvrir un hub « Jokkolabs » au Bénin. Nous l’avons rencontré lors de son passage à Cotonou. Il explique la philosophie de Jokkolabs et prône un développement de l’Afrique à travers l’économie numérique.

Vous avez été de passage à Cotonou pour rencontrer des jeunes de la communauté web. Pourquoi avoir voulu vous entretenir avec eux

L’initiative « Jokkolabs » a aujourd’hui 4 ans. Elle vise à inspirer et développer une communauté d’entrepreneurs collaboratifs pour inventer une prospérité partagée. On est présent sur les différentes plateformes au niveau virtuel, via notre site et sur les réseaux sociaux… Nous avons beaucoup de gens qui nous suivent un peu partout. Il s’agit de créer un lien qui soit plus fort que le lien virtuel. Nous n’avons pas encore de hub physique d’innovations technologiques au Bénin. L’idée c’est d’échanger avec tous ces entrepreneurs qui nous suivent, avec qui on peut créer un lien plus fort et voir à terme comment on peut développer quelque chose au niveau du Bénin.

Vous avez donc appréciez l’intérêt que ces jeunes vous ont accordé ?

Oui bien sûr ! C’est ça l’idée. Partout il y a des entrepreneurs, des gens qui font des choses. Il faut prendre le temps d’identifier tous ces talents-là. Si on découvre le Stev Jobs ou le Mark Zuckerberg du Bénin, tout le monde va être content ! Les talents sont partout, il faut leur donner du temps. C’est un combat que nous avons décidé de faire il y a 4 ans. Cela fait partie de notre challenge.

Expliquez-nous un peu le contexte dans lequel Jokkolabs est né ?

Quand nous voyons le contexte de crise dans lequel on est aujourd’hui au niveau mondial et plus particulièrement au niveau de l’Afrique, nous voyons bien que nous arrivons à un changement porter par les technologies. Il y a une vraie transformation qui se passe quand on parle de troisième révolution industrielle. L’idée c’est de penser comment on va se réinventer une nouvelle manière de vivre ensemble, de s’organiser et de transformer la société. C’est cela d’ailleurs la « société de l’information » dont on parlait il y a un moment. Il faut donc penser cette « société de l’information », penser comment nous allons devenir acteur de cela et non pas juste le subir… On a aujourd’hui des technologies qui ont une croissance exponentielle. On voit aujourd’hui comment le mobile a évolué et est devenu même un mini-ordinateur. Comment nous-nous adaptons à tout cela ? Même pour des questions sociales, comment nous éduquons nos enfants avec internet où ils peuvent avoir accès à tout ? L’Afrique, tout le monde le reconnaît comme le continent du futur. Elle détiendra la troisième population du monde d’ici 2050. Nous avons des perspectives extraordinaires. Nous avons des ressources naturelles, nous avons une population majoritairement jeune. L’Afrique représente une opportunité qui est aussi porteur de risques et de dangers. Il faut donc passer de la positon de l’assistanat attentiste à devenir acteur. C’est un peu cela Jokkolabs.

Jokkolabs s’est implanté un peu partout en Afrique de l’ouest et est déjà en France depuis un moment. Le succès de Jokkolabs vous a-t-il surpris ?

Pour moi ce n’est encore un succès. On espère pouvoir aller beaucoup plus loin. On est plutôt content de voir qu’effectivement les hypothèses qu’on avait formulées de dire qu’il y a du talent partout, qu’il y a des gens qui veulent s’engager et qui n’attendent pas, sont justes. Quand on dit, passer de la logique d’assistanat à une logique où on se prend en charge, on se développe soi-même et on avance, c’est quelque chose de vraiment nouveau. On a toujours eu l’habitude d’attendre les ONG, d’attendre les partenaires au développement. Et c’est comme si on ne peut pas le faire seul. Mais en fait, on se rend bien compte que finalement, on remonte ses manches et on y va petit à petit. C’est ça l’histoire de la vie. On commence tout petit et on grandit. Et là c’est ce qu’on fait. On commence à grandir et on voit les gens qui commencent à nous rejoindre. Là on va bientôt ouvrir au Maroc et dans d’autres pays. On a déjà ouvert en France (Nanterre). Donc on dépasse même le cadre de l’Afrique.

Vous pensez réellement que l’Afrique peut se développer à travers les innovations technologiques ?

C’est clair !

Avec l’absence de politiques publiques…

A un moment donné, on aura besoin de politiques publiques. « Facebook » a démarré dans une école, dans une chambre d’étudiants. Vous imaginez la puissance de « Facebook » aujourd’hui. Ça c’est une société. Pourquoi vous pensez qu’on ne pourra pas le faire en Afrique. Et en plus on a une chance. Cette révolution industrielle qui est en train de se passer aujourd’hui, forcément cela appelle à la destruction d’un ancien modèle.

La chance que l’Afrique a aujourd’hui, c’est que quelque part notre retard devient un avantage.Parce qu’on n’a pas un ancien modèle qu’on va détruire. On va mettre en place un nouveau modèle. La question est d’avoir cette capacité d’innovation et d’anticipation qui nous permette de penser les solutions. Les universitaires de la « Singularity University » – l’organisation d’universitaires qui travaille sur la prospective technologique aux Etats-Unis – vous disent que celui qui va faire le changement, ce n’est pas le mec qui va sortir le dernier réseau social, c’est celui qui va faire sortir la technologie qui va répondre aux problématiques du monde de demain. Cela va être l’accès à l’eau, la nourriture, l’électricité, les énergies renouvelables. Ce sont des problèmes qu’on a, des problèmes de développement.

Internet est venu en Afrique dans les années 2000, pourquoi avoir attendu 2010 avant d’avoir un premier espace de co-working en Afrique de l’ouest ?

Déjà que cela n’est pas forcément lié à internet. Plus qu’un espace de co-working, je me suis dit qu’il faut qu’on ait cette approche qui est en plein dans la culture digitale. Et la culture digitale aujourd’hui, ce sont des communautés qui sont horizontales, non centralisées, non pyramidales et sans hiérarchie. C’est ça qui perturbe tout le système. Parce qu’aujourd’hui cela remet tout en question. Vous, vous êtes de la presse. Mais la presse a été complètement remise en question. Même les politiques sont remis en question parce qu’ils sont interpellés. On voit bien que tous les systèmes sont remis en question par cette nouvelle organisation. Et ça, déjà il fallait bien que l’Afrique l’atteigne. Internet, bien vrai cela a commencé à entrer en 2000, mais aujourd’hui encore, c’est un secteur qui est trop faible. Jusqu’à présent on ne parle pas encore d’économie numérique en Afrique. On parle plus de télécoms (…). Et les opérateurs de téléphonie mobile génèrent tellement d’argent qu’ils ont attiré l’œil de tout le monde. Le débat a tourné autour et Cela a donné cette fausse impression que c’est un secteur qui va bien. Alors qu’en fait c’est juste l’arbre qui cache la forêt. On n’a pas pris le temps de véritablement développer l’économie en tant que telle. C’est-à-dire, et une économie en propre et une économie qui va permettre de vraiment accompagner la compétitivité du secteur ancien de l’agriculture, des industries…

L’environnement béninois serait-il propice à l’installation de Jokkolabs ?

Tous les environnements sont propices. Parce que partout il y a des entrepreneurs, partout il y a des talents.

Propos recueillis par: Hermann BOKO

 


Je suis francophone, pourquoi devrais-je apprendre l’anglais?

Ce billet n’est pas un réquisitoire contre la langue française, la francophonie ou son instance faîtière. Même s’il en a tout l’air, je n’ai pas envie qu’il soit apprécié ou considéré comme tel. Ce billet n’est qu’un ressentiment profond. C’est l’extériorisation de ce que j’ai ruminé en mon for intérieur pendant bien longtemps.


Toute la douleur d’un fils de voir sa mère reprendre les études

Ce soir-là, elle nous annonçait à notre grande surprise, mon père mes deux sœurs et moi, qu’elle reprendrait les études. Elle le fit effectivement. Elle s’était inscrite en cours du soir dans un établissement de la place en 1ère G2. Après trois tentatives elle a décroché son certificat d’aptitude professionnelle. Aujourd’hui à 54 ans, elle convoite le bac.

Ma mère ! Elle se définit par les mots bravoure, courage, audace, vivacité et ferveur. Ce n’est pas une femme à rester inactive. Elle a le don de maudire. Son père lui a souvent conseillé de battre ses enfants au lieu de les insulter quand elle est mécontente de leurs résultats.  Ma mère a la voix qui porte. Ses cris, sur nous au réveil, dominent le chant du coq. Certains amis refusent de venir à la maison quand elle y est présente. Une simple réponse à votre salutation peut vous décontenancer.

–         Salutation de l’ami : Bonjour Maman !

–         Réponse de ma mère : OUI BONJOUR !

–         L’ami : j’ai… j’aimerais voir Her… Hermann…

Bon, aujourd’hui elle a pris de l’âge et elle crie moins maintenant.

Je me souviens qu’un matin, une voisine se prononçait sur les cris matinaux de ma maman. « Votre mère, c’est quand elle crie que je me rends compte que le jour est en train de se lever. Tellement, elle a une voix qui porte à réveiller tout le quartier. »

Ma mère est une femme battante, pas paresseuse et ambitieuse. Elle sait se donner les moyens de parvenir à ses fins. L’un des premiers handicaps à son évolution scolaire a été le fait qu’elle ait grandi dans une famille polygame. Ensuite l’amour que ses parents lui portaient attisait la jalousie de ses demi-frères et de ses marâtres. Elle tombait régulièrement malade aussi. Visiblement le fait qu’elle soit tombée enceinte et qu’elle ait pu avoir trois enfants a concouru à sa guérison. Je ne l’ai pas connu très faible. Sauf dans les périodes où elle faisait sa crise d’asthme. Ce sont des moments où je la trouve très vulnérable. Elle ne peut plus gronder, elle ne peut plus battre ses enfants, j’ai donc cette liberté de faire beaucoup de bêtises. Mais au fond je n’aimais pas la voir souffrir comme cela.

Ma mère aime beaucoup l’anglais                                                                 

Malheureusement, elle n’a pu terminer ses études quand elle était plus jeune. La maladie l’a contrainte à abandonner son instruction en classe de 1ère BG (Biologie-géologie) à l’époque. Souvent quand on l’entend parler, ou quelquefois s’exprimer sur ses études, on peut facilement deviner que sa matière préférée était l’anglais.

Ma mère adore l’anglais ! Elle n’a pas évolué dans ses études certes, mais son niveau en anglais est supérieur au mien, moi diplômé en Journalisme. ‘ ’Je sais de mon côté, ce n’est pas un mérite. Et je m’y attèle’ ’. Son niveau en anglais est aussi légèrement supérieur à celui de mon père, grand cadre de son pays dans le domaine de l’urbanisme. Elle converse plus aisément que lui avec un ami de la famille et contact professionnel de mon père qui travaille au siège de la Banque mondiale à Washington. Il est Ghanéen.

« Qu’est-ce que vous pensez ! Si ce n’était pas la maladie, si j’avais bien évolué dans mes études. Je ne serais pas ici. J’aurais été une de ces grandes dames travaillant dans une administration internationale », répète-t-elle souvent quand l’occasion se présente.

Lors d’un bref séjour dans la ville portuaire de Tema au Ghana, la sœur d’un ami m’avait offert l’hospitalité. Après une conversation d’à peu près deux minutes au téléphone avec ma mère, très surprise, elle m’a dit : « Your mother speak very well english and you no ? ». Je ne savais quoi répondre. J’étais justement là pour des renseignements sur les cours d’anglais à l’Alliance française.

Grâce à mon père, ma mère a réussi à entrer en fonction publique en tant que secrétaire bureautique. Entre-temps elle avait suivi une formation en informatique. Après une vingtaine d’années d’expérience, elle est depuis quelques années (5 ans au moins), assistante déléguée au contrôle financier du ministère des Finances.

La décision de reprendre les études

Je me souviens de ce soir où elle nous informait de sa décision de reprendre les études. Cette décision était sûrement liée à son envie de pouvoir évoluer dans la hiérarchie et de voir son salaire revalorisé. Tout juste pour pouvoir s’assurer une bonne retraite prévue dans 7 ans environ.

En 2010 donc, elle s’inscrit en cours du soir, dans un établissement appelé ‘’ la clé de la réussite’’ à Cotonou. Elle s’inscrit en 1ère G2. Je ne sais pas pourquoi elle a choisi cette série de gestion comptable. C’est sûrement lié à son poste. La première année fut rude pour elle. Evidemment avec l’âge (elle avait 50 ans à l’époque) c’était difficile de renouer avec les automatismes que demandent les études. Les résultats cette année-là ne furent pas concluants.

L’année suivante elle retenta le CAP. Ma mère n’est pas du genre à se laisser abattre. Cette année-là, on avait beaucoup prié pour qu’elle puisse réussir, tant les tracasseries étaient nombreuses. Mais l’ambiance qui prévalait à la maison n’était pas du tout favorable à une réussite. Crise de ménage, dispute entre père et fils, entre père et mère, entre mère et fille entre frère et sœur. C’était beaucoup de tension. C’était insupportable. Cette année-là aussi, les résultats ne furent pas concluants. Le soir des résultats, j’avais toute la peine du monde à la voir étendue sur son lit sans courage, sans audace, dépourvue de toutes ses forces. Je ne l’avais jamais vue ainsi. Elle, « la Chinoise au bras d’acier », comme on l’a surnommait affectivement a baissé pour une fois les bras.

Elle ne se releva de ce second échec que deux ans plus tard puisque l’année d’après, . En 2013, la voilà repartie de nouveau . Elle veut obtenir son bac. « La Chinoise au bras d’acier » s’est relevée. Cette fois-ci pour un retour gagnant. Elle reprit les cours du soir. Elle veillait beaucoup la nuit pendant que nous dormions. Elle était la première à se lever pour réviser ses cours. Personnellement j’avais une douleur à supporter cela. C’était trop. A cet âge, elle devrait plutôt se reposer après tant d’efforts à nous éduquer, gronder, chercher notre bien-être. Personnellement je ne supportais pas qu’elle soit en train de s’échiner à bûcher toutes ses formules de mathématique, de comptabilité… Ce qui me faisait encore plus mal, c’était mon incapacité à ne pas pouvoir l’aider dans ces matières scientifiques. J’ai fait une série littéraire.

Un soir, elle se mit à se plaindre, les yeux presque au bord des larmes : « Hermann, je n’arrive pas à assimiler certaines choses. Regarde, on vient de faire une interrogation en économie et j’ai eu zéro ».

Bien heureusement 2013 fut l’année de la réussite. Tel un phénix qui renait de ses cendres, ma mère pour une troisième tentative eut son certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Oui , à 53 ans, il n’est jamais tard pour apprendre. Le grand exemple !

Cette année elle a préparé son baccalauréat. Malheureusement elle ne l’a pas eu. Mais je sais qu’elle ne lâchera pas. Elle rempilera. Et elle l’aura !

Maman toute la fierté que j’ai d’être ton fils !

 


Je suis mère à plus de 35 ans

En écho à l’émission  »Priorité Santé » de Claire Hédon sur  »l’âge de la maternité »,  du vendredi 1er août 2014, je propose sur mon blog, un reportage que j’ai écrit il y a un moment sur la grossesse tardive au Bénin.

Crédit photo: Topsanté.com
Crédit photo: Topsanté.com

L’émancipation, la recherche d’une stabilité professionnelle ou relationnelle peuvent être facteurs d’une grossesse tardive. Bien souvent présentée par les médecins comme une grossesse à risque, l’appréhension des difficultés peut varier d’une femme à l’autre.

Reportage de: Hermann BOKO

« Il aime beaucoup gazouiller », dit Céline à son nouveau né, toute joyeuse d’avoir mis au monde son tout premier bébé. Un joli garçon. Il a aujourd’hui plus de deux mois et sa mère est âgée de 38 ans. Age où, selon les médecins, l’accouchement devient difficile. « En ce sens que la femme n’a plus les mêmes potentialités physiques et psychologiques dont dispose une femme de moins de 30 ans pour amener correctement une grossesse à terme », explique Issa Awoulath, docteur en gynécologie. La moyenne d’âge pour concevoir un enfant se situe généralement entre 30 et 35 ans, et un peu plus en dessous en Afrique où le taux de natalité est très élevé. Néanmoins, de plus en plus de femmes aujourd’hui tombent enceintes à un âge avancé. Un phénomène pas très répandu au Bénin mais qui pourrait très rapidement se développer dans le futur selon le docteur en gynécologie, Issa Aoulath. « Les femmes ne se marient plus assez tôt. Elles attendent la fin des études, l’obtention de leurs diplômes avant de se mettre en couple et avant d’avoir un enfant. Ce phénomène pourrait devenir fréquent comme dans les pays développés. Mais pour l’instant, c’est chez des femmes qui ont eu des problèmes de stérilité que nous trouvons des grossesses à un âge avancé ».

Céline a 38 ans aujourd’hui, elle confie que plus jeune son instabilité sur le plan professionnel et relationnel ne favorisaient pas l’arrivée d’un enfant.  « J’ai été danseuse comédienne, intermittente du spectacle pendant longtemps. Du coup, ma situation professionnelle n’étant pas stabilisée, on n’a pas forcément eu envie de faire un enfant ». Après une toute première relation de huit ans où elle a essayé en vain d’avoir un enfant, celles qui ont suivies n’étaient pas assez stables pour lui permettre d’être mère.

Grossesses à risques                                       

« De toutes les façons, Il n’y a aucune règle avec les femmes », l’ont rassuré les médecins. « Le jour où vous vous sentez en confiance avec un compagnon tout est possible ». Céline a trouvé son compagnon au Bénin. Bien loin de son pays d’origine, la France. A 38 ans, l’idée d’un accouchement très difficile ne lui a pas effleuré l’esprit tant elle faisait confiance à son corps façonné par plus de 20 ans d’activité physique. « J’ai pas eu plus d’appréhensions sur la difficulté de l’accouchement qu’une femme plus jeune que moi. Aussi parce que physiquement, je me suis entraînée. J’ai été danseuse, j’ai fait beaucoup de yoga. Donc je fais confiance à mon corps dans ses capacités d’appréhender la douleur et dans la possibilité de suivre des instructions précises du médecin ou de la sage-femme ».

Et pourtant, les risques ne sont pas moins négligeables. A plus de 35 ans, les risques de fausse couche sont de plus de 30%. Les risques de faire des grossesses extra-utérines ou d’accoucher par césarienne sont de 23%. D’un point de vue scientifique, l’âge avancé affecte négativement la fertilité, la grossesse et l’accouchement. Céline en a véritablement pris conscience au moment où elle est tombée enceinte. « J’ai fait plus attention pendant la grossesse que quelqu’un de plus jeune parce que je savais que cela serait plus risqué. Les explications de la gynécologue Issa Awoulath iront dans le même ordre d’idées. « De façon générale, la grossesse est une situation de baisse d’immunité et de fragilité. Il faut en plus de cela prendre en compte le fait que la femme à 35 ans est déjà âgée. Elle a un utérus qui a peut-être connu une ou deux opérations à cause des fibromes. Elle a peut-être eu aussi des antécédents d’hypertensions. Tous ces facteurs font de la grossesse, une grossesse à risque ».

Le risque d’avoir un enfant trisomique

Pendant la grossesse, les risques sont partagés entre la mère et l’enfant. « De manière évidente, les risques sont en premier pour l’enfant et secondairement pour la femme. D’abord, il y a un risque par rapport à la morphologie de l’enfant et un risque lié au fait que l’enfant naisse prématurément », affirme Issa Awoulath. La femme qui conçoit à un âge très avancé doit donc être mieux suivie. « De façon générale, poursuit la gynécologue, dès le départ de la grossesse, l’on commence déjà par analyser les probabilités de pathologie que la femme peut avoir en fonction de ses antécédents. » Les risques d’avoir un enfant trisomique sont aussi élevés chez la femme âgée. « La trisomie est une maladie génétique qui est favorisé par l’âge avancé de la femme», rappelle la gynécologue. Céline, elle, n’a pas voulu s’inquiéter par rapport à ce risque malgré l’inquiétude du médecin qui la suivait.  « J’ai décidé de ne pas m’inquiéter. Et le peu d’examens que j’ai pu faire ici à Cotonou n’étaient pas négatifs ». Souvent pour des grossesses à plus de 35 ans, les gynécologues recommandent beaucoup d’examens. Le plus souvent une amniocentèse et une choriocentèse. Céline n’a pas voulu les faire et le pire n’est pas arrivé. « J’ai aussi décidé de ne pas m’inquiéter pour ne pas vivre une grossesse stressante. Je me suis très vite détacher de tout ce qui pouvait être stressant ».

Heureusement, tout s’est très bien passé pour Céline à part la longue durée des contractions durant le travail (42h). Sa grossesse est allée à terme sans grande difficulté. Et de par son expérience, elle pense aujourd’hui que l’accouchement difficile à cause d’une grossesse tardive n’est pas une règle absolue. Une activité physique régulière et une psychologie assez forte peuvent être d’une grande aide. Et Docteur Issa Awoulath ne dira pas le contraire !

Hermann BOKO


#MondoblogAbidjan : A Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, il a manqué de l’eau !

mondoblog_abidjan

Ce billet, j’aurais dû le publier, le lendemain de  notre fin de formation #MondoblogAbidjan qui s’est tenu du 2 au 12 mai à Grand-Bassam; une petite ville situé à l’est d’Abidjan. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas fait. Et sur ce coup je sais qu’à l’école de journalisme, j’aurai eu des points en moins [ndlr : le caractère périssable des articles]. Ce dont je me souviens ; j’avais jugé inopportun de publier mon billet sur la formation à Abidjan, tant les billets sur #mondoblogAbidjan étaient d’excellentes qualités et relataient très bien les instants de la formation. J’ai privilégié mon billet sur l’homosexualité, qui bien entendu, était écrit bien avant mon voyage sur la Côte d’Ivoire.

En Mondoblog, j’ai découvert  une réelle communauté qui se soutient, une vraie famille. Une grande famille de Camerounais, de Béninois, d’Ivoirien, de Malien, de Français…. Il y bien sûr peu de Tchadiens pour ne pas dire qu’une seule. Et Ndodjo se désole beaucoup pour cet état de chose. Certains sont venus de très loin : l’Australie, du Canada, du Népal et d’Haïti’’. Ce dernier pays a inspiré Ziad, ‘’le grand manitou’’, quand il essayait de se justifier sur le pourquoi, il n’y a pas eu des téléphones intelligents pour les nouveaux blogueurs cette année : « A la place des smartphones et tablettes, nous vous avons donnés 4 frères Haïtiens. Leurs billets d’avion, nous ont coûtés très chers », je paraphrase.

Mais s’il y avait quand même du matériel, Thélyson, le poète de la  »communauté mondoblog » de n’aurait pas brisé la tablette de Mr le Directeur de l’Hôtel Tereso. Je ne sais plus comment il a pu gérer le problème. Mais quand on lui demandait :

–         Oh, comment t’as fait avec la tablette ? T’as déjà vu le directeur ?

–         En même temps, ce n’est qu’une tablette ! Ce n’est pas comme si j’avais tué un homme ! répondait-il.

On venait de prendre un cours aussi dense sur le Data-journalisme. En effet cette journée comme toutes les autres journées  était bien chargé. Il fallait après une dure journée de formation, prendre une douche. Mais La Compagnie Ivoirienne d’Energie (CIE) avait coupé l’eau depuis.

Le plus dure c’est la toilette du matin. La journée s’annonce cool surtout avec Philippe Couve, le géniteur de l’Atelier des médias et de Mondoblog. Tu entres sous la douche. Tu l’ouvres et tu souris : « ah ouais ! L’eau est là ! T’étais passé où hier au moment où l’on devait se rafraichir le soir ? ». Au fait, elle feint d’être là. Le temps de passer quelques mousses de savon sur le corps, elle  disparaît. Elle a l’esprit féminin. Comme une femme. Elle te lâche au moment où tu t’attends le moins. Te voilà dans une grande impasse. T’as le savon sur le corps, tu ne sais maintenant comment te rincer. Tu passes en mode D. Mon ami burkinabè Basidou Kinda en a été victime.

« Souvent à Grand-Bassam, on est sujet à des coupures récurrents de la CIE.  Alors nous, à l’Hôtel pour pallier ce problème,  nous avons une grande réserve d’eau qui supplée ce manque au niveau des douches. Vous ne constatez l’absence d’eau que pendant une quinzaine de minutes. Le temps que le bassin au niveau de l’hôtel prenne la relève », m’a expliqué le Directeur de l’Hôtel.

Un big up à Danielle Ibohn ! Difficile pour un écureuil de se mettre à côté d’une lionne bien que ses griffes soient assez courtes. Un coup de cœur à Dania, l’homme qui a su ravir la vedette à Ziad Maalouf, lors de l’émission spécial Mondoblog-RFI. C’est un mérite ! Je n’oublie pas Serge Katambera, le chercheur. Tiens-nous au courant de ce que deviendront les résultats de ta recherche. Yannick, du pays basque. Amène-nous des T-shirts la prochaine saison. La très chère Josiane avec qui j’ai une passion commune : le reportage. Elle vient de recevoir le prix du meilleur reportage au Cameroun. Mr Williams ! Si vous êtes dans un bus avec lui. Dites que le Cameroun est la première puissance mondiale. Il vous en sera reconnaissant.

Je salue tous les formateurs sans qui la famille n’aurait jamais existé, et avec qui nous avons passé des moments formidables. Je pense à Raphaëlle, Simon Decreuze, Grégoire de RSF, Manon Mella, Pierre Romera, et le Grand Manitou Ziad Maalouf

Je bénis tous les efforts que Radio France Internationale consent chaque année pour la liberté d’expression et pour la promotion du blogging en Afrique

Et mon (sale) bec ! Ça, ça vient du Mali. Un clin d’œil à Boubacar Sangaré


Homosexualité : Que dit la loi au Bénin ?

 

carte de l'homophobie
Source: courrierenvrac.wordpress.com

Il n’y a pas de dispositions légales qui répriment expressément l’homosexualité. Mais si l’on considère dans un contexte culturel africain que l’homosexualité est contre-nature, cette orientation sexuelle reste un délit. 

On peut dire que « l’homosexualité est réprimée par les textes du code pénal applicable au Bénin. Lequel code est un héritage de la période coloniale. Ce sont les dispositions du code pénal sur les atteintes aux mœurs qui sanctionnent l’homosexualité. Ces dispositions punissent de 6 mois à 3 ans et une amende de 4000 francs à 1 million quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe mineur ou de 21 ans », informe Me Freddy Houngbedji.

Mais  il insiste bien sur ce détail que c’est le caractère choquant de l’homosexualité qui est passible de répression. « De façon plus général c’est l’article 330 qui sanctionne toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur. On considère que le fait, pas d’être homosexuel mais d’avoir une  pratique homosexuelle est un délit passible des tribunaux. L’homosexualité peut se pratiquer entre les quatre murs d’une maison, jusque-là ça ne pose aucun problème à personne. Mais c’est l’exhibition au vu et au su de tous d’où l’outrage publique qui est réprimée par le code pénal au Bénin ».

Jusqu’aujourd’hui, aucun homosexuel n’a encore été emprisonné. Loreto depuis qu’il vit son homosexualité n’a jamais eu échos d’une répression ou violence quelconque sur un homosexuel. Preuve de la tolérance de la société béninoise selon Me Freddy Houngbedji : « A ma connaissance, aucun homosexuel n’a encore été condamné au Bénin. Ce qui semble révélateur soit de la tolérance de nos citoyens, soit de l’indulgence de nos magistrats. Et il y a bien d’autres dispositions bien que présentes dans le code pénal qui ne sont plus appliquées depuis plusieurs années. Je pense à la peine de mort qui est toujours dans notre code pénal mais qui n’est plus appliquée depuis plus de vingt ans. Je pense à l’adultère qui n’est quasiment plus appliqué en raison de discrimination et de sanction radicale à l’endroit des femmes adultères qui est plus lourde que la sanction applicable au mari adultère ».

Selon un proche des associations gays, quelques manifestations privées d’associations gays aurait été réprimées par certains éléments de la police.


Loreto : « J’assume pleinement mon homosexualité »

Photo de famille du couple gay Loreto
Photo de famille du couple gay Loreto (Caricature)
Illustration: Marine Fargetton

Au Bénin, pays où le débat de société sur l’orientation sexuelle ne se pose pas encore, Loreto, jeune homme de 26 ans nous raconte son homosexualité.

« [Dans l’appartement] d’un gay, c’est toujours cool ! » C’est l’un des derniers propos prononcés fièrement par Loreto [ndlr : pseudonyme] lors d’une rencontre dans son appartement deux pièces, joliment décorées et bien meublées. « Le gay aime beaucoup les couleurs. Il est beaucoup soigné et aime prendre soin de son corps et de sa personnalité ». En parlant de son appartement ; « C’est petit. Mon ami et moi avons décidé de déménager pour un espace beaucoup plus grand ». Un endroit, où Loreto pourra garer sa petite Rav4, année 2002.

Loreto, jeune homme de 26 ans et administrateur dans une société privée de la place assume bien son homosexualité.  Il ne montre aucun complexe à en parler tant que l’anonymat est respecté. Au Bénin comme d’autres pays en Afrique la question reste délicate. C’est autour d’une table de bistrot à l’intérieur du stade de l’Amitié de Cotonou qu’il a accepté de partager son expérience.

« J’assume pleinement mon homosexualité. Je n’ai pas de problème à ce niveau. En matière de droits humains, il faut savoir se respecter, il faut savoir se tenir. Tant que je ne choque pas, tant que je ne parais pas extravagant, personne ne peut se douter de mon homosexualité. La société béninoise est une société tolérante. C’est quand cela choque que ça devient désagréable », affirme Loreto.

C’est entre 15 et 16 ans qu’il a découvert son homosexualité. C’était l’âge de la puberté. Le véritable moment où l’on prend conscience de son orientation sexuelle, où l’on se découvre : « L’adolescence est l’âge à laquelle l’enfant exprime sa sexualité. C’est la période où l’enfant peut sentir qu’il développe une attirance vers tel ou tel sexe », explique le psychologue clinicien Etienne Sonou.

Au début, cela lui paraissait assez baroque son attirance pour les hommes. Lui qui a longtemps vécu dans un environnement hétéro. Ce qui a fait prendre conscience à Loreto de son identité sexuelle, bien qu’ayant une copine, c’est la rencontre de son premier amour au début des années 2000. Mais jusque-là tout lui paraissait encore confus : « Je ne comprenais pas cette attirance que j’avais pour les hommes. C’était assez bizarre.  Quand il m’arrivait d’embrasser un homme, je me disais que c’était la puberté. C’est quand j’ai découvert l’amour à travers un homme que j’ai pris conscience de mon homosexualité véritable. Je pensais être seul dans mon monde sans savoir que j’avais des semblables. J’ai eu le sentiment de découvrir quelque chose de nouveau. C’était assez beau », explique-t-il.

 Son attirance pour les hommes, il lui a fallu un moment pour la considérer comme « naturelle ». « On naît homosexuel, on ne le devient pas. C’est trop facile ça! Si l’on devait choisir, je pense que tout le monde choisirait la voie dite ‘’normale’’ pour éviter tout problème. Chacun a le droit à la liberté. J’ai le droit de mener la vie sexuelle que je veux. Mon orientation sexuelle, je la vis comme je le veux. Elle ressort de ma vie privée », explique-t-il.

Il raconte aussi qu’étant un jeune assez faible autant physiquement qu’émotionnellement, son lien fréquent avec sa grande sœur et l’affection particulière que lui éprouvait sa mère ont sûrement été des facteurs favorisant son orientation. « Moi, très tôt, j’avais de l’attirance pour les hommes. J’avais une grande sœur avec qui j’étais « super copine ». Je développais déjà des tendances. J’adorais par exemple jouer à la poupée ».

 Le regard extérieur

La plus grande difficulté que peut connaître l’homosexuel, reste le regard et la pression extérieure. Pour Loreto, ça a commencé à la maison. La personne qui en a le plus souffert est sa mère. Dans un environnement foncièrement hétéro, voir son enfant développer des attirances pour une personne de même sexe était difficilement supportable. « Au début mes parents n’étaient pas du tout d’accord. Surtout ma mère qui était totalement contre. Moi, mes parents m’ont trop mis la pression pour changer mon orientation sexuelle. Ils m’ont même interdit de sortir. Mais il n’y avait rien à faire. C’est après cinq ans qu’ils ont dû accepter malgré eux. Mais ils gardent toujours espoir que je puisse changer un jour ».

La pression à la maison reste encore gérable « parce qu’un parent ne peut rejeter son enfant sous prétexte de son orientation sexuelle ». Mais c’est plutôt celle du dehors qui demeure insoutenable. Loreto a dû s’armer d’un mental fort et a eu la chance d’avoir des amis qui ont pu le comprendre et le soutenir. Il s’est forgé un « moral d’enfer ». Mais beaucoup comme lui, n’ayant pas eu l’entourage qu’il faut et n’ayant pas eu le soutien familial, sont passés de vie à trépas en se suicidant.

Loreto, lui n’a pas eu une grande difficulté à s’intégrer tant socialement que professionnellement. « Dans le milieu professionnel, il y a des regards. Les premiers jours sont toujours difficiles. […]. J’en connais beaucoup qui se sont suicidés parce que le soutien n’y était pas. Moi, j’ai essayé de bâtir ma tour à moi pour que les chocs extérieurs ne m’atteignent pas ».  

Aujourd’hui, Loreto milite au sein d’une association de gays et transsexuels. Il y en a quatre au Bénin. Toutes regroupées au sein d’un grand réseau dans lequel militent des hommes de toutes catégories socioprofessionnelles et couches sociales. « La communauté gay existe au Bénin. Nous sommes nombreux. Certains se dévoilent au grand jour. Mais d’autres passent inaperçus. Surtout ceux qui travaillent dans les administrations. Mais les enjeux de cette communauté sont beaucoup plus sanitaires. Ce n’est pas comme en France où les gens militent pour le mariage gay. Beaucoup ne prennent pas conscience que la communauté gay est une communauté qui a besoin de soins. De la même manière que l’on s’occupe des travailleurs de sexe, des personnes malades, il faut aussi que nous ayons des soins adaptés [parlant du VIH sida et des IST] . Ce sont les différents enjeux de nos associations ».  Ces associations existent d’une manière officielle, sont bien connues mais l’on ne peut deviner à travers leur dénomination, leur connotation homosexuelle. Le Bénin est un pays où l’homosexualité reste un sujet tabou et délicat.

Cela fait plus de 10 ans que Loreto a découvert son homosexualité. Il vit aujourd’hui en couple et est marié avec son homme depuis trois ans. Ils se sont épousés en Afrique du Sud, l’un des rares pays en Afrique disposant d’une loi en faveur du mariage gay. Ils ont un enfant qu’ils ont pu engendrer par insémination artificielle au Cameroun grâce à une mère porteuse. L’enfant qu’élève le couple gay est une fille. Elle a trois ans !

 

                                                                                                                               Hermann BOKO

Homosexualité : Que dit la loi au Bénin ?


Distinction des lauréats béninois du Forum Afrique pour l’innovation

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Les lauréats béninois du forum Afrique pour l’innovation

A la résidence de France, l’ambassadrice de France près le Bénin, Aline Kuster-Menager, accompagnée de Miss France Flora Coquerel venue en visite au Bénin, a procédé ce 11 mars 2014 à la remise de certificat de sélection des quatre lauréats béninois du Forum Afrique – 100 innovations pour le développement durable.

Sur 800 dossiers  reçus à la suite de l’appel à candidature lancé en septembre 2013, C’est au final 100 projets innovateurs qui ont été retenus pour le Forum Afrique – 100 innovations pour un développement durable tenu à Paris le 5 décembre 2013. Parmi ces 100 innovations sélectionnées dans toute l’Afrique, quatre sont béninoises. Les porteurs de ces innovations ont reçu leurs certificats de sélection ce 11 mars 2014 des mains  de l’actuelle Miss France, Flora Coquerel, en visite au Bénin.

Ces différentes innovations touchent les secteurs de l’agriculture, de l’agro-écologie, de l’environnement et de la sécurité alimentaire.

Dans le secteur agricole se démarquent les innovations du Père Godfrey Nzamujo du Centre Songhai nommé Fabrication Additive avec l’Afrique et de Maliki Magnoro de l’ONG Jura-Afrique Bénin dont le projet consiste en la réhabilitation du Cours d’eau d’Ouankou situé dans le département de l’Alibori au Nord-est du Bénin. Ce projet permettrait la reconstruction de 2 km d’une forêt-galerie initialement détruite pour garantir l’écoulement permanent de l’eau et promouvoir les activités agricoles, l’apiculture, l’artisanat et la cueillette.

En ce qui concerne la « Fabrication additive avec l’Afrique », en anglais « Additive Layer Manufacturing with Africa (AWA) » du centre Songhai, il consisterait à fusionner de la matière, couche après couche, pour obtenir la forme désirée. C’est un processus de fabrication à partir de fil ou de poudre plastique ou métallique, facile d’accès, rapide, simple et économe.

Pour Godfrey Nzamujo, directeur du centre Songhai et porteur du projet, cette distinction est une reconnaissance de ce que fait le centre Songhai.  « Songhai cherche à faire monter l’Afrique dans la troisième génération de la révolution technique. Nous développons une technologie qui nous aide à fabriquer les choses facilement. Avec cette technologie n’importe qui en Afrique peut devenir un inventeur en fabricant. Cela reviendra moins cher. Nous sommes à la fin de la deuxième révolution industrielle. Et cette technologie nous amène à la troisième », a-t-il affirmé.

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Le directeur exécutif de CREDI ONG, lauréat du forum Afrique pour l’innovation prenant son certificat des mains de Miss France

Dans le domaine de l’environnement, c’est le projet de musée vert de la vallée du Sitatunga dans la commune d’Abomey-Calavi qui a retenu l’attention du jury. Ce projet est porté par les acteurs de CREDI-ONG (Centre régional de recherche et d’éducation pour un développement intégré)  en la personne de Martial Kouderin, directeur exécutif de l’ONG. L’innovation a pour objectif de mettre en valeur la biodiversité des zones humides, d’éduquer le grand public et de générer des ressources pour la réserve. Elle vise aussi à promouvoir l’écotourisme. « L’écosystème de la vallée du Sitatunga que nous avons identifié, est d’un intérêt mondial. Cette vallée s’étend sur une dizaine de milliers d’hectares et abrite encore plus de 600 espèces animales et végétales. L’animal le plus emblématique dans la vallée est le Sitatunga, une antilope aquatique. En dehors de cette antilope, il y a beaucoup d’autres espèces qui sont menacées que nous protégeons avec les communautés. La vallée Sitatunga est une initiative de réserve naturelle communautaire qui vise à protéger ses ressources et à les conserver de manière durable » a expliqué Martial Kouderin, directeur exécutif de l’ONG.

Dans le domaine de la sécurité alimentaire Sévérin Tchibozo du Centre de recherche pour la gestion de la biodiversité (CRGB) porte le projet de transformation des insectes comestibles. Ce dernier projet favorise la domestication et la transformation des insectes comestibles comme alternative à la viande pour lutter contre la malnutrition et contribuer à sécurité alimentaire. « Les insectes ont toujours été ignorés. Les gens pensent que c’est l’aliment du pauvre. Mais c’est se tromper. Les criquets renferment 70% de protéines. Mieux que le bœuf qui ne renferme que 16% de protéines. Pour moi, c’est l’aliment de l’avenir. Au sud-est, l’aliment est déjà consommé ainsi qu’au nord du Bénin », a défendu Sévérin Tchibozo.

Le Forum Afrique – 100 innovations pour un développement durable, est une initiative du ministère des Affaires Etrangères de la France, sous l’impulsion de Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Il a été organisé le 5 décembre 2013 en Partenariat avec L’Agence Française de Développement (AFD) en marge du sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique. Ce forum vise à mettre en lumière des innovations inscrites dans le développement durable et déjà mises en place localement pour améliorer la vie quotidienne.

En plus du Bénin, 32 autres pays parmi lesquels, l’Afrique du sud, Le Burkina-Faso, le Cameroun, la Côte d’ivoire, le Cap-Vert, l’Egypte, l’Ethiopie ou encore le Gabon sont représentés dans cette sélection de 100 innovations.

Hermann BOKO


A Ouidah dans la villa Ajavon, le nouveau musée d’art contemporain de l’Afrique

A Ouidah au Bénin la découverte de la villa Ajavon a précipité la création du musée d’art contemporain de Ouidah, le premier du genre en Afrique subsaharienne.

Le Musée_Fondation Zinsou©Jean Dominique Burton-17
Credit photo: Jean-Dominique Burton

Cela fait bien longtemps que l’idée lui « trottait l’esprit ». En 2005 tout juste après l’ouverture de la Fondation Zinsou, cet institut qui s’est assigné comme mission, la promotion de la culture et plus particulièrement de la création contemporaine, Marie-Cécile Zinsou exprime le désir de créer un musée d’art contemporain pour « contribuer à la préservation du patrimoine africain sur la terre de ses origines », pouvoir remédier à sa délocalisation vers les marchés extérieurs mais surtout le rendre accessible aux africains, eux-mêmes. Les Africains pendant longtemps se sont désintéressés de tout ce qui était expression artistique contemporaine. Tout juste, explique Marie-Cécile « parce qu’il n’y avait pas de musée ou qu’ils sont payants » dès lors qu’ils sont créés. Pour la Fondation Zinsou « La culture est un droit et ne peut ni ne doit être considérée comme un luxe. Il est primordial, aujourd’hui, de permettre aux enfants et aux adultes du Bénin d’avoir un accès à la culture ».

L’idée ainsi lancée, Marie-Cécile Zinsou se donne au départ 10 ans pour pouvoir réaliser ce projet. Entre temps la collection d’œuvres contemporaines dont est propriétaire la famille Zinsou est devenue très importante [ndlr : la collection compte aujourd’hui plus de milles œuvres]. Pour le lieu qu’abritera le futur musée, il faut une maison, de préférence ancienne. Mais surtout emblématique, qui ait une histoire.

La découverte de la villa Ajavon

Elle va donc activer les recherches. Elle fait de temps en temps attention aux maisons à chaque sortie dans les villes du Bénin pour voir si elles sont éventuellement disponibles. De son chronogramme de départ environ six années sont passées. « Cela fait un bon moment que je cherchais de belles maisons anciennes qu’on puisse rénover. Lors d’une visite au Japon sur l’île de Naoshima, j’avais été fascinée par un projet qui consistait à rénover des maisons anciennes et à les donner aux artistes qui à leur tour en faisaient soit des installations soit des projets. Il y avait quelque chose entre les maisons anciennes et l’art contemporain. J’avais envie d’avoir quelque chose comme ça au Bénin », raconte-t-elle. Puis vient ce jour, où Gisèle Capo-Chichi, l’une des descendantes de la famille Ajavon alors directrice administrative de la fondation, lui propose la villa Ajavon. La vieille maison familiale où elle a passé son enfance, alors en déliquescence et laissée à l’abandon.

Après une visite, Marie-Cécile tombe ainsi sous le charme de la villa Ajavon. C’est une architecture qu’elle connaît déjà : « Dans mes recherches, j’avais déjà vu une maison du côté du Togo, qui en fait était la maison du même propriétaire. Mr Ajavon avait construit la même maison à dix ans d’écart au Togo et au Bénin. Et j’avais été déjà très frappée par cette maison », explique-t-elle.

La villa répond donc parfaitement à ce qu’elle voulait. Elle est emblématique, porte une histoire, est témoin vivant du riche passé qu’a connu Ouidah en étant l’un des principaux points d’embarquement des esclaves vers les Amériques. « La dimension du patrimoine était importante  dans notre projet, explique Marie-Cécile Zinsou. Et la maison avait un potentiel énorme. C’est une maison historique qui est un patrimoine afro-brésilien tout à fait important et qui est assurément l’un des plus beaux éléments du patrimoine du sud-Bénin. Elle est décrite dans tous les livres d’architecture. C’est vraiment une maison emblématique. C’était dommage que cette maison s’abîme avec le temps, et c’était bien de la restaurer. C’est un chantier intéressant ! Cela aurait pu se faire ailleurs. Mais il se trouve que cela s’est fait à Ouidah ».

Située derrière la Basilique Immaculée Conception de Ouidah, la villa Ajavon est la propriété d’un riche commerçant togolais. Construit en 1922 l’édifice se singularise par son architecture originale : un toit pagode, de nombreuses fenêtres qui s’ouvrent sur l’extérieur ou encore la hauteur des plafonds. Autant d’aspects qui édifient sur le caractère distinctif de l’architecture afro-brésilienne.

La découverte de la villa accélère donc la réalisation du projet.  « La maison a déclenché le projet plus vite que prévu. En 2005, on s’était dit qu’on se donnait dix ans pour créer un lieu pour la collection permanente. Finalement c’est au bout de huit ans qu’on a ouvert le musée. Mais c’est lié à la découverte de la maison, à la possibilité de rénovation, à la possibilité de récupération dans la fondation ».

Un an de travaux a été nécessaire pour lui redonner une nouvelle vie. Un an pour consolider le bâtiment, recréer le toit pagode qui n’existait plus, remettre le sol à niveau, refaire les boiseries, remplacer les fenêtres, installer l’électricité, créer les sanitaires puis mettre les peintures pour qu’enfin l’ancienne maison  puisse devenir musée.

La visite au musée, un voyage à travers plusieurs cultures

Le Musée_Fondation Zinsou_Salle Samuel Fosso©Jean-Dominique Burton-68
Crédit photo: Jean-Dominique Burton

Déjà trois mois que le musée est ouvert au public. Le 11 novembre 2013, le nouveau musée d’art contemporain africain ouvrait officiellement ses portes. Il a déjà passé la barre des 10 milles visiteurs.

Au Musée, pour la première exposition dénommée « chefs d’œuvres sur la collection » sont à l’honneur 14 artistes d’origines diverses.

La visite au musée est un voyage à travers les cultures de plusieurs pays. Elle commence par la salle qui abrite les photographies burlesques du Camerounais Samuel Fosso. Sur ces photos l’artiste se déguise lui-même pour incarner des personnages. Si ce n’est le portrait d’une femme américaine dans les années 70, c’est le cliché d’un roi impudique et cupide qui a vendu tous ses sujets contre des pacotilles ou plutôt le portrait du Capitaine Tournesol. La seconde salle présente « deux pionniers de la photographie en Afrique : Malick Sidibé et Seydou Kéita». Pour ainsi reprendre les mots du guide. Ils sont Maliens et leurs photographies très expressives parlent de la mode des années 50.

Il faut aussi faire un tour en Afrique du Sud avec la salle affectée aux œuvres de Bruce Clarke. Avec une technique mixte : la peinture, le collage ou le grattage, l’artiste engagé a sa manière d’aborder certains sujets de société. Comme avec son tableau « évidence » où il rend hommage à des victimes anonymes de l’apartheid en Afrique du sud et du génocide au Rwanda.

La salle suivante nous fait remonter en Afrique de l’Ouest et plus précisément en Côte d’ivoire pour découvrir les pictogrammes de Félix Bruly Bouabré. A travers ces pictogrammes, l’artiste raconte les légendes et mythes des cultures africaines comme ici la légende de l’immortalité.

Les masques Guèlèdè de Kifouli

Le Musée_Fondation Zinsou_Salle Kifouli Dossou©Jean-Dominique Burton-40
Crédit photo: Jean-Dominique Burton

Le Bénin se distingue dans la collection permanente du musée à travers l’œuvre de Kifouli Dossou, appelée le « sondage ». Kifouli Dossou est un sculpteur natif de Covè. Une ville du sud-Bénin située à environ 140 km de Cotonou. Il est un spécialiste de la sculpture des masques Guèlèdè. Le Guèlèdè est un patrimoine oral propre aux communautés Yoruba et Nago du Bénin et du Nigéria. Il est inscrit en 2008 au patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO. En 2011, à la veille des élections présidentielles, la fondation Zinsou commande à Kifouli Dossou un sondage pour comprendre les grandes préoccupations de la population. Après ce sondage, l’artiste retient dix thématiques qu’il pense essentielles. Il reproduit ensuite des scènes sur dix masques Guèlèdè pour illustrer ces différentes thématiques. Sculpté dans un seul tronc d’arbre, chaque masque parle d’une préoccupation et raconte une histoire. Parmi les sujets  que traitent les masques Guèlèdè de Kifouli on peut noter la difficulté d’accès à l’éducation en milieu rural, l’absence d’énergie électrique dans les villages, le faible pouvoir d’achat des fonctionnaires, la dégradation de nos infrastructures routières ou encore le difficile accès aux soins de santé.

Kifouli Dossou sait parler aussi de chose assez triste comme en témoigne ce géant masque Guèlèdè qu’on a intentionnellement exposé dans cette salle noire. A travers ce masque monoxyle entouré de squelettes, Kifouli Dossou parle de la mort.

En 2059, les millions de béninois se battront pour un seul épi de maïs 

Dans cette collection permanente du musée d’art contemporain de Ouidah, le Bénin occupe une place prépondérante. Avec la présence de Romuald Hazoumè artiste né en 1962 qui fait de la photographie, de la sculpture et de la peinture. Dans la salle dédiée aux œuvres de cet artiste, on peut remarquer ses photographies qui évoquent le commerce informel de l’essence de contrebande. Ou encore une toile qui parle de l’art divinatoire : la géomancie.

Le Musée_Ouidah_Visite complexe scolaire de Grèce_Salle Aston©Jean-Dominique Burton.1
Crédit photo: Jean-Dominique Burton

Aston, un artiste béninois qui fait de la récupération est aussi présent dans cette collection avec son œuvre « catastrophe » dans lequel il schématise la population béninoise avec des bouts de plastiques récupérés  qui se bat pour un épi de maïs. Mais « Catastrophe » pourquoi ?  En 2009, la fondation Zinsou a organisé  une exposition nommée « Bénin 2059 ». L’objectif était d’imaginer le Bénin dans 50 ans. Une sorte de projection. « Lors de cette exposition Aston par son œuvre [prédit] que ce serait une pure catastrophe à cause de l’exode rural. Explique le guide du musée. Il se pose la question de savoir si  tous les jeunes quittaient les villages, à qui la terre sera laissée ? Selon lui si ce phénomène ne cesse pas, il y aura la famine. Toute la population béninoise se battra pour un seul épi de maïs ».

On ne peut non plus oublier Cyprien Tokoudagba, l’un des tous premiers artistes africains ayant eu une reconnaissance internationale. Né à la fin des années 30, il est mort en 2012. Cyprien Tokoudagba est spécialisé dans le bas-relief et a le mérite d’avoir restauré tous les palais royaux d’Abomey. Il est aussi présent à Ouidah. Les grandes sculptures qui longent la route des esclaves à Ouidah portent sa signature. Dans la salle affectée à ses œuvres, les toiles de Cyprien mettent en évidence les emblèmes des différents rois d’Abomey. L’on peut facilement reconnaître celui du roi Béhanzin, le plus célèbre roi d’Abomey, symbolisé par un requin et un œuf.

A tous ces différents artistes, s’ajoutent les œuvres de plusieurs autres artistes de différentes nationalités. Ils viennent de Belgique, du Congo, du Sénégal, de la Tanzanie et de l’Ethiopie.

 

Hermann BOKO


Une pensée pour Danica

Danica Camacho
Crédit photo: DR

Vous souvenez-vous de notre citoyenne spéciale?

Ça commence toujours par des interrogations. Pourquoi ces Occidentaux viennent-ils connaître les réalités du Vodoun pour après l’écrire dans les livres ? N’ont-ils pas dit il y a deux siècles de cela que c’étaient des pratiques obscures et qu’il fallait venir à la ‘’vérité’’ (Jésus) ? Maintenant ils vident leurs églises pour venir au couvent. Il y a même aujourd’hui des prêtes vodouns blancs. Pendant que l’Afrique devient l’avenir de l’Eglise catholique. Comment vit-on quand on est séropositif ? Pourquoi au Bénin l’essence doit-il être de contrebande ? Bien souvent la décision de traiter tel ou tel sujet est souvent la résultante de plusieurs interrogations. J’ai donc cherché à avoir des nouvelles de notre 7 milliardième enfant d’il y a deux ans. Juste par curiosité, c’est venu comme ça.  Elle s’appelle Danica Camacho, est née à Manille aux Philippines le 31 octobre 2011. Vous souvenez-vous ? Elle avait été choisie par les Nations unies pour commémorer le nombre d’habitants qu’abrite la planète. Nous sommes passés à 7 milliards en 2011. Ma grande inquiétude était de savoir si elle vivait heureuse avec sa petite famille. Si elle vivait toujours avec son père  et sa mère. Un incident peut très vite arriver : les vicissitudes de la vie. Est-ce qu’elle était épanouie ? Pourra-t-elle aller à l’école ? Court-elle en exprimant sa joie et son sourire innocent d’enfant ?

Mes inquiétudes étaient-elles fondées ? Ces parents ont quand même reçu une aide de la part des fonctionnaires de l’ONU  pour qu’ils puissent ouvrir un commerce et subvenir au bien-être de leur enfant. Danica, elle, bénéficie d’une bourse pour ses études. Et donc en cherchant sur le net, l’outil précieux, je suis tombé sur cette photo.

danica camacho 2
Credit photo: DR

Elle est belle ! N’est-ce pas ? Elle a un regard d’ange et surtout elle est heureuse.  Malheureusement je ne peux vous dire si c’est réellement elle Danica Camacho. La page Facebook porte son nom. Néanmoins Danica doit avoir grandi. Elle doit avoir plus de deux ans maintenant. Je veux bien croire que Danica ait le même sourire en ce moment. Dans quel monde vivra-t-elle quand elle aura 30 ou 40 ans ? C’est-à-dire en 2044 ou 54. La technologie et la science auront une avancée considérable au point où les hommes pourraient vivre avec un cœur artificiel dans le corps. On pourra tout contrôler depuis un simple ordinateur. La domotique deviendrait une mode ! Elle vivra aussi dans un monde assez complexe. Il y aura par exemple beaucoup moins de places pour l’homme dans les industries. L’ouvrier sera remplacé par le robot. Il sera  difficile de trouver de l’emploi du fait de la saturation du marché du travail. Sans oublier les questions de sécheresse et de réchauffement climatique. Le loyer qui coûtera excessivement cher et toutes les questions liées à l’urbanisation galopante et incontrôlée des villes.

adnan nevic
Credit photo: DR

Par contre beaucoup de regrets pour le 6 milliardième enfant de la planète officiellement désigné. Il s’appelle Adnan Nevic et est né le 12 octobre 1999 en Bosnie. Lui n’a pas eu droit à une bourse. Et en 2011 au moment où naissait Danica, la famille Nevic traversait une période de grandes difficultés. Le père était tombé gravement malade et la mère n’avait plus d’emploi. Seule une allocation mensuelle de 100 euros, à titre honorifique, pour le citoyen spécial qu’était Adnan leur était octroyée par la ville Sarajevo. « J’avais pensé que les Nations unies reviendraient quand même le voir, au moins pour son anniversaire, et qu’il recevrait une bourse, ou quelque chose comme ça. Mais depuis le jour de la cérémonie organisée par les Nations unies, personne ne lui a plus rendu visite ni même demandé comment il allait », regrettait la maman.

Vous voyez bien pourquoi je m’inquiétais pour Danica…


10 janvier : Ouidah, la basilique et le vodoun

Fête-vodoun
Crédit Photo: DR

A Ouidah, vous pouvez suivre la fête de Vodoun depuis l’enceinte de la Basilique Immaculée Conception.  Les entrées du temple de python et de la Basilique mineure se font face.

Devant l’énorme bâtisse, style ogival de la Basilique Immaculée Conception de Ouidah, la foule attend impatiemment. Majoritairement vêtus de blanc, les prêtes vodouns attendent l’arrivée du chef suprême de leur culte, le « Daagbo Hounon ». Il doit procéder à des rituels et sacrifices au  temple python avant de rejoindre les festivités au niveau de la plage. C’est ce que veut  la tradition chaque 10 janvier. « Par respect pour la tradition et du fait que le roi Kpassè vouait un culte au python, le chef suprême du vodoun va d’abord au temple python pour émettre des vœux, faire des cérémonies avant de prendre le chemin de la plage », explique Juste Agogochian, ressortissant de Ouidah et guide touristique. Le python est en effet le principal totem des ressortissants de Ouidah. L’histoire raconte qu’à la suite d’une guerre opposant le puissant royaume de Danxomè à celui des Houeda en 1717, le roi vaincu de Ouidah prend le maquis et se réfugie dans la forêt pour échapper aux guerriers qui le poursuivaient. Il fut protégé par les pythons qui attaquèrent les guerriers du royaume de Danxomè, et il put ainsi être sauvé. En l’honneur de ses protecteurs, il érige à Ouidah trois cases dans la forêt et un totem.

C’est depuis minuit que le ton de la fête a été donné. Les adeptes du vodoun « les vodounsi » ont donc fait du bruit et procédé à des rituels pour réveiller les forces occultes toute la nuit. Cette dernière a été dominée par le vacarme houleux des adeptes du dieu ‘’Oro’’. Au Bénin, ‘’Oro’’ est le dieu du vent, il est de sexe féminin, observe une certaine hostilité à l’égard de la femme selon ce que raconte la légende. La divinité est vénérée un peu partout dans le sud du pays et plus précisément à Ouidah.

Ouidah est une ville côtière située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou et capitale historique du Bénin pour avoir été l’un des principaux points d’embarquement des esclaves vers les Amériques lors de la traite négrière. Environ deux millions d’esclaves auraient été déportés d’ici pour rejoindre les plantations de canne à sucre ou de café. Les vestiges de cette époque sombre sont toujours présents : le fort portugais construit en 1721 pour faciliter le commerce négrier, restauré et devenu en 1967 le musée d’histoire de Ouidah ; la route des esclaves retracée en 1992 ou encore la Basilique de Ouidah construite à partir de 1903. Elle est le symbole vivant de l’évangélisation au Bénin, alors Dahomey. En 2011, le Bénin a célébré ses 150 ans d’évangélisation depuis l’arrivée des missionnaires.

Ouidah, capitale du Vodoun

Une fois les rituels terminés au temple python, direction la plage devant le monument ‘’ la porte du non-retour’’ , érigé en 1992 et qui marque le départ des esclaves. Sous les bâches, la fête s’annonce belle.

C’est la commune d’Abomey-Calavi, la banlieue de Cotonou qui accueille la 21ème édition des manifestations officielles de la fête de vodoun. Mais c’est à Ouidah que cette fête prend tout son sens. La ville est le centre de la religion vodoun.

Ils sont nombreux ceux qui y  ont  couru. Dignitaires et chefs religieux, universitaires et politiques, occidentaux et expatriés venus de divers horizons pour venir toucher du doigt les réalités contées par les livres d’histoire. Ils sont venus d’Haïti, du Brésil, des Antilles ou encore de  France.

Il est midi : les célébrations et rituels ont commencé tôt le matin. Les couleurs traditionnelles des divinités Vodouns ravivent la ville et sont portées par ces milliers d’adeptes. Elles seront blanches pour ceux qui vénèrent le dieu ‘’dan’’ ou le python, le principal totem des ressortissants de Ouidah. Ou rouge pour les adeptes de ‘’hêviosso’’, le dieu du tonnerre.

Crédit photo: Hermann BOKO

La Basilique de Ouidah, le temple python : l’histoire commune

La côte de Ouidah est le lieu symbolique pour célébrer la fête du vodoun. C’est ici que tout a commencé. C’est de là que se répandait le Vodoun pour gagner le Brésil, les Caraïbes, Cuba, Haïti ou encore les Etats-Unis. Le Vodoun, les esclaves l’emportèrent avec eux lors de leur déportation. dans l’autre sens la côte a été la porte d’entrée de l’évangélisation. L’Afrique connut ses premiers missionnaires.

A Ouidah, l’histoire semble lier ces deux religions : le christianisme et le vodoun. À une toute petite échelle, l’histoire lie la Basilique Immaculé Conception de Ouidah et le temple python. On peut la toucher du doigt au quartier « Tovè » où  le face à face est visible entre la Basilique mineure de Ouidah et le temple python : lieu où les adeptes vouent un culte à la divinité ‘’dan’’.

A leur arrivée à Ouidah et après l’accroissement du nombre de fidèles catholiques, les missionnaires émirent l’idée de construire une première église paroissiale. Un terrain est cédé aux autorités ecclésiastiques par l’administration coloniale française à l’intérieur de la forêt où se tenait des rituels pour la divinité ‘’dan’’. Commencée en 1903, la construction de la Basilique durera 6 ans. Elle s’acheva en 1909 avec l’aide des adeptes du temple python.

Que peut motiver le choix de construire une Eglise catholique devant un temple sacré vodoun ? Un affilié au temple python tente ici une explication: « le python est au-dessus de toutes les divinités et croyances à Ouidah. Et c’est ce qui a poussé les colons à installer l’Église ici. Pour qu’en évangélisant, disparaisse ce qui était religion fondamentale. Mais cela a été impossible. Les deux ont toujours cohabité jusqu’aujourd’hui. C’est ce qui fait qu’à Ouidah, la Basilique et le temple se font face ».

En tout cas à Ouidah, ce cliché témoigne d’une meilleure cohabitation entre les religions. IL n’y a presque pas de différents, presque pas de querelles. Et il arrive bien des moments où  catholiques et animistes se rencontrent, se rapprochent, prient au même moment et s’entremêlent dans une même foule. Comme ce 10 janvier 2010, tombé sur un dimanche. Et qu’au moment où des fidèles suivaient l’homélie au sein de la Basilique de Ouidah, les adeptes vénéraient le dieu ‘’dan’’ à l’intérieur du temple python.

C’est assez inédit, le fait de voir des dignitaires de culte vodoun devant une Eglise catholique. Mais à Ouidah cela semble être un quotidien.

Credit photo: Hermann BOKO

« Nous ne cohabitons pas ! »

Encore ce matin du 10 janvier, on pouvait compter des centaines de personnes devant le temple qu’abrite cette divinité. Et depuis la Basilique Immaculée Conception, on pouvait suivre les allers-retours de dignitaires religieux.

Cette image fait de Ouidah, une ville unique. Au point où certains s’en enorgueillissent. Mais pour le clergé, il faut mettre un accent particulier sur le choix des mots. « Ici, on ne vit pas ensemble. On est face à face. On partage le même espace, la terre de la cité historique mais on ne cohabite pas. Disons qu’il y a une certaine coexistence. Le mot cohabiter me gêne. On partage le même espace. Il y a un  face à face architectural. C’est un fait d’histoire, certains en sont fiers, d’autres en tirent orgueil. Le sentiment qui m’anime face à cette mise en valeur de ce face à face, cela m’est indifférent en même temps qu’elle me gêne un peu. Ouidah peut être considéré comme un modèle de pluralisme religieux pacifique. On s’entend bien. D’ailleurs c’est depuis toujours. L’amitié de Mgr Steinmetz [ndlr : l’un des tous premiers recteurs de la Basilique et Vicaire apostolique du Dahomey]  avec nos frères et sœurs féticheurs d’alors est vraiment légendaire. Nous continuons dans ce sens, et là aussi, c’est la fidélité aux messages évangéliques et à la mission de l’Eglise » affirmait le Père André Padonou, alors recteur de la basilique de Ouidah dans un entretien accordé à un média béninois.

La cohabitation inter-religieuse, les habitants de Ouidah le rapportent  souvent à la tolérance et au syncrétisme. Aller à l’Eglise le matin et vénérer le petit dieu le soir semble être une évidence. Et dans toutes les grandes familles à Ouidah, il y a toujours une déité qu’il faille adorer. « C’est une question de foi. Et chacun est libre d’adorer son Dieu et d’avoir ses  croyances. Pour ce qui est du syncrétisme, allez poser la question aux fidèles et adeptes », répond le Père  Victor Sogni, aujourd’hui Recteur de la Basilique Immaculée Conception de Ouidah. Pour Léon Da Matha, ressortissant de Ouidah « Cela dénote de la tolérance. C’est la liberté de croyance. C’est la recherche de la vérité et de la connaissance. C’est pourquoi nous allons des deux côtés ».

Les festivités pour célébrer ce vendredi 10 janvier 2014 ont continué jusqu’à 16 heures dans la soirée. Elles ont continué le samedi avec les danses et la sortie des « Egungun ». Tous à Ouidah attendent la prochaine édition de la fête de Vodoun. Mais c’est celle de janvier 2016 qui sera symbolique. Parce qu’encore une fois, la date du 10 janvier tombe sur un dimanche.

 

A Ouidah, Hermann BOKO


La double-culture, une clé d’ouverture aux autres

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Crédit photo: lepoint.fr

Pour certains binationaux d’origine béninoise c’est assez gravissime d’imposer la nationalité unique à des êtres issues d’horizons diverses comme cela a été longtemps le cas en Allemagne pour des ressortissants hors Union Européenne.

L’air se laisse facilement corrompre par les relents du café et de la cigarette dans son bureau situé au troisième étage de l’immeuble où siège la Fondation Zinsou dont elle est la présidente. Pour cette fin d’année, Marie-Cécile Zinsou, cette Franco-Béninoise de 31 ans, passionnée de création contemporaine est très sollicitée. Elle vient d’ouvrir à Ouidah, capitale historique du Bénin, le premier musée d’art contemporain de l’Afrique subsaharienne (à l’exception de l’Afrique du Sud). Elle en vient même à être surnommée l’Amazone de l’art africain contemporain. Ce musée suscite beaucoup d’intérêt de la part des médias internationaux. Entre deux réunions, elle a accepté de nous parler de ses origines diverses et de sa double-culture : la France et le Bénin. Cette double culture qui sûrement lui a permis de nourrir un grand amour et une passion pour l’art contemporain et de pouvoir le partager à sa seconde patrie le Bénin et ces milliers d’enfants qui représentent 70 mille de ces 4 millions de personnes ayant visité jusqu’aujourd’hui la Fondation Zinsou.

La double-nationalité, elle la conçoit comme une chance. « C’est la chance de ne pas être restreint en une seule culture, c’est une obligation de s’intéresser à plusieurs phénomènes. La double nationalité est une énorme chance d’ouverture. Les gens ont tendance à voir le monde de là où ils sont, mais quand on a une double-culture, on a deux points de vue sur le monde dès le départ. Le métissage est une des clés d’ouverture aux autres ».

Marie-Cécile Zinsou a vécu une plus grande partie de sa jeunesse en France. Elle y est née de son père Franco-Béninois, Lionel Zinsou, économiste assez connu en France. La rencontre avec la culture béninoise s’est faite il y a juste 10 ans en 2003. «  Pour des raisons politiques, je n’ai pas grandi au Bénin. Puisque ce n’était pas possible. Quand je suis née on était dans un contexte politique où ma famille n’était pas la bienvenue dans le pays. Donc j’ai grandi d’abord en France où mon père et ma mère se sont rencontrés. Après nous sommes partis vivre en Angleterre quelques années avant de revenir en France. Et à partir de là nous avons beaucoup voyagé ».  Beaucoup voyager ! Énormément  vers l’Afrique. Sans une moindre escale au Bénin.

A la fin des années 60, le Bénin va connaître un régime militaire qui propulsera au pouvoir Émile Derlin Zinsou, grand oncle de Marie-Cécile. Il sera renversé un an plus tard par un putsch en décembre 1969 et devient un des principaux opposants du parti unique imposé par le président Matthieu Kérékou. Le 16 janvier 1977, l’on tente de renverser par un coup d’état le régime marxiste de Matthieu Kérékou sans succès. Les accusations sont lancées contre Émile Derlin Zinsou par le pouvoir en place. Bien qu’il ait nié toute participation à cette opération, il est condamné à mort par contumace  et est forcé à l’exil. En 1990, tous les exilés politiques sont conviés au pays pour la conférence des forces vives de la nation et l’instauration du renouveau démocratique.

Imposer la nationalité unique est illégal !

En 2003 donc, elle rentre au pays. Et pour une première rencontre avec sa seconde culture, elle décide de s’y installer. « Je n’étais jamais venue en vacances au Bénin. Je me suis installée définitivement et directement avec une certaine inquiétude de la famille. A cause de mon père qui avait été expulsé du pays à 18 ans et qui avait perdu sa nationalité. Moi la première chose que j’ai faite a été de récupérer ma nationalité. J’ai fait la démarche tout de suite en arrivant pour que cela soit immédiatement reconnu et qu’on ne me prive pas de ce droit que j’avais d’être Béninoise. Je suis venue en 2003 et j’ai été Béninoise officiellement en 2004 ».

Déjà elle ne conçoit pas le fait qu’on puisse priver un être de sa nationalité comme c’est le cas dans ces pays qui pratiquent la nationalité unique. « Je dirai même que c’est gravissime. Cela consiste à nier une partie de la personne. Je pense que cela n’a aucun sens. Moi on ne peut pas me retirer aucune de mes deux nationalités. Si l’on me demandait de faire un choix, ce serait absurde. Je ne pourrai pas choisir. C’est une négation pure et simple. Cela devrait-être illégal de ne pas avoir une nationalité à laquelle on a le droit ».

Djalil, lui est Ukrainien d’origine béninoise. Et pour lui choisir une nationalité au détriment d’un autre reviendrait à choisir entre son père et sa mère. Il vient d’avoir 28 ans et est né à Kiev. Il a vécu ses dix premières années en Ukraine. Pays qui pratique aussi « le droit du sang ». « Moi le côté Ukrainien je le tire de ma mère. Et le côté béninois, de mon père. Et on ne peut pas me demander d’être seulement Ukrainien ou seulement Béninois ».

Pour Marie-Cécile Zinsou, il est impossible de la dissocier des deux cultures. Elle est autant Béninoise que Française. « Je suis les deux pleinement » comme le dit si souvent Jamel Debbouze quand on lui demande s’il est Marocain ou Français.

« Ce serait difficile de dire ce qui est français chez moi et ce qui est béninois. Je suis capable d’être totalement Française et d’être totalement Béninoise. J’ai des fiertés assez similaires. J’ai la même fierté de la France que du Bénin. J’ai le même respect pour Charles de Gaulle que pour Hubert Maga. Je ne pourrai pas dire qu’il y a des choses qui m’attachent plus à la France ou qui m’attachent plus au Bénin », explique-t-elle.

« On ne peut jamais être les deux pleinement » répond Claude,  un binational. « Il y a toujours un côté que l’on privilégie », soutient-il.  Et c’est surtout par rapport au fait que l’on vit dans l’un des deux pays ou que l’on y travaille. Et c’est en cela qu’il trouve assez gauche la politique de la nationalité unique en Allemagne. « Des descendants d’immigrés qui sont nés et ont grandi en Allemagne, et qui pensent comme des allemands, sont plus qu’allemands que Turcs. C’est pareil en France avec les arabes et les noirs qui s’illustrent dans le show business ou le foot ».

Marie-Cécile avoue cependant qu’il y a des choses qui lui ont été difficilement assimilables : « J’avoue que je suis plus ‘’les bleues’’ que ‘’les écureuils’’, côté sportif. C’est beaucoup plus intéressant avec la coupe du monde qui s’annonce. Ou que je n’arrive pas à m’adapter à certaines choses. Sur le plan gastronomique par exemple, Je n’ai pas une passion pour la pâte. Ce n’est pas quelque chose qu’on m’a apprise toute petite. Ce n’est pas un truc qui me fait rêver. Mais heureusement ce qui me touche, c’est la musique, c’est l’histoire, c’est la création. Ce sont ces choses qui me permettent d’être Béninoise ».

Voyager, tout un avantage à être de plusieurs nationalités

Djalil lui un peu plus jeune opterait beaucoup plus pour la Vodka qui lui  rappelle l’Ukraine, sans oublier la langue russe qu’il comprend très bien. Il a gardé aussi un  lien très étroit avec ses amis d’enfance. La manière dont le Béninois conçoit l’amour et la vie en couple le rapprocherait de son côté béninois.  «  Au Bénin, le fait que la femme sache préparer est un préalable important pour la prendre en mariage. Et l’homme attend d’avoir le minimum. En Ukraine, c’est beaucoup plus l’amour et moins le matériel. Vous vous construisez ensemble », rapporte-t-il.

Djalil aussi à son arrivée au Bénin, la gastronomie a été pour lui un obstacle à son intégration mis à part le fait qu’il ne comprenait aucun mot français. Mais il s’est très vite adapté : «  Je ne supportais pas les épices par exemple. Aujourd’hui, je ne me vois pas manger sans épices ». Il parle correctement le français et la langue locale.

Il suit l’actualité politique de l’Ukraine tous les jours. Et par rapport à la crise que traverse actuellement ce pays, il a sa propre idée sur la question. Il serait favorable à une entrée du pays dans l’UE. Cela lui permettrait de voyager beaucoup plus facilement.

Voyager : toute la jouissance du fait d’être détenteur de plusieurs cultures et de nationalités se retrouve là. Tout un symbole de liberté. « C’est très pratique pour les voyages. Vous n’avez de visa pour presque pas de pays » se marre Marie-Cécile.

S’il n’y a que des avantages à être de double-culture, c’est sans compter avec les différentes subtilités propres au métissage. Bien souvent le métis est considéré comme noir en occident et blanc en Afrique. Marie-Cécile, sa couleur de peau peut prêter à confusion. Elle est quarteronne. Et elle n’est souvent pas confrontée à ce problème. Sauf qu’au Bénin, l’on continue de la considérer comme une  ‘’yovo’’ [ndlr : mot pour désigner la peau blanche en langue locale fon. Pas péjoratif ]. « Ce qui est amusant dans le métissage c’est que les gens vous pense toujours de l’autre côté. Ici souvent les gens pensent que je suis juste Française. Ils ont du mal à admettre que je sois Béninoise ».  Mais sur ces différentes appréciations que peuvent avoir les personnes sur elle, Marie-Cécile n’en a cure. Elle répond souvent ainsi quand on l’interpelle là-dessus. « C’est plutôt un manque d’éducation quand on continue d’associer au 21ème siècle, la nationalité à une couleur de peau ».

Hermann BOKO


Le faux positif : 30 jours passés dans la peau d’un sidéen

Quand on a été déjà une fois dans la peau d’une personne porteuse du VIH, l’image que l’on a de la maladie change. Le regard n’est plus accusateur ni discriminatoire. Malheureusement cela ne peut suffire à lutter contre la stigmatisation comme en témoignent les ‘’faux positifs’’, ces sidéens de quelques jours : l’un d’eux revient sur cette période de sa vie : un enfer.

« Vie de honte, vie gâchée, le sentiment de culpabilité, une rage et une colère contre soi, une envie de se suicider, et le sentiment de ne plus être un homme.  C’est ce qu’on ressent quand on découvre pour la première fois qu’on est séropositif », explique Paul.  Les questions qui viennent tout de suite à l’esprit sont : ‘’quand ? Où ? Comment ? Et pourquoi ?’’

Janvier 2010,  Paul [ ndlr:  qui a voulu rester dans l’anonymat ] vient de commencer ses études universitaires. Il est jeune, ambitieux, a une forte passion pour le journalisme. Comme tout jeune, Paul fait des folies, il aime beaucoup les filles. Ce mois de janvier dont il ne se souvient plus de la date, il décide d’aller se faire dépister. « Beaucoup plus par obligation que par volonté. C’est assez rare de voir le jeune aller vers le dépistage volontaire. Les gens sont très sceptiques. Ils ont peur. C’est assez stigmatisant » dit-il. Pour  bon nombre de personnes, ici au Bénin, la décision d’aller se faire dépister ne vient souvent pas de soi. On y est obligé. Et l’injonction vient beaucoup plus de leaders religieux et de parents. Quelques fois aussi parce qu’on a un voyage à préparer ou qu’on éprouve un besoin de mariage. Selon Ella Kossouoh, assistante sociale « les lois au Bénin sont claires. Qui veut se marier doit pouvoir s’acquitter de ses devoirs et faire des tests prénuptiaux. Toujours est-il que celui qui vient se faire dépister dans un centre, quelle que soit la raison première, vient toujours de manière délibérée. Mais ils sont nombreux encore ces cas qui meurent silencieusement du sida sans  qu’on ne le sache parce qu’ils ne sont pas venus se faire dépister ».

Dans le cas de Paul, la sensibilisation est venue des dirigeants de son église. Il est chrétien évangélique : « Dans notre église, avant le mariage, il faut forcément faire les différents tests de dépistage et de compatibilité. Que ce soit le sida ou l’hépatite. Mais ce jour-là, c’était plutôt dans une logique de sensibilisation que les pasteurs nous ont exhortés à aller nous faire examiner pour la recherche du virus ».

Paul est donc allé se faire dépister. Il était en compagnie de ses amis. Dans la salle d’attente, une ambiance décontractée. On blague entre potes, on rigole, on bavarde, mais on ne pense surtout pas au sida. Parce qu’a priori, c’est assez clair dans les esprits, le sida ne passera pas par soi. « Je n’ai jamais pensé au sida moi. Et même au moment où je me faisais dépister mis à part la trouille que vous pouvez ressentir quand vous vous trouvez devant celui qui vous donne vos résultats, vous êtes assez sûr de vous ». Cette étape, certains la considèrent comme le « purgatoire ». Un peu comme si vous étiez en attente de jugement. Soit vous allez à la vie, soit vous allez à la mort. « Parce qu’encore aujourd’hui le sida est toujours considéré comme la maladie de la mort ». Doute celui qui n’a pas respecté les différentes règles de protection. En tous cas « jusqu’à ce qu’on m’appelle pour me donner mes résultats, j’étais assez sûr de moi. Le sida, c’est un truc auquel vous ne pensez pas tout de suite quand vous faites les rapports non protégés. On pense beaucoup plus aux risques pour la femme d’avoir une grossesse non désirée », et pour l’homme d’être prématurément père.   « C’était beaucoup plus de l’inconscience et de l’insouciance qu’autre chose », explique Paul. Et cela a un prix.

Il va vite être déchanté. Les premiers résultats sont mauvais pour lui. Il est déclaré séropositif. Le médecin lui demande de repasser pour des analyses complémentaires et de confirmation. Pour Paul, c’est un enfer qui commence. Des questions commencent par lui tarauder l’esprit. Il est assez bouleversé. « Quand vous découvrez votre séropositivité, il y a plusieurs éléments qui pèsent sur soi. Moi j’étais dans un état extrême pendant tout ce temps. J’ai pensé à mes projets. Pour moi tout était fini.  Je n’avais plus le  sentiment d’avoir une vie parce que pour moi, elle était gâchée. J’ai eu beaucoup de moments de solitude. Et le clair du temps, c’était plus des réflexions, beaucoup trop de réflexions».

Le regard extérieur et des questions sans réponses

VIH-Sida-des-discriminations-toujours-importantes_large_apimobile Comment en est-on arrivé là ? Comment vivra-t-on maintenant ? On pense aussi aux autres. Aux regards extérieurs qui se poseront sur soi. C’est la première question qui lui est venue à l’esprit de Paul. « Comment les autres allaient prendre cette nouvelle ? Ça été une période très difficile pour moi. Je me morfondais beaucoup. J’étais tout le temps triste. Et j’avais beaucoup de remords. Une envie de revenir sur le temps ce qui n’était pas possible. Je ne pouvais pas dormir la nuit. Je me posais beaucoup de questions. Quel cours prendrait ma vie ? »

Au Bénin, l’on accorde beaucoup d’importance aux regards extérieurs. L’on a peur de se voir rejeter. Malgré les nombreuses sensibilisations , le regard discriminatoire pèse toujours.  Le porteur du VIH est mis à l’écart et l’on se méfie beaucoup de lui. Et pour Paul, cette méfiance est surtout due au fait que les gens au Bénin, ne connaissent pas encore la maladie.

Après avoir eu connaissance de ses premiers résultats, il a eu le courage de le dire à cinq amis qui lui sont proches. Il n’a pas pu le dire à ses parents. Pour lui « cela leur aurait été très difficile à supporter ».

Comme l’a préconisé le médecin, il a refait un mois après des analyses de confirmation. Les résultats sont négatifs. « Il faut absolument réaliser un second test de confirmation lorsque le premier test est positif, explique un spécialiste. Il peut arriver que l’on puisse se tromper lors des résultats du test de sérologie. Mais c’est très rare. L’on appelle cela, le faux positif. On pense être infecté pendant quelques jours. Puis le test de confirmation revient négatif ».

La stigmatisation, la faute à un défaut de sensibilisation ?

Pendant ces 30 jours où il a cru qu’il était porteur du VIH, Paul  a été moins victime de discrimination. Il n’y a qu’à ses amis qu’il a annoncé la nouvelle. « Ils étaient assez surpris, ne comprenaient pas. Mais ils ne m’ont pas laissé tomber. Ils m’ont beaucoup soutenu et conseillé ». Mais il a vu des porteurs victimes de discrimination et il y a beaucoup pensé lui aussi. Ce temps passé dans la peau d’un sidéen lui a permis de comprendre beaucoup plus la maladie, les modes de transmission. Au point où il peut aussi comprendre l’image que renvoie le sidéen aux autres. Le fait que le porteur du VIH soit discriminé. « Je peux comprendre celui qui stigmatise le sidéen. Parce que l’appréhension qu’on a de la maladie est restée figée [depuis 30 ans que l’on lutte contre la maladie]. Et les sensibilisations n’ont rien pu faire. Le VIH sida pour beaucoup de gens reste la maladie de la honte et de la mort. Les gens ne connaissent pas bien la maladie et ses voies de transmission. On pense qu’on peut contracter la maladie en restant à côté d’une personne porteuse du virus. La contamination ne se fait pas de cette manière ! Moi je pense que la sensibilisation n’a réellement pas joué son rôle sur ce plan ».

Le séropositif s’écarte très vite de la société

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Ce n’est aucunement un défaut de sensibilisation, répond Ella Kossouoh, assistante du service social qui vient de terminer une étude sur l’accompagnement psychologique et social des personnes porteuses du VIH. « On ne peut pas dire aujourd’hui que le Béninois ne connaît pas assez la maladie. Des sensibilisations, il y en a eu. Et beaucoup trop. C’est d’abord le séropositif qui ne veut pas être intégré. Il s’écarte très vite de la société. Certains refusent que l’on s’approche d’eux parce qu’ils pensent que le regard porté sur eux serait toujours stigmatisant. D’autres développent en eux l’esprit de vengeance. Et c’est justement ce qui fait que l’entourage les fuit. Ils se stigmatise d’abord eux-mêmes bien avant le jugement du regard extérieur», explique-t-elle.

Paul affirmait qu’au moment où il se croyait porteur du VIH, il « ne se sentait plus homme et créait toujours les conditions pour se retrouver seul ». Il a refusé le suivi qu’on lui avait proposé. « Cela aurait été trop gênant », preuve qu’il n’avait pas accepté la maladie.

« Le désir d’autonomie des jeunes est contrarié par l’asservissement que représente le traitement antirétroviral quotidien. Plus de la moitié des jeunes rencontrent à cette période, des problèmes d’observance thérapeutique justifiant une attention particulière, tant médicale que sociopsychologique. Les prises de risque ne se résument pas seulement à la non-prise des médicaments », rappelle Ella Kossouoh, assistante sociale.

Selon un spécialiste, les jeunes connaissent parfaitement les modes de transmission du virus et la nécessité d’avoir des rapports protégés. Mais l’utilisation du préservatif reste marginale. « Parmi les raisons les plus fréquemment évoquées, on note la peur d’être immédiatement repéré comme séropositif et rejeté », explique-t-il.

La lutte contre le sida a connu d’énormes progrès ces dernières années dans le monde et en Afrique en particulier. On compte moins de nouvelles infections que les années précédentes. Selon les statistiques de 2012, soixante-douze mille personnes vivent encore avec le VIH au Bénin. Et les prises en charge sont gratuites. « Mais il faut compter avec les problèmes de rupture des ARV ».  

L’Onusida a mis l’accent cette année sur la stigmatisation et la discrimination des porteurs du VIH avec une grande campagne en Australie.

Paul affirme que le regard qu’il a du sidéen et de la maladie a changé depuis qu’il a passé 30 jours dans la peau du porteur du VIH. Combien sont-ils à avoir eu cette expérience ? Faut-il compter sur les ‘’faux positifs’’ pour que cessent les discriminations des personnes porteuses du VIH ?

 

Hermann BOKO


Haïti : « La catastrophe a créé une place pour nous les jeunes ! »

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Près de quatre ans après le séisme,  les étudiants venus étudier au Bénin espèrent une meilleure réinsertion une fois rentrés au pays.

12 janvier 2010 : 16 heures 53 minutes : ‘’l’heure de l’apocalypse haïtien’’. Un tremblement de terre de magnitude 7 va mettre Haïti et sa capitale Port au prince à terre. Le séisme fait 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 millions de sans abris. La majorité des Institutions étatiques est touchée dont le palais présidentiel et l’économie, déjà l’une des plus faibles au monde (149ème rang), est exsangue.

Ce jour là, Thomas Moise venait de terminer ses cours. Il était étudiant en quatrième année de la faculté de linguistique appliquée de l’Université d’Etat d’Haïti à Port au prince. « Je venais à peine de laisser la faculté quand j’ai vu tout le bâtiment s’écrouler. C’est à ce moment que j’ai su que c’était un tremblement de terre. Tout bougeait autour de moi ! » raconte t-il.

Yves Gaspard  n’a pas été moins chanceux. Étudiant en sciences informatiques à l’Ecole Supérieur d’Infotonique d’Haïti (ESIH), il était en séance de travail avec quelques amis. « Nous étions entrain de travailler pour la préparation des partiels. A un moment donné nous avions décidé d’arrêter parce que nous étions tous fatigués », se souvient Yves. Après quelques courses dont une visite chez une amie, c’est dans un restaurant de Port au prince en compagnie d’un ami que Yves va vivre les toutes premières secousses du séisme – la secousse principale a duré 2 mn 30s mais l’on a enregistré au 24 janvier 2010, 52 autres répliques de magnitude supérieure ou égale à 4,5.

Yves s’en sort avec quelques égratignures aux doigts, mais perd deux de ses amis. Le lendemain il retourne à l’école. La salle où il étudiait avec ses amis n’existe plus. « Il n’en restait plus rien. La salle était au rez-de-chaussée. Tout le bâtiment s’est effondré ».

Le secteur de l’enseignement supérieur a été durement touché

A l’image de l’école de Yves ou de la Faculté de Thomas, les secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur ont été durement touchés par le tremblement de terre. Des milliers d’élèves, d’étudiants d’enseignants et de professeurs ont péri sous les décombres. Plusieurs universités publiques et privés ont été gravement endommagées : l’Université d’Etat d’Haïti, la plus grande du pays ; l’Université Notre Dame d’Haïti (UNDH) ; l’Académie Nationale Diplomatique et Consulaire (ANDC) ou encore l’Université Quisqueya (UNIQ) pour ne citer que celles là. Cette dernière a d’ailleurs perdu ce 12 janvier, quinze étudiants, un professeur et deux cadres. « Le 20 décembre 2009, nous venions d’inaugurer de nouveaux bâtiments. Trois semaines plus tard, l’université était entièrement détruite » a confié le recteur Jacky Lumarque au Monde.

Pour leur permettre de continuer leurs études, l’état haïtien en accord avec le gouvernement béninois a envoyé en mars 2011 un contingent de 100 étudiants. 160 autres se sont envolés pour le Sénégal. Le choix s’est fait sur concours. Thomas Moise s’est inscrit  à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin (UAC). Il y apprend  l’analyse et la politique de développement. Yves Gaspard, lui, étudie du côté de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam). Il y étudie les sciences et techniques de l’information documentaire. Ils sont tous deux en fin de cycle comme la majorité de leurs camarades et dressent un bilan flatteur de leur cursus. « Nous sommes très satisfaits de la formation. Le nouveau système (LMD) qu’ils sont entrain d’installer demande à l’étudiant beaucoup d’efforts. De fait je peux dire que la formation est bonne. Et nous apprécions le fait qu’en trois ans, on peut avoir une licence [ndlr : la licence en Haïti se prépare en quatre ans] » se réjouit Thomas Moise, président de la communauté des étudiants haïtiens.

Près de quatre ans après le séisme, Haïti est toujours en reconstruction. L’économie n’est pas encore complètement relancée. La reconstruction des bâtiments publics vient à peine de commencer, et les sans-abris sont encore nombreux.Des milliers de personnes attendent encore d’être relogées et vivent toujours dans des camps de tentes ou des bidonvilles. Le taux de chômage bat des records. Il est évalué à 70% de la population active.  Haïti a-t-elle aujourd’hui les moyens de proposer un avenir à ses étudiants ? « Nous avons perdu beaucoup de cadres de l’administration publique lors du tremblement de terre, répond Thomas. Cela créera de la place pour nous les jeunes. Je pense qu’il y aura des débouchés. Si nous avons des diplômes, nous sommes bien formés c’est sûr qu’il y aura de l’emploi. »

Plusieurs cadres de l’administration et des fonctionnaires internationaux ont péri lors du séisme. A titre d’exemple, 101 employés de l’ONU ont perdu la vie. La catastrophe a même été considérée comme la « pire que les Nations unies aient subi jusqu’ici ».

Haïti a été longtemps qualifié de « République des ONG« , à cause de leur présence massive. Yves n’exclue pas de travailler un jour pour l’une d’entre elles car « je ne me vois pas travailler pour l’administration. » A moins qu’il n’ouvre un cabinet de consultant et d’archivage.

Hermann BOKO

 


Bienvenue au Gondwana : quand Mamane conquit le Bénin…

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Un samedi 9 novembre 2013, Mamane assiégea Cotonou et  prit pour quartier général le théâtre de verdure de l’Institut français de Cotonou. Il y hissa le drapeau de la République très très démocratique du Gondwana. Au grand damne des Béninois qui pendant 80 minutes se sentirent gondwanais.

 Il a su comblé les attentes de ces nombreux Gondwanais qui sont venus curieux, connaître leur président. L’occasion ne se présentera peut-être pas plusieurs fois. Il vaut mieux la saisir. Comme il l’a dit lui-même, « il  n’y a qu’une chance sur un million de rencontrer un ministre ». Est-ce un président qu’on rencontrerait aussi facilement ?

De son vrai nom Mohamed Mustapha Mamane est originaire du Niger. il a eu la très belle idée de créer la République du Gondwana dont il conte les réalités tous les matins dans sa chronique humoristique sur RFI. Une manière pour lui de dénoncer les travers du racisme, les méfaits de la corruption dans nos pays  et de promouvoir la liberté de la presse.

Au Gondwana, on parle de sujets qui fâchent et personne n’est épargné des foucades de son président fondateur.

Mais où se situe le Gondwana ? Le président fondateur répond à cette question qu’on lui pose si souvent en montrant la carte de la liberté de la presse et des pays corrompus dans le monde : «  Plus c’est rouge, plus c’est le Gondwana ! ».

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Au Gondwana, la devise de la République est : « Loyauté, allégeance, prison ».

A Cotonou, à 21 heures, une musique militaire annonce l’entrée sur scène de président fondateur. Avec ordre du protocole aux Gondwanais de l’accueillir debout. Assez normal pour un président ! Juste que certains n’ont pas voulu reconnaître son autorité.

La réaction n’a pas tardé au moment où ceux qui lui ont fait allégeance ont voulu se rasseoir : « Non ! Non ! Restez debout, que  l’on voie ceux qui ne se sont pas levés. On enverra leurs dossiers directement à la présidence du Gondwana. Au service chicotte ».

Pensez-vous qu’on ne vous connaît pas ? Au Gondwana, le président fondateur sait tout. Puisqu’il y a des gens [ndlr : Barack Obama] « qui travaillent pour nous ». Là, Mamane montre une photo de Barack Obama manipulant un portable : Sur cette photo, « il est en train d’écrire un texto à Angela Merkel », dit-il.

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Au Gondwana, la devise de la République est : « loyauté, allégeance, prison ».

Bien avant d’être à Cotonou, Mamane était vendredi à Lomé au Togo. Ce n’était pas sa première visite. « J’étais déjà venu à Cotonou en 2009. Pas pour y faire un spectacle ». Il était en partance pour Lomé. Ce jour-là « il y avait eu de la pluie ». Il pleuvait tous les jours d’ailleurs et la ville « était comme ça », inondée.

Pour son spectacle de Cotonou, Mamane a refait le trajet Lomé-Cotonou. Il a raconté son parcours : « Nous avons beaucoup roulé, traversé la frontière. Et nous avons fait le plein [de notre voiture] avec » de l’essence de contrebande. « Ça ! commente-t-il [ce commerce], c’est parce que les Américains ne sont pas encore au courant hein ! Dans tous les pays où il y a eu du pétrole », ils ont semé du désordre.

Mamane en phase avec l’actualité

Ce samedi, Mamane n’a pas oublié d’être en phase avec l’actualité béninoise. Parce qu’en venant à Cotonou, il a fait attention à son apparence. Un tee-shirt noir, un pantalon blanc « pour qu’on me voit venir de loin », mais surtout des chaussures plates. Parce qu’on lui a dit qu’au Bénin, « on ne porte pas des chaussures à talon ». Pour qui a suivi l’actualité béninoise, il est difficile de rester indifférent à cette parodie.

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Mamane n’a non plus raté le costume bleu du président Boni Yayi, chef d’État béninois. Veut-il réviser la Constitution pour pouvoir se représenter ? Mamane  vous répond à la négative : « Ce n’est pas un troisième mandat qu’il veut. C’est d’un costume d’une autre couleur dont il a besoin ». Ces chefs d’État africains qui, au plus fort de la crise ivoirienne ont constitué un panel pour demander à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. « Dans ce panel, il y avait entre autres, Idriss Déby, le  président tchadien et le président Aziz de la Mauritanie [ndlr : tous deux venus au pouvoir par coup d’Etat militaire]. Vous comprenez pourquoi Gbagbo n’a pas voulu quitter le pouvoir ! » explique Mamane.

Au Gondwana, il y a de l’argent

Pour en revenir au costume bleu, est-ce l’argent qui lui manque ? Sinon au Gondwana, il y a beaucoup d’argent. Et il est en sécurité au ‘’Gondwana bank’’ : « La seule banque au monde où vous posez de l’argent et avez peur de le retirer ».   

Le Gondwana dispose aussi de la plus grande chaîne hôtelière du monde : l’UNHCR avec ses millions de tentes à travers le monde où le confort est garanti.

Au Gondwana, le président fondateur est spécialiste des élections surprises. Voilà pourquoi il reste toujours président. Il lui vient des fois d’appeler l’opposition : « Les élections étaient hier. Et j’ai gagné ».

Le Gondwana veut aussi s’affirmer dans le domaine de la physique. Le président fondateur annonce que le prochain prix Nobel de physique reviendra au Gondwana. Parce qu’au Gondwana, « nous avons inventé un nouveau courant alternatif : le délestage. Le délestage  pour préserver les générations à venir. Avec le délestage, c’est le sous-développement durable ».

Telles sont les réalités de la République très très démocratique du Gondwana qu’a contées son président fondateur un samedi 9 novembre 2013 à Cotonou. Et ce n’était que le début…

Mamane n’a pas manqué de raconter ses galères en France en tant que ‘’sans-papiers’’. Puis il y a eu ce moment de répit : l’année 1998. Les « bleus »  remportaient la Coupe du Monde.  Même en étant sans-papiers, raconte Mamane, tu pouvais venir devant le policier sans qu’il ne te fasse un contrôle. Il suffisait de porter le maillot de l’équipe de France pour ne pas avoir la police sur le dos.

Tout s’est bien passé jusqu’en 2002. France-Sénégal (0-1). Échec de la France, victoire du Sénégal lors de la Coupe du Monde et encore une nouvelle fois galère pour les ‘’sans- papiers’’.

Mais pour Mamane, à bien y voir de plus près, c’était bien sûr normal cette victoire du Sénégal sur la France. C’est vrai que la France était « championne du Monde en 1998 et d’Europe en 2000 ». Mais les réalités africaines sont très différentes. Une idée de la rudesse des batailles en Afrique : « En Afrique, ce sont les ‘Lions indomptables’’ du Cameroun contre ‘’les Ecureuils du Bénin’’. Les Rhinocéros du Botswana contre les Super Eagles verts du Nigeria. Vous y voyez un Coq ! », s’exclame Mamane.

 

Hermann BOKO


« Au BarCamp, tout le monde est actif !»

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Crédit photo: DR

Ce Samedi 2 novembre 2013 s’est tenue à l’Ecole Supérieure de Gestion Informatique et de Science (Esgis) à Cotonou la troisième édition du BarCamp version Bénin. Le barcamp, Cet évènement-concept né en Californie en 2005 qui se veut être participatif et qui réunit les amoureux du Tics autour d’un ou plusieurs thèmes. Au barcamp où le principe est ‘’ pas de spectateurs, tous participants’’, on discute des dernières innovations en matières d’applications internet, de logiciels libres et de réseaux sociaux. Le concept s’est très rapidement propagé dans plusieurs villes et pays. On a par exemple les BarCamp Bordeaux ou Dijon. Un collège de jeunes informaticiens a pris l’initiative de le faire entrer au Bénin. Mathias Houngbo est programmeur et administrateur système et réseau. Il est le président du comité d’organisation du barcampbenin 2013. Il revient sur le concept et fait le bilan des trois éditions.  

Le barcamp ; c’est quoi ?

Mathias Houngbo : Pour les conférences classiques, nous avons un expert et des participants passifs. L’objectif du barcamp est de changer cette idée qu’on a des conférences classiques. Dans toutes les définitions du barcamp, nous parlons de ‘’non-conférence’’. Tout le monde est sur le même pied d’égalité. Quelqu’un dans le public peut décider d’intervenir. Au barcamp, tout le monde est actif.

Quel est l’objectif du barcamp ?

Mathias Houngbo : L’objectif est de partager l’amour qu’on a des Tics. On peut très bien ne pas être un expert en informatique. Pour cette 3ème édition par exemple, il y a eu un photographe qui a partagé son expérience sur la manière dont il faut optimiser les images sur le web. L’objectif du barcamp est de partager tout ce que les amoureux  des Tics ont comme connaissance.

D’où est partie l’idée de créer un tel évènement ?

Mathias Houngbo : Cela a commencé il y a 3 ans par une discussion qu’on a eue entre informaticiens. C’était une idée de Theresa Carpenter qui n’est plus au Bénin actuellement. C’est elle qui a émis l’idée. Nous nous sommes inspirés de ce qui se passe dans d’autres pays. Donc on s’est réuni et on a lancé la première édition du barcampbenin et ça été une belle surprise.

Qu’est-ce qui a motivé le choix du thème « connected Bénin »    ?

Mathias Houngbo : Chaque année le comité essaie de voir un thème qui puisse accrocher. La première édition le thème n’était pas vraiment parleur. C’était « hello world ! » Juste pour dire qu’on fait nos premiers pas. A partir de la deuxième édition, on a parlé de « internet mobile et les logiciels libres pour le développement du Bénin et de l’Afrique ». Pour la troisième édition le choix du thème « connected Bénin » a été motivé par l’actualité. Comment est-ce que le Bénin peut-être présent ? Comment est-ce qu’on peut apporter notre pierre au développement de l’internet ? Il ne faut pas être simplement consommateur mais il faut être également producteur de contenus.

Trois éditions sont passées, quel bilan faites-vous du barcamp ?

Mathias Houngbo : Il y a beaucoup plus d’engouement quand on jette un coup d’œil sur les statistiques des participants. La première édition, on était une centaine, deuxième édition, environ 200 participants, cette troisième édition un peu plus de 200 participants. Donc le barcamp prend beaucoup plus d’ampleur. Il y a aussi des personnes qui sont amis en ligne et qui se sont rencontrés ici. Je pense qu’on essaie de créer quelque chose qui va amener beaucoup plus de personnes à adhérer à cette communauté pour qu’on soit beaucoup plus solidaires. Que ce ne soit pas seulement les décideurs politiques qui puissent diriger les Tics. Les usagers, c’est d’abord nous [ndlr : amoureux du Tics, jeunes]. Et ils n’ont pas forcément les mêmes vues sur les questions de Tics que nous. Donc si on a une communauté beaucoup plus forte, on pourra amener les gouvernants, les politiques à prendre en compte ce que la communauté veut pour le développement de l’internet et des Tics au Bénin.

Le barcamp entre dans le cadre de cette volonté politique qui veut faire du Bénin le quartier numérique de l’Afrique d’ici 2025. Est-ce utopique de faire du Bénin un quartier numérique ?

Mathias Houngbo : Non ! On ne peut pas dire que c’est utopique. C’est vrai  qui a pas mal de difficultés que l’on doit régler d’abord pour qu’on atteigne l’objectif. S’il y a cette volonté ferme d’avancer, je pense qu’on pourrait y arriver.

Le barcamp suscite-t-il déjà des intérêts de la part des autorités politiques?

Mathias Houngbo : Au niveau politique je ne peux pas vraiment évaluer. Mais on a eu des échanges avec le Ministère de la Communication et des Tics et ils sont vraiment intéressés.

Pourquoi doit-on participer au barcamp ?

Mathias Houngbo : La première raison c’est qu’on y apprend des choses assez intéressantes et on découvre d’autres acteurs du domaine.  Comme l’a dit l’un des speakers, on peut-être un très bon développeur, mais c’est via le réseau d’amis, de connaissances que l’on a, qu’on peut arriver à financer un projet. C’est comme un péché de ne pas participer au barcamp. Parce que même en venant en tant que simple spectateur on découvre beaucoup de choses.

 

Propos recueillis par : Hermann BOKO


Confession d’un ancien contrebandier de l’essence

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Crédit photo: Hermann BOKO

Au Bénin, le commerce de l’essence de contrebande, représente plus de 80% de l’économie informelle et nourrit plus de 50% de la population. L’activité de l’essence de contrebande est donc fort lucrative. Mais pour qui a été une fois contrebandier ou a nagé une fois pour la contrebande, il y a certains évènements qui poussent à lâcher prise.

On peut encore voir les embarcations flotter sur la mer à une centaine de mètres de la plage. Prêtes pour une nouvelle expédition à la conquête de l’essence « nigériane » pour le marché informel béninois. Au retour de l’expédition, Coffi [ndlr : il a voulu être anonyme] ne sera plus de ceux qui s’occuperont du déchargement des bidons d’essence. Pour lui c’est bien sûr révolu le temps mis à profit de ce trafic, qui pourtant est bien trop lucratif.

A chaque fois que Coffi vient sur ce bout du littorale béninois, à Sémè-Kraké, ville toute proche de la frontière nigériane à 43 km de Cotonou, il ne peut s’empêcher de se remémorer certains de ses souvenirs. De bons souvenirs, il en a eu sur cette plage noircie par l’activité de l’essence de contrebande. C’est ici que ce jeune homme de 25 ans, et ancien contrebandier de l’essence a grandi et a passé la majeure partie de son enfance avec ses frères et amis. Mais ce sont surtout les mauvais souvenirs qui lui reviennent à l’esprit quand il entend le bruit des vagues. Il y a perdu son grand ami et maître-nageur. « Il est mort par noyade et devant moi.  On travaillait à ramener à la nage des bidons d’essence des barques, venues du Nigéria, à la rive », raconte –il. « Il a fallu trois jours pour qu’on retrouve son corps, de l’autre côté de la frontière sur une plage du Nigéria ».

Quand il revient sur la plage, il passe toujours voir si le tombeau de Barthélémy, son ami – il a été enterré sur la plage – n’a pas encore été victime de l’érosion côtière. La mer avance beaucoup par ici. « En 2005 au moment où on l’enterrait, se souvient-il, la mer était encore très loin de sa tombe. Aujourd’hui, remarque t-il, les vagues l’atteignent presque ».

Mais il s’accorde quand même à reconnaître que si aujourd’hui, il a pu terminer ses études en Anglais ou s’il est encore en vie et qu’il n’est plus un contrebandier, c’est bien à cause de ces mauvais évènements qu’il a vécus en haute-mer.

Les barques transportent jusqu’à 2000 bidons de 50 litres

Coffi n’est pas un revendeur ou détaillant d’essence de contrebande que l’on retrouve aux abords des rues de Cotonou, il n’est non plus un grossiste. Il est juste nageur. Son rôle, décharger les bidons d’essence des embarcations venues du Nigéria pour les ramener vers la rive. «  Nous étions plusieurs jeunes à faire ce travail. On était payé 50 francs le bidon. Plus de bidons tu ramènes, plus tu gagnes de l’argent. A la fin de la journée, je pouvais me retrouver à 10 milles francs CFA. Et ça motivait. Aussi simple que ça ! »

Mais pour rentrer dans la danse, Coffi a été d’abord influencé par des jeunes un peu plus âgés que lui qui rentraient à chaque fois avec de l’argent plein les poches. C’est en 2003 en classe de quatrième qu’il décide de se jeter à l’eau. Ayant vécu à Sémè-Kraké, c’était bien difficile de résister. « Ici tout le monde vit de l’essence de contrebande. Que tu sois jeune ou vieux. Les maisons, les voitures, c’est de l’essence de contrebande. Certains ont même construit des hôtels. C’est toujours grâce à l’argent de cette essence ».  

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Crédit photo: Hermann BOKO

Pendant plusieurs années donc, Coffi s’est levé plusieurs matins pour la plage attendant l’arrivée des embarcations venues du Nigéria remplies de milliers de bidons de cinquantaine de litres chacun.  « La plus petite barque ici, mesure 10 mètres de long et 3 mètres en dessous de la ligne de flottaison. Elle peut transporter jusqu’à près 2000 bidons de 50 litres. Ce qui fait que les embarcations ne peuvent pas accoster tout proche de la rive. Et c’est là que nous, les nageurs intervenons. Parce qu’il faut bien ramener les bidons d’essence à la rive », explique t’il. Le jour où l’ami de Coffi est mort, ils essayaient de ramener des bidons à la nage : « Des embarcations venaient d’arriver. Le travail a commencé très tôt comme d’habitude. Nous avions rangé 50 bidons, tous soutenus par un même cordon. A un  moment donné, trois bidons ont explosé. L’essence s’est répandue. L’essence au contact du sel provoque un effet de brûlure au touché. Barthélémy a été secoué par les vagues et à chaque fois qu’il plongeait dans la mer, il criait parce que le liquide resté en suspension à la surface lui brûlait les yeux. Une, deux, trois fois et c’était fini ».

Au Bénin, Sémè-Kraké est un peu comme le quartier général du commerce de l’essence de contrebande. Et c’est dû à sa proximité avec le Nigéria, 8ème producteur mondial du pétrole. Tous les grands détaillants s’approvisionnent ici. Le long de la plage et sur plusieurs kilomètres, les riverains ont monté des cabanes en paille. Cette partie de la plage, ils l’ont nommé ‘’Glogbo’’. L’activité visible est la pêche mais derrière c’est le trafic de l’essence qui est beaucoup d’actualité.

Les sources d’approvisionnement

Deux sources, toutes nigérianes, approvisionnent le trafic. La première et la plus connue est celle des stations d’essence nigérianes. Avec la subvention qu’apporte l’État pétrolier du Nigéria au secteur des hydrocarbures, l’essence à la pompe devient très moins cher. En comptant avec la porosité de la frontière bénino-nigériane, les trafiquants font le plein de centaines de bidons à la station qu’ils reviennent vendre sur la marché informel béninois.
« L’essence à la station est vendue à moins de 300 francs le litre au Nigéria. Le grossiste peut le revendre au détaillant à 350 francs qui à son tour mettra un prix pour le consommateur. Ce qui peut revenir à 450 ou 500 francs Cfa comme on peut le constater sur le marché », explique Coffi.

La deuxième source, la moins connue par la population et la plus dangereuse, reste les conduits, les pipelines qui écoulent le liquide précieux des centres de raffinerie vers les centres de stockage. Coffi maîtrise celles d’Ikeja, la capitale de l’État de Lagos situé au sud-ouest du Nigéria – Le Nigéria est parcouru par 5000 km de pipeline.  « Ces pipelines traversent la mer, passent par les forêts pour les centres de stockages. Le Nigéria pour sécuriser les pipelines a placé des garde-côtes et des militaires. Avec la complicité de ces militaires, les trafiquants ont réussi à percer sur plusieurs kilomètres et à divers endroits ces pipelines pour recueillir les litres d’essence au passage du produit raffiné. Sur par exemple 100 litres écoulés par les pipelines au moins 40 en sont détournés », explique-t-il.

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Crédit photo : Hermann BOKO

Le danger survient au moment où les gardes sont changés et que les nouveaux ne sont pas encore corrompus. Et c’est justement ce second évènement qui a poussé Coffi à arrêter le trafic. « Une fois, nous étions sur les côtes nigérianes à côté de la zone des pipelines quand les militaires nigérians ont tiré, Heureusement pour nous qu’il n’y a pas eu de blessés mais on est reparti avec un moteur en moins ».

Les pétroliers sont aussi concernés. Ils sont souvent attaqués en haute mer par les pirates. Le dernier acte en date, le détournement d’un tanker à hauteur de la Côte d’ivoire par des pirates, début 2013.

Une lutte pas gagnée d’avance.

En 2006, lors de son accession à la magistrature suprême du Bénin, le président Boni Yayi et son gouvernement avaient entrepris une lutte féroce contre le commerce de l’essence frelatée communément appelée le « Kpayô ». Le trafic crée un manque à gagner de plusieurs milliards de francs à l’économie béninoise. Toutes les tentatives – trois grandes  jusqu’à ce jour : en 2006, 2007 et 2013  –  entreprises par le gouvernement et les forces de l’ordre pour réprimer le commerce informel ont toutes échouées. Les stations d’essence ne sont pas suffisamment décentralisées et sont très chères. La Société Nationale chargée de la Commercialisation des Produits Pétroliers (SONACOP) ne réussit toujours pas à couvrir la demande. « Les installations de la Sonacop ne couvrent pas 50% du territoire nationale », affirme unéconomiste – planificateur béninois dans une tribune publié dans la Nouvelle Tribune, un média béninois. « Même à Sémè-Kraké qui est tout proche du Nigéria, il n’y a aucune station. Comme cela on ne pourra jamais venir à bout de ce fléau », affirme Coffi.

L’essence de contrebande a damné le pion à plusieurs grandes firmes comme Total. Selon un spécialiste, « certains comme Oryx résistent encore à cause du marché du gaz domestique. Sans ça, ils seront déjà tous partis ».

La lutte contre l’essence frelatée, Coffi n’y croit pas du tout : « Il y a plusieurs familles qui vivent de ça. Qu’est-ce qu’ils feront si l’on supprimait l’activité. Même si on proposait un plan de réinsertion, aucune autre activité ne pourrait rapporter comme l’essence de contrebande. D’ailleurs, ici certaines autorités locales viennent faire le plein de leurs véhicules avec de l’essence de contrebande. Des policiers viennent ici pour être corrompus ».

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Crédit photo: Hermann BOKO

Selon les experts, ce qui pourrait étouffer le commerce informel  c’est l’arrêt de la subvention qu’accorde le Nigéria  à ses produits pétroliers.

En 2012, la suppression temporaire de la subvention au Nigéria a fait monter le prix de l’essence dans le commerce informel. Ce qui a ramené la population vers les stations publiques.

Mais là encore la Sonacop, celle qui a le monopole de la distribution au Bénin n’a pas pu répondre à la demande et le gouvernement nigérian n’a pas pu résister aux remous qu’a provoqué la suppression de la subvention. Il est revenu sur sa décision au grand bonheur des contrebandiers.

Tout récemment, le gouvernement a proposé l’injection de 3 milliards de francs pour la création de mini-stations.

Mais Henri Doutetien, ingénieur consultant international lance une interrogation : « Et si nous osions formaliser le ‘’kpayo’’ ? Le secteur informel de la vente de l’essence frelatée rapporterait au Bénin 80 milliards de francs Cfa à l’État s’il était bien organisé », dit-il.

Hermann BOKO

 


En Afrique, le développement minier promu au détriment des droits de l’homme

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Crédit photo : Reuters Siphiwe Sibeko

Pendant plus d’un an des citoyens de différents pays, géants miniers, ont vu leurs droits être bafoués par les pouvoirs publics au profit du développement minier.

Le drame de Marikana

16 août 2012, la police sud-africaine tirait sur des mineurs travaillant dans la mine de platine Lommin de Marikana, faisant plus de 34 morts et 78 blessés. Ces mineurs – ils étaient plusieurs milliers – manifestaient pour une hausse de leurs salaires jugés très insuffisants à voir le travail qu’ils abattaient au péril de leur vie. Ils manifestaient pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, jugées très précaires comme celles de Masuli Danga.

Cet extracteur de platine de 28 ans dort et s’entasse tous les jours, avec ses trois jeunes frères dont il à la charge, dans une pièce de trois mètres sur trois. Il rêve d’avoir une habitation assez confortable. « L’autre jour, au fond de la mine, j’ai dit à mon chef que j’avais vraiment envie de reprendre les études. Il m’a répondu : « Mais qui va alors gratter le platine si tu as une éducation ?» Confiait-il à Sébastien Hervieu journaliste au ‘’Monde’’ dans l’un de ses reportages. Lors de la tuerie [de Marikana] « j’étais accroupi sous un rocher, mais j’ai vu trois hommes se faire tirer dessus, l’un se cachait, l’autre fuyait, le dernier voulait se rendre », affirme t’il.

Pour se justifier la police Sud-Africaine avait affirmé qu’elle était en légitime défense. « Les policiers ont dû faire usage de la force pour se défendre contre le groupe qui les chargeait. La police a commencé par utiliser le minimum de force, conformément à notre politique et à la loi. (…) Ce n’est que lorsque cela n’a pas suffi à stopper les manifestants que nous avons utilisé un autre moyen. Et je pense profondément, nous pensons, que cela était justifié ». Avait tenté de convaincre Riah Phiyega, la chef de la police nationale.

Une commission d’enquête a été installée par le gouvernement sud-africain pour faire la lumière sur ce drame. Le 19 septembre 2013, plus d’un an après, cette commission d’enquête rend les résultats de son enquête et accuse la police sud-africaine d’avoir menti.

« Nous avons obtenu des documents prouvant que la version de la police sur les événements de Marikana […] ne correspond pas à la vérité. Nous ne faisons pas cette déclaration à la légère. Ces informations n’ont pas été découvertes par nos chefs enquêteurs, mais volontairement remises par des membres de la police sud-africaine » a-t-elle déclaré.

Des agriculteurs démunis de leurs terres…

 

En Tanzanie, en 2007, des agriculteurs ont été évincés de leurs terres, maisons et plantations pour faire place à une des plus grosses mines d’or du pays. La mine est aujourd’hui gérée par Anglogold Ashanti, une compagnie aurifère basée en Afrique du Sud appartenant à la multinational Anglo American.

Mwajuna Hussein agricultrice de 75 ans issue du village de Mine Mpya, dans la circonscription de Mtakuja, une partie du District de Mwanza, dans la région du lac Victoria affirme avoir été attaquée par les agents de police à 5 heures du matin. « Ils ont arrêté trois personnes, les ont frappées et ensuite ils nous ont jetés ici », dans un campement composé de tentes de fortune construites avec des bâches en plastiques et des morceaux de bois et de métal, aux abords de la ville de Geita, dans le nord de la Tanzanie. Elle y vit depuis six ans maintenant, avec 250 personnes déplacés aussi du village en 2007. Ils n’ont plus les moyens de se refaire bâtir une maison. Tant les compensations et dédommagements données par l’Etat Tanzanien ne sont pas à la hauteur des biens perdus.

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La mine d’or de Geita où des agents de sécurité ont tué dans la semaine du 19 mai 2012, un homme de 20 ans qui tentait avec une trentaine de personnes, d’emporter du sable censé contenir de l’or.

Selon les lois foncières de la Tanzanie, les communautés déplacées par l’État ont le droit de recevoir une compensation adéquate. Il peut s’agir d’argent comptant, de terres ou de bâtiments de qualité comparable. La compensation peut-aussi inclure des plantes et des semences et aussi un approvisionnement régulier en grains et autres aliments de base.

Mais selon une enquête en 2008 beaucoup d’agriculteurs ne comprenaient pas à quel montant ou quel type de compensation, ils devraient s’attendre. Dans un cas, un agriculteur n’a été payé que 400 milles shillings tanzaniens (239 dollars US) pour son petit lopin de terre, sa maison, ses bananiers et ses plants de manioc. Certains disent même n’avoir reçu aucune compensation pour la perte de leurs fermes.

…et des villageois tués de sang froid

 

Toujours en Tanzanie, dans le village de Kewanja, situé à l’extrême nord-ouest du pays, les populations risquent leur vie pour s’approprier les débris, les quelques miettes d’or que génère une mine d’or située sur une montagne « la montagne grise » après exploitation.

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Chaque jour, hommes, femmes et enfants se ruent vers l’immense montagne armés de machettes et de bâtons. Ils escaladent, fouillent dans l’espoir de trouver quelques miettes d’or. Nombreux sont les personnes dans ce village qui vivent de cette activité. On les appelle ‘’the intruders’’ (les intrus en Français).

Le site aurifère appartient à l’entreprise African Barrick Gold (ABG), une filiale de la société canadienne, leader dans le secteur de l’or, Barrick Gold.

L’entreprise a fait garder le site par des policiers et militaires. Quelques fois quand les intrus arrivent, certains policiers corrompus acceptent regarder ailleurs quelques instants. Mais quand la situation n’est plus soutenable, ils n’hésitent pas à tirer sur les populations.

Les journaux locaux titrent régulièrement sur les morts et blessés de la mine. En 2012 au moins huit morts ont été tués devant la mine.

Selon un rapport de l’organisation pour la défense des droits de l’homme Legal and Human Rights Center (LHRC) qui siège à Dar el Salam, capitale tanzanienne le nombre de morts est devenu « alarmant » ces dernières années. Dans la plupart des cas, les coupables restent impunis, dénonce Helen Kijo-Bisimba, Directrice de LHRC.

A l’automne 2012, son organisation a déposé une plainte auprès des Nations unies et de la Cour pénale internationale à La Haye.

Hermann BOKO