Jallaski

Bientôt, le retour des « samarah » au pays des pharaons

Voilà déjà quelques mois que je suis parti d’Alexandrie, cette belle ville balnéaire et cosmopolite. Alexandrie est l’une des principales villes touristiques d’Egypte avec ses grands complexes hôteliers luxueux et les kilomètres de plages aménagées pour les balades le long de la Méditerranée. En termes de sites touristiques anciens, on trouve dans celle belle cité la colonne de Pompée mais aussi les catacombes de Kom Al Shaqafa datant du 1er et 2e siècle après J-C et considérées comme la plus importante nécropole romaine en Egypte. Ces catacombes comprennent trois niveaux de chambres et de tombes creusées dans la roche, jusqu’à 35m de profondeur. On peut visiter également le fort Quaitbay construit sur les ruines et avec les blocs antiques du phare d’Alexandrie, septième des sept merveilles du monde antique. De nombreux autres sites et attraits touristiques tiennent les visiteurs en haleine pendant le parcours de cette ville (Bibliotheca Alexandrina*, El Muntazah Palace, etc.).

Alexandrie
Vue imprenable sur la méditerranée à Alexandrie, avec le fort Quaitbay au fond sur la langue de terre

Tout cela fait bien rêvasser. Mais en réalité, vivre à Alexandrie ou plus généralement en Egypte n’est pas toujours facile surtout lorsqu’on a la peau « chocolatée* », comme on aime bien le dire en Côte d’Ivoire. Les premiers contacts avec l’Égyptien lambda dans notre quartier d’habitation à Khaled Ibn Walid, en plein cœur d’Alexandrie, m’ont négativement marqués. Des rires moqueurs, des cris, des mots arabes dont les significations m’étaient à cette époque-là inconnus étaient mon quotidien. Certains plus teigneux et souvent les enfants ne cessent de t’harceler et te demander l’heure en montrant leurs poignets du doigt, histoire de te dire « regarde ta peau » (on me l’a expliqué bien plus tard car ça devenait saoulant cette affaire de demande d’heure intempestive).

Soudani* ? Where are you from? sont les interrogations récurrentes des Égyptiens qui croisent ton chemin.

Certains jours, tu peux te taper une bonne centaine de ces questions, surtout si tu fais quelques courses dans les boutiques. Certains veulent vraisemblablement faire connaissance, mais pour la plupart c’est purement et simplement pour la raillerie. Après quelques mois, on s’habitue vite à ces stupidités. Maintenant quand je me balade, je ne réponds plus à ces provocations.

Au milieu de tout ce brouhaha arabo-anglais, un mot revient constamment : « samarah* ». C’est un mot difficile à définir. Pour certain ça veut dire « noir, nègre », pour d’autres « africain ». Il faut noter que les quelques amis égyptiens francophones que nous avons à l’université sont toujours un peu gênés quand il s’agit de définir ce mot.

« Ce n’est pas un mot méchant en fait, mais c’est difficile à définir exactement en français », balbutient-ils.

L’Egypte est un Etat très policier avec des lois totalement différentes de mon pays d’origine. On stresse souvent devant certaines situations, mais on prend toujours la vie du bon côté. Voici un pays où l’on est gêné de prendre l’ascenseur avec une femme seule. Lorsqu’il y a une Égyptienne que je ne connais pas dans l’ascenseur de l’immeuble, désolé, je préfère attendre le prochain. Cela peut faire rigoler, mais mieux vaut prendre ses précautions. Je préfère me prémunir de la lapidation. On ne sait jamais, si elle crie par mauvaise foi c’est la catastrophe.

Je reprends donc le chemin de l’Université Senghor d’Alexandrie pour la deuxième année du master dans trois semaines. Plusieurs amis étudiants ont choisi l’Europe ou d’autres pays d’Afrique dont ils ne sont pas originaires pour leurs stages de master, moi j’ai foncé droit au pays pour me re-tropicaliser après avoir vécu une année de galère culinaire. Des épices et senteurs qui ne me conviennent pas, trop sucrés ou souvent trop gras, les mets égyptiens n’arrivent toujours pas à séduire mon palet. A mon arrivée au pays, les repas bien arrosés m’ont remis d’aplomb. Sujet tabou, l’alcool n’a pas bonne presse dans ce pays musulman à plus de 95%. Heureusement, avec mes colocataires, nous arrivons souvent à nous procurer dans les espaces « drinkies* » agréés de la ville, quelques canettes de bière que nous savourons incognito dans notre appartement.

Papyrus
Peinture sur papyrus, au Papyrus Institute du Caire

Encore trois semaines pour me gaver des derniers nectars du pays et bouffer le maximum de garba*. Je prépare d’ores et déjà 23kg de provisions « made in Côte d‘Ivoire » et une bonne bouteille de « brûle en moi* », bas les côcôs* ! Quelques amis téméraires sont déjà arrivés en avance à Alexandrie, moi je vais griller le temps jusqu’aux dernières secondes. Restez connecté, bientôt le résumé en couleurs du retour des « samarah » au pays des pharaons, car les histoires improbables à relater, il y en a toujours avec ces « samarah » originaires de tous les pays francophones d’Afrique noire.

*Bibliotheca Alexandrina : premier centre de référence francophone en Egypte, en Afrique et dans tout le Moyen-Orient. C’est le 4e centre de documentation francophone dans le monde.
*Chocolatée : couleur foncée, comme le chocolat
*Soudani : Soudanien en arabe
*Samarah : expression arabe signifiant vraisemblablement : noir, nègre, africain
*Drinkies : boutique ou espace agréé ou l’on vend des baissons alcoolisées
*Garba : met ivoirien composé d’attiéké (semoule de manioc) accompagné de poisson thon frits
*Brûle en moi : alcool local distillé de façon traditionnel à partir de vin de palme fermenté
*Côcôs : expression ivoirienne pour désigner une personne qui aime profiter de ce que possèdent ses amis sans jamais vouloir payer à son tour


Abidjan-Côte d’Ivoire: enfin des travaux sur l’axe mairie d’Abobo-samanké

Lundi 22 août, il est 16h. De retour d’une course à Adjamé, je fais un détour par le rond-point d’Abobo samanké. Le lourd vrombissement des bulldozers se mêle au brouhaha quotidien qui règne dans cette zone à cette heure. Ces engins décapent facilement l’ancien bitume en piteux état comme un couteau dans du beurre.

Un bulldozer sur le site
Un bulldozer sur le site

« Il était temps, on a trop souffert sur cette route », lance notre chauffeur de wôrô-wôrô* en prenant la déviation mise en place à cause des travaux.

Depuis le week-end dernier, la voie partant de la mairie d’Abobo au carrefour samanké est fermée à la circulation. Ce tronçon d’environ 2km fait la honte de la commune. Il existe de nombreuses voiries dégradées à Abobo et il n’y a probablement pas assez de budget pour tout réparer. Mais laisser cette voie principale dans cet état de dégradation pendant plus de trois ans, c’est difficile à comprendre. Apparemment, les conseillers municipaux et le maire n’avaient pas l’information que la rue longeant la clôture de leur bureau est un véritable chemin de croix.

Il n’y a pas de l’argent, ça c’est une évidence. Mais l’une des raisons pour lesquelles les pauvres populations endurent ce calvaire est que la plupart des responsables communaux cumulent les hauts postes de responsabilité du pays (dans notre cas, ministre dans les gouvernements successif depuis une décennie maintenant) et vivent tranquillement avec leurs familles ailleurs, dans des communes qui leurs ressemblent. Ils n’empruntent jamais cette voie pourrie avec leurs jolies cylindrées. Ils préfèrent la laisser aux gbakas* et à quelques téméraires qui s’y aventurent souvent.

C’est quand même étrange d’être le responsable d’une commune et vivre ailleurs parce qu’on trouve sa commune sale et male organisée. C’est probablement la faute des populations qui versent chaque jour des taxes. Sans rien exagérer, la commune d’Abobo est insalubre et abrite une bonne frange des gangsters d’Abidjan. A tel point qu’on hésite souvent avant de révéler aux amis qu’on habite dans cette commune qui nous fait honte. On attend encore les bras croisés celui qui va venir faire le boulot qu’il faut.

Vue d'une portion du tronçon
Vue d’une portion du tronçon

Par exemple, aucune étude n’a été menée et ne sera jamais menée sur l’impact qu’a ce nid géant de maladie sur la santé des populations riveraines. Toujours humide, même en saison sèche, cette voie présente à plusieurs endroits des piscines stagnantes et bouseuses dont on imagine allègrement l’origine de l’eau. Dans tous les cas, les conclusions d’une telle étude ne serviront à rien.

Bref, 08 mois, c’est la durée des travaux qui nous permettront ne plus faire le détour de cette voie qu’on avait laissée aux gbakas*. Bientôt on pourra venir faire ses courses dans les superettes et autres boutiques qui longent cette avenue, j’aurais moins d’appréhension sur les baguettes de pains de la boulangerie qui y est installée. Bientôt on pourra prendre sereinement un taxi et lui dire Abobo-samaké sans qu’il ne démarre en trombe, vous laissant à la merci des gbakas*.

Lien youtube sur l’état de dégradation de l’axe mairie d’Abobo-samanké. (ajouté le 27 avril 2016)

*Wôrô-wôrô : taxi communaux
*Gbaka : mini-bus de transport


Côte d’Ivoire : les rhinocéros de la Réserve de Faune d’Abokouamékro en danger (2)

« Au pays des éléphants, les rhinocéros blancs sont en voie d’extinction ».

Lors de la publication de notre précédent billet consacré à ces pachydermes en danger qui se sont bien acclimatés au pays, nous étions loin de nous imaginer le tragique événement qui allait suivre.

Le 4 août 2016, à Frondobo, petit village de la sous-préfecture de Tiémélékro (à environ 250 km d’Abidjan, au centre du pays), il est environ 17 heures quand, partout dans le village, on entend des cris de détresses et de terreur. Le rhinocéros qui rôde depuis un moment dans la zone vient de prendre en chasse le chef du village. Le pachyderme en question est un gros mâle d’environ 2 mètres de hauteur, il pèse plus de 2 tonnes. Paisible depuis son apparition dans la zone en 2012, il était devenu de plus en plus agressif ces derniers mois.

Après avoir fait un tour dans la broussaille pour se soulager, le chef, surpris lors de son retour vers le village, est pris en chasse par l’animal. Il est violemment fauché et reçoit un coup de corne au ventre. Transporté d’urgence dans une embarcation de fortune au centre hospitalier régional de Dimbokro (situé à une vingtaine de km), il succombera malheureusement aux blessures profondes infligées par l’animal.

Aujourd’hui, le rhinocéros continue d’errer autour du village, il a même coupé la route à un véhicule de transport le lendemain de ce drame, créant ainsi la psychose au sein des populations.

A Frondobo et dans les villages voisins, les habitants sont apeurés et vivent dans la crainte totale devant ce changement de comportement de l’animal. La population sont unanime, depuis son apparition en 2012 dans la localité, la cohabitation avait toujours été quasiment pacifique. Les dégâts s’étaient limités aux cultures et à la profanation d’une tombe. Une seule tentative d’agression était survenue en mai 2016 et la victime avait réussi à s’échapper.

Pour bon nombre d’habitants de la localité, la quiétude ne pourra revenir qu’après la traque et la mort de ce pachyderme fou et cela se comprend vu la situation délétère actuelle.

« Il faut qu’on nous débarrasse de ce monstre, il crée trop la terreur chez nous », soutient un fils de la localité.

Heureusement, au lendemain du drame,une rencontre a eu lieu avec la population, une délégation de la Direction Régionale des Eaux Forêts de Yamoussoukro, la Mairie de Tiémélékro et la Gendarmerie de Dimbokro. Cela a permis de calmer la population et de traduire la compassion des autorités face à cette malencontreuse situation. Mais point de long discours qui tiennent, les habitants exigent que l’animal soit urgemment déplacé afin de retrouver la quiétude et la sécurité. Par ailleurs, selon la notabilité du village, en de pareilles circonstances, des rituels doivent être effectués par l’administration qui a en charge la gestion de l’animal afin que la victime, qui est un chef de village, soit inhumée dignement, selon la tradition.

Les membres de la délégation ont rassuré la population quant aux dispositions en cours pour le déplacement de l’animal. Ils n’ont pas manqué d’insister sur les mesures à observer pour éviter que l’animal soit de plus en plus agressif. Notons que les raisons profondes de ce changement de comportement du rhinocéros ne sont pas encore élucidées. Selon les dernières informations, recueillies auprès de la direction en charge de la faune, ce gros mâle représente vraisemblablement le dernier spécimen de son espèce en Côte d’ Ivoire. Les récentes recherches menées par la direction sont formelles.

Sur les sept rhinocéros en cavale depuis 2002, seul ce gros mâle est encore en vie, mais pour combien de temps encore ? Il faut veiller à prendre toutes les mesures pour sa protection et probablement penser à en faire venir d’autres d’Afrique du Sud, pour recréer la dynamique de l’espèce en Côte d’Ivoire, comme initiée par feu le président Houphouët Boigny.


« Adaptatténuation », un nouveau concept pour l’Afrique

L’Afrique un jour se lèvera, tirée par des révolutionnaires ayant le goût du risque et du développement. Chaque peuple travaillant et bêchant la terre sans relâche pour y tirer la moindre source de richesse pour rattraper son retard. A ce moment-là, il sera trop tard, les complaintes de mère nature s’évanouiront dans les intérêts capitalistes industriels et des promesses toujours rejetées au lendemain. Il faut d’ores et déjà réfléchir à l’adaptatténuation* de l’Afrique.

5%, c’était le chiffre magique de la 21ème conférence des parties (CoP 21) de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques tenue à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015.

L’écho de ce chiffre a été intensément relayé et médiatisé. Tous les chefs d’Etats africains interviewés ne se sont pas fait prier pour le mettre sur la table. Tous les discours étaient calibrés à 5%. Notre belle Afrique était encore une fois présente à cette conférence non pas pour apporter des vraies solutions durables mais pour quémander des sous en brandissant son arme fatale,

« Ecoutez monsieur, chez nous c’est 5% donc augmentez nos subventions ».

Chez nous c’est 5% depuis quand et pour combien de temps encore ?

L’Afrique a besoin de se développer et cela passe par de nombreux sacrifices. Si tous les indicateurs de développement en Afrique passent subitement au vert, le monde va assister à la pire catastrophe environnementale mondiale de tous les temps.

L’une des principaux poumons de la régulation climatique mondiale, la forêt tropicale africaine regorge de matières premières et de richesses inestimables. L’Afrique possède l’or à gogo, le diamant à gogo, le fer à gogo, l’uranium à gogo et j’en passe. Mais ses populations vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Cette situation peut bien vite changer. Pendant combien d’année encore l’Afrique va accepter de ne pas se développer pour faire plaisir aux généreux donateurs occidentaux qui prêchent à tous vents que les forêts africaines ne doivent en aucun cas être détruites.

Bientôt, la dynamique de développement en Afrique va se démultiplier, le taux de pollution aussi. Ces fameux 5% peuvent passer en moins d’un quinquennat à un vieux souvenir dont personnes ne parlera plus jamais.

De quel type de développement nous parle-ton pour l’Afrique ?

Un développement dit « propre » ?

Qu’est-ce que cela sous-tend au juste ?

Si l’Afrique doit de développer sans polluer, autant retourner à l’âge de pierre. Agriculture manuelle, pas de transport, pas d’industrie, pas de …

Ils ont décidé que les pauvres s’adaptent et les riches atténuent leurs actions. C’est sûr que la réduction des profits n’est pas pour plaire à tous et beaucoup de saupoudrage est réalisé.

Notre continent ne peut pas toujours être tenu par la main et les lois dictées par d’autres. L’Afrique doit se lever et s’ adaptatténuer. Ce concept suppose de s’adapter aux changements actuels en atténuant les actions de développement. C’est donc un ensemble politiques et mesures plus faciles à dire qu’à faire.

Heureusement, plusieurs pays se sont déjà lancés sur cette voie, même si le terme d’ « adaptatténuattion » n’est pas encore utilisé.

Mais dire que l’Afrique ne va pas polluer et va rester à 5% de pollution est une chimère. Dès lors que l’Afrique va prendre le virage d’un développement et d’une industrialisation galopante, elle se comportera comme l’empire du milieu. Les réunions seront organisées mais elle ne sera pas présente car ses intérêts seront ailleurs.

Chaque pays n’est-il pas libre de gérer ses ressources comme il l’entend ?

L’adaptatténuation doit pouvoir garder l’Afrique sur les rails du développement. On a d’ores et déjà les yeux tournés vers la CoP 22 au Maroc.

*Adaptatténuattion: adaptation & atténuation


Pindariquement parlant

Pindarique, c’est le mot d’ordre de ce billet.

Je suppose que tu es pindariquement en train de chercher la signification de ce mot.

« Loin de vous tenir un discours pindarique, je voudrais juste vous parler d’elle »,

Elle est belle pour qui sait détecter la beauté intérieure ; Elle est grande pour qui sait évaluer la taille ; Elle est aimable pour qui l’a déjà rencontré

Vêtue de grâces ; Elle est souvent tombée en disgrâce ; Ses fils, sans grâce, s’acharnant les uns sur les autres

Pourtant nos pères l’ont bâti au prix de mille efforts ; Les dos aux rayures de feux sous le soleil de plomb ; Les chemins furent tracés en éventrant sa belle forêt luxuriante

Des chemins en fer ; Certains d’asphaltes ; Et d’autres nus et poussiéreux

La rigueur des travaux et les complaintes des travailleurs ; Le travail forcé poussant nos pères à bout de force ; Pas une gorgée d’eau pour étancher leur soif

Soif de liberté et de justice ; Recherchée dans les soulèvements populaires ; Dans les actes héroïques et les affronts au maître

De Rubino ou l’extermination du peuple Abbey ; A la marche des femmes sur Grand-Bassam pour la libération de leurs hommes ; En passant par le Rassemblement Démocratique Africain

La protestation enfle ; La colère gronde ; La pression sur le maître s’accentue

Inévitablement les canons tonnent ; Les fusils crachent leurs feux et les arrestations s’enchaînent ; Les herbes humides de sang témoignent de la violence des affrontements

Au milieu de tout ce brouhaha ; Une lueur d’espoir ; Les corps lourds et fatigués guettent la moindre nouvelle

Ça y est, on nous l’accorde enfin ce 07 août ; Quoi donc ? ; Le droit inaliénable de tout peuple de disposer de lui-même

Nos pères l’ont souhaité de tous leurs vœux ; Il est enfin là, joyeux anniversaire à toi pour tes 56 ans ; Joyeuse fête d’in-dépendance à tous les ivoiriens.

Ma pensée s’est pindariquement envolée aujourd’hui vers ce mot caché dans un recoin de mon subconscient et… j’ai écrit, écrit, écrit…Merci Pindard.


Côte d’Ivoire : les rhinocéros de la réserve d’Abokouamékro en danger

Attraction première pour les amateurs de safari, les rhinocéros blancs (Ceratotherium simum) de la Réserve de Faune d’Abokouamékro sont des vestiges de la belle épopée qu’a vécu la Côte d’Ivoire.

Un projet titanesque

Parmi les grands chantiers initiés par feu le président Félix Houphouët Boigny figure en bonne place la réalisation d’un paradis touristique aux portes de la capitale politique, à environ 33 km de Yamoussoukro.

A la différence des autres aires protégées de la Côte d’Ivoire, la réserve, d’une superficie de 20 430 ha, devait être entièrement clôturée. La faune locale n’étant pas assez riche, un projet d’introduction d’animaux était prévu.

Le vieux* voyait grand. Des animaux exotiques des grandes savanes d’Afrique du Sud tels que des zèbres, des gnous, des springboks, des rhinocéros étaient même annoncés.

Après maints remous, c’est finalement 7 230 ha qui sont clôturés de grillages de fer soutenus par des potelets en béton en 1988.

757 animaux appartenant à 16 espèces sont introduits progressivement jusqu’en 1993, année de la dernière vague. Ces animaux ont été capturés dans les Parcs Nationaux de la Comoé (Bouna)* et de la Marahoué (Bouaflé)*. Concernant la faune exotique, deux espèces sont finalement venues d’Afrique du Sud, il s’agit de 6 éléphants et 5 rhinocéros blancs.

Plus de 4 milliards de FCFA ont été investis dans ce projet titanesque.

Un héritage en pointillé…

Avant 2002, la réserve recevait en moyenne plus de 20 000 visiteurs par an, dont plus de 90% de touristes étrangers, venus visiter la ville de Yamoussoukro et sa basilique.

Bubale (Alcelaphus buselaphus) dans la Réserve de Faune d'Abokouamékro
Bubale (Alcelaphus buselaphus) dans la Réserve de Faune d’Abokouamékro

Les amateurs de safari étaient parfaitement satisfaits de la visite. La végétation à dominance herbacée, le magnifique relief dominé par la colline des ambassadeurs et l’abondance d’animaux facilement visibles fascinaient le visiteur.

Cependant, de violentes tensions entre les gestionnaires de la réserve et les populations des sept villages périphériques, à cause des dégâts répétés des animaux de la réserve sur leurs cultures ont conduit à la destruction de ce joyau touristique.

En effet, certains animaux, surtout les éléphants, ayant réussi à se frayer un passage dans la clôture constituée de grillage et de potelets en bétons, s’attaquaient aux cultures environnantes. Ces conflits les hommes et la faune ont finit par exacerber les populations riveraines.

Résultats des courses: toute la clôture de la réserve est détruite en 2002, au grand plaisir des braconniers, qui n’en demandait pas moins.

Aujourd’hui, ce potentiel faunique a fortement diminué malgré les patrouilles de surveillance. Les rhinocéros blancs, emblèmes de la réserve, au nombre de sept, sont en fuite depuis avril 2002.

De nombreuses recherches ont permis de localiser, en 2010, quatre rhinocéros en compagnie d’un troupeau de bœufs dans le village de Brou Ahoussoukro (préfecture de Bocanda, au centre du pays). Ceux-ci auraient menacé de charger des paysans en partance pour les travaux champêtres.

Les services forestiers de Bongouanou ont également signalé la présence de deux rhinocéros dans la sous-préfecture de M’Batto, plus précisément aux alentours du village de N’Drikro (non loin de la zone Bocanda).

Ces animaux de par leur simple présence ont semé la panique au sein de la population qui croyait avoir affaire à des monstres ou des génies, puisque ces animaux ne sont pas originaires de la région et sont donc inconnu des villageois.

Ces rhinocéros, principales curiosités dans la réserve, courent le risque d’être abattus ou braconnés, ce qui serait une grande perte pour le tourisme ivoirien.

On ne connait pas précisément leur effectif actuel. La principale solution envisagée pour l’instant est leur capture et leur réintroduction dans la réserve, à l’intérieur des enclos provisoires, en attendant la réhabilitation de la clôture.

Espérons que tout sera mis en œuvre pour éviter l’extinction de cette espèce exotique qui, au fil des années, s’est bien acclimaté à son nouveau territoire.

*Parlant de feu Félix Houphouët Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire
*Parc National de la Comoé (Bouna) au nord du pays et le Parc National de la Marahoué (Bouaflé) au centre


Salubrité en Côte d’Ivoire, le retour de « maman bulldozer »

Nous sommes en 2012 et « maman bulldozer* » fait fort.

« Je ne savais pas que les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua à Adjamé pouvaient être si propres et dégagés. Regarde, on aperçoit même les premiers bâtiments du Plateau là-bas au loin »,

« Hum ! Donc il y avait une voie bitumée par ici et on faisait un grand détour. Le marché de Sicogi de Yopougou avait occupé à lui seul près de 300m de voirie »,

« C’est l’anarchie au pays mon frère, même les maquis et les boîtes de nuit sauvagement construits à la rue princesse de Yopougou viennent d’être rasés par maman bulldozer ».

Les ivoiriens découvrent Abidjan sous un nouveau jour.

Des kilomètres de constructions anarchiques détruites, des déguerpissements forcés, des ratissages des vendeurs ambulants, le nettoyage des dépôts sauvages d’ordures, l’ouverture des ouvrages de drainage des eaux obstrués par des constructions sur les caniveaux, même les arrêts incontrôlés des gbakas* et autres véhicules de transport en pleine chaussée pour déverser leurs clients ont cessé.

« On respire mieux à Abidjan maintenant », entendait-on.

Autant d’actions qui ont valu à cette dame de fer les félicitations du gouvernement pour le travail abattu et l’affectueux surnom de « maman bulldozer » par les ivoiriens, car la casse elle connait!

Mais apparemment toutes ces actions de l’imposante Anne Désirée Ouloto, imposante dans la forme et dans le fond, ministre de la salubrité urbaine, n’ont pas dû plaire à tout le monde. Un remaniement ministériel en novembre 2012, lui confie un nouveau portefeuille, celui de la famille et de la protection de l’enfant. Les loups aux longues dents tapis dans l’ombre y sont probablement pour quelque chose.

En moins d’un claquement de doigts, c’est le retour au chaos habituel. Je comprends mieux maintenant l’expression : « Chassez le naturel et il reviendra au galop ».

Nos loups et maîtres loups libérés s’adonnent au rattrapage des fonds perdus dans cette affaire de déguerpissement. Les commerçants sur les places publiques sont revenus plus nombreux que jamais. Le business à Nangui Abrogoua et dans les autres marchés d’Abidjan est redevenu florissant. Les billeteurs* des mairies ont retrouvé le sourire et les installations sur les trottoirs vont bon train. Les chauffeurs des véhicules de transport ont également réinvesti les trottoirs et les chaussées, pourvus que les bandes de gnambros* qui règnent en maître sur les trottoirs et autres carrefours reçoivent leur kish*. Les montagnes d’immondices ont inévitablement repris leur place.

« Au-delà du mental, le problème de l’Afrique est génétique », dixit les patrons*.

Drôle d’élus locaux que nous avons. Il n’y a jamais assez d’argent pour les travaux publics, rien ne marche, mais leur train de vie lui ne sait plus marcher, il court et s’envole.

Vraiment, si ce n’est génétique, quel est donc le problème ?

Le retour de maman bulldozer au poste de ministre la salubrité urbaine et de l’assainissement depuis janvier 2016 suscite beaucoup d’espoir. Les échos des activités en cours de réalisation par son ministère sont bons pour redorer le visage d’Abidjan et même des villes de l’intérieur du pays.

L’opération zéro tolérance lancée fait déjà tâche d’huile. Mais tout ce travail ne pourra se faire qu’avec le soutien des élus et des collectivités territoriales. Autant dire que ça va barder.

*maman bulldozer : surnom donné au ministre de la salubrité au vu des nombreuses actions de casse qu’elle a entrepris et aussi à cause sa forme généreuse ;
*gbaka : mini-bus de transport intercommunal ;
*billeteur : surnom donné agents communaux commis pour la distribution et le recouvrement des taxes auprès de commerçants dans et aux abords des marchés ;
*gnambro : groupe de jeunes autoproclamés syndicats qui perçoivent des taxes lorsque les véhicules de transport garent et prennent des passagers sur leur territoire ;
*kish : argent;
*les patrons : un groupe d’artiste zouglou.


Côte d’Ivoire, agriculture vs forêt (1) : « peut-on appliquer nos lois ? »

Le verdict sans appel est tombé ce mercredi matin.

1 an et 6 mois de prison et une amende de 1 million de FCFA, telle est la décision de la justice.

Les deux mains sur la tête, K. est inconsolable. Il semble ne plus avoir la force pour tenir sur ses jambes. Accroché aux deux gardes pénitentiaires qui le conduisent, il se laisse trainer comme un vulgaire sac de patate.

Les membres de sa famille venus le soutenir ne cessent de couler des larmes. Triste scène qui ne laisse personne indifférent. K. laisse derrière lui une femme sans grand moyen financier et six gosses.

« Où allons-nous trouver une telle somme d’argent ?, où ? », sanglote la femme de K. assise à même le sol.

Les prochains mois seront difficiles pour cette petite famille privée de sa cheville ouvrière. En plus, la parcelle qu’ils entretiennent depuis quelques années maintenant vient d’être saisie. Il leur est formellement interdit d’y retourner pour quoi que ce soit.

Elle continue malgré tout de plaider pour qu’on lui permette de récolter quelques produits pour nourrir sa famille, mais en vain. Les agents patrouillent constamment en forêt. La cabane en banco qui leur se sert de logement est en cendre. Sans toit et sans moyen, elle se retrouve livrée à elle-même au cœur de la ville.

La justice est certes sans cœur, mais K. et sa famille sont également sans scrupule. Installés dans une forêt interdite à l’exploitation agricole, ces derniers pratiquent une agriculture extensive et se plaisent à ne respecter aucune règle.

K. a tout perdu aujourd’hui car il a sous-estimé la loi. En plus de son ancienne exploitation de cacao, il vient de créer deux nouvelles plantations malgré les injonctions des agents forestiers après ses récentes tentatives découvertes et détruites. Pis, il s’adonne également au commerce de parcelle et installe d’autres agriculteurs.

Droit de l’homme, défaillance de l’Etat, malversation des gestionnaires des forêts, peut-on réellement appliquer nos lois forestières ?

Autant dire que les personnes comme K., il y en a à profusions dans nos forêts interdites d’exploitation. A ce rythme, l’Etat doit se préparer à construire chaque mois de nouveaux pénitenciers, s’il veut appliquer le nouveau code forestier promulgué en juillet 2014.

Comment est-on arrivé à ce stade-là ?

A suivre…


Papier journal, un emballage pas forcément très sain pour nos aliments

Un peu partout en Côte d’Ivoire, beignets, gâteaux, bananes braisées, pains et autres mets sont généralement servis avec comme seul emballage, du vieux papier journal. Dans les écoles primaires et secondaires, les boutiques de quartiers et les abords des voies publiques, c’est le même constat. Il arrive même que certains enfants après avoir goulûment dégustés leurs beignets, lèchent ou mâchonnent un bout de cet emballage pour en retirer tout le suc de leur met.

Un emballage moins cher

En effet, la prolifération de ce type d’emballage est due à la surproduction et à la mévente de certains journaux. Après la vente dans les kiosques à journaux, le surplus est bradé à certains acheteurs qui entretiennent des commerces parallèles de vieux journaux. Ceux-ci les revendent quand ils n’en ont plus besoins aux petits commerces ou aux boutiques pour l’emballage de leurs produits.

Ceci dit, c’est un emballage pratique, facilement disponible et très prisé pour son prix très bas, entre 25 et 50fcfa le journal entier. Face à cette utilisation massive du papier journal comme emballage alimentaire, il convient de s’interroger sur l’opportunité de cet emballage.

Adapté pour l’alimentation ?

Tous les emballages pouvant entrer en contact avec les denrées alimentaires doivent répondre à des exigences, de façon à ne communiquer aucun goût aux aliments ni laisser migrer certains de leurs constituants.

Notons que dans le cas précis des journaux, ils sont généralement fabriqués à partir de papiers recyclés, des extraits ou déchets de bois et d’huiles minérales provenant venant de produits pétroliers.

Les substances chimiques utiles lors du tri et du recyclage du papier usagé coûtent beaucoup trop cher. Pour minimiser les coûts de production, les tris et les traitements sont souvent réduis. Le papier recyclé est donc à la base déjà contaminé. A cela viennent s’ajouter les phtalates* des encres et vernis d’impression des journaux.

Les encres colorées modernes (et certaines recettes anciennes) font appel à l’usage de pigments très toxiques (métaux lourds en général) et d’additifs stabilisant qui peuvent être de puissants allergènes (isocyanates* dans certaines encres modernes), notamment lorsqu’ils sont respirés.

Les pigments sont souvent dilués dans un solvant (eau, alcool ou autre solvant organique). Certains solvants sont toxiques quand ils sont respirés, avalés. Les encres d’impression contiennent de nombreuses substances différentes. Cela représente une source importante de toxicité. Il est recommandé de ne pas les laisser à portée des enfants.

Les papiers imprimés ou contenant d’une façon ou d’une autre de l’encre, ne doivent pas entrer en contact avec les aliments, surtout quand on ne maîtrise pas l’origine des encres utilisées.

Seulement voilà, quel emballage alimentaire est-il proposé à toutes ces braves personnes qui essaient de gagner dignement leur vie par un petit commerce, vu que les emballages plastiques sont également interdits d’usage ?

« Si je n’ai pas le plastiques et qu’on m’interdit le journal, c’est peut avec les cahiers de mes enfants de je vais vendre », ironise ma vendeuse de beignet matinal.

Peut-on nous rassurer que ces journaux sont imprimés avec de l’encre végétal et traités pour accueillir, pour une seconde vie, des aliments ?, comme c’est le cas dans certains pays développés où toute une industrie s’est développée autour de ces types d’emballages.

« Je vous invite à déguster mes beignets servis dans un journal de la place datant du mercredi 25 mai 2016. Miam! Très bon je vous assure ».

*Phtalates : Groupe de composés chimiques dérivés de l’acide phtalique servant à produire des résines et des colorants
*Isocyanates : substances chimiques très réactives, extrêmement volatiles à l’état gazeux ou liquide utilisé dans le secteur industriel (papier, textile, adhésif, isolation, etc.)


Abidjan-Banco : qualité douteuse de l’eau utilisée par les « fanicos »

Aux premières lueurs du jour, la rivière Banco située à proximité de l’autoroute entre les communes d’Adjamé et Yopougon est prise d’assaut par les fanicos*. Les linges tendus à même les herbes à la mi-journée présentent un concert de couleurs vives et étincelantes avec l’action du soleil de plomb.

De nombreuses balles de vêtements disposés çà et là, les fanicos sont en pleine action. Le matériel de travail se compose d’une grosse pierre polie autour de laquelle est posé un vieux pneu de voiture. Le torse nu pour certains, les pieds dans l’eau et un savon à la main, ils s’attellent à terminer le plus rapidement possible la lessive.

« Il ne faut pas trop faire attendre les clients sinon ils ne vous confient plus leurs vêtements », affirme l’un d’eux.

Le savon artisanal utilisé communément appelé kabakourou*, est un mélange de soude caustique et d’huile de palme porté à ébullition et transformé manuellement en boule à la fin du processus. C’est sa dureté et sa résistance à l’usure qui lui a valu se sobriquet.

« Avec un petit morceau de savon de 100fcfa, on peut laver des dizaines de vêtements », nous a confié D.

Les vêtements abondamment savonnés sont battus sur la pierre, polie par l’usure. La lessive se fait dans une sorte de lac créé par la jonction entre la rivière Banco et la lagune Ebrié et le séchage sur les herbes environnantes. Figurez-vous que la même eau est utilisée pour laver et rincer les vêtements. Étrange non ? Cette eau doit avoir des vertus qu’on ignore. Jamais elle ne se salit pour eux.

En saison de pluie, la lagune reprend ses droits dans cette zone ce qui n’est pas fait pour déplaire aux fanicos. Ils profitent du renouvellement de la qualité de leur eau de lessive. On doit donc attendre la pluie pour que cette eau dans laquelle la lessive est faite tous les jours soit un peu renouvelée.

Lorsqu’on sait également que la lagune Ebrié est fortement polluée par les rejets d’ordures, les eaux usées et autres vidanges des domiciles, on se demande bien entre l’eau apportée par la lagune et celle du lac des fanicos, laquelle pollue l’autre.

Plonger un appareil de mesure de pollution dans cette eau risque probablement d’endommager l’appareil. C’est peut-être pour cela que les services de métrologie de la pollution lagunaire ne font jamais de prélèvement et des mesures dans cette zone. La lagune n’a qu’à se débrouiller pour s’auto-purifier, sinon qu’elle en discute avec la mer qui peut éventuellement la soulager.

Malgré la couleur sale de cette eau de lessive des gamins trouvent le moyen d’organiser des parties de baignades sous le regard indifférent des fanicos. Ceux-ci ne s’inquiètent guère du caractère boueux que prend petit à petit l’eau avec l’agitation des enfants.

Le faible coût de la prestation des fanicos oblige, de nombreux abidjanais continuent de leur confier leurs vêtements, malgré tous les risques que cela comporte. Espérons qu’ils savent vraiment dans quelles conditions sont traités leurs vêtements. Une professionnalisation de ce métier s’impose.

*Fanico : « Laver le linge » en langue Malinké
*Kabakourou : « cailloux » en langue Malinké


Un regard, un sourire, un acte insouciant mais salutaire

Il est environ 10h ce matin-là à Korondougou, petit village situé à 19 km au sud d’Odienné. La cour de l’école primaire publique reprend vie.

Les oiseaux perchés dans les feuillages des arbres de l’école semblent étonnés de revoir ces petits garnements bruyant venir troubler leur quiétude. Pourtant, c’est la période des vacances scolaires depuis quelques semaines et les écoliers ont rangé loin, cartables et manuels scolaires.

Les élèves des classes de CE2*, CM1* et CM2*, convoqués par le directeur de l’école, sont sur leur 31* et attendent devant leurs salles de classes respectives. Les tenues scolaires kakis pour les garçons et bleues-blancs pour les filles ont été soigneusement lavées, rafistolées pour certains et dressées pour la circonstance.

« Monsieur le Directeur, notre activité de ce matin est plutôt salissante, les élèves auraient dû venir dans des tenues diverses de leur choix ».

Le directeur m’explique en souriant comment le griot du village est passé de cour en cour pour stresser les parents sur l’activité et le dressing code des élèves.

« En tous cas demain, personne ne dira que le griot ne fait pas bien son travail », ajoute le directeur.

En plus de la soixantaine d’élèves, tous les instituteurs de l’école et les représentants de la chefferie sont présents.

Après la cérémonie de bienvenue, l’activité commence avec les élèves.

Séance de démonstration du planting aux élèves
Séance de démonstration du planting aux élèves

En des termes simples, j’explique aux élèves réunis sur la parcelle à reboiser ce qu’est une plante, ses différentes parties, comment on obtient les pépinières à partir des graines et la phase tant attendue du planting.

Attentifs, ils écoutent les explications et regardent les étapes pour mettre le plant en terre :

  • ouverture délicate du bas du sachet du plant ;
  • dépôt du plant dans le trou et retrait de tout le sachet de pépinière ;
  • fermeture du trou en commençant d’abord par la terre noire puis la terre moins noire, dans notre cas ocre ou rouge suivant votre sensibilité.

(Notons que des instructions avaient été laissées aux jeunes du village chargés de la trouaison pour séparer la terre de surface noire et celle du fond ocre).

Planting en utilisant la terre noir pour remplir le trou et ensuite la terre ocre ou rouge
Planting en utilisant la terre noir pour remplir le trou et ensuite la terre ocre ou rouge

On sent monter l’excitation des enfants d’en découdre avec cette affaire de planting. Mais il faut bien s’assurer que « c’est bien rentré dans les tibias »*. Deux élèves, une fille et un garçon, viennent répéter l’opération devant les autres. Parfait ! On peut lâcher les loups.

En rang et par groupe de deux sous la conduite des enseignants, les élèves vont chercher les plants convoyés ce matin même pour réaliser le planting (une pépinière pour l’école étant prévue à la rentrée prochaine pour poursuivre les reboisements sur 6ha au total).

A cet exercice-là, B.Y, à qui nous avions voulu interdire l’accès au site pour manque de chaussure, m’a beaucoup impressionné. Ses allers-retours rapides pour récupérer les plants et faire le planting ont mis K.O son binôme qui n’arrive pas à suivre son rythme.

Vue de la parcelle de reboisement et des élèves en pleine activité
Vue de la parcelle de reboisement et des élèves en pleine activité

En moins de 2 heures, les 1667 plants de tecks (Tectona grandis) sont mis en terre sur les 2 hectares préalablement préparés (écartement de planting : 3mx4m).

Le regard vif et le sourire aux lèvres, B.Y et son binôme (image 1) ont mis en terre pas moins 50 plants soit environ deux fois plus que les autres élèves. Ils remportent haut les mains ce que j’ai dénommé « la palme du reboiseur ». Le prix : un gros paquet de biscuits. Des friandises sont également distribuées à tous les autres élèves.

Le planting d’arbre, un acte anodin pour ces enfants plutôt amusés par l’activité, mais ô combien important pour notre planète qui ne cesse de subir les affres des changements climatiques.

*CE2 : Cours Élémentaire 2ère année
*CM1 et CM2 : Cous Moyen 1ère et 2ème année
*Etre sur son 31 : porter un habit de fête, en référence au 31 décembre du nouvel an.
*C’est bien rentré dans les tibias : expression populaire pour dire que « bien assimilé »


Abidjan : le philosophe du « pile ou face »

« Je suis Ivoirien, tu es Ivoirien, nous sommes Ivoiriens, cette manière de s’exprimer a diablement évoluée aujourd’hui », dixit le philosophe.

Il n’y a plus d’ « Ivoiriens » dans les rues de babi*. J’ai eu l’occasion d’assister à un cours magistral à ce sujet dans un gbaka* en rentrant chez moi.

Assis à l’arrière du véhicule ce mec, le philosophe, a réponse à tout. Mais son humour débordant laisse souvent place à des discussions inutiles et enflammées avec ses voisins de sièges qui ne lâchent pas l’affaire.

Comme toujours, les sujets politiques tiennent en haleine et passionnent les foules. Et cet anonyme semble versé dans les rouages de cette science. Ce soir-là nous voilà plongés dans le pro gbagbo-isme et le pro ado-isme.

Les pro Gbagbo ou LMP sont les partisans de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et les pro ADO ou RHDP sont les partisans du président actuel Alassane Ouattara. La crise politico-militaire qu’a traversée le pays a conduit à la naissance de ces deux blocs, encore sources de tensions aujourd’hui.

Notre philosophe du jour modère les débats en discriminant les intervenants dans l’un ou l’autre bloc.

– « …tu vois par exemple comment le bitume est en piteux état sur cette voie », lance un jeune homme ;

– « Ça, c’est ton coté LMP qui parle cher ami », réplique le philosophe ;

– « Actuellement, les tas d’immondices jonchent le long des voies de la ville. Abidjan est devenu trop sale même », ajoute un autre.

le philosophe : « Toi tu es aussi LMP à ce que je vois » ;

– « Mais vous ne voyez pas tous les efforts qui sont faits, les ponts, les échangeurs et autres investissements. C’est le développement, le pays avance », renchérit un autre ;

le philosophe : « Voilà un RHDP qui se réveille, prêche mon frère ! », ironise-t-il ;

– « On parle d’insécurité et de cherté sur les marchés et toi tu parles de pont, c’est ça on mange à Abidjan ici », ajoute vigoureusement un homme qui a l’air assez âgé ;

le philosophe : « Un LMP pur et dur celui-là. Les temps ont changé mon vieux » ;

– « Franchement, les nombreux emplois créés et les projets pour sortir les jeunes de la pauvreté sont à encourager. Le gouvernement fait de son mieux », explique un passager à ma droite ;

le philosophe : « Lui c’est un ministre RHDP on dirait », dit-il d’un ton moqueur ;

– « Regarde la réhabilitation des universités du pays, c’est une fierté », ajoute une autre femme ;

le philosophe : « RHDP tu es ma sœur », dit-il en montrant la femme du doigt ;

– « Mais, tu parles de quoi. Tu es déjà arrivée à l’université là-bas, il n’y a même pas de matériel de travail pour les enseignants et les étudiants », reproche l’homme âgé de tout à l’heure ;

le philosophe : « Attaquant LMP ce vieux », se tord-t-il de rire ;

– « Ne dis pas ça Youssouf, regarde plutôt le meilleur avenir qui attends les étudiants », reprend la même femme ;

le philosophe : « Quoi ? Mais le vieux Youssouf tu es du nord du pays mais tu parles comme un LMP, qu’est-ce qui n’a pas marché », demande-t-il étonné ;

– « Je ne suis pas LMP mon ami, j’ai mal au cœur c’est tout », reprend Youssouf ;

– « … ».

C’est un minibus bruyant et plein de LMP et de RHDP que je quitte en arrivant à mon arrêt. Si tu n’es pas l’un, c’est que tu es l’autre nous a enseigné notre philosophe du jour.

« C’est une affaire de pile ou face », a-t-il expliqué avec humour.

En y réfléchissant, que suis-je ?, qu’es-tu ? LMP ou RHDP?, pile ou face?

Dans de nombreux pays surtout en Afrique, les manigances politiques divisent les populations en deux ou plusieurs clans prêts à s’entre-déchirer au nom d’un tribalisme ou d’un régionalisme qui n’a pas sa place. De telle sorte que, quoique le gouvernement en place réalise, l’écho est négatif pour l’autre camp. Pis, on mène même des actions pour nuire et empêcher certains projets de développement quand cela est possible.

C’est malheureusement le cas de ma belle Côte d’ Ivoire.

En ce qui me concerne, je n’ai pas encore réponse à cette interrogation. Peut-être parce que je n’ai jamais glissé un bulletin de vote dans une urne de ma vie. Pourtant ce n’est pas les occasions qui ont manquées.

Je suis probablement pro celui qui me nommera ministre.art_empreintes_8.3

*Babi: Abidjan en langage populaire ivoirien

*Gbaka: minibus de transport


Mondoblogeur, Mondojournaliste, Mondo…

Il y a des discussions dont on ne sait plus comment elles ont commencées mais qui vous marquent.

Comme très souvent dans les quartiers populaires d’Abidjan, les parents se retrouvent avec les voisins ou avec d’autres amis du quartier pour, dit-on, tuer le temps…

Cet après-midi-là, j’avais décidé de faire un petit tour en famille. Mon père était assis avec son meilleur pote du quartier et cela faisait un bon petit moment qu’ils discutaient.

Ordinateur sous le bras et écouteur au cou je suis venu m’installer sur une chaise, juste à côté d’eux pour rechercher un peu d’inspiration et pour terminer un article pour Mondoblog.

J’entend mon père dire : « Ah lui ! Il est devenu journaliste maintenant  ! Il est sur internet pour rfi »

Je suis au centre de leur causerie apparemment.

« Journaliste ? » , cela me fait sourire intérieurement.

« Il passe tout son temps libre à coucher des mots sur le papier et sur internet, c’est un vrai journaliste je te dis », continue-t-il.

Je ne sais pas si je suis un journaliste. Je sais juste que je ne couche pas les mots : je les mets debout, je les fais danser, je les fais valser.

Je n’écris pas simplement mais je pianote. J’aime les sons, les rimes et la sonorité des mots.

Sous ma plume, les consonnes libèrent en zouglou* pendant que je coupe et décale* les voyelles.

Tout le texte vibre aux sons et aux couleurs des sonorités bien ivoiriennes.

Ainsi, le vocabulaire se fond dans l’harmonie d’un bôlo-super* au clair de lune.

L’orthographe s’envole en kpaklo* et retombe en okin-ninkpin*.

La grammaire se débrouille en kpangô*, la danse des grand-mères, mais elle n’est jamais fatiguée fatiguée*.

La conjugaison quant à elle juge la garnison de temps en temps.

Puis je publie ce savant cocktail  sur le site mondoblog.org.

Mais disons-le tout haut et en chanson:

« au commencement de Mondoblog, moi je n’étais pas préseeeent, c’est quand le wagon passait que je suis monté dedans aussiiiiii ! Yoyo yo ! Hip-hop ! Yoyo yo ! Mondoblog Yoyo yo ! », dixit Yodé et Siro**

Après mon inscription pour la 5e édition, j’ai reçu un e-mail m’indiquant que je pouvais participer à cette merveilleuse aventure qu’est Mondoblog, une tribune d’expression libre 2.0.

Bref ! Aujourd’hui, je suis Mondoblogueur, peut être Mondojournaliste ou encore Mondo…

Aider moi à expliquer cela à mon père et à son pote.

Connaisseur connaît, gaou passe !

* Noms de danses populaires en Côte d’Ivoire : zouglou, coupé et décalé, bôlo-super, kpaklo, okin-ninkpin, kpangô, fatigué fatigué.
** Extrait tiré d’une chanson des artistes ivoiriens Yodé et Siro. Remplacez « Mondoblog » par « zouglou » et vous aurez le texte original de la chanson.


Agriculture égyptienne, un géant au pied d’argile (2)

Parcelles agricoles aménagées en bordure du Nil (crédit photo: www.news.nationalgeographic.com)
Parcelles agricoles aménagées en bordure du Nil (crédit photo: www.news.nationalgeographic.com)

Parler d’agriculture en Egypte revient à parler inévitablement du Nil.

Le Nil est le deuxième plus long fleuve du monde. Sa longueur est d’environ 6500 kilomètres. Il parcourt 8 pays : le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, l’Ouganda, l’Ethiopie, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Egypte, il borde le Kenya et la République Démocratique du Congo.

Agriculture nouvelle, problème nouveau

Le territoire égyptien étant composé en grande partie de terres désertiques ou arides, 95% de la population se concentre dans le delta et la vallée du Nil, soit environ 33% du territoire total. Cela fait du delta du Nil l’une des régions les plus densément peuplées de la planète avec environ 1540 habitants au kilomètre carré.

La capitale (le Caire) regroupe presqu’un dixième de la population totale. Cette urbanisation va de pair avec une destruction des terres agricoles dans ces mêmes zones qui sont pourtant des terres de hautes qualités pour les cultures.

Jadis, l’Egypte se caractérisait par une agriculture de décrue. Elle consistait à cultiver des terres noyées par la crue annuelle du Nil. Cela permettait de noyer le sol et de recharger la nappe qui se mettait à affleurer. L’abaissement progressif de la nappe avec la décrue laissait suffisamment d’eau et de sédiments pour permettre la plantation de céréales et de légumineuses.

La culture sur décrue a été améliorée par la création d’aménagements hydrauliques afin d’augmenter la surface cultivable. La qualité de cette agriculture donnait d’assez bons rendements avec même l’exportation de l’excédent.

Ces modifications du système hydro-agricole ont ainsi permis d’introduire de nombreuses plantes particulièrement gourmandes en eau : le coton, la canne à sucre et les agrumes. La construction du haut barrage d’Assouan en 1970 représentait alors le summum de l’innovation pour l’agriculture.

Cependant, à cause de ce barrage, il n’y a plus de crues et le Nil n’est plus que l’épine dorsale d’un système généralisé d’irrigation par canaux. Toutes les surfaces cultivées actuellement sont irriguées. Plus de 80% des eaux prélevées le sont pour l’agriculture. La capacité agricole de l’Egypte semble être à son maximum.

L’agriculture irriguée est aujourd’hui au cœur de l’économie égyptienne et représente près de 11% du PIB du pays.

Les cultures pratiquées sont extrêmement intensives. Les aires cultivées portent aujourd’hui deux à trois cultures par an. Malgré cela, les exportations agricoles de l’Egypte sont loin de compenser les importations dont elles représentent moins de 10% en valeur.

De plus, la population égyptienne ne cesse d’augmenter. Elle est estimée à plus de 85 millions d’habitants. La forte demande alimentaire oblige le pays à développer sa capacité agricole en agriculture vivrière.

Des projets de grande envergure pour l’irrigation sont constamment réalisés. L’eau du Nil est très sollicitée, si bien que peu d’eau atteint désormais la mer ce qui pose des problèmes écologiques surtout au niveau de la faune aquatique.

Bientôt la guerre du Nil

Les sept autres pays, sus-cités, en aval du Nil ont également pour seule ressource en eau le fleuve.

L’hégémonie de l’Egypte dans cette zone lui permet actuellement de s’accaparer d’une part importante de ces eaux mais l’Ethiopie et le Soudan, en amont, cherchent à utiliser plus d’eau pour l’irrigation ou l’hydro-électricité ce qui engendre des tensions entre Etats.

Site de construction du barrage de Grande renaissance en Ethiopie (crédit photo: www.agenceecofin.com)
Site de construction du barrage de Grande renaissance en Ethiopie (crédit photo: www.agenceecofin.com)

La construction du barrage de Grande renaissance en Ethiopie a sonné le glas des relations avec l’Egypte et les supputations vont bon train. Certaines informations font même état du désir de l’Ethiopie de détourner purement et simplement le Nil de sa course actuelle pour irriguer abondamment ses terres agricoles. Les nombreux pourparlers entre les différents pays ont fait prendre du retard au projet qui était prévu pour être achevé en 2015.

Motuma Mekassa, ministre éthiopien de l’eau, de l’irrigation et de l’énergie, a réitéré en février dernier la volonté de son pays de conduire à terme cette infrastructure pharaonique au nez et à la barbe des pharaons.

Tous ces pays seront confrontés à une compétition pour l’eau entre l’agriculture vivrière, qui doit nourrir la population, et l’agriculture d’exportation. L’augmentation démographique combinée avec les risques climatiques et le développement des activités agricoles et industrielles risque d’engendrer des tensions liées à l’usage et la répartition des ressources en eau.

L’agriculture égyptienne, belle et productive, mais pour combien de temps encore ? Le Nil s’essouffle déjà.

Références:
– Banque Mondiale. Agriculture, valeur ajoutée (% du PIB 2011-2015), https://données.banquesmondiale.org/indicateur.NV.AGRI.TOTL.ZS, juin 2016.
– Hélène Leman et Brice Auvet. Agriculture et eau : Le cas du Nil. Atelier : l’eau Qualité vs Quantité, Ecole Normale Supérieure, CERES-ERTI, 2013.
– Selim Jahan. Rapport sur le développement humain. Programme des Nations Unies pour le développement, 2015.


Une pluie, trois transports

Gbaka
Mini bus communément appelé Gbaka (crédit photo: linfodrome.com)

Adjamé – en bas du pont, il est 19h. Une foule s’amasse progressivement le long de la voie. On sent une excitation et un empressement dans les comportements.

Chacun veut rentrer à la maison au plus vite après une journée éprouvante mais les gbakas* se font de plus en plus rare. Tous arrivent à notre niveau déjà bourrés et les apprentis ne cessent de nous narguer.

« Eeeh ! Adjamé à cette heure devient dangereux, surtout avec cette affaire de microbes** de plus en plus récurrente », s’inquiète une dame aux formes généreuses qui, je l’espère, ne sera pas ma voisine de siège dans le véhicule.

Pour dire vrai, elle n’a pas du tout tort. Cet endroit précis de la commune d’Adjamé à la tombée de la nuit n’a pas bonne réputation. Dans cette foule qui s’amasse, tous ne sommes pas là pour la bonne cause. Et il n’est pas rare de constater la disparition de son porte-monnaie comme par enchantement. Autant dire que les brebis apeurées sont sur le territoire des loups.

L’air s’est peu à peu rafraîchi. Un léger vent se lève de temps à autres et fait tournoyer des emballages plastiques jonchant la chaussée.

Un éclair super lumineux suivi d’un coup de tonnerre violant nous annoncent ce qui nous attend dans les minutes à venir. L’excitation monte d’un cran. La lutte pour l’accès aux portes des gbakas s’intensifie.

Tenant l’arrière du boubou d’un homme, deux femmes luttent avec la dernière énergie pour avoir le précieux sésame.

« La galanterie est déjà rentrée chez elle ce soir », me suis-je dit.

Il faut s’aider des pieds, des coudes et autres astuces pour espérer y arriver. Ma bouche et mon nez se retrouvent projetés et collés contre les aisselles humides et pestilentielles du jeune homme devant moi, vêtu d’un t-shirt sans manche. J’ai encore la chair de poule en me remémorant ce goût salé et piquant.

Au même moment, de grosses gouttes de pluie fouettent mon visage. Aucun abri sûr ne peut nous accueillir, il faut coûte que coûte partir au plus vite.

« Abobo-gare, direct, 500fcfa avec la monnaie », lance l’apprenti du gbaka qui vient d’arriver en battant violemment la portière du véhicule.

« 500 là, ça c’est trois transports ! », s’exclame une femme qui semble avoir de sérieux problèmes avec la langue de Molière.

« La vielle si tu veux, tu peux dormir ici. Tu ne vois pas la pluie là », continue l’apprenti.

En effet, aux heures creuses, le transport pour cette même ligne coûte 100fcfa et aux heures de pointe 150fcfa, soit trois fois moins que le prix de ce soir. On dira 200% de bénéfices pour l’apprenti et son dioulatchè***.

Le cœur serré, nous empruntons le minibus et payons les « trois transports ».

*Mini bus de transport entre certaines communes d’Abidjan
**Nouveau phénomène d’enfants gangsters braquant à l’arme blanche
***Patron ou propriétaire du mini bus de transport


Abobo-Baoulé : « un village résidentiel » au cœur d’Abidjan

« Bienvenue à Abobo-Baoulé, Cité de grâce », tel est le message qui vous accueille à l’entrée de ce petit village rattrapé par l’extension galopante d’Abidjan.

Coincé entre la commune de Cocody et celle d’Abobo, ce petit village paisible séduit plus d’un.

« Village me direz-vous ou quartier résidentiel ? », apparemment chacun peut faire sa propre analyse.

Rond-point aux couleurs vives, bitume en parfait état sur les grandes artères du village, jardins publics soigneusement entretenus et clôturés, églises aux architectures imposantes, immeubles et autres logements somptueux, salle de spectacles équipé de matériel dernier cri, espace gastronomique, etc.

« Non ! Ça n’a plus rien d’un village ».

Le village en images :

Ce petit village reposant est devenu un véritable quartier résidentiel qui accueille les cadres travaillant dans les plus grandes entreprises de la ville d’Abidjan. Il s’est illustré par son développement fulgurant basé sur une dynamique mise en place par les fils et filles du village.

La chefferie, utilisant les cotisations et autres dons des populations, a initié des véritables actions de développement, à savoir entre autres : la construction d’écoles, de maisons et d’immeubles pour la location, d’une salle multifonction équipée et dédiée aux mariages et autres grands évènements, le bitumage des principales artères, l’électrification, etc.

« L’exploitation de nos différentes réalisations nous permettent de renflouer la caisse commune du village pour financer les actions prioritaires de développement décidées consensuellement », nous a appris Charles D., fils du village.

Malgré quelques remous suscités par une gestion financière opaque de l’ancien chef, le village a retrouvé sa sérénité d’entre temps avec son nouveau conseil villageois. Cela se ressent car il fait bon vivre à Abobo-Baoulé, bien qu’elle se trouve dans la commune considérée comme la plus instable de la ville d’Abidjan à cause de la horde de bandits qui y font souvent la loi au grand dam des populations.

Belle expérience à suivre par les autres villages du pays pour amorcer leur développement inclusif.


Agriculture égyptienne, un géant au pied d’argile

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Cultures en bordure du Nil (crédit photo: www.detectivarium.fr)

A cheval entre l’Afrique et l’Asie, l’Egypte fait partie des pays les plus avancés en développement sur le continent Africain. Pour nourrir sa population sans cesse croissante estimée à plus de 88 millions d’habitants, le pays utilise les meilleures techniques agricoles du moment.

Le Nil qui court le long du pays représente l’un des atouts majeurs atour duquel se développe cette agriculture. Aussi, le long de l’autoroute du désert reliant la capitale, le Caire, à Alexandrie, l’ambitieux projet « green desert » vous fait-il halluciner.

« Vraiment fantastique de voir comment des terres si arides et sèches sont reverdies », s’expriment généralement les nouveaux visiteurs.

Pour le commun des mortels, emprunter une route appelée « autoroute du désert », on s’attend à voir des dunes de sable partout avec des chameaux chancelant çà et là sous quelques dattiers perdus au milieu de nul part…

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Serre couverte pour l’agriculture dans le désert

C’est presque cela sauf que, l’attention du voyageur est tout de suite attirée par les énormes serres couvertes qui jalonnent le trajet, des vastes étendues de cultures parfaitement alignées qui serpentent sur les collines lointaines. Vignobles bourgeonnant, bananerais aux régimes généreux, orangerais aux gros fruits mûrs et autres cultures à perte de vue, tel est le décor coloré qui vous accueille sur votre trajet dans le désert égyptien. Cette abondance se traduit également sur les marchés des grandes villes. On y rencontre des étalages plein de légumes et de fruits frais succulents qui ne désemplissent jamais de clients.

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Étalage de fruits et légumes (crédit photo: boulitikblabla.unblog.fr)

Avec environ 09 millions d’habitants au Caire, 05 millions à Port Saïd et 04 millions à Alexandrie pour ne citer que ceux là, les villes égyptiennes ont besoin de grandes quantités de vivres pour nourrir leurs populations respectives. L’agriculture doit trouver les voies et moyens pour satisfaire cette demande massive et réduire les éventuels coûts d’importation de produits agricoles.

En réalité, tout cela est un véritable casse-tête pour l’Egypte. Cette belle agriculture, jadis florissante sur les bords du Nil, court tout droit vers l’agonie.    A suivre…